V.3. Influence de la télévision sur le
comportement des enfants
Nul ne contexte de nos jours le rôle primordial
joué par l'ensemble des mass médias et particulièrement la
télévision dans le façonnement de la personnalité
de l'enfant. L'influence de ce médium sur cette couche vulnérable
de la population peut certainement ne pas avoir un modèle précis
moulé par la télévision pour la simple raison que tous les
enfants ne reçoivent pas de la même manière ou dans les
mêmes conditions le message. Il faut tenir compte de leur degré de
mutation, de leur environnement social et de leur nature. De nombreuses
objections sont faites au sujet de la télévision mais ses effets
positifs ne sont pas des moindres.
Au cours des enquêtes, certaines femmes ont
considéré la télévision comme le
« démon du siècle ». Les enfants sont de plus
en plus enclins à la paresse et pour celles-ci c'est cet instrument qui
en est le principal responsable. Elles justifient cet état de fait par
l'effet envoûtant insidieux que la télévision peut avoir
sur ces êtres immatures que sont les enfants. Les femmes soutiennent que
c'est un moyen de communication aliénant et qu'il s'agit d'ailleurs
d'une aliénation sournoise. On ne perçoit pas cette
aliénation comme une drogue mais elle est tout de même comme
telle. Insidieusement elle s'installe dans l'habitude de l'enfant et constitue
autant qu'un réflexe conditionnel, une répétition dont il
ne peut plus se passer.
En effet, la télévision rend passif les enfants.
Lorsqu'on observe ces derniers en train de regarder la
télévision, ils sont « tous yeux, toutes
oreilles ». Ils s'emplissent les yeux et se vident l'esprit avec
toutes ces images hallucinantes qui défilent d'une manière
fugitive. Ils ne font pas attention à ce qui se passe autour d'eux parce
que hypnotisés par la télévision en marche. La
télévision est un piège qui se referme sournoisement aussi
bien sur les adultes que sur les petits mais elle se révèle
notamment plus dangereuse pour les derniers.
Les tout-petits dont la tranche d'âge est située
entre cinq et neuf ans sont les plus passifs. Ils assimilent avec soumission
tout ce qui leur est offert. L'attention de cette couche n'est
éveillée que lorsque le programme diffusé montre ce qui
amuse, ce qui fait rire. Ils aiment jouer avec la télévision et
lorsque celle-ci présente un programme dans lequel le jeu est
prépondérant, ils semblent participer au jeu de telle sorte
qu'ils deviennent plus acteurs que spectateurs.
Chez leurs frères aînés, on constate
qu'ils adoptent une attitude plus critique face aux différents
programmes télévisuels. Mais bien qu'ils s'interrogent sur le
bien fondé des émissions et les sélectionnent, ils
n'échappent pas pour autant au phénomène d'hypnose. Leur
attention est surtout retenue par les émissions qui paraissent à
la fois instructives et distractives. Il est remarqué que l'aspect
amusant et distrayant qui est primordial chez les tout-petits est moindre avec
les aînés dont la préoccupation majeure est d'apprendre
quelque chose de nouveau. Certes, l'amusement n'est pas non plus
négligeable.
Par ailleurs, la fascination hypnotique est si forte que les
enfants en général refusent de se soustraire du groupe des
téléspectateurs même si l'émission qu'on
présente ne leur est pas accessible ou même si on les renvoie
à leurs leçons et devoirs ou au lit. Les enfants aimant faire
à leur tête, ils refusent d'aller au lit même lorsqu'ils
sont fatigués et finalement s'endorment dans les fauteuils ou à
même le sol.
Lorsqu'on interpelle les enfants ou lorsqu'on leur demande un
service au moment où une émission intéressante passe, au
mieux des cas ils boudent ou manifestent bruyamment leur mécontentement
s'ils ne refusent pas d'obéir à l'ordre reçu.
En outre, d'autres femmes estiment que la
télévision est source de déconcentration: en effet
lorsqu'ils sont renvoyés à leurs leçons, les enfants ne
peuvent se concentrer pour travailler puisqu'ils savent qu'en ce moment
là, un feuilleton intéressant ou une variété
musicale ou encore un match de football passe à la
télévision. Les réactions bruyantes des autres
téléspectateurs suscitées par les actions d'éclat
viennent les perturber quand ils se résolvent à travailler dans
leurs coins. Certains deviennent sournois parce qu'ils ont du respect pour les
parents ou parce qu'ils ont peur d'eux ; ils vont se cacher
derrière le rideau pour suivre de bout en bout l'émission qui
leur est refusée, conscients que les parents sont eux-mêmes trop
absorbés pour se rendre compte de leurs manies.
Selon certaines femmes, la télévision
favoriserait dans une certaine mesure la délinquance juvénile:
des enfants quittent leurs maisons pour aller suivre dans des maisons voisines
les émissions en compagnie de leurs pairs. Ils prennent ainsi l'habitude
des sorties sans permission et s'exposent dès lors à des
déviations de toutes sortes.
Des enseignantes soutiennent que le poste
téléviseur en est pour beaucoup dans les retards à
l'école le matin, parce que le réveil a été
certainement tardif et pénible. Cet état de chose est dû au
fait que les enfants ne se sont pas couchés tôt, la
télévision étant en marche. Certains d'entre eux somnolent
en classe ; les leçons ne sont pas sues et les devoirs non
faits ; de sorte que ce moyen de communication de masse est cité au
banc des accusés pour les mauvais résultats scolaires
enregistrés et contribue ainsi à la baisse du niveau chez ces
élèves.
Bon nombre des enquêtées estiment que si les
jeunes sont devenus de moins en moins sérieux, c'est parce que les
télévisions leur offrent bien souvent des scènes
« osées » avec toutes ces images de couples qui
s'embrassent et s'enlacent. Certains exemples caractéristiques peuvent
susciter chez les adolescents des troubles de comportement. C'est ainsi que bon
nombre de femmes prennent l'exemple du feuilleton « RUBIE »
diffusée sur les antennes de l'Office de Radiodiffusion et de
Télévision du Bénin (ORTB), Rubie la fille
intéressée n'a aucun sens de l'amitié. Ce comportement,
caractéristique de viol de la conscience des enfants, a d'ailleurs fait
le succès du feuilleton; et c'est avec empressement que les enfants
accouraient vers le petit écran pour suivre les épisodes suivants
afin de connaitre l'entièreté de l'histoire.
Il est d'ailleurs remarqué que les feuilletons ont
attiré très tôt les enfants, non pas pour
l'intérêt que le contenu pouvait présenter mais
plutôt pour le suspens qui crée une attente pour l'épisode
suivant. De même, certains d'entre eux intègrent les scènes
de violences ou les actes dramatiques suivis au cours des différents
films dits « western » ou de
« karaté » etc. A ce propos le docteur Andouze
cité par Abdel-Kader, (1998) dira : « les
scènes de violence, de massacres, de tueries, de tortures sont
enregistrées consciemment ou inconsciemment par l'enfant à partir
de deux ans et demi, l'enfant très jeune enregistre avec
passivité, avec détachement ou même sans aucune
émotion visible ces représentations que l'adulte trouve
agressives. Il ne semble pas y avoir toujours de traumatisme psychique,
toutefois ces scènes de violence peuvent de toute façon
cristalliser des tendances qui existaient déjà chez l'individu et
pousser d'autres à des extrêmes ». Malgré ces
nombreuses remarques, la télévision présente
également des avantages.
La critique selon laquelle la télévision est
source de passivité et de paresse ne se vérifie que chez quelques
uns des enfants de nos enquêtées. Bien au contraire, elle est pour
la majorité un véritable stimulant à l'action. Le simple
fait qu'elle montre des exemples aux enfants est bénéfique ;
ces exemples leur servent de référence pour organiser leur
propre jeu. D'ailleurs une bonne partie de nos interviewées
reconnaissent qu'avec la télévision, les enfants apprennent
beaucoup plus vite à parler et à jouer.
Dans les foyers où subsiste encore un peu de rigueur,
les enfants s'organisent pour apprendre leurs leçons et s'acquitter des
travaux domestiques afin de se rendre libre pour les émissions
télévisuelles préférées. Ces enfants se
montrent plus raisonnables et plus sages. Pour que l'on ne les prive pas des
émissions de la télévision, ils font tout pour être
à jour dans l'ensemble de leurs devoirs. Ils ne vont pas tous s'affaler
dans les fauteuils pour consommer tout ce qui se passe sur l'écran. Bon
nombre d'entre eux sélectionnent les émissions qu'ils jugent
distrayantes et instructives et ils ne suivent que celles capables de leur
apporter quelque chose. Nous pensons donc que chaque enfant selon ses penchants
naturels peut se sentir attiré ou rebuté par le documentaire, les
variétés, les spots publicitaires, les informations, les jeux,
les films, les magazines, le dialogue et même nos fameux super shows.
Les enfants sont devenus très vifs d'esprit et ne
tarissent pas de questions lorsque le film qui se déroule sur
l'écran présente des zones d'ombre. C'est ainsi qu'ils demandent
à leurs parents de leur expliquer soit un mot qu'ils ne comprennent pas,
soit une situation qui leur paraît étrange. Les enfants tirent
beaucoup d'avantages de la présence de la télévision
à domicile. A ce propos, le Professeur P. Franckard cité par
Abdel-Kader, (1998) déclare : « les scènes qui
sont aimées ou qui contiennent un dialogue favorisent le
développement de l'intelligence et stimulent les relations
sociales. »
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