Le rôle de la Cour Internationale de Justice dans la détermination et le respect des normes de Jus Cogens( Télécharger le fichier original )par Joseph SEHORANA Université libre de Kigali - Licence 2011 |
I.1.6 Caractère obligatoire des Jus CogensLe caractère impératif de la norme de Jus Cogens se distingue du caractère obligatoire d'autres normes qui, à l'inverse du premier, peut être écarté par des exceptions conventionnelles. De plus, tandis que le caractère obligatoire d'une norme n'est reconnu que par certains Etats, la norme de Jus Cogens est quant à elle, reconnue par la communauté internationale toute entière, méme si, à l'instar de la France, tous les Etats ne sont pas partie à la Convention de Vienne de 1969. Il n'en demeure pas moins que des règles de Jus Cogens, telle que l'interdiction de la torture, sont unanimement reconnues. D. ROUZIE dira alors que : 38 CORTEN, O., « Recours à la force/Jus Cogens », disponible sur www.ulb.ac.b , visité le 24/8/2011. 39 Article 103 de la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 25 septembre 1945, disponible sur : http://www.micheline.ca , consulté le 16/09/2011. 40 LAUTERPACHT, cité par VERHOEVEN, J., « Sur les bons et les mauvais emplois des Jus Cogens », disponible sur : http://www.oas.org, consulté le 09/05/2011. 20 << Le Jus Cogens constitue une exception notable à l'exigence du consentement des Etats qui a été consacrée par la Convention de Vienne sur le droit des traites et la Cour Internationale de Justice (affaire du Plateau Continental de la mer du nord, 1969) ».41 Le caractère innovant de ces normes de Jus Cogens et la raison pour laquelle ces normes sont aussi qualifiées de << super-coutumes >> « est qu'elles ont le pouvoir d'être supérieures à toutes autres normes ou obligations internationales et qu'elles ont vocation universelle, alors que similairement à d'autres normes de droit international de valeur inférieure, elles sont nées d'une coutume ou d'une opinio juris persistante.»42 I.1.7 Justification de la prohibition de toute dérogation à une norme de Jus CogensLa prohibition de toute dérogation à une norme de droit international peut se justifier dans deux hypothèses différentes. La première hypothèse concerne les règles destinées à protéger des intérêts dépassant les intérêts individuels des Etats. Dans ce cas, une dérogation ne serait pas simplement une renonciation individuelle de la part d'un Etat à ses propres droits, dont il peut disposer conformément à son appréciation de ses propres intérêts, elle constituerait, en même temps, une atteinte aux intérêts supérieurs que cet Etat doit respecter en toutes circonstances.43 Une telle situation peut se présenter lorsque la norme en cause possède une valeur éthique qui rendrait moralement inacceptable sa mise à l'écart. Il en sera ainsi, par exemple, des normes relatives au respect des droits de l'homme, et notamment de ses droits les plus élémentaires, qui concernent la sauvegarde de sa vie et de son intégrité physique, surtout dans le cas où la violation dont elles sont l'objet atteint tout un groupe humain. Le crime de génocide a fait l'objet d'une Convention, mais cette Convention elle-même n'a fait que reprendre une conception de la moralité la plus élémentaire dans la vie internationale qui, dans le passé déjà, avait, entre autres, justifié les interventions dites d'humanité.44 41 RUZIE D., Droit international public, 15e éd., Dalloz, Paris, 2000, pp. 3-4. 42 ANONYME, << Le Jus Cogens >> disponible sur : http://www.dissertationsgratuites.com , visité le 09/05/2011. 43 GROSSRIEDER, E., Séminaire de droit international public, Année académique 2002-2003, 2e édition, p.13. 44 NISSOT, J., << Le concept de Jus Cogens envisagé par rapport au droit international >>in Revue belge de droit international, 1968, p. 67. Il se peut aussi qu'une norme du droit international présente pour la société internationale dans son ensemble une importance telle que sa non-application exposerait celle-ci à un grave danger, même s'il existait un accord formel entre ceux qui décideraient de s'en écarter dans leurs rapports mutuels. Il suffit ici de songer à l'exemple de deux Etats s'autorisant réciproquement à recourir à des mesures de contrainte si l'un d'eux venait à ne pas respecter les engagements pris dans le cadre d'un traité, en entendant ainsi déroger à l'interdiction du recours à la menace et à l'emploi de la force.45 Dans les deux cas, le traité dérogatoire aurait pour effet de permettre à un Etat d'adopter un comportement immoral ou antisocial. Il existe, par conséquent, une analogie entre le Jus Cogens ainsi compris et l'ordre public, tel qu'il est conçu dans le droit étatique, mais il est difficile de discerner la portée exacte de ce rapprochement et les conséquences qui peuvent en être tirées.46 La seconde hypothèse est celle d'une prohibition assurant la protection de l'Etat contre ses propres faiblesses ou contre la trop grande force de ses partenaires éventuels. En d'autres termes, il s'agit d'une protection contre les inégalités dans la puissance de négociation. En effet, la société internationale actuelle se caractérise par une extrême inégalité de fait entre les Etats, qui risque de contraindre ceux d'entre eux qui sont dotés des moyens les plus limités à accepter en contre partie d'avantages qui leur sont nécessaires, des concessions excessives ou disproportionnées.47 |
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