CHAPITRE III : LES
INFLUENCES DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
La justice constitutionnelle que nous venons de décrire
ne peut s'exercer que dans le cadre d'un Etat. Or, déjà dans sa
conception d'Etat-gendarme, celui-ci accomplissait les tâches de justice,
de diplomatie et de défense de même que l'activité de
police pour assurer le bon ordre. Dans sa conception d'Etat-providence, il faut
reconnaître que ces tâches se sont accrues de sorte qu'une
nécessité logique et pratique de partager les différentes
tâches entre plusieurs organes s'est imposée.
Du point de vue du droit constitutionnel, les fonctions de
l'Etat s'entendent des manifestations de la souveraineté de l'Etat. La
thèse finaliste est écartée car elle ne trace ni devoirs
ni droits en ce qui est de simples objectifs que peuvent recouvrer les
tâches à accomplir.355(*)
Il est entendu que le terme Etat dans l'expression
« fonctions de l'Etat » infère aux gouvernants qui
sont à la fois organes de l'Etat et représentants du souverain.
D'une part, en tant qu'organes de l'Etat, c'est l'Etat lui-même qui agit
par leur entremise, et d'autre part, en tant que représentants du
souverain, ils sont chargés d'exécuter la volonté de celui
qui a le dernier mot c'est-à-dire le souverain.
Le professeur Marcel Antoine Lihau opinait déjà
que « les gouvernants constituent les intermédiaires
indispensables entre l'Etat et le souverain, car c'est grâce à eux
que la volonté du souverain est attribuée à l'Etat ;
c'est grâce au Parlement, au Président de la République,
aux cours et tribunaux, par exemple, que la volonté du groupe qui
détient dans l'Etat la plus grande force politique parvient à se
concrétiser et à être rattachée à
l'Etat ».356(*)
Sans nous attarder sur la querelle française de la
souveraineté populaire et de la souveraineté nationale, il y a
lieu de voir que même là la Constitution du 4 octobre 1958 a
réalisé une heureuse combinaison qui aboutit à installer
une démocratie semi-directe. Il s'agit d'un compromis entre les
partisans de deux thèses prémentionnées.
Paul de Visscher, pour ce qui est du droit belge, enseigne que
la rédaction de l'article 25 de la Constitution belge règle trois
questions essentielles : la légitimité de la
souveraineté en tant qu'elle est exercée par les organes
établis avec le consentement de la Nation, dans
l'intérêt de l'ensemble de la Nation et dans le
respect des normes établies par la Constitution.357(*) Les pouvoirs ainsi
accordés étant d'attribution et d'ordre public, il est interdit
les subdélégations de pouvoirs.358(*)
Mais en réalité, l'on peut observer qu'il y a
d'un coté ceux qui détiennent la décision politique et de
l'autre, ceux qui obéissent. Ceux-ci peuvent être de simples
citoyens dont les droits fondamentaux doivent être garantis ou des partis
politiques exprimant une vision majoritaire ou minoritaire dans la Nation.
Aujourd'hui donc, la séparation des pouvoirs ne
concerne plus seulement le partage des fonctions entre les différents
organes de l'Etat mais aussi et surtout le partage de deux blocs politiques
antagonistes : la majorité et l'opposition.359(*)
Aussi tout le long de ce chapitre, allons-nous analyser les
implications de la justice constitutionnelle sur l'ordre politique, dans une
première section, vis-à-vis de la place qu'occupe le juge
constitutionnel dans la théorie de la séparation des pouvoirs,
vis-à-vis de la minorité politique et des droits fondamentaux des
citoyens.
Ensuite, dans une seconde section, nous verrons les influences
que la justice constitutionnelle exerce sur l'ordre juridique notamment le
phénomène de constitutionnalisation du droit, celui de la
sacralité du droit et enfin, celui du culte du droit.
Section 1 : L'ORDRE
POLITIQUE ET LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
Etudier les influences de la justice constitutionnelle, c'est
en même temps situer le juge constitutionnel dans l'ordonnancement
politique, c'est tenter d'évacuer les suspicions nombreuses et
variées qui entourent son statut et surtout la méfiance souvent
affichée par la minorité politique ou les citoyens lors de
l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux. Qu'en est-il
d'abord de la place de ce juge dans l'ordre politique ?
§1. La séparation
des pouvoirs ou la place du juge constitutionnel
L'on a déjà dit ailleurs que la
séparation des pouvoirs est une technique constitutionnelle
destinée à écarter le despotisme et à garantir la
liberté. Le cadre historique de l'émergence de cette
théorie est qu'il n'y a pas des partis politiques au sens moderne du
terme au moment où Montesquieu l'élabore.360(*)
Au-delà des traces que la doctrine trouve dans les
écrits d'Aristote361(*) déjà, l'on doit dire que la
théorie de la séparation des pouvoirs est nourrie aux affluents
de la pensée de John Locke, Charles-Louis de Secondat, baron de
Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau.
Si John Locke distingue déjà le pouvoir
législatif, le pouvoir exécutif du pouvoir
fédératif chargé de conduire les relations
internationales, Montesquieu par contre vise l'affaiblissement de
l'autorité royale afin que le pouvoir, établi pour le bien
commun, ne débouche sur un absolutisme attentatoire aux libertés
individuelles.
Dès lors, séparation des pouvoirs est synonyme
de gouvernement modéré ou organisation politique non despotique.
Elle signifie aussi la nécessité et l'exigence de la
répartition des pouvoirs entre différents organes de l'Etat quel
qu'en soit le contenu.
Il en résulte en d'autres termes que la
séparation des pouvoirs, c'est la Constitution car elle demeure la base
d'une bonne constitution. Ainsi se justifie l'affirmation devenue classique de
l'article 16 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen du 26
août 1789 selon laquelle « s'il n'y a pas de séparation
des pouvoirs, il n'y a pas de constitution ».
Mais il peut paraître paradoxal de vouloir analyser la
place du juge constitutionnel par rapport à la théorie de la
séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu avait traité la
fonction juridictionnelle comme d'une puissance en quelque façon
nulle. La séparation semblait ne pouvoir être concevable
réellement qu'entre les deux autres. Dans cette conception où la
loi est l'expression de la volonté générale, il est exclu
toute possibilité d'existence de juge constitutionnel. Or, depuis le
19ème siècle, il est apparu la nécessité
de contrôler l'expression législative, produit désormais de
la majorité et non plus de la volonté générale qui
garde comme seul cadre d'expression : la Constitution.362(*)
Il faut reconnaître qu'il y a déplacement
épistémologique de la notion de la volonté
générale et même de la notion de souverain. Fort longtemps,
les représentants de la Nation souveraine avaient fini par devenir
souverains puisqu'ils en étaient l'expression concrète. Sa
traduction politique c'est le régime parlementaire et même sa
déviation de régime d'assemblée.
Depuis que la doctrine, influencée par les travaux de
la science politique, a démonté ingénieusement le contenu
du souverain, l'on a vite compris qu'il s'agit de la force politique dominante.
Or, celle-ci peut très bien respecter la répartition des pouvoirs
entre les mains de divers organes de l'Etat sans qu'en réalité le
pouvoir ne soit modéré c'est-à-dire protecteur des droits
et libertés des citoyens. Car, la vraie garantie demeure dans la
possibilité que l'on doit détenir de contester la
décision de la majorité devant un organe qui ne dépend
d'aucun autre organe de l'Etat dont il a par ailleurs la charge de
contrôle.
Cette nouvelle conception de l'ordre politique entre
majorité et opposition enrichit la théorie de Montesquieu d'une
dimension qu'elle a évacuée à l'origine et cela, car en
son temps, la notion des partis politiques est inconnue. Il y a dès lors
renversement de la séparation des pouvoirs. D'horizontale qu'elle
était, la division des pouvoirs est politiquement verticale : les
dirigeants et les dirigés. Ainsi, l'on voit bien que la simple
répartition des pouvoirs entre les organes de l'Etat pour utile qu'elle
soit demeure néanmoins insuffisante.
Voilà la justification théorique du juge
constitutionnel qui se place ainsi entre les trois fonctions de l'Etat
prémentionnées, et entre tous les dirigeants et les
dirigés. C'est ainsi que le juge constitutionnel est censé
être placé hors hiérarchie judiciaire, parce qu'il
contrôle, en principe, comme nous l'avons vu en Allemagne, l'application
de la Constitution par tous les organes de l'Etat y compris les cours et
tribunaux. Etant le juge du « gouvernement de la
Constitution », il ne devrait être limité et
contrôlé que par le patron, le souverain, le constituant.
Ainsi, de nos jours, la notion de séparation des
pouvoirs, relativement à la signification qu'elle revêtait au
18ème siècle, fait l'objet d'une controverse entre
juristes qui disposent de deux théories interprétatives, à
savoir celle de la doctrine dite traditionnelle ou classique telle qu'elle fut
fixée en France dans les facultés de Droit à la fin du
19ème siècle, et celle, postérieure et
hétérodoxe, développée notamment par Charles
Eisenmann et Michel Troper.363(*)
Cette nouvelle conception de la séparation des pouvoirs
procède de l'ancienne représentation de la démocratie
pouvant se résumer par la formule « la démocratie par
la loi » qui a cédé la place aujourd'hui à la
formule « la démocratie par la Constitution ».
La traduction institutionnelle de ce glissement conceptuel de la loi à
la Constitution est de mettre au coeur de la démocratie le juge
constitutionnel.364(*)
En effet, l'on peut observer que l'institution d'un juge
constitutionnel entraîne comme corollaire la consécration d'un
espace séparé au profit des gouvernés et ce, au
détriment de l'ancienne doctrine de l'identification des
gouvernés avec les gouvernants.365(*)
Par ailleurs, il faut indiquer que le fonctionnement
démocratique reposait longuement sur l'identification des gouvernants
aux gouvernés, sur la confusion entre le peuple et ses
représentants, entre la volonté générale et la
volonté parlementaire, faisant ainsi du Parlement l'égal du
souverain, ou plutôt, comme l'écrit Raymond Carré de
Malberg, l'érigeant effectivement en souverain. 366(*)
L'activité législative des représentants
est, là, directement imputée à la volonté du peuple
sans que celui-ci puisse protester puisque, par définition
constitutionnelle, il n'existe pas de manière séparée et
indépendante, il ne peut avoir de volonté hors celle
exprimée par les représentants.367(*)
Désormais, les droits et libertés des citoyens
sont distincts de l'expression des représentants. Le peuple a une
existence autonome, il ne s'agit plus d'extrapoler « le pouvoir de
vouloir pour la nation »368(*), le peuple gardant toujours la possibilité
d'une expression autonome.
Il y a là, à n'en point douter, rupture de
conception et de perspective qui transfigure le juge constitutionnel en une
figure démocratique originale. En effet, la Constitution, c'est
finalement la garantie des droits. De ce point de vue, le juge constitutionnel
est comme participant d'une autre géographie constitutionnelle car s'il
participe de la société politique du fait qu'il est un organe de
l'Etat il n'en demeure pas moins éloigné du fait aussi qu'il est
par sa mission une institution de la société civile.369(*)
Comment ne pouvait-il pas en être autrement si,
après la mort de Dieu caractérisée par l'émergence
de l'Etat laïc, la mort de la Raison cristallisée par la
déraison et l'hybris370(*) des gouvernants, le droit constitutionnel
était en crise de légitimité ?
Longtemps, son fondement a été Dieu, au
siècle des Lumières, la Raison ; mais celle-ci étant
perturbée avec les affres de deux guerres mondiales, il faut
reconnaître avec Jürgen Habermas que toutes les théories de
retour même à l'irrationnel sont de retour.371(*) L'effondrement de ces
légitimations traditionnelles prive la société de toute
explication et de toute légitimité fondatrice de l'ordre
politique qui se trouve ainsi déstabilisé.372(*)
Dès lors la figure du juge constitutionnel, aux dires
de Dominique Rousseau, apparaît comme une nouvelle figure dans le paysage
démocratique dont l'exigence démocratique se construit sur la
base de la raison axiologique et pratique,
c'est-à-dire celle qui soumet la légitimité des actions
à leur conformité aux valeurs et à l'éthique dans
lesquelles la société se reconnaît et s'identifie. Et les
sociétés modernes multiplient les lieux où se
réfléchissent, se discutent, s'apprécient le sens et la
valeur des actions politiques ; dans cette dynamique émerge la
figure du juge comme miroir ou comme scène de cette réflexion,
comme tiers par qui et devant qui s'énoncent les principes sur la base
desquels une action sera jugée légitime ou non. Il est promu
à la fois révélateur et opérateur de la
qualité démocratique des décisions.373(*)
Ces développements ne seraient pas complets sans un
regard appuyé sur la théorie de l'Etat de droit qui constitue
l'arrière-fond idéologique moderne de la place du juge
constitutionnel.
L'Etat de droit est devenu une référence
incontournable, un des attributs substantiels de l'organisation politique au
même titre que la Démocratie, avec laquelle il entretient des
rapports complexes : Moyen de réalisation de l'exigence
démocratique, selon Jürgen Habermas, l'Etat de droit
apparaît ainsi comme indice politique d'encadrement et de canalisation du
jeu politique ; dans tous les cas, Etat de droit et Démocratie
forment désormais un couple inséparable, dont les
éléments se présupposent réciproquement374(*).
Plus systématiquement encore, le concept d'Etat de
droit peut être considéré comme une pure et simple
tautologie, dans la mesure où la spécificité de
l'Etat, en tant que forme d'organisation politique, réside
précisément dans un processus de juridisation
intégrale : l'Etat est en effet un concept dont la consistance est
d'abord juridique et qui ne saurait être appréhendée
qu'à travers le prisme du droit ; il prend corps à travers
un « statut », qui le fait exister comme entité
juridique, par la définition d'un ensemble de propriétés,
d'une série d'attributs qui lui sont reconnus.
Cette analyse a été poussée
jusqu'à ses conséquences ultimes par Hans Kelsen pour qui l'Etat
n'étant en réalité que l'autre nom de l'ordre juridique,
l'expression « Etat de droit » ne peut être qu'un
pléonasme.
Dès l'origine, plusieurs conceptions de l'Etat de droit
se sont en effet affrontées : l'Etat de droit sera posé,
tantôt comme l'Etat qui agit au moyen du droit, en la forme
juridique ; tantôt comme l'Etat qui est assujetti au droit ;
tantôt encore comme l'Etat dont le droit comporte certains attributs
intrinsèques. Ces trois versions (formelle, matérielle,
substantielle) dessinent plusieurs figures possibles, plusieurs types de
configurations de l'Etat de droit, qui ne sont pas exemptes d'implications
politiques.
Au début du XXe siècle, l'Etat de
droit était conçu comme un type particulier d'Etat, soumis
à un « régime de droit » : dans un tel
Etat, le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l'ordre
juridique en vigueur, tandis que les individus disposent de voies de recours
juridictionnelles contre les abus qu'il est susceptible de commettre.
Au coeur de la théorie de l'Etat de droit, il y a donc
le principe selon lequel les divers organes de l'Etat ne peuvent agir qu'en
vertu d'une habilitation juridique : tout usage de la force
matérielle doit être fondé sur une norme juridique ;
l'exercice de la puissance se transforme en une compétence,
instituée et encadrée par le droit. Dans la mesure où les
organes de l'Etat sont ainsi tenus au respect de normes juridiques
supérieures, l'Etat de droit tend à se présenter sous
l'aspect formel de la hiérarchie des normes.
La théorie de l'Etat de droit postule d'abord la
soumission de l'Administration au droit : l'Administration doit
obéir aux normes qui constituent à la fois le fondement, le cadre
et les limites de son action ; et cette soumission doit être
garantie par l'existence d'un contrôle juridictionnel exercé, soit
par le juge ordinaire (Justizstaat), soit par des tribunaux
spéciaux (Sondergerichte). Mais la théorie postule aussi
la subordination de la loi à la Constitution : le Parlement doit
exercer ses attributions dans le cadre fixé par la Constitution ;
et, là encore, l'intervention d'un juge constitutionnel apparaît
indispensable pour faire respecter cette primauté.
Ainsi conçu, l'Etat de droit contraste fortement avec
la Rule of law britannique, systématisée par Dicey
(Introduction to the study of the law of the Constitution, 1885),
tout entière fondée sur le souci de protection des droits et
libertés individuels : le respect de la hiérarchie des
normes fait place à l'affirmation de l'autorité suprême et
exclusive de la Loi (la toute-puissance du Parlement étant cependant
limitée par la souveraineté politique de la Nation, l'existence
de l' « opinion publique ») ; la législation
est tenue de présenter un certain nombre de qualités
intrinsèques (généralité, publicité, non
rétroactivité, clarté, cohérence, stabilité
et, en tout premier lieu, prévisibilité) ; enfin, les
libertés individuelles sont placées sous la protection des
tribunaux ordinaires, le principe d'égalité devant la Loi
excluant tout privilège de juridiction pour les agents de la Couronne.
De même, aux Etats-Unis, le due process of
law, consacré par le quatorzième amendement en 1868, sera
progressivement entendu, non plus seulement comme imposant aux autorités
publiques une certaine manière d'agir (procedural due process)
- par exemple la garantie d'un juste procès mais encore comme
impliquant un certain contenu du droit applicable ( substantive due
process). Alors que les conceptions n'étaient pas au départ
très éloignées voire communes, les traditions
continentales et anglo-saxonnes ont donc divergé : à la
différence de la Rule of law, l'Etat de droit est conçu pour
l'essentiel de manière formelle, indépendamment de tout
caractère « substantiel » ou
« procédural ».
Le formalisme trouve cependant ses limites. La théorie
de l'Etat de droit exige davantage qu'un Etat régi par le
droit, à travers la construction d'un ordre juridique
hiérarchisé ; elle suppose aussi que l'Etat, en tant que
tel, et non pas seulement à travers ses organes, soit assujetti au
droit. Or, ce passage n'est rien moins évident : l'ordre juridique
est en effet celui de l'Etat lui-même et l'on ne saurait inférer
de la hiérarchisation du droit étatique l'idée de
soumission de l'Etat au droit, sauf à recourir au raisonnement
circulaire ou tautologique ; en se soumettant au droit qu'il produit,
l'Etat ne fait tout au plus que se soumettre à lui-même,
d'où le risque de ne voir dans la subordination de l'Etat au droit qu'un
pur artifice.
La doctrine de l'Etat de droit apportera à ce
problème des réponses variées : à la
théorie de l' « autolimitation », dominante dans la
pensée juridique allemande, selon laquelle il ne saurait y avoir de
droit antérieur et supérieur à l'Etat, répondront
les théories de l'
« hétéro-limitation », très
présente dans la pensée juridique française,
plaçant le fondement du droit en dehors de l'Etat- (avant que Hans
Kelsen ne récuse le terme de la controverse, par l'affirmation de
l'identité de l'Etat et du droit) ainsi apparaît le talon
d'Achille de la théorie de l'Etat de droit qui, posant comme postulat la
soumission de l'Etat au droit, ne parvient pas à fonder logiquement
cette soumission...
L'Etat doit définir, par le biais du droit, les voies
et les limites de son propre rayon d'action ainsi que la sphère de
liberté des citoyens.
Aux yeux de ses théoriciens, la caractéristique
essentielle du Rechtstaat est que, dans ses rapports avec les
administrés et pour tout ce qui concerne leur statut individuel, l'Etat
agit sur la base des règles générales, de normes
préexistantes. Cette exigence prend son véritable sens à
l'égard de l'Administration et constitue le principe fondamental de
différenciation entre l'Etat de droit (Rechtstaat) et l'Etat de police
(Polizeistaat).
Comme l'Etat de droit, et à la différence du
gouvernement despotique ou arbitraire, l'Etat de police accorde une large place
au droit : mais celui-ci est un droit purement instrumental, sur lequel
l'Administration dispose d'une totale maîtrise, sans être tenue au
respect de normes supérieures qui s'imposent à elle :
servant à imposer des obligations aux administrés, sans
être en retour source de contrainte pour l'Administration, il est
l'expression et le condensé de la toute puissance administrative. L'Etat
de police est fondé sur le bon plaisir du prince ; il n'y a ni
véritable limite juridique à l'action du pouvoir, ni
réelle protection des citoyens contre le pouvoir.
L'Etat de droit s'oppose moins à l'Etat de police qu'il
ne l'englobe et le dépasse : le droit n'est pas seulement un
instrument d'action pour l'Etat, mais aussi un vecteur de limitation de sa
puissance. Aussi acquiert-il un caractère ambivalent pour
l'Administration, à qui il permet d'agir mais tout en faisant peser en
même temps sur elle un ensemble de règles, extérieures et
supérieures, qui s'imposent à elle de manière
contraignante. Ces règles l'habilitent à agir et
déterminent les moyens dont elle peut faire usage ;
l'Administration ne peut rien imposer qui ne soit explicitement prévue
par elles, et les administrés peuvent les invoquer devant une
juridiction pour obtenir l'annulation, la réformation ou la non
application des actes administratifs qui auraient froissé leurs
intérêts...
La doctrine du Rechtstaat conduit en pratique à
l'affirmation de la suprématie de la loi sur l'administration : non
seulement celle-ci doit s'abstenir d'agir contra legem, mais encore
elle est tenue de n'agir que secundum legem, en vertu d'une
habilitation légale (réserve de la loi). Cette affirmation ne
prend toute sa portée qu'au regard de la conception matérielle de
la loi professée par la doctrine allemande et qui contraste avec la
conception purement formelle qui sera, à la suite de Carré de
Malberg, celle de la doctrine française. Définie par son
contenu, la loi recouvre toute norme à caractère
général.
Il se confirme qu'il ne peut y avoir un Etat de droit que si
le pouvoir politique pouvait s'exercer par les voies du droit et seulement par
ces voies. Pour cela, il faut qu'il existe dans l'Etat un réseau
normatif bien adapté et une hiérarchisation des normes avec au
sommet, des principes à valeur constitutionnelle qui servent de
référence
C'est par le réseau normatif que l'on peut
espérer éliminer l'arbitraire.
Dans un régime démocratique, le pouvoir du plus
grand nombre n'a de sens que s'il ne laisse aux gouvernants aucune
possibilité de détourner leur volonté
générale. Par son caractère procédural et formel,
la norme juridique objective la volonté de son auteur-le
législateur- l'exécution, elle, s'impose à lui autant
qu'à ses destinataires. Il reste encore à l'auteur, et c'est
indispensable, des possibilités de choix, mais encadrées par le
droit, le discrétionnaire étant substitué à
l'arbitraire.
La hiérarchisation des normes juridiques
intègre les lois constitutionnelles, les traités internationaux,
les lois ordinaires, les règlements des organes exécutifs, les
règlements des autorités administratives. C'est cette
hiérarchisation qui, seule, permet aux juridictions qualifiées de
contrôler dans un même secteur de compétences, la
conformité des normes inférieures aux normes supérieures,
sur recours, selon le cas, de l'opposition ou des gouvernés
eux-mêmes. Il est donc nécessaire que soit institué un
contrôle de la constitutionnalité des lois et un contrôle
de la légalité des règlements exécutifs et
administratifs.
Jacques Chevallier affirme que l'indépendance de
l'autorité juridictionnelle constitue une garantie majeure contre
l'arbitraire du pouvoir et en réalise par là même la
limitation. Elle représente un des prolongements les plus
intéressants et les plus souhaitables de la théorie de la
séparation des pouvoirs. Alors que le « pouvoir
judiciaire » avait toujours été plus ou moins
négligé, il apparaît actuellement, sous la forme plus
neutre de l'autorité juridictionnelle, c'est-à-dire de l'ensemble
des juridictions nationales.
Par l'autorité juridictionnelle, il faut entendre aussi
bien la Cour Constitutionnelle que les diverses juridictions chargées de
trancher les litiges qui opposent, soit des personnes privées, physiques
ou morales, entre elles, soit des personnes privées à des
personnes morales de droit public (c'est-à-dire aux gouvernants et
à l'administration), soit encore des personnes morales de droit public
entre elles.
Sur le plan juridique, l'indépendance des juges peut
être garantie, d'une part, par leur inamovibilité, qui les met
à l'abri de toute révocation et de tout déplacement
imposé, sauf le cas de faute d'une gravité avérée
et selon une procédure juridictionnelle. Mais l'indépendance
n'est pas seulement tributaire de garanties juridiques, elle est aussi fonction
du caractère et des traditions corporatives.
Par le troisième élément, l'auteur
soutient qu'en ce qui concerne la philosophie humaniste et libérale,
s'il est nécessaire que les titulaires du pouvoir politique voient leur
liberté encadrée et parfois verrouillée par un
réseau de normes hiérarchiques sous le contrôle de
l'autorité juridictionnelle. Cela ne saurait être
considéré comme suffisant pour la mise en oeuvre d'un
véritable Etat de droit. Celui-ci implique que le tissu normatif soit
inspiré par une philosophie humaniste et libérale, plaçant
au premier plan la dignité et le mieux-être de la personne.
L'Etat n'est pas une fin en soi, mais un instrument au service du Bien commun
et que tout Etat démocratique et pluraliste doit nécessairement
avoir pour support un corps de principes fondamentaux affirmant les
libertés et les droits des citoyens.
La littérature en matière de l'Etat de droit
connaît une fortune ce dernier temps. Et tous les auteurs du droit
public s'y emploient allégrement : Gustave Peiser, définit
ce droit comme ensemble organisé de services destiné à
satisfaire les besoins collectifs déterminés. Faisant la
distinction entre et Etat de droit, il affirme que dans ce dernier
l'Administration est liée par la règle de droit. Principe
fondamental du libéralisme politique, cette notion, conclue-t-il,
prévaut dans les Etats modernes, mais les modalités peuvent
être variables.
Dans l'Etat de droit, souligne-t-il, les modalités sont
notamment la soumission de l'Administration au droit commun (système
anglo-saxon) où l'Administration est soumise au droit dans les
mêmes conditions que les citoyens, la loi étant la même
pour tous ; et dans le système de la dualité de droit
applicable, comme dans le système français où le droit
applicable à l'Administration est double, « un
droit » spécial (droit administratif) et, pour les
particuliers, un droit commun, le droit privé375(*).
De con côté, Jean-Paul Jacqué376(*) souligne que la
souveraineté de l'Etat serait arbitraire si elle n'était pas
limitée par le droit. C'est ainsi qu'il distingue, d'une part, l'Etat de
droit de l'Etat de police et, d'autre part, l'Etat de droit formel et l'Etat
de droit substantiel.
Gilles Champagne377(*), insiste aussi sur le fait que l'Etat souverain doit
être un Etat de droit. En effet, à condition de ne pas être
totalitaire, l'Etat souverain reste un Etat de droit, c'est-à-dire un
Etat qui ne peut tout faire. Conçu comme un pouvoir, l'Etat
lui-même est soumis au droit. L'Etat de droit exclut l'arbitraire ;
il suppose notamment l'existence d'une constitution et des lois précises
qui encadrent les organes d'exécution, et des juridictions
indépendantes qui exercent également le respect du principe de
la hiérarchie des normes.
En conclusion, le juge constitutionnel dans la perspective
décrite dans ce paragraphe apparaît non seulement comme
« la bouche de la Constitution » mais aussi et surtout
comme le grand prêtre du culte du droit que la politique est
obligée de vouer au droit dans cette conception moderne de la
séparation des pouvoirs.378(*) Il confère l'incontestabilité aux
actes du pouvoir, les auréolant ainsi d'une sainteté
infranchissable ou tout au moins critiquable par le constituant seul
c'est-à-dire le souverain c'est-à-dire, par définition, le
peuple. C'est une place essentielle dans la nouvelle démocratie
constitutionnelle.
§2. La protection de la
minorité politique
La minorité politique s'apprécie eu égard
à l'expression du suffrage comme « le parti ou les partis qui
s'opposent à l'équipe au pouvoir en exerçant une fonction
de surveillance et de critique, en informant l'opinion, voire en
préparant une équipe gouvernementale de
rechange ».379(*)
Il est entendu que cette idée-force n'est concevable
que dans le cadre de la conception libérale et la démocratie
pluraliste qu'elle entraîne. En effet, l'implosion du bloc communiste ou
socialiste et l'effritement conséquent des démocraties
unanimistes à parti unique africain montrent, si besoin en était
encore, que seule est valide la conception que la démocratie est
toujours et déjà pluraliste. Et, dans ce cadre, la bonne
gouvernance, comme l'Etat de droit, est un des concepts familiers pour traduire
la protection des citoyens contre l'arbitraire des gouvernants.
Au demeurant, il est admis que la démocratie a souvent
connu des définitions doctrinales et philosophiques même si une
approche jurisprudentielle a été tentée par le juge
constitutionnel français. Ainsi, le pluralisme des courants
d'idées et d'opinions se trouve être affirmé comme le
fondement de la démocratie380(*). Au-delà de l'incantation des droits de
l'homme, il faut le respect de ceux-ci au profit des individus, des groupes et
des minorités vis-à-vis des décisions du pouvoir
majoritaire.381(*)
Tout ceci suppose, à n'en point douter, un
mécanisme efficace de protection. Aussi, le constitutionnalisme
européen et occidental a-t-il conçu le pluralisme politique comme
une « organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour
l'exercice du pouvoir ».382(*)
Comme l'écrit Olivier Duhamel, l'opposition
d'aujourd'hui est la majorité de demain, l'unique incertitude pesant sur
la date de ce demain. Voilà ce qui incite ce dernier (l'opposant de
demain) à un peu de modestie salutaire et qui contient, au moins
partiellement, son arbitraire.383(*) Le moteur de la démocratie est la vertu ainsi
que l'on sait depuis les philosophes grecs du Vème siècle avant
Jésus-Christ. Aussi, la démocratie commande-t-elle la
tolérance politique et l'alternance au pouvoir.
En effet, la tolérance politique des opinions et des
courants d'idées est essentielle dans une démocratie car la
suprématie constante d'une majorité n'est pas consubstantielle
à cette forme d'organisation politique de l'Etat. Par ailleurs, la Cour
européenne renchérit en posant que « la
société démocratique pratique la tolérance,
l'esprit d'ouverture et accueille en son sein toutes les tendances politiques
et philosophiques, même si certaines d'entre elles professent des
opinions qui choquent ou heurtent la majorité ».384(*)
Le rôle du parti politique dans la formation de la
conscience nationale et dans l'éducation civique n'est pas
étranger à l'expression du suffrage qui lui est donné par
le constituant français ou congolais.385(*)
La tolérance politique ainsi exposée ne peut
subsister sans l'alternance au pouvoir qui est comme la seconde mamelle de la
démocratie. En effet, avec la possibilité d'alternance, la
démocratie canalise et institutionnalise les conflits dans la
société.386(*)
Cependant, la bipolarisation, au-delà du bipartisme ou
même du multipartisme, est seule capable de permettre la concurrence
ordonnée des protagonistes et l'alternance réglée au
pouvoir. Et Jean Gicquel de conclure que l'alternance est l'indice de la bonne
santé d'un régime qui, par une remise en cause périodique,
transforme sa faiblesse en force.
Aujourd'hui, l'enjeu majeur de l'institution d'un juge
constitutionnel se trouve être la garantie des droits de l'opposition
politique qui a perdu les élections de manière que l'on n'ait pas
juridiquement tort parce que l'on est politiquement minoritaire.387(*) Le juge constitutionnel de
ce point de vue est une pratique de civilisation de la vie
démocratique.
Par ailleurs, la démocratie se ramène à
la vision de la majorité et du contrôle de l'opposition. Il est
logique dès lors que cette opposition politique ait des droits sinon le
contrôle qui est reconnu serait du domaine de la décoration
démocratique.
Voilà pourquoi en droit comparé l'on note
plusieurs droits reconnus à l'opposition notamment : le droit
à des élections sincères et régulières, le
droit à la parole publique, le droit de participer à des
assemblées politiques, le droit de manifester, le droit de
déférer au juge constitutionnel les lois et autres actes ayant
force de loi, le droit de bénéficier des aides
publiques.388(*)
Il est évident que l'ensemble de ces droits
étant le plus souvent des droits garantis constitutionnellement ou par
une loi organique, le recours au juge constitutionnel reste un mécanisme
efficace, sous réserve de conditions à étudier plus tard,
pour assurer leur protection.
Dans le système allemand que nous avons vu plus loin,
la Cour constitutionnelle allemande a consacré une conception
« combattante »de la démocratie libérale en
acceptant, conformément à la Constitution, de défendre
l'ordre libéral contre les partis ou les individus susceptibles de lui
porter atteinte.
Le juge constitutionnel pouvant ainsi à tout moment
contrôler les actes de la majorité, celle-ci aura une tendance
presque naturelle à s'autolimiter. Jouant également le rôle
de mécanisme de stabilisation et d'intégration de la
collectivité nationale, le juge constitutionnel contrôle le pacte
fédéral et de ce fait, assure l'arbitrage considérable
entre l'Etat et les collectivités constituantes. Ce rôle
d'arbitrage qui est au premier chef juridictionnel est derechef politique car
il implique la solution juridique des problèmes souvent politiques entre
les entités politiques concernées.389(*)
Du simple fait que le juge constitutionnel contrôle les
lois aux regard des dispositions constitutionnelles relatives aux droits
fondamentaux, il en résulte que tant dans l'opinion que dans la
minorité politique il est perçu comme un allié même
si selon le vent de l'alternance il ne donne pas toujours raison au camp qui a
reçu ses faveurs à une époque. 390(*)
Ceci souligne au demeurant son rôle de stabilisateur de
la vie politique d'autant que l'intervention de la justice constitutionnelle a
juridicisé la vie et les débats politiques. Le législateur
est soumis à la règle de droit et sait qu'il pourra être
contrôlé par le juge.391(*) Au-delà du rôle d'arbitre qu'il joue
dans le jeu politique, il faut voir aussi que le juge constitutionnel en tant
que mécanisme de protection joue inconsciemment le rôle d'arme de
dissuasion massive entre les mains de la minorité politique.392(*)
Par ailleurs, le rôle de la Cour constitutionnelle sera
grand car elle va être amenée à prendre position sur des
questions politiquement controversées notamment lorsque l'opposition a
fortement combattu devant le pays ou la représentation nationale telle
loi au moment de son vote. En sauvegardant ainsi les droits de l'opposition, le
juge constitutionnel devient un élément du jeu
démocratique en favorisant ainsi la reconquête du pouvoir par
l'opposition.
Ensuite, les minorités sociologiques, par le biais du
juge constitutionnel, recouvrent la possibilité de contester le discours
majoritaire traduit en termes juridiques par la loi qu'elles ne peuvent
autrement combattre. La monopolisation ou la domination des débats et
décisions politiques est de ce fait quelque peu nuancée.
Enfin, le recours au juge constitutionnel par l'opposition
politique offre à ce dernier la possibilité de contrôler
l'objectivité et la précision technique des lois jouant ainsi le
rôle de technicien dans le processus d'élaboration des normes
législatives.
L'on peut se permettre d'opiner avec Michel Fromont en posant
que l'interprétation de la constitution par le juge a
entraîné un double effet.
D'une part, en raison de sa rédaction peu
détaillée et souvent restreinte à l'affirmation de
quelques grands principes, la Constitution s'est avérée un
instrument remarquable d'accroissement de l'influence des juges sur le
développement du droit au plus haut niveau.
D'autre part, l'interprétation de la Constitution par
les juges a permis l'émergence d'un ensemble de principes
supérieurs qui dominent et parfois même transfigurent tout
l'ordonnancement juridique ; au point qu'il est permis de se demander
comme Dominique Rousseau393(*) ou même Dominique Turpin394(*), si le droit
constitutionnel, du moins sa partie relative aux droits de l'homme, n'est pas
en voie de devenir un droit qui n'est plus exclusivement public et qui se
caractérise surtout par son rang, le rang suprême.395(*)
En effet, quant à la nature du droit constitutionnel,
il s'agit bien d'un retour au texte mais tel qu'interprété par un
organe extérieur au jeu politique, héritier du fameux pouvoir
modérateur et régulateur que Prévost-Paradol avait
assigné jadis au chef de l'Etat, parce qu'il est doté d'une
légitimité technique désormais
supérieure à la légitimité démocratique
de la majorité.396(*)
Cette affirmation appelle néanmoins la
problématique sans doute récurrente de savoir si les
décisions du juge constitutionnel n'infèrent pas des normes
à valeur constitutionnelle et, en cette occurrence, qui serait
chargé de contrôler le contrôleur.
La controverse sur la légitimité du juge
constitutionnel est bien tranchée, à notre avis, par Dominique
Rousseau lorsqu'il avance notamment que tout part du type du discours produit
à un moment donné de l'histoire. Le discours ambiant et
accepté par tous est que la loi n'exprime la volonté
générale que dans le respect de la Constitution.397(*)
Dès lors, en effet, que « la
démocratie ne se définit plus seulement par le simple pouvoir
majoritaire de faire la loi, mais aussi par une pratique
délibérative où se discute et se construit la
validité des décisions, le rôle du juge constitutionnel
devient parfaitement légitime au regard de cette
définition-là de la démocratie398(*). Au demeurant, (...) elle
énonce seulement la vérité du nouveau régime
institutionnel et politique de production de la volonté
générale » et sa vision des droits des
citoyens.399(*)
§3. Les droits et
libertés fondamentaux
L'Etat est toujours régi par la Constitution, qu'elle
soit écrite ou coutumière ; mais l'Etat de droit moderne ou
Etat de droit constitutionnel est celui qui est caractérisé par
la primauté constitutionnelle qualificative de l'homme en tant que
citoyen et individu. Cet Etat est donc un « Etat de droits de
l'homme » du fait tant de l'inscription de ceux-ci dans la
Constitution que de la garantie qu'ils impliquent pour
l'autodétermination du citoyen.400(*)
Par ailleurs, Jean Rivero définit la liberté
comme un pouvoir d'autodétermination, en vertu duquel l'homme choisit
lui-même son comportement personnel.401(*)Le droit, en revanche, c'est le pouvoir d'accomplir
tel ou tel acte en toute liberté. Ainsi vus, les libertés
fondamentales ou les droits fondamentaux sont dans la même
proximité idéologique avec la notion de droits de l'homme et
celle de libertés publiques.402(*) Les libertés se définissent comme des
pouvoirs d'autodétermination (libertés) consacrés par le
droit positif tandis que les droits de l'homme se saisissent comme des droits
inhérents à la nature humaine et que l'on ne peut
méconnaître sans porter atteinte à celle-ci. Ici, c'est la
conception jusnaturaliste qui prime. Les droits de l'homme englobent de la
sorte les libertés publiques qui sont des droits de l'homme reconnus et
aménagés par l'Etat.
Les libertés publiques sont donc à
géométrie variable dans la mesure où elles connaissent une
géographie variable. En effet, elles doivent varier dans le temps et
dans l'espace car le droit positif est, par définition, très
poreux aux souffles de chaque pays.403(*)
Il existe également des droits économiques,
culturels et sociaux qui sont autant de créances contre la
société plutôt que de véritables pouvoirs
d'autodétermination. En revanche, pour y satisfaire, la
société est tenue de créer des services publics. Ils ne
constituent pas donc des libertés mais plutôt des créances
sur autrui. Et c'est cette évolution qui oblige l'emploi à la
fois des mots libertés et droits pour couvrir
l'ensemble des droits publics consacrés par le droit positif en faveur
des citoyens.
Les droits exigent une attitude positive de la part du
débiteur de la prestation tandis que la liberté implique
plutôt une attitude d'abstention parce qu'elle s'exerce sur la personne
titulaire du pouvoir d'autodétermination. Ainsi donc, les droits et les
libertés sont quelque fois synonymes mais en réalité leur
différence sémantique demeure.
Nous l'avons vu plus haut, l'Etat de droit moderne se saisit
à la fois comme esclave et protecteur des droits de l'homme, il tire sa
légitimité de son aptitude à les développer et
à s'y soumettre. Cette
« mission-soumission » est caractéristique
de l'Etat de droit qui implique comme conditions de possibilité :
la soumission à une hiérarchie des normes sur laquelle
trône la Constitution et l'indépendance du juge pour sanctionner
la méconnaissance des droits ainsi proclamés.404(*) Cette indépendance
juridictionnelle tient, on l'a vu, de la séparation des pouvoirs qui
garantit une place de choix au juge constitutionnel ou tout autre juge. La
réalisation de l'Etat de droit tient de même à la
reconnaissance des droits et libertés mais aussi à la
séparation juridique et politique des pouvoirs.
Sans rentrer dans la discussion savante sur la nature de la
reconnaissance des droits à l'individu par l'Etat et la
communauté internationale, il y a lieu de remarquer que trois
théories tentent de justifier cette reconnaissance. La théorie de
droit naturel dont le principe est que tout homme naît avec des droits
qu'il tire soit de la nature des choses (droit naturel objectif) soit de la
nature humaine (droit naturel subjectif) aboutit dans l'école moderne du
droit naturel qui pense qu'il existe une raison universelle qui serait saisie
en tout être humain comme la cristallisation d'une multiplicité
des consciences individuelles.
Cette théorie a laissé des échos
perçants dans la Déclaration d'indépendance
américaine lorsqu'elle proclame que tous les hommes sont
créés égaux, ils sont doués par le Créateur
des droits inaliénables et dans la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 selon laquelle les droits (sont)
naturels, inaliénables et sacrés de l'homme.
Si cette théorie peut fonder et même justifier le
droit à la vie ou la liberté d'expression, elle s'effondre
lorsqu'il faut l'appliquer au droit de grève ou à la
liberté syndicale qui ne présentent guère des
ressemblances avec les droits inhérents à la nature humaine.
La théorie du positivisme juridique quant à
elle, nie la réalité des droits naturels. En effet, les tenants
de cette école de pensée dont Hans Kelsen405(*), Raymond Carré de
Malberg406(*), Gaston
Jèze407(*) et
Pierre Duez408(*)
estiment que les droits naturels relèvent d'une vision
métaphysique qui ne peut cadrer avec l'approche scientifique.
Dans sa tentative d'épurer la science du droit de
toutes impuretés subjectives car pour cette école, le droit doit
se construire sur le modèle des sciences naturelles et évacuer
tout jugement de valeur, la théorie positiviste a sombré dans les
travers du nazisme puisque dans ses termes elle juge de la validité de
normes sans référence aucune à leur valeur
axiologique.409(*)
Il faut allumer cependant une fière chandelle au
positivisme juridique dans la mesure où seuls les droits publics
individuels sont susceptibles d'être sanctionnés par le juge, les
autres droits naturels n'étant pas portés par un texte qui serait
applicable par lui. Toutefois, la théorie gagnerait à s'aligner
sur l'apport désormais acquis de sciences morales et de la psychologie
moderne et à tenir compte du fait aujourd'hui démontré par
les sciences sociales que l'homme est à la fois un animal
politique et un être spirituel.410(*)
La théorie du positivisme sociologique soutenue par
Léon Duguit et Emile Durkheim énonce quant à elle que le
droit serait le produit spontané de la conscience collective ;
c'est-à-dire le produit d'un déterminisme social. En effet, le
déterminisme social ne semble pas avoir créé quelque part
un droit ; c'est plutôt le volontarisme des acteurs juridiques qui
le crée certainement avec l'influence de la conscience collective
agissant cette fois-là non point comme auteur de la norme mais
plutôt matrice sociale ou source sociologique.411(*)
L'on peut noter, et c'est une différence de taille, que
le positivisme sociologique considère le droit comme un fait social et
n'admet la légitimité du droit qu'à la condition qu'il
reflète les aspirations de la conscience collective.
La question serait de savoir ce qu'est la conscience
collective. Serait-ce l'opinion publique telle qu'elle s'exprime lors des
votations, pétitions, manifestations ou sondages. Mais tout le monde ne
s'exprime pas lors de ces manifestations pour de raisons juridiques pourtant.
La conscience collective ne devrait-elle pas être la même comme une
sorte d'osmose collective ? Si le recours aux valeurs
démocratiques, que nous approuvons, se lit en filigrane dans cette
théorie, elle souffre cependant, à notre avis, des manques
conceptuels énormes en ce qui est de la donne essentielle de son
fondement théorique : la conscience collective.412(*)
Si son fondement est la majorité des citoyens ayant
exprimé leurs suffrages, le positivisme sociologique n'a toujours pas
réglé la question capitale du contenu sémantique de la
notion de conscience collective au point où l'on peut constater que la
notion de majorité relève déjà d'une
catégorie juridique alors que dans son hypothèse de départ
le droit n'est pas encore créé, et en tous cas, avant que le
déterminisme social ne l'ait engendré.
Cependant, il faut reconnaître que la majorité de
la doctrine pour de raisons d'efficacité institutionnelle
peut-être a trouvé un fondement aux droits de l'homme dans cette
théorie dans la mesure où les droits de l'homme sont de droits
subjectifs dans une société politique où la
primauté de l'individu a été proclamé et constitue
le socle de l'Etat de droit qui est à la fois, dans une première
acception, l'édifice de respect de la hiérarchie des normes et,
dans une seconde acception, la structure qui respecte les principes et valeurs
fondamentaux de la société, dont les droits de l'homme.413(*)
Par ailleurs, avec Dominique Turpin414(*), l'on peut affirmer que les
libertés sous l'influence de la justice constitutionnelle font
désormais partie intégrante du droit constitutionnel car les
trois objets de ce droit, selon Louis Favoreu415(*), -institutions, normes et libertés- sont
étroitement liés et forment un ensemble.
Dans ce nouveau rôle le juge constitutionnel
revendiquera la qualité de protecteur des libertés publiques, de
préférence à celle de gardien des frontières
normatives et ce, d'autant que son accès sera ouvert à
l'opposition parlementaire. Dans l'hypothèse du système congolais
d'ouverture de la saisine à toute personne, les libertés
fondamentales constituent, à coup sûr, la voie de transformation
du régime politique : le pouvoir délibérant final est
entre les mains des citoyens.416(*)
En même temps, c'est ici que se remarque la rupture de
conception entre la société occidentale et celle africaine. En
effet, dit Jean Gicquel, l'anthropocentrisme résume la pensée
occidentale. Il s'ensuit l'exaltation et la protection tous azimuts de
l'individu qui, en sa double qualité de citoyen et de personne, peut
revendiquer respectivement l'usage de la liberté politique,
appelée aussi la liberté-participation, et la
liberté physique ou liberté-autonomie.417(*)
En revanche, l'organisation sociale se trouve aux
premières loges dans les préoccupations de la conception
collectiviste de la société qui semble hanter l'esprit de l'homme
africain noir. Ici, l'individu n'est pas évacué mais il
n'apparaît que comme titulaire d'un poste de service de la
société. La confiance est accordée non à l'homme
mais à la communauté. Bref, l'individu est l'obligé de la
société, à l'opposé de la tradition
occidentale.418(*)
Au-delà de cette affirmation doctrinale
péremptoire, l'on peut constater que la cosmogonie africaine relie
l'individu comme le maillon d'une chaîne de solidarité à la
société dont il dépend ; mais en même temps,
dans nos traditions l'on dénombre de traces d'individuation susceptibles
de fonder des libertés individuelles.419(*)
Il nous semble approprié de classer la
société africaine parmi les sociétés
solidaristes plutôt que collectivistes et de ce point de vue la
théorie de la dysfonctionnalité du Professeur Kayemba Ntamba
Mbilanji semble offrir des perspectives intéressantes pour l'explication
de cette parenté solidaire.
En effet, elle est due, selon cet auteur, à
l'arrêt brusque du fait politique au 16ème
siècle alors que la cité était entrain de se construire en
Afrique noire, ce qui entraîne une prise en charge des
microsociétés, la société globale ayant disparu
à coup des fléaux de toute sorte.420(*)
Donc, la parenté qui est perçue comme une tare
dans la société occidentale joue ici comme une assurance-vie ou
une mutuelle de santé de telle sorte qu'il est idoine de parler de
solidarité plutôt que de collectivisme, celui-ci impliquant un
choix politique que les noirs ne semblent guère avoir
opéré.
Cette affirmation est en droit fil de la proposition de la
présente thèse qui consiste à montrer qu'il y a
différence de perspective et de fondement de la justice
constitutionnelle ici et ailleurs et que cette différence devrait
rejaillir sur les modalités d'exercice.421(*)
La problématique est corsée ici car les
libertés fondamentales telles qu'inscrites dans la Constitution
subissent la critique du Professeur Mupinganayi Kadiakuidi qui y voit des
droits non attachés au sol et aux paysans422(*). L'auteur approche la
question des droits par rapport à leur utilité
économique.
La critique est assez nuancée avec l'adoption
aujourd'hui de droits de l'homme et des libertés fondamentales comme
deux catégories distinctes par le constituant congolais.423(*)
Cette adoption, ainsi que nous l'avons vu dans les lignes
précédentes, infère à une double conception
épistémologique à la fois du droit naturel et du droit
positif avec la conséquence que l'individu au-delà de droits
reconnus par les textes nationaux et internationaux dits droits fondamentaux
possède en outre des droits inhérents à sa nature humaine
dits droits naturels.424(*)
Lorsque les citoyens recourent au juge pour régler
leurs différends avec l'Etat, il se pose naturellement la question de la
justiciabilité des droits : le droit au juge.425(*)
En évoquant la justiciabilité des droits, on
fait référence au rôle du juge dans la protection des
droits fondamentaux, en postulant qu'il n'y a pas de véritable garantie
de ces droits sans la possibilité de recourir à un juge pour
les faire respecter. Le juge est reconnu ainsi comme le garant de
l'effectivité des droits fondamentaux et des libertés publiques
(article 150 de la Constitution).
En effet, le Constituant de 2006, dans le texte
promulgué par le Président de la République et
publié au journal officiel numéro spécial du 18
février 2006, après avoir énuméré les droits
et libertés fondamentaux qu'il entendait protéger (articles 11
à 61), a confié à la loi la mission de fixer les
règles les concernant, c'est-à-dire concernant leur gestion
(article 122).Mais, la mise en oeuvre de la loi est confiée au
Règlement (article 128) dont certains sont autonomes.
Ainsi, le Constituant a créé deux
domaines : le domaine de la loi et celui du règlement. Il a
confiné la loi dans une compétence d'attribution, soigneusement
énumérée aux articles 122 et 123 où, tantôt
elle fixe, tantôt elle détermine Mais, au règlement le
Constituant a donné la compétence de droit commun.
Du coup, se situant dans le cadre de la séparation des
pouvoirs, il interdit à la loi de se promener sur le terrain du
règlement sous peine de voir le texte vagabond modifié par
décret si la Cour constitutionnelle, à la demande du
Gouvernement, aura déclaré que celui-ci a un caractère
réglementaire (article128, al.2 de la Constitution).
Nous nous répétons pour nous faire bien
comprendre. Etant donné que les libertés publiques sont des
droits protégés, il avait fallu confier leur organisation
à un organe. C'est ainsi que le Constituant, sans le savoir
peut-être, en emboîtant les pas de Montesquieu, et, suivant en cela
les révolutionnaires français de 1789, a confié cette
organisation des droits et libertés au législateur,
c'est-à-dire à la loi. Cela ressort de la section III, du titre
III où la Constitution, en son article 122, stipule que « sans
préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, la
loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques ... ».
Cependant, en observant de plus près, on constate que
ce domaine est partagé entre la loi et le règlement. Tandis que
la loi est confinée dans la compétence d'attribution,
limitativement, énumérée aux articles 122 et 123, le
règlement reçoit, lui, la compétence de droit commun,
fixée par l'article 128 qui stipule que « les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaires ». Le Constituant ne se limite pas à
cette proclamation : il insiste et menace la divagation éventuelle
de la loi sur le domaine du règlement en disposant que « les
textes à caractère de loi intervenus en ces matières (du
règlement) peuvent être modifiés par décret si la
Cour constitutionnelle, à la demande du Gouvernement, a
déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire, en
vertu de l'alinéa précédent ».
En confiant ainsi à la loi le soin d'organiser les
droits et libertés, le Constituant s'est frotté les mains,
espérant avoir abouti naturellement à la protection des
libertés. Car la loi est l'expression de la volonté du peuple
souverain. Il n'a pas tort. Mais il n'a pas mesuré les
conséquences des mécanismes institutionnels qu'il venait de
mettre en place. Notamment le pluralisme politique (article 6 de la
Constitution) et la nomination du Premier Ministre, chef du Gouvernement, ainsi
que les autres membres de son équipe au sein de la majorité
parlementaire (article 78 de la Constitution). C'est de là que
découle la faiblesse.
En effet, la faiblesse de ce système peut être
décelée du fait que, l'exercice du pouvoir se fait dans le cadre
d'un système de partis majoritaires monopolisant le législatif
et l'exécutif. Dans ces conditions, le pouvoir ne peut pas arrêter
le pouvoir ! Par ailleurs, dans le cadre du régime politique
imaginé par le Constituant que certains considèrent comme
étant parlementaire rationalisé et d'autres, par contre, tenant
compte de l'élection du Président de la République au
suffrage universel direct , comme semi-présidentiel, le fait que
l'exécutif est l'émanation de la majorité parlementaire,
il peut être tenté de déposer devant le Parlement des
projets de lois et solliciter de sa majorité de voter des lois
liberticides !
C'est pourquoi le Constituant s'est méfié un
peu d'une trop grande confiance en la loi et a cherché un surveillant
qui doit contrôler la soumission de la loi à la Constitution. Il
l'a trouvé dans le juge constitutionnel (article 157 de la
Constitution) qui assure un contrôle a priori (avant la promulgation de
la loi par le Président de la République., article 160) et un
contrôle a posteriori (les exceptions d'inconstitutionnalité
soulevées devant les juridictions de jugement, article 162).
Par ailleurs et de son côté, la loi étant
l'expression de la volonté du peuple souverain
représenté, doit s'imposer à tous, gouvernants et
gouvernés. Le contrôle de l'observance de la loi par les citoyens
est dévolu à un autre pouvoir, le pouvoir judiciaire, lequel est,
aux termes de l'article 150 de la Constitution, le garant des
libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. A
l'alinéa suivant du même article, la Constitution dispose que
« les juges ne sont soumis, dans l'exercice de leur fonction
qu'à l'autorité de la loi ».
Il est donc patent que la justice constitutionnelle exerce un
certain nombre des fonctions ci-haut relevées qui concourent toutes
à faire d'elle le socle de l'Etat de droit dans une
société réellement démocratique. L'Etat moderne est
même défini par certains auteurs comme un ensemble cohérent
des normes ou tout simplement un ensemble des compétences juridiquement
établies.426(*)
Par ailleurs, l'ordonnancement juridique étant la
traduction juridique de l'ordonnancement politique aux confluents des forces
sociales, économiques et culturelles, il est très utile de voir
à ce niveau comment le juge constitutionnel transforme ce dernier.
* 355 LARCIER (F.),
Droit constitutionnel, tome II, Le système constitutionnel, 2.
Les fonctions, Bruxelles, Larcier, 1988, pp.206-207.
* 356 LIHAU EBUA LIBANA la
MOLENGO, Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de
cours, UNAZA, Campus de Kinshasa, 1974, p.122, n°218.
* 357 de VISSCHER (P.),
Droit public, tome II, 2 fascicules, Bruxelles, Cercle de Droit de
Louvain, 1972-1973, pp.3-4.
* 358 Voir CAHEN-PEREIRA
(C.), Grandeur et décadence de l'idée de souveraineté
dans la science juridique. Contribution à l'histoire de la philosophie
du droit, Thèse de doctorat en droit, Toulouse, 1941, p.23
cité par REDOR (M.-J.), De l'Etat légal à l'Etat de
droit. L'évolution de la doctrine publiciste française1879-1914,
Paris, Economica, 1992, p. 156.
* 359 C'est la division ou
la séparation politique des pouvoirs.
* 360 Lire LAVROFF (D.G.),
Les grandes étapes de la pensée politique, Paris,
Dalloz, 1993, pp.205-217.
* 361 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, op.cit,
p.335.
* 362 EISENMANN
(C.), « L'esprit des lois et la séparation des
pouvoirs », Mélanges Raymond Carré de Malberg,
Paris, Sirey, 1933, pp.165-192. L'on peut prolonger la réflexion
critique de cette théorie et ses implications théoriques et
pratiques avec TROPER (M.), La séparation des pouvoirs et l'histoire
constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1980. Cet auteur a
notamment contesté la validité de la conception moniste de la
séparation des pouvoirs qui se résumait en une interdiction de
cumul mais qui ne prescrivait aucun mode particulier de répartition des
pouvoirs, mais qu'en tant que norme de non-concentration, elle autorisait au
moins deux procédés positifs : la spécialisation ou
séparation absolue et la balance des pouvoirs
* 363 Pour continuer le
débat entre ces deux théories, lire l'excellent exposé
qu'en fait Marc LAHMER, « séparation et balance des
pouvoirs », in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (sous la direction de),
Dictionnaire de la culture juridique, op.cit, pp.1406-1411.
* 364 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.461.
* 365 Il s'agit de dire
avec Léon DUGUIT que certaines personnes ont le pouvoir de vouloir pour
la Nation comme si celle-ci se dépouillait définitivement de sa
volonté au profit des représentants devenus mandataires
perpétuels.
* 366 CARRE DE MALBERG
(R.), La loi, expression de la volonté générale,
Paris, Economica, 1984, pp. 66-79.
* 367 Lire ROUSSEAU (D.),
op.cit, pp.470 et s.
* 368 PRELOT (M.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
5ème édition, Paris, Dalloz, 1972, pp.1-34. Cette
expression a été chère également au professeur
Augustin KITETE KEKUMBA OMOMBO, certainement par proximité
académique.
* 369
Société civile par opposition à la société
politique qui est censée détenir et exercer le pouvoir et qu'il
faut contrôler pour qu'enfin de compte le pouvoir au sens de Montesquieu
soit modéré. Le rôle des sociétés
multinationales peut néanmoins relativiser cette affirmation qui est
péremptoire.
* 370 Mot de la mythologie
grecque signifiant la démesure.
* 371 HABERMAS (J.),
Raison et légitimité, Paris, Payot, 1978. La question
que la doctrine ne peut s'empêcher de poser au sujet de la philosophie du
droit constitutionnel moderne est notamment celle de savoir comment la Raison
des Lumières, l'Aufklarung, idéal porteur de
progrès et d'émancipation et régulateur de la
modernité, a pu produire la barbarie, l'aliénation et la
domination. Il s'agit en fait de la critique de la Raison instrumentale
amputée de sa dimension critique qui conduit à l'asservissement
de l'homme, en confondant rationnel et réel, savoir et
vérité.
* 372 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.470.
* 373 Ibidem
* 374 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, Paris, Montchrestien, 2003.
* 375 PEISER (G.),
Droit administratif, Paris, Dalloz, 1988, pp. 4-5.
* 376 JACQUE (J.-P.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2000,
p. 12.
* 377 CHAMPAGNE (G.),
L'essentiel du droit constitutionnel, Paris, 4e
édition, les carrés, Gualino, 204, p. 19.
* 378 FAVOREU (L.), La
politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1998.
* 379 GUILLIEN (R. et
J.VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques,
Paris, Dalloz, 1985, p.312, V° opposition.
* 380 Décision
89-276 du 11 janvier 1990, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes
décisions du Conseil constitutionnel, 9ème
édition, Paris, Dalloz, 1997, p.603.
* 381 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.476.
* 382 ARON (R.),
Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965, p.76.
* 383 DUHAMEL (O.),
Droit constitutionnel, Tome 2. Les démocraties, Paris, Seuil,
2000, p.34.
* 384 Cour
européenne des droits de l'homme, Arrêt Handyside du 7
décembre 1976, Série A, n°24, p.23, paragraphe 49.
* 385 Articles 4 de la
Constitution française du 4 octobre 1958 et 6 alinéa 3 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006.
* 386 ERGEC (R.),
Introduction au droit public, Tome 1, Le système
institutionnel, op.cit, p.45, n°127.
* 387 OLIVA (E.),
Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2000, p.30.
* 388 En Grande Bretagne,
par exemple, l'opposition est respectée au point que son Chef peut
être pris pour une institution à lui tout seul car non seulement
il reçoit une rémunération publique ; il s'assied en
face du premier Ministre à la Chambre des communes ; il inaugure
les questions du mardi et jeudi pour interpeller le premier Ministre ; il
est reçu par les Chefs d'Etat et de gouvernements
étrangers ; il est sollicité par les médias ; il
est même consulté par le premier Ministre sur les grandes
questions de politique étrangère et de défense ; il
dirige enfin le shadow cabinet. Tout ceci garantit une bonne
alternance qui évite l'improvisation dans les affaires publiques.
* 389 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op.cit, p.66.
* 390 VEDEL (G.),
« le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou
défenseur de la transcendance des droits de l'homme »,
Pouvoirs, 1988, n°45, p.149.
* 391 Le lieu du pouvoir
étant vide en démocratie, de manière inattendue, la
justice constitutionnelle rend visible ce vide en ne rapportant pas la
construction de la norme à un auteur, le peuple, les élus ou les
juges, mais à un espace de délibération qui n'est la
propriété de personne. Lire ROUSSEAU (D.), Droit du
contentieux constitutionnel, op.cit, p.486. Il nous semble que cette
affirmation doctrinale de Rousseau pose le problème de la
supraconstitutionnalité de l'espace de délibération qui
est censé être déjà là au moment de la
fondation puisque la norme n'est même pas attribuée au peuple.
* 392 FROMONT (M.),
op.cit, p.131.
* 393 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, pp.480-486.
* 394 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, pp.5-6.
* 395 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.129.
* 396 TURPIN (D.),
op.cit, p.6. C'est nous qui soulignons.
* 397 Lire CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, 2ème édition, coll.
Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994. L'auteur démonte avec
ingéniosité les mécanismes opératoires de ce
discours et indique comment la technologie discursive entraîne dans le
champ politique une légitimité technique directement liée
à la démocratie constitutionnelle évacuant de la sorte un
certain nombre d'écueils épistémologiques qui rendaient
peu visible la théorie de la légitimité du juge
constitutionnel. Bref, il est légitime parce qu'il est celui qui
confère le sérieux au discours politique qui a, pour de raisons
d'efficacité, choisi d'emprunter les catégories du discours
juridique réputé sérieux, objectif et neutre.
* 398 Lire BASTIEN (F.),
« Le juge, le droit et la politique : éléments
d'une analyse politiste », R.F.D.C., n°1, 1990, p.49.
* 399 ROUSSEAU (D.),
op.cit, p.482.
* 400 DELPEREE (F.),
Le droit constitutionnel de la Belgique, op.cit, p.192, n°179/
* 401 RIVERO (J.), Les
libertés publiques, Tome 1, Les droits de l'homme, Paris, PUF,
1997, p.21.
* 402 PARDINI (J.-J.),
« Brèves réflexions sur les interactions entre les ordres
juridiques », in BAUDREZ (M.) et Di MANNO (Th.) (sous la
direction de), Liber Amicorum Jean-Claude Escarras, La
communicabilité entre les systèmes juridiques, Bruylant,
Bruxelles, 2005, pp. 131-159.
* 403 COLLIARD (C.-A.),
Libertés publiques, 7ème édition,
Paris, Dalloz, 1989, p.16.
* 404 En ce sens, LEBRETON
(G.), Libertés publiques et droits de l'homme,
4ème édition, Paris, Armand Colin, 1999, p.19.
* 405 KELSEN (H.),
Théorie pure du droit, 2ème édition,
Paris, Dalloz, 1962.
* 406 CARRE de MALBERG
(R.), Contribution à la théorie générale de
l'Etat, Paris, Sirey, 1920-1922 ; IDEM, La loi, expression de la
volonté générale, Paris, Sirey, 1931.
* 407 JEZE (G.),
« Signification juridique des libertés publiques »,
Annuaire de l'Institut de droit public, Paris, 1929, p.162.
* 408 DUEZ (P.)
« Esquisse d'une définition réaliste des droits publics
individuels », Mélanges Carré de Malberg,
Paris, Sirey, 1933, p.111.
* 409 En ce sens, lire
LEBRETON (G.), op.cit, p.21.
* 410 En ce sens, lire
DARBELLAY (J.), La règle juridique. Son fondement moral et social,
Saint-Maurice, éditions de l'oeuvre St Augustin, 1945, 317 pp.
* 411 DUGUIT, (L.)
L'Etat, le droit objectif et la loi positive, 2 volumes, 1901-1903,
cité par LEBRETON (G.), op.cit, p.26.
* 412 Le questionnement
philosophique qui constitue notre critique de la théorie du positivisme
comme cadre épistémologique du droit part de la définition
que la philosophie moderne tente de donner au concept conscience. Celle-ci est
souvent vue comme une intuition qu'a l'esprit de ses actes et de ses
états. Cette définition qui est approximative aux dires de ses
auteurs ne peut satisfaire ni même résoudre l'aporie de tout
à l'heure ; au demeurant, elle suppose, ce qui est à
démontrer, qu'il existe un esprit collectif qui aurait une quelconque
faculté d'intuition ou même de saisir comme sujet et objet au
même moment. Pour prolonger la discussion philosophique, consulter
LALANDE (A.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie,
9ème édition, Paris, PUF, 1962, pp.173-176.
* 413 JACQUE (J.-P.),
Droit constitutionnel et institutions politiques,
4ème édition, Paris, Dalloz, 2000, p.9.
* 414 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p.7.
* 415 FAVOREU (L.),
« L'apport du conseil constitutionnel, droit de la Constitution, et
constitution du droit », RFDC, n°1, 1990, p.71 et
79.
* 416 Voir l'article 162,
alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006,
JORDC, 47ème année, numéro
spécial, p.56.
* 417 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques,
16ème édition, Paris, Montchrestien, 1999,
p.74.
* 418 Ibidem
* 419 Deux proverbes de la
tradition luba du Kasaï suffisent à indiquer cette nuance : le
premier, Cia dima umue, cia dia banyi (Ce que l'un a cultivé sera
mangé par la multitude) et le second, Bidi muetu ntente, ikala ne ciebe
pebe (Il y a moult richesses chez nous ne doit pas t'empêcher d'avoir tes
biens propres).
La doctrine occidentale a classé, à notre
avis, trop rapidement la société africaine dans la conception
collectiviste sans une approche holistique approfondie notamment philosophique
du muntu. Lire BIMWENYI KWESHI (O.), Discours théologique
négro-africain. Problèmes des fondements, thèse de
doctorat en théologie, Université catholique de Louvain,
Faculté de Théologie, 1977, 796 pp.
* 420 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle
d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la
Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.
* 421 Lire dans le
même sens, MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La mégarde
des modèles de Constitutions euro-occidentales et l'élaboration
d'une Constitution zaïroise de développement véritablement
intériste », Annales de la Faculté de droit,
vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996.
* 422 MUPINGANAYI
KADIAKUIDI, La bonne gouvernance dans une société
démocratique, Cours de DES de droits de l'homme, Chaire UNESCO,
Université de Kinshasa, 2001-2002, inédit.
* 423 L'article 60 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006, JORDC, 47ème
année, numéro spécial, 2006, p.25.
* 424 En ce sens, lire
TORRELLI (M.) et BAUDOUIN (R.), Les droits de l'homme et les
libertés publiques par les textes, Québec, Les presses de
l'université du Québec, 1972, p. XV, note 1.
- * 425 REUSS-LAUSSINOTTE, L'essentiel
des droits et libertés fondamentaux, tome 1, Paris, Gualino
éditeur, Paris, 2001, p.99.
* 426 Lire de VILLIERS
(M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3ème
édition, Paris, Armand Colin, 2001, pp.99-100, v° Etat.
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