Conclusion sur les marques :
Les marques Teda désignent dans l'ensemble, soit un
espace habité par les premiers ancêtres et/ou soit le nom de
l'ancêtre fondateur du clan. Dans tous les cas, les descendants de ces
clans se réclament propriétaire de leur espace d'origine, mieux,
ils s'identifient à travers ce dernier. Les marques font soit
référence à un espace (montagne, oasis), soit aux outils
de guerre utilisés (Mouzouri, Yogoye,...), à l'empreinte des
animaux vivant dans l'espace d'origine (Wossaï, Aretourkoune,...).
Les dattiers plantés par les anciens dans ces espaces
appartiennent par conséquent tous aux descendants du clan.
Les marques Teda étendent leur espace d'influence
depuis leurs espaces d'origine jusqu'à l'emplacement actuel de la
communauté Teda et aux communautés voisines (Cf. : Carte N°5
: Espace d'influence des marques Teda). C'est à travers les conflits et
leur règlement que les différents traits constituant une marque
révèlent leur importance.
Carte N°5 : Espace d'influence des
marques
Remarque : Plus on s'éloigne du centre des cercles
plus l'influence diminue. La couleur rouge indique l'espace actuel des Toubou
Teda.
Source : Enquête terrain 2005
II.3. La mobilité
Dans la région, l'élevage est axé sur la
mobilité des hommes et des animaux. Cette
mobilité a deux formes essentielles : la transhumance et
le nomadisme.
La terminologie concernant les groupes d'éleveurs
« nomades », « transhumants » varie d'un auteur à un
autre. Le nomadisme est caractérisé par « une
mobilité des éleveurs, sans point d'attache fixe et suivant un
itinéraire régulier ou variable d'une année à
l'autre » (Cherrou, 2002). D'après Maiga (1997), le nomadisme
est à la fois un système économique pratiqué pour
tirer profit d'un milieu défavorable et aussi un genre de vie
adapté à ce milieu.
Quant à la transhumance, Gild (1963) la définit
comme « un mouvement pendulaire accompagnant le déplacement du
front pluvieux et amenant les groupes d'éleveurs dans le nord et dans le
sud». Ainsi, la transhumance correspond à la mobilité
saisonnière des familles pastorales et de leur cheptel. Elle est induite
par l'alternance des saisons déterminant la variation des ressources
naturelles dans des zones devenant complémentaires.
D'après Winter (1998) : « Moins les ressources
sont abondantes ou plus elles sont susceptibles de fluctuer pour des raisons
extérieures plus leur usage devra faire appel à la «
mobilité » (et plus les « territoires » où elles
sont exploitées devront être étendus). La mobilité
est donc une stratégie permettant de tirer le maximum de profit de la
rareté de ces ressources ou du fait qu'elles sont incertaines dans
l'espace d'une année ou d'une année sur l'autre. Le besoin de
mobilité s'accroît donc en parallèle avec la rareté
ou l'incertitude, tandis que l'immobilité risque d'engendrer la
catastrophe. »
Dans le cadre de ce travail, nous préférerons le
terme de « transhumance » à celui de « nomadisme »
car les mouvements s'effectuent selon un calendrier fort semblable
d'année en année : descente au sud en saison des pluies, une
remonté vers les nord pendant la saison sèche et froide.
D'après Mangeot et Marty (1992), les nomades ont « des terrains
de parcours bien délimités en saison humide aussi bien qu'en
saison sèche, et chaque année les ramènent, presque
à époque fixe au même endroit. » Les pasteurs ont
un « terroir d'attache » qui peut être défini selon
toujours Mangeot et Marty (1992), comme « Un terroir aux fonctions
essentiellement pastorales dont se
réclament une ou plusieurs communautés
pastorales et qui est composé de ressources clés pour la conduite
des troupeaux (pâturages aériens ou herbacés, terres
salées, mares...) » Les terroirs d'attache permettent une
relative sécurité fourragère et un accès à
l'eau en saison sèche (Hammel, 2000). La notion « d'attache »
fait moins référence à la propriété,
qu'à des droits d'usages prioritaires. Le terroir d'attache chez les
pasteurs Toubou Teda signifie le puits de saison sèche et l'aire de
pâturage qui est circonscrite au puits. Les animaux restent très
attachés à ce lieu surtout pendant la saison sèche et
chaude. C'est aussi un espace sentimental pour tous les pasteurs
propriétaires du puits.
Cependant, l'aire de production ne se limite pas à ce
territoire, la mobilité reste indispensable. Les modalités des
transhumances traditionnelles pratiquées par les éleveurs
répondent à deux impératifs majeurs et indissociables : la
recherche du pâturage et de l'eau. Notre objectif n'est pas de
décrire les systèmes d'élevage mais de comprendre
l'organisation traditionnelle de l'espace pastoral. Le schéma ci dessous
illustre la réaction de la population pastorale en fonction de la
disponibilité des ressources
Figure N°2 : Réactions des
populations pastorales en fonction des disponibilités des ressources
Sédentarisation
Exode
Disparition des ressources (décapitalisation)
Déclin
Insuffisance temporaire des ressources
Transhumance Emigration temporaire
Ressources Suffisantes Eau- pâturages
Populations pastorales
Source : enquête terrain 2005
II.3.1. La conduite des animaux
Considéré comme une trilogie l'homme, l'animal
et le milieu, le pastoralisme s'inscrit sur plusieurs registres de
l'activité sociale. En effet, l'appréciation permanente de la
végétation du pâturage par les pasteurs Toubou Teda, le
rapport de l'homme à l'animal, les rapports sociaux sous-jacents
à l'utilisation du parcours, constituent des facettes diverses, mais
interdépendantes du même phénomène, en l'occurrence,
le pastoralisme. La carte N° 6 explique la conduite des animaux pour le
pâturage.
Carte N°6 : Transhumance Toubou Teda
Tahoua ZinderTASKER Tillaberi
Dosso Maradi
0 50 100
TIDJIRA
Agadez
Diffa
Kilomètres
WORROU KALTOUMA
KIT KIT
DAOUBELLY
ANICHATCHOUWOU
ABORAK (FORAGE)
KARAGOU
LEGENDE
RIDJIA SIDDI
BOULOUM
FORAMI
4 Campement de base
KASSATCHIA
TASKER
kENDELBOUZOU
Kolo Kolo
BAÏKOUBOUTEDA
Tougounoussa
KOLOKOLO
Ecét
TOUGOUNOUSSA
Téhi
ECHETCHOULOUM
Tigma Sofo
TEHI
TIGUIMAIsh SOFO
DJOCKO ISHMA
DIBIDE
Transhumance saison sèche et froide
Transhumance saison de pluie
Autres Campements
chef lieu de Tesker
Limite de Tesker
DAOUNGA
KANKEDI
OLOW
RIDJIA DJOUGNOU
BORNO
KANKEDI EHMERGAN
TORORONGA
BOULAKAW
FINI-FINI
TERMIT MAI RIDJIA
TERMIT YALLANGA
DOUGOULE
N'GUELDJABO
YOUGOUM
EYIDINGA
KATCHATCHA
TERMIT DOLE
OROMI
II.3.1.1. La mobiité en saison des pluies
Pendant la saison des pluies, dès que les
premières pluies tombent plus au sud (environ 40 km), les dromadaires
ont tendance à déserter le puits de saison sèche. En
effet, les dromadaires sont attirés par l'odeur d'herbes vertes qui
commencent à germer qu'ils sentent ainsi de très loin. Cette
période est une période très difficile pour les pasteurs
partant à la recherche permanente de leurs animaux.
Ce moment particulier se nomme « Garigaré ».
C'est, en effet, une période intermédiaire entre le départ
en transhumance et la tombée des pluies aux puits de saison
sèche, c'est la période ou la vigilance des éleveurs est
à son point le plus fort. « Garigaré » annonce le
départ en transhumance ou « Wanna Gnélé ». Avant
le départ proprement dit, les pasteurs Toubou Teda cherchent des
informations sur les zones qui possèdent plus de pâturage. Ils se
renseignent le plus souvent auprès des voyageurs ou
dépêchent spécialement des éclaireurs pour
vérifier l'état du pâturage.
Le sens de l'observation des moindres détails et
perturbations du milieu permet aux éleveurs Teda d'être à
l'affût de tout changement au niveau du milieu naturel. Les
évolutions de végétation, en terme de phénologie
des espèces, de leur qualité, de la composition floristique ou de
l'apport en masse fourragère, des écoulements des points d'eau,
de l'existence des mares ; ceci est d'autant plus important que
l'irrégularité est une constante dans notre zone d'étude.
Mais, l'intérêt de cette attention particulière que portent
les Toubou Teda à l'espace pastoral s'exprime grandement dans
l'observation permanente du comportement des plantes. Ce point est
abordé plus en détail dans la partie suivante «
Appréciation du pâturage ».
Une fois en possession de ces informations et
l'approvisionnement en vivre des bergers fait, le départ vers les zones
de pâturages du sud commence. Seule une partie de la famille fait le
déplacement : les vieux, les femmes, les enfants de moins de sept ans,
les petits ruminants et une partie des chamelles laitières sont
laissés au niveau du campement.
A l'inverse, de nombreuses communautés se
déplacent en groupe. Ici, chaque propriétaire choisit sa date de
départ et son itinéraire. Il n'y a pas d'itinéraire
précis pour l'ensemble des éleveurs, l'essentiel est de rejoindre
la localité où le pâturage est le meilleur tout en
s'assurant que le pâturage du trajet et l'accessibilité à
l'eau est tout autant propice et suffisant pour l'alimentation du troupeau.
Cette évaluation est propre à chaque éleveur qui
connaît son troupeau et ses besoins. La distance à parcourir varie
en fonction de la zone pourvue en herbes, elle est en moyenne de 40 km. Les
lieux fréquentés par les Toubous Teda de la zone sont :
Kité-Kité, Dahoubelli, Karagou, Indouna, Tilitilo, Tilotiloyi
Rouanga, Rouangayi, Bouloum, Worrou, Worrey, Ranamoutte (cf carte N°6).
Cet espace d'accueil ou zone de repli est peuplé par différentes
communautés notamment les Peuls et les Toubou Azza. Ces zones de
pâturage sont partagés avec deux communautés autochtones,
les Arabes et plus rarement les Touarègues. L'accès au
pâturage est libre mais l'abreuvement des animaux nécessite en
amont l'accord de la communauté « propriétaire du puits
». L'abreuvement n'est généralement pas refusé sauf
dans le cas des puits privés, comme le cas de Maï Kolli, Rigia
Djoga et N'wallalo (puits ciments). L'accès à ces puits par les
transhumants se fait sous la surveillance du propriétaire, moyennant une
certaine somme d'argent (100 FCFA par tête de gros bétail) ou un
jeune animal. Il est intéressant de remarquer que le puits de N'wallalo
est notamment « un puits boutique » (équipé de commerce
appartenant au propriétaire du puits). Ainsi dans le cas d'achat au
niveau de ces commerces, les éleveurs obtiennent une réduction du
prix de l'eau par tête.
L'abreuvement peut aussi se faire au niveau des mares
naturelles telles Togoyinga (Bouloum) et Felfel (Karagou) et beaucoup d'autres
mares formées dans les dépressions inter-dunaires argileuses. Les
espèces herbacées appétées sont (appellation Toubou
Teda) : Nougou (Cenchrus biflorus), Tagour (Alysicarpus SPP),
Nicé (Stigagrostic plumosa), Ondoulé (Sporobolus
spicatus), Diguère (Cenchrus prieurii),
Kanguedou(Citrullus colocynthis), Markou (Indigofera
coluta)...
La pratique du pâturage autour de ces puits de replis
dépend de plusieurs paramètres. En effet, les dromadaires peuvent
pâturer toute la nuit si l'espace n'abrite uniquement que des Toubou
Teda. Cela suppose que la sécurité est garantie. Par contre si
plusieurs communautés cohabitent, les animaux sont conduits, à la
tombée du jour, sur les dunes pour y passer la nuit sous la surveillance
des bergers. Cette stratégie peut être appliquée,
notamment, dans le cas ou du fait de l'humidité excessive des
vallées, celles-ci sont investies de mouches piquantes, poussant alors
les bergers à éloigner le troupeau de ces endroits insalubres la
nuit. Les transhumants exploitent les herbacées jusqu'à leur
maturité complète. Cette période coïncide avec
l'excès des mouches piquantes qui devient de plus en plus insupportables
pour les dromadaires. Ils ont, de ce fait, tendance à abandonner la zone
et à remonter progressivement vers le nord où l'herbe demeure
encore jeune. C'est dans ce mouvement progressif que les transhumants
atteignent le puits de saison sèche. La durée de cette
transhumance varie selon l'année, allant de deux à trois mois
dans le cas où la saison des pluies s'est bien installée. Au
puits de saison sèche, « Damour », les éleveurs restent
pendant un mois ou plus, le temps de se préparer pour le départ
en transhumance de saison sèche et froide en direction du nord. Ce
départ est notamment motivé par l'assèchement de l'herbe
verte (paille) autour du campement.
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