III.2. La gestion du foncier dans le cadre de la
décentralisation
au Niger
Dans le contexte de la décentralisation, le Niger est
en train de clarifier sa législation foncière et celle des droits
d'accès aux ressources. En 1993, le Niger a adopté le Code Rural
qui traite de façon explicite de l'attribution des terres dans le cadre
de la notion de « terroir d'attache » ainsi que l'identification et
la délimitation des pistes du bétail. Ces textes apportent aussi
une plus grande reconnaissance des institutions foncières
coutumières et des pratiques locales d'utilisation des terres, ainsi que
la contribution importante du secteur élevage aux économies
nationales et locales « Comme le foncier agricole repose sur le fond
(la parcelle), le foncier pastoral repose sur les règles d'accès,
le tout c'est de ne pas tout mélanger ! » (Jacques Chabert,
entretien juillet 2005). La mobilité est clairement reconnue, tout comme
la nécessité pour les éleveurs de jouir d'une
sécurité foncière dans leur puits d'attache, il y a par
ailleurs, une reconnaissance partielle des principes d'accès de tierces
parties. Néanmoins, le degré avec lequel les pasteurs et
agro-pasteurs sont informés des opportunités et des risques
qu'offrent ces processus, est moins évident. A Tesker, les
communautés n'ont pas connaissance de l'existence d'un
Secrétariat Permanent du
code rural à plus forte raison les textes existants. Le
défi auquel font face actuellement les groupes pastoraux et
agro-pastoraux est de dialoguer avec l'Etat pour faire en sorte que les lois
existantes ou proposées soient adaptées à leur besoins,
transcrites en langue nationale et de s'assurer qu'ils jouent un rôle
central dans ce processus. Pour ce faire, on n'insistera jamais assez sur la
nécessité de disposer d'une société civile
pastorale et agro-pastorale, solide, active et représentative. Il est
essentiel que les pasteurs eux-mêmes aient le pouvoir légal de
jouer un rôle déterminant dans l'identification et la mise en
oeuvre des politiques. Cette reconnaissance faite par le monde pastoral permet
en effet de légitimer les lois et de les rendre applicables.
La question de savoir qui devrait se charger de la gestion des
parcours pastoraux a été la préoccupation des politiques
d'aménagement des terres arides en Afrique, depuis que les pouvoirs
coloniaux et les gouvernements post-coloniaux ont privé les groupes
pastoraux du droit de gérer leurs ressources naturelles. Le Niger tente
ainsi de clarifier des droits de jouissance et d'accès aux ressources
naturelles dans le cadre plus large des politiques de décentralisation.
Ce processus tente ainsi d'être élargi dans le but de clarifier
les droits de jouissance et d'accès aux ressources pastorales en
particulier à travers l'élaboration futur d'un code pastoral. De
tel travaux mettent en évidence que le foncier pastoral concerne un
espace particulier qui peut être défini comme une «
étendue socialisée » (Pourtier, 1986) ou encore comme un
espace fluide, « la fluidité définit la modalité
des espaces à faible charge humaine : mouvants, instables, sans points
fixes durablement ancrés dans la matière des lieux. Cela rend
particulièrement difficile la saisie du « foncier ». Ces
espaces fluides n'excluent cependant pas une cohérence des pratiques
foncières ; au contraire, elles en résultent, ainsi qu'en
témoigne l'analyse des relations que les hommes établissent avec
l'étendue qui les environne et dont l'appropriation à la fois
matérielle et mentale lui confère le statut d'espace »
(Ibid. :11, cité par BOURD S., TIERS S., 2004).
Il est ainsi nécessaire d'aborder le foncier pastoral
en fonction de deux exigences fondamentales. La première consiste
à considérer les droits fonciers pastoraux dans une perspective
de pluralisme juridique. Ils supposent une pluralité de droits (ou
maîtrise foncière) sur une pluralité d'espaces qui peuvent
être des lieux ou des zonages déterminés par des
itinéraires ou des parcours traditionnels ou reconnus
coutumièrement « c'est l'enchaînement de ces droits sur
des ressources au moins
autant que sur les espaces qui assure la
sécurité foncière du producteur » (André
Bourgeot, 1999). Dan notre zone d'étude la règle d'accès
au puits de saison sèche se résume à la
réciprocité, le bon voisinage et le lien de parenté.
L'accès au pâturage est libre mais en saison sèche et
chaude, l'accès au puits conditionne celui du pâturage.
La seconde consiste à reconnaître que c'est
l'opportunité qui conduit l'activité pastorale, donc que toutes
les solutions doivent s'inscrire dans un système ouvert, fluide et
dynamique. De ce fait, le droit foncier pastoral doit se limiter à
énoncer quelques principes généraux valorisant les
exigences de précaution et de durabilité, doublés d'un
cadre juridique définissant les forums de règlement des conflits,
les règles de procédures et les conditions d'exécution des
décisions. Toutes ces recommandations ont été approfondies
dans l'ouvrage sur la sécurisation foncière en Afrique
(Le Roy et al, 1996). Au niveau de notre commune d'étude toutes les
décisions doivent tenir compte des pratiques coutumières
existantes.
III.2.1. La Commission Foncière
communale(COFOCOM)
Au Niger, la COFO (Commission Foncière),
démembrement du code rural s'est vu attribuer le rôle de
sécuriser le foncier et prévenir les conflits civils ruraux. La
COFO représentera le code rural dans le cadre de la
décentralisation. Elle sera représentée dans toutes les
entités administratives de la région au village, coiffées
par le Secrétariat Permanent sur le plan national.
La COFO se constitue au niveau communal d'un président
représenté par le maire, d'un service technique, un
secrétaire permanent, de représentants de la population. Le
service technique ainsi que le secrétaire permanent permettent ainsi
d'assurer des orientations sur la gestion du foncier en accord avec la loi et
loin d'éventuels partis pris. La COFOCOM (Commission Foncière
Communale) se compose ainsi du droit moderne à travers le maire,
secrétaire permanent et service technique, du droit coutumier et
islamique à travers la chefferie traditionnelle (chef de groupement) et
leader d'opinion présents au sein de la société civil.
Son rôle est ainsi aider la commune à mettre en
place un schéma d'aménagement communal approprié au
contexte de la zone et de véhiculer « l'esprit de la loi ».
Son rôle se limite à un rôle d'arbitrage (pas de jugement).
Elle peut être cependant prise en partie par le juge pour donner son
avis. Avant toute utilisation d'une cuvette pour la
construction d'un puits par une communauté, celle-ci
doit ainsi demander l'aval de la COFO, lors d'une réunion regroupant les
chefs de regroupement concernés, les chefs de tribus et les demandeurs.
Cet accord respectera le droit coutumier, le droit Islamique et le droit
moderne.
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