Allocation du capital ajusté au risque dans le cadre du projet "solvabilité 2": cas d'application Assurance AMI( Télécharger le fichier original )par Rym Sammari Faculté de droit et des sciences économiques et politiques de Sousse - Master en finance et banque 2009 |
Chapitre 3 :Les mesures du risque adoptées par le projet solvabilité 2 ; essai d'investigation : assurance AMIIntroduction L'activité d'assurance sollicite une allocation optimale du capital ajusté au risque pour compenser les mouvements défavorables des résultats non prévus. La détermination de ce montant est devenue de nos jours une problématique principale pour les sociétés d'assurance. En effet les marchés financiers étaient stables et moins volatiles ce qui explique un rendement exigé moins élevé par les actionnaires. Au cour de ces deux dernières décennies, le concept de la création de valeur pour l'actionnaire et les mouvements capitalistiques sont apparus, la compétition au sein de ce secteur s'est renforcée et l'encadrement de ce secteur par des réglementations normalisées est devenu de plus en plus conditionnel. Le contrôle de la solvabilité des sociétés d'assurance tunisienne est régi par l'article 58 du code des assurances qui stipule qu'à toute époque de l'année, les fonds propres d'une entreprise d'assurance ne peuvent être inferieur à 20 % du total des primes d'assurances émises nettes sur le dernier exercice. Ces réglementations rigides, rependant à des normes strictes, mettent les sociétés d'assurance dans la difficulté de s'adapter à un contexte de libéralisation du marché d'assurance. Le régime actuel ne permet pas une évaluation ciblée des risques pour les différentes activités et ne favorise pas une allocation optimale du capital. En effet, Suite à la faillite de la société d'assurance Ettihad en septembre 2003, il apparait que ces réglementations sont insuffisantes pour garantir d'une façon certaine la solvabilité de l'assureur. Les faiblesses des régimes actuels se concrétisent par un manque de sensibilité aux risques du fait que les autorités de contrôles disposent de très peu d'exigences qualitatives et quantitatives. Les assureurs se trouvent donc dans l'incapacité d'intégrer une gestion du risque optimale et consentir des investissements en la matière. Dans ce nouveau contexte, les assureurs sont désormais fortement incités à déployer une gestion optimale de leurs fonds propres pour parfaire un meilleur arbitrage entre d'un coté les exigences des autorités de contrôle et les agences de notation, et d'un autre coté les actionnaires qui cherchent à maximiser le rendement de leur investissement en délimitant le capital attribué à la société.
Dans le cadre de ce chapitre, nous allons présenter le portefeuille non vie de la société d'assurance "Assurances Mutuelles Ittihad" et nous illustrons une mise en oeuvre pratique des mesures de risque adaptées par le projet solvabilité 2. Pour ce faire, nous allons procéder, dans une première section par une présentation de la revue de littérature y concernant puis une analyse du marché d'assurance en Tunisie. Dans une troisième section, nous présentons le portefeuille non vie de l'assurance AMI tout en étudiant les éventuelles corrélations qui peuvent exister entre les branches retenues. Pour l'évaluation du capital ajusté au risque, nous allons commencer dans la quatrième section, par la mesure de risque classique "l'écart type", puis nous allons analyser dans une dernière section les mesures de risque utilisées dans le modèle interne de projet solvabilité 2 à savoir la value at risk et la tail value at risk. Section 1 Revue de la littératureLe projet Solvabilité 2 est fondé sur une approche économique21(*) et propose une solution globale de modélisation du risque. Il a été initié en vue de moderniser le système de solvabilité dans l'Union Européenne et introduire une gestion intégrée des risques. De point de vue structure, Solvabilité 2 est l'équivalent de Bâle II pour le secteur bancaire. L'objectif de ce dispositif est d'offrir une meilleur évaluation des éléments du bilan, le calcul des provisions techniques, les besoins prudentiels et les exigences en capital (Risk Adjusted Capital).Pour ce faire, les sociétés d'assurances ont le choix entre l'utilisation des règles prédéfinies (un modèle standard) ou encore un modèle interne basé sur une évaluation plus appropriée des risques.
Le modèle interne élaboré par la Commission Européenne introduit le concept du capital ajusté au risque et son allocation par ligne d'activité. Les méthodes des planifications stratégiques utilisées dans les dispositions du projet "solvabilité 2" sont de plus en plus préconisées car ils permettent d'anticiper les impacts éventuels de toute stratégie alternative sur la rentabilité globale des entreprises d'assurances. L'évaluation du Return On Risk Adjuted Capital (RORAC) fournit une information adéquate au manager leur rendant apte à réorienter la stratégie de l'entreprise vers des objectifs d'allocation optimal. En effet, l'évaluation par branche d'activité fournit un indicateur corrigé sur les produits à privilégier. Turnbull, S. M., (2000) trouvait que cette méthode d'agrégation du capital permet de conduire l'ensemble de l'entreprise à adopter une politique tarifaire fondée sur une estimation appropriée des risques probables et à repérer les lignes d'activités les plus rentables Tsanakas, A et Barnett,C (2003) affirmaient que la détermination d'un niveau optimal des fonds propres soulève une problématique importante: l'optimum recherché reflète-t-il des dépendances éventuelles entre les branches d'activités d'une compagnie d'assurance? Les travaux antérieurs exhibés à cette problématique étaient basés sur des hypothèses fortes : soit on suppose l'indépendance des risques entre les différentes branches, soit on acceptait l'hypothèse de dépendance mais en leur imposant de suivre la même loi de distribution. A contrario de ces hypothèses, Ohlsson. E et Lauzeningks. J(2009) ont adopté une analyse approfondie du risque de souscription pour toutes les branches d'activités constituant le portefeuille d'une société d'assurance non-vie. Cette étude repose sur une modélisation des charges sinistres en utilisant la value at risk sous un horizon d'une année. L'horizon d'une année est recommandé, en effet la Commission Européenne (2007) affirme que toutes les pertes potentielles, y compris la réévaluation défavorable d'actif et le passif doivent être évaluées chaque douze mois. D'autre part, Michael Koller22(*)(2007) -directeur des affaires réglementaires Suiss Re Groupe- a souligné que le projet "solvabilité 2" prend en compte les avantages de la diversification et garantit la mobilité du capital. L'économie en capital liée à la diversification est significative et ne peut être appréhendée que par un modèle interne. Dans le cadre de cette étude empirique, nous notons dans un premier volet que la modélisation des risques sous l'hypothèse des dépendances entre branches d'activités d'un portefeuille d'assurance non vie a souvent fait l'objet de plusieurs critiques. En effet, Sheremet O, LucasA (2008) affirment que la survenance de sinistres graves dans une ligne d'activité vient perturber l'hypothèse de stabilité des indicateurs et d'homogénéité des classes. P. Embrechts, F. Lindskog, A. McNei (2001)et P. Embrechts, A. McNeil, D. Straumann (1999) examinaient la corrélation qui peut exister entre les différentes branches d'activité du portefeuille d'une société d'assurance. En effet négliger l'interdépendance des risques dans la modélisation peut avoir un impact significatif sur la décision du manager et affecter ainsi sa solvabilité. Pour étudier la corrélation entre les branches d'activités, on va adopter le "test de corrélation de Spearman", ce test bilatéral est définit quelles que soient les lois des couples en présence et donne une mesure de corrélation entre les rangs des observations. L'approche classique de la mesure de risque est fondée sur "l'écart type" .En effet, Auby.H et Belkacem.L (1999)23(*) définissent le risque comme étant "la dispersion des réalisations de la variable X autour de la moyenne". Le risque est ainsi associé à l'écart type; cette approche est retenue par sa simplicité de calcul, cependant elle reste liée au cas particulier d'une modélisation par la loi normale et ne permette pas de tenir compte des variations extrêmes. Dans le cadre de ce travail, une première alternative repose sur l'évaluation du capital ajusté au risque par l'ecart-type. Cette formule standard a été critiquée par Lissouki.A (2005) 24(*) qui incitait les sociétés d'assurance à utiliser des nouvelles normes à principes économique solides. Le projet Solvabilité 2 est fondé sur des mesures de risques adéquates comme la value at risk et la Tail value at risk. La value at risk est devenue un outil de référence pour la mesure des risques financiers, en effet elle a la capacité d'agréer les différents types de risques en une seule mesure quantitatives des pertes potentielles sur un horizon donné et avec un niveau de confiance donné. Cette mesure de risque élaboré dans un premier lieu pour évaluer le risque de marché a été adoptée par la Commission Européenne pour déterminer le capital ajusté au risque. L'analyse de cette mesure de risque autant qu'une mesure cohérente a été étudiée en premier lieu par Artzner P, Delbaen F, Eber JM, HeathD (1999). Pour répondre au besoin en capital d'une compagnie d'assurance, la VaR et la Tail VaR doivent vérifier les propriétés suivantes (Monotonie, invariance par translation, sous additivité, homogénéité positive).La VaR ne respecte pas l'axiome de sous additivité ainsi, elle n'est pas une mesure cohérente du risque. La tail VaR est très sensible à la queue de distribution, elle est de ce fait plus conservatrice que la VaR pour un seuil á, elle est également facile à appliquer et présente la particularité de respecter les propriétés d'Artzner. Jorin P (2002) examinait Le concept de la VaR , ce dernier a donné lieu à plusieurs méthodologies d'application, Le choix d'un type de modélisation peut conduire à la détermination d'une VaR sur ou sous estimée par rapport aux pertes réelles de la société d'assurance (Marchall.ch et Siegel.M ; 1997), de ce fait la première question cruciale à laquelle est confrontée une institution financière pour calculer la VaR est de choisir entre une modélisation non paramétrique (distribution générale) et une modélisation paramétrique (analytique). La première méthodologie se base sur l'estimation de la distribution des variations des facteurs des risques à partir des observations historiques. Toutefois, Hendricks D (1996) affirme que l'utilisation de cette approche peut donner une estimation imparfaite des pertes éventuels puisqu'elle sous estime la présence d'événements extrêmes. Une autre partie de la littérature financière s'est consacrée à la modélisation de la VaR. En effet, le projet solvabilité 2 est fondé sur un ensemble de fonctions dont chaque société devra disposer, entre autre une fonction de modélisation des risques. Partract.C et Besson JL (2005) ainsi que DenuitM et charpentier.A(2004) affirmaient que chaque société doit disposer d'un processus de gestion du risque (Risk Management) capable d'examiner les conditions financières réelles de la société pour pouvoir décerner les pertes probables. Ce processus requière la nécessité de disposer d'un système adapté et propre à chaque société. Selon Gatzeret.N et Shmeiser.H (2008) "Les mesures du risques dans le cadre du projet solvabilité 2 sont adéquates, elles doivent ainsi représenter les pertes dans la queue de distribution "25(*). De façon similaire, Ibragimov R et Walden J(2008) présentaient une analyse du portefeuille d'une société d'assurance qui se caractérise par des risques lourds (qui peuvent avoir un impact catastrophique sur la santé financière de la société d'assurance) Toutefois la problématique qui se pose est de déterminer ce qu'est un sinistre grave dans une ligne d'activité. De ce fait, des approches par la théorie des valeurs extrêmes ont été adoptées en finance pour le calcul de mesures de risque comme la Value at Risk (Fernandes, 2003).cette notion a été développée pour le secteur d'assurance afin d'évaluer la probabilité d'occurrence d'événements rares et obtenir des estimations efficace des valeurs extrêmes.la théorie des valeurs extrêmes repose sur les convergences des distributions des variables vers une distribution théorique spécifique. Pour calculer la VaR paramétrique, deux modélisations des charges de sinistres sont possibles : · Par les lois (Fréchet, Gumbel et Weibull): l'estimation des paramètres ajustés pour ces lois peut être calculée par maximum de vraisemblance. Néanmoins, l'étude des charges de sinistres et leur ajustements avec ces lois nécessite un échantillon de longueur importante afin d'obtenir de bonnes estimations ce qui met en cause la non validation des hypothèses d'application de ce modèle. · Par des méthodes basées sur la distribution de Pareto généralisé élaborés pour déterminer un seuil de tolérance au-dessus duquel un événement est considéré comme extrême. Elles permettent de repérer les sinistres graves pour un intervalle de confiance fixé et une probabilité d'occurrence donnée. Dans le cadre de cette étude, La théorie des valeurs extrêmes par la distribution Pareto généralisé sera appliquée dans la modélisation des différentes charges sinistres du portefeuille afin de mesurer le les pertes probables par la VaR. le calcul du VaR sera utilisée ensuite dans la détermination du capital optimal de couverture. * 21 Retenir une approche économique signifie que les actifs et passifs doivent être mesurés par leur valeur de marché et non par leur valeur comptable. * 22 Michael koller (2007) "solvabilité II: Quo vadis? " federation francaise des sociétés d'assurances, Risques n°66 ; les cahiers de l'assurance * 23 Auby.H ; Belkacem.L (1999)"Au dela de la VaR , vers une nouvelle mesure du risque en gestion de portefeuille " Rapprt de recherche , institut national de recherche en Informatique et en Automatique; pp4 * 24 Lissouki.A (2005) Quelle formule standard pour la solvabilité des sociétés d'assurances? Fédération française des sociétés d'assurances Les Entretiens de l'assurance - 2005 pp2 * 25 Gatzert .N Schmeiser,H (2008) « Enterprise risk management in financial groups: Analysis of risk concentration and default risk» journal of Finance Mark Portfolio Management. |
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