La figure 68 montre l'évolution de la
répartition par classes de diamètre des individus de
Vitellaria paradoxa au sein des parcs de différentes
régions du Bénin. Les courbes ont une allure ératique
caractéristique des espèces typiquement héliophiles. Les
classes modales diffèrent d'une courbe à une autre. C'est une
espèce structurante, dépendante de la lumière pour sa
régénétaion. Ceci témoigne de la relation entre
structure diamétrique et le tempéramment de l'espèce.
Plusieurs auteurs ont utilisé la taille des classes de hauteur ou de
diamètre pour mesurer la structure des populations de karité. Les
caractéristiques utilisés varient selon les auteurs: le
diamètre au collet (RENNES, 1961), la hauteur (HOPKINS, et al.,
1984; LAWSON, et al. 1968 ; GIJSBERS et al. 1994), la
tige (BONKOUNGOU, 1987). Mais plusieurs autres auteurs (PARADIS & HOUNGNON,
1997; CUNNINGHAM, 2001; SOKPON & BIAOU, 2002; SINSIN et al., 2003;
GBEDJI, 2003) ont utilisé le diamètre et indiqué que la
distribution par classe de diamètre est une méthode efficace pour
mesurer l'impact des pratiques de récolte sur la
régénération des espèces. Il est également
important de prendre en compte dans cette étude, le stade de
développement et le tempéramment des espèces. La
régénération est présente de différentes
manières dans tous les parcs.
· La survie de l'espèce est compromise dans les
champs cultivés et les jachères d'un an puisque la mise en
culture permanente ne permet pas la régénération à
moins que l'homme protège le jeune plant contre le feu, la dent de la
charrue et de la houe puis du pâturage.
· Dans les jachères de 4 à 5 ans, ce sont
surtout la faible luminosité, les feux de brousse, le pâturage et
le piétinement des animaux qui compromettent la
régénération naturelle. En Afrique de l'Ouest,
Vitellaria paradoxa est abondant dans les zones où le
bétail est rare (HALL, et al., 1995). Ainsi, le
tempéramment de l'espèce l'amène à
rechercher surtout la lumière pour son développement. Cependant,
elle est étouffée dans les jachères de moyennes
durées par le feu et les graminées qui colonisent fortement
l'espace. La régénération du karité est donc
fortement compromise dans les jachères de moyenne durée (par
exemple 4 à 5ans).
· Dans les jachères de 10 ans et plus, le
jeune plant a déjà résisté aux différentes
intempéries et sa hauteur avoisine en ce moment environ 2m pour un
diamètre à hauteur d'homme autour de 10cm. Ces conditions
permettent à l'espèce de régénérer si entre
temps elle n'a pas été détruite par l'homme.
En fonction des formations végétales
étudiées, seules les jachères de 10 ans et plus sont
capables de régénérer l'espèce le plus
naturellement.
Pour ROLLET (1974), la structure diamétrique est
propre à une espèce et dépend de son tempéramment :
alors que les essences sciaphiles ont toutes un nombre élevé de
tiges de petits diamètres ; un nombre quelques fois soutenu, souvent
ératique dans les diamètres moyens, avec parfois une
fréquence maximale. Pour MARINEZ-RAMOS et al. (1989), CLARK et
CLARK (1992), LIEBERMAN et al. (1995), la simple dichotomie acquise
entre les espèces héliophiles et d'ombre (ou pionnières ou
matures) ne permet pas de reproduire la diversité des stratégies
des espèces en forêt tropicale, d'abord parce que chaque
espèce présente une gamme de tolérance de part et d'autre
d'un optimum physiologique et ensuite parce que le tempéramment d'une
essence évolue avec l'âge des individus. Toutefois, HUBBELL
(1980), DURRIEU et FORNI (1997) montrent que la structure d'une espèce
peut varier à l'échelle de la station ou de l'aire de
distribution. Dans le cas d'espèce, on constate que du sud vers le nord,
les classes de diamètre des arbres de karité se concentrent
progressivement dans les classes supérieures (par exemple classe 10
à 20 pour le parc de Bohicon, 20 à 30 pour les parcs de
Bembéréké et de Savè, 30 à 40 pour le parc
de Parakou et 40 à 50 pour celui de Kandi). Ces résultats peuvent
être dû à l'âge des individus.
Il est observé pour les parcs de Savè, Parakou,
Bembéréké et de Kandi que la distribution en classes de
diamètre se présente en cloche (courbe de GAUSS). La même
distribution a été observée par PARADIS & HOUNGNON
(1977) dans la Réserve de la LAMA au Bénin. Cette distribution a
été également trouvée par SOKPON & BIAOU (2002)
dans une autre Réserve forestière au Bénin (la
Réserve forestière de Bassila). SINSIN et al. (2003);
GBEDJI (2003) ont obtenu la même distribution pour les populations
d'Afzelia africana et de Parkia biglobosa dans
différentes zones agroclimatiques du Bénin.
Selon CUNNINGHAM (2001), la distribution en cloche indique ou
non une espèce de lumière, non tolérante à la
compétition avec une faible quantité de semences (ce n'est pas le
cas du karité) à cause des stratégies inhabituelles de
reproduction , mais il faut également tenir compte de l'histoire du
parc.
Dans le parc de Bohicon, la distribution des individus en
classe de diamètre présente une courbe en J renversé ce
qui traduit bien la main de l'homme, impact de dégéradation dudit
parc. Le recrutement est maximum dans les classes de diamètre < 20
cm. Les tiges plus grosses ont été prélevées et les
petites n'ont pas eu le temps de grossir.
S'agissant du diamètre cime, c'est seulement à
partir du parc de Bembéréké que la concentration des
individus s'étend de la classe 5 à 10 vers la classe 10 à
15. La concentration des hauteurs en classes de hauteur totale restant
constante dans la classe de 5 à 10 pour l'ensemble des parcs. Le
karité s'exprime alors mieux dans le domaine soudanien où se
trouve son optimum écologique .
[10 - 20[ [20 - 30[ [30 - 40[ [40 - 50[ [50 - 60[ >60
0.60
0.50
Frequence relative (%)
0.40
0.30
0.20
0.10
0.00
Kandi Bembéréké Parakou Savè
Bohicon
Figure 67 : Evolution des courbes de répartition
par classe de diamètre des individus de Vitellaria
paradoxa
dans les parcs étudiés
Le meilleur ajustement des distributions par classe de
diamètre cime, de hauteur totale, de hauteur fût et de
diamètre à hauteur d'homme est obtenu avec la fonction
polynomiale pour l'ensemble des parcs étudiés, sauf pour les
parcs de Bembéréké et de Kandi, où le
diamètre à hauteur d'homme s'ajuste à une fonction log et
la hauteur fût à une fonction linéaire ou polynomiale. Dans
l'ensemble, les meilleurs ajustements sont en cloche et en J (tableau XXI).