DEUXIEME PARTIE: RESULTATS ET
DISCUSSIONS
5. Résultats
5.1 Identification des parcs à
karité
La figure 12 présente la répartition des
différents parcs identifiés dans le plan factoriel 1 et 2. Les
parcs de Kandi et de Bembéréké moins arrosés
situés plus au Nord dans le domaine soudanien sont localisés
à la partie négative de l'axe 1 tandis que les parcs de Parakou,
Savè, et Bohicon plus arrosés sont situés dans la parttie
négative de cet axe. L'axe 1 peut être interpété
comme matérialisant un gradient pluviométrique Nord Sud.
2
1
0
Parc de Bohicon
Parc de Parakou et de Savè
Parc de
Kandi Parc de
Bembéréké
Second facteur
-1
-2
-3
-4
-5
-6
-7
|
|
|
|
|
|
-2
|
-1
|
0
Premier facteur
|
1
|
|
Figure 11 : Visualisation des différents parcs
à karité du Bénin sur la base d'une AFC
Chargement du diagramme de Pluivio-MLargL
Second facteur
-0.5
-1.0
0.0
Pluivio
Type de
NbrMsec
MLongP
MLongL
MLargL
-0.5 0.0 0.5 1.0
Premier facteur
Figure 12 : Visualisation des paramètres
environnementaux
Les caracatéristiques des feuilles (longueur moyenne
du pétiole, longueur et largeur moyennes du limbe) quant à elles,
présentent très peu de variabilité au sein des parcs
à karité étudiés (figure 13). On peut dire qu'elles
convergent sur l'axe 2 (figure 13).
5.2 Importance socio-culturelle de la gestion des
parcs à karité
Les parcs à karité constituent une pratique
agroforestière spatiale mixte caractérisée par une
stratégie de conservation, des formes d'utilisation et des
déterminants socio-démographiques.
5.2.1 Stratégies de conservation du
karité
Les stratégies de conservation du karité reposent
essentiellement sur la création des parcs, le contrôle du
ramassage des noix dans les formations végétales.
5.2.1.1 Mode de création des parcs à
karité
La création des parcs à karité
entraîne une mesure de protection délibérée du
karité dans les écosystèmes cultivés par certaines
ethnies. C'est un fait culturel, alimentaire (parc à huile) et
pécuniaire pour lesdites ethnies. Cette forme de gestion de l'espace,
transmise de génération en génération et de
père en fils, est basée sur l'attente par ces ethnies de revenus
futurs (autoconsommation, vente, usage médicinal etc...). Le
karité constitue pour elles, une épargne sur pied comme le
palmier à huile dans les palmeraies jachères du sud Bénin.
Ainsi, lors de l'installation des cultures igname et coton surtout, les ethnies
bariba,
dendi, gando, mokolé, bôo, bentamaribè,
wama, lokpa et nagot, préservent le karité au cours du
défrichement. Par contre, les ethnies idaatcha, mahi et fon qui
n'attendent pas nécéssairement de revenus futurs du
système, conservent quelques pieds de karité sur leus champs pour
d'autres usages (bois de chauffe, carbonisation, pharmacopée etc...).
Ainsi, pendant la campagne agricole 2004-2005, dans le milieu
d'étude, 272.354 ha d'ignames ont été
défrichés contre 118.585 ha de coton pour une superficie totale
de 102.624 km2 (soit 91,30% de la superficie nationale) et 1.303.127
actifs agricoles (MAEP, 2003). Ce processus de création des parcs
à karité met en exergue le niveau de dégradation de
l'environnement occasionné par les cultures du coton et de l'igname. On
a alors besoin de 2,3 fois plus d'espace pour cultiver les ignames que le coton
au Bénin. Le tableau IV, donne une estimation de la superficie moyenne
cultivée par paysan, par parc dans le milieu d'étude en 2004.
Tableau IV : Estimation de la superficie cultivée
par paysan et par an en igname et en coton dans la zone
d'étude
Parcs à karité de Superficie
défrichée (ha) /an par paysan
Igname Coton
Kandi 0,07 0,03
Bembéréké 0,06 0,02
Parakou et Savè 0,06 0,04
Bohicon 0,019 0,001
|
|
Source: Enquête de terrain 2004.
En rapportant ces valeurs à la zone d'étude
(tableau V), on a une idée de l'importance des dégâts
causés à l'environnement par la création des parcs
à karité.
Tableau V : Niveau de dégradation de
l'environnement exprimé en terme de superficie d'igname et du coton mise
en culture dans la zone d'étude en 2004
Parcs
|
Superficie cultivée (igname/an) dans le parc (ha)
|
Superficie cultivée (coton/an)
dans le parc (ha)
|
Kandi
|
91219
|
39094
|
Bembéréké
|
78188
|
26063
|
Parakou et Savè
|
78188
|
52125
|
Bohicon
|
24759
|
1303
|
Total
|
272354
|
118585
|
|
Source: Enquête de terrain 2004.
Le mode d'installation des cultures du coton et de l'igname
considéré comme peu respectueux de l'environnement, place ces
deux cultures en tête des statistiques. Ces estimations, loin
d'être précises donnent quand même une idée des
superficies moyennes mises en culture dans la zone d'étude par les
paysans en 2004. Des mesures de parcelles pourraient permettre d'affiner ces
résultats.
La dégradation est plus prononcée dans les
parcs du Nord Bénin; ce qui pourrait signifier que ces parcs devraient
être plus dégradés physiquement que ceux situés dans
les basses latitudes. Au contraire, la conservation de l'espèce lors du
défrichement (importante source de revenu, fait culturel et social) et
le contrôle du ramassage des noix dans les champs atténuent ces
effets. Cependant, l'action de dégradation
n'est pas sans conséquence désastreuse sur
l'environnement car elle perturbe les habitats des espèces animales et
végétales et réduit à coup sûr la
diversité biologique, génétique et exerce une forte
pression sur les arbres non protégés par un effet sélectif
très élevé des différentes ethnies.
La création des parcs à karité est un
processus long, évolutif pendant lequel une association s'effectue entre
les éléments naturels
(karité-néré),conservés et améliorés
dans le temps par des groupes sociaux et formant avec les espaces
cultivés et pâturables une symbiose. Cette symbiose se
répète et devient cyclique au fil du temps. Elle est
entrecoupée par des périodes de repos (jachères) pour la
restauration de la fertilité du sol. La durée de la
jachère varie de 3-4 à 15-20 ans et est unique pour chaque
paysan, car elle est fonction de la superficie disponible, des besoins du
ménage et du mode de gestion des terres (KELLY, 2004). Elle est aussi
fonction de l'ethnie. Ce système de culture d'agroforesterie locale, a
été caractérisé par l'Indice de Ruthenberg (tableau
VI). Les valeurs calculées de R, indiquent un système de culture
itinérante dans le parc de Savè contre un système de
jachère dans l'ensemble des autres parcs où la proportion de
terre cultivée par rapport à la superficie totale utilisée
est de l'ordre de 57% dans le parc de Bembéréké, 50% dans
celui de Bohicon et de Kandi, et 40% dans celui de Parakou.
Tableau VI : Indice de Ruthenberg des parcs à
karité du Bénin
Parcs à karité
|
|
Kandi
|
Bembéréké
|
Parakou
|
Savè
|
Bohicon
|
Indice
Ruthenberg ®
|
de
|
49
|
57
|
40
|
31
|
50
|
|
La différence notée entre le parc de
Savè et les autres parcs par rapport au système de culture, est
surtout due au fait que les paysans du parc à karité de
Savè ont préféré mettre un accent particulier sur
la plantation de l'anacardier à cause de la crise que traverse la
filière coton actuellement. En général, ces
systèmes de culture sont caractérisés par l'utilisation
d'outils rudimentaires tels que la houe, le coupe - coupe. Mais, les parcs
à karité de Kandi et de Bembéréké font
exception à cause de l'utilisation du matériel de culture
attelée et de la petite motorisation. L'utilisation de ces
équipements n'a pas de conséquence sur la structure
aggégative (indice de Blackman) des arbres dans les parcs à
karité étudiés. Le tableau VII donne la structure spatiale
dans les parcs à karité. Elle varie de 3,9 et 5,6. La distance d
entre semencier et son voisin le plus proche varie entre 1,94 m et 3,36m.
Tableau VII : Structure spatiale des parcs à
karité au Bénin
Parcs
|
IB
|
Distribution
|
Distance entre semencier le plus proche (d)
|
Kandi
|
5,6
|
agrégative
|
2,78
|
Bembéréké
|
5,6
|
agrégative
|
3,36
|
Parakou
|
5
|
agrégative
|
2,55
|
Savè
|
5
|
agrégative
|
2,60
|
Bohicon
|
3,9
|
agrégative
|
1,94
|
|
Il en est de même des caractéristiques des
feuilles. En effet, les valeurs moyennes des caractéristiques des
feuilles (tableau VIII) du karité ne sont donc pas très variables
au sein des parcs lorsqu'elles sont comparées à celles obtenues
dans le milieu d'étude. Elles ont un faible écart type.
Tableau VIII : Caractéristiques des feuilles des
arbres de karité dans les parcs à karité au
Bénin
Parcs
|
Long Pétiole (cm) Long Limbe (cm)
|
Larg Limbe (cm)
|
|
Kandi
|
5,6
|
0,5
|
16,6
|
0,9
|
6,4
|
0,1
|
Bembéréké
|
5,2
|
0,6
|
16,3
|
0,7
|
6,3
|
0,2
|
Parakou
|
5,1
|
0,3
|
15,3
|
1
|
6,5
|
0,4
|
Savè
|
5,6
|
0,8
|
16,4
|
0,5
|
6,4
|
0,5
|
Bohicon
|
6,4
|
0,4
|
16,6
|
1,2
|
5,5
|
0,2
|
Valeur Milieu d'étude
|
5,6
|
1,3
|
16,4
|
2,7
|
6,3
|
1,2
|
|
Par contre, le dbh, la densité (tiges/ha)
diffèrent selon les parcs à karité (tableau IX).
Tableau IX : Classification des parcs à karité selon les
diamètres et les densités moyennes
Parcs Diamètre moyen (cm) Densité moyenne
(tiges/ha)
Kandi 42a 31a
Bembéréké 29b 41a
Parakou 31b 26b
Savè 28b 27b
Bohicon 21c 15c
Il n'existe pas de différence significative entre les
valeurs ayant les mêmes lettres au seuil de 5%. Le diamètre moyen
et la densité moyenne augmentent du sud vers le nord du pays
Le karité étant un abre économiquement,
socialement et culturellement important pour les ethnies du Nord et du Centre
Bénin6, différents niveaux de pression sont
exercés sur l'espèce dans les parcs. Ce qui se traduit par le
fait que la densité (tiges/ha) et le diamètre des arbres
augmentent avec le gradient pluviométrique du Sud vers le Nord. On
constate que les parcs de Bohicon et de Kandi sont diamétralement
opposés selon ces caractéristiques :
· différentes zones climatiques (climat
subéquatorial dans le parc de Bohicon, climat tropical humide ou de
transition pour le parc de Savè et climat soudanien pour les parcs du
Nord Bénin)
· différents modes d'accès à la terre
(les modes de gestion de l'espace, les droits et les usages
conférés aux arbres ne sont pas les mêmes d'un parc
à l'autre)
· forte pluviométrie dans le parc de Bohicon (1200
mm) et faible dans celui de Kandi (800 mm)
· faible densité du karité dans le parc de
Bohicon (15 tiges/ha) contre (30tiges/ha) pour le parc à karité
de kandi
6 Il s'agit des ethnies bariba, dendi, gando,
mokolé, bôo, bentamaribè, wama, lokpa et nagot.
· faible dbh des arbres dans le parc de Bohicon (21 cm)
contre 42 cm dans celui de Kandi
Ces indicateurs révèlent bien que la pression
sur les arbres (karité) dans le parc de Bohicon est deux fois
supérieure à celle qui a cours dans celui de Kandi. Cette
stratégie de conservation du karité dans ces parcs implique
différents résultats dans l'espace physique. Si les ethnies, fon,
mahi et idaatcha coupent les arbres de karité dans leurs champs ou en
préservent quelques-uns pour des usages médicinaux, utilisation
au titre de bois de feu et de carbonisation, les femmes des ethnies des parcs
du Nord et du Centre Bénin, collectent les noix dans les formations
végétales pour l'autoconsommation et la vente afin
d'améliorer leurs revenus.
|