Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle( Télécharger le fichier original )par Dieudonné KALUBA DIBWA Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031 |
Section 2 : LE CONTROLE A POSTERIORI OU LA CENSURE DES ACTES JURIDIQUES ACHEVESLa censure de la norme juridique achevée c'est-à-dire régulièrement insérée dans l'ordonnancement juridique mais encore infectée par une inconstitutionnalité est l'archétype même du contrôle de constitutionnalité. C'est en réalité empêcher enfin la matérialisation de l'expression législative de la majorité politique lorsque l'on soupçonne celle-ci de déviationnisme à l'endroit des valeurs essentielles proclamées par le constituant. C'est ainsi que l'on peut observer déjà ici que seul le cas de contrôle positif nous intéresse. C'est le noeud gordien du contentieux constitutionnel et la trame de l'Etat de droit moderne. En effet, le cas de contrôle négatif aboutissant à un arrêt de conformité est sans intérêt car il postule que la norme dès le départ était régulièrement insérée dans l'ordre juridique congolais. En revanche, tel arrêt joue un rôle de certification ou mieux d'authentification de la norme juridique qui devient ainsi comme nimbée d'un halo de sainteté qui la rend inattaquable. §1. Les cas de contrôle positifPar une disposition constitutionnelle qui a une portée générale, le constituant pose le principe que « tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit ».1081(*) Ce principe par son énoncé même s'appliquera à toutes les normes infraconstitutionnelles censurées. A. Les lois constitutionnelles Ainsi que nous l'avons relevé, une loi de révision constitutionnelle peut être inconstitutionnelle si les règles présidant à la révision même quant au temps et à la matière n'ont pas été observées. Le constituant cependant peut toujours renverser la décision du juge constitutionnel en adoptant la même loi de façon conforme à la Constitution en ayant au préalable révisé les dispositions constitutionnelles imposant les limites. Plus encore, le constituant peut sans réviser ces limitations recourir à la voie du referendum et empêcher ainsi définitivement le juge constitutionnel d'examiner la conformité de cette loi référendaire à la Constitution. Au demeurant, il faut noter que l'autorité de la chose jugée au constitutionnel ne joue pas à l'égard du pouvoir constituant qui garde la latitude de tout faire. A l'égard des lois organiques, la nullité posée par le texte constitutionnel joue comme un couperet et interdit toute invocation ultérieure devant n'importe quel autre juge, la loi étant censée être inexistante. Les conséquences de la nullité absolue et de plein droit qui sont radicales ont été dans d'autres systèmes de justice constitutionnelle atténuées soit par la loi soit par le juge auquel la latitude a été donnée de délimiter les effets de la susdite nullité au regard des droits subjectifs des particuliers. On peut voir que la loi organique se caractérise par un régime juridique présentant des spécificités par rapport à celui des lois ordinaires. Ce régime juridique est marqué d'une plus grande solennité par rapport à la loi ordinaire, solennité qui souligne l'importance des lois organiques à la fois parce qu'elles sont destinées à appliquer la Constitution, mais également parce qu'elles sont relatives aux institutions les plus importantes. Cela va se traduire d'une part, par des spécificités dans la procédure et, d'autre part, par des caractéristiques contentieuses. Jean-Christophe CAR écrivait que la loi organique n'était au fond qu'une loi ordinaire avec une procédure spécifique. Ces spécificités se retrouvent tant au moment de l'adoption que de la modification de la loi organique. La procédure de l'article 124 est applicable. Toutefois, faute d'accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture qu'à la majorité absolue de ses membres. Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après la déclaration par la Cour constitutionnelle de leur conformité à la Constitution. Les spécificités relatives à l'adoption de la loi organique sont donc inscrites à l'article 124 de la Constitution qui, sur plusieurs points, déroge aux règles procédurales de droit commun prévues aux articles 145 et suivants de la Constitution qui restent tout de même applicable : lex speciali lex generali derogat. Que ce soit au moment de l'initiative de la loi organique ou au moment de sa discussion, aucune spécificité, autre que celle qui pourrait être prévue par les règlements d'Assemblée ou qui sera la conséquence d'une certaine solennité, de fait, des questions sur lesquelles portera la loi organique, n'est identifiable quant au régime de droit commun appliqué en matière de loi organique. On doit d'ailleurs relever que si l'on parle beaucoup de projets de lois organiques, il y a aussi la faculté de déposer des propositions de lois organiques, et qu'en matière organique le nombre de ces propositions est même plus important qu'en matière de loi ordinaire. Tant en ce qui concerne l'initiative que la discussion, comme en matière de lois ordinaires, le Gouvernement peut faire usage de ces prérogatives pour limiter notamment le nombre d'amendements. Sinon, la navette ordinaire est applicable. A ce niveau, aucune différence n'est décelable par rapport aux lois ordinaires. Le parlementarisme rationalisé voulu par le constituant de 2006 a conduit celui-ci à doter le Gouvernement d'un arsenal de prérogatives, dans le cadre de la procédure législative, lui permettant d'accélérer la procédure d'adoption d'un texte et d'avoir une certaine maîtrise de la procédure législative. Ces techniques facilitent de ce fait l'adoption des textes. Il peut sembler curieux de distinguer le régime d'adoption du régime de modification des lois organiques. Logiquement, elles sont modifiables dans les mêmes conditions que pour leur adoption : principe de parallélisme des formes et des procédures. Cependant, en pratique, ce n'est pas si simple. Par ailleurs, certaines questions se posent : Comment sait-on par exemple qu'une loi organique doit être modifiée ? Est-ce qu'une telle loi peut être modifiée suite à l'adoption d'un texte autre qu'une révision constitutionnelle ? Nous allons voir dans quelles conditions une loi organique peut être amenée à être modifiée à travers la question des modifications provoquées d'une loi organique, puis nous verrons quelle procédure doit être suivie pour opérer la modification d'une loi organique. Existe-t-il des cas où la modification d'une loi organique est rendue obligatoire par l'adoption d'un autre texte ? Nous allons voir trois cas de figures dans lesquels cette question peut se poser : l'adoption d'une révision constitutionnelle, l'adoption d'une loi ordinaire, et l'adoption d'un engagement international. Il arrive parfois que des dispositions constitutionnelles soient modifiées sans qu'il soit fait allusion dans le texte à la modification des dispositions organiques d'application : soit par ce que, tout simplement, les dispositions organiques applicables ne nécessitent pas une modification car leur rédaction reste applicable en l'état ; soit parce la modification affecte incidemment le domaine de la loi organique et suppose la modification de la loi organique sans que ceci soit inscrit dans le texte constitutionnel : c'est une conséquence nécessaire de la révision constitutionnelle. Sans modification, la loi organique devient contraire à la Constitution. Il appartient dès lors au législateur organique de se saisir de cette question. Les autres cas de modification provoquée de la loi organique sont moins évidents. Il semble a priori curieux qu'une simple loi ordinaire puisse conduire à la modification d'une loi organique car, dans notre schéma intellectuel simplificateur, nous supposons que les lois organiques chapotent les lois ordinaires donc qu'elles les précèdent et les encadrent. Ce n'est pas aussi simple que cela. Il se peut qu'une loi ordinaire entraîne la modification d'une loi organique car elle affecte indirectement le domaine de la loi organique. Cela est, par exemple, le cas de la création d'une nouvelle catégorie de collectivités territoriales ou lorsque la loi décide de faire changer de catégorie une collectivité territoriale. Cela peut conduire à un changement de la loi organique parce que, par exemple, en affectant une collectivité territoriale dans une autre catégorie, elle change de statut et ce statut doit être défini par la loi organique. Il en va de même lorsque la loi ordinaire décide de modifier une circonscription électorale et que cette modification entraîne la modification du nombre de députés, relevant de la compétence de la loi organique au regard de l'article 2 de la Constitution. Il en va de même en cas de modification du mode de scrutin, cette modification pouvant avoir des incidences sur le nombre de députés ou le mode de remplacement de ceux dont le siège deviendrait vacant. Il faut bien souligner, cependant, que si cette modification est pleinement justifiée, il n'y a aucun moyen de contraindre juridiquement le législateur organique à intervenir. Il n'y a pas de sanction de l'omission législative. Le juge constitutionnel devra parfois faire des observations, notamment à la suite des opérations électorales, dans lesquelles il devra souligner les lacunes du législateur mais cela ne peut pas aller plus loin. Autre situation plus complexe encore : la modification entraînée par la ratification d'un engagement international. Il s'agit de deux cas de figure différents car l'entrée en vigueur des engagements internationaux est subordonnée à l'adoption d'une loi de ratification en vertu de l'article 216 de la Constitution. Que se passe-t-il si un engagement international, que la République démocratique du Congo souhaite ratifier, est contraire à une loi organique ou intervient dans le domaine de compétence du législateur organique ? Cela conduit, tout d'abord, à s'interroger sur la place respective des engagements internationaux et des lois organiques dans la hiérarchie des normes. La lecture de la Constitution laisse apparaître une réponse simple : d'après l'article de la Constitution, si un engagement international est contraire à la Constitution, après constatation effectuée par la Cour constitutionnelle, sa ratification ne pourra intervenir qu'après une révision de la Constitution faisant disparaître cette contrariété. Il n'est fait, dans cette disposition, aucune mention à la loi organique. L'article 215 de la Constitution pose, pour sa part, le principe de supériorité des engagements internationaux par rapport aux lois sans distinguer le caractère organique, ordinaire ou encore référendaire de ces lois. De ce fait, et sans que les travaux préparatoires à la Constitution puisse le contredire, le rapport hiérarchique entre lois organiques et engagements internationaux semble simple : les lois organiques sont subordonnées aux engagements internationaux qui sont eux-mêmes subordonnés à la Constitution. De ce fait, la ratification d'un engagement international qui serait contraire à une loi organique sera possible sans qu'il soit nécessaire préalablement de modifier la loi organique. En revanche, les dispositions de la loi deviendront caduques et il appartiendra au législateur organique de tirer les conséquences de la ratification de l'engagement international. Autre question : si l'engagement international intervient dans le domaine de la loi organique, cela oblige-t-il à une ratification par une loi organique afin de respecter les prescriptions de l'article 46 de la Constitution ? Le Conseil constitutionnel français a répondu à ces questions par deux décisions rendues le 30 juin 1993 en se fondant sur l'interprétation de l'article 53 de la Constitution française : la décision n° 93-318 DC, Accord avec la Mongolie et la décision n° 93-319 DC, Convention internationale sur les risques professionnels causés par les substances et agents cancérogènes : « l'article 53 de la Constitution (...) subordonne à une autorisation donnée par une loi ordinaire la ratification ou l'approbation » de certains engagements internationaux. Par conséquent, quelle que soit le domaine affecté par l'engagement international, la ratification en la forme d'une loi ordinaire suffit. Bien que cela ne respecte pas le principe de parallélisme des formes et des procédures : il n'y a aucune obligation de suivre les formes de l'article 124. Une seule hypothèse doit être mise à part, celle où la loi organique reprendrait expressément des dispositions de la Constitution auquel cas, elle serait « le miroir » des dispositions constitutionnelles et la modification des dispositions constitutionnelles nécessaires à la ratification de l'engagement international devrait entraîner de facto la modification des dispositions de la loi organique. A priori, la réponse semble simplissime : une loi organique ne peut être modifiée que par une autre loi organique qui aura suivi la procédure de l'article 124 de la Constitution. C'est du moins ce qu'indique l'article 124 de la Constitution qui dispose : « Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées (...) dans les conditions suivantes ». En pratique, cela n'est pas si simple, soit que les lois initialement intervenues dans le domaine organique ne soient pas des lois organiques ayant suivi la procédure de l'article 124, soit que d'autres procédures prévues par la Constitution puissent être utilisées pour modifier une loi organique. Dans le premier cas, la question qui se posera est de savoir si le législateur organique peut utiliser la procédure de l'article 124 pour modifier un acte intervenu dans le domaine de la loi organique. Dans le second cas, il s'agira de savoir si la modification par une autre procédure que celle de l'article 124, d'une part, est constitutionnellement acceptable et d'autre part, si cette procédure ne vient pas affaiblir le domaine de la loi organique. Il s'agit là d'étudier la question de la modification par le législateur organique d'un acte intervenant dans le domaine de la loi organique mais n'ayant pas suivi la procédure de l'article 160. Le législateur organique dispose, d'après la Constitution, d'un domaine qui lui est réservé. Ce domaine est défini par les divers articles de la Constitution renvoyant à des lois organiques. Est-ce qu'une loi organique adoptée par référendum ne peut être modifiée que par référendum? Le Conseil constitutionnel français a répondu clairement par la négative à cette question dans une décision n° 76-65 DC du 14 juin 1976 à propos justement de la Loi organique modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Il a estimé que le législateur organique pouvait suivre la procédure de l'article 46 (notre article 160) pour modifier ce type de disposition. La loi référendaire, une fois entrée dans l'ordre juridique, devient semblable aux autres lois et perd son originalité. Son insertion dans l'ordre juridique dépend de la matière sur laquelle elle porte et elle n'a pas de régime juridique spécifique. Une loi organique peut donc modifier sans contrainte une loi référendaire qui porterait sur le domaine organique. Mais le contraire est-il exact ? Cela pose la question de la possibilité de modification d'une loi organique adoptée selon les formes de l'article 160 par le biais d'une procédure étrangère à cet article. Si l'on interprète strictement les dispositions de l'article 160 qui dispose que « les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées(...) dans les conditions suivantes », on peut considérer que la procédure de l'article 160 est la seule procédure constitutionnellement admissible pour modifier une loi organique. Or, la pratique institutionnelle française, qui est illustrative à cet égard, a révélé que ce n'était pas le cas. Il convient ici de distinguer le cas du recours à des procédures référendaires, de celui du recours à des procédures délégataires telles que celles de l'article 16 ou de l'article 38 de la Constitution française. Dans la Constitution française, et mis à part le cas des consultations relatives à l'autodétermination des populations d'outre-mer, il y a eu pendant longtemps deux types de référendums seulement : le référendum de l'article 11 et celui de l'article 89. Il s'agissait de deux procédures de référendum pouvant être organisés sur le plan national et dont le déclenchement appartenait aux seuls pouvoirs publics : le référendum originellement qualifié de législatif, prévu à l'article 11 et le référendum de l'article 89 de la Constitution qui permet d'adopter une loi de révision de la Constitution. En 2003, sont apparus les référendums locaux avec la réforme sur la décentralisation. Ces référendums ne peuvent en aucun cas toucher au domaine de la loi organique. En 2008, l'article 11 de la Constitution a été modifié pour introduire à côté du référendum déclenché par les pouvoirs publics, un référendum qualifié de référendum d'initiative partagée. On peut se demander si une loi organique peut être modifiée par cette nouvelle procédure non encore entrée en vigueur faute d'adoption de la loi organique permettant sa mise en oeuvre. La première question qui se pose est de savoir si l'article 11 alinéa premier français peut modifier une loi organique. La réponse est positive d'autant que rien dans l'article 11 ne l'interdit et que, comme nous l'avons déjà souligné, le champ d'application de l'article 11 couvre le domaine de la loi organique. En outre, les termes de « projet de loi » ont été interprétés largement au point de permettre la soumission de projets de lois constitutionnelles. Par conséquent, et cela s'est déjà produit en 1962, la loi référendaire peut modifier la loi organique d'autant plus que les dispositions à caractère organique pourront être clairement identifiées par la loi référendaire elle-même ou par le contenu de cette loi adoptée par référendum. L'intervention de la loi référendaire pour modifier une loi organique ne fait pas perdre, à cette dernière, son qualificatif de loi organique ; la délimitation des compétences matérielles est sauvegardée. En revanche, le recours à la procédure référendaire pour modifier une loi organique fait perdre à la loi organique les spécificités de son régime protecteur définies à l'article 124 de la Constitution. Ainsi, le Sénat ne pourra pas bénéficier de l'exigence de voter dans les mêmes termes les textes de loi et ne pourra non plus obliger à un vote à la majorité absolue en cas de désaccord avec l'Assemblée nationale. Surtout, les lois référendaires échappent au contrôle de constitutionnalité depuis la décision 62-20 DC du 6 novembre 1962 dans laquelle le Conseil constitutionnel français s'est déclaré incompétent pour contrôler la constitutionnalité d'une loi adoptée par voie de référendum. Par conséquent, ces modifications échappent au contrôle obligatoire et préalable prévu par la Constitution. En outre, la loi constitutionnelle n'est pas soumise au contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s'étant déclaré incompétent dans une décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003. Par conséquent, il est impossible de faire sanctionner les empiétements du pouvoir constituant dérivé sur le domaine du législateur organique. Concernant, enfin, l'éventuelle utilisation de la procédure référendaire pour modifier une loi organique. Nous ne pouvons faire que des suppositions en attendant l'adoption de la loi organique mais a priori rien n'exclut que cette procédure puisse être utilisée pour modifier des dispositions organiques. En outre, ces dispositions bénéficieront du contrôle de constitutionnalité préalable obligatoire pour ce type de proposition de référendum introduit à l'article 160 par la Constitution du 18 février 2006. Il s'agit de s'interroger ici sur le point de savoir si les procédures de délégation législative au bénéfice du pouvoir exécutif peuvent permettre à ce dernier d'intervenir dans le domaine de la loi organique. L'habilitation référendaire à intervenir dans le domaine de la loi organique, donc à modifier une telle loi, est possible mais pour que les dispositions prises en vertu de cette habilitation conservent un caractère législatif (organique), la loi référendaire elle-même devra prévoir leur ratification. A priori, le domaine des lois organiques n'est pas exclu du champ d'application de l'article 145 de la Constitution puisque ce dernier ne fait pas la distinction entre les matières qui relèveraient de la loi organique et celles qui relèveraient de la loi ordinaire. D'ailleurs, pendant la période d'application de l'article 16 équivalent, en France, à notre article 145 susmentionné, (du 23 avril au 29 septembre 1961), deux décisions ont affecté le domaine de la loi organique. La première, du 26 avril 1961, a suspendu le principe d'inamovibilité des magistrats du siège et la seconde, du 17 juin 1961, a dérogé aux règles de droit commun du statut des magistrats. Elles concernaient toutes les deux les magistrats en poste en Algérie. Par ailleurs, le domaine matériel de chaque disposition est respecté par l'article 16 français- et notre article 145 de même-, car la répartition des matières prévues par la Constitution est respectée à l'intérieur de cette habilitation, comme a pu le constater le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 2 mars 1962, Rubin de Servens. Les caractéristiques contentieuses de la loi organique vont nous conduire à aborder deux questions : celle de son régime contentieux et par là même celle de sa place dans la hiérarchie des normes. Les lois organiques se caractérisent par leur soumission obligatoire au contrôle de constitutionnalité et cela les distingue des lois ordinaires. Il en découle, a priori, une règle simple : celle de la subordination de la loi organique à la Constitution. Cependant, une confusion a pu naître à partir du moment où certaines dispositions organiques ont pu servir comme normes de référence du contrôle opéré par le juge constitutionnel. L'article 160 de la Constitution congolaise prévoit la soumission obligatoire de la loi organique au contrôle de constitutionnalité opéré par le juge constitutionnel. Il s'agit d'une condition de validité de la loi organique car une loi organique ne pourra pas entrer en vigueur si elle n'a pas fait l'objet de ce contrôle. Contrôle obligatoire, ne signifie pas cependant contrôle automatique. Les lois organiques venant d'être adoptées par les assemblées seront soumises au juge constitutionnel. Il découle de ce caractère obligatoire de la saisine plusieurs conséquences : 1 - La lettre de transmission du Président de la République ou du Premier ministre n'est pas argumentée à la différence des lettres de saisine car, de toute façon, ce contrôle est exigé par la Constitution. D'ailleurs, le juge constitutionnel se considère comme naturellement saisi de l'examen de l'ensemble des dispositions de la loi organique. 2 - Toute autre procédure que celle de l'article 160 pour contrôler la loi organique est irrecevable : ainsi, la procédure de l'article 160, alinéa 3 ne peut être utilisée, de même qu'est considérée comme irrecevable une lettre de saisine des parlementaires qui viendrait appuyer la lettre de transmission du Premier ministre (Conseil constitutionnel, décision n°92-305 DC du 21 février 1992, Statut de la magistrature). 3 - Si le juge constitutionnel relève des inconstitutionnalités, il pratiquera un contrôle à double détente, c'est-à-dire que lors de l'examen de la loi organique modifiée pour tenir compte des inconstitutionnalités relevées par lui, il vérifiera si ces inconstitutionnalités ont été purgées. 4 - Le juge constitutionnel s'estimant saisi de l'ensemble des dispositions de la loi organique, si celle-ci est déclarée constitutionnelle, l'ensemble de ses dispositions se voient conférer un brevet de constitutionnalité, donc elles bénéficient a priori d'une présomption irréfragable de constitutionnalité. Ce contrôle obligatoire induit nécessairement la soumission de toutes les lois organiques à la Constitution. Il semble aller de soi que les lois organiques sont soumises à la Constitution car, non seulement le législateur organique ne dispose pas de « la compétence de la compétence », c'est-à-dire qu'une loi organique ne peut intervenir que parce que la Constitution l'a prévu. Ensuite, elles font l'objet d'un contrôle obligatoire dans lequel on vérifie leur conformité à la Constitution. Enfin, une loi organique ne pourrait être considérée comme ayant valeur constitutionnelle qu'autant que serait emprunté, pour sa modification, la voie de la révision constitutionnelle. Nous allons voir deux cas : le premier est celui ou des dispositions organiques s'imposent aux règlements d'assemblées, le second où ce sont des dispositions organiques qui s'imposent aux lois ordinaires. Dans la mesure où le constituant donne compétence au législateur organique pour poser des règles en matière parlementaire, ces dispositions organiques s'imposent aux règlements d'assemblées et donc, aux résolutions venant modifier ces règlements. En revanche, les autres lois organiques et les dispositions organiques qui ne viennent pas poser de règles en matière parlementaire en vertu de la Constitution, n'ont pas de raison de s'imposer aux règlements d'assemblée. C'est à dire que les assemblées retrouveront une certaine autonomie dans la détermination du contenu de leur règlement intérieur si aucune disposition organique ne vient poser de règles. La seconde question qui se pose est de savoir s'il existe un rapport de hiérarchie entre lois organiques et lois ordinaires ou un rapport de réserve de compétence comme il peut exister entre la loi et le règlement. Si l'on regarde du côté de la loi de finances, les dispositions organiques qui s'imposent à elle sont soit des dispositions qui ont un fondement constitutionnel, soit des dispositions qui instituent le respect de procédures particulières et dont le non-respect entraîne indirectement le non-respect de la Constitution. Par exemple, l'introduction de cavaliers budgétaires dans la loi de finances est sanctionnée par le juge constitutionnel car ce sont des dispositions qui n'ont rien à faire dans la loi de finances. Au-delà de la théorie des cavaliers, l'on peut noter que les dispositions de la loi organique n'ont pas pour autant un rang constitutionnel, sinon il faudrait nécessairement les modifier par la voie de la révision constitutionnelle. Ce qui n'est pas le cas. En réalité, et plus généralement, certaines dispositions organiques ont valeur constitutionnelle car elles reprennent des dispositions de valeur constitutionnelle de telle sorte que leur modification doit passer préalablement par une modification de la Constitution ; d'autres instituent des règles de procédure obligatoire qui s'imposent aux lois ordinaires, elles sont des normes de référence mais pas des normes constitutionnelles ; d'autres encore, sont tout simplement des dispositions organiques et il n'y a pas de rapport de hiérarchie avec des lois ordinaires mais simplement un rapport de réserve de compétence. Les lois ordinaires n'échappent pas au régime de nullité absolue prévu par le constituant. Cependant, l'on peut observer que et le constituant et le futur législateur organique n'organisent cette nullité de plein droit dont les effets sont dévastateurs du point de vue de la théorie des nullités. En effet, la nullité agissant toujours ex tunc ou ab origine, il est possible que l'annulation de la loi ait des effets pervers sur des tiers bénéficiaires de bonne foi. Si la nullité ne pose aucun problème pour l'avenir, le passé par contre est géniteur des droits subjectifs. Dire que ses droits n'ont jamais existé, c'est à coup sûr créer un désordre dans l'ordonnancement juridique. En droit comparé, la question a été résolue par le législateur belge1082(*). Nous pensons que la formulation de l'ordonnance-loi portant procédure devant la Cour suprême de justice peut être mise à profit ici. Il suffit de donner latitude au juge constitutionnel de préciser l'étendue de la nullité pour en limiter les effets à l'égard des droits acquis en vertu de la législation antérieure abrogée.1083(*) D. Les actes ayant force de loi Le régime juridique des actes ayant force de loi est celui de tout acte législatif. Il est donc demandé au lecteur de se reporter sur ce qui a été déjà écrit à propos des actes législatifs. La nullité de plein droit est donc la sanction de pareil acte quand il ne rencontre pas les prévisions du constituant. La sanction semble poser problème lorsqu'il s'agit des actes d'assemblée. Pendant longtemps, l'acte d'assemblée a toujours échappé au contrôle du juge administratif en vertu de l'article 87, alinéa 3 de la procédure devant la Cour suprême de justice. A notre avis, cette prévention du juge administratif suprême procédait d'une lecture tronquée de la loi. La disposition légale citée renvoie à la notion d'acte législatif qui recouvre uniquement les lois et les actes ayant force de loi. Les actes d'assemblée étant une catégorie d'actes parlementaires à part, il est juste effectivement de dire que le juge administratif est incompétent en ce qui est du contrôle des actes législatifs. La raison en est bien simple : il ne s'agit pas d'actes des autorités administratives. De plus en plus, la jurisprudence découlant de l'arrêt R.A. 320 du 21 aout 1996 a été consolidée erronément par le juge constitutionnel qui a considéré aussi et à tort que les motions de défiance étaient des actes législatifs relevant de sa compétence de contrôle.1084(*) En effet, les motions de défiance comme les résolutions sont des actes d'assemblée. Dans l'état actuel de la législation devant la Cour suprême de justice, il n'y a pas de base légale de compétence pour la Cour transitoire. Par contre, l'article 144, alinéa 1er est la seule base pour attaquer un acte d'assemblée mais uniquement dans la matière considérée car cette disposition légale pose que « la Cour connaît aussi, à la requête de l'intéressé, des recours dirigés contre les actes du Conseil législatif refusant la validation des pouvoirs ou constatant la démission d'office d'un de ses membres ».1085(*) La question mérite d'être réglementée car s'il est permis d'examiner la régularité formelle d'une loi constitutionnelle, nous ne voyons guère de justifications théoriques solides pour faire échapper les actes d'assemblée autres que ceux prévus à l'article 144 de la procédure devant la Cour suprême de justice de la censure juridictionnelle. En effet, deux arrêts ont déjà consacré ce contrôle en droit congolais.1086(*) C'est le lieu de dire que l'article 74 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces pose aujourd'hui autrement la question en disposant que « la Cour administrative d'appel connait en premier ressort des recours en annulation pour violation de la loi, des édits et des règlements nationaux formés contre les actes ou décisions des autorités provinciales ou locales et les organismes décentralisés placés sous la tutelle de ces autorités ». La lecture de cette disposition légale plus récente donne à voir qu'elle ouvre le recours en annulation contre tout acte des autorités provinciales sans distinguer les autorités administratives de toutes autres. C'est ce qui a fait dire à la Cour d'appel de Mbandaka, siégeant en matière administrative, qu'elle était parfaitement compétente pour statuer sur la régularité d'un acte d'assemblée provinciale ayant adopté une motion de défiance dans les conditions qu'elle avait jugé illégales.1087(*) C'est peut être l'occasion de régir la question par une disposition légale, par voie mineure de la loi organique en chantier, claire et digne d'intelligence. De toutes les façons, si les actes d'assemblée ne sont pas susceptibles de contrôle, il faut le dire expressément même si, en le disant, le législateur consacrerait une zone de non droit qui est incompatible avec la notion d'Etat de droit constitutionnel qui postule le respect par tous des droits et libertés des citoyens. Si cette notion de l'époque du légicentrisme est acceptée, il faudra accepter les violations des droits subjectifs tant qu'elles seraient exprimées politiquement et juridiquement sous la forme non législative. C'est inadmissible. La question ainsi posée ne concerne pas les actes réglementaires. Ceux-ci subissent le régime commun de nullité qui les rapproche du recours en annulation pour excès de pouvoir législatif. En effet, les actes réglementaires que nous avons analysés au chapitre second de cette seconde partie en détail sont susceptibles de contrôle de constitutionnalité. Lorsque celui-ci est positif c'est-à-dire lorsqu'il aboutit à la non-conformité, il reste acquis que l'acte ainsi annulé ne porte plus d'effets en droit. La question des droits acquis se pose mais il appartient au législateur de régler les effets de la nullité qui frapperait un tiers bénéficiaire de bonne foi d'un acte réglementaire annulé de plein droit. Lorsque le juge s'est ainsi prononcé, il reste que sa décision doit être exécutée par les destinataires qu'il échet d'appréhender ici. * 1081 Lire article 168, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006. * 1082 Lire BECKERS (M.), L'autorité et les effets des arrêts de la Cour d'arbitrage, Bruxelles, Story Scientia, 1987, p.7. * 1083 Dans ce sens, voir TREMEAU (J.), « La confrontation de la loi à la Constitution par le juge ordinaire. Qu'en pensez-vous ? », (En collaboration avec CARPENTIER (E.)), Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2006 ; JACQUELOT (F.), « Les droits de la défense » in RUBI-CAVAGNA (E.) (sous la direction de), Les principes fondamentaux dans la jurisprudence des juridictions suprêmes, Université Jean Monnet de Saint-Étienne, octobre 2004, pp. 130-159. * 1084 Lire CSJ, arrêts Kapuku Ngoy Trésor, Cibalonza Byatarana Célestin et Makila Sumanda José respectivement sous R.Const 051 du 31 juillet 2007, R.Const 062 du 26 décembre 2007 et R.Const 078 du 4 mai 2009, inédits. * 1085 Lire article 144 de l'ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 portant procédure devant la Cour suprême de justice. C'est nous qui soulignons. * 1086 Lire CSJ, arrêt RCE 001, Mutiri Muyongo contre HCR-Pt, du 4 février 1996 et arrêt RCE 002 Kalegamire contre HCR-Pt de 1998. * 1087 Lire Cour d'Appel Mbandaka, arrêt José Makila Sumanda contre Assemblée provinciale de l'Equateur, R.A.059 du 24 avril 2009, inédit. |
|