2.2.2 Effet négatif de la
sécuritésociale sur la croissance économique
Un grand nombre d'études ont montréun effet
négatif de la sécuritésociale sur la croissance
économique. Contrairement a` Cashin et aux auteurs ayant mis en
évidence l'effet positif de la sécuritésociale sur la
croissance, d'autres auteurs tels que N·ordstrom, Fersson, etc., ont
plutot démontréle contraire, en utilisant pour la plupart, la
technique de l'économétrie des données de panel.
24Ces pays sont non tous de l'OCDE
Anthony Atkinson (1999), professeur a` l'Universit'e de
Groningen25, est l'un des principaux auteurs qui critiquent la place
de la s'ecurit'e sociale dans la croissance 'economique. Pour lui, la
s'ecurit'e sociale entraàýne une grande taille du gouvernement au
risque d'inefficacit'e et d'es'equilibre le système du march'e. Pour
d'emontrer ses propos, Atkinson lors d'une conf'erence organis'ee au Pays-Bas
sur le ràole de l'Etat providence, a pr'esent'e plusieurs r'esultats,
dont l'un est l'illustration des impacts n'egatifs des d'epenses de pension de
l'Etat. Il analyse en effet l'impact de ce qu'il appelle pension de l''etat
» Pay-as-you-go » sur la croissance 'economique. D'après
Atkinson, cette pension oblige une jeune g'en'eration de payer l'impàot
hors du salaire horaire, permettant ainsi une garantie de leur retraite. La
pension de l''etat » Pay-as-you-go » affecte n'egativement la
croissance 'economique par l'interm'ediaire de l''epargne, parceque
l'impàot pr'elev'e sur la g'en'eration travaillante r'eduit l''epargne
totale dans l''economie (Atkinson (1999) : The Economics of the Welfare
State,p.27). Il utilise pour d'emontrer ses r'esultats le modèle
n'eoclassique de Solow suivant :
gy = âgk + (1 - â)(gA + m)
dans lequel gy, gk et gA sont respectivement le
taux de croissance de rendement, le taux de croissance de capital et le taux de
croissance de technologie.â signifie la part de revenu du capital dans la
fonction de production Cobb-Douglas et n, le taux de croissance de la
population. gk est la grandeur qu'utilise Atkinson pour 'evaluer l'effet de la
pension sur la croissance 'economique. Après sp'ecification du
modèle et analyse des r'esultats, Atkinson aboutit au fait que la
pension serait un 'el'ement d'efavorisant la croissance 'economique.
Au paravent, N·ordstrom (1992) avait
d'ejà'etabli un impact n'egatif des d'epenses de s'ecurit'e sociale sur
la croissance 'economique. En effet, il teste empiriquement sur un 'echantillon
de 14 pays de l'OCDE, l'effet des transferts courants de ces pays sur
l''evolution de leur croissance 'economique. Avec la d'ecennie 1979-1989 et
l'application de la technique des MCO sur les donn'ees transversales (PIB et
transferts courants), l'auteur identifie des coefficients n'egatifs et
significatifs des transferts courants sur la croissance du PIB. Il aboutit donc
au fait que la s'ecurit'e sociale nuit significativement a` l''evolution de la
croissance.
Comme Atkinson et N·ordstrom, Persson et Tabellini
(1994) a` leur tour, montrent l'effet n'egatif de la protection sociale sur la
croissance 'economique. Ils mettent en 'evidence le lien empirique entre les
d'epenses sociales (somme des paiements de pension, des presta-
25Province de l'extrême nord des Pays-Bas,
située a` la frontière avec l'Allemagne.
tions/indemnités de chOmage et autres dépenses
sociales) sur le FIB, et la croissance du FIB réel par tête. Ils
utilisent les dépenses sociales de 13 pays de l'OCDE sur la
période 1960-1985, et naturellement leur niveau de croissance
économique, pour évaluer a` partir des estimations non
pondérées des variables instrumentales, le lien empirique entre
ces deux variables. Leur question principale est celle de savoir le rOle
principal de la distribution des revenus sur la croissance économique.
Ils finissent dans leurs travaux, par trouver des coefficients négatifs
et non significatifs des dépenses de sécuritésociale dans
leur modèle. Ce qui traduit en effet le rOle dégradeur des
dépenses sociales sur la croissance économique.
Weede (1986), en utilisant des données
rétrospectives de l'OCDE, met en évidence une relation
négative entre les dépenses de sécuritésociale et
l'évolution de la croissance. A partir de la période 1960-1982,
Weede utilise la technique des MCO sur des variables chronologiques et
transversales des pays de l'OCDE, pour identifier les coefficients
négatifs et significatifs des transferts de
sécuritésociale dans son modèle. En effet, le
modèle de Weede comporte le FIB réel, le FIB réel par
habitant (variables expliquées) et les transferts de
sécuritésociale sur le FIB (variable explicative).
En 1991, Weede poursuit ses travaux pour essayer d'approuver
ses résultats. A cet effet, il introduit une autre variable dans son
modèle a` savoir le FIB par travailleur, comme variable
dépendante. A partir de 19 pays de l'OCDE sur la période
1960-1985, Weede
aboutit aux mêmes résultats. Il découle sur
le fait que l'effet négatif des dépenses de
sécuritésociale serait encore plus fort, que celui
qu'il avait déjàétabli en 1986.
Arjona et al (2002) ont établi une relation
économétrique entre les dépenses sociales et la croissance
économique. Inspirés par d'autres auteurs avant eux, Arjona et
al, partent du modèle MRW établi par Mankiw, Romer et Weil
(1992), pour étudier les déterminants de la croissance
économique. En effet, le modèle de Solow (1956) qui ne
considérait que le travail et le capital dans le modèle de
croissance, a étécorrigépar Mankiw, Romer et Weil, en
intégrant le capital humain dans leur modèle. Arjona et al
utilisent donc le modèle MRW, et lui ajoutent les dépenses de
sécuritésociale. Le modèle de ces auteurs est
composédu FIB rapportéa` la population active comme variable
expliquée. Les variables explicatives étant ici l'investissement
dans le capital public, le taux de croissance de la population active, le stock
de capital humain, le revenu en fin de période et les dépenses
sociales.
Utilisant la m'ethode » pooled-mean-group » avec des
donn'ees de panel sur un 'echantillon de 21 pays de l'OCDE et la p'eriode
1970-1998, Arjona et al sont arriv'es a` montrer l'effet n'egatif et
significatif des d'epenses de s'ecurit'e sociale sur la croissance. Un autre
r'esultat pertinent de leur 'etude est que cet effet (toujours n'egatif)
devient moins significatif, lorsqu'on retire les d'epenses de sant'e dans les
d'epenses sociales. A long terme, les d'epenses de s'ecurit'e sociale vont
nuire a` la croissance 'economique. En effet, si les d'epenses sociales passent
d'environ 18,5 % a` 19,5 % du PIB, le PIB se r'eduit de 0,7 % (Arjona et al,
2002 : Protection sociale et croissance, p. 24).
La plupart des 'etudes que nous venons de pr'esenter utilise
des s'eries chronologiques de variables pour plusieurs pays en l'occurrence
ceux de l'OCDE, pour 'evaluer le ràole des d'epenses sociales sur la
croissance. Ces travaux sont bas'es sur la technique de l''econom'etrie des
panels, et dans ce cas l'analyse du lien entre la s'ecurit'e sociale et la
croissance 'economique est a` la fois temporelle et spatiale. Beaucoup
d''etudes dont l'analyse est uniquement temporelle, ont 'et'e aussi
abord'ees.
Dans le cas de la France (2006), la DREES (Direction de la
Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques) a` partir des
auteurs Laurence BOONE et Christel GILLES, a 'evalu'e le ràole
stabilisateur des revenus de remplacement. L''etude r'ealis'ee par ces auteurs
avait pour but d'analyser l'effet stabilisateur automatique des fluctuations du
cycle 'economique sur les diff'erents types de d'epenses de s'ecurit'e sociale
en France. A cet effet, un modèle est 'etabli pour chaque type de
prestation en fonction du PIB, pour mesurer dans quel sens et avec quelle
ampleur les d'epenses de prestations sociales r'eagissent lorsque la croissance
'economique est plus forte ou plus faible que sa moyenne (DRESS). L''equation
'econom'etrique utilis'ee dans l'estimation s'inspire de celle 'etablie par
l'OCDE26 . Le modèle retenue est le suivant :
psi/y* = c1 + c2t + c3[(y - y*)/y]
O`u psi est la prestation sociale i, c1 est une constante, t
est un trend temporel, y est le PIB et y*, le PIB potentiel27 . Pour
'evaluer le ràole d'une d'epense de prestation i, on a recourt a` la
valeur estim'ee de c3. En effet, si c3 < 0, les prestations de la branche
consid'er'ee 'evoluent en sens contraire avec l''ecart de production (y -
y*), c'est-à-dire qu'il joue un ràole
26 L'équation mise en place par l'OCDE est la suivante :
log(psi/y*) = c1 + c2t + c3log[y/y*]. c3 est le
coefficient qui mesure l'élasticitéde la prestation sociale i aux
variations du PIB.
27Calculépar l'OCDE
stabilisateur28. L'interpr'etation donn'ee au
coefficient c3 signifie qu'une augmentation de 1 point de l''ecart de
production entraàýne une variation de c3 des d'epenses de
prestations psi. Après avoir sp'ecifi'e le modèle, la m'ethode de
co-int'egration29 est utilis'ee, pour l'estimation et
l'interpr'etation des r'esultats. Les variables utilis'ees pour l'estimation
par la DREES sont trimestrielles.
Les r'esultats obtenus par la DRESS montrent qu'en France, les
d'epenses sociales li'ees au chômage sont d'efavoris'ees par
l'augmentation de l''ecart de production. Les estimations montrent en effet
qu'une augmentation d'un point de l''ecart de production, r'eduit de 0,026
point la part de l'ensemble des prestations li'ees au chômage dans le PIB
potentiel (DREES). La branche chômage en France admet des propri'et'es
conta-cycliques. Le r'esultat est identique pour les branches
assurance-chômage, pr'eretraites et ASS (Assistance de S'ecurit'e
Sociale).
Les d'epenses d'indemnit'es journalières par contre
sont favoris'ees par l''ecart de production. En fait, la DREES a montr'e que
l'augmentation d'un point de l''ecart de production, entraàýne
une augmentation de 0,004 point (effet positif non significatif) des d'epenses
d'indemnit'es journalières. La DREES a aussi 'evalu'e de manière
agr'eg'ee le rôle stabilisateur des d'epenses sociales. Il ressort de
cette analyse que les d'epenses sociales dans l'ensemble diminueraient de 0,043
point, lorsque qu'il y a augmentation d'un point de l''ecart de PIB.
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