UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC INTERNE
DU CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL
EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
CONTRIBUTION A L'ETUDE DES FONDEMENTS
ET DES MODALITES D'EXERCICE DE LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE
Par
Dieudonné KALUBA DIBWA
Licencié en Droit
Diplômé d'Etudes Supérieures en Droit
public
Assistant à la Faculté de Droit de
l'Université de Kinshasa
Thèse présentée et
soutenue
en vue de l'obtention du grade
de Docteur en Droit
Promoteur de thèse:
+Pr Bonaventure BIBOMBE MUAMBA
Professeur ordinaire
Membres du jury :
Pr Clément KABANGE NTABALA,
Président
Pr Jacques DJOLI ESENG'EKELI,
Secrétaire
Pr Evariste BOSHAB MABUDJ, Co-Promoteur
Pr Félix VUNDUAWE te PEMAKO
Pr Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA
Pr Ambroise KAMUKUNY MUKINAY
Pr Paul-Gaspard NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA
31 août 2010
Ni l'Université de Kinshasa, ni la Faculté de
Droit n'entendent donner d'approbation ou d'improbation aux opinions
émises dans cette thèse.
Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.
EPIGRAPHE
« Celui qui gravit les plus hautes montagnes,
celui-là se rit de toutes les tragédies qu'elles
soient réelles ou jouées ».
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra,
traduction et présentation de
Georges-Arthur Goldschmidt,
Paris, Le Livre de poche,
1972, p.50.
DEDICACE
A Angèle, ma tendre épouse,
A Judith, Glodi Pascal et Françoise, mes enfants,
pour le prix de la solitude intellectuelle chèrement
payé
et pour l'exemple d'abnégation et de courage;
Aux amis d'hier, d'aujourd'hui et de demain,
pour le rêve réalisé;
REMERCIEMENTS
Au terme de cette dissertation doctorale
présentée et défendue en vue de l'obtention du grade de
Docteur en Droit, nous tenons à remercier très sincèrement
tous les Professeurs de la Faculté de Droit de l'Université de
Kinshasa qui nous ont guidé dès notre première
année de droit sur la colline inspirée jusqu'aux cimes que sont
le doctorat en droit.
Nous remercions spécialement feu le Professeur
Bonaventure Bibombe Muamba qui, depuis quelques années, nous avait
accepté dans son équipe de recherche et avait bien voulu diriger
de main de maître la rédaction de la présente étude
intitulée : « Du contentieux constitutionnel en
République démocratique du Congo. Contribution à
l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice
constitutionnelle ». Il avait très courageusement
assumé cette tâche avant d'être emporté dans l'autre
monde ce mardi 18 mai 2010 alors qu'il projetait de gravir les marches de la
Salle des promotions Mgr Luc Gillon pour la soutenance de ce travail qui lui
doit sa rigueur et sa perspicacité. Cette oeuvre gardera ainsi ses
empreintes les plus indélébiles. Nos remerciements les plus
sincères à Monsieur le Professeur Evariste Boshab Mabudj, Chef du
Département de Droit public interne de notre Université et
Président de l'Assemblée nationale de notre pays, pour nous avoir
tendu la main, après la mort du père, malgré ses multiples
et exaltantes occupations, comme un frère aîné
compatissant, en vue de la traversée tumultueuse dans les eaux fangeuses
et boueuses du doctorat.
Cette tâche ardue et ingrate a été
gracieusement partagée par les Professeurs Félix Vunduawe te
Pemako et Edouard Mpongo Bokako Bautolinga, tous deux, éminents
publicistes, membres de la commission d'encadrement que le Département
de droit public interne de l'Université de Kinshasa a daigné nous
confier pour nos recherches doctorales.
Nous les remercions d'avoir mené à bien cette
tâche qui venait s'ajouter aux très nombreuses qui leur incombent
déjà à divers titres. Par ailleurs, notre reconnaissance
va également au Doyen de la Faculté de Droit, le Professeur
Mulumba Katchy qui a, malgré les soubresauts de plus en plus immenses de
la vie mouvante de notre Alma Mater, tenu à poursuivre le cycle
d'études doctorales commencé depuis 2003 et, de surcroît,
de croire en la relève du personnel académique de notre
Faculté.
Nous ne manquerons pas de remercier Angèle, Judith,
Glodi et Françoise Kaluba qui ont accepté des privations pour que
nous financions des voyages de recherche en France et en Belgique et ce, au
détriment de la chaleur paternelle si nécessaire pendant leurs
années de tendre enfance.
Les exhortations d'Auguste Mampuya Kanunk'a Tshiabo, de Robert
Tshilombo Kalolo, de Jean-Louis Esambo Kangashe, d'Edouard Mukendi Kalambayi,
de Roger Makolo Tshimanga, de Claude Kirongozi Ichalanga, d'Yvette Mayenge
Aridja, du Bâtonnier Matadi Nenga Gamanda, d'Emile Ngoy Kasongo, de Paul
Djunga Mudimbi du Barreau de Paris et de Christophe Muzungu Kabemba ont fini
par emporter les hésitations nombreuses qui ponctuent un travail de
cette ampleur. Nous les en remercions. Mention spéciale à Madame
Marie-Anne Cohendet qui a su trouver le temps de jeter un coup d'oeil sur le
manuscrit et qui nous a chaleureusement encouragé. A Monsieur
Stéphane Bolle, pour s'être donné le temps de lire le
manuscrit de cette thèse et pour les critiques pertinentes qu'il a
daigné nous adresser.
Les premières lignes de cette thèse ont vu le
jour dans la résidence privée de Monsieur Trésor Kapuku
Ngoy, Gouverneur de la Province du Kasaï Occidental, à Kananga, en
présence de son épouse, Ange Libagiza Kapuku. La gratitude de
l'auteur leur est assurée.
Notre pensée se tourne vers Jean-Pierre Kilenda Kakengi
Basila, le premier, d'entre tous, à avoir découvert les quelques
talents dont nous étions pourvu, pour avoir encouragé ce projet,
à chaque rencontre, à la Haye.
C'est le lieu de saluer la contribution toute fraternelle de
Mike Kasenga Mulenga à la réalisation matérielle de la
présente étude et ce, malgré les soubresauts dont il a pu
être victime.
L'occasion se prête pour féliciter et remercier
profondément nos maîtres du primaire et du secondaire notamment
ceux du Petit Séminaire Saint Thomas d'Aquin de Lukelenge qui nous ont
inculqué le sens de l'effort et du travail bien achevé. Merci
aussi à tous ceux dont le nom ne figurerait pas ici à cause de
l'oubli qu'entraîne la hantise de la page blanche alors qu'ils occupent
les hauteurs de notre pensée bien aimante.
Dieudonné KALUBA DIBWA.-
LISTE DES PRINCIPALES
ABREVIATIONS
AFDI : Annuaire français
de droit international
APT : Administration publique (trimestriel)
B.A. : Bulletin administratif du Congo belge (1908 à
1959)
BACSJ : Bulletin des
Arrêts de la Cour Suprême de Justice
Bel. Col. : Belgique coloniale et commerce international
C.E.b. : Conseil d'Etat belge
CEDAF : Centre d'étude et de documentation
africaines
CEDEJ : Centre d'études et de documentation
économiques, juridiques et sociales
C.E. fr. : Conseil d'Etat français
CERDAF : Centre de recherche et documentation africaines
CERJC : Centre d'études et de recherches sur la
justice constitutionnelle
CC : Conseil constitutionnel français
CNS : Conférence Nationale Souveraine
COCJ : Code de l'organisation et de la compétence
judiciaires tel qu'il résulte de l'Ordonnance-loi n° 82/020 du 31
mars 1982
Coll. : Collection
CSJ : Cour suprême de justice
CPC : Code de Procédure Civile
CPP : Code de Procédure Pénale
CRISP : Centre de recherche et d'information
sociopolitiques
CRP : Centre de recherches pédagogiques
DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies
DES : Diplôme d'Etudes Supérieures
DIN : Droit et Idées Nouvelles
EUA : Editions universitaires africaines
Doc. Parl. : Documents parlementaires
HCR-PT : Haut Conseil de la République-Parlement
de transition
IADHD : Institut africain des droits de l'homme et de la
démocratie
Ibidem : Même auteur, même endroit
Idem : Même auteur
IDLP : Institut pour la démocratie et le leadership
politique
IFEP : Institut de formation et d'études politiques
IRS : Institut de recherche scientifique
JORDC : Journal Officiel de la République
démocratique du Congo (1997 à ce jour)
JOZ : Journal Officiel de la République du Zaïre
(1972-1997)
Jur. Col. : Revue de doctrine et de jurisprudence
coloniale
Jur. Congo : Jurisprudence et droit du Congo
J.T. : Journal des tribunaux de
Belgique
Kat. : Revue de droit et de jurisprudence du Katanga
Léo : Jurisprudence de la Cour d'Appel de
Léopoldville
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
MB : Moniteur belge
MC : Moniteur congolais (1959-1971)
MES : Mouvements et Enjeux Sociaux
MPR : Mouvement Populaire de la Révolution
MZ : Moniteur zaïrois (1971-1972)
N° : Numéro
ONRD : Office national de la recherche et du
développement
Op. cit. : Ouvrage cité
Pas. : Pasicrisie (Belgique)
pp. : Pages
PUAM : Presses Universitaires d'Aix-Marseille
PUC : Presses Universitaires du Congo
PUF : Presses Universitaires de France
PUG : Presses universitaires de Grenoble
PULg : Presses Universitaires de Liège
PULIM : Presses de l'Université de Limoges
PUK : Presses de l'Université de Kinshasa
PUZ : Presses Universitaires du Zaïre
RBDC : Revue belge de droit constitutionnel
RBDI : Revue belge de droit international
RDC : Revue de droit congolais
RDJA : Recherches et Documentation Juridiques Africaines
RDP : Revue du Droit Public et de la science politique en
France et à l'étranger
Rev. Dr. ULG. : Revue de la Faculté de droit de
l'Université de Liège
RFDA : Revue française de droit administratif
RFDC : Revue française de droit constitutionnel
RIDC : Revue internationale de droit comparé
RJC : Revue Juridique du Congo
RJCB : Revue juridique du Congo belge
RJPIC : Revue juridique et politique. Indépendance et
coopération
RJZ : Revue juridique du Zaïre
RPC : Revue Pénale Congolaise
RTDH : Revue trimestrielle des droits de l'homme (Belgique)
RZD : Revue zaïroise de droit
s. e. : Sans éditeur
s. d. : Sans date de publication
s. l. : Sans lieu d'édition
UNAZA : Université Nationale du Zaïre
UNIKIN : Université de Kinshasa ex Lovanium
UNIKIS : Université de Kisangani ex Université
libre au Congo
UNILU : Université de Lubumbashi ex Université
officielle du Congo
Voy : Voir ou Voyez ou Que l'on veuille bien se
référer à...
INTRODUCTION GENERALE
L'Etat de droit est celui qui est soumis au droit. Ainsi,
l'action des gouvernants comme les activités des particuliers sont-elles
enserrées dans une hiérarchie des normes au sommet duquel
trône la Constitution. Cette affirmation est devenue un truisme mais elle
prend de la consistance lorsque l'effectivité du droit dans un Etat
implique que l'ordre juridique est cohérent et que sa
méconnaissance est sanctionnée par des juges suffisamment
indépendants.
De ce point de vue, il se dégage que l'ordre juridique
apparaît comme un ordre logique dans la mesure où la
multiplicité des sources du droit impose que s'établisse
logiquement une hiérarchie entre les normes. La réalité
juridique révèle à ce sujet que dans un Etat c'est
finalement la Constitution qui répartit la matière normative et
la loi ne peut exprimer, selon l'heureuse formule du Conseil constitutionnel
français, la volonté générale que dans le respect
de la Constitution. Il s'en déduit donc deux
légalités : l'une constitutionnelle qui relève du
pouvoir constituant et, l'autre, ordinaire puisqu'elle relève du pouvoir
législatif et réglementaire autonome.
De cette prémisse logique, il découle que les
pouvoirs constitués doivent être subordonnés au pouvoir
constituant qui les crée et leur attribue leurs compétences. Car
l'exercice du pouvoir constituant se révèle être, comme le
souligne le professeur Dominique Rousseau, la « manifestation
première et suprême de la souveraineté ».1(*) Il s'évince enfin
qu'étant acte d'un pouvoir constitué, la loi doit se conformer
à la Constitution qui est plutôt acte du pouvoir constituant qui
est par définition un pouvoir souverain parce qu'initial,
inconditionné et autonome.
Du point de vue des jusnaturalistes qui ont une conception
différente de celle des positivistes que nous venons d'exposer, le
contrôle de constitutionnalité des lois est un moyen pour
soumettre l'Etat au respect des libertés et des droits de l'homme. Le
juge constitutionnel devient dès lors le premier gardien de droits
fondamentaux protégés par la Constitution.
C'est cette question de la centralité de droits de
l'homme qui est en jeu lorsqu'il faut étudier le contentieux
constitutionnel mais aussi celle du bon fonctionnement des institutions dans le
sens de la protection des droits de l'homme par ailleurs déjà
proclamés par le constituant.
Il s'agira donc, à travers les problématiques
liées aux fondements théoriques et aux modalités
d'exercice de la justice constitutionnelle que pose cette étude, de
fixer, de manière claire, le vocabulaire employé tout au long de
la thèse sur des notions importantes du thème avant d'aborder, de
manière un tant soit peu exhaustive, l'état de la question que
nous avons ainsi choisie d'explorer.
La question des fondements théoriques et des
modalités d'exercice de la justice constitutionnelle passe
inéluctablement par le débroussaillage du cadre conceptuel dont
les éléments essentiels sont étudiés à
travers cette introduction.
I. PROLEGOMENES
Le discours introductif de notre étude consiste
à dire, d'emblée, ce qu'est la justice constitutionnelle, le
contentieux constitutionnel, et d'autres notions voisines.
Ce point se structure autour de trois idées
essentielles : l'affirmation que le contentieux constitutionnel est une
partie du droit constitutionnel, le contenu de ce contentieux ainsi que les
fondements théoriques du contrôle juridictionnel.
A. Le contentieux
constitutionnel est une partie du droit constitutionnel
L'affirmation ainsi faite peut surprendre les esprits
juridiques habitués au raisonnement par déduction plutôt
qu'à des énoncés à l'allure d'un dogme. En effet,
la démonstration de l'affirmation ainsi faite de manière
péremptoire est essentielle à l'établissement des
énoncés principiels et l'instauration du cadre
épistémologique dans lequel se déroulera la
présente étude.
Il est donc utile pour démontrer cette affirmation de
dire déjà ce qu'est le droit constitutionnel, ce qu'est la
constitution et de brosser, en ce qui concerne la République
démocratique du Congo, un aperçu des textes constitutionnels de
1885 à nos jours.
a. Qu'est-ce le droit
constitutionnel ?
La question ainsi posée peut paraître
élémentaire mais elle est essentielle pour l'intelligence des
développements ultérieurs.
Il y a, à notre avis, deux manières de
résoudre la question : définir l'objet par ses
éléments constitutifs, c'est l'approche
nouménologique2(*) ou plutôt l'aborder par ce qu'il
paraît. C'est l'analyse phénoménologique3(*).
Du point de vue juridique, il est admis que le droit peut
s'analyser tantôt comme corps des règles sociales
édictées par l'autorité publique et sanctionnées
par elle applicables dans une société donnée à un
moment donné, tantôt comme discipline scientifique ayant pour
objet d'étude lesdites règles.
Aussi, la doctrine classique enseigne-t-elle que
« le droit public constitutionnel jouit de la primauté
à l'égard des autres droits constitutionnels ; le droit
politique détient la priorité au sein des divers droits publics
constitutionnels. Dans le langage courant, affirme Marcel Prélot, il lui
est même attribué l'exclusivité ; on le
dénomme, comme s'il était le seul, « le droit
constitutionnel tout court ».4(*)
Outre le fait aujourd'hui évident qu'il n'y a qu'un
droit constitutionnel et non quatre comme l'enseignait la doctrine
prélotienne,5(*) mais
surtout que les aspects d'un objet ne devraient pas constituer des
définitions diverses de l'objet, il y a lieu de voir que l'on n'est pas
avancé du tout dans la recherche de la définition.
Aussi, retournons-nous aux auteurs modernes pour tenter de
savoir ce qu'est le droit constitutionnel.
Louis Favoreu et les professeurs membres du Groupe
d'études et de recherches sur la justice constitutionnelle
d'Aix-Marseille, à la suite de Dominique Turpin, nous fournissent des
éclairages intéressants lorsqu'ils nous retracent
l'évolution et la mutation du droit constitutionnel au XXème
siècle. Ils notent, en effet, que le droit constitutionnel classique est
marqué par un objet unique, à savoir : les institutions
politiques, alors que le droit constitutionnel contemporain est marqué
par une profonde et irréversible mutation due à quatre
éléments essentiels qui le rapprochent du droit constitutionnel
de type américain :
- La désacralisation de la loi ;
- L'expansion des constitutions et du
constitutionnalisme ;
- La diffusion internationale de l'idéologie des droits
de l'homme ;
- L'apparition de la justice constitutionnelle6(*)
M. Alphonse-Daniel Ntumba Luaba Lumu, quant à lui,
enseigne qu'étymologiquement, « le droit constitutionnel est
l'ensemble des règles contenues dans la Constitution, l'étude de
ces normes ».7(*)
Par ailleurs, le professeur Edouard Mpongo Bokako, pour sa part, reprenant la
définition de Marcel Prélot et Jean Boulouis qu'il cite, opine
que le « droit constitutionnel est l'ensemble des règles
juridiques relatives aux institutions grâce auxquelles le pouvoir
s'établit, s'exerce ou se transmet dans l'Etat ».8(*)
Gilles Champagne, se situant dans la perspective
pédagogique qui est la sienne, avance que « le droit
constitutionnel est une discipline juridique, car il
rassemble les règles qui fondent le statut de l'Etat et encadrent les
phénomènes politiques : il pose les règles du jeu
politique et distribue les rôles entre différents
acteurs ».9(*)
Toutes règles se rapportant au statut de l'Etat et
encadrant les phénomènes politiques sont-elles des normes
constitutionnelles et fonderaient-elles ainsi le droit constitutionnel ?
Rien ne semble moins sûr, en effet. L'on ne peut du reste passer sous
silence les différentes fonctions symbolique, programmatique et
proclamatoire10(*) des
textes constitutionnels qui occultent de façon magistrale le positivisme
juridique qui fait saisir le droit constitutionnel comme une sorte
d'idéalité juridique parfois en parfait hiatus avec la
réalité concrète. Au-delà de ces multiples
approches définitionnelles, il reste la sempiternelle difficulté
de trouver une définition susceptible de ramasser, dans une seule et
même formule, l'essentiel des éléments constitutifs de
l'objet à définir. Une des manières de résoudre
cette difficulté, c'est de recourir à la synthèse.
La meilleure synthèse de ces différentes
définitions nous semble être celle de Hubert Lenoir et Alain
Moyrand qui affirment que « dans une première acception, le
droit constitutionnel se définit comme l'ensemble des règles de
droit qui concernent le pouvoir dans l'Etat (sa conquête, son exercice,
sa dévolution). Ces normes régissent la structure, le
fonctionnement et les compétences des organes suprêmes de l'Etat
ainsi que les relations qui s'établissent d'une part, entre les organes
étatiques et d'autre part, entre les gouvernants et les
gouvernés. Dans une seconde acception, le droit constitutionnel peut
être envisagé comme une discipline scientifique : le juriste
va décrire, classer et expliquer les règles
constitutionnelles »11(*).
Au lieu d'être satisfaisante, cette définition a
l'inconvénient majeur d'être classique c'est-à-dire de
faire croire que le pouvoir politique est le seul objet du droit
constitutionnel. Réductrice, telle définition ne laisse pas des
coudées franches à l'étude de la justice constitutionnelle
qui se trouve être l'un des objets modernes du droit constitutionnel.
En effet, resté longtemps hors du prétoire, le
droit constitutionnel jusqu'en ces années, dans notre Alma Mater,
s'enseignait comme une sorte de droit « inachevé »
dont la « sanction était inorganisée », en
tous cas, un « droit imparfait »12(*). Hélas ! A ce
point de vue, les programmes universitaires de la République
démocratique du Congo élaguaient un chapitre important qu'est la
justice constitutionnelle alors qu'elle était déjà depuis
trente ans, au moins en droit comparé, le thermomètre et la
pierre d'angle du droit constitutionnel.13(*)
Il y a lieu de signaler toutefois que l'affirmation selon
laquelle le contentieux constitutionnel ressortit du droit constitutionnel est
étayée de façon globale et holistique par le
regretté Professeur Louis Favoreu et les membres de son école
d'Aix en ce qu'ils proposent une définition qui saisit le droit
constitutionnel dans son triple objet : institutions, normes et
libertés14(*).
Nous donnons nos suffrages à cette définition
qui présente l'avantage d'être globale et globalisante et
susceptible, de façon opératoire, de fonder la justice
constitutionnelle qui se trouve être la trame essentielle de notre
étude. En effet, le droit constitutionnel peut bien s'entendre d'une
discipline du droit public interne dont l'objet est l'étude des normes
relatives aux institutions politiques en ce qui est des rapports entre elles et
leurs relations avec les citoyens en ce qui est de leurs droits fondamentaux,
lesquelles normes sont susceptibles d'être sanctionnées par
l'activité juridictionnelle.
Le plus difficile venant à être
exécuté, il nous reste à dire un mot sur la notion de
Constitution.
b. Qu'est-ce la
Constitution ?
La réponse à cette question passerait par
l'affirmation selon laquelle « tout groupement politique, si
rudimentaire que soit son organisation, a une Constitution »15(*). Mais telle réponse
manquerait de pertinence du moment qu'elle ne résoudrait pas encore la
question de la définition. En outre, cette affirmation ressortit de la
conception juridique de la Constitution qui serait ici synonyme de statut de
l'Etat c'est-à-dire acte constitutif de la personne morale :
Etat.16(*)
Dans cette conception, la Constitution s'entendrait d'un
corpus des règles relatives aux modes de désignation de
gouvernants, à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir
politique.
Sous ce rapport, toute société politique
possède ce corps des normes écrites ou non
écrites.17(*)
La doctrine18(*) fait état d'une conception politique de la
notion de Constitution qui fait apparaître celle-ci tantôt comme un
outil d'organisation de l'Etat mais aussi celui de limitation du pouvoir du
monarque et de garantie des libertés individuelles tantôt comme un
instrument de garantie de droits fondamentaux et de limitation des pouvoirs par
leur séparation19(*).
Il faut ajouter avec Dominique Chagnollaud que cette seconde
conception est la signification moderne de la Constitution. Il s'agit de la
démocratie constitutionnelle.
Pour cet auteur, elle est un instrument de limitation du
pouvoir, un acte du peuple souverain et l'expression d'une philosophie
politique. Cette philosophie peut n'être qu'implicite ; aussi, le
doyen Maurice Hauriou distinguait-il la Constitution politique de la
Constitution sociale20(*).
De nos jours, s'élève même une
théorie biologique de la Constitution dont l'intérêt est
encore à scruter dans les errements de la doctrine. Ainsi, comprendre la
Constitution comme la traduction juridique de la pacification des rapports de
force entre les groupes politiques présents dans la communauté
nationale, suppose d'abandonner l'idée d'une norme suprême
édictée par la volonté rationnelle du peuple souverain.
Par là, on rejoint l'hypothèse de Konrad Lorenz selon laquelle
l'organisation des groupes humains repose, en majeure partie, sur les rites
d'inhibition phylogénétiques et culturels de l'instinct
d'agression. Sur le plan phylogénétique, le conflit
maîtrisé crée nécessairement une hiérarchie
entre les forces sociales qui devient la norme sociale commune. Sur le plan
culturel, une infinité de variations est possible dans le contenu de la
norme sociale commune, à des moments ou des lieux
différents.21(*)
De ce point de vue, la Constitution est l'expression juridique
de ces rites. On peut en déduire l'irrationalité de la
création et du développement des groupes sociaux humains. Ainsi,
si l'on adopte l'hypothèse de Konrad Lorenz, l'irrationnel est la source
de l'unité des communautés. La cohésion est assurée
par les « symboles » créés par la ritualisation
culturelle « auxquels tous les membres du groupe accordent une
même valeur ». Les symboles ne « représentent
jamais une chose ou une action très précisément
définissable, mais au contraire, tout un complexe de choses et d'actions
et surtout de sentiments et d'émotions, complexe dans lequel tout se
mêle et dont il est impossible de donner une définition simple
». Cette compréhension de la genèse des peuples et de leur
organisation se retrouve presque à l'identique dans les théories
constitutionnelles des romantiques allemands et de l'École historique du
droit, par l'intermédiaire du concept de Volksgeist.22(*)
Par ailleurs, selon Konrad Lorenz, l'évolution
même des communautés n'est dirigée ni par la volonté
ou la pensée conceptuelle, ni par la raison ou l'entendement humains. En
effet, les impulsions naturelles de l'homme et leur contrôle
imposé par la ritualisation culturelle « forment un système
unique à l'intérieur duquel ces deux facteurs sont
complémentaires ». Ce système est très fragile :
c'est un équilibre instable car les rites culturels, par
définition, ne sont pas transmis héréditairement et
peuvent lentement se transformer ou rapidement être modifiés ou
disparaître, entraînant une évolution substantielle de
l'organisation du groupe. L'instinct d'agression, jamais éteint, peut
reprendre le dessus et une nouvelle hiérarchie sociale en
découlera si de nouveaux rites culturels d'inhibition viennent à
se former.
L'équilibre des forces sociales, d'où va surgir
un ordre constitutionnel, se construit en dehors d'un processus volontaire.
C'est, pour des raisons différentes, une idée exploitée
par les premiers théoriciens du socialisme et par deux juristes
français, Duguit et Hauriou.
En effet, si la notion d'instinct, telle qu'elle est
définie par Lorenz, n'apparaît pas dans les ouvrages des
romantiques allemands, particulièrement du Frühromantik,
et de l'École historique du droit, leur conception de la Constitution
s'accorde remarquablement avec la mise en valeur d'éléments
irrationnels à la base de l'unité des peuples. Inspiré des
travaux de Herder, le courant Frühromantik présente le
Volk comme un organisme animé par un esprit propre, le
Volksgeist, et au sein duquel les individus sont unis par un lien de
solidarité qui a remplacé la concurrence des
intérêts personnels. La survie de la communauté
dépend donc d'un sentiment d'affection entre les citoyens.
La légitimité du droit et de l'État ne
dépend plus de volontés individuelles ayant librement
consenti un contrat social mais de symboles ralliant le sentiment des
individus. Tel est le sens de l'État « poétique »
de Novalis, État où le fondement de l'obéissance
réside dans l'admiration qu'ont les hommes pour le souverain,
incarnation des symboles traditionnels populaires. Ces derniers sont, en
effet, purement culturels : ils sont construits par le poète
qui, son inspiration alimentée par le Volksgeist,
crée une aura mystique autour du souverain.
Évacuant les questions de volontés individuelles
et d'opposition entre la majorité et les minorités, le
Volksgeist permet d'imaginer une parfaite harmonie, une
unanimité complète à l'intérieur de la
communauté nationale. Les individus ne peuvent choisir la Constitution
qui régit le Volk : elle s'impose nécessairement
à eux en tant que manifestation de l'esprit populaire, elle leur est
donnée comme leur est donné le langage de la nation à
laquelle ils appartiennent.
L'irrationalité et la spontanéité du
Volksgeist présentent ainsi des traits communs avec
l'hypothèse de Lorenz de rites culturels d'inhibition des conflits,
produisant des symboles complexes de sentiments et d'émotions
garantissant l'unité des peuples. Il y a, toutefois, une
différence importante quant à la compréhension de ces
symboles.
Pour le biologiste, ils ne représentent pas « une
valeur éthique absolue » : leur caractère sacré
n'existe que « par rapport au cadre de référence de telle ou
telle culture ». Ils peuvent être étudiés
scientifiquement, au moins quant à leurs finalités.
Pour le romantisme, en revanche, le symbole est magique, il ne
peut être révélé que par l'artiste. Inaccessible
à la raison, il est ressenti par la sensibilité du peuple. Le
Volksgeist est aussi un programme politique, à tel point qu'il
est difficile de dire si la valorisation de la création spontanée
du droit est, pour l'École historique, la conséquence de leur
conception organique du Volk ou si, à l'inverse, c'est dans le
but de donner une assise populaire à leur représentation du droit
que l'École adhère à la définition romantique du
Volksgeist.
La scission de l'École en un courant germaniste,
favorable à la primauté de la coutume, et un courant romaniste,
privilégiant le travail de doctrine juridique et la science du droit,
révèle la portée polémique d'un concept
présenté comme irrationnel et indéfinissable.23(*)
De même, l'on peut observer qu'une signification plus
juridique fait valoir la primauté de la Constitution sur toutes autres
normes. Aussi, distingue-t-on la Constitution au sens matériel (saisie
par son contenu) et la Constitution au sens formel qui se caractérise
par la spécialité des règles d'élaboration et de
révision qui la placent ainsi au-dessus des autres règles et lui
confèrent une autorité supérieure à ces
dernières.
Cette caractérisation formelle de la Constitution est
l'oeuvre de la construction doctrinale de l'autrichien Hans Kelsen pour qui, au
sommet de normes, la Constitution commande tout l'édifice juridique et
lui donne sa validité et son effectivité24(*).
Il est acquis que les deux contenus des Constitutions aux sens
matériel et formel ne coïncident pas toujours. Des règles
constitutionnelles matérielles peuvent être consignées dans
des textes qui ne sont pas constitutionnels.
Par ailleurs, la Constitution au sens formel recèle
parfois des règles non constitutionnelles au sens matériel.
Ainsi, l'exemple désormais classique de la disposition constitutionnelle
helvétique relative au mode d'abattage du bétail.
Pour faire le tour de la question, il est utile de savoir que
la Constitution peut revêtir deux formes : coutumière et
écrite. Si la majorité des Etats modernes possède des
Constitutions écrites, il n'est pas superflu de constater que la
Constitution coutumière existe notamment en Grande Bretagne même
si un nombre important des règles constitutionnelles au sens
matériel sont consignées dans des textes écrits qui
constituent ainsi « des îlots épars dans un océan
de coutumes ».25(*)
Tel est le cas de la Magna Carta de 1215
accordée par Jean Sans Terre à ses barons après la
défaite de Bouvines, la pétition des droits, l'Habeas
Corpus de 1679 protégeant les sujets britanniques contre
l'arbitraire du monarque, le Bill of Rights
accordé au Parlement par Guillaume d'orange en 1689,
l'Establishment Act de 1701 réglant les questions de
succession au trône ainsi que les divers Parliament
Acts de 1911 et 1949 retraçant les pouvoirs respectifs de deux
chambres du Parlement britannique.
A cet égard, le Professeur Jacques Djoli Eseng'Ekeli
fait état des mythes fondateurs qui tiendraient lieu de Constitutions
coutumières26(*)
pour les Etats africains précoloniaux.
Le Fukiansi pour le Royaume Kongo en est un exemple.
Il est entendu, toutefois, que de ce point de vue, la
Constitution coutumière est une norme fondatrice de la
société traditionnelle, inviolable et qui a primauté sur
toutes autres règles du fait qu'elle est l'oeuvre des ancêtres
fondateurs du clan ou de la tribu.27(*)
La conformité des autres règles
inférieures à cette Grundnorm est le pendant naturel du
respect que l'Africain doit aux morts surtout que ceux-ci sont les fondateurs
de la société. Se rebeller contre cette norme, c'est, sans coup
férir, se rendre étranger à la communauté de base,
s'ostraciser ; or, en dehors de la société, point de salut.
Cependant, le recours à la théorie de la
dysfonctionnalité de Kayemba Ntamba Mbilanji aboutit à
relativiser cette vision plutôt européocentrique du droit.
En effet, selon cet auteur, le droit présente une tout
autre face en Afrique pour des raisons qu'il faut chercher ailleurs. Cela
explique le rapport que l'Africain entretient avec le droit et la justice comme
institution chargée de trancher les conflits survenant dans la
société.
Bien entendu, l'Africain évitera souvent de provoquer
lui-même des procès, de recourir aux voies que lui ouvre le droit
pour obtenir justice et cela pour s'en tenir à des solutions
mystiques : envoi de serpent venimeux, de foudre à un adversaire,
l'envoûtement de ce dernier. Et la peur de ces sanctions mystiques joue
un rôle fondamental pour policer les individus et en obtenir la
soumission à la normalité collective. Elle est par
conséquent une composante fondamentale de l'autorégulation
sociale sous l'Afrique noire d'hier comme celle d'aujourd'hui.
Dans cette ambiance mystique où baigne l'Africain, le
droit - s'il apparaît - ne peut être, en l'absence de l'autonomie
individuelle, que d'expression collective comme pour toutes les
sociétés précitées ou à niveau
d'évolution politique insuffisant.
Mais l'on doit souligner que l'Afrique
pré-européenne était en voie de transformation à
cet égard. Dans les sociétés politiquement
organisées (royaumes et empires), surtout dans leurs métropoles
politico-commerciales, la volonté individuelle s'affirmait en effet
à la faveur de l'autonomie et des activités individuelles et du
patrimoine personnel lié à ces activités ; et
parallèlement au développement de la volonté individuelle
s'affirmait le droit contractuel de type moderne : abandon des noms
claniques qui étaient collectifs en faveur des noms individuels,
succession individuelle, mariage supratribal, commerce, division du travail
individuelle à la place de la division du travail collective ou
spécialisation par clans entiers.
Toutefois, qu'il soit d'expression collective ou individuelle,
le droit sous l'Afrique ancienne était, en l'absence de la cité
(forêts, désert) ou en raison de sa jeunesse (savane), une
donnée négligeable, embryonnaire, étouffé qu'il
était non seulement par la mysticité mais aussi par la
parenté.28(*)
Voilà pourquoi en Afrique noire précoloniale
l'autorité de la Loi fondamentale a un fondement théorique
différent de celui de la Constitution écrite dont le respect est
assuré par la caractérisation formelle de ses règles
d'élaboration et de révision ainsi que le fait politique admis
que c'est un acte de volonté du souverain : le peuple
lui-même.
Cette parenthèse d'anthropologie juridique
refermée, il importe de noter que la notion de Constitution est riche de
sens, ainsi que nous venons de l'indiquer, mais d'emblée, disons avec le
Professeur Kitete Kekumba Omombo que la Constitution « tente en
définitive de concilier les aspirations populaires qui, loin
d'être toujours centripètes, sont généralement
centrifuges. La raison est d'ordre sociologique en ce que l'on rencontre
rarement les peuples foncièrement homogènes »29(*).
Dans chaque société politique il se crée
nécessairement le phénomène universel de stratification
sociale qui engendre une différenciation individuelle laquelle produit,
à son tour, des couches ou classes sociales. Naturellement, ces diverses
différenciations produisent une divergence d'intérêts
à la fois politiques et économiques. Mais pour que la
société demeure, il faut un compromis que la Constitution
écrite cristallise dans un document solennel qui protége et
défend les différentes couches sociales30(*).
Cette conception sociologique n'avait pas recueilli
l'approbation de la théorie marxiste qui considère la
Constitution tout comme le droit qu'elle produit comme la superstructure
engendrée par l'infrastructure constituée des forces sociales et
des modes de production. A chaque type de mode de production correspond un type
d'organisation politique.
A ce niveau, la société industrielle
européenne du 18ème siècle qui est à la
base du constitutionnalisme contemporain ne peut s'inscrire que dans la
dynamique de renversement des rapports des classes sociales dû au
changement de mode de production qui était jusque là
féodal. L'industrialisation de la société ayant
émancipé les forces sociales laborieuses, tel renversement se
devait d'être consigné en termes politiques par la limitation du
pouvoir du monarque qui en réalité n'en avait plus car le
machinisme avait dépouillé le Roi au profit des barons avant de
consacrer le dernier patron qu'est le capitaliste31(*).
Dès lors, dans ces conditions, est Constitution le
document par lequel le prolétariat s'émancipe du diktat de la
bourgeoisie. Cette conception marxiste et polémologique n'est pas
partagée en Afrique noire précoloniale où la Constitution
est saisie comme une instance de conciliation de l'autorité et de la
liberté du groupe32(*).
Yves-André Faure dans l'excellente étude
citée en bas de page montre, par une sorte de césure
épistémologique, « que la Constitution a
été longtemps lue selon les prismes de l'Occident comme un texte
suprême de (et dans) l'Etat, qui organise le pouvoir, s'analyse comme une
garantie des gouvernés, que sa diffusion dans le temps et dans l'espace
correspond à des étapes successives de la conquête de la
liberté par ceux qui, jusqu'alors, ont été soumis à
la force mécanique de la domination » ; il fait le
procès de la perspective historique du droit constitutionnel et
enchaîne que « cette démarche qui s'explique par le
déroulement même de la vie publique (de l'Occident)
présente de sérieux inconvénients lorsqu'elle sous-tend
l'analyse des Constitutions africaines.
Là comme ailleurs, le positivisme juridique occulte les
conditions bien particulières d'émergence et d'application des
normes, de trahir leur signification réelle, d'imposer des
catégories universelles devant lesquelles doivent plier les
réalités diverses et complexes. Bref, par ses aboutissements,
cette démarche, dénonce-t-il, suscite des analystes
irréalistes des textes constitutionnels africains ».33(*)
Pour cet auteur, la Constitution en Afrique noire devrait
être saisie comme étant une technique gouvernementale non pas
établie dans le but de reconnaître la mise du pouvoir au service
de la collectivité ou de diverses fictions juridiques ou intellectuelles
qui renvoient à celle-ci (la nation, le pays, la patrie, le bien commun,
l'intérêt général...), mais exercée en
vue de la fixation des rôles politiques, de la localisation
définitive des acteurs à la relation.34(*)
Pour révolutionnaire qu'elle pourrait être, cette
définition de Monsieur Faure présente aussi l'inconvénient
épistémologique de transformer une notion simple au départ
en une sorte de double face de Janus qui s'apprécierait selon l'angle de
vision de chaque chercheur.
A notre avis, il a présenté la Constitution
comme technique de légitimation du jeu et des rôles
politiques ; l'occident lui-même ne nous semble guère avoir
échappé à cela tout au moins au début de son
constitutionalisme. Le reproche qu'il fait au droit constitutionnel que nous
n'approuvons pas du tout est justement l'explication rationnelle puisque
historique des étapes successives du constitutionalisme qu'il faut
mettre en relief avec les évolutions sociologiques de la
société.
Il ne nous semble guère excessif de voir dans la
Constitution à la fois ce que l'humanité entière y voit et
le compromis social qu'elle est censée renfermer entre diverses franges
de la population.
A force de trop particulariser l'Afrique, la Constitution
pourrait y paraître finalement comme un objet juridiquement non
identifié ; ce qui en enlèverait à la notion
l'essentiel de son contenu sémantique et, du même coup, son
utilité opératoire.
Avant de passer à un bref aperçu des textes
constitutionnels de notre pays de 1885 à nos jours, pour des raisons de
lisibilité de nos développements ultérieurs, du point de
vue diachronique, disons que la Constitution est un document solennel,
écrit selon une procédure spéciale et contenant de
règles relatives aux institutions politiques, aux normes
régissant celles-ci et les citoyens ainsi qu'aux droits et
libertés reconnus à ces derniers. Ces règles ont,
disons-le, vocation à être permanentes, impersonnelles et
transcendantales.35(*)
Tel doit être le sens que nous accordons au concept de
Constitution dont « on sait que les techniques doivent beaucoup aux
pratiques très anciennes des ordres religieux »36(*).
Comment ces textes sont-ils présentés
chronologiquement en République Démocratique du Congo ?
c. Aperçu des
textes constitutionnels de 1885 à nos jours
Ici, il est question, non pas de faire la
« politoscopie constitutionnelle » mais plutôt
d'indiquer les différentes étapes que la République
démocratique du Congo a connues dans son processus de
constitutionnalisme.
Nous partirons donc de l'Etat indépendant du Congo pour
aboutir au texte constitutionnel du 18 février 2006.
- Etat Indépendant du
Congo
Le Professeur Vunduawe enseigne que « c'est à
partir de l'Acte Général de la Conférence de Berlin qu'ont
été jetées les bases de la naissance du Congo, aujourd'hui
République Démocratique du Congo »37(*).
Il serait tout de même difficile de considérer
cet Acte comme un texte constitutionnel tant sa nature juridique demeure celle
d'un traité international. Toutefois, cet Acte, renchérit le
Professeur Vunduawe, a permis au Roi Léopold II de se proclamer Roi
souverain et Chef de l'Etat38(*). Ainsi, l'Etat Indépendant du Congo
était devenu sa propriété exclusive et le décret
était l'expression de la volonté du souverain.
C'est autant dire que l'E.I.C. n'avait pas de Constitution au
sens formel. Mais, au sens matériel, tous les textes ayant jeté
les bases de l'organisation et l'exercice du pouvoir politique de l'Etat
indépendant du Congo peuvent être reconnus comme des textes
constitutionnels materiae sensu. Tel est le cas, notamment, des
décrets suivants :
- Décret du Roi-Souverain du 30 octobre 1885 sur
l'organisation provisoire du Gouvernement central39(*) ;
- Décret du Roi-Souverain du 1er septembre
1894 sur l'organisation du Gouvernement central40(*) ;
- Décret du Roi-souverain du 16 avril 1887 sur
l'organisation du Gouvernement local. Pouvoirs du Gouverneur
général41(*) ;
- Décret du Roi-souverain du 16 avril 1889 instituant
le Conseil supérieur42(*) ;
- Décret du Roi-souverain du 8 octobre 1890 sur
l'organisation du Conseil supérieur43(*).
A ce propos, Léon de Saint Moulin renseigne que
« certains commandants, et même des responsables des
sociétés privées, recevaient des pouvoirs exorbitants,
sans avoir de comptes à rendre à aucune autre autorité que
le Roi »44(*) .
Du point de vue strictement juridique, il nous paraît
exact d'affirmer que le seul mode d'expression du Roi étant le
décret, celui-ci intervenait en toutes matières. La doctrine a
dégagé le critère matériel pour distinguer le
décret constitutionnel, le décret législatif ainsi que le
décret administratif.
Il importe de souligner que les résolutions des
chambres législatives belges des 28 et 30 avril 1885 ont renforcé
les pouvoirs du Roi Souverain. Ces résolutions l'ont autorisé
à être le Chef de l'Etat Indépendant du Congo.
La déclaration de neutralité du 1er
août 1885 faite par le Roi Souverain est à mettre dans le
même panier car par elle, le Roi garantissait le commerce international
et fixait le droit de préemption reconnu à la France « au
cas où le Roi n'arriverait pas à gérer le
Congo »45(*).
De même, il n'est pas superfétatoire de noter que
le traité de cession du Congo au Royaume de Belgique du 28 novembre 1907
et son acte additionnel du 05 mars 1988 sont à prendre pour des actes
juridiques ayant une incidence constitutionnelle évidente tant leur
objet semble s'incruster dans la matière constitutionnelle. Mais dans la
mesure où il s'agit d'un acte de droit international, le traité
de cession ne semble nullement revêtir la qualité
constitutionnelle.
Dans un tel régime de confusion des pouvoirs, il n'est
pas exclu de voir que le Roi est le constituant, et dès lors, il n'y a
pas de Constitution au sens formel, cependant il a existé des
décrets épars régissant la fondation, l'organisation et le
fonctionnement des pouvoirs. L'on peut noter que l'absolutisme du régime
politique de l'Etat indépendant du Congo se caractérise par le
fait que les collaborateurs du Roi-Souverain ne détenaient pas de
véritables prérogatives constitutionnelles au point que
Félicien Cattier les qualifie « d'instruments aveugles dans la
main puissante du Roi-Souverain »46(*).
Ce marasme constitutionnel a perduré jusqu'en 1908.
- La Constitution belge du 7 février 1831
Il faut affirmer d'emblée que le Congo belge
était régi par la Constitution belge de 1831 telle que
révisée par la loi constitutionnelle du 7 septembre 1893 car la
colonie faisait bel et bien partie du royaume. Pour mettre en application
cette Constitution, une loi particulière a été
adoptée en 1908. En cette date du 18 octobre 1908, la doctrine
identifie trois lois prises dans l'ordre logique et chronologique
ci-après :
Par la première loi du 18 octobre 1908 approuvant le
traité de cession du 28 novembre 1907, le Congo devenait une colonie de
la Belgique, cessant ainsi d'être la chose du Roi Souverain.
Une seconde loi de la même date viendra approuver l'acte
additionnel au traité de cession pris le 05 mars 1908.
La troisième loi et la seule qui nous importe ici est
la fameuse « Charte Coloniale » qui est une loi belge,
élaborée par le Parlement belge, sanctionnée et
promulguée par le Roi des belges. Elle est entrée en vigueur le
15 novembre 1908 « car en vertu du traité de cession, le Roi
devait prendre un arrêté fixant son entrée en
vigueur »47(*).
Ce texte a régi le pays, dans le sillage de la Constitution
belge48(*), pendant
cinquante deux ans et constitue, à n'en point douter, le clou juridique
de la colonisation qui prendra fin le 30 juin 1960.
- Les lois fondamentales de
1960
Il s'agit ici encore de deux lois belges votées par le
Parlement belge à Bruxelles, sanctionnées et promulguées
par le Roi des belges. La première en date est celle du 19 mai 1960
relative aux structures du Congo tandis qu'en date du 16 juin 1960 intervenait
celle relative aux libertés publiques.
Ainsi que l'on sait, ces deux lois sont
élaborées sur la base des résolutions de la Table Ronde
belgo-congolaise de janvier-février 1960 dite Table Ronde politique.
Elles constituent, toutes deux, la Constitution provisoire de l'Etat du Congo
en vertu des articles 3,5 et 230 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
Ajoutons, pour être complet, qu'en date du 17 juin 1960, une autre Loi
fondamentale fut prise et portait sur les enquêtes parlementaires. Par
ailleurs, par son objet, telle Loi fondamentale fait partie intégrante
de la Constitution provisoire de 1960.49(*)
Il est tentant de conclure avec le Professeur Kayemba Ntamba
Mbilanji que les Lois fondamentales sont une oeuvre belge, une Constitution
provisoire et un bouclier juridique de l'ordre colonial établi50(*).
Disons, d'un mot, que du point de vue du constitutionnalisme,
il y a une situation intérimaire entre la confusion des pouvoirs dans le
chef du monarque dans la charte coloniale et l'institutionnalisation du pouvoir
politique que l'on retrouve dans les Lois fondamentales de 1960. Du reste, la
pratique institutionnelle de ces textes nous indique de façon magistrale
qu'ils n'étaient pas le produit de l'expression des Congolais.
Ainsi, outre les Lois fondamentales de 1960
susdécrites, il y a lieu de noter les décrets-lois
constitutionnels des régimes de crise nés à la suite de la
révocation du Premier ministre Patrice-Emery Lumumba et le renvoi du
Parlement en congé sine die.
S'agissant de la révocation du Premier ministre Lumumba
par le Chef de l'Etat Joseph Kasa Vubu, la doctrine a longtemps
été partagée sur le point de savoir si elle a
été opérée ou non dans la
légalité51(*). Nous opinons, quant à nous, que cette
révocation non seulement viole l'esprit de la Loi fondamentale, comme le
soutient le Professeur Vunduawe, mais aussi et surtout sa lettre52(*). En effet, la
révocation du Premier ministre ne pouvait être acquise qu'à
la suite de la désinvestiture du Parlement de même que le
contreseing ministériel de M. Delvaux intervenu le lendemain de la
révocation ne peut qu'en souligner l'invalidité formelle53(*).
Issu d'une légitimité biaisée, le Chef de
l'Etat ne disposait pas suffisamment d'assez de base pour engager cette crise
de légitimité avec le Premier ministre qui, malgré sa
popularité, a tôt mal fait de révoquer à son tour le
Chef de l'Etat. Bref, l'inexpérience a eu raison des institutions
importées de la Belgique qui exigeaient une assez longue pratique.
A l'occasion de cette crise qui donna lieu au coup d'Etat
militaire du 14 septembre 1960, le colonel Mobutu neutralisa les deux
têtes de l'exécutif et institua le Conseil des commissaires
généraux qui sera reconnu rétroactivement par le Chef de
l'Etat à travers le décret-loi constitutionnel du 29 septembre
1960.
Ce décret-loi constitutionnel confie au Conseil des
commissaires généraux un double rôle : celui de
gouvernement, en remplacement de celui de Joseph Ileo qui n'a pas
fonctionné, ainsi que celui de parlement. A ce titre, le Conseil de
commissaires généraux a légiféré par
décrets-lois délibérés en conseil,
sanctionnés et promulgués par le Chef de l'Etat. Le Professeur
Vunduawe note que les décrets-lois instituant la Banque nationale ou
l'unité monétaire sont de cette époque54(*).
Après quatre mois, le Conseil de commissaires
généraux céda la place au gouvernement provisoire de
Joseph Ileo. Ce gouvernement fut institué par décret-loi du 09
février 1961 confiant les mêmes pouvoirs qu'au Conseil des
commissaires généraux.
Etudiant la validité de ces décrets-lois
constitutionnels, la doctrine retient qu'ils ont valeur des règles
constitutionnelles bien qu'ils n'aient pas été prévus
dans la Loi fondamentale, car ils ont été pris avec le concours
du Chef de l'Etat, une des branches du pouvoir législatif.
La seule justification pouvait être trouvée dans
la notion de gouvernement de fait qui se fonde, elle aussi, sur le principe
« nécessité fait loi » et sur celui de la
continuité de l'Etat, lesquels principes assurent selon la doctrine
moderne, la survie de l'Etat malgré les troubles qui peuvent menacer son
existence.
C'est l'essence même de l'adage latin :
« salus populi suprema lex ».
L'orthodoxie juridique interdit d'y voir des
décrets-lois réguliers même si le critère
matériel permet d'y voir des règles à valeur
constitutionnelle tant ils ont régi l'organisation et le fonctionnement
des structures étatiques.
Pour mettre fin à cette crise de
légitimité et de légalité, la classe politique
trouvera une solution globale, malgré l'effacement du bloc lumumbiste,
à travers la Constitution du 1er août 1964.
- La Constitution du
1er août 1964 dite de Luluabourg
L'histoire mouvementée de la première
République fit que jusqu'en 1963 le Parlement ne s'était pas
réuni en constituante pour élaborer la constitution
définitive. Le Chef de l'Etat décida en août 1963 de mettre
en congé le parlement et de confier la rédaction de la
Constitution à une commission composée d'experts congolais dont
le Professeur Marcel-Antoine Lihau.
La doctrine a longtemps opiné que les règles
d'élaboration de cette Constitution prévues par la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 n'ont pas été respectées,
entraînant ainsi l'invalidité de la Constitution du 1er
août 196455(*). Il
est cependant à noter que la Constitution ayant été
adoptée par referendum, il est vain de reprocher au peuple souverain
d'avoir adopté un texte tant son pouvoir constituant est
inconditionné.
Le coup d'Etat du 24 novembre 1965 par le Haut-Commandement
militaire mit fin à ce régime et institua un gouvernement de
crise à la suite de la révocation du Premier ministre Moïse
Tshombe56(*).
Il y a lieu de noter les dispositions fondamentales du 24
novembre 1965 qui ne seront pas invoquées dans la pratique pour ne pas
donner l'impression de mettre de côté la Constitution en
impliquant la révision implicite. Le Chef de l'Etat
légiféra par ordonnance-loi parallèlement au Parlement
qu'il enverra en congé sine die un peu plus tard.
Pour mettre fin à cette situation de crise, le
constituant procéda à l'élaboration de la Constitution du
24 juin 1967.
- La Constitution du 24 juin
1967
Le coup d'Etat du 24 novembre 1965 ayant fini de mettre fin
aux institutions de Luluabourg, la Constitution du 24 juin 1967 sera l'oeuvre
du gouvernement du Général Mobutu. Elle sera l'oeuvre d'une
commission présidée par le Chef de l'Etat entouré des
experts congolais (Etienne Tshisekedi, Gérard Kamanda et Marcel-Antoine
Lihau).
Le referendum qui a tout à fait l'allure d'un
plébiscite avalisera tout ce qui avait été fait par le
Haut-Commandement militaire.
Il faut noter, avec la doctrine, que cette Constitution a fait
beaucoup d'emprunts théoriques et même idéologiques
à la Constitution française de la Vème République
du 04 octobre 1958, son initiateur ayant été, nous dit le
Professeur Vunduawe te Pemako, un fervent admirateur du Général
de Gaulle57(*).
Dès lors, il importe de citer les différentes
révisons intervenues sous l'empire de cette Constitution. Il faut
reconnaître avec Paul-Gaspard Ngondankoy que la simple
énumération est fastidieuse dans la mesure où pendant
longtemps aucun travail doctrinal de systématisation de ces
révisions n'avait été réalisé.58(*) Ainsi, l'on peut citer, par
ordre chronologique :
- L'ordonnance-loi n° 70-025
du 17 avril 1970 détermina que la première élection du
Président aurait lieu dans les 90 jours au lieu de « 90
jours » à dater du 24 novembre 1970 ;
- La loi n° 70-001 du 23
décembre 1970 consacra le MPR comme une des principales institutions de
la République ;
- La loi n° 71-006 du 29
octobre 1971 introduisit les nouvelles appellations
« République du Zaïre, Zaïrois,
Bas-Zaïre » ;
- La loi n° 71-007 du 19
novembre 1971 adopta comme drapeau national le drapeau vert avec une main
tenant le flambeau sur fond jaune au centre ;
- La loi n° 71-008 du 31
décembre 1971 introduisit dans la Constitution le principe de la reprise
par l'Etat de la plénitude de ses droits fonciers, forestiers et
miniers, affirmant que le « sol et le sous-sol zaïrois ainsi que
leurs produits naturels appartiennent à l'Etat » (l'article 14
bis) ;
- La loi n° 72-003 du 05
janvier 1972 introduisit dans la Constitution la nouvelle appellation de Shaba,
au lieu de Katanga ;
- La loi n° 72-0008 du 03
juillet 1972 institua, au sein de la Cour suprême de justice, une section
de législation, compétente pour donner des avis consultatifs sur
des projets de lois ou des textes réglementaires. Elle rendait la haute
Cour compétente pour juger certaines autorités et hauts cadres du
M.P.R ;
- La loi n° 73-014 du 05
janvier 1973 introduisit les nouvelles appellations de conseil
législatif, commissaire du Peuple, Conseil Exécutif,
Département, Commissaire d'Etat, Région, Commissaire de
Région, Commissaire urbain, Sous-région, Commissaire
sous-régional, Commissaire de zone, Collectivité et Chef de
collectivité ou de cité etc...
- La loi constitutionnelle n°
74-020 du 15 août 1974 qui a institué le Parti- Etat et conduit
à la confusion entre le Parti et l'Etat.
Par son ampleur, cette révision radicale a
changé le système politique du texte originel du 24 juin 1967 au
point où une frange de la doctrine l'a toujours tenue pour une nouvelle
Constitution59(*).
· La loi n° 78-010 du 15 février 1978
intégra dans la Constitution plusieurs réformes relativement au
rôle du Président-Fondateur du MPR, Président de la
République et aux droits et libertés des citoyens. Elle est
promulguée à la suite de la première guerre du Shaba et du
discours présidentiel devenu historique du 1er juillet 1977.
60(*)Une partie de la
doctrine enseigne qu'il s'agit d'un retour au régime de 196761(*).
· La loi n° 80-007 du 19 février 1980 apporta
deux mesures de restriction à la démocratisation de 1978. La
première fut la suppression de la désignation par élection
d'une part des membres du Bureau politique. Cette réforme fait suite au
discours présidentiel du 4 février 198062(*).
Par ailleurs, seuls les Commissaires d'Etat pourraient
être interpellés par le Conseil législatif et ce,
après information préalable du chef de l'Etat. Telle est la
seconde mesure.
Il importe de souligner que les dispositions spéciales
qui concernaient le Président-Fondateur du MPR sont étendues
à tout Président du MPR., Président de la
République notamment le pouvoir de dissoudre le Conseil
législatif ;
· La loi n° 80-012 du 15 novembre 1980 qui institua
le Comité Central du MPR. Il devenait, à la place du Bureau
politique, l'organe de conception, d'inspiration, d'orientation et de
décision du MPR63(*) . Cet organe renforça le rôle
dirigeant du Parti notamment par sa Commission Permanente de discipline qui
sanctionna de nombreux cadres pour manquement à la discipline. Les
premiers cadres sanctionnés par cette Commission furent, nous dit
Léon de Saint Moulin, les treize parlementaires impliqués dans
« le complot de la Saint Sylvestre », le 31 décembre
1980 ;
· La loi n° 82-004 du 31 décembre 1982
supprima le Comité Exécutif du MPR et remplaça
l'appellation de « commissaire politique » par celle de
« Membre du Bureau politique ».Elle apportera la solution
au conflit entre le Comité central et le Bureau politique, d'une part,
et entre le Comité exécutif et le Conseil exécutif,
d'autre part.
Cette révision constitutionnelle fait écho
à la décision d'Etat n° 32/CC/83 du Comité central du
Mouvement populaire de la révolution du 1er avril 1983 qui
proclamait que le « MPR commande et oriente l'Etat, qui est devenu
son instrument pour la réalisation de ses objectifs ».
· La loi n° 88-004 du 29 janvier 1988 retira la
compétence en matière des contestations électorales
à la Cour suprême de justice pour la confier au Comité
central;
· La loi n° 88-009 du 27 juin 1988 retira la liste
des Régions de la Constitution pour la remplacer par la disposition
générale : « la République du Zaïre
comprend la ville de Kinshasa et les régions ». Ceci a eu
l'avantage de ne pas procéder à une révision
constitutionnelle pour créer une nouvelle région ou en modifier
la dénomination ou les limites. Dans ce cadre, furent ainsi
créées les trois régions du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du
Maniema par ordonnance-loi n° 88-031 du 20 juillet 1988.
- La loi n° 90-002 du 05
juillet 1990
Cette loi introduisit le multipartisme et abolit le monopole
du Parti-Etat. Par l'ampleur de sa révision quant au fond, cette
révision du reste irrégulière de la Constitution de 1967
apparaît, à coup sûr, comme une nouvelle Constitution ou
pour reprendre l'heureuse formule du Professeur Vunduawe te Pemako, une
Constitution intérimaire. Elle connut une modification.
· La loi n° 90-008 du 25 novembre 1990 a de nouveau
modifié la Constitution en y introduisant le multipartisme
intégral que la loi n° 90-002 du 05 juillet 1990 avait
limité à trois partis politiques.
- La loi n° 93-001 du 02 avril 1993 portant Acte
constitutionnel harmonisé relatif à la période de
transition.
Elle est l'oeuvre du conclave politique de Kinshasa qui a
tenté, en vain, de mettre fin à un dédoublement
institutionnel : deux textes constitutionnels (la Constitution du 24 juin
1967 et l'Acte portant dispositions constitutionnelles relative à la
période de la transition élaborée par la Conférence
nationale et non promulgué par le Président de la
République), deux gouvernements (celui de Faustin Birindwa et celui dit
« des verts » dirigé par Etienne Tshisekedi). L'on
peut situer d'emblée cette querelle politique dans la lutte pour le
maintien au pouvoir de M. Mobutu et la lutte pour la conquête des
libertés par le peuple congolais.
Cette lutte a inéluctablement engendré des
points de vue divergents dans la doctrine congolaise qui voit le jour au
lendemain de la Conférence Nationale Souveraine, et à l'occasion
de l'Arrêt R.A. 266 du 8 janvier 1993.
Mabanga Monga Mabanga fait un excellent état de la
question dans son ouvrage précité, en ces termes, l'obiter dictum
de l'arrêt problématique : « il s'ensuit que cette
ordonnance n'est pas motivée et qu'il y a eu ainsi atteinte aux droits
garantis aux particuliers par les articles 17 et 18 de la Constitution de 1967
telle que révisée, en vigueur à la date de la signature de
l'ordonnance attaquée, mais abrogée par l'Acte portant
dispositions constitutionnelles relatives à la période de
transition applicable présentement, lequel, acte, en ses articles 17, 18
et 27 a repris la substance des articles constitutionnels visés au
moyen ».
Il s'agit d'un attendu qui a donné prétexte
à une querelle doctrinale qui peut se résumer ainsi : Pour
le Président Mobutu et ses partisans, l'Acte de la CNS n'a pu exister
faute de promulgation, et la Cour n'avait pas à en tenir compte
même de manière incidente.
Le meilleur défenseur de cette tendance dans la
doctrine est le Professeur Vunduawe te Pemako, suivi de l'avocat Mabanga Monga
Mabanga.
La thèse contraire à laquelle nous
adhérons du fait aujourd'hui acquis que la Conférence nationale
souveraine avait statué comme pouvoir constituant originaire même
sui generis est que l'Acte de la CNS n'avait pas à être
promulgué ad validitatem s'agissant d'un texte issu du pouvoir
constituant originaire.64(*)
Au demeurant sur le plan du droit judiciaire, l'on peut
s'étonner qu'une certaine opinion65(*) trouve suspecte la référence au texte
de la CNS dans une procédure en annulation d'une ordonnance
présidentielle entachée d'illégalité.
Non seulement que la Cour a considéré que la CNS
a statué comme pouvoir constituant originaire mais aussi, elle devait
constater que les conditions visées au moyen étaient encore en
vigueur. Il en serait évidemment autrement si l'Acte de la CNS avait
abrogé les dispositions relatives au droit de la propriété
garantie par la Constitution de 1967. La Cour, contrairement au raisonnement
de M. Mabanga quant à ce, ne peut ignorer une nouvelle loi
constitutionnelle ou une nouvelle Constitution qui fonde par ailleurs le
recours qui lui est soumis. Il ne s'agit pas seulement d'une motivation
adéquate, mais d'un attendu nécessaire. Le principe de non
rétroactivité de la loi pour l'examen des faits au moment de leur
commission posé en matière pénale s'applique-t-il à
des dispositions d'ordre constitutionnel ?
Pour M. Mabanga, il appert que la Cour voulait se manifester
dans ce moment décisif de l'histoire constitutionnelle du Congo en se
prononçant, d'une manière ou d'une autre, sur cette question
délicate66(*).
Du reste, dire que l'Acte de la CNS du 2 Août 1992 a
abrogé la Constitution de 1967 n'est nullement interpréter la
Constitution, compétence qui serait dévolue à la Cour
suprême de Justice, sections réunies.67(*)
A notre avis, toute juridiction a compétence
d'interpréter la Constitution par voie d'incident, la Cour suprême
de justice n'ayant eu cette compétence qu'à titre principal et
sur seule requête du Procureur Général de la
République agissant soit d'office soit à la demande des
autorités publiques indiquées par la Loi.
Il est symptomatique d'un malaise juridique et politique
profond qu'un chef de juridiction se soit permis dans une interview de se
désolidariser d'un arrêt de la Cour, au motif qu'il aurait
été rendu ultra petita, alors que le devoir de
réserve le lui interdisait.
Et là où M. Mabanga voit l'assagissement de la
Cour suprême de justice, section administrative, l'on peut
également voir qu'il s'agit du même chef de juridiction qui a
siégé cette fois là sous R.A. 320 du 21 août 1996
dans l'affaire Usor et Alliés contre Kengo et consorts.
Il y a eu, à n'en point douter, lutte
d'intérêts plutôt que débat juridique sérieux
et désintéressé.
C'est également la vanité de l'argument
d'absence d'autorité de la chose jugée qui est attachée
à l'arrêt examiné tant dans sa motivation que dans son
dispositif, encore qu'une des parties audit arrêt se trouvait être
la République du Zaïre, actuellement République
Démocratique du Congo, qui ne peut ignorer les lois qu'elle
édicte elle-même.
C'est dans ce contexte de confusion savamment entretenue tant
sur le plan politique caractérisée par un dédoublement
institutionnel que sur le plan stratégique, que le Conclave Politique
National, réuni au Palais de la Nation du 9 au 19 mars 1993, a
élaboré un texte constitutionnel composite dit harmonisé
dont l'étude vient d'être effectuée.
- L'Acte constitutionnel de
la transition du 09 avril 1994
Texte constitutionnel intérimaire devant régir
le pays jusqu'à l'adoption de la Constitution de la IIIème
République par referendum, l'Acte constitutionnel de la transition a la
particularité d'avoir été élaboré par un
pouvoir constituant sui generis mais juridiquement inexistant
car à la date du 9 avril 1994 l'organe appelé Haut Conseil de la
République-Parlement de Transition était non institué. Le
fait politique Hcr-Pt a précédé le constituant ; la
pièce centrale de cette architecture institutionnelle se trouve
être le Hcr-Pt qui a été à la fois le constituant
originaire bien que sui generis, le constituant
dérivé en vertu des articles 55, 58,69 al.3 et 116 de l'Acte
constitutionnel de transition et le législateur ordinaire.
Comme le Professeur Vunduawe te Pemako, l'on peut constater
que cet Acte constitutionnel de la transition a régi le pays du 9 avril
1994 au 16 mai 1997, date du coup de force de l'Alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo (A.F.D.L)68(*).
Il faut noter que partiellement, en certaines de ses
dispositions, ce texte est resté en vigueur du 27 mai 1997 au 4 avril
2003 malgré la promulgation du Décret-loi constitutionnel
n°003. Il s'agit d'une Constitution intérimaire de la
République et non d'une révision constitutionnelle. Pour des
raisons historiques, il est bon de noter que le dédoublement
institutionnel dont question ci-haut prit fin avec ce texte constitutionnel.
· La loi n° 95-004 du 06 juillet 1995 a
prorogé la durée de la transition d'un délai
supplémentaire de 24 mois, à dater du 10 juillet 1995.
- Le décret-loi constitutionnel n° 003 du 27
mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
République Démocratique du Congo.
Ce texte vient mettre fin au vide constitutionnel qui a
perduré du 17 mai 1997 au 26 mai 1997. A part les dispositions relatives
à l'organisation et à l'exercice du pouvoir désormais
confiné entre les seules mains du Président de la
République, l'article 14 dudit texte a réactivé toutes les
autres dispositions constitutionnelles de l'Acte constitutionnel de la
transition qui n'étaient pas contraires.
Comme tous les textes constitutionnels de crise, le
décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 demeure
irrégulier et ne peut trouver des justifications théoriques que
dans la théorie du gouvernement de fait. Il avait donc valeur
constitutionnelle du point de vue matériel et a régi le pays
avant quatre modifications qu'il a connues :
· Le décret-loi constitutionnel n° 074 du 25
mai 1998 modifiait le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai
1997 et opérait un transfert du pouvoir législatif du Chef de
l'Etat qui l'exerçait jusque là seul à l'Assemblée
Constituante et Législative.69(*)
· Le décret-loi constitutionnel n° 122 du 21
septembre 1998 portant modification du Décret-loi n°003 du 27 mai
1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
République démocratique du Congo.70(*)
· Le décret-loi constitutionnel n° 180 du 10
janvier 1999 modifiant et complétant le Décret-loi
constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et
à l'exercice du pouvoir en République démocratique du
Congo.71(*)
· Le décret-loi constitutionnel n° 096/2000
du 1er juillet 2000.72(*)
- La Constitution de la transition du 04 avril 2003 ou la
seconde Constitution intérimaire de la République
Démocratique du Congo
L'accord de Lusaka pour un cessez-le-feu en République
Démocratique du Congo signé les 10, 30 et 31 juillet 1999 avait
prévu le dialogue national ouvert à toutes les forces politiques
en vue de définir un nouvel ordre politique73(*).
Le dialogue Inter-congolais eut lieu du 25 février au
12 avril 2002 à Sun City en Afrique du Sud et adopta différentes
résolutions pertinentes pour la gestion de la transition. L'accord
global et inclusif sur la transition en République Démocratique
du Congo signé le 17 décembre 2002 à Pretoria et
adopté à Sun City le 1er avril 2003 est la source
sociologique de la constitution de la transition. Le dialogue Inter-congolais
apparaît de ce point de vue comme un pouvoir constituant originaire
sui generis.
Dans ce cadre s'inscrit l'Accord de Lusaka pour un cessez-le-
feu du 10 juillet 1999 qui fixe entre autres un canevas de résolution du
conflit interne congolais notamment au travers de l'article III, points 16, 19,
20 et du chapitre 5 de l'annexe « A » à l'Accord de
cessez-le-feu portant modalités de mise en oeuvre de l'Accord de
cessez-le-feu en République Démocratique du Congo.
Cet accord fait suite à plusieurs instruments
internationaux dont le communiqué du Sommet de Pretoria du 23 août
1998 réaffirmant que tous les groupes ethniques et nationalités
dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo
à l'indépendance, doivent bénéficier de
l'égalité des droits et de la protection aux termes de la loi en
tant que citoyens ; le communiqué du sommet régional
d'Entebbe du 25 mars 1998, le communiqué commun du deuxième
sommet de Victoria Falls tenu du 7 au 8 septembre 1998, la résolution
1234 du 9 avril 1999 ainsi que les autres résolutions et
décisions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations
Unies sur le Congo ainsi que l'Accord de paix signé à Syrte le 18
avril 1998.74(*)
La Constitution de la transition a régi le pays
jusqu'à la Constitution de la République Démocratique du
Congo promulguée le 18 février 2006.
Il y a lieu de noter cependant que la résolution
contenue dans la décision conjointe n° 001/D.C/A.N/SEN/05 du 17
juin 2005 portant prolongation de la durée de la transition est de
nature constitutionnelle. Les deux chambres du parlement de transition ont en
effet statué comme pouvoir constituant dérivé sans que la
procédure de révision constitutionnelle prévue pourtant
par la Constitution adoptée par consensus ait été
scrupuleusement suivie.
- La Constitution du 18
février 2006
Ce texte a la particularité, comme les deux
précédentes constitutions définitives du pays (1964 et
1967), d'être adopté par référendum constitutionnel.
Il instaure un régime parlementaire et organise un Etat à
régionalisme constitutionnel très proche du
fédéralisme dont les contours seront connus à
l'épreuve de la pratique institutionnelle75(*).
L'étude qui nous a conduit à l'aperçu des
textes constitutionnels de 1885 à nos jours a fait fi
expressément des constitutions coutumières ou des pratiques
constitutionnelles précoloniales qui auraient existé dans les
empires, royaumes et chefferies ayant constitué ce qui est devenu la
République Démocratique du Congo.
La doctrine récente montre en effet que ces pratiques
influent de façon plus ou moins consciente les moeurs de l'Etat moderne
au point même de les dévoyer.76(*)
Ce choix est arbitraire mais il est justifié par la
perspective méthodologique que nous avons choisie : celle
d'étudier les Constitutions écrites adoptées par l'Etat
congolais dans sa dimension historique positive et de voir les litiges
politiques qu'elles peuvent engendrer et qui font partie du contentieux
constitutionnel de droit écrit.77(*)
B. Contenu et contours
du contentieux constitutionnel
Il est apparu que le concept « contentieux
constitutionnel » est polysémique et mérite dès
lors d'être explicité par nous pour être opératoire
dans la présente étude.78(*)
Cette explicitation sera entreprise à travers la
recherche d'une définition du contentieux constitutionnel, une
définition du juge constitutionnel ainsi que les différentes
distinctions qu'il faut établir d'avec la justice judiciaire et la
justice politique.
a. Définition du
contentieux constitutionnel
Partant de l'étymologie latine de
contentiosus (qui donne ou peut donner lieu à
litige), le Professeur Michel de Villiers, définit le contentieux
constitutionnel comme l'ensemble des litiges liés à l'application
de la Constitution et donnant lieu à des prétentions
opposées. Cependant, renchérit-il, depuis que de nombreuses
Constitutions ont décidé qu'un tel contentieux pourrait
être porté devant les institutions au caractère
juridictionnel fortement marqué, l'habitude a été prise de
considérer comme contentieux constitutionnel l'ensemble des
règles d'organisation, de compétence et de procédure
relatives à ces institutions79(*).
L'on peut dégager deux idées essentielles de
cette double définition. L'idée de contentieux implique celle de
litige, de conflit à trancher par le juge. La seconde idée sera
que l'étude du contentieux constitutionnel passe nécessairement
par celle de la juridiction qui a reçu compétence de trancher les
litiges constitutionnels.80(*)
Cette seconde idée a l'avantage d'inclure dans
l'étude du contentieux constitutionnel les matières gracieuses
dont connaît la juridiction constitutionnelle.
Nous savons désormais ce qu'est le contentieux
constitutionnel, il nous reste à cerner la notion de juge
constitutionnel avant de percevoir les différences que ce dernier a
vis-à-vis des autres types de justice dans l'Etat.
b. Définition de la
juridiction constitutionnelle
A ce stade, il est fort utile de marquer la différence
qu'il y a entre la notion de « justice constitutionnelle »
et celle de « juridiction constitutionnelle » qui nous
intéresse directement ici.
En effet, par l'expression « justice
constitutionnelle », Louis Favoreu désigne l'ensemble des
institutions et techniques grâce auxquelles est assurée, sans
restrictions, la suprématie de la constitution81(*).De même,
l'éminent constitutionnaliste opine que la justice constitutionnelle est
chargée de veiller à ce que l'ordre constitutionnel soit
respecté sous tous ses aspects mais avec une intensité plus ou
moins grande82(*).
Pour sa part, Michel Fromont nous rappelle que « la
notion de justice constitutionnelle ne peut être qu'une notion
matérielle : elle ne peut que désigner une activité
ou, si l'on veut, une fonction exercée en la forme juridictionnelle par
un organe indépendant ayant le caractère d'une juridiction et
parallèlement le juge constitutionnel ne peut que désigner un
juge exerçant la justice constitutionnelle, qu'il soit ou non
spécialisé dans cette tâche ».83(*)
Dès 1928 déjà, l'expression a le sens que
nous lui accordons ici dans les travaux de Hans Kelsen et Charles Eisenmann.
Pour M. Kelsen, en effet, la justice constitutionnelle, c'est la garantie
juridictionnelle de la constitution.84(*)
Charles Eisenmann, en revanche, dit de cette justice qu'elle
est « cette sorte de justice ou mieux de juridiction qui porte sur
les lois constitutionnelles. Il complétera cette première
définition en distinguant « justice
constitutionnelle » et « juridiction
constitutionnelle », la seconde étant l'organe par lequel
s'exerce la première et, en dégageant le sens juridique de la
justice constitutionnelle qui est, en dernière analyse, de garantir la
répartition de la compétence entre législation ordinaire
et législation constitutionnelle.
En effet, la garantie de cette répartition de
compétence est donc l'élément distinctif de l'existence
d'une juridiction constitutionnelle. S'il n'est pas attribué à un
juge la compétence de garantir cette répartition entre
législations ordinaire et constitutionnelle, il faut bien voir que ce
juge n'exerce pas la justice constitutionnelle85(*).
Il fut un temps où la doctrine française
préférait l'expression « contrôle de
constitutionnalité des lois » à ce vocabulaire moderne. A
tort, cette assimilation doctrinale n'a pas l'avantage d'indiquer que le
contrôle de constitutionnalité des lois n'est qu'une technique
à la disposition de la justice constitutionnelle.
Cette tendance doctrinale pouvait trouver une explication dans
le fait que la justice constitutionnelle vise premièrement et
principalement la garantie de la suprématie de la constitution par
rapport aux autres normes juridiques étatiques. Le contrôle des
actes administratifs et juridictionnels n'a guère soulevé de
controverse, alors que la censure du législateur, mieux de la loi,
oeuvre de la représentation nationale, a longtemps soulevé des
débats, surtout à l'époque du légicentrisme
triomphant et où la souveraineté de la loi est un dogme86(*).
En droit comparé, la justice constitutionnelle comprend
notamment le contrôle de constitutionnalité des lois, le
contentieux des élections et consultations populaires, le contentieux de
la division horizontale ou verticale des pouvoirs et le contentieux des
libertés et droits fondamentaux.
Le juge constitutionnel est chargé principalement de
ces quatre types de contentieux ; il peut être chargé
également de la justice politique qui se ramène au contentieux
répressif de certains personnages éminents de l'Etat.
De fois, l'interdiction ou la dissolution des partis
politiques en cas de violation des principes constitutionnels peut relever
également de la compétence du juge constitutionnel.87(*)
Il est utile de noter que le juge constitutionnel congolais
vient, à peine, depuis le 18 février 2006, de recevoir la
compétence en matière de justice politique, celle-ci ayant
été, depuis la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux
structures du Congo, confiée à une Haute Cour de Justice88(*).
Depuis 1964 jusqu'au 18 février 2006, c'est la section
judiciaire de la Cour Suprême de Justice qui a été le juge
du contentieux pénal à l'endroit des plus hauts dirigeants de
l'Etat.
L'on peut noter déjà que cette justice politique
n'a pas fonctionné, pour des raisons qui sont exposées ailleurs,
alors que les archives de la Cour de sûreté de l'Etat indiquent
des condamnations des opposants politiques à des sanctions
pénales allant de l'emprisonnement à la peine capitale.89(*)
Marquons enfin les différences entre la juridiction qui
exerce la justice constitutionnelle de celles qui sont judiciaire ou
politique.
c. Distinction du
contentieux constitutionnel d'avec la justice judiciaire et la justice
politique
Outre ce qui vient d'être dit au point
précédent, l'on peut noter que le contentieux judiciaire est, en
dernière analyse, le contentieux des gouvernés, le contentieux
constitutionnel étant celui des gouvernants90(*).
Il est fort utile de remarquer qu'au-delà de
l'intervention du juge judiciaire en matière civile, commerciale,
sociale ou répressive, il est, à tout point de vue, le juge de
personnes privées, physiques ou morales, les pouvoirs publics
étant, en principe, justiciables du juge administratif.
L'on peut observer également une différence
fondamentale des règles de procédure régissant le
contentieux judiciaire par rapport à celles qui président au
procès constitutionnel. Le plus souvent dans le second cas, il s'agit
d'un procès objectif fait à un acte tandis que dans le cas du
contentieux judiciaire, le procès reste, sauf rares cas, très
subjectif, opposant les parties relativement à leurs droits subjectifs
en l'absence d'un acte juridique auquel il serait fait grief en tant qu'acte
générateur des droits dans l'ordonnancement juridique.
Il reste fort tentant de confondre le juge constitutionnel
d'avec le juge politique, nous dit Mabanga Monga Mabanga91(*), car si le juge politique est
essentiellement répressif, la répression ne constitue qu'une de
nombreuses prérogatives du juge constitutionnel.
Cet auteur observe que le juge politique peut être
considéré comme le protecteur des institutions politiques contre
les particuliers alors que le juge constitutionnel joue, à l'inverse, le
rôle de censeur desdites institutions dans l'intérêt aussi
bien de la collectivité nationale que des particuliers.
La perception de Mabanga Monga Mabanga nous semble
néanmoins quelque peu erronée car, il suffit de remarquer que le
juge politique est le juge répressif des dirigeants pour se rendre
compte qu'il ne peut pas être leur protecteur a priori.
La nuance eut été en effet que le catalogue des
infractions politiques incriminant les attitudes des particuliers et rendant la
Cour de sûreté de l'Etat compétente à leur
égard donnait l'impression partielle que cette justice s'exerçait
au seul profit des institutions politiques.
Mais ceci ne doit pas nous occulter la réalité
juridique que la section judiciaire de la Cour suprême de justice
à l'époque et la Cour constitutionnelle aujourd'hui
étaient et sont compétentes pour examiner les infractions
politiques des dirigeants. Au surplus, aux différents procès
politiques, la présence des victimes, simples particuliers, pouvait et
peut toujours être envisagée.
En revanche, nous opinons que la justice constitutionnelle est
toujours organisée par la constitution alors que la justice politique
peut ne pas être organisée par la loi fondamentale.
Toutefois, la procédure à appliquer par devant
les deux juridictions sera toujours organisée par une loi qui peut
être organique, pour le juge constitutionnel, et ordinaire, pour le juge
politique.
Ces distinctions aussi subtiles que fertiles devaient nous
conduire, sans tarder, à savoir sur quoi se fonde la
légitimité de ce contrôle juridictionnel des actes de
gouvernants.
C. Des fondements
théoriques du contrôle juridictionnel
Etudier les fondements théoriques du contrôle
juridictionnel constitutionnel, c'est nécessairement examiner pourquoi
le constituant organise et assure la suprématie de la Constitution sur
toute autre norme, suprématie à la fois matérielle et
formelle, qui trouve sa justification dernière dans la garantie
juridictionnelle de cette suprématie.
a. La suprématie
matérielle de la Constitution ou le titre juridique des
gouvernants
La suprématie ou l'autorité matérielle de
la Constitution est, selon la doctrine, fondée sur l'importance du
contenu des règles constitutionnelles, organisation du pouvoir,
consécration des droits et libertés fondamentales du citoyen. La
Constitution est la « loi suprême » de l'Etat et le
statut de ce dernier92(*).
Mais cette suprématie n'existe que dans les Etats qui
ont une Constitution rigide, puisque dans les Etats à Constitution
souple une simple loi ordinaire peut 93(*)modifier une règle constitutionnelle.
Ces affirmations devenues classiques ne sont pas de nature
à justifier le contrôle juridictionnel des normes
subordonnées à la Constitution. Aussi, convient-il de remarquer
qu'un système juridique est un ensemble organisé des
règles de droit, de normes, régissant une société
donnée. Toutes ces normes n'ont pas la même valeur. Des
subordinations apparaissent, ainsi que le dit Philippe Ardant94(*), nécessairement en ce
sens que des liens s'établissent entre elles, où des
règles commandent à d'autres, leur sont supérieures, ne
peuvent être violées par ceux qui élaborent les normes
subordonnées.
La thèse de la hiérarchie pyramidale des normes
exposée par le juriste autrichien Hans Kelsen peut se résumer par
cet axiome selon lequel « l'ordre juridique n'est pas un
système de normes juridiques placées au même rang, mais un
édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide
ou une hiérarchie formée d'un certain nombre d'étages ou
couches de normes successives »95(*). On trouve donc au sommet de la hiérarchie, la
norme-mère ou Grundnorm, celle qui commande tout le
système juridique. Au dessous d'elle, se situent d'autres normes. A
chaque degré, le nombre des normes s'accroît et par là
s'élargit la base de la pyramide.
Dès lors, pour que l'édifice ainsi
érigé tienne, il faut absolument que les normes
inférieures respectent scrupuleusement la norme fondamentale ou de base.
Considérée dans son acception matérielle,
l'autorité de la Constitution tient aussi et surtout au fait qu'elle
constitue le titre juridique en vertu duquel les gouvernants accèdent au
pouvoir et l'exercent avec l'obéissance légitime des
gouvernés. Ne pas tenir compte de la Constitution ou plutôt des
règles qu'elle édicte, c'est, du même coup, saper les bases
du pouvoir.
Il est unanimement admis que l'obéissance aux
gouvernants qui fonde le phénomène du pouvoir est aujourd'hui
cristallisée et symbolisée par l'adoption par le peuple de la
Constitution.96(*) En
régime libéral et démocratique tout au moins, violer la
Constitution c'est contester du même coup l'obéissance que les
gouvernés ont placée dans le système juridique qui est, au
demeurant, le bouclier juridique du pouvoir de l'Etat. La violation par trop
fréquente de la Constitution ne laisse au régime politique que
l'apparence macabre d'une dictature, d'un pouvoir de fait, nu
c'est-à-dire susceptible d'être contesté par voie de fait
sans qu'aucun argument de droit ne soit légitimement
opposé97(*). Il en
est de même de l'autorité formelle de la Constitution.
b. La suprématie
formelle de la Constitution : le pouvoir constituant
Au delà de ce qui vient d'être dit, il y a lieu
de remarquer que l'autorité formelle de la Constitution résulte,
dans le cas unique des Constitutions rigides, du fait que la révision
constitutionnelle ne peut être opérée que par une loi
adoptée, soit par un organe spécial, soit selon une
procédure spéciale.
Du point de vue politique, l'on peut observer que la
spécialité de la procédure de révision tient au
fait que l'oeuvre à réviser est celle du souverain et, par
parallélisme de forme et de compétence, il ne peut agir que selon
les formes préalablement établies par lui. En effet, permettre
à n'importe quel organe et selon n'importe quelle procédure de
procéder à la révision constitutionnelle, c'est, à
coup sûr, affaiblir et fissurer l'édifice constitutionnel et
politiquement éparpiller les centres des décisions de l'Etat. Par
ailleurs, le pouvoir politique est d'essence centralisateur et a horreur
d'émiettement du centre d'impulsion. Au cas où ceci arriverait,
nous ne serions pas loin d'une anarchie.
Aussi, il importe de noter que le constituant étant la
force politique dominante au sein de l'Etat, la violation des formes
établies pour réviser la norme fondamentale indique au minimum
que la force politique dominante a changé des mains ou que la norme
elle-même a perdu de sa légitimité au point qu'elle peut
être foulée au pied dans l'indifférence totale des
gouvernés.
Puisque le contrôle par l'opinion de ce respect a
démontré ses limites dans l'histoire -les lois de 1933 ont
été adoptées dans l'indifférence totale du
Volk allemand !- il est fort utile de confier cette mission
à un corps infime des citoyens qualifiés chargés de suivre
à la place de la Nation la conformité des actes de gouvernants
à la Norme fondamentale.
c. La garantie
juridictionnelle ou l'efficacité de la séparation des
pouvoirs
Il est acquis que la séparation des pouvoirs est l'un
des fondements de la démocratie constitutionnelle. Cependant, pour
éviter le piège du formalisme qui réduirait le prescrit
constitutionnel à un simple costume à la taille des gouvernants,
il s'est posé la question essentielle de la garantie de la protection de
la Constitution.98(*)
La doctrine a déjà établi la faiblesse de
la protection politique, bien qu'elle soit l'une des formes de protection de la
Constitution. Jean Gicquel pense en effet que « symbole de l'Etat, la
Constitution mérite aide et protection car, à défaut, elle
serait une oeuvre morte ».99(*)
Fort longtemps, Georges Burdeau s'interrogeait sur la
survivance de la notion même de Constitution qu'il tenait
« pour un temple allégorique investi par des
ombres ».100(*)
La résurrection de ce que Georges Vedel qualifie de
« gouvernement de la Constitution » s'inscrit dans le cadre
du constitutionalisme démocratique. Ainsi, la protection de la
Constitution dans sa forme politique s'articule autour de la défense des
institutions et la défense de l'équilibre politique.101(*)
Au nom de la légitime défense de l'ordre
constitutionnel, face à un péril, écrit Jean Gicquel,
à une entreprise de déstabilisation, le chef de l'Etat, le
gouvernement, ainsi que les citoyens, se mobilisent.102(*) La défense de
l'équilibre politique mutuel des institutions politiques relève
de l'autolimitation dont le caractère aléatoire a
été déjà démontré. L'Etat de droit
éprouve certes le besoin de certitude, et, en cette occurrence, la
certitude est assurée par la protection juridique de la Constitution. Il
est même arrivé que dans cette rhétorique de la
défense de l'ordre constitutionnel il soit fait un contrôle des
omissions du législateur.
La plupart des Constitutions modernes, adoptées, en
Europe, après la seconde guerre mondiale et après la chute du Mur
de Berlin, contiennent un catalogue des droits fondamentaux dont la
concrétisation exige souvent l'intervention du législateur. Il en
est particulièrement ainsi lorsqu'il s'agit de rendre effectifs les
droits fondamentaux sociaux (droit aux prestations sociales, droit à
l'emploi, droit à l'instruction, etc.).
Sans l'intervention du législateur, la garantie
constitutionnelle de ces droits fondamentaux risque de revêtir un
caractère purement platonique. Pourtant, alors qu'ils ont souvent mis en
place un contrôle de constitutionnalité des lois, ces mêmes
textes constitutionnels n'ont pas prévu, en principe,
expressément la possibilité d'un contrôle de
constitutionnalité des omissions du législateur.
En d'autres termes, la possibilité d'un contrôle
direct des omissions législatives, c'est-à-dire la
possibilité de contester directement une abstention du
législateur, est rarement envisagée par ces Constitutions. Seule
la Constitution portugaise de 1976 se distingue par la procédure qu'elle
prévoit pour dénoncer directement l'inconstitutionnalité
par omission.
Néanmoins, dans le cadre du contrôle de
constitutionnalité des lois, les juridictions constitutionnelles, en
particulier le Conseil constitutionnel français et la Cour
constitutionnelle italienne, ont nécessairement été
confrontées au problème du silence de la loi soumise à
leur examen et ont alors accepté de contrôler indirectement les
omissions législatives à travers le texte de loi comportant les
silences du législateur. Seule une approche de droit comparé de
cette question pourra permettre de mettre en évidence toutes les formes
que peut prendre le contrôle des omissions du législateur et
toutes les intensités qu'il peut revêtir.
Aussi faudra-t-il concentrer l'analyse sur les
expériences européennes de justice constitutionnelle qui
permettront d'atteindre cet objectif, en particulier sur les expériences
portugaise, espagnole, italienne et française. Il s'agira notamment
d'étudier minutieusement toutes les techniques juridictionnelles mises
au point par les juridictions constitutionnelles de référence
pour contrôler les omissions du législateur et de montrer
jusqu'où ces juridictions constitutionnelles peuvent aller dans
l'exercice de ce contrôle sans empiéter sur la liberté
normative du législateur.
En effet, la protection juridique de la norme fondamentale est
l'apanage de seules Constitutions rigides ou formelles, les Constitutions
simplement matérielles rentrant dans le cadre de la théorie de la
souveraineté parlementaire. La loi étant souveraine, elle peut
bien intervenir en toutes matières sans risque d'un contrôle
quelconque. C'est le prolongement de la théorie de la
représentation nationale dont la conséquence première est
le légicentrisme qu'engendre la sacralité de la loi entendue
comme expression de la volonté générale de la Nation.
Par ailleurs, il est permis de voir que la
désacralisation de la loi et, par ricochet, de la théorie de la
représentation nationale est à la base de la catégorie
nouvelle du Rechtstraat. L'Allemagne hitlérienne a fait
l'expérience amère des conséquences néfastes de la
théorie de la représentation nationale.
Ceci explique pourquoi la théorie de l'Etat de droit a
son origine sur les rives du fleuve Rhin.103(*) Et dans le cadre de cette théorie,
« le Parlement ne peut plus tout faire » et même,
dans le contrôle de constitutionalité des lois le juge
constitutionnel peut accorder aux droits de l'homme un statut juridique
préférentiel, comme en Israël104(*).
La doctrine voit dans le contrôle juridique et
juridictionnel de la constitutionnalité l'aboutissement logique du
constitutionnalisme et la consécration de l'Etat de droit105(*), de même que l'on y
verrait aussi la sanction attachée à la hiérarchie des
normes, le révélateur de l'Etat de droit106(*).
Il importe de souligner avec Léo Hamon que l'on est
passé de « la condition des souverains assurés de
l'immunité à celle de justiciables ».107(*)
Ainsi, écrit Mpongo Bokako, le contrôle des lois
et des actes ayant force de loi constitue une sanction de la suprématie
de la constitution108(*).
Au delà du caractère presque automatique de ce
contrôle juridictionnel, il est apparu depuis le
risque « de gouvernement des juges » dont l'occurrence
est restée toutefois théorique. En effet, en faisant respecter
l'autorité de la Constitution, le juge se voit confier un redoutable
pouvoir : celui d'interpréter la Constitution ; or le juge ne
fera jamais respecter que l'interprétation qu'il donne de la
Constitution et non la Constitution elle-même. D'où,
écrivent Hubert Lenoir et Alain Moyrand, en réalité, la
suprématie constitutionnelle est d'abord la suprématie du juge
constitutionnel car en lui confiant ce pouvoir d'interprétation, il peut
faire dire à la Constitution ce qu'il souhaite.109(*)
En minimisant le risque ainsi exposé, il y a lieu de
retenir que l'on est en présence d'un organe juridictionnel de
contrôle des lois lorsque trois critères sont
réunis :
a. L'indépendance des membres de l'organe de
contrôle,
b. La procédure suivie doit présenter des
garanties d'une procédure juridictionnelle,
c. L'autorité de la chose jugée dont est
revêtue la décision de l'organe de contrôle.
Si la nécessité de cet organe juridictionnel est
établie et semble logique, sa légitimité, par contre, est
restée longtemps sujette à caution.
Ainsi, les arguments de refus ont été souvent
avancés pour contrer le contrôle des lois :
Primo, la logique démocratique
élémentaire voudrait que le peuple étant souverain, ses
représentants puissent avoir la latitude de tout faire.
Secundo, la théorie rousseauiste qui fonde le
mythe de la loi infaillible perçue en tant qu'elle exprime la
volonté générale et non plus les caprices d'un monarque
est à l'origine d'une culture politique qui a longtemps
été réticente en ce qui concerne le contrôle des
lois. La loi était censée éliminer l'arbitraire du
monarque.
Tertio, une conception organique de la
séparation des pouvoirs de la théorie de Montesquieu a
donné lieu au résultat logique qu'un organe fut-il
juridictionnel, du fait que les pouvoirs législatif et exécutif
sont indépendants, ne saurait juger ces derniers.
Quarto, le célèbre argument du
gouvernement des juges né dans les allées du congrès des
Etats-Unis.
La doctrine est allée jusqu'à montrer que le
juge constitutionnel affectait la démocratie dans son principe pour la
remplacer par la « nomocratie »110(*). Il nous reviendra plus tard
de voir comme le bon fonctionnement du juge constitutionnel influence de
mannière pérenne l'ordre politique et juridique de l'Etat au
point que l'on ne se tromperait guère en affirmant que la Constitution
est ce que le juge constitutionnel dit qu'elle est.
Pour résumer ce débat doctrinal et politique, le
contrôle des lois est non seulement nécessaire et logique mais
aussi juridiquement fondé car, pour reprendre l'heureuse formule du
Conseil constitutionnel français, la loi n'exprime la volonté
générale que dans le respect de la constitution111(*).
Le juge devra donc se borner à réguler le cours
législatif sans prétendre se substituer aux représentants
du peuple, ni se préoccuper des considérations
d'opportunité politique des lois. Il ne devra statuer qu'en
constitutionnalité.
C'est ainsi que le juge constitutionnel ne se préoccupe
pas toujours des comportements dont la régulation relève de la
responsabilité politique. Toutefois, les comportements
inconstitutionnels peuvent revêtir des formes qui entraînent
tantôt des sanctions politiques, telle la révocation, tantôt
des sanctions juridiques, tel le cas de sanctions pénales dans
l'hypothèse de la haute trahison commise par des organes suprêmes
de l'Etat. Il sied de noter cependant qu'un comportement peut être
à la fois politique et revêtir une coloration pénale.
Ainsi, en est-il le cas d'une malversation financière d'un ministre qui
constitue à la fois un délit pénal et une faute politique
évidente. La question centrale de l'Etat de
droit passe aussi par la protection que la société doit procurer
au juge pour que de telles responsabilités lui soient confiées en
toute sécurité.
Le juge protecteur est - il lui-même
protégé ?
Pour que le juge ait la force de défendre les autres
citoyens, il doit se sentir lui-même défendu et
protégé. En effet, chargé par la société de
la mission de dire le droit, c'est-à-dire de résoudre les
différends selon les règles de la vérité
légale, le juge doit obtenir de la même société les
garanties suffisantes le mettant à l'abri de toute sorte d'atteinte
à son intégrité aussi bien physique, morale que celle
relative à la sécurité de son emploi.
La mission de trancher les conflits est toujours
délicate et parfois périlleuse. Toutes les parties ne sont pas
toujours d'accord avec le verdict de celui qui s'interpose dans leur conflit et
qui prétend y apporter une solution soi-disant équitable. La
partie dont les intérêts auront été bousculés
au profit de son adversaire en voudrait certainement à l'auteur de la
solution qu'il prendrait pour injuste, surtout que, dans la plupart des cas,
l'exécution de la décision du juge ne se négocie pas.
Aussi faut-il que le juge soit protégé contre toute atteinte
éventuelle, pour éviter que la partie ne parvienne à se
venger sur lui. Sur ce plan, il semble que le juge congolais est suffisamment
protégé au double point de vue de la législation et de la
surveillance matérielle :
Sur le plan de la législation, il est
protégé par les dispositions du code pénal qui a
prévu tout un catalogue des peines susceptibles de dissuader quiconque
aurait l'intention de se rendre lui-même la justice en blessant un
magistrat. Les magistrats congolais font souvent appel à cette
protection de manière parfois abusive, ce qui coûte à
certains d'entre eux des poursuites judiciaires aboutissant à des
sanctions exemplaires.
En ce qui concerne la protection matérielle, celle-ci
est assurée par les forces de l'ordre qui veillent, jour et nuit, non
seulement devant leurs bureaux ou dans les salles d'audiences où elles
sont prêtes à répondre à l'appel du Président
de la juridiction concernée, mais aussi, en principe, devant les
domiciles de ces derniers.
En plus de cette situation protectrice, il y a lieu
d'ajouter d'autres garanties dont bénéficie le magistrat
congolais : le privilège de juridiction, celui de
« l'irresponsabilité », d'après lequel la
partie perdante n'a pas de possibilité de se retourner contre le juge
et intenter contre lui une action fondée sur le fait que la solution
que le juge a donnée au litige lui a porté
préjudice : c'est la procédure spéciale en
matière de « prise à partie », laquelle
peut entraîner une amende et la possibilité pour le juge de
postuler une demande reconventionnelle dans le cas où cette prise
à partie aurait été déclenchée avec
légèreté et que le juge intéressé aurait
considéré qu'elle a été vexatoire, etc.
Le problème de garanties morales du juge est
très sérieux. Il est plus discuté et c'est sur cette
question que l'accord est loin d'être unanime. Ce problème touche
principalement le principe de l'indépendance. Le principe d'un
« pouvoir » constitué par l'ensemble des Cours et
Tribunaux, découle des enseignements de Montesquieu qui, à la
recherche des institutions politiques pouvant assurer au mieux la
liberté des citoyens, d'un système politique dans lequel les
pouvoirs sont séparés et peuvent, le cas échéant,
s'arrêter les uns et les autres, a découvert cette situation dans
le système britannique : c'est le fameux principe de la
séparation des pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire.
En Afrique noire, ce principe constitue l'une des
rançons de la décolonisation politique ; compris ou non, il
est inscrit dans les textes constitutionnels, aux titres consacrés
à l'exercice des pouvoirs.
La République démocratique du Congo n'a pas
échappé à cette règle au moment de sa
décolonisation. La Loi fondamentale du 19 mai 1960, la constitution du
1er août 1964 et celle du 24 juin 1967 ont proclamé
avec force que « le pouvoir judiciaire est indépendant des
pouvoirs législatif et exécutif ».
De son côté, la Constitution actuelle du 18
février 2006 dispose, en son article 156 que "le pouvoir judiciaire est
indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Il est dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour
Constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour
militaire, les Cours et Tribunaux, civils et militaires, ainsi que les parquets
rattachés à ces juridictions". L'article 151 de la même
Constitution " enfonce le clou" : Le pouvoir exécutif ne peut
donner d'injonction au juge dans l'exercice de sa juridiction, ni statuer sur
les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s'opposer
à l'exécution d'une décision de justice" (alinéa1).
Le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur des différends
juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s'opposer
à son exécution ..." (alinéa 2). L'alinéa 3 conclut
de manière impérative : « Toute loi dont
l'objectif est manifestement de fournir une solution à un procès
en cours est nulle et de nul effet ». Déjà, en son
article 150, la Constitution a, de manière impérative, prescrit
que « les juges ne sont soumis dans l'exercice de leur fonction
qu'à l'autorité de la loi ».
Dans la pratique, ce principe est escamoté par des
tentatives diverses, ne serait-ce que par des instructions précises
données aux magistrats du siège ou par des prises de positions
publiques tendant à influencer la décision du juge.
Le principe de l'indépendance de la magistrature
semble, dans l'entendement de la classe politique, difficile à
appliquer, surtout dans les systèmes politiques de la plupart des pays
sous-développés : la première difficulté est
que les dirigeants de ces pays ne supportent pas la contradiction ; la
deuxième est que le personnel judiciaire qui constituerait un
« pouvoir » n'a pas la même puissance que le
personnel politique. En effet, étant donné que les magistrats
sont nommés et révoqués par l'exécutif, ils n'ont
pas de support politique suffisant pour tenir tête au jeu des intrigues
politiques qui caractérise les relations de l'exécutif et du
législatif, deux organes issus des modes de désignation presque
identiques. Comme tout agent de l'Etat, le magistrat est soumis au devoir de
loyalisme et prête d'ailleurs serment avant de prendre ses fonctions. A
partir de ce moment, il est exclu que les magistrats ne soient pas
influencés dans leur intime conviction devant un conflit opposant le
citoyen à l'administration.
A côté des influences ou, plus exactement, des
pressions morales que le juge peut avoir de la part du pouvoir politique, il y
en a d'autres, beaucoup plus sournoises et beaucoup plus redoutables :
c'est, d'un côté, la puissance de l'argent, et de l'autre, ce que
l'on peut appeler les insuffisances professionnelles.
La première, qui se traduit par la faiblesse devant
l'argent et la concussion, peut avoir comme source l'insuffisance de moyens
matériels de subsistance; mais cela peut être combattu grâce
au relèvement de leur salaire. A ce sujet, il convient de noter que le
magistrat fait partie de la catégorie des cadres les mieux payés
actuellement au Congo bien que, le plus souvent, les
réalités contredisent les principes.
Quant aux insuffisances dites professionnelles, elles se
constatent par l'attitude du juge qui s'en remet aux conclusions des parties ou
des autres magistrats : le juge fonde son jugement sur les conclusions des
plaideurs sans que lui-même ait « fouillé »
dans les contours de la loi et des règles jurisprudentielles pour y
découvrir la solution adéquate ; ou, pour ce qui concerne le
ministère public, le magistrat déclare seulement qu'il se remet
à la sagesse du tribunal.
L'indépendance de la magistrature doit permettre au
juge d'avoir la capacité de résister aux pressions des autres
pouvoirs, publics ou privés, et à la séduction de
l'argent. Le juge doit donc être indépendant non seulement
vis-à-vis des autres pouvoirs mais aussi devant ses collègues
magistrats, tant du siège que du parquet.
Son indépendance doit s'étendre aussi
vis-à-vis de cette endémie sociale qui sévit dans les
milieux professionnels, où certains cadres, investis de pouvoir de
décision ou de service à rendre, exigent au préalable un
certain nombre de prestations, soit en numéraire, soit en biens. Nous
voulons parler de la corruption et de la concussion, sous toutes leurs formes.
Nous n'allons pas nous attarder sur ce sujet, étant donné que
cette matière est développée avec force détails par
M. Matadi Nenga Gamanda dans son excellente étude consacrée
à la question112(*).
A présent, le survol de ces notions essentielles doit
nous conduire à poser le problème de cette étude à
travers l'état de la question qui sera suivi de la monstration de
l'intérêt du sujet lui-même.
Enfin, il sera question d'aborder des questions de
méthodologie scientifique présidant à l'étude ainsi
circonscrite.
II. PROBLEMATIQUE
Le contrôle juridictionnel des actes des gouvernants
est, sans aucun doute, l'une des marques du droit constitutionnel contemporain.
Aussi est-il utile d'étudier l'agencement des mécanismes de ce
contrôle en République Démocratique du Congo pour rendre
efficiente la justice constitutionnelle qui s'installe.
Il s'agira de répondre aux pertinentes questions
relatives aux fondements et aux modalités d'exercice de cette justice
constitutionnelle. Par ailleurs, l'on peut constater que la raison ultime de la
justice constitutionnelle qui est la Constitution a revêtu un fondement
différent selon les époques de l'histoire occidentale. Aussi, la
Constitution a-t-elle été un acte de limitation du pouvoir du
monarque (souverain) avant de devenir un accord sue les bases essentielles de
la société.113(*)
D'emblée, il faut dire que le transfert de
souveraineté de Dieu au Roi et du Roi au peuple a transformé, le
fondement de la justice et, surtout de la justice constitutionnelle. En effet,
exercé par le Roi au nom de Dieu puis en son nom propre, la justice est
demeurée une prérogative régalienne bien que
théoriquement faisant partie désormais des attributs du souverain
qui est devenu le peuple114(*).
Nous pensons donc qu'il y a une corrélation
évidente entre la localisation de la souveraineté dans le pays et
le contrôle juridictionnel des actes de cette souveraineté. Il
s'agit donc de savoir si le fondement de la justice constitutionnelle est le
même qu'en occident.
Si le fondement est différent, ceci pourrait être
une hypothèse à tester, cela doit déteindre sur des
modalités d'exercice de la justice constitutionnelle. Du reste, n'est-il
pas déjà acquis, comme l'observe Charles Goossens, que le droit
constitutionnel africain est dualiste ?115(*)
Comment dès lors assumer ce dualisme constitutionnel
qui est marqué par l'existence d'un texte constitutionnel calqué
sur ceux d'occident et une présence discrète mais agissante d'une
« coutume » en tous cas, des pratiques constitutionnelles,
de plus en plus, persistantes mais tendant de manière
frénétique à émasculer la suprématie de la
Constitution ?116(*)
La décision du bureau de l'Assemblée nationale
du mois de février 2007 relative au moratoire des dossiers de double
nationalité s'inscrit dans la logique de la coutume africaine de palabre
qui interdit des victoires tranchées contre ses frères. Le
caractère inconstitutionnel d'une telle mesure saute aux yeux cependant
elle ne heurte nullement la conscience juridique des citoyens qui restent ainsi
comme éloignés du texte constitutionnel qui, de ce point de vue,
ne semble guère avoir cristallisé un accord social qui
mériterait que l'on meurt pour lui.
Il s'agit aussi de répondre au défi majeur que
lance Sayeman Bula-Bula 117(*) à « la jeune
génération des constitutionnalistes », celui, entre
autres, de tenir en compte les fondements culturels, ethniques,
économiques et sociaux de notre pays dans la réalisation d'une
« statologie » africaine ou pour notre cas, d'une justice
constitutionnelle congolaise.
Cette problématique ne peut trouver réponse,
à notre avis, que dans une analyse qui s'appuierait sur une description
critique du contentieux constitutionnel congolais dans la perspective de l'Etat
de droit.
En effet, le mimétisme institutionnel viderait la
réflexion juridique de tout intérêt. Aussi est-il
aisé de constater que l'Etat de droit est une forme avancée de
l'Etat-nation. Or, celle-ci est le produit de l'histoire européenne. Il
est donc fort possible que l'existence des tribus118(*), sources humaines des normes
coutumières, pose le sérieux problème de la
légitimité même de la Constitution119(*). En outre, parler de
Constitution n'est-ce pas parler du peuple qui est le destinataire final de ses
règles ? Il est acquis que ce peuple est multiple et
divers.120(*)
La thèse est dès lors que la justice
constitutionnelle congolaise doit innover en ce qu'elle se fonde sur des normes
dont l'origine dualiste est acquise, et, de ce fait même, s'applique
à des actes empreints du sceau de ce dualisme constitutionnel de
même qu'elle est talonnée par une mondialisation qui presse et qui
impose comme « un prêt-à-porter
idéologique » l'institution des cours constitutionnelles comme
il en est des programmes d'ajustement structurel.
Souvent, il est reproché au constituant d'imiter les
institutions nées sous le soleil d'autres nations et ainsi nourries
à une histoire qui n'est pas la sienne. Cependant, tel reproche
résisterait-il à son tour à la critique lorsque le mythe
de l'Etat de droit121(*)
semble avoir déjà conquis tous les coeurs, en tous cas, ceux des
africains qui ne soupirent qu'après lui ?
Comment dès lors peut-il être possible que le
constituant soit sourd à ces aspirations internes de très forte
intensité relayées au demeurant par un discours mondial de bonne
gouvernance dont la vulgate juridique n'est rien d'autre que la notion aux
dimensions insoupçonnées d'Etat de droit ? Mais doit-on
faire un mimétisme de pacotille susceptible d'agir tel « un
greffon sur un corps étranger 122(*)» comme nombre de nos institutions
asséchées par une disette idéologique ravageuse ?
Telle est la question qu'il s'agit de résoudre.
Il s'agira de voir à travers les différents
modèles de justice constitutionnelle pratiqués à travers
le monde, celui qui est à même de trouver un fondement solide tant
en fait qu'en droit dans le sol culturel congolais.
Déjà, Djoli Eseng'Ekeli a attiré notre
attention sur le caractère plural de l'archétype sociétal
africain qui est aux antipodes du modèle occidental trinitaire issu du
discours judéo-chrétien traditionnel123(*) . L'unitarisme du
« Dieu » créateur et de l'Etat occidental qui est sa
préfiguration temporelle ne sont-ils pas, à juste titre,
dénoncés par les africanistes qui voient en effet dans l'Etat
africain à inventer ou à constituer un modèle plural de
juxtaposition ?124(*)
Par contre, il faudra éviter le particularisme ambiant
de l'exception culturelle pour s'en tenir au
« noumène » de la justice constitutionnelle. Par
essence, nous conviendrons que la justice constitutionnelle est celle qui
contrôle les gouvernants vis-à-vis des gouvernés et sur la
base de la norme fondamentale et fondatrice. Aussi est-il déjà
perceptible qu'une méthode transdisciplinaire ou pluridisciplinaire
s'impose afin de rendre intelligible la thèse que nous défendons.
Mais le cheminement méthodologique n'est-il pas déjà un
autre problème scientifique qu'il faut élucider ? Tout ceci
a-t- il de l'intérêt ?
III. INTERET ET ACTUALITE DU
SUJET
Il est classique de dire que le sujet présente un
intérêt théorique et pratique. Il est également
utile de noter que notre sujet est actuel et d'essayer de le montrer.
En effet, étudier le contentieux constitutionnel
congolais, c'est, à coup sûr, s'inscrire dans la logique moderne
du droit constitutionnel qui voit dans cette branche du droit public un
phénomène généralisé de
constitutionnalisation de tous les droits et de tout le Droit.
C'est aussi marquer l'actualité du sujet surtout
après la longue marche qui attend le peuple congolais à la suite
de la traversée du désert du monopartisme et de la dictature.
Comment dès lors marquer la rupture d'avec le passé sans
s'appesantir sur ce qui constitue la nouveauté ? Et la
nouveauté nous semble théoriquement être l'émergence
des justices constitutionnelles après la chute des régimes
dictatoriaux. La République du Zaïre bien que pourvue d'une justice
constitutionnelle n'a pas du tout laissé fonctionner les
mécanismes de cette dernière pour des raisons qu'il est utile
d'analyser ailleurs125(*).
Du point de vue théorique, l'émergence du
contentieux constitutionnel depuis l'accord global et inclusif ayant
donné lieu à un nouvel ordre politique fixe des objectifs au
chercheur et le premier est, à notre avis, celui de systématiser
les matières aussi nombreuses qu'éparses que ce contentieux
recouvre.
Il s'agit aussi d'une réflexion
désintéressée sur la manière dont la haute Cour a
été saisie en matière constitutionnelle et sur les
réponses qu'elle a réservées à toutes ces
sollicitations. La question de l'indépendance du juge constitutionnel
congolais est à ce point la trame de l'étude.
De là découle l'intérêt tout au
moins pratique de la présente thèse qui se situe dans une
perspective tendant à dégager, de manière scientifique et
désintéressée, le degré de rigueur et
d'impartialité des magistrats composant la haute Cour dans la
réception de différentes requêtes qui furent ou sont encore
portées devant eux ainsi que les limites légales de cette
saisine. Il s'agira aussi de voir dans quelle mesure et dans les conjonctures
qui sont les nôtres comment cette indépendance peut être
organisée et garantie.
Cette question implique à n'en point douter celles que
pose le professeur Philippe Ardant, à savoir : à qui sera
confié le pouvoir de déclencher le contrôle de la
constitutionnalité de la loi ? Qui pourra saisir l'organe
compétent ? Quelle est la légitimité du juge
vis-à-vis du législateur ? Comment devra être
organisée cette saisine ?126(*)
Cet éventail des questions donne à voir que
chacune des solutions qui sera réservée à ces
problèmes sera de nature à offrir des avantages qui ne sont pas
toujours compensés par les bénéfices techniques car
l'accessibilité plus ou moins grande au juge constitutionnel peut
entamer l'autorité et la majesté de la loi. Cependant, l'on peut
s'interroger sur la véracité d'un tel dogme lorsque l'on se
rappelle que plusieurs pays d'Afrique noire ont ouvert la saisine du juge
constitutionnel sans entraîner ni une ruée effrénée
vers la justice constitutionnelle ni l'émasculation de la majesté
de la loi souvent crainte, à tort.127(*)
Il ne s'agira pas toutefois d'analyser tous les cas
traités par le juge constitutionnel, il sera utile, dans le cadre
restreint de cette étude, de n'étudier que certaines affaires
qui, par les circonstances de leur examen d'une part, et l'objet sur lequel
elles portent d'autre part, avaient non seulement suscité une forte
controverse sur le plan juridique et politique, mais aussi et surtout
attiré l'attention des chercheurs.
Somme toute, le choix des arrêts à étudier
ne peut paraître qu'arbitraire au regard du thème
étudié, mais il se situe dans une perspective plus globale, celle
de voir la République démocratique du Congo devenir à
travers une justice constitutionnelle réellement indépendante et
efficace, un véritable Etat de droit128(*).
Par ailleurs, l'indépendance du juge constitutionnel
ressortit aux garanties juridictionnelles des droits et libertés des
citoyens dont l'étude relève du droit public. Ainsi donc, l'Etat
de droit, entendu, au sens de Jacques Chevallier, comme « un Etat qui,
dans ses rapports avec ses sujets, se soumet à un
régime de droit ; dans un tel Etat, le
pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l'ordre juridique en
vigueur, tandis que les administrés disposent des voies de recours
juridictionnelles contre les abus qu'il est susceptible de
commettre », constitue la trame de fond ou le cadre
épistémologique de cette étude.
L'Etat de droit129(*) est donc aux antipodes de la conception patrimoniale
du pouvoir où le souverain était personnellement le
propriétaire du pouvoir et des moyens du pouvoir130(*).
L'actualité du sujet est articulée, du reste,
avec humour, par Evariste Boshab qui pose la question de savoir si
« longtemps sous la coupe du Parti-Etat, affaibli par une longue
traduction de dépendance, rendu indigent par la
rémunération de misère qu'il perçoit de
manière irrégulière, suffit-il qu'une disposition
constitutionnelle le déclare indépendant, pour que le juge
retrouve, comme par enchantement que le juge retrouve, comme par enchantement,
l'esprit et les réflexes de cette
indépendance ? »131(*)
Il est certes évident que la simple incantation du
texte constitutionnel, au-delà du caractère magique de sa
formulation, ne saurait par ce seul fait opérer mutation du comportement
du magistrat congolais habitué par une sorte d'osmose de la
sacralité du pouvoir à obéir plutôt aux individus
qui le détiennent qu'aux normes même constitutionnelles ;
dans ces conditions particulières de fragilisation mentale
avancée, le seul texte constitutionnel quoiqu'il note une avancée
ne dispense nullement que l'homme devant dire le droit soit déjà
et maintenant choisi eu égard entre autres au critère de
l'indépendance de l'esprit. Celle-ci s'acquière de prime abord
par une ascèse intellectuelle de très longue durée qui
transfigure son adepte en une sorte de moine habité par un souci
constant de justice. Comment le faire alors ?
Il est utile prima facie d'indiquer le
cheminement méthodologique annoncé ci-haut et suivi tout au long
de cette thèse.
IV. INDICATIONS
METHODOLOGIQUES
Les connaissances scientifiques couvrent plusieurs domaines du
savoir et sont acquises grâce à l'utilisation des
méthodes132(*) et
techniques133(*)
d'investigation propres à chaque discipline.134(*)
La question que nous nous proposons d'étudier ici
relève sans aucun doute du droit public.135(*) Mais en cette discipline,
qu'est ce que la méthode ? Le droit public dispose-t-il d'une
méthode susceptible de résoudre cette question ?
Laquelle ?
Nous savons déjà qu'en nous occupant des
phénomènes politiques objet de la science politique et du droit
constitutionnel qui les étudient respectivement d'une manière
dynamique et statique, nous sommes amené à utiliser des
méthodes c'est-à-dire ainsi que le disent Pinto et Grawitz,
« un ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une
discipline cherche à atteindre les vérités136(*) qu'elle poursuit, les
démontre et les vérifie ».
Indispensable, la méthode n'est pas pourtant unique.
Marie Anne Cohendet précise qu'en droit public une méthode de
travail n'existe pas. Et quand même elle existerait, ajoute-t-elle, elle
risquerait fort de muer en un dogme sclérosant la
pensée137(*).
Toutefois, le droit public concernant plus largement
l'élaboration des normes et l'organisation des institutions politiques
et administratives, il implique parfois des analyses qui font recours aux
méthodes et techniques d'investigation proches de plusieurs disciplines
scientifiques dites sciences sociales et en particulier de la science
politique.
En revanche, la recherche scientifique pourra être
comprise comme une investigation rigoureuse, critique et systématique
menée sur un objet donné et précis, sur base des
procédés méthodologiques susceptibles de conduire à
une connaissance vraie, vérifiable et communicable de l'objet
étudié138(*) .
L'approche juridique est à l'évidence mise
à contribution. C'est le lieu de dire, avec Madeleine Grawitz, que le
concept « approche » traduit une attitude comportant
souplesse, prudence et caractérisée par un état à
la fois de grande vigilance et de grand respect pour l'objet
étudié.139(*)
Pour mettre en exergue cette approche qui est essentielle pour
un travail juridique, les grands types d'interprétation juridique seront
mis à contribution pour l'analyse de la jurisprudence que constituent
les arrêts à commenter et la construction de l'argumentation du
juge.140(*) Il est
convenu de voir que cette approche juridique est à la fois
exégétique et contentieuse141(*).
La démarche du publiciste sera exégétique
mais aussi nourrie de l'apport de l'approche jurisprudentielle142(*). Celle-ci donnera vie
à la traditionnelle analyse des textes qui n'échappe pas à
la pertinente remarque de Dominique Turpin relative à ce qu'il appelle
l'obsession textuelle saisie comme l'état primitif de
l'évolution du droit constitutionnel.143(*)
Par ailleurs, il ne s'agira pas de se détacher du texte
mais plutôt de lui donner le sens que lui confère l'apport des
dimensions factuelles. Le travail de l'exégèse n'est-il pas aussi
celui de rechercher le fondement qui est toujours et déjà
préjuridique ou métajuridique?144(*) Qui mieux que le juge pourrait saisir ces dimensions
insoupçonnées du texte de loi qu'il s'agit
d'interpréter ?145(*)
Le doyen Duguit répond en opinant que « en
fait, la production spontanée du droit n'est jamais
arrêtée, (et) que le juge est absolument libre dans son
appréciation et qu'il ne peut pas être entravé et
gêné par ce que l'on prétend avoir été la
pensée réelle, quoique non exprimée, du
législateur »146(*).
On s'aperçoit en effet que le chercheur de droit public
devra employer une double approche principalement juridique et subsidiairement
socio-politique et historique en raison du « lien
dialectique existant entre le droit public et le jeu des forces sociales,
politiques et économiques au sein de
l'Etat-nation ».147(*)
Il est évident que la méthode pluridisciplinaire
sera d'application car « la vision traditionnelle d'une recherche
juridique hautaine et coupée de méthodes ou des réflexions
de l'ensemble des sciences humaines est écartée par l'ensemble
des juristes ».148(*) Et, Yves Chérot de conclure en posant que
« le droit est à la fois l'école de la réflexion
et de l'imagination ».149(*)
S'agissant de l'approche diachronique qui est l'application de
l'histoire au droit, il y a lieu de montrer qu'une étude de droit public
ne peut légitimement ignorer ses bases historiques et ses sources
d'inspiration intellectuelle que sont le droit traditionnel
négro-africain, le droit public de l'Etat indépendant du Congo et
le droit public du Congo belge, d'une part et d'autre part, le droit public
belge, le droit public français et le droit public comparé de
certains pays africains francophones depuis leur indépendance.150(*)
Ayant largement influencé le droit belge, le droit
français constitue, prima facie, une source d'inspiration
intellectuelle du droit congolais, et ce, depuis l'Etat indépendant du
Congo. M. Mboko Dj'Andima observe que cette influence s'est intensifiée
notamment depuis la Constitution du 24 juin 1967 qui a pris pour modèle
la constitution française du 4 octobre 1958.151(*)
Etudier le contentieux constitutionnel ne saurait
échapper à la pertinente remarque du doyen Francis
Delpérée soutenant que « la leçon de la science
comparatiste des institutions publiques est aussi de montrer que, par
delà les ressemblances institutionnelles qu'il est légitime de
relever, voire de grouper en systèmes ou en régimes, des
différences fondamentales subsistent. Elles tiennent à la
diversité des circonstances historiques qui entourent la création
des Etats ».152(*)
Autant dire que l'approche comparatiste sera d'un apport
certain à l'analyse de notre thème au double motif que la justice
constitutionnelle est d'abord née ailleurs et la politoscopie
de cette institution à travers la Constitution congolaise du 18
février 2006 donne ouvertement à voir des similitudes avec son
homologue français.
Au demeurant, la mondialisation des relations
économiques et culturelles débouche sur une uniformisation du
droit. La récente création du droit de l'Ohada est de nature
à rendre probable, dans des échéances à
déterminer, l'existence d'un droit quasi-mondial. Ce rêve kantien
restera-t-il longtemps utopique ? La paix perpétuelle et
universelle n'a-t-elle pas pour fondement dernier un gouvernement
mondial ? Tel n'est pas notre sujet cependant il faudra garder
présente à l'esprit cette réalité dont
l'avènement relève des études de prospective.153(*)
Les techniques documentaires ont également servi
à l'élaboration de cette étude. Par ailleurs, cet
exposé des outils conceptuels nous permet de fonder le choix
méthodologique que nous assumons dans cette thèse.
Le sujet lui-même au demeurant commande cette approche
qui s'inscrit dans la trame du droit constitutionnel contemporain dont le
caractère jurisprudentiel 154(*) est de plus en plus marqué même si en
République démocratique du Congo des pas balbutiants sont encore
à compter sur ce plan.155(*)
La traversée toute récente du désert qu'était le
monolithisme politique peut expliquer le développement timide de la
jurisprudence de la haute Cour dans le champ considéré.
Nous pensons qu'il y a quelque mérite à ajouter
au crédit des magistrats de la haute Cour qui, malgré les
conditions de travail pénibles, ont réussi, sur un si court
parcours, à rendre quelques arrêts dont le caractère
hésitant n'échappe pas cependant à tout chercheur averti.
Le rôle à jouer par cette haute juridiction est capital.
Indubitablement, comme le professent Martine Viallet et Didier Maus, sans un
droit stable et simple, organisé autour d'une justice
indépendante et efficace, il ne peut exister ni croissance
économique ni progrès social.156(*)
L'un des rôles de la doctrine n'est-il pas de
suppléer aux carences de la loi et de prêter des béquilles
à la jurisprudence comme c'est le cas en République
démocratique du Congo où cette dernière est
balbutiante ? La situation, il faut le dire, n'est pas encore viable ni
même enviable.
Ce diagnostic cruel mais sincère indique l'enjeu d'une
justice constitutionnelle efficace et son rôle dans l'érection
d'un Etat de droit en République démocratique du Congo. Il ne
s'agit pas du seul levier de cet Etat de droit que nous entendons construire en
République démocratique du Congo, mais assurément de l'un
des plus importants d'entre tous.
Il importe cependant d'ajouter, à ce niveau, que le
rôle d'un travail d'une telle ampleur ne saurait se résoudre
à ressasser des diagnostics même mieux posés ailleurs sans
indiquer, ne fut-ce que de manière sommaire, les quelques pistes de
solution que l'ordonnancement juridique congolais serait invité à
emprunter. Quelle gageure !
En revanche, cette tâche ardue trouve cependant quelque
facilité à travers le plan sommaire que nous nous proposons de
suivre.
V. PLAN SOMMAIRE
La présente étude ayant pour
thème : « Du contentieux constitutionnel en
République démocratique du Congo. Contribution à
l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice
constitutionnelle », est menée en deux parties.
La première partie est consacrée à
l'étude des fondements théoriques de la justice
constitutionnelle. Elle est subdivisée en quatre chapitres
intitulés : Les modèles de justice constitutionnelle
(chapitre I), Les traits du contentieux constitutionnel (chapitre II), Les
fondements de la justice constitutionnelle (chapitre III) et Quel modèle
pour la République démocratique du Congo ? (chapitre IV).
Dans le chapitre premier, nous examinons le modèle
américain (section 1) et le modèle européen (section 2).
Dans le deuxième chapitre, nous examinerons les caractéristiques
du modèle américain (section 1) avant d'aborder les
caractères du modèle européen (section 2). Le
troisième chapitre s'attellera à analyser l'ordre politique et la
justice constitutionnelle (section 1) avant d'examiner l'ordre politique et la
justice constitutionnelle (section 2). Le quatrième chapitre et le
dernier de cette partie, quant à lui, étudiera la
possibilité d'un modèle africain (section 1) et ensuite, la
problématique des conditions de possibilité d'un modèle
congolais à inventer (section 2).
La seconde partie abordera l'étude des modalités
d'exercice de la justice constitutionnelle en République
démocratique du Congo. Elle est également subdivisée en
quatre chapitres ainsi intitulés : Des origines et évolution
historique de la notion de juridiction constitutionnelle en République
démocratique du Congo (chapitre I), La compétence du juge
constitutionnel (chapitre II), La procédure devant le juge
constitutionnel (chapitre III) et Les effets des décisions du juge
constitutionnel (chapitre IV).
Au premier chapitre de cette seconde partie, la
création de la juridiction constitutionnelle (section 1) et le
développement de la notion de juridiction constitutionnelle (section 2)
seront analysés. Le deuxième chapitre, en revanche,
s'intéressera à l'analyse des attributions en matière
gracieuse (section 1) avant celle des attributions en matière
contentieuse (section 2). Le chapitre troisième abordera l'étude
des recours ouverts devant le juge constitutionnel (section 1) avant d'analyser
les conditions de recevabilité et de mise en état de la cause
(section 2). Le quatrième et dernier chapitre de cette seconde partie
consacrée à l'analyse des effets des décisions du juge
constitutionnel sera abordé, d'une part, par l'étude du
contrôle a priori ou la censure des actes législatifs en chantier
(section 1) et, d'autre part, par celle du contrôle a posteriori ou la
censure des actes législatifs.
Par ailleurs, il est utile indiquer qu'au début de
chaque partie, une introduction est placée pour annoncer les questions
auxquelles les réponses sont données, et une conclusion à
la fin de chaque partie nous permettra de dégager la substance des
analyses faites et d'en tirer les leçons qui s'imposent.
Enfin, dans la conclusion générale, il sera
question de formuler des propositions tirées des analyses faites tout au
long de cette thèse afin d'en prolonger le débat, mais
également d'articuler les bases solides pour l'érection d'une
justice constitutionnelle qui viendrait couronner l'Etat de droit.
PARTIE I :
DES FONDEMENTS DE LA
JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
INTRODUCTION
Depuis le doyen Louis Favoreu, il est devenu classique
d'étudier la justice constitutionnelle à partir de deux
modèles. Le premier dit modèle américain est en effet
celui qui s'est historiquement situé dès 1804 tandis que le
modèle européen, outre les soubresauts des pays comme la
Norvège ou la Grèce au 19ème siècle,
peut être légitimement rattaché au modèle autrichien
de 1920 appelé également modèle kelsenien de la justice
constitutionnelle européenne.
Etudier les traits caractéristiques du contentieux
constitutionnel dans chacun de deux modèles nous parait utile avant
d'observer comment chacune des techniques de contrôle exerce une
influence ou même une transformation sur l'ordre politique et sur l'ordre
juridique. Ceci aussi est classique mais il nous a également paru utile
de le relever afin de rendre intelligibles les développements
théoriques sur le modèle africain et congolais à concevoir
ou à inventer.
En effet, en partant de l'hypothèse de cette
étude qui énonce une différence fondamentale de la notion
de constitution entre les deux hémisphères, nous ne pouvons que
proposer un modèle, à défaut des traits saillants d'un
juge constitutionnel efficace, efficient et effectif au-delà de celui
que le texte constitutionnel décrit.
Par ailleurs, pour tenter d'inventer un modèle
théorique du juge constitutionnel, il est satisfaisant de faire
déjà l'état des lieux de la justice constitutionnelle en
République démocratique du Congo avant d'élaborer des
propositions du juge de notre modèle quant à sa composition, son
statut et à la procédure applicable devant lui.
Cette première partie sera abordée en quatre
chapitres dont le premier est consacré aux modèles de justice
constitutionnelle (chapitre I), tandis que le deuxième chapitre traitera
des traits du contentieux constitutionnel en chacun de deux modèles
connus (chapitre II) ; le troisième chapitre étudiera, quant
à lui, les influences théoriques et pratiques de la justice
constitutionnelle sur l'ordre politique et l'ordre juridique dans l'Etat
(chapitre III). Il s'agira d'une étude fondamentale sur les fondements
de la justice constitutionnelle au regard des concepts premiers de la
théorie générale de l'Etat. Enfin, un dernier chapitre
viendra clore cette première partie en esquissant un modèle pour
la République démocratique du Congo (chapitre IV).
Le modèle à inventer s'appuie sur une
interrogation capitale quant à l'existence d'un modèle africain
qui serait incarné par la République sud-africaine, le
Sénégal et le Bénin.
CHAPITRE I :
LES
MODELES DE JUSTICE CONSTITUTIONNELLE.
Dès lors que les Etats ont ressenti le besoin de
limiter les actes des gouvernants ou qu'ils ont été forcés
à le faire, il s'est naturellement posé la question des
modalités de cet exercice. Pour que la justice constitutionnelle dont la
nécessité semble désormais être logique fonctionne,
un modèle théorique devait être conçu et
appliqué.
Il convient de noter, avec Dominique Rousseau, que le
contrôle de la constitutionnalité des lois est « une
invention de l'Occident » à laquelle il donne sa pleine
signification.157(*)
Comprendre dès lors comment une telle institution a pu naître sur
le sol de l'occident nécessite de longues recherches dans le domaine de
l'histoire du droit, cependant l'on peut observer que le fondement premier de
cette justice se trouve dans la contestation qui, selon Jean Gicquel,
gît au coeur de la Constitution car, en effet, « les
majorités au pouvoir acceptent que soient contestées,
discutées voire annulées les expressions législatives de
leur volonté politique. Ainsi, la contestation n'est plus seulement de
l'ordre du politique par la reconnaissance du pluralisme, de la
compétition des idées, des hommes et des partis au moment
d'élections libres et concurrentielles ; elle est
intégrée jusqu'au fonctionnement même du régime
d'énonciation des normes ».158(*)
S'il est presque naturel que le contrôle de
constitutionnalité prenne l'essor dans le pays qui a connu le mouvement
constitutionnel, il est tout aussi admissible que ce contrôle fonctionne
là où il a été longtemps réprimé ou
interdit. Il y a également lieu de voir que la justice constitutionnelle
s'inscrit dans la logique du régime libéral dans le sens qu'elle
protège les opinions minoritaires qui sont conformes à l'acte
fondateur de la Nation.
Remarquons de même que ce contrôle a suivi
également le modèle adopté dans l'ancienne
métropole pour ce qui est des Etats issus de la décolonisation.
Il n'est donc pas étonnant que la justice constitutionnelle gabonaise ou
béninoise ait transcrit les dispositions du Conseil constitutionnel
français159(*)
comme s'il s'était agi du même pays.
Au-delà du mimétisme institutionnel si souvent
décrié, il y a également le souci de tout Etat de faire
peau neuve et d'ainsi avoir une respectabilité internationale que
confère le bloc des dispositions constitutionnelles relatives à
la justice constitutionnelle. S'agirait-il de nos jours, d'une nouvelle
« fausse fenêtre » constitutionnelle pour
emprunter l'expression chère au professeur Djelo Empenge
Osako ?160(*)
Il s'agit de ne pas désespérer. Car il vaut
mieux avoir ces mécanismes de contrôle juridictionnel de la loi
que de ne pas du tout en avoir. L'exemple nazi allemand nous rappelle que le
contrôle juridictionnel, s'il avait existé, aurait pu freiner les
élans de la majorité nazie enthousiaste de 1933.161(*)
La République démocratique du Congo ayant
opté, depuis son indépendance, pour cette justice
constitutionnelle bien qu'elle ne fût pas toujours effective, il est donc
utile de connaître les modèles théoriques auxquels le
constituant se serait intéressé.
A cet égard, la doctrine opine unanimement qu'il y a
deux modèles de justice constitutionnelle dans le monde : le
modèle américain qu'il nous appartient d'analyser en un premier
moment avant de finir ce chapitre par l'étude du modèle
européen ou kelsenien qui semble avoir recueilli les suffrages
majoritaires de plusieurs Etats dans le monde.162(*)
Section 1 : LE MODELE
AMERICAIN
Analyser le modèle américain, c'est
étudier le modèle né sur le sol des Etats-Unis
d'Amérique et ses avatars disséminés dans le monde.
Toutefois, il est donc utile de noter qu'il n'est pas question d'étudier
l'ensemble des Etats qui ont adopté ledit modèle. Il sera
question simplement de voir comment dans un certain nombre des pays phares ce
modèle a été implanté et comment il y fonctionne.
L'analyse est amorcée par l'étude du cas des Etats-Unis
d'Amérique avant de nous pencher sur les avatars dudit modèle
tant en Amérique latine qu'en Asie.
§1. Les Etats-Unis
d'Amérique
De l'avis de nombreux auteurs, les Etats-Unis
d'Amérique constituent le modèle premier de la justice
constitutionnelle. Louis Favoreu indique cependant que des traces persistantes
marquent les origines lointaines dans l'arrêt Bonham rendu en
1610 par le juge anglais Eduard Coke qui applique la notion de loi
supérieure à une loi du parlement qu'il juge
déraisonnable et contraire au droit de Common Law en ce qu'elle
a fondé la sanction contre sieur Bonham poursuivi par le collège
des médecins de Londres pour exercice de la médecine sans
autorisation.163(*)
L'exemple du juge Coke n'ayant pas fait tache d'huile, il ne peut être
tenu pour précurseur du contrôle de constitutionnalité aux
Etats-Unis d'Amérique.
S'agissant des Etats-Unis d'Amérique, il faut noter
que, de prime abord, la constitution de ce pays su 17 septembre 1787 ne
consacre pas expressément un mécanisme de contrôle
juridictionnel. C'est l'oeuvre de la jurisprudence éclairée par
la doctrine de James Ottis et John Adams qui, déjà, en 1761,
firent entrer le principe politique du contrôle juridictionnel des lois
dans les revendications d'indépendance des colonies de Nouvelle
Angleterre et proclamant à leur tour qu'une loi contraire à la
constitution est nulle et non avenue.164(*)
L'on doit toutefois à l'histoire de dire que le
constitutionnalisme s'enracine dans la notion grecque de nomoï,
corps de règles anciennes qui ne pouvaient être modifiées
par de simples décrets de l'Ecclésia. Eventuellement
était déclenchée la procédure de graphé
paranomon, sorte d'action publique pouvant être exercée,
pendant un an, par tout citoyen devant le tribunal populaire de
l'Héliée. Cependant, les nomoï pouvaient être
modifiées par un corps spécialement élu à cet
effet, les Nomothètes.165(*) Là gisaient déjà, à
coup sûr, l'idée d'un juge constitutionnel et celle d'une
assemblée constituante, note Ntumba Luaba Lumu.166(*)
Il faudra donc devoir à l'Amérique d'avoir su
tirer profit des éléments doctrinaux et jurisprudentiels si
anciens pour installer la première justice constitutionnelle moderne.
En outre, le contrôle ainsi circonscrit est né de
la volonté de la Cour suprême elle-même dans son
célébrissime arrêt Marbury v. Madison de 1803 ou
plutôt de la volonté du Chief Justice John Marshall,
Président de la Cour, qui revendiqua, pour le pouvoir judiciaire, le
rôle de gardien de la constitution. Déjà, l'article III,
section 1 de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique dispose
que « le pouvoir judiciaire des Etats-Unis est dévolu
à une cour suprême et à telles cours inférieures
dont le Congrès peut, au fur et à mesure des besoins, ordonner
l'établissement.167(*)
Dominique Turpin nous apprend qu'à la Convention de
Philadelphie déjà, la plupart des Pères fondateurs
souhaitèrent transposer au niveau de l'Union cette
« subordination de la Législature à l'autorité
de la Constitution. C'est pour ne pas effaroucher les représentants de
certains nouveaux Etats souverains et faire passer la Constitution
fédérale que les Pères fondateurs s'en tinrent à
l'affirmation de l'existence d'un pouvoir judiciaire mais non celle d'un
contrôle de constitutionnalité ».168(*)
Cette manoeuvre habile du constituant américain est
toutefois mise à nu dans l'article VI section 2 de la même
Constitution qui dispose que « cette constitution et les lois des
Etats-Unis qui seront prises, en conformité avec elle, ainsi
que les traités, seront la loi suprême du pays, et les juges de
chaque Etat seront liés par eux nonobstant toute disposition contraire
des constitutions ou lois étatiques ».169(*)
Il importe dès lors de dire, tout en nuance, que le
principe du contrôle de constitutionnalité est inscrit dans la
Constitution de 1787 même si l'organe chargé de sanctionner cette
non-conformité n'était pas indiqué. Le rôle capital
de l'arrêt Marbury v. Madison de 1803 est d'avoir
transformé l'essai en une victoire éclatante du plus vieux des
rêves des fédéralistes convaincus que furent le Chief
Justice John Marshall et le Président John Adams qui l'avait
nommé au lendemain de la victoire de Thomas Jefferson.
Pour renchérir, Louis Favoreu indique que le juge
Marshall s'est du reste inspiré de l'opinion d'Alexander Hamilton, un
des artisans du texte constitutionnel à la Convention de Philadelphie
ainsi exprimée : « Le parlement peut mal
faire comme l'illustre notamment la législation coloniale
britannique et une majorité peut être oppressive. Ainsi, la
constitution des Etats-Unis consacre des limitations précises du pouvoir
législatif. Dès lors, aucune législation contraire
à la Constitution ne saurait être valable, sans quoi les
limitations prévues n'auraient pas de sens. Or, la Constitution, la loi
suprême du pays, doit faire comme toute loi, l'objet
d'interprétation, ce qui est la fonction propre d'un tribunal.170(*) De telles prémisses,
il découle, de l'avis de Hamilton, le pouvoir que possèdent les
juges de déterminer le sens de la Charte fondamentale et d'assurer la
suprématie de la norme supérieure.171(*)
L'arrêt de 1803 reproduit ce raisonnement mot pour mot
en adoptant le syllogisme suivant :
A. La constitution est supérieure à toute autre
norme
B. La loi sur l'organisation judiciaire de 1789 est contraire
à la constitution
C. La loi doit être dès lors invalidée
pour inconstitutionnalité.
Le juge Marshall concluait ainsi son opinion en
affirmant que le « langage de la Constitution des Etats-Unis confirme
et renforce le principe considéré comme essentiel pour toute
constitution écrite, qu'une loi contraire à la Constitution est
nulle et que les tribunaux ainsi que les autres pouvoirs sont liés par
un tel instrument ».172(*)
Sans l'institution d'une juridiction spécialement
constituée à cet effet, ainsi est né le premier
système de justice constitutionnelle dont, pour l'essentiel, l'on peut
dire qu'il est diffus, concret, s'exerçant a posteriori, par voie
d'exception et dont l'arrêt ne bénéficie que de
l'autorité relative de la chose jugée.
En effet, le système est diffus parce que le
contrôle peut être exercé par n'importe quel juge
fédéral ou étatique car les juridictions
américaines disposent d'une plénitude de juridiction qui veut
dire que le juge saisi du fond est compétent pour se prononcer sur
l'ensemble d'incidents de procédure, qu'ils soient civils,
administratifs ou constitutionnels.
Ensuite, il s'agit d'un contrôle dit
« concret » parce qu'il ne peut s'exercer qu'à
l'occasion des « cas concrets » et des « litiges
particuliers ». A ce propos, la doctrine américaine dominante
considère qu'à défaut d'exercice d'un tel contrôle
concret, le juge apparaît comme pouvant supplanter le législateur,
ce qui serait contraire au principe de séparation des pouvoirs qui
constitue le socle du système américain. Par ailleurs, s'agissant
de régler un cas concret, le contrôle ne peut s'exercer, par
principe, qu'à posteriori car le demandeur à l'instance doit
être directement touché par la violation de la Constitution et
avoir un litige qui porte sur un dommage certain.
Le contrôle s'exerce par voie d'exception
soulevée par tout justiciable, pour sa défense, à
l'occasion d'un procès quel qu'il soit et au cours duquel une loi
estimée non conforme à la Constitution tend à être
appliquée. Il s'agira, pour le juge, de priver la loi d'effet en
l'espèce qui lui est soumise.
Enfin, il importe de dire qu'un jugement
d'inconstitutionnalité ne vaudra, dans le modèle
américain, en principe, que pour l'affaire et les parties en cause. Mais
le jeu de la règle du précédent vient à nuancer
l'effet relatif de la décision d'inconstitutionnalité et le
risque de variation ou de contrariété d'un Etat à un
autre, ou d'un juge à un autre. En effet, la Cour suprême peut
être saisie par voie d'un recours en certiorari en vue d'obtenir
la certification des décisions rendues par les juridictions
inférieures.
Ce droit jurisprudentiel s'impose en vertu de la règle
du précédent autrement appelée stare decisis.
Ainsi, si l'arrêt de la Cour suprême ne peut annuler
formellement une loi, il peut en paralyser l'application sur l'ensemble des
Etats américains dans la mesure où les juridictions
inférieures devront s'y conformer.
Le texte de loi est comme paralysé, dans un coma
profond et ne pouvant produire aucun effet en vertu de la règle du
précédent. Dans la pratique, l'on observe que la Cour
suprême se prononce, principalement en matière constitutionnelle,
sur la conformité ou non de la législation des Etats
fédérés à la constitution
fédérale.173(*)
Il existe, par ailleurs, trois principaux
procédés destinés à déclencher le
contrôle de constitutionnalité par la Cour suprême, laquelle
fonde ses décisions essentiellement sur quatre clauses dont la violation
justifie autant de « cas d'ouverture » dudit
contrôle. Les voici :
a) La violation de la clause
due process of law.
Issue du Law of the Land britannique et
incorporée dans le 5ème amendement pour ce qui est de
l'Etat fédéral et dans le 14ème amendement pour
ce qui concerne les Etats fédérés, cette règle ou
cette clause de due process of Law interdit de priver quiconque
« de sa vie, de sa liberté ou de sa propriété
sans une procédure légale régulière ou
convenable ».174(*)
A l'origine, cette règle ne devant s'appliquer qu'aux
règles de procédure, la Cour suprême l'a étendue
à toutes les règles de fond relatives aux libertés toutes
les fois qu'une personne fait l'objet d'une décision défavorable
à ses intérêts.
b) La violation de la rule of
reasonableness.
Cette règle appelée également balance
of convenience impose au législateur ou à l'exécutif
de maintenir un rapport équitable, raisonnable, entre les
sacrifices imposés aux particuliers dans l'intérêt
général et les avantages qu'ils peuvent escompter de la vie en
société.
Là aussi le juge américain dispose d'un large
pouvoir d'appréciation qui lui permet, en cas d'urgence,
(emergency) d'en atténuer la portée au point que
lui-même doit faire preuve de reasonableness dans l'application
qu'il pourrait en faire.
c) La violation de la clause
des contrats.
Contrairement aux deux premières clauses, celle-ci est
inscrite à l'article Ier section 10 de la Constitution des Etats-Unis
qui interdit aux Etats « d'affaiblir par une loi la force des
contrats ».
Ici aussi, le juge américain a la latitude
d'apprécier souverainement cet affaiblissement des contrats par la loi
dans un sens ou dans un autre. Heureusement, depuis l'arrêt de 1827 dit
Ogden v. Saunders, la Cour suprême a arrêté que
« tous les contrats des hommes reçoivent une mise en oeuvre
relative et non pas absolue. Les droits de tous ne peuvent exister et ne
doivent être exercés qu'au service du bien
commun ».175(*)
d) La violation de la clause
d'égalité.
Cette clause, née au lendemain de la guerre de
sécession contre les Etats du sud esclavagistes pour les empêcher
de rétablir l'esclavage, par quelque moyen, et tirée de
l'interprétation du 14ème amendement selon lequel
« aucun Etat ne pourra refuser à quiconque relève de sa
juridiction une égale protection des lois », a toujours
été utilisée par la Cour suprême, depuis la
deuxième guerre mondiale, pour lutter contre toutes les discriminations.
Elle tend à être avalée par la clause de due process of
Law pour protéger les libertés et s'opposer à toutes
les formes de discrimination.
La fluidité de cas d'ouverture et la latitude
qu'ils offrent au juge américain, donnent à voir deux attitudes
chez ce dernier : tantôt, il privilégie le conservatisme,
tantôt, il est porté vers l'activisme. Selon la couleur politique
des juges eux-mêmes, le judicial review peut être actif ou
restreint ou selon que les juges sont partisans de la théorie de
original intents (la volonté des Pères fondateurs) ou de
celle de la transformation sociale (la Constitution doit être
interprétée en fonction des critères contemporains et, en
tous cas, avec souplesse et adaptabilité).
Le système américain de contrôle de
constitutionnalité qui est le premier modèle depuis deux
siècles a connu des transpositions et des altérations à
travers le monde, car, ainsi que nous venons de le montrer, le judicial
review est intimement lié au contexte américain et difficile
à mettre en place rapidement et de manière effective dans un
cadre institutionnel différent.176(*)
En effet, les raisons tiennent essentiellement à une
conception rigide de la notion de séparation des pouvoirs et à la
structure de l'appareil juridictionnel. L'on peut discuter légitimement
toutes ces raisons, une seule nous semble irréfutable car elle est
irréductible au tempérament des Américains eux-mêmes
qui sont friands de leur liberté au point d'être un peu
anarchistes chaque fois que celle-ci est simplement menacée.
Le choix que nous portons sur ce qu'il est convenu d'appeler
les avatars du modèle américain est plus ou moins
aléatoire mais il se ramène, en fin de compte, à la
démonstration du paradigme selon lequel les institutions politiques ne
sont guère transplantables sans acclimatation. Aussi, avons-nous
jugé utile de voir, sur plusieurs continents de la planète,
comment s'est opérée cette transplantation.
Parce que la Constitution ne se limite pas à
définir un ordre juridique objectif à la défense duquel
seraient simplement intéressés les autorités politiques et
les juges, mais qu'elle définit, également, un ordre juridique
subjectif qui concerne, au premier chef, les individus, il a semblé
nécessaire, afin de parfaire l'État de droit, d'ouvrir à
ces derniers l'accès à la justice constitutionnelle.
Si, aux États-Unis comme en Allemagne et en Espagne, la
possibilité, pour les citoyens, de saisir directement le juge
constitutionnel a rencontré un vif succès, elle a aussi,
très vite, démontré ses limites.
Victimes de son prestige et, partant, de son succès, la
Cour suprême américaine comme la Cour constitutionnelle
fédérale allemande et le Tribunal constitutionnel espagnol est
dépassée, aujourd'hui, par le nombre de requêtes en
certiorari, des recours constitutionnels et des recours d'amparo
et se trouve proche de l'asphyxie structurelle.177(*)
Pressentant le flot de recours directs qui risquait de venir
submerger la juridiction constitutionnelle, le législateur a choisi
d'instaurer, des mesures de sélection destinées à corriger
les graves dysfonctionnements provoqués par cet afflux croissant de
recours.
Née, à l'origine, du besoin d'alléger la
charge de travail de juridictions encombrées, la procédure
d'admission des recours directs se présente, de nos jours, comme un
instrument de régulation capital permettant aux juridictions
constitutionnelles de séparer le bon grain de l'ivraie.
Mais, au-delà de ces considérations d'ordre
pratique, la crise fonctionnelle traversée par les juridictions
constitutionnelles apparaît comme le détonateur d'une discussion
qui transcende le simple problème de la sélection pour toucher
à la signification et à l'utilité mêmes du recours
individuel et à sa place au sein du système de justice
constitutionnelle.
À vrai dire, l'engorgement dont souffrent les
juridictions constitutionnelles conduit parfois à s'interroger sur ce
qui est l'essence même d'une juridiction constitutionnelle.
Malgré cet inconvénient, le modèle a fait
des émules, notamment le Brésil.
§2. Le Brésil
Le phénomène de réception fort connu des
comparatistes est remarquable dans le cas d'expansion continue de la justice
constitutionnelle dans le pays d'Amérique latine. En effet, il est
généralement retenu que l'ouvrage célèbre d'Alexis
de Tocqueville intitulé : « De la démocratie
en Amérique » a exercé une influence indéniable
sur les pays latino-américains en ce qui est de l'institution de la
justice constitutionnelle.
Cependant, au-delà de cette influence plutôt
doctrinale, il y a lieu de retenir que le Brésil, tout comme le Mexique,
l'Argentine et la République dominicaine sont des Etats ayant
adopté le système nord-américain de justice
constitutionnelle.178(*)
Le Brésil a, en particulier, adopté le principe
américain du contrôle par n'importe quel juge de la
constitutionnalité de tous les actes publics, y compris des lois.
Il faut d'emblée affirmer cependant que le droit
brésilien fait partie intégrante du droit
romano-germanique ; ceci fait sans doute que toutes les règles
procédurales du droit des Etats-Unis ne furent nullement reprises par le
système brésilien qui par contre a emprunté du droit
mexicain le recours en amparo qui est une inspiration
latino-américaine de la procédure d'Habeas corpus issue
du Common law.
En effet, ce recours permet à tout plaideur d'obtenir
d'une juridiction fédérale la protection d'un droit
constitutionnellement garanti contre un acte juridictionnel ou administratif.
Il est entendu que la loi ainsi jugée d'inconstitutionnelle doit
être écartée au litige dont est saisi le juge.
Le Brésil comme tous les Etats d'Amérique latine
a adopté des traits saillants du modèle américain surtout
en ce qui concerne le contentieux de la constitutionnalité des
lois ; toutefois, il faut voir que ce pays a d'abord institué le
contrôle incident de la constitutionnalité des lois bien avant
d'instituer une Cour constitutionnelle qui est compétente entre autres
pour recevoir des actions en inconstitutionnalité des lois. Comme toute
action en justice, ces actions requièrent du particulier qui les met en
mouvement d'être titulaire d'un intérêt personnel et
direct.
L'on doit, à la vérité, de dire que ces
procédures ne sont pas loin de ressembler aux procédés
américains d'injonctions que le juge de ce pays peut adresser à
une autorité publique américaine de faire ou de ne pas faire
quelque chose. Elles ont ceci de commun avec le droit américain :
elles sont l'oeuvre d'un particulier qui défend en justice des droits
personnels de même que l'on peut observer le caractère inter
partes de la décision juridictionnelle.
Une influence du modèle européen s'est
exercée sur les pays d'Amérique latine conduisant ces derniers,
dont le Brésil a confié le contrôle de
constitutionnalité à un juge unique : cour constitutionnelle
ou cour suprême. L'on note que la concentration dudit contentieux entre
les mains de la Cour suprême est partielle puisque, dit Michel Fromont,
le contrôle incident de la constitutionnalité reste aux mains des
tribunaux ordinaires de tout rang.179(*)
Depuis une quarantaine d'années, le Brésil, tout
comme les autres pays d'Amérique latine, s'est rapproché de
l'Europe sur le plan de la justice constitutionnelle en instituant notamment
des procédures spécifiques de contentieux constitutionnel qui
possèdent les caractères objectif et abstrait du modèle
européen.
Ces procédés peuvent être mus par les
autorités politiques ou judiciaires ou parfois même par les
particuliers, citoyens intéressés. Ils visent à obtenir
l'annulation de l'acte public avec effet erga omnes incompatible avec
le système américain qui n'accepte cette caractéristique
qu'en raison de la règle du précédent.
L'originalité du système brésilien, c'est aussi que tout
juge brésilien est tenu de soulever d'office l'exception
d'inconstitutionnalité de la loi qu'il doit appliquer au litige dont il
est saisi.
Il faut ajouter, à ce niveau, que le système
brésilien est plutôt marqué par le recours d'amparo.
Né au Mexique, ce recours a connu son bonheur au Brésil par
l'adoption de la loi de 1934. Ce texte a multiplié des recours qui,
tous, jouent le même rôle ; il s'agit du recours d'habeas
corpus en matière de liberté de circulation, du recours de
segurança, de recours d'habeas data ainsi que la
demande d'injonction auprès du juge instituée par la Constitution
brésilienne de 1988.
Malgré la parenté génétique du
recours d'amparo avec l'habeas corpus du droit américain, il
sied de constater que ce recours est plutôt proche de l'injonction
nord-américaine qui se fonde sur la violation d'un droit garanti soit
par la constitution soit par une loi alors que l'amparo ne porte que
sur les droits constitutionnellement garantis.
Le recours d'amparo nous paraît plus
spécialisé comme voie de droit. Il s'éloigne cependant du
moule européen car le recours d'amparo contrairement au recours
individuel pour violation des droits constitutionnellement garantis
pratiqué en Europe, en Allemagne par exemple, reste ouvert contre tout
acte public, qu'il soit législatif, administratif ou même
juridictionnel.
Au demeurant, le recours d'amparo garde son
caractère parallèle aux autres contentieux alors qu'en
Europe, en Suisse ou en Allemagne par exemple, le recours individuel pour
violation d'un droit constitutionnellement garanti n'est ouvert qu'à
titre subsidiaire. Ce recours brésilien n'aboutit du reste
qu'à une annulation inter partes.
De même, l'on peut noter que les recours de
segurança et d'habeas corpus peuvent être
portés devant tout juge ordinaire fédéral et être
dirigés contre tout acte public quel qu'il soit : jugement ou acte
administratif.
Au-delà du contentieux de la constitutionnalité
qui n'est du reste qu'un aspect du contentieux constitutionnel, il reste
à voir que le constituant brésilien a confié le
règlement des litiges pouvant naître du partage des
compétences entre l'Etat et ses collectivités composantes au
Tribunal fédéral suprême.
Ainsi l'article 102-1 f de la Constitution brésilienne
fait obligation à l'Etat avant d'intervenir dans un Etat membre pour
imposer le respect des principes fondamentaux de la constitution
fédérale, de provoquer une décision
d'inconstitutionnalité de l'acte de cet Etat membre par le Tribunal
fédéral suprême.
Observons toutefois que l'action conduisant au contrôle
abstrait postérieur des règles de droit est
réservée aux plus hautes autorités politiques de l'Etat.
Ainsi, une action directe tendant à faire constater
l'inconstitutionnalité d'une loi ou d'un autre acte normatif
fédéral ou étatique peut être formée
directement auprès du Tribunal fédéral suprême par
le Président de la République, le bureau de l'une des chambres
fédérales, le Gouverneur de l'un des Etats membres, le Procureur
général de la République, le Conseil fédéral
de l'ordre des avocats, tout parti politique ou syndicat ayant une
représentation dans les organes nationaux.
En termes conclusifs, il est intéressant de voir que
malgré la parenté génétique du Tribunal
fédéral suprême brésilien avec la Cour suprême
des Etats-Unis, le Brésil a su marquer ses distances culturelles qui
s'interprètent comme autant des socles sur lesquels sont venus
s'incruster la logique judéo-chrétienne catholique et
l'appartenance plus ou moins proche avec le Portugal.
Le système de contrôle ainsi mis en place est
mixte et métissé comme le pays lui-même. Ainsi, la
leçon que l'on pourrait en tirer est que chaque pays doit savoir tirer
des expériences constitutionnelles des autres ce qui lui est utile et le
mixer avec son patrimoine culturel propre. En est-il de même du
Japon ?
§3. Le Japon
Le Japon s'est vu imposer une démocratisation de sa vie
politique par le gouvernement américain après sa défaite
de 1945. C'est ainsi que la constitution qui régit ce pays fut
adoptée en 1946. Et, comme pour paraphraser le très
regretté doyen Louis Favoreu, on ne conçoit plus aujourd'hui de
système constitutionnel ne qui fasse place à la justice
constitutionnelle.180(*)
Comme exigence naturelle du mimétisme institutionnel,
le Japon adopta le contrôle des lois du type de judicial review.
Depuis plus de soixante ans de pratique de justice constitutionnelle, le Japon
présente, aux dires du professeur Hajime Yamamoto, une passivité
de la production judiciaire. Aussi, au début des années 1990, des
personnalités, des partis politiques ainsi que la presse se mirent-ils
à proposer le modèle européen.181(*) Il s'agit encore d'un voeu
dont la réalisation dépend en grande partie de l'inertie
culturelle nipponne.
De lege lata, il existe une hiérarchie
judiciaire à trois étages que sont : la Cour suprême,
les cours d'appel et les tribunaux au niveau du département. La
Cour suprême dont l'étude nous importe ici est composée de
14 juges et d'un président. La nomination desdits juges est soumise
à la confirmation par les citoyens lors des élections
générales des députés, puis tous les dix ans. Le
président de la Cour est nommé par l'Empereur sur
désignation du Gouvernement. A ce titre, il assume la direction de
l'organisation judiciaire nipponne. Notons même que le protocole d'Etat
le place au même rang que le Premier ministre.
A la lecture de l'article 77 alinéa 2 de la
Constitution, il s'évince que les juges sont indépendants tant le
texte fondamental proclame que « tous les juges se prononcent en leur
âme et conscience et sont tenus d'observer exclusivement la Constitution
et les lois ». Par ailleurs, les mêmes juges ne peuvent
être révoqués que par la voie de la mise en accusation
publique, à moins qu'ils ne soient judiciairement déclarés
mentalement ou physiquement incapables de s'acquitter de leurs fonctions
officielles. Aucune action disciplinaire ne peut être entreprise contre
les juges par un organe ou un service dépendant de
l'exécutif.182(*)
Cette indépendance qui est affirmée tambour
battant est consolidée par l'unicité de juridictions qui
caractérise le modèle nippon dans la mesure où l'article
76 de la Constitution proclame de façon péremptoire qu'aucun
contentieux ne peut échapper à la Cour suprême.
Dans ce modèle décentralisé, l'on
remarque que la Cour suprême est définie comme une Cour de dernier
ressort compétente de décider de la constitutionnalité de
tous les actes. Aux termes de sa jurisprudence, la Cour suprême a
précisé qu'elle ne pouvait être saisie que sur exception
dans un litige concret. 183(*) Elle s'est refusée à tout
contrôle abstrait.
De ce point de vue, il est tentant de ranger le contrôle
de constitutionnalité des lois au Japon dans le modèle
américain. Cependant, au regard de sa production jurisprudentielle, il
faut voir que le juge nippon est d'une passivité que la doctrine a
tenté d'expliquer par l'esprit d'harmonie qui caractérise la
mentalité japonaise qui induit à la fois une modestie devant les
pouvoirs législatifs et exécutif et une tendance à
privilégier la stabilité juridique. Par ailleurs étant une
cour régulatrice des contentieux ordinaires, la Cour suprême a
tendance également à ne pas se considérer comme une
garantie de la Constitution.
Au demeurant, le juge japonais aime la rigidité de la
logique et de l'interprétation juridiques de sorte qu'il est peu enclin
à la proclamation de droits nouveaux. Enfin, le professeur Yamamoto
croit expliquer cette passivité par le fait que le modèle du juge
nippon dériverait du droit du vieux continent où un juge sans
personnalité et sans originalité y est considéré
comme un idéal. Naturellement, ceci ne pousse guère à une
interprétation constitutionnelle constructive favorable aux droits
fondamentaux.184(*)
L'autre type d'explications est que l'absence d'alternance se
répercute sur la composition de la Cour. En effet, le pouvoir
étant entre les mains du Parti conservateur japonais hostile à la
Constitution de 1946 et la nomination des juges ne dépendant que du
gouvernement seul, il est évident que dans ces conditions la Cour ait
joué le rôle d'une caisse de résonance du pouvoir dominant
et conservateur.
Malgré l'existence du mécanisme de destitution
des juges par le peuple, il est à observer une indifférence
générale de ce dernier quant à cette faculté
entraînant de la sorte une sorte de bureaucratisation des juges qui
deviennent ainsi une classe sociale d'intouchables et de conservateurs. Aucun
juge n'a été destitué, à ce jour, aux dires de
Yamamoto.
En définitive, ceci est du à la mentalité
japonaise dont on dit qu'elle est revêche au droit et ne jouit pas des
antécédents historiques de l'Occident fondés sur le
prestige des professeurs ni sur la tradition anglo-saxonne de Judge made
law.185(*)
Ces raisons hypothèquent la formation d'une
légitimité politique de la justice constitutionnelle dans la
société japonaise.
Dans une telle ambiance, l'on ne peut s'attendre qu'à
une maigre moisson de la production jurisprudentielle. Aussi, depuis soixante
ans et plus, la Cour nipponne n'a rendu que six arrêts en matière
de constitutionnalité par voie d'exception.
Le premier arrêt est du 4 avril 1973 relatif à un
article du Code pénal punissant le parricide beaucoup plus
sévèrement qu'un meurtre ordinaire ; le deuxième qui
est du 30 avril 1975 se rapporte à un article de la loi sur les
pharmacies exigeant une certaine distance entre les pharmacies
déjà ouvertes et les nouvelles ; le troisième du 14
avril 1976 est relatif à un article de la loi électorale
créant un décalage entre les circonscriptions
électorales ; le quatrième qui est du 17 juillet 1985 est
relatif à une loi électorale créant un décalage
atteignant 1 pour 4,4 dans la distribution des sièges des
députés ; le cinquième qui est du 22 avril 1987 se
rapporte à la loi forestière dont une disposition interdit la
demande de partage de la part d'un ou des copropriétaires dont la part
ne dépasse pas la moitié de la valeur du domaine
intéressé déclarée inconstitutionnelle car
contraire à l'article 29 de la Constitution qui garantit le droit de
propriété et enfin, le sixième arrêt est relatif
à la loi sur la Poste qui a exempté une obligation de la
responsabilité de l'Etat dans certains cas de traitement des
courriers.186(*)
L'on peut donc en conclure que malgré la parenté
d'emprunt du modèle décentralisé d'origine
américaine, le système juridictionnel nippon est demeuré
ancré dans la longue spécificité historique de son peuple.
C'est le lieu de dire avec Jean Hubert Moitry que le droit
dans ce pays s'inscrit dans une tradition très ancienne, dont les effets
sont toujours observables. Le droit japonais d'aujourd'hui est le
résultat d'une synthèse qui n'a effacé que partiellement
les traits hérités du passé.187(*) Le Japon semble s'être
inspiré de la méthode comparatiste de Hozumi, Sugiyama et
Takanayagoshi qui érige en système la recherche critique au sein
de droits étrangers des règles les mieux adaptées et d'en
élaborer une synthèse spécifiquement japonaise.188(*)
Examinons à présent un autre cas
atypique :
§4. L'Israël
Le choix de l'Etat d'Israël pour illustrer un des avatars
du modèle américain est symbolique d'un Etat qui fonctionne de
manière tout à fait atypique mais qui est cependant une
démocratie.
L'Etat d'Israël se caractérise, aux dires
d'Olivier Duhamel, par un pluralisme partisan fondé sur le mode de
l'élection proportionnelle qui pose un véritable problème
de démocratie dirigée sans détruire le
pluralisme.189(*)Il
y a donc un proportionnalisme absolu et un parlementarisme intégral.
Nous soulignons ces deux caractéristiques du
système politique israélien car l'Etat d'Israël n'a pas de
constitution et pourtant il construit un droit constitutionnel. Ceci pourrait
paraitre paradoxal dans la mesure où, dans l'absence d'une constitution
écrite, il est exclu qu'un contrôle juridictionnel des lois soit
envisageable lorsque le législateur est in fine le véritable
constituant.
L'on sait qu'Israël est né dans la douleur de la
guerre, et pour ainsi dire, à la force de l'épée. Dans ces
circonstances, l'établissement d'une constitution écrite est une
préoccupation tellement secondaire que même les partisans du texte
écrit restent comme hypnotisés par la survie de la Nation qui
passe alors pour tous comme la seule et unique question de l'Etat et de la
Nation.
La doctrine ajoute à cette constatation purement
matérielle une justification philosophique majeure : en effet, dans
un pays foncièrement religieux, est-il concevable d'avoir une loi
supérieure à la seule loi divine, la Torah ? Par
nécessité donc, il a toujours été
évité d'élaborer une constitution écrite car une
déclaration des droits pourrait consacrer la laïcité de
l'Etat que les intégristes rabbiniques de tous bords abhorrent, à
tort ou à raison. 190(*)
Il faut noter que selon la résolution Harari
prise en date du 13 juin 1950 par la première Knesset , élue
comme constituante, il a été admis que « la
Constitution de l'Etat sera élaborée chapitre par chapitre, de
telle sorte que chacun d'entre eux constitue une loi fondamentale par
lui-même. Les chapitres seront présentés à la
Knesset au fur et à mesure que la Commission de la Constitution
achèvera son oeuvre. Les chapitres seront assemblés et formeront
la Constitution de l'Etat ». En vertu donc de ce compromis, l'Etat
d'Israël est pourvu d'une constitution en tranches, par étapes, en
adoptant, matière par matière, des lois fondamentales.
Adoptées sur présentation de la Commission
parlementaire permanente dite de la Constitution, des lois et du pouvoir
judiciaire, ces lois fondamentales sont votées à la
majorité des membres de la Knesset qui fixent ainsi dans chaque loi
fondamentale les conditions de révision, certains articles exigeant une
majorité absolue des membres soit 61 voix.
Toutes les dispositions de ces lois fondamentales
n'étant pas protégées, elles restent donc sujettes
à révision par une majorité simple. Ce qui pose le
problème de la valeur constitutionnelle desdites lois fondamentales.
La Cour suprême a cependant tranché en opinant
que les lois fondamentales ne sont pas des lois constitutionnelles et que seuls
les articles rigides c'est-à-dire spécialement
protégés exigeaient pour être modifiés la
majorité qualifiée.191(*)
Le professeur Olivier Duhamel, avec son humour de conteur, de
s'exclamer, à raison : une loi ordinaire peut modifier une loi
fondamentale, à condition que les dispositions litigieuses aient
été adoptées à la majorité absolue. Dans ce
contexte, ne s'agit-il pas d'une « curieuse introduction de
contrôle de constitutionnalité par une conception très
restrictive des normes constitutionnelles dans un pays sans
constitution » ?192(*)
N'eut-été l'ingéniosité des
juristes, le système serait sclérosé. Car tout le
rôle de la Cour suprême se limiterait à savoir quelles lois
ou parties des lois fondamentales sont rigides et tel rôle, avouons-le,
est loin de rapprocher la Cour suprême israélienne des
prévisions du modèle américain.
En effet, l'article 20(a) de la loi fondamentale sur le
pouvoir judicaire pose clairement que « tout précédent
jugé par un tribunal supérieur oblige un tribunal
inférieur. (b)Une doctrine établie par la Cour suprême
oblige tout tribunal, à l'exception de la Cour suprême
elle-même ».
Cette caractéristique du stare decisis
rattache institutionnellement et intellectuellement la justice
constitutionnelle israélienne au modèle américain.
D'autant que les meilleurs juristes de ce pays sortent des écoles de
droit américaines et importent presque inconsciemment le modèle
secrété par les manuels de droit constitutionnel de leur alma
mater.
Ce système plutôt pragmatique que positiviste
à la romano-germanique est fondé sur le crédit
attaché à la décision tout entière. En effet, les
motifs lient autant que le dispositif dans le droit israélien cependant
seule la ratio decidendi a valeur de précédent en ce
qu'elle constitue le support nécessaire de la décision et
finalement de la règle posée par le juge. En revanche,
l'obiter dictum ou motif surabondant ou incident ne lie pas.
Le droit israélien est ainsi comme tout droit
anglo-saxon un droit plutôt coutumier et jurisprudentiel. En Israël,
il n'est pas inutile d'observer que le législateur est sous la coupe des
partis religieux tandis que la Cour suprême maintient une conception
plutôt laïque de la démocratie.
En cela donc, elle est une véritable juridiction
constitutionnelle.
Par ailleurs, sans toujours entrer en affrontement avec le
législateur, la Cour suprême construit un droit constitutionnel
substantiel des droits de l'homme pour lequel le juge Aharon Barak dit qu'il y
a désormais un point d'appui pour décider de la valeur de la
législation. Le juge suprême reconnaissant le caractère
fondamental à telle loi sur les droits de l'homme l'érige en
norme constitutionnelle qui doit s'imposer au législateur ordinaire.
193(*)
De la sorte, il y a un contrôle de
constitutionnalité. Cela est d'autant affirmé que la loi
fondamentale sur la liberté professionnelle de 1990 contient une
disposition énonçant que « toute atteinte aux droits
définis dans la présente loi fondamentale ne pourra
dériver d'une loi qui est conforme aux valeurs de l'Etat d'Israël,
qui intervient dans un but approprié et dans une mesure qui
n'excède pas ce qui est nécessaire ».194(*)
La question essentielle qui est à la fois une grande
porte entrouverte est celle de déterminer les valeurs de l'Etat
d'Israël. Si cette ouverture peut aider le juge suprême à
déclarer inconstitutionnels les mouvements intégristes de tout
bord, il n'est pas du moins en théorie exclu que les juges imbus
d'autres valeurs soient eux-mêmes entrain d'élaborer un
catéchisme des valeurs auxquels sociologiquement n'aurait pas
adhéré le peuple juif.195(*) Une prudence s'impose de toute évidence de la
part d'un peuple dont l'histoire millénaire est une illustration toute
biblique de la négation des droits de l'homme même par ses propres
nationaux.
C'est la sempiternelle question du contrôle du
contrôleur. Cette question trouve-elle une réponse
diamétralement opposée dans le modèle né en
Europe ?
Section 2 : LE MODELE
EUROPEEN
En raison de la parenté génétique de la
Cour constitutionnelle congolaise avec la famille romano-germanique, il sera
utile de consacrer des développements détaillés au
modèle européen qui est historiquement celui inspiré par
les travaux de Hans Kelsen.
Faute d'accéder directement aux travaux originaires de
ce modèle196(*),
nous avons opté pour l'étude directe du modèle
français avant de consacrer des lignes à l'étude du
système belge, du modèle allemand, en raison de son
enrichissement du modèle kelsénien et de l'exemple récent
de la Russie, en raison de la proximité idéologique et historique
que ce pays a eu avec d'autres pays du bloc de l'est.
Cette étude est d'autant utile qu'elle indique de
manière fort récurrente que chaque peuple d'Occident,
malgré la parenté idéologique évidente, a
néanmoins adapté le modèle originel à son propre
tempérament. S'agissant de la République démocratique du
Congo, l'ébauche d'un modèle adapté devra partir entre
autres de ce que d'autres pays ont essayé à travers le monde
surtout que ceux-ci figurent parmi ceux qui nous ont légué le
droit encore en vigueur chez nous.
A cet égard, la France semble s'être
imposée comme modèle pour la République
démocratique du Congo. L'on pourra y voir l'apport important de la
doctrine française.197(*)
Mais ceci justifie déjà que l'on aborde
l'analyse par la France.
§1. France
Longtemps restée en marge du mouvement pour la justice
constitutionnelle, la France n'a accédé véritablement
à la justice constitutionnelle que récemment.198(*) Le conseil constitutionnel
représente une institution nouvelle et originale de la Vème
République de même qu'il est l'expression de l'Etat de
droit.199(*) Le doyen
Louis Favoreu dresse des étapes historiques dans la marche vers
l'instauration du juge constitutionnel en France : il établit de
1715 à 1814 une époque des prétentions de cours de justice
à faire de remontrances au monarque pour faire respecter les lois
fondamentales du royaume. 200(*)
Cet auteur nous apprend qu'au XIVème siècle, les
Rois ont demandé au Parlement de Paris de ne pas procéder
à l'enregistrement des mesures qu'ils édictaient, lorsque
celles-ci lui paraîtraient déraisonnables ou injustes.201(*) Le parlement retournait au
roi les lettres royales avec des remontrances secrètes en expliquant les
raison du refus. Par le biais de lettres impératives, le monarque
pouvait enjoindre au Parlement d'enregistrer néanmoins ces mesures de
même qu'il pouvait se rendre en personne au parlement et y tenir
« un lit de justice » et, ainsi, les mesures royales
entraient en application.
La seconde période est celle de la Révolution
française car elle marque la volonté de la Constituante de
retirer le pouvoir de légiférer traditionnellement entre les
mains du Roi pour le confier à une assemblée composée des
représentants élus de la Nation souveraine. Elle entend de
surcroît imposer le respect de la constitution de 1791 au
législateur qui ne pouvait « faire aucunes lois »
portant atteinte aux droits garantis par la constitution.
La troisième période semble couvrir
l'époque où le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont
tenté de suppléer aux carences et à la faiblesse du
contrôle sénatorial et ce, de 1814 à 1870. En revanche, de
1875 à 1958, le comité constitutionnel cristallisera les souhaits
d'un contrôle « symbolique ».
Cette position de principe favorable à la
primauté de la Constitution s'est émoussée, selon Louis
Favoreu, pour deux raisons : la référence à la
théorie rousseauiste de l'infaillibilité de la Loi, expression de
la volonté générale, fondée elle-même sur le
vote de la majorité des citoyens qui fut plus tard captée par la
majorité parlementaire qui, dès lors, a considéré
qu'elle ne pouvait errer. La majorité ne pouvait se trompait ; il
restait une seule possibilité à la minorité
politique : se taire. La seconde raison est à trouver dans la
difficulté d'organiser un contrôle de constitutionnalité
des lois.202(*)
Il faut dire, avec Michel de Guillenschmidt, que Sieyès
avait proposé dès 1795 la création d'une « jurie
constitutionnaire » qui serait chargée de veiller à ce
que le Corps législatif formé du Conseil des anciens et du
Conseil des cinq cents, n'outrepasse pas ses pouvoirs.203(*) La proposition fut
écartée car le bicaméralisme semblait mettre un frein aux
éventuels excès parlementaires.
Sous la IIIème République, tout le pouvoir
appartient aux chambres et il ne pouvait être question de les placer sous
contrôle. La IVème République a consacré le
parlement comme l'institution maîtresse du pays de sorte que l'on est en
plein légicentrisme. Les représentants de la Nation sont
souverains, la loi qu'ils édictent au nom de cette dernière est
non simplement souveraine mais infaillible et donc insusceptible de
contrôle quel qu'il soit.
L'on doit à la vérité de souligner que
l'article 91 de la constitution de 1946 qui est longue et précise
prévoyait un comité constitutionnel composé du
Président de la République, du Président de
l'Assemblée, du Président du Conseil de la République et
de sept membres élus par les députés et trois par le
Conseil de la République, mais choisis en dehors 204(*)de deux assemblées.
En raison de la lourdeur de la procédure de saisine de
cet organe éminemment politique, le comité constitutionnel ne
siégea qu'une fois à l'occasion de l'examen d'une affaire
relative au règlement de l'Assemblée nationale204(*).
En 1958, pour la première fois, malgré les
antécédents susrappelés, à l'opposé de la
tradition, un organe régulateur de l'activité des pouvoirs
publics s'est installé.205(*) L'obstacle de la souveraineté parlementaire,
souveraineté parlementaire absolue, est balayé par le constituant
de même que la pratique majoritaire de la Vème République
appelle un organe régulateur faisant office de contrepoids à la
fusion, dans une même majorité politique, de l'Exécutif et
du Législatif, détenteur d'une véritable faculté
d'empêcher, au sens de Montesquieu206(*).
Par suite d'une évolution insoupçonnée,
un pouvoir juridictionnel est né, chargé de dire le droit avec
l'autorité absolue de la chose jugée.207(*) Il faut donc
reconnaître qu'avec le temps et les évolutions jurisprudentielles
qui sont les siennes, le Conseil constitutionnel s'est largement
juridictionnalisé.
La question de savoir si le Conseil constitutionnel est un
contre-pouvoir peut sans doute être discutée mais il est de plus
en plus difficile de soutenir qu'il n'est pas un juge.208(*)
Il est composé de neuf membres dont le mandat dure neuf
ans et n'est pas renouvelable. Trois membres sont nommés par le
Président de la République, trois par le Président de
l'Assemblée nationale et trois par le Président du Sénat.
Il est renouvelé par tiers tous les trois ans.
Le Président du Conseil constitutionnel est
nommé par le Président de la République. Les anciens
Présidents de la République, sans incompatibilité avec les
fonctions de membre du Conseil constitutionnel, sont de droit membres à
vie dudit conseil209(*).
L'ensemble des attributions du Conseil constitutionnel se
situe au confluent du droit et de la politique210(*). Le recrutement lui
permet-il de les exercer de façon incontestable ? Le secret de
délibérations, l'obligation de réserve à laquelle
ils sont assujettis, une rémunération digne des hauts
fonctionnaires de l'Etat, l'interdiction de cumul avec des fonctions
gouvernementales et électives, la moyenne d'âge
élevée à 69 ans et une forte tradition
d'indépendance des membres recrutés traduisent une certaine
indépendance.211(*)
Il est dès lors utile, avec Pascal Jan, d'observer que
le modèle français de justice constitutionnelle présente
des particularités singulières dans le contrôle des normes.
Seules les autorités politiques, dont les parlementaires, ont
accès au juge, le contrôle -abstrait- est, sauf exception, de type
préventif.212(*)
L'on peut noter du reste que le juge français a la pleine latitude en
matière de déroulement de la procédure tant celle-ci est
très peu formalisée ; cependant les modalités et les
procédures d'accès au Conseil constitutionnel sont
préétablies par la Constitution et l'ordonnance du 7 novembre
1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel.
En raison d'une longue tradition française en la
matière, l'on peut observer que la tentative de permettre une
autosaisine au Conseil constitutionnel a échoué
quoiqu'elle eut pu avoir l'avantage pour le juge constitutionnel
français de se saisir motu proprio et de contrôler ainsi
la constitutionnalité des lois qui « paraîtraient porter
atteinte aux libertés publiques garantis par la
Constitution »213(*).
En revanche, il est permis au juge français de soulever
d'office des griefs qui n'ont pas été soulevés par les
requérants.214(*)
De prime abord, il sied d'observer que le Conseil constitutionnel a
été conçu par le constituant français en vue de
soumettre à son contrôle les actes des assemblées :
lois et résolutions réglementaires. Dans le même esprit, le
gouvernement s'est vu reconnaître le droit de saisir le juge afin
d'obtenir le déclassement des textes de forme législative qui
empiéteraient dans le domaine réglementaire. Le contrôle
sur les engagements internationaux s'est justifié par le souci
d'affirmer la souveraineté nationale au moment où s'affirmait la
communauté européenne.
Sont, de l'interprétation du Conseil lui-même,
placés hors du contrôle de cette instance : les lois
référendaires et les ordonnances de l'article 92 de la
Constitution portant loi organique dont l'objet consistait à mettre en
place les institutions. La question de la justiciabilité des lois
constitutionnelles reste ouverte. A l'occasion d'une requête en
inconstitutionnalité formée par plus de soixante
sénateurs, le Conseil a opiné invariablement que « le
pouvoir constituant est souverain sous réserve des limitations
formelles touchant aux périodes au cours desquelles une révision
de la Constitution ne peut être engagée ou poursuivie et des
limitations matérielles (la forme républicaine du
gouvernement).215(*) Le
doyen Georges Vedel, sur cette question, opine que « le pouvoir
constituant dérivé n'est pas un pouvoir d'une autre nature que le
pouvoir initial : la constitution lui donne sa procédure..., elle
ne borne pas son étendue »216(*)
L'article 61 alinéa 2 de la Constitution de 1958
institue un contrôle a priori et abstrait sur une loi. Il est
arrivé cependant que le Conseil constitutionnel ait admis un
contrôle limité des lois déjà
promulguées.217(*) Le dixième considérant218(*) de cette décision
ouvre une brèche dans le principe selon lequel le Conseil ne
contrôle que les lois déjà promulguées. C'est ainsi
que le Conseil, en application de cette jurisprudence, a déclaré
contraires à la constitution deux articles d'une loi en vigueur dans la
Décision 99-410 DC du 15 mars 1999 relative à la loi organique
relative à la Nouvelle Calédonie.
L'on peut observer de même que l'autorité de la
chosée jugée par le Conseil constitutionnel si tant est qu'elle
existe s'impose à tous les pouvoirs publics sauf apparemment au Conseil
lui-même car dans l'espèce qui a trouvé application de la
norme dégagée ci-haut il s'agit des dispositions d'une loi qui
avait déjà été déférée devant
le juge constitutionnel.
S'agissant des délais de recours dont on sait qu'ils
règlent le problème juridique de la fixité ou de la
certitude de la norme et de sa sécurité, il convient de remarquer
que le droit du contentieux constitutionnel français connaît des
situations où de recours sont recevables sans délai. C'est le
cas, dans l'hypothèse d'un recours obligatoire, de règlements des
assemblées parlementaires qui peuvent être soumis à examen
avant leur mise en application.
En cas de recours facultatifs, les deux procédures de
l'examen de fins de non-recevoir et de l'appréciation de la
nature juridique d'un texte de forme législative n'exigent et
n'obéissent à aucun délai. En effet, la fin de non
recevoir, aux termes de l'article 41 de la constitution française, est
un mécanisme constitutionnel qui permet au gouvernement qui constate
qu'au cours de la procédure législative, une proposition ou un
amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une
délégation accordée en vertu de l'article 38 de la
même Constitution, d'opposer une irrecevabilité. Ce débat
pouvant surgir entre le gouvernement et une des chambres, le Conseil a
été rendu compétent pour statuer dans les huit jours de sa
saisine par l'un ou l'autre.219(*)
En revanche, l'appréciation de la nature juridique d'un
texte de nature législative est un mécanisme constitutionnel en
vertu duquel le Conseil constitutionnel saisi par le gouvernement
déclare le texte de nature réglementaire malgré sa forme
législative et permet ainsi qu'il soit, en l'occurrence, modifiable par
décret.220(*)
Par ailleurs, l'on peut noter que la représentation du
requérant par un avocat devant le juge constitutionnel français
n'est pas requise. S'agissant d'un recours purement objectif comme le recours
pour excès de pouvoir en matière de droit administratif, pareille
attitude du juge se justifie même si la comparution d'un conseil ne
devrait, à notre avis, nullement être contestée.221(*)
La procédure devant le juge constitutionnel
français est gratuite et sans frais. Le recours exige cependant que le
requérant vérifie d'un intérêt à agir comme
dans toutes les actions en justice.222(*) Le silence des textes est gage d'une grande
souplesse dans la vérification des conditions de recevabilité des
recours introduits devant le Conseil constitutionnel.
Il ressort de la jurisprudence même du Conseil que ses
décisions sont revêtues de l'autorité absolue de chose
jugée à l'égard tant des pouvoirs publics que de toutes
les autorités administratives et juridictionnelles mais aussi que cette
autorité n'est « limitée qu'au dispositif et aux motifs
qui en sont le soutien nécessaire et le fondement
même »223(*) ; il est loisible au requérant qui se
heurte à une fin de non-recevoir de saisir de nouveau le Conseil
constitutionnel, évidemment s'il est encore dans les délais.
Il n'est pas inutile de dire que le caractère
contradictoire est absent devant le juge constitutionnel, sauf lorsqu'il
siège comme juge électoral. Toutefois, il est possible qu'une
information soit portée aux autorités de saisine par le
secrétaire général du Conseil. Le pouvoir du Conseil en
matière d'examen de constitutionnalité étant intact, il
lui arrive souvent d'articuler quatre catégories de grief que
sont :
- les dispositions qui n'ont pas leur place dans une loi de
finances (cavaliers budgétaires)224(*) ou dans une autre loi (cavaliers sociaux)225(*) ;
- les dispositions qui ne respectent pas la règle de
non affectation des ressources aux dépenses ;
- les dispositions organiques contenues dans une loi
ordinaire ;
- les dispositions introduites par voie d'amendement
après la réunion de la commission paritaire mixte qui ne sont pas
en relation directe avec le texte en discussion ou qui ne sont pas rendues
nécessaires par la coordination avec d'autres textes
législatifs.
Il s'agit là des inconstitutionnalités
formelles. Cependant il existe également des violations substantielles
des dispositions constitutionnelles au nombre desquelles pourraient figurer le
non-respect du principe de libre administration des collectivités
locales ou le non-respect d'une liberté fondamentale.
Voyons à présent quelles sont les techniques
d'interprétation que le Conseil utilise pour faire oeuvre de
contrôleur de la légalité constitutionnelle.
Il est fort utile de noter avec Philippe Ardant que les
méthodes de contrôle du Conseil constitutionnel ont un rapport
direct avec l'évolution de son rôle.226(*) En effet, l'on peut noter
une ouverture de ce contrôle opérée par une multiplication
des normes de référence ou l'extension du bloc de
constitutionnalité. Toute loi qui n'est pas conforme, renchérit
le professeur Philippe Ardant, à l'un des éléments du bloc
de constitutionnalité, à l'un des « principes et
objectifs à valeur constitutionnelle », est contraire à
la Constitution.227(*)
Le Conseil constitutionnel français protège de même les
lois organiques contre les lois ordinaires sans toutefois intégrer
celles-là dans le bloc de constitutionnalité. Il y a violation de
la constitution car celle-ci prévoit la procédure
d'élaboration et de révision d'une loi organique de sorte qu'une
loi ordinaire qui viendrait à opérer une révision d'une
loi organique serait, par ricochet, inconstitutionnelle.
S'agissant du bloc de constitutionnalité qui est la
pierre de touche du mécanisme de contrôle constitutionnel
exercé par le juge, il y a lieu de mentionner que les règlements
des assemblées parlementaires, les traités internationaux et
même les lois référendaires intervenues dans le domaine de
la loi ordinaire n'entrent nullement dans le domaine des normes de
référence.
Toutefois, en sens inverse, il est arrivé au Conseil
constitutionnel de renoncer à la protection des dispositions claires de
la constitution ; en cette occurrence, il admet la promulgation d'une loi
inconstitutionnelle et autorise qu'une loi ordinaire puisse modifier la loi
fondamentale. C'est le cas de l'article 37 de la Constitution française
qui repartit le domaine du règlement d'avec celui de la loi. Le Conseil
a considéré à l'occasion de l'examen de la loi du 30
juillet 1982 sur le blocage des prix que les dispositions de l'article 37
précité n'étaient nullement d'ordre public228(*) c'est-à-dire qu'elles
ne sont point obligatoires.229(*)
L'on peut remarquer l'extension du contrôle quant
à la nature des actes censurés. En effet, il est arrivé au
Conseil constitutionnel d'examiner la loi autorisant la ratification d'un
traité alors qu'avant la révision de 1992, il s'était
toujours refusé de contrôler les traités internationaux.
Par cette voie détournée, il en est arrivé à
contrôler le traité lui-même.230(*)
De même, le Conseil constitutionnel a étendu son
champ de contrôle aux lois déjà promulguées
dès lors qu'une loi nouvelle venait à reprendre certaines de
leurs dispositions. Par ce contrôle indirect, toutes les lois anciennes
relèvent désormais de l'appréciation du Conseil
constitutionnel. Il y a là extension de la portée
théorique du domaine des actes contrôlés.
Une autre technique qui est différente de celle du juge
ordinaire est que le Conseil constitutionnel a la latitude de statuer ultra
petita. Il en est ainsi le cas lorsque saisi de
l'inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi, il lui
arrive de statuer également sur d'autres dispositions qui ne font pas
l'objet de la saisine.
La doctrine a considéré qu'il s'agissait
là d'une autosaisine ou d'une « troisième
lecture » de la loi après celle de deux chambres du
parlement.231(*) Outre
la mobilisation du bloc de constitutionnalité, le Conseil
constitutionnel s'est donné des moyens d'examiner la loi sous tous ses
aspects, soulevant des moyens d'office, appréciant sinon
l'opportunité de la loi du moins l'existence éventuelle d'erreur
manifeste d'appréciation, mais aussi de placer le législateur
sous tutelle en lui imposant des directives interprétatives voire, tout
en le censurant, de lui indiquer la voie pour ne plus encourir ses foudres.
Il a des fois recouru à la technique des
réserves d'interprétation qui consiste à
interpréter le texte de loi déféré en imposant
certaines limites qui, si elles étaient outrepassées,
entacheraient celui-ci d'inconstitutionnalité et le rendraient donc
inapplicable.232(*) Ce
faisant, le juge français n'a fait que reprendre à son profit les
techniques des juges allemand et italien, tout en se refusant de jouer le
rôle de législateur d'appel.233(*)
C'est pourquoi, écrivent Pierre Pactet et Ferdinand
Melin-Soucramanien, il faut considérer le champ du
« constitutionnel » comme un ensemble complexe, comportant
au moins deux niveaux juridiques et associant autour d'un noyau central et
textuel une frange périphérique composée des motivations
à caractère prescriptif introduites dans sa jurisprudence par le
Conseil constitutionnel. Bien entendu ces motivations gardent un
caractère subsidiaire et supplétif. Elles peuvent être
remises en cause par le Conseil lui-même. Elles n'en contribuent pas
moins à l'élargissement du champ ou, si on préfère,
à la mise en place d'une nébuleuse
constitutionnelle.234(*)
Ajoutons pour être complet avec Philippe Ardant que par
la technique de l'erreur manifeste du législateur, le Conseil exerce une
sorte de « contrôle minimum » sur
l'opportunité d'une loi et se permet ainsi de protéger les
citoyens contre les facilités qu'a données au gouvernement
l'existence à l'Assemblée nationale d'une majorité
automatiquement acquise à ses projets et l'absence de ce fait de toute
responsabilité politique.235(*)
Cette liberté que s'est donnée le Conseil
constitutionnel naturellement emporte quelques critiques notamment à
l'occasion des décisions rendues en matière de contestations
électorales. Mais, nous dit Michel de Guillenschmidt, ces critiques
n'ont pas, jusqu'à présent, atteint les fondements de
l'institution. En définitive, et paradoxalement, c'est peut-être,
justement, la nature profondément politique de cet organe original qui
le protège et lie son sort à l'ensemble des
institutions.236(*)
Concluons momentanément que l'exemple français
est un cas unique d'une longue tradition de la souveraineté
parlementaire, comme au Royaume-Uni actuellement, qui s'est muté,
à la faveur de plusieurs facteurs historiques et techniques ci-haut
exposés, en une sorte de juridiction constitutionnelle dont le
caractère politique s'est atténué au profit du
modèle juridictionnel dont l'architecture n'est pas cependant
achevée.
La dernière révision constitutionnelle a
cependant apporté, sans doute, une grande innovation. En effet, aux
dires de M. Jean-Louis Debré, Président du Conseil
constitutionnel, il y encore quelques années, seuls les avocats
spécialistes de droit électoral pouvaient s'intéresser au
Conseil constitutionnel.237(*) Progressivement, le Conseil constitutionnel s'est
affirmé comme le protecteur des droits et libertés
constitutionnellement garantis. Avec la réforme constitutionnelle du 23
juillet 2008 et l'introduction d'un article 61-1 de la Constitution, une
nouvelle ère s'ouvre qui fera entrer les avocats au Conseil
constitutionnel, à condition que ceux-ci fassent entrer le droit
constitutionnel dans leurs cabinets.
La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a
introduit dans la Constitution un nouvel article 61-1 ainsi
rédigé : « Lorsque, à l'occasion d'une instance
en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition
législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de
cette question sur le renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
»
Il est évident que cette réforme a un triple
objectif : - premièrement : elle donne un droit nouveau au citoyen en
lui permettant de faire valoir les droits qu'il tire de la Constitution ; -
deuxièmement, elle permet de purger l'ordre juridique des dispositions
législatives inconstitutionnelles ; cette procédure conduira
à l'abrogation, par le Conseil constitutionnel, des dispositions
contraires à la Constitution. Les décisions produiront un effet
erga omnes qui reste une des spécificités du
contrôle de constitutionnalité français ;-
troisièmement, elle assure la prééminence de la
Constitution dans l'ordre interne. Elle met fin ainsi à une anomalie de
la hiérarchie des normes française qui voulait que la norme
suprême ne puisse pas être invoquée utilement dans une
procédure dès lors qu'une loi faisait « écran
».
L'article 61-1 de la Constitution est mis en oeuvre par la loi
organique du 10 décembre 2009 qui a été
déclarée conforme à la Constitution le 3 décembre
de la même année. En outre, quelques mesures réglementaires
notamment sur la procédure et l'aide juridictionnelle sont
publiées et le Conseil constitutionnel a adopté son
règlement de procédure. L'ensemble de ces textes organisent la
procédure constitutionnelle qui peut naître à l'occasion
d'une instance devant une juridiction judiciaire, civile ou pénale, ou
administrative. Voici les grandes lignes de ce dispositif à trois
étages : - toute personne pourra, à l'occasion d'une instance,
soulever la question tirée de la contrariété de la loi
avec la Constitution. Cette question pourra être soulevée devant
toutes les juridictions à toute étape de la procédure ; -
cette question sera renvoyée au Conseil d'État et à la
Cour de cassation qui s'assureront que les conditions de renvoi sont bien
réunies ; - ces Cours suprêmes transmettront alors la question au
Conseil constitutionnel, seul juge de la constitutionnalité de la
disposition législative, qui pourra l'abroger s'il la juge contraire
à la Constitution.
C'est le lieu ici d'indiquer schématiquement les
apports de la loi organique. Trois points qui paraissent essentiels pour
résumer le contenu législatif de cette loi organique :
premièrement, la loi organique traduit le souci à la fois
d'ouvrir largement ce nouveau droit mais d'empêcher qu'il conduise
à entraver le bon fonctionnement de la justice.
Il y aura bien sûr des tentatives d'utilisation
procédurière de la question de constitutionnalité.
L'expérience étrangère l'a montré. Le
législateur organique était fondé à prendre des
mesures destinées à éviter de satisfaire ceux qui
n'attendent de la question de constitutionnalité qu'un effet dilatoire
sur les procédures. C'est ce qui explique les particularités
procédurales de la question prioritaire de constitutionnalité :
l'obligation qu'elle soit soulevée dans un mémoire distinct et
motivé ou l'interdiction de la soulever devant la Cour d'assises (mais
elle pourra être soulevée avant et après le procès
criminel).
C'est aussi la raison pour laquelle la procédure de la
question prioritaire de constitutionnalité est enfermée dans des
délais : le juge a quo devra statuer « sans
délai » (ce qui signifie « aussi vite que possible ») ;
la Cour de cassation devra dire, dans les trois mois, si elle saisit ou non le
Conseil constitutionnel et, enfin, le Conseil constitutionnel aura,
lui-même, trois mois pour statuer.
Dans sa décision du 3 décembre 2009, le Conseil
constitutionnel a ajouté une précision importante sur ces
délais : le but de ce dispositif est de permettre que la durée
d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité s'impute bien
sur le temps de la procédure et ne se rajoute pas à celui-ci.
Deuxièmement, la loi organique pose le
caractère « prioritaire » de la question de
constitutionnalité. Une question « prioritaire », ce n'est
donc pas une question préjudicielle. Ici, la question de
constitutionnalité est prioritaire. Cette disposition est fondamentale.
Dans l'ordre interne, la Constitution est au sommet de la hiérarchie des
normes. Cette primauté de la Constitution est reconnue par le Conseil
constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation. Cette
primauté du droit constitutionnel s'exerce, bien sûr, à
l'égard du droit communautaire. En conséquence, il n'est
constitutionnellement pas possible que le juge tranche une question
d'incompatibilité avec le droit communautaire avant de s'être
prononcé sur la transmission d'une question de
constitutionnalité.
Dans ce cadre, il est bien sûr possible que tout juge
pose également une question préjudicielle à la Cour de
Luxembourg. C'est même un devoir pour les juridictions statuant en
dernier ressort lorsqu'elles rencontrent les difficultés
d'interprétation dans le droit communautaire. La règle
générale de priorité de la question de
constitutionnalité ne porte que sur l'ordre d'examen des moyens.
Troisièmement, la loi organique fixe les trois
critères qui conditionnent la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité à la Cour de cassation par le juge du fond.
Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité sera transmise
à la Cour de cassation ou au Conseil d'État si trois conditions
sont remplies :
1ère condition : « La
disposition contestée est applicable au litige ou à la
procédure ou constitue le fondement des poursuites ». C'est un
critère assez simple qu'on peut résumer ainsi : si le moyen
d'inconstitutionnalité est inopérant, il n'y a pas lieu de
transmettre.
2ème condition : « La
disposition n'a pas déjà été déclarée
conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une
décision du Conseil constitutionnel sauf changement des circonstances
».
Cela appelle deux observations. Pour nous, une question
particulièrement importante sera : comment savoir si la disposition a
été déjà examinée par le Conseil
constitutionnel ? Cet exercice, avouons-le, est pénible, voire
périlleux tant le tableau exhaustif des déclarations de
conformité n'est pas publié.
Qu'est-ce que le « changement des circonstances
» ? Le Conseil constitutionnel a donné des précisions
dans sa décision du 3 décembre 2009 : il ne doit pas s'agir des
circonstances du cas d'espèce dont le juge est saisi (sinon, toute
affaire nouvelle serait un changement des circonstances et ce critère
serait sans effet). Ce sont les circonstances de droit ou de fait qui affectent
la portée de la disposition législative contestée. On
parle ici des circonstances générales, non des circonstances
particulières.
3ème condition : « La
question n'est pas dépourvue de caractère sérieux
». Ce critère est ce qu'on appelle un standard : ce sera au
juge d'apprécier au cas par cas les questions prioritaires de
constitutionnalité sérieuses et celles qui ne le sont pas. En
tout cas, ce qu'il faut retenir de ce critère, c'est qu'il n'est pas
demandé au juge de procéder à un examen approfondi de la
constitutionnalité : la question à laquelle le juge devra
répondre n'est pas « la disposition législative est-elle
constitutionnelle ? » mais « y a-t-il un doute sur sa
constitutionnalité ? »
L'on peut noter ici que le prétoire est
désormais ouvert aux avocats. Cette question prioritaire de
constitutionnalité est une procédure juridictionnelle
particulière qui vise spécifiquement l'abrogation de la
disposition législative. C'est en quelque sorte un recours
préalable en abrogation. Concrètement, l'avocat
déterminera le choix de soulever ou non le moyen de
constitutionnalité.
Premièrement, le Constituant et le législateur
organique ont fait un choix clairement exprimé : la question prioritaire
est un droit du justiciable et c'est à lui, et à lui seul, de
décider s'il pose ou non une question prioritaire de
constitutionnalité. C'est la raison pour laquelle la loi organique a
interdit au juge de soulever d'office une question prioritaire.
Deuxièmement, la question prioritaire de
constitutionnalité ne sera recevable que si elle est
présentée dans un écrit distinct et motivé. En
droit, il n'y a pas d'assistance ou de représentation obligatoire pour
poser une question prioritaire de constitutionnalité. En fait, cette
procédure est ouverte aux justiciables qui sauront recourir à des
conseils juridiques avisés.
Troisièmement, l'existence concomitante d'une
protection constitutionnelle des droits fondamentaux et d'une protection
conventionnelle, par la Convention européenne des droits de l'homme,
pourra justifier des stratégies procédurales fines : dans
certains cas, en fonction de certains objectifs, l'intérêt du
justiciable sera d'invoquer seulement un moyen de constitutionnalité,
dans d'autres cas, il préfèrera invoquer la Convention
européenne des droits de l'homme. Là encore, le conseil de
l'avocat sera déterminant. Les avocats ont toute leur place dans la
procédure devant le Conseil constitutionnel L'introduction d'un
contrôle de constitutionnalité a posteriori constitue une
avancée majeure pour la protection des droits et libertés. Cette
avancée impliquera de faire toute leur place aux avocats dans la
procédure devant le Conseil constitutionnel. En effet, avec la question
prioritaire de constitutionnalité il y aura un véritable
procès de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel et
une véritable audience publique. C'est le règlement
intérieur du Conseil qui précisera les règles de
procédure. Le Conseil a adopté ce document avant le 1er mars
2010.
En particulier, le Conseil constitutionnel, les parties
pourront ainsi, par l'intermédiaire de leurs avocats, formuler des
observations orales. A partir du 1er mars 2010, le Conseil va donc s'ouvrir
véritablement aux avocats. À tous les avocats : aux avocats
à la Cour comme aux avocats aux Conseils. Il n'y a pas de monopole de
représentation devant le Conseil constitutionnel. C'est aux plus
compétents des avocats de s'imposer.
Le temps où le Conseil constitutionnel était
pour les avocats un organe lointain et un peu mystérieux est
révolu. Les portes du Conseil, comme les portes de tout prétoire,
leur sont ouvertes. Pour le Conseil constitutionnel, c'est une
révolution profonde qui s'opère. Pour les juristes
français de tout bord, ce sont des champs nouveaux de l'argumentation
juridique qui s'ouvrent. Mais l'essentiel est là : pour l'État de
droit, c'est-à-dire pour tous, nul n'en doute, c'est un progrès.
Ce modèle, par mimétisme institutionnel, a
séduit plusieurs nations africaines postcoloniales ; la
République démocratique du Congo dont le système sera plus
loin analysé semble avoir rejoint le peloton d'arrière de cette
armada francophone de suivistes.238(*) Toutefois, il est tentant, à ce niveau
déjà, de relancer le débat français de la
VIème République qui entraînerait, à coup sûr,
une refonte probablement en faveur d'une Cour constitutionnelle.
Ce qui semble être la voie suivie par le Constituant
belge dont le système de justice constitutionnelle mérite de
recevoir les appréciations théoriques dans les lignes qui
suivent.
§2. Belgique239(*)
Le Royaume de Belgique présente un intérêt
historique indéniable lorsqu'il s'agit de la République
démocratique du Congo, car plus d'un siècle d'histoire
commune240(*) ne peut se
solder par pertes et profits sans au départ un inventaire
détaillé des actif et passif communs même au niveau des
institutions de droit.241(*)
En effet, anciennement sous occupation française, la
Belgique n'a pas échappé au légicentrisme de la
métropole qu'elle n'a daigné bousculer que par sa « loi
spéciale de reformes institutionnelles » du 8 août 1980
qui a prévu l'institution d'une Cour d'arbitrage à l'article 107
ter de la Constitution belge telle que révisée à
cette date. La loi du 28 juin 1983 a organisé et précisé
les attributions et le fonctionnement de la Cour d'arbitrage. La
révision constitutionnelle du 15 juillet 1988 et la loi spéciale
du 6 janvier 1989 pour élargir la compétence de cette Cour ont
modifié les textes organiques antérieurs.
Sans doute, le législateur en adoptant les lois, doit
pouvoir les confronter à la Constitution et ainsi il interprète
cette dernière ; mais cette interprétation qui n'est pas
authentique c'est-à-dire définitive, générale et
obligatoire liant les autres pouvoirs dans l'Etat ne revêtira qu'un
caractère incidentiel, limité au cas d'espèce. Le doyen
Francis Delpérée enseigne, du reste, que pareil pouvoir
d'interprétation authentique ne peut et ne doit appartenir qu'au pouvoir
constituant, seul organe habilité à réviser la
Constitution.242(*)
Dans l'ordonnancement juridique belge, la Constitution se
place au sommet de la pyramide des normes, suivie dans l'ordre
hiérarchique de la loi spéciale, la loi ordinaire, le
décret communautaire ou régional adopté à la
majorité spéciale, le décret ordinaire et les ordonnances
des institutions bruxelloises, les arrêtés du pouvoir
exécutif national et des gouvernements de communauté ou de
région, les règlements et les arrêtés provinciaux
et, au pied de l'édifice normatif, les règlements et les
arrêtés communaux.243(*)
L'on peut dire que la doctrine belge, devant le mutisme de la
Constitution elle-même car en effet aucune disposition constitutionnelle
n'autorise ni n'interdit explicitement aux juridictions de vérifier la
constitutionnalité des lois et des décrets, est demeurée
longtemps divisée.
Une frange de cette doctrine a longtemps opiné que le
principe de la séparation des pouvoirs et celui de la
souveraineté de la loi dans son domaine interdisent ce contrôle de
la loi, oeuvre de la représentation nationale. Le risque du gouvernement
des juges, technocrates non élus, qui tiendraient en échec la
volonté générale en faisant prévaloir les
considérations d'opportunité politique. C'est la thèse
classique du légicentrisme.244(*)
Une autre partie de la doctrine réfute, à
raison, cette argumentation et justifie la juridiction
constitutionnelle.245(*)
Cependant, il importe de constater que, fort longtemps, les juridictions
suprêmes belges ne furent convaincues. Jusqu'en 1974, elles ont, par leur
jurisprudence, refusé tout contrôle de constitutionnalité
des lois.
La Cour de cassation belge en son arrêt du 3 mai 1974 a
confirmé sa traditionnelle position de refus de tout contrôle des
lois. Le Conseil d'Etat de son côté ne semble guère fournir
un seul cas de contrôle de constitutionnalité des lois même
si toutefois le contrôle en ce qui est des arrêtés et des
règlements se retrouvent dans le champ du contrôle des cours et
tribunaux qui se fondent alors sur le prescrit de l'article 159 de la
Constitution belge pour refuser d'appliquer lesdits arrêtés et
règlements non conformes à la Constitution. Quant au Conseil
d'Etat, le recours habile à l'article 14 des lois coordonnées du
12 janvier 1973 justifie en son chef le pouvoir d'annuler lesdits textes
lorsqu'ils ne sont pas conformes à la Constitution.246(*)
Notons, en passant, que la section de législation du
Conseil d'Etat belge exerce un contrôle préventif des lois par
voie d'avis. Il s'agit, à n'en point douter, d'une compétence non
juridictionnelle.
La reconnaissance d'une pluralité des
législateurs national, communautaire ou régional et communal, par
le biais de la révision constitutionnelle a justifié logiquement
la nécessité d'instituer un juge apte à trancher les
nombreux conflits de compétence dont la section des conflits du Conseil
d'Etat était jadis chargée mais en matière des lois et des
décrets des anciens conseils culturels seulement.247(*)
Quant à son statut, il sied de constater que son
fonctionnement est régi actuellement par la loi du 6 janvier 1989 qui
intègre les dispositions antérieures relatives à cette
Cour dont la place spécifique dans le système institutionnel
belge est située hors de trois pouvoirs traditionnels de
l'Etat.248(*) La Cour
est ainsi une juridiction spécialisée et compétente pour
statuer sur la compatibilité des actes législatifs avec la
Constitution et certaines lois votées en vertu de celle-ci. Il s'agit
toutefois d'une juridiction constitutionnelle à compétence
limitée même si de l'interprétation extensive de sa propre
compétence il ressort que la Cour d'arbitrage s'est affranchie de
facto des limites constitutionnelles qui la rendaient inapte à
contrôler toutes les dispositions constitutionnelles.
Mais pour formaliser, le législateur spécial est
attendu sur ce terrain pour transformer cette Cour en juridiction
constitutionnelle à part entière. Il s'agit du système
centralisé qui est l'émanation du modèle kelsénien.
En effet, la Cour n'est compétente qu'en ce qui concerne le
contrôle des lois, décrets et ordonnances qui violent les
règles de répartition de compétence entre l'Etat, les
communautés et les régions ou qui méconnaissent les
articles 10, 11 et 24 de la Constitution portant respectivement sur
l'égalité devant la loi et la liberté d'enseignement.
Quant à sa composition, il importe de noter que la Cour
est composée de douze (12) membres dont six d'expression
française et six autres d'expression néerlandaise. Les juges sont
nommés à vie par le Roi sur une liste double
présentée alternativement par le Sénat et la Chambre des
représentants et adoptée à la majorité de deux
tiers des membres du parlement présents.249(*)
L'origine des juges se situe au Conseil d'Etat, à la
Cour de cassation, à la Cour d'arbitrage même en qualité de
référendaire, ou dans l'enseignement du droit en qualité
de professeur pendant au moins cinq ans. Les anciens parlementaires, ayant
siégé pendant au moins cinq ans, à la chambre des
représentants ou au sénat ou même aux conseils
communautaires ou régionaux, peuvent être nommés à
la Cour ; il se passera que finalement la Cour compte autant des
magistrats professionnels que d'anciens parlementaires.
La Cour comporte deux présidents élus par chacun
de deux groupes linguistiques et qui assument la présidence de la Cour
à tour de rôle et pour une année civile. Notons aussi que
les juges sont assistés par quatorze référendaires
nommés par la Cour à la suite d'un concours effectué au
voeu des articles 38 à 39 de la loi spéciale du 6 janvier 1989
prérappelée. Les candidats doivent être âgés
d'au moins quarante ans.
Comme l'observe Rusen Ergec, il s'agit d'équilibres et
des dosages subtils alliant des considérations de
légitimité, de représentativité et de
qualifications professionnelles250(*).
Il importe de rappeler que, quant à sa
compétence ratione materiae, au départ, la Cour avait
reçu compétence du législateur spécial de 1983 de
trancher les conflits de compétence entre l'Etat et ses
collectivités constituantes, sur pied de l'article 1er
paragraphe premier de la loi du 28 juin 1983 déjà citée.
Il lui sera reconnu la compétence depuis 1989 de connaître des
atteintes au principe d'égalité et de non-discrimination tel que
porté aux articles 10 et 11 de la Constitution et à la
liberté d'enseignement telle que garantie à l'article 24 de la
même Constitution. Les autres droits fondamentaux ne font pas partie
formellement de la censure de la Cour et de ce fait, ne sont nullement
protégés par elle.251(*)
Cette affirmation du doyen Favoreu a subi un fort
tempérament du fait que depuis le 7 mai 2007, la Cour constitutionnelle,
nouvelle appellation de la Cour d'arbitrage, s'est vue confier la
compétence de contrôler les lois, décrets et ordonnances au
regard du titre II de la Constitution belge(articles 8 à 32 relatifs aux
droits et libertés des Belges) ainsi que des articles 170 et
172(légalité et égalité des impôts) et
191(protection des étrangers).252(*)
La procédure devant la Cour d'arbitrage est non
seulement écrite mais elle est également contradictoire. Elle
siège en chambre restreinte de sept membres. Usant d'un mécanisme
de filtrage des recours institués par la loi spéciale de 1989
susmentionnée, la Cour peut, à l'initiative de deux juges
rapporteurs, en une de ses chambres composée de ces rapporteurs et du
Président, déclarer que la procédure est irrecevable ou
qu'elle est incompétente quant à la question préjudicielle
qui lui aurait été soumise ou renvoyée, ou même
qu'elle le serait à l'égard d'un recours en annulation qui serait
formé devant elle.
Il s'est néanmoins posé la question capitale,
à nos yeux, de la compatibilité des exigences de l'article 6 de
la Convention européenne des droits de l'homme avec la loi
spéciale sur la procédure applicable devant la Cour d'arbitrage
en ce, notamment, qu'il n'est pas fait reproche au parlementaire qui a
siégé lors de l'adoption d'une loi querellée devant la
Cour de délibérer plus tard comme juge constitutionnel.
Qu'à cela ne tienne, il est utile de noter que
relativement à la compétence, la Cour d'arbitrage dispose de deux
types d'attributions. Elle est juge de constitutionnalité des actes
législatifs et aussi celui de questions préjudicielles ;
dans cette occurrence, il s'exerce un contrôle abstrait lorsqu'il s'agit
du contentieux d'annulation des actes législatifs et un contrôle
concret dans le cas de l'examen des questions préjudicielles.
Le droit belge présente ainsi la particularité
que la Cour constitutionnelle est compétente tant à
l'égard des règles de répartition des compétences
entre l'Etat, les communautés et les régions qu'à
l'endroit de droits fondamentaux garantis aux articles 10 et 11 de la
Constitution c'est-à-dire le principe d'égalité et de non
discrimination des Belges.
A cet égard, la Cour agit comme gardienne
juridictionnelle du pacte fédéral. Une interprétation
extensive a inclus les droits et libertés portés par les
traités253(*)
internationaux directement applicables dans l'ordre interne belge ainsi que
tous les droits fondamentaux tant qu'ils sont reconnus à tous les
belges.
Notons en passant que seuls le Conseil des ministres et le
gouvernement des communautés et des régions sont habilités
à saisir la Cour en annulation. Les présidents des
assemblées législatives nationales, communautaires et
régionales, à la demande de deux tiers de leurs membres, peuvent
également saisir la Cour. Pour ces autorités, aucun
intérêt ne doit être excipé, il est de plein droit.
La doctrine a même parlé de l'intérêt
fonctionnel.254(*)
De même, il est utile de noter qu'au-delà de
l'interprétation souple de la notion d'intérêt, il est
arrivé à la Cour constitutionnelle belge de recevoir les
requêtes émanant des personnes privées, physiques ou
morales, justifiant d'un intérêt. Le recours restait ouvert tant
en ce qui concerne les règles répartitrices des
compétences entre les entités composantes et l'Etat qu'en ce qui
concerne les libertés fondamentales à la condition que la
violation de la norme répartitrice de compétence ait enfreint un
droit subjectif du requérant.
Dans cette occurrence, un délai de six mois suivant la
publication de l'acte législatif querellé constitue le dies
ad quem du recours en annulation. Toutefois, un nouveau délai de
six mois est ouvert lorsque, statuant sur question préjudicielle, la
Cour a déclaré un acte législatif non conforme aux
règles de partage de compétences entre l'Etat et ses
entités composantes ou même aux articles 10, 11 et 24 de la
Constitution.
Les arrêts de la Cour ont l'autorité absolue de
la chose jugée dès leur publication au Moniteur belge.
L'annulation ainsi prononcée opère erga omnes et ex
tunc. La Cour est habilitée à limiter les effets de
l'annulation dans le temps, tout comme elle peut annuler un acte
législatif en entier ou en partie ; les arrêts de rejet
d'annulation sont obligatoires à l'égard des juridictions avec le
même effet erga omnes.
Il arrive aussi, et c'est l'une des compétences de la
Cour constitutionnelle belge, que le requérant sollicite la suspension
de la norme dont l'annulation est poursuivie. Ceci peut se dérouler dans
la même requête ou dans une requête distincte. Lorsque la
Cour provisoirement a examiné la recevabilité de la susdite
requête, elle peut ordonner la suspension de la norme suspectée
pour une durée maximale de trois mois endéans laquelle elle devra
se prononcer quant au fond de la demande d'annulation.
Deux conditions cumulatives doivent être réunies
pour qu'à titre exceptionnel soit accordée la suspension
sollicitée. Il faut présenter de moyens sérieux
d'annulation et démontrer que l'exécution provisoire de la norme
suspectée est de nature à créer un préjudice grave
difficilement réparable.
Au-delà du pouvoir discrétionnaire dont jouit la
Cour à ce niveau, il sied de penser que le juge constitutionnel belge
procède à un préjugé, ce qui peut poser,
théoriquement, la question de la fiabilité d'une décision
prise par un juge qui a déjà opiné implicitement. C'est la
sempiternelle question des décisions interlocutoires.
Il est de droit que la Cour belge tranche aussi les questions
préjudicielles qui lui sont posées par les parties ou d'office
par les autres juridictions devant lesquelles elles ont été
posées. Le système centralisé belge favorise d'ailleurs le
développement des questions préjudicielles qui sont par
définition des négations de compétence des juridictions
non constitutionnelles. Ainsi donc, tous les organes juridictionnels sont tenus
de poser la question préjudicielle à la Cour.
Un tel système dont le risque d'engorgement est
prévisible est néanmoins tempéré par quatre cas
où le législateur spécial belge a érigé des
exceptions au renvoi préjudiciel dont nous venions de dire qu'il
était obligatoire pour les juges inférieurs ; ces cas sont
les suivants :
1° Il s'agit du cas où l'action est irrecevable
pour des motifs de procédure tirés des normes ne faisant pas
elle-même l'objet de la demande de question préjudicielle. L'on
pense ainsi aussi aux irrecevabilités qui seraient liées à
la tardiveté, au non accomplissement des formalités de
procédure qui empêcheraient de toute façon la Cour à
examiner le bien fondé de la question préjudicielle qui lui
serait soumise.
2° Il est admis que le juge ne devrait pas renvoyer
devant la Cour une question préjudicielle qui aurait déjà
fait l'objet d'un examen précédent. C'est la logique juridique
fondée sur l'adage non bis in idem qui interdit en effet le
réexamen par un juge quel qu'il soit d'une question qu'il aurait par
ailleurs déjà tranchée.
3° Le juge qui estime que la solution à
réserver à la question préjudicielle ne serait pas de
nature à l'aider à résoudre le litige principal n'est pas
tenu de déférer cette question au juge constitutionnel belge.
Cette exception est évidemment un tempérament sérieux au
caractère centralisé de la justice constitutionnelle belge ;
en effet, ce pouvoir d'appréciation de tout juge confie indirectement
à ce dernier une portion de la compétence du juge constitutionnel
au point qu'une frange de la doctrine l'a qualifié
« d'insécurité juridique ».255(*)
4° Le juge peut estimer que la norme querellée
devant lui ne viole pas manifestement les règles dont la Cour assure le
respect. Les remarques faites au tertio ci-haut s'appliquent de même ici
avec la vigueur. Rusen Ergec note à cet effet que « la non
application de trois (dernières) exceptions à la Cour de
cassation et au Conseil d'Etat a pour effet de les astreindre à une
obligation excessivement rigide et, selon lui, difficilement
justifiable.256(*)
Cette critique, à notre avis, n'est pas non plus
justifiée car en effet, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat
jouant, dans un système de dualité d'ordre des juridictions, le
rôle de cours régulatrices de la jurisprudence des juridictions
inférieures de chacun de leurs ordres, il ne serait pas logique du point
de vue de la cohérence de l'ordre juridique belge qu'il y ait
concurrence des jurisprudences « constitutionnelles » de la
Cour constitutionnelle d'avec celle du Conseil d'Etat ou de la Cour de
cassation. Le renvoi préjudiciel obligatoire évacue ce risque.
Michel Fromont conclut de belle manière que « la justice
constitutionnelle n'est jamais concentrée »
c'est-à-dire que les juridictions ordinaires ne sont pas totalement
dépourvues de compétences constitutionnelles.257(*)
Au demeurant, les arrêts rendus sur renvoi de question
préjudicielle n'ont que l'autorité relative de chose jugée
même si ils s'imposent à la juridiction de renvoi et à tout
juge qui serait appelé à statuer sur la même question ou
sur un litige analogue. Francis Delpérée n'a pas
hésité, à raison, d'y voir une troisième
catégorie d'autorité de la chose jugée qu'il a
qualifiée d'autorité relative renforcée.258(*)
L'on doit à la vérité d'observer que le
système de filtrage prévu par la loi spéciale de 1989 est
de nature à rendre l'accès au juge constitutionnel belge assez
difficile pour tout particulier. Evidemment, les avantages techniques sont
légion dans la mesure où la Cour peut sereinement se concentrer
sur les seuls recours « sérieux ».
Dans cette perspective, en effet, tout recours ou toute
question préjudicielle renvoyée devant la Cour est d'abord
examiné par une chambre restreinte composée du Président
et de deux rapporteurs.
Cette chambre peut lors dudit examen aboutir à
l'irrecevabilité du recours, auquel cas elle met fin adit recours
à son niveau, ou au non fondement du recours introduit devant la Cour,
dans ce cas, seule la Cour rejettera ledit recours en sa formation
plénière.259(*)
En analysant les statistiques aujourd'hui vieillottes de Louis
Favoreu, nous ne pouvons que conclure avec lui en opinant
que « la justice constitutionnelle belge joue désormais
un rôle essentiel dans le système politique et juridique
belge ». 260(*)
§3. Allemagne
Parler de l'Allemagne, c'est plus précisément
parler de la République fédérale d'Allemagne qui a
établi une juridiction constitutionnelle depuis la Loi fondamentale du 8
mai 1949. L'intérêt à attacher à l'étude de
l'ordre juridictionnel constitutionnel allemand est évident pour une
jeune nation en voie de démocratisation comme la République
démocratique du Congo.
Au sortir des affres de la seconde guerre mondiale,
l'Allemagne post-hitlérienne ne pouvait et n'a pu qu'adopter le
modèle Kelsenien de la justice constitutionnelle. D'abord, par effet de
mode de l'Occident post conflit, mais aussi et surtout par
nécessité de rechercher un mécanisme susceptible d'enrayer
voire de conjurer définitivement les grosses dérives totalitaires
dont le peuple allemand a payé le tribut le plus lourd.
L'idéologie nationale-socialiste du Führer devrait
être évacuée par la loi du 12 mars 1951 qui établit
la Cour constitutionnelle allemande. Elle commencera son fonctionnement
réel en septembre 1951. De 1947 à 1955, à l'exception des
Lander de Schleswig-Holstein et de Berlin, des Cours constitutionnelles furent
établies dans tout le pays. Cinq nouvelles Cours ont été
établies dans les Lander de l'ex-Allemagne de l'Est.261(*)
L'on sait que la Cour constitutionnelle allemande se compose
de seize membres repartis entre deux chambres appelées également
« sénats » de huit membres chacune.
Trois juges de chaque chambre doivent être des juges
fédéraux c'est-à-dire des juges ayant exercé
pendant trois ans au moins au sein de cinq juridictions supérieures
suivantes : la Cour de cassation, le Tribunal administratif
fédéral, la Cour fédérale suprême en
matière fiscale, le Tribunal fédéral du travail et la Cour
fédérale d'arbitrage fédéral. Ce qui donne un
chiffre de six juges sur seize.
Les dix autres juges d'autres chambres doivent être
désignés parmi les personnes âgées de plus de
quarante ans et ayant les diplômes requis pour exercer les fonctions de
magistrat.262(*)
Il est donc entendu que ces magistrats sont recrutés
parmi les personnalités politiques ou universitaires ayant
effectué les deux examens de droit c'est-à-dire possédant
outre la licence, un doctorat en droit.
La moitié des membres de la Cour constitutionnelle
fédérale est élue par le Bundestag, l'autre moitié
par le Bundesrat263(*).
L'on peut noter que ces désignations qui ont un caractère
politique manifeste se font néanmoins sur la base des listes
dressées par le ministère de la justice et qui comportent les
noms des magistrats fédéraux remplissant les conditions requises
ainsi que ceux des postulants qui sont proposés par un groupe
parlementaire du Bundestag, le gouvernement fédéral et les
gouvernements des Lander. Les deux chambres du parlement choisissent selon
diverses modalités dans les listes ainsi présentées mais
à la majorité de deux tiers.
Dans les faits, enseigne Jean Gicquel, l'on assiste à
une répartition du droit de nomination entre les partis.264(*) Louis Favoreu, quant
à lui, opine que la répartition des sièges se fait en
réalité après accord entre les deux grands partis (C.D.U.
et S.P.D.).265(*) L'on
observe une présence massive des professeurs de droit et des avocats
parmi les juges de la Cour constitutionnelle allemande.
Les juges sont désignés pour un mandat de douze
ans mais la limite d'âge est fixée à soixante-huit ans
révolus. Ce mandat n'est pas renouvelable. Chaque juge est élu
pour siéger dans l'une ou l'autre chambre de la Cour et sans permutation
possible. Le président et le vice-président président,
chacun, une chambre. Chacune des chambres joue un rôle spécifique.
Michel Fromont et André Rieg n'ont pas hésité de qualifier
ces deux chambres de « deux tribunaux
distincts ».266(*) La Cour jouit de l'autonomie administrative et
financière ; elle ne dépend guère du ministère
de la justice pour son personnel de même qu'elle dispose d'un budget
autonome. Selon la tradition allemande rapportée par M. Béguin,
la Cour a son siège à Karlsruhe car les juridictions
suprêmes ne siégent pas dans la même ville que les
assemblées et le Gouvernement.267(*)
S'agissant de la procédure suivie devant la Cour, il
est utile d'indiquer qu'il y est fait recours tant aux règles de
procédure civile que celles de procédure pénale de
même que celles issues du règlement intérieur de la Cour et
cela, malgré la loi du 12 mars 1951 telle que modifiée à
ce jour régissant la procédure à suivre devant la Cour. En
effet, cette loi ne pose que des principes généraux. Ainsi la
procédure est orale et écrite cependant depuis 1963 il n'y a pas
d'audience orale si toutes les parties y ont renoncé. Chaque chambre
siège à six juges au moins.
Lorsqu'il s'agit de la déclaration
d'inconstitutionnalité d'un parti politique, la chambre statue à
la majorité des deux tiers des juges présents tandis que pour les
autres matières, la majorité simple des juges présents
suffit. La possibilité de publier des opinions dissidentes et même
le détail des votes reste ouverte aux auteurs de ces opinions. Par
ailleurs, des sections sont fonctionnelles au sein de ces deux chambres et
siégent à trois juges notamment dans le contentieux de recours
constitutionnels directs.268(*)
Avec Jean Gicquel, remarquons que la Cour siège, de
manière exceptionnelle, en plenum, lorsqu'une chambre entend
procéder à un revirement de jurisprudence. Notons que chaque Land
dispose d'une Cour constitutionnelle, ce qui a pour conséquence que les
juristes sont particulièrement sollicités en Allemagne dont on
prétend au demeurant que la langue est la langue juridique par
excellence.269(*)
Il est classique de présenter les chefs de
compétence de la Cour constitutionnelle allemande en trois
branches : la défense de l'ordre constitutionnel, la défense
de la répartition des compétences entre les pouvoirs publics et
la défense du principe de constitutionnalité. Dans le
détail, remarquons que la Cour est un tribunal électoral d'appel.
Elle dispose en effet de l'aptitude à examiner les recours formés
par ceux dont l'élection est contestée par le Bundestag dans le
délai d'un mois, par un électeur dont la demande aura
été rejetée par le Bundestag mais à condition que
se joignent à lui cent autres électeurs.
La Cour exerce de même la fonction de Haute Cour de
justice c'est-à-dire de tribunal répressif. Cette fonction
s'exerce en effet sur la mise en accusation du Président de la
République fédérale par le Bundestag ou le Bundesrat pour
violation volontaire de la loi fondamentale ou d'une autre loi
fédérale. Elle est également compétente pour
statuer en matière de prise à partie des juges
fédéraux. La pratique n'indique aucun cas d'application de ce
chef de compétence.
Dans ce contexte, la Cour peut de même
déchoir de ses droits fondamentaux « quiconque
mésuse de la liberté d'expression notamment de la liberté
de la presse, de la liberté d'enseignement, de la liberté de
réunion, de la liberté d'association, du secret de
correspondance, de la poste et des télécommunications, de la
propriété ou du droit d'asile pour lutter contre la
liberté et la démocratie ».270(*)
Et cela, à la demande du Gouvernement
fédéral, du Bundestag ou du gouvernement d'un Land. A la demande
de ces autorités et du Bundesrat, la Cour peut interdire un parti
politique pour violation des principes de la Loi fondamentale.271(*)
En tant que cour fédérale, elle statue
sur les litiges opposant la Fédération et les Lander ainsi que
les Lander entre eux.272(*)
La Cour tranche les conflits entre organes
constitutionnels de la Fédération aux termes de la
Constitution.273(*)
Là, il s'agit de préciser que par organes constitutionnels, la
Cour entend non seulement le Président de la fédération,
le gouvernement fédéral, les deux chambres mais également,
dans certaines hypothèses, les groupes parlementaires, les
députés et les partis politiques. Par ailleurs, le
différend à trancher doit être réel et porter sur
l'interprétation d'une ou de plusieurs dispositions constitutionnelles
à un cas concret. Ce recours doit être introduit dans le
délai de six mois à dater de la survenance du
différend.
La Cour exerce un contrôle de la qualité et
du sens des normes lorsque, sur demande d'une autorité publique ou
d'une juridiction, elle se prononce sur la question de savoir si un texte
antérieur à la Constitution dont l'application est
sollicitée est encore en vigueur comme droit fédéral ou
droit des Lander. 274(*)
Le juge peut saisir la Cour constitutionnelle lorsqu'il
éprouve des « doutes sur la question de savoir si une
règle de droit international fait partie du droit fédéral
et si elle crée directement des droits et des devoirs pour les
particuliers ».
Enfin, si la Cour constitutionnelle d'un Land, lors de
l'interprétation de la loi fondamentale, veut déroger à
une décision de la Cour constitutionnelle fédérale ou de
la Cour constitutionnelle d'un autre Land, elle doit soumettre la question
à la décision du Tribunal constitutionnel
fédéral ». 275(*)
La Cour constitutionnelle allemande apprécie les
recours constitutionnels des particuliers formés contre les lois, les
actes administratifs et les jugements. En effet, aux termes de l'article 93
§1, alinéa 4a de la Loi fondamentale allemande telle que
révisée le 29 janvier 1969, « quiconque estime avoir
été lésé par les pouvoirs publics dans un de ses
droits fondamentaux » peut introduire un recours constitutionnel.
La formule constitutionnelle de « pouvoirs
publics » étant expressément large, elle englobe
manifestement les expressions normatives de l'Etat telles que les lois, les
actes administratifs réglementaires ou individuels et les jugements
rendus par les cours et tribunaux. Et même les traités, nous dit
Jean Gicquel.276(*)
Ceci s'explique par le fait que les juristes allemands sont
très attachés à la notion d'Etat de droit formulée
par eux dès 1860 et dont ils font découler les grands principes
de droit constitutionnel : séparation des pouvoirs,
hiérarchie des normes, droits fondamentaux des individus,
non-rétroactivité des lois et des actes administratifs.277(*)
Dans l'examen de ces recours constitutionnels, la Cour
allemande joue le rôle de cour administrative et de super Cour de
cassation. Par ce biais, en effet, la Cour uniformise le droit allemand car
elle casse généralement les décisions rendues par les
juridictions fédérales suprêmes.
S'agissant du contrôle de constitutionnalité des
lois et des traités, il importe de noter que celui s'exerce a priori
et a posteriori. Le contrôle préventif s'exerce sur
la loi d'approbation d'un traité qui doit être
déférée à la Cour constitutionnelle avant sa
promulgation, sur le refus de promulguer la loi opposé par le Chef de
l'Etat : à cette occasion, un organe constitutionnel en
désaccord avec ce refus soumet la loi à promulguer à la
censure du juge constitutionnel qui a ainsi le prétexte de l'examiner
avant de se prononcer sur le refus de la promulguer ; de même,
l'entrée en vigueur d'une loi peut être retardée
jusqu'à l'arrêt de la Cour constitutionnelle si celle-ci a
suspendu son exécution par une ordonnance provisoire.
En revanche, le contrôle a posteriori s'exerce
de trois manières suivantes :
1° Le contrôle abstrait des normes peut être
déclenché contre une loi fédérale par le
gouvernement d'un Land ou un tiers des membres du Bundestag. Il s'effectue
contre toutes les catégories des lois y compris les lois
constitutionnelles tant du point de la forme que du fond. Le droit allemand
autorise le requérant non seulement à solliciter l'annulation de
la norme suspectée d'inconstitutionnalité mais aussi de demander
la confirmation de la susdite norme et dans ce cas, de solliciter son
application par l'autorité gouvernementale ou administrative. 278(*)
2° Le contrôle concret des normes sur renvoi des
tribunaux. Avant 1956, seuls les tribunaux supérieurs pouvaient renvoyer
devant la Cour constitutionnelle la question préjudicielle de la
constitutionnalité. Depuis la reforme du 2 août 1993, une section
de trois juges peut déclarer un renvoi irrecevable.279(*)
Il faut noter au demeurant que le renvoi n'est possible que
pour les lois postérieures à la Constitution, celles
adoptées avant cette dernière pouvant être
appréciées par tout tribunal saisi de la question sauf si elles
ont été modifiées après l'entrée en vigueur
de la Constitution auquel cas elles sont assimilées aux lois nouvelles.
Cependant, il sied de remarquer que le renvoi
opéré par le juge allemand se fait sans tenir compte des
conclusions des parties de même que la Cour constitutionnelle n'est pas
limitée dans sa saisine à la disposition dont le juge de fond
demande l'annulation. La décision de la Cour a effet erga omnes
et doit être publiée au Journal Officiel.
3°Le recours constitutionnel à l'initiative des
particuliers s'exerce si une atteinte aux droits du requérant vient
directement de la loi mais cela endéans un an à dater de
l'entrée en vigueur de la loi. Si l'atteinte provient de
l'exécution de la loi par le juge ou par l'administration, le
délai est de un mois à dater de la notification au
requérant mais après épuisement des voies des recours
ordinaires.
Il y a cependant, dit Louis Favoreu, assouplissement à
la règle de l'épuisement des voies de droit ordinaires lorsque
l'on sait à l'avance que le recours a peu de chances d'aboutir ou bien
«quand il s'agit d'une question d'intérêt
général ou si le demandeur devait subir un préjudice grave
et inévitable s'il était renvoyé aux juges de droit
commun ».280(*)
L'on peut simplement retenir que le requérant doit
avoir été lésé dans l'un de ses droits fondamentaux
énumérés dans les premiers articles de la Constitution ou
aux articles 20, alinéa 4, 33, 38, 101, 103 et 104.
Cette énumération n'est pas limitative pour la
Cour qui considère en effet que « les droits fondamentaux forment
un ordre juridique objectif qui doit être interprété non
comme une série des garanties ponctuelles, mais comme un système
cohérent et complet de valeurs qui vise à la protection de la
dignité de la personne humaine et à son libre
développement ». 281(*)
Ce qui fait dire à Jean Gicquel que « la Cour
a grandement favorisé le règne du droit, achevant sur ce point
capital, une tendance qui s'esquissait déjà sous Weimar à
juridiciser les problèmes politiques ».282(*)
La doctrine nous apprend que la Cour constitutionnelle n'est
pas tenue de statuer quant au fond des recours qui lui sont soumis. Elle
dispose d'un pouvoir discrétionnaire quant au tri à opérer
sur certains cas lorsqu'elle réalise qu'il est nécessaire de
faire évoluer le droit constitutionnel.
En outre, les conclusions des requérants ne lient
guère la Cour qui reste maîtresse de soulever même d'office
l'inconstitutionnalité de la loi dès lors que le litige qui lui
est déféré par voie de recours contre un acte
administratif ou juridictionnel suppose l'application d'une telle loi. Elle
peut enfin prendre ex officio une ordonnance provisoire de suspension
de la loi.
La déclaration ou même la constatation de
l'inconstitutionnalité de la loi amène inéluctablement
à son annulation. Mais devant les effets pervers de l'annulation de la
loi déférée devant elle, la Cour a recours à des
méthodes qui tendent à tempérer les effets de
l'annulation. L'annulation étant rétroactive ou ex tunc,
les effets pervers sont légion lorsqu'il s'agit d'une loi en vigueur
depuis des décennies et ayant entraîné dans son sillage
plusieurs actes secondaires dont l'annulation subséquente
entraînerait sans coup férir un immense chaos dans
l'ordonnancement juridique.
Aussi, la loi sur la Cour constitutionnelle corrige-t-elle
déjà en disposant qu'à l'exception des jugements en
matière pénale qui peuvent donner lieu à
réouverture des procès, « les décisions qui sont
fondées sur une norme déclarée nulle... mais qui ne
peuvent plus faire l'objet d'une contestation,
subsistent... ».283(*)
En revanche, la Cour a mis au point une autre technique
dite d'annulation partielle qualitative qui consiste à
déclarer la loi déférée nulle seulement en ce qui
concerne telle situation et pas telles autres.
Elle utilise de même la technique de
l'interprétation conforme qui consiste à maintenir la loi
censurée en vigueur mais à condition que son
interprétation soit conforme à celle donnée par le juge
constitutionnel.
Il y a au demeurant possibilité de recours à
la déclaration d'inconstitutionnalité sans annulation
subséquente lorsqu'il y a atteinte au principe
d'égalité ou à un autre droit fondamental en
corrélation avec le principe d'égalité.
Enfin, la dernière technique est celle de
l'annulation différée par laquelle la Cour n'annule pas
la loi mais la frappe de précarité en indiquant au
législateur qu'elle n'est plus que provisoirement constitutionnelle pour
les raisons précisées dans les motifs et lui fait donc injonction
de modifier la loi en lui fixant parfois un délai précis. Il
s'agit en effet du cas où la loi est devenue inconstitutionnelle par le
fait de l'évolution des faits ou du droit alors qu'à l'origine
elle était parfaitement édictée.
Après ce bref survol de l'état du droit en
République fédérale d'Allemagne, l'on peut affirmer
qu'au-delà même de l'Etat de droit il y a l'Etat des
juges.284(*) Autant dire
que la Cour est en prise permanente avec l'exercice du pouvoir. Elle y est
parfaitement intégrée, à la
vérité.285(*)
La toute puissance de la Cour allemande a été,
en doctrine, dénoncée, mais il faut remarquer qu'en pratique la
protection des droits fondamentaux et l'uniformité de
l'interprétation qui s'acquière par le biais notamment de recours
constitutionnels à l'initiative des particuliers donnent de l'Allemagne
une image excellente en matière de protection des droits de l'homme.
La critique paraît dénuée de tout
fondement tant il est évident qu'avec le fonctionnement de la coalition
majoritaire CDU-SPD, tout contrôle parlementaire devient aléatoire
et illusoire et « la disparition en pratique de la
responsabilité parlementaire- du fait même de cette coalition
majoritaire gouvernementale- du Gouvernement fait que la Cour constitutionnelle
fédérale sera amenée de plus en plus à assumer
cette fonction afin de garantir un contrôle effectif du
Gouvernement ».286(*)
Aussi, se place-t-elle parmi les Etats en avant-garde de
l'Etat de droit. En effet, ici comme ailleurs, les droits fondamentaux ont pris
un essor considérable au point d'être considérés non
seulement comme des droits invocables contre l'Etat mais aussi et surtout comme
un système cohérent des valeurs s'imposant à tout
producteur normatif : législateur, administrateur ou juge.
L'explication finale pourrait être trouvée dans
l'adage populaire : « chat échaudé craint l'eau
froide... ». La crainte du retour aux années du national
socialisme nazi est-elle la même pour la Russie ?
§4. L'exemple
récent de la Russie
La doctrine moderne tend à classer la Cour
constitutionnelle russe parmi le modèle d'apparition récente en
Europe de l'Est et en Afrique ou encore au sein du droit constitutionnel de la
transition dans ce pays.287(*)
L'immense fédération de Russie, le plus grand
pays du monde en superficie, soit 17.075 000 km2 s'étendant sur onze
fuseaux horaires, pour une population de 150 millions d'habitants, est
composée de 89 « sujets », à l'autonomie plus
ou moins développée : 21 républiques, 6 territoires
(Krai), 49 régions (Oblast), 2 villes d'importance
fédérale (Moscou et Saint Petersbourg), 1 région
autonome juive (Birobidjan) et 10 districts autonomes. Chacun de ces
« sujets » dispose d'institutions politiques propres avec
un organe à compétence législative locale et un
exécutif : gouverneur ou autres.288(*)
Pays-phare de l'ex-URSS, la Russie ne peut être
étudiée au mépris de son histoire politique qui est fort
remarquable. Il faut seulement noter relativement au sujet qui nous occupe
qu'à l'époque de l'ex-Union soviétique, l'article 121 de
la Constitution du 4 novembre 1977 confiait à l'instance
législative nationale la compétence de veiller au respect de la
constitution. En revanche, l'article 125 du texte issu de la révision
constitutionnelle du 1er décembre 1988 a établi un
comité de surveillance constitutionnelle.
Du fait que le contrôle ainsi instauré est
simplement politique, il y a lieu de voir dans l'institution d'une Cour
constitutionnelle une véritable novation car le centralisme
démocratique qui caractérisait les institutions de
l'ex-Union soviétique interdisait justement toute efficacité de
contrôle ; de même qu'il est aberrant de voir en ces
mécanismes autre chose qu'un droit constitutionnel
décoratif ou en tout cas établi pour de raisons purement
idéologiques.
D'où la vielle querelle de dogmatiques d'avec les
pragmatiques.289(*)
Qu'à cela ne tienne, il importe simplement de voir qu'ils étaient
tous d'accord sur les bases de la société et discutaient
plutôt sur la méthode à suivre pour faire advenir le
Grand soir. Dans une telle atmosphère
délétère, la justice constitutionnelle joue plutôt
le rôle ingrat d'authentification des décisions des organes
dirigeants du Parti communiste.
La constitution de la Russie approuvée par
référendum du 12 décembre 1993 institue une Cour
constitutionnelle. Pour bien montrer qu'une nouvelle ère a
été entamée, dit Michel de Guillenschmidt, les auteurs de
la Constitution de 1993 se sont montrés soucieux de se
référer aux principes sur lesquels repose le fonctionnement des
démocraties occidentales. 290(*) Par rapport aux différents passés de
la Russie, ce texte constitue donc une indéniable novation,
renchérit le doyen de Paris V.291(*)
La Cour est composée de 19 juges nommés par le
Conseil de la Fédération sur proposition du Président de
la fédération de Russie.292(*) Ils sont donc élus à la
majorité absolue. Elle a été créée le 7
février 1995 et ses membres jouissent d'un mandat de douze ans non
renouvelable. Le président de la Cour est également élu au
vote secret par ses pairs pour un mandat de trois ans renouvelable. Les juges
doivent être âgés d'au moins 40 ans et au maximum, de 70
ans.
Le juge à la Cour doit vérifier des
qualités suivantes pour être nommé : il doit
être un citoyen de réputation irréprochable, avoir une
formation juridique supérieure, jouir d'une expérience
professionnelle de 15 ans et témoignant d'une haute qualification dans
le domaine du droit.293(*)
Elle est compétente, sur demande du Président de
la fédération de Russie, du conseil de la
fédération, de la Douma d'Etat, du gouvernement de la
fédération de Russie, d'un cinquième des membres du
Conseil de la fédération ou des députés à la
Douma d'Etat, de la Cour suprême et de la Cour d'arbitrage de la
fédération de Russie, des organes des pouvoirs législatif
et exécutif des sujets de la fédération de
Russie :
1° pour statuer sur la conformité à la
Constitution des lois fédérales, des actes normatifs du
Président de la fédération de Russie, du Conseil de la
fédération, de la Douma d'Etat, du gouvernement de la
fédération de Russie ;
2° pour apprécier la conformité à la
Constitution des constitutions des républiques et des traités
internationaux de la fédération de Russie non encore
entrés en vigueur ;
3° pour régler les conflits de compétence
entre les organes du pouvoir de la fédération de Russie et les
organes du pouvoir d'Etat des sujets de la fédération de
Russie ;
4° pour statuer, à la demande des tribunaux, sur
les recours relatifs à la violation des droits et libertés
constitutionnels des citoyens et aboutir ainsi à la vérification
dans un cas concret de la constitutionnalité d'une loi appliquée
ou applicable ;
5° pour interpréter la Constitution
fédérale et ce, sur requête du Président de la
fédération de Russie, du gouvernement de la
fédération de Russie, des organes du pouvoir législatif de
sujets de la fédération de Russie.
Quant aux effets des arrêts de la Cour
constitutionnelle, il importe de signaler que les actes reconnus non-conformes
à la Constitution cessent de produire des effets juridiques alors que
s'agissant de traités internationaux reconnus tels, ils n'entrent point
en vigueur et ne peuvent être donc appliqués.
Dans la mise en cause de la responsabilité
pénale du Chef de l'Etat pour haute trahison ou commission de toute
autre infraction grave, l'avis de la Cour est sollicité par le
Conseil de la Fédération.
Dotée, comme on le voit, de pouvoirs constitutionnels
importants, la Cour n'est pas le seul garant du fédéralisme
russe ; il faut prendre en compte les pouvoirs spécifiques du
Président de la Fédération de Russie et l'existence du
Conseil de la Fédération qui représente les sujets.
Concernant le Président de la fédération
de Russie, il peut, en cas de litige opposant le pouvoir fédéral
à un ou plusieurs sujets, procéder à une conciliation ou
à défaut, saisir les tribunaux. Mais au cas où les actes
des organes du pouvoir exécutif des sujets sont contraires à la
constitution et aux lois fédérales, aux obligations
internationales de la Fédération ou violent les droits et
libertés de l'homme et du citoyen, le Président de la Russie a le
droit d'en suspendre les effets jusqu'à la décision des
tribunaux.
Quant au Conseil de la fédération, bien qu'il
n'ait pas des pouvoirs étendus comme la Douma d'Etat, il dispose, du
fait qu'il ne peut être dissout car représentant de sujets de la
Fédération de Russie, d'une partie du pouvoir constituant
dérivé.
Il faut reconnaître cependant que depuis l'an 2000, avec
l'accession au pouvoir de M. Vladimir Poutine, la Cour constitutionnelle dont
les arrêts et avis n'étaient guère respectés a
été systématiquement invitée à trancher les
conflits de compétence et elle l'a fait, avoue le doyen Michel de
Guillenschmidt, souvent dans le sens de la restauration d'un Etat
fédéral fort.294(*)
En termes conclusifs, il sied de noter que la Russie a fait un
géant bond en avant en matière d'érection d'un Etat de
droit. Non seulement qu'elle se qualifie ainsi à l'article
1er de sa Constitution, désavouant, par là, le credo
communiste antérieur qui justifiait doctrinalement le régime en
le qualifiant aussi de démocratique, mais aussi et surtout elle
procède à un énoncé aussi long que fastidieux des
libertés et droits reconnus aux citoyens : 54 articles sont
consacrés à cette proclamation.
Déjà en 1999, le maître de la Sorbonne
opinait que sous la présidence du professeur Toumanov, la nouvelle Cour
qui a déjà rendu plusieurs arrêts semble faire preuve de
qualités.295(*)
Le survol même savant des cours constitutionnelles du monde entier, comme
l'a tenté, avec un européocentrisme muet, Michel Fromont, ne peut
être opératoire dans un travail de cette ampleur que si le
chercheur relève les traits caractéristiques de chacun des
modèles afin de rendre aisé le travail du comparatiste et
finalement même celui de tout juriste qui se pose des questions
essentielles sur le contrôle des actes des autorités
suprêmes de l'Etat.296(*)
Comme on l'aura vu, en filigrane, il ne s'est agi que des
modèles qui épousent le tempérament de chaque peuple
confirmant par là qu'une institution n'a de fondement solide que dans le
mental du peuple qui est à la fois le créateur et le destinataire
final de toutes choses dans la société.297(*)
Par l'étude des traits caractéristiques d'un
système, l'on tente généralement de théoriser les
modèles qui s'appliquent dans le monde et, de ce fait, d'en indiquer la
parenté génétique qui demeure le souci fondamental de
l'homme de se protéger contre les oppressions de toutes sortes et
surtout lorsqu'elles sont le fait des puissants.298(*)
Voyons à présent ce qui en est des traits
doctrinaux de la justice constitutionnelle.
CHAPITRE II :
LES
TRAITS DU CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL
Après un long survol de quelques pays symbolisant l'un
ou l'autre modèle de la justice constitutionnelle dans le monde, il nous
paraît utile, à ce niveau de l'étude, de brosser les traits
saillants de chacun de ces deux prototypes pour voir plus tard si il est
possible de créer un autre modèle ou tout simplement accommoder
les données techniques de ceux qui existent aux ambitions d'une Cour
constitutionnelle véritablement congolaise.
Commençons par ce qui caractérise le
modèle américain qui est premier dans le temps avant de voir dans
une section seconde ce qu'il en est du modèle européen.
Section 1 : LES
CARACTERISTIQUES DU MODELE AMERICAIN
Le modèle américain que nous avons
étudié au travers de sa version originale et des avatars auxquels
il a donné naissance peut se saisir en effet de façon analytique
par les caractéristiques que nous aborderons dans chacun des paragraphes
suivants.
§1. Le contrôle
diffus
Cette caractéristique qui est essentielle montre bien
que le modèle américain est décentralisé dans la
mesure où tout juge américain peut statuer sur la
constitutionnalité d'une norme inférieure à la
Constitution.
Les questions de droit constitutionnel299(*) sont
considérées comme des questions relevant de la compétence
de n'importe quel juge quelle que soit sa place dans la hiérarchie
judiciaire. La justice constitutionnelle est diffuse ou
décentralisée. 300(*)
Dans le cas des Etats-Unis d'Amérique, les voies de
recours sont celles de la common law ou celles
d'equity ; si les premières sont nombreuses celles de
l'equity peuvent également soulever des questions incidentes de
droit constitutionnel.301(*)
Il existe cependant une seule voie de droit de l'equity
qui peut donner lieu directement à une contestation de la
constitutionnalité d'une loi, il s'agit de la demande d'injonction de ne
pas exécuter une loi qui n'est pas conforme. Le juge ne tranche la
question de constitutionnalité qu'à la condition que la solution
du litige principal dépende de cet incident.
Le juge garde toutefois la latitude de se prononcer en deux
directions : il peut écarter l'application de la loi ou de l'acte
administratif inconstitutionnel ou bien l'appliquer en lui donnant un sens qui
soit conforme à la Constitution. Les voies de recours cependant peuvent
faire qu'enfin de compte seule la Cour suprême sera à même
de trancher de façon définitive la question de
constitutionnalité, les décisions des juges inférieurs
n'étant valables qu'inter partes.302(*)
Par le jeu de la règle du précédent, les
jugements de la haute Cour bien qu'inter partes elles aussi finiront par avoir
une autorité absolue de chose jugée vis-à-vis de tous. Il
faut ajouter tout de suite cependant que la règle du
précédent ne bénéficie qu'aux cours
supérieures, les juridictions inférieures elles-mêmes
étant souvent timides pour trancher les questions de droit
constitutionnel. 303(*)
En outre, le recours spécifique du pourvoi en
certiorari qui ressemble à notre pourvoi en cassation donne
toujours la possibilité à la Cour suprême de trancher la
question de droit constitutionnel qui lui est soumise.304(*)
En dehors du cas des Etats-Unis d'Amérique, il y a le
cas des autres pays de la common law qui ont adopté le
même système diffus de justice constitutionnelle. Tel est le cas
du Canada où cependant le plaideur dispose du droit à solliciter
réparation pécuniaire d'une loi inconstitutionnelle devant la
juridiction suprême. D'autres variantes existent de même en Inde
qui reconnaît des compétences de première instance à
la Cour suprême pour les questions de conflits entre la
Fédération et les Etats membres ou entre ceux-ci
seulement.305(*)
Il faut souligner que même dans certains pays de droit
romaniste, il est reconnu le droit de contrôle de la
constitutionnalité par voie d'incident aux juridictions ordinaires.
C'est le cas de l'Allemagne dont nous avons vu ci-haut qu'elle dispose d'une
Cour constitutionnelle à compétences très étendues.
Là aussi, le juge ordinaire jouit d'un pouvoir de
contrôle incident pour vérifier la constitutionnalité de
certaines lois, celles antérieures à l'entrée en vigueur
de la Loi fondamentale soit le 23 mai 1949.306(*)
L'on peut désormais affirmer que le caractère
diffus de la justice constitutionnelle de type américain reste la
règle même si de plus en plus il est remarqué une
centralisation du contrôle qui a abouti par exemple, aux Etats-Unis
d'Amérique au phénomène selon lequel la Cour suprême
impose le respect de la Constitution, interprétée par elle, au
législateur fédéral (Marbury versus Madison en 1803), ou
fédéré (Fletcher versus Peck en 1810) ainsi qu'à
toutes les autorités administratives, locales ou nationales y compris la
plus prestigieuse : le Président des Etats-Unis(US versus Richard
Nixon en 1974).307(*)
Il s'agit, à n'en point douter, d'une des
caractéristiques fondamentales du système de justice
constitutionnelle de type américain. Mais elle n'est pas la seule ainsi
que nous le verrons à propos de l'étude d'autres traits saillants
du même modèle.
§2. Le contrôle a
posteriori
Ainsi que nous le verrons plus loin à propos de la
séparation des pouvoirs dont l'application semble être stricte
dans la conception américaine du droit, il est plus que logique que le
contrôle de constitutionnalité dans ce modèle soit a
posteriori. En effet, censurer une loi en chantier participerait, dans
cette logique, de l'exercice du pouvoir législatif confié par la
Constitution fédérale au seul Congrès et aux
législatures des Etats.
Cette caractéristique n'est pas exclusive de la justice
constitutionnelle de type américain car en effet, il est de ces
juridictions constitutionnelles d'autres types qui pratiquent aussi le
contrôle a posteriori. En termes plus clairs, c'est plutôt
le contrôle préalable des lois qui est ignoré dans ce
système.
Sur ce trait de la justice constitutionnelle, il y a lieu
d'observer que, sous ce rapport, même le droit constitutionnel
juridictionnel français marque un conservatisme foncier qui traduit
historiquement la volonté affichée de ne pas censurer la loi,
expression de la volonté générale ou celle de la Nation.
Dans le dernier rapport Balladur sur la modernisation et le
rééquilibrage des institutions de la Ve République,
l'option est levée timidement en la seule faveur de l'exception de
constitutionnalité qu'il faudrait par ailleurs enchâsser dans des
techniques de renvoi par des juridictions suprêmes de l'ordre
administratif ou de l'ordre judiciaire et uniquement en ce qui est de la
violation des droits et libertés des citoyens.308(*)
Dès lors, le type américain, étant
fondé sur la technique de l'exception d'inconstitutionnalité,
semble trouver son fondement logique et technique dans le contrôle a
posteriori car il s'agit, en fait, de faire évincer une disposition
législative ou réglementaire existant dans l'arsenal juridique de
l'Etat mais qui transgresse un droit fondamental ou une liberté
publique.
Au demeurant, ce trait semble s'accommoder avec le
caractère diffus de la justice constitutionnelle du type sous examen
puisque le contrôle étant confié à tout juge ou
à plusieurs juges, il est acquis que ce contrôle aussi
décentralisé ne peut s'exercer qu'a posteriori,
étant entendu que le contrôle abstrait et préalable ne se
conçoit que devant un juge spécialisé, ce qui est
l'apanage du modèle kelsenien.
Il faut toutefois affirmer que cette caractéristique
n'est pas essentielle car dans le modèle américain il existe des
avatars qui admettent le contrôle postérieur à la
promulgation de la loi. C'est le cas, on l'a vu, du système
brésilien. De l'étude du modèle tout entier, il revient
que finalement sa configuration se dessine après l'abord de tous ses
éléments constitutifs et non pas à l'analyse d'un seul
caractère. Aussi, abordons-nous ici l'étude du contrôle par
voie d'exception.
§3. Le contrôle par
voie d'exception
Dans cette expression devenue familière et à la
fois polysémique, le terme technique est celui d'exception309(*). Polysémique en
effet, le terme « exception » peut vouloir signifier
étymologiquement ce qui est hors de prise (ex capere). Elle
peut échapper à la règle en demeurant en marge de celle-ci
sans l'affecter directement ; elle tient une place à coté de
la règle mais lui reste en principe étrangère.
Dans un second sens, l'exception est intégrée
dans la règle et prend deux formes : soit l'alternative
(dualité de solutions prévue par la règle), soit la
dérogation (l'autorité censée appliquer la règle
l'écarte sur la base des motifs qu'elle apprécie- telles
l'urgence ou la nécessité- et détermine une solution
originale ignorée du texte). Dans un troisième sens enfin,
l'exception peut mettre en échec la règle qui ne prévoit
ni alternative ni dérogation. La règle est violée :
l'acte accède au rang d'exception à condition que des
justifications puissantes viennent en quelque sorte pardonner la soustraction,
devenue simple écart, simple tempérament de la norme.310(*)
Ces développements de François Saint-Bonnet,
fort riches du point de vue de la philosophie de droit, ne présentent
qu'un menu intérêt pour ce qui est de la justice
constitutionnelle. En effet, si le premier sens donné par cet auteur
à la notion d'exception semble cadrer avec l'usage qui en est fait en
contentieux constitutionnel, il faut remarquer cependant que cette expression
est empruntée au droit judiciaire qui lui donne un sens fort technique
et donc très strict.
Michel de Villiers définit l'exception
d'inconstitutionnalité qui donne lieu à la caractéristique
sous étude comme « une technique procédurale par
laquelle une partie à un procès oppose à son adversaire la
non-conformité à la Constitution de la loi invoquée contre
lui. Si le juge admet l'exception, la loi n'est pas invalidée mais
déclarée inapplicable à
l'espèce ».311(*)
Cette définition qui est correcte du point de vue du
droit constitutionnel présente le défaut de ne pas
détailler en quoi consiste cette technique procédurale car dans
une instance plusieurs moyens de défense sont à la disposition du
défendeur qui peut ainsi en les soulevant faire échec à la
demande. Aussi, du point de vue du contentieux constitutionnel, l'exception
ainsi visée s'entend d'une fin de non-recevoir
c'est-à-dire d'une défense en justice liée à une
prétention qui empêche le juge de statuer sur le fond de cette
prétention jusqu'à ce qu'elle soit vidée par un juge
compétent.312(*)
C'est cela que l'on nomme également une question
préjudicielle car elle conteste la compétence du juge saisi de
vider la totalité des questions soumises à son examen.
Après ce toilettage conceptuel, il sied de voir que
dans le modèle américain fondé sur les litiges concrets,
la question de constitutionnalité ne peut être résolue que
par voie d'exception sous réserve des détails fort utiles que
nous avons relevés à l'occasion de l'étude des quelques
dérivés du modèle sous analyse.
La technique d'exception d'inconstitutionnalité
s'entend également d'une obligation faite au juge ordinaire qui doute de
la constitutionnalité d'une loi et parfois d'une autre règle de
droit de surseoir à statuer sur le litige à trancher et de saisir
la cour spéciale de la question de la constitutionnalité de la
loi : c'est la procédure de contrôle concret de la
constitutionnalité des lois.313(*)
L'on peut affirmer, en outre, que l'exception constitue la
meilleure manière de faire trancher une difficulté
constitutionnelle par un juge mais à la condition que cette
dernière ait un lien évident avec l'issue du litige principal. Et
ce qui distingue ainsi l'exception dans le modèle américain sous
étude d'avec la même notion dans les autres modèles, c'est
qu'elle peut être résolue par le juge devant lequel elle est
soulevée.
Techniquement, l'exception ainsi soulevée prend la
nature juridique d'une question préalable314(*) plutôt que d'une
question préjudicielle315(*) comme c'est le cas dans le modèle
européen que nous analyserons dans la seconde section de ce chapitre.
Comme nous le verrons dans les sections suivantes, le
modèle américain est caractérisé par
l'autorité relative de la chose jugée qui s'attache presque
automatiquement à toute décision judiciaire rendue entre parties.
Mais par le jeu des voies de recours exercées contre la décision
ainsi rendue, il arrive finalement que la Cour suprême des Etats-Unis
tranche de manière à mettre fin à la querelle ou à
la controverse constitutionnelle. L'autorité ou le prestige de cette
haute juridiction et sa place dans le paysage constitutionnel et politique
américain rendent en fin de comptes l'autorité relative de la
chose jugée comme un dogme dépassé car aucune autre
juridiction ni aucun pouvoir public ne peuvent ignorer l'existence d'un
arrêt de cette juridiction. Ceci n'édulcore pas cependant le
caractère concret de ce contrôle dont l'analyse s'impose ici.
§4. Le contrôle
concret316(*)
Cette caractéristique est fondamentale dans le
modèle américain. Dans ce modèle, en effet, le
contrôle concret des normes s'entend de l'obligation faite au juge
ordinaire qui statue sur un litige quelconque d'apprécier la
constitutionnalité d'une loi invoquée par une des parties au
procès. Ici le contrôle s'exerce sur la loi au moment de son
application. Pour ne parler que des Etats-Unis qui sont la matrice du
modèle sous examen, l'on peut observer que la Cour suprême est
également une juridiction d'appel de toutes les juridictions
américaines pour les questions de conformité à la
constitution317(*).
Dans ce système, il est presque absurde de poser la
question de constitutionnalité à un juge en dehors de tout litige
comme c'est le cas de la saisine ouverte à quelques autorités
publiques contre une loi. Il s'agit le plus souvent de faire trancher par le
juge une querelle d'interprétation d'une loi qui est, ne l'oublions pas,
l'expression d'une majorité politique. Le système
américain ignore le contrôle des lois on the face
c'est-à-dire dans l'abstrait.
Il importe de voir que dans ce modèle même, il
est permis à chaque plaideur qui justifie d'un intérêt
personnel et quelques fois collectif (class action) de saisir le juge.
Dans tous les cas, il faut noter que le juge saisi du litige qui donne lieu
à l'exception d'inconstitutionnalité ne tranche la susdite
exception que dans la mesure stricte où cela est nécessaire pour
la solution du litige.
Ainsi les incidents d'inconstitutionnalité dont la
solution du litige ne dépendrait pas seraient purement et simplement
rejetés. Il faut mais il suffit que la solution du litige dépende
de la question de constitutionnalité de la loi à y appliquer.
Ceci est capital.
L'on n'oubliera pas que la décision du juge est
toujours et déjà erga partes de telle sorte que la
solution ainsi apportée au litige n'aura guère l'effet de
l'invalidation de la loi. Celle-ci peut très bien continuer à
être appliquée devant le même juge et à d'autres
parties.
Cet effet radical de la relativité des effets de la
décision judiciaire doit être sérieusement
tempéré par la prise en compte de la règle du
précédent qui caractérise également la justice aux
Etats-Unis d'Amérique.
La règle du précédent (stare
decisis) bénéficie à toutes les cours
supérieures et notamment à la Cour suprême318(*). Dans ces conditions, il est
évident que les juges inférieurs auront bien du mal à
ignorer la décision de la haute cour sous prétexte qu'elle
n'aurait qu'un effet relatif aux seules parties. 319(*)
Cette considération nous amène à
étudier plus en détails l'autorité de la chose
jugée dans le modèle américain.
§5. L'autorité
relative de la chose jugée
Cette notion qui est un emprunt au droit judiciaire a le sens
doctrinal précis que lui donne notamment Antoine RUBBENS. Tout jugement,
dès son prononcé, a l'autorité de la chose jugée
c'est-à-dire que le dispositif du jugement doit être tenu pour une
vérité légale par tous.
Cependant, dans certaines matières de droit
privé, cette vérité n'est pas opposable aux tiers entendus
ici comme les personnes qui n'ont pas été parties au
procès. Il est entendu également que l'autorité de la
chose jugée est relative en ce sens que les parties peuvent renoncer
à l'invoquer et que les tribunaux ne peuvent l'invoquer
d'office.320(*)
La doctrine enseigne également qu'aussi longtemps qu'un
jugement est susceptible d'être attaqué par voie de recours
ordinaires, l'autorité de la chose jugée est
précaire ; ce n'est que lorsque les délais d'appel sont
écoulés que le jugement est irrévocablement coulé
en force de chose jugée.
Au plan substantiel, enseigne Francis Kernaleguen, le jugement
bénéficie d'une présomption de vérité en ce
sens que ce qui a été jugé doit être tenu pour vrai
(res judicata pro veritate habetur) : vérité
légale à vrai dire, en ce sens qu'il s'agit de rendre
indiscutable une solution afin d'éviter une remise en cause incessante
et une précarité insupportable321(*). C'est tout simplement une question de
sécurité juridique.
L'autorité de la chose jugée présente
tout d'abord un aspect négatif : une prétention
épuisée par un jugement ne peut être soumise à
nouveau devant une juridiction au risque de subir la fin de non recevoir
tirée de la chose jugée. Cette fin de non-recevoir interdit de
recommencer un procès qui serait exactement identique ;
l'autorité de la chose jugée est relative,
elle « n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait
l'objet du jugement... »322(*)
La célèbre règle de triple
identité d'objet, de cause et des parties agissant en les mêmes
qualités s'applique ici. Aussi, l'autorité de la chose
jugée n'a-t-elle d'effet qu'entre parties et leurs ayants droit
universels ou à titre universel et à l'égard de tous ceux
qui ont été représentés.
Pourtant, il est classiquement affirmé que, par
exception, l'autorité de la chose jugée peut devenir absolue et,
de ce fait, s'imposer aux tiers eux-mêmes. Cette exception serait
justifiée par la nature de la décision ou par celle du
contentieux : auraient autorité absolue de chose jugée les
décisions constitutives, créatrices de situations juridiques
nouvelles, ou les décisions rendues en matière de contentieux
objectif.323(*)
L'aspect positif de l'autorité de la chose
jugée, c'est que le jugement peut être invoqué comme un
acquis devant un second juge. Ici, il n'est plus question de la règle de
triple identité. Non seulement la procédure s'en trouve
accélérée mais aussi le risque de
contrariété entre les décisions successives est
écarté.
Tous ces développements procéduraux ont
été utiles dans le seul but de rendre intelligible la notion
d'autorité de la chose jugée. En droit américain
cependant, il a été suffisamment dit que la décision
rendue entre parties a l'autorité de la chose jugée en ce qui les
concerne et sur le point de droit jugé par le tribunal. C'est l'effet
erga partes de l'autorité de la chose jugée.
Il faut noter cependant que l'existence dans ce système
de la règle du précédent annihile cet effet relatif pour
transformer la décision d'inconstitutionnalité rendue sur un
litige concret en une norme opposable à tous, sauf au constituant qui
peut la renverser. Ceci est valable pour le modèle américain
originel et même pour ses avatars qui produisent cependant des nuances
qui ont été soulignées ailleurs.
Ce modèle, né du tempérament d'un peuple
pragmatique et peu enclin à la réflexion
théorique324(*),
n'a pas recueilli les suffrages des peuples d'Europe qui ont inventé un
autre système dont l'étude s'impose.
Section 2 : LES
CARACTERES DU MODELE EUROPEEN
Il s'agit d'analyser ici les caractéristiques
essentielles du modèle kelsenien de la justice constitutionnelle ou
modèle européen. Le trait primordial est l'existence d'un juge
spécialisé ou centralisé.
§1. Le contrôle
centralisé
A la différence du système américain du
contrôle de constitutionnalité des lois, le modèle
européen n'est pas né du silence des textes et de la pratique. Il
est le produit du travail théorique d'un brillant esprit
juridique : Hans Kelsen. C'est lui qui, le premier, s'est efforcé
à fonder, en raison pure, le la garantie juridictionnelle de la
Constitution.
Ce n'est pas le lieu d'exposer la théorie de Hans
Kelsen dont les applications ont donné lieu à l'émergence
du modèle sous étude. L'on peut retenir simplement que pour cet
auteur, l'ordre juridique est « un édifice à plusieurs
étages ou couches de normes juridiques ».325(*)
Autrement dit, explique Dominique Rousseau, une règle
n'a pas en elle-même et de manière isolée une valeur
juridique ; elle n'acquiert une telle qualité que dans la mesure
où elle peut être mise en rapport avec une autre norme, qui
elle-même est dans une relation identique avec une norme
supérieure, qui elle-même...etc. ainsi, la nature juridique
résulte de son insertion dans un ensemble hiérarchisé, de
la connexion entre elles des différentes couches des
règles ; tout se tient par un système particulier de
communication où la règle supérieure transmet sa
validité à la norme inférieure - qui ne sera juridique que
si elle peut être imputée à la norme supérieure- et
qui à son tour, transmet et fonde la validité de la norme qui lui
est subordonnée. 326(*)
Dans un tel système intégré et
fermé sur lui-même, la validité de la loi est logiquement
en dépendance étroite avec la Constitution, clef de voûte
de la théorie kelsenienne. Pour assurer cette validité ultime
sans laquelle la pyramide s'effondre, le contrôle de
constitutionnalité s'impose ainsi à la raison humaine.
Dès lors, notre auteur était confronté au
problème non moins théorique de l'organisation de ce
contrôle de la constitutionnalité. Il a eu le choix entre le
contrôle remis à tous les juges ou à une instance unique,
nous apprend Charles Eisenmann.327(*)
Il a opté pour la création d'une instance unique
qui présente essentiellement un double avantage : celui
d'éviter les divergences d'interprétations constitutionnelles
susceptibles de naître du travail des juridictions diverses ; une
juridiction unique permet de donner immédiatement « une
vérité constitutionnelle » et assure, d'emblée,
l'unité jurisprudentielle. Et, en second lieu, ce modèle
épure de la pyramide toutes impuretés normatives qui seraient
décelées. Il n'est pas question de l'existence même de
manière discrète d'une loi dont la non-conformité aura
été déclarée ; elle sera censée n'avoir
jamais exister. Ces implications que nous analyserons bientôt ont, aux
dires de Charles Eisenmann qui passe pour le plus fidèle et le plus
éminent disciple du maître de Vienne, « un lien sinon
nécessaire, du moins naturel ».328(*)
C'est ce modèle qui a d'abord séduit le pays de
son auteur, l'Autriche, qui l'adopta dans sa Constitution du 1er
octobre 1920, et ensuite le reste de l'Europe occidentale, à l'exception
de la Grèce. 329(*)
Une fois que la centralisation du juge constitutionnel a
été fondée en raison et ses implications pratiques que
sont la contestation de la loi par voie d'action, in abstracto,
donnant lieu à l'autorité absolue de la chose jugée
s'imposant erga omnes ont été soulignées, il
reste à étudier la possibilité qu'offre le modèle
kelsenien de quereller la loi avant son existence juridique. C'est le
contrôle préalable ou a priori.
§2. Le contrôle a
priori
Le contrôle préalable est l'une des
caractéristiques essentielles du modèle européen car il
procède de l'idée qu'aujourd'hui, l'Etat n'est plus simplement
défini comme un ensemble d'autorités publiques, mais
également comme un système hiérarchisé de
règles de droit. Ce contrôle est abstrait dans la mesure où
il est initié par les autorités publiques soucieuses de
défendre l'intérêt général et non par des
personnes privées enclines à défendre des droits
subjectifs ; de même, la solution du litige ne fait cas d'aucune
situation particulière.330(*)
La doctrine enseigne que le contrôle préalable
peut emprunter deux formes selon qu'il est exercé avant ou après
la promulgation de la loi. Il sera dès lors ou antérieur ou
postérieur à la loi et avec deux significations
différentes : avant la promulgation, le contrôle
préalable antérieur s'analyse en une étape de formation de
la règle de droit. Il possède, en outre, un lien étroit
avec le contentieux de fonctionnement des pouvoirs publics. Le contentieux des
libertés se trouve relégué au second plan.
En revanche, le contrôle abstrait postérieur
à l'entrée en vigueur de la loi peut s'analyser en un contentieux
des valeurs constitutionnelles.331(*) C'est l'apanage des personnes privées ainsi
que de la minorité politique qui n'a pas pu ou su renverser la machine
de la majorité lors de l'adoption de la loi querellée.
L'on doit à la vérité de dire que le
contrôle préalable abstrait est plutôt rare. L'on le
rencontre en France alors que le contrôle abstrait postérieur se
retrouve en Autriche, en Allemagne, en Espagne et même en Belgique sous
réserve des détails qui ont été exposés plus
haut. La France, avec son contrôle abstrait antérieur a fait des
émules dans le monde, en l'occurrence la Roumanie, la Pologne et la
Hongrie sans compter les nombreux pays francophones d'Afrique noire.
L'on peut également noter que le contrôle
préalable des traités et accords internationaux est plus
répandu que celui des lois. En effet, dans les pays connaissant la
justice constitutionnelle spécialisée de type européen, il
est logique, dit Michel Fromont, que ce contrôle soit effectif car c'est
le seul moyen de concilier le caractère irrévocable des
engagements de l'Etat avec la nécessité d'organiser le
contrôle de leur compatibilité avec la Constitution.332(*)
Le contrôle préalable présente l'avantage
technique qu'il ne laisse pas l'ordonnancement juridique s'infecter d'une
inconstitutionnalité avant de la voir expurger plus tard. Une nuance de
taille s'impose au demeurant.
En effet, dès l'adoption, la loi a une existence
juridique certaine et une obligatoriété qui ne saurait
être niée, la promulgation par le Chef de l'Etat ne faisant que
certifier de l'existence de la loi de même qu'elle donne l'ordre à
l'Administration de l'exécuter.333(*)
De ce point de vue, la classification désormais
traditionnelle du contrôle préalable pose problème à
moins de dire que la norme juridique n'entre en vigueur et n'existe qu'à
partir de la promulgation. Or, l'on ne peut promulguer que ce qui existe
déjà pour le porter à la fois à la connaissance des
citoyens et en ordonner l'exécution.
A tout considérer, le contrôle a priori
est une donnée du modèle européen originel car les avatars
ont adopté quelques fois des contrôles postérieurs ;
le contrôle par voie d'action est également un trait saillant du
modèle sous étude qu'il faut analyser ici.
§3. Le contrôle par
voie d'action
Sans qu'il soit besoin ici de longs développements sur
la notion d'action que le contentieux constitutionnel emprunte comme celle
d'exception, vue ci haut, au droit judiciaire, il importe de dire simplement
que l'action sous le rapport qui nous intéresse est « le
pouvoir reconnu aux sujets de droit de s'adresser à la justice pour
obtenir le respect de leurs droits ou de leurs intérêts
légitimes »334(*)
Il s'agit ici de l'action qu'un plaideur serait amené
à introduire en justice en matière constitutionnelle et plus
précisément en matière de constitutionnalité des
lois qui est, on l'a vu, la donne fondamentale du contentieux constitutionnel.
Le modèle européen dans l'ensemble se fonde
entre autres sur la protection des droits fondamentaux des citoyens. Dès
lors, il paraît logique que dans un tel système il soit admis
qu'un plaideur ait la possibilité de saisir le juge et de contester par
voie juridictionnelle une loi qui heurte des libertés garanties au
citoyen plaideur par la Constitution.
Dans la diversification de ce prototype juridictionnel, l'on
peut relever cependant qu'il est des constitutions qui n'ont ouvert la saisine
qu'à certaines personnes publiques sans cependant altérer ce
trait saillant du type européen. Le système est logique dans la
mesure où il ne peut à la fois permettre la censure des lois par
voie d'action et refuser la censure de mêmes actes dans l'abstrait
c'est-à-dire préalablement à tout litige.
En effet, le contrôle abstrait que nous verrons dans le
paragraphe suivant n'est rien d'autre qu'une modalité de contrôle
a priori dans la mesure où il s'exerce avant tout le litige
concret mais surtout il est postérieur à l'existence des
normes dans l'ordonnancement juridique.
§4. Le contrôle
abstrait
Ainsi que nous l'avons vu plus loin, le contrôle
abstrait peut être antérieur ou postérieur aux normes.
Lorsqu'il est antérieur aux normes, il peut se résoudre en une
étape dans l'élaboration technique de la loi, en revanche, il
constituera un véritable contrôle des lois lorsqu'il s'effectuera
après que la loi a été promulguée.
Michel Fromont nous prévient déjà que le
contrôle abstrait et donc objectif « reste très
fortement marqué par ses origines, à savoir la volonté de
trouver un arbitre entre les organes ou les collectivités d'un
même Etat ».335(*) Voilà pourquoi, renchérit-il, le
contrôle abstrait et objectif le plus vieux est-il celui du contentieux
entre pouvoirs ou collectivités publics. A ce jour, s'ajoute le
contentieux des normes.
Dans ce cadre, il n'est pas inutile de remarquer que le
contrôle abstrait adopté dans le modèle kelsenien est
voué, au départ, à régler les conflits entre les
organes constitutionnels ou même parfois à les prévenir
notamment lorsque le juge constitutionnel est appelé à
émettre des avis qui politiquement vident un germe de
conflictualité. Il est même possible que le juge constitutionnel
reçoive des attributions en matière administrative mais
orientées toutes à prévenir des conflits entre les organes
constitutionnels.
Ainsi le contentieux électoral est-il rangé au
sein du contrôle abstrait car en effet lorsque le juge constitutionnel a
reçu de la Constitution l'attribution de vérifier la
régularité de l'élection de certains titulaires des
mandats électifs, en réalité il doit exercer son
contrôle de conformité à la Constitution, à la loi
organisant les élections ainsi que parfois aux règlements
d'application. Le caractère abstrait se voit uniquement lorsque l'on
observe qu'il s'agit d'un débat sur un statut prévu par la
Loi fondamentale.336(*) Il en est de même du contentieux de la
régularité de la détention des mandats publics surtout
électifs.
Le contentieux de la régularité des
activités des organes constitutionnels constitue, aux yeux de la
doctrine, le second type du contentieux entre pouvoirs publics. Il peut s'agir
d'un conflit de compétences entre organes constitutionnels. C'est le cas
par exemple, en France, du conflit possible entre le pouvoir législatif
et le pouvoir réglementaire337(*).
Il peut également s'agir d'un conflit de
compétences entre organes techniquement égaux comme c'est le cas
en Allemagne ou même en République sud-africaine.338(*) Il convient de noter avec
Michel Fromont que « malgré le fait que le conflit oppose deux
organes placés souvent sur un pied d'égalité, il ne
déclenche nullement un contentieux subjectif : chacun des organes
fait valoir son statut constitutionnel et non pas sa
situation personnelle ».339(*)
Il faut ajouter ici que le contentieux
référendaire en ce qu'il concerne la validité de la
votation populaire ou même parfois de l'initiative populaire
relève, sans aucun doute, du contentieux abstrait ou objectif.
Il est pertinent de faire observer qu'à
côté de ce contentieux abstrait entre pouvoirs publics, il existe
aussi un contentieux qui tend à vider les conflits entre
collectivités publiques. C'est le cas, à n'en point douter, du
conflit susceptible de naître à l'occasion du pacte
fédéral ou même de la régionalisation politique. En
effet, si dans un Etat unitaire décentralisé, la tutelle
exercée tant sur les organes que sur les actes des entités
décentralisées vient à bout de toutes
velléités contestataires de ces dernières, pareille
tutelle est exclue dans le cadre d'un Etat fédéral ou dans celui
plus récent d'un Etat régional340(*).
Dès lors, le recours au juge constitutionnel se
présente comme la seule issue responsable pour vider de façon
juridique le conflit ainsi né. Dans cette occurrence, le contentieux est
manifestement objectif dans la mesure où il ne concerne que des
collectivités composantes de l'Etat.
Enfin, la doctrine enseigne qu'il existe également un
contentieux objectif ou abstrait pouvant naître uniquement entre les
normes juridiques. C'est à propos qu'il est affirmé
qu'aujourd'hui l'Etat est perçu comme un système
hiérarchisé des règles de droit plutôt que comme
simple ensemble d'autorités publiques.341(*)
Le contentieux entre normes juridiques constitutionnelles et
infraconstitutionnelles est dit abstrait car il est déclenché par
les autorités publiques qui se prévalent tout au moins de
défendre l'intérêt général plutôt que
les intérêts privés. En outre, un tel conflit est
vidé sans considération de la situation particulière d'un
justiciable.
Il est entendu toutefois du point de vue de la science
politique que chaque autorité publique qui agit ne le fait qu'en raison
de ses propres intérêts politiques. Il est exclu par exemple
qu'une autorité publique agisse contrairement aux aspirations qui sont
les siennes ou même tout bassement en dysharmonie avec les
intérêts de la majorité qui la soutient au pouvoir. Mais
malgré cela, le litige ainsi déféré devant le juge
constitutionnel n'en demeurera pas moins abstrait tant il ne vise pas un droit
subjectif identifié.342(*)
Notons, comme nous l'avons fait plus haut, que le contentieux
abstrait peut s'exercer avant ou après l'entrée en vigueur de la
loi. Dans le premier cas, il s'analyse en une étape dans le processus
d'édiction de la norme juridique tandis que dans le second cas il doit
être entendu comme un mécanisme de protection des valeurs
proclamées par la Constitution et par ricochet, celui de la protection
des droits et libertés fondamentaux du citoyen.
Ce trait saillant de la justice constitutionnelle kelsenienne
nous permet dans le point suivant de tenter de répondre à la
question de la nature de l'autorité de décisions du juge
constitutionnel.
§5. L'autorité
absolue de la chose jugée
L'autorité absolue de la chose jugée est, sans
conteste, la caractéristique essentielle d'une cour constitutionnelle
dans la mesure où, généralement placée hors de la
hiérarchie judiciaire ordinaire, ses décisions doivent s'imposer
tant aux pouvoirs publics qu'aux citoyens. Le fondement d'une telle position
est que l'acceptation des voies de recours contre ses arrêts lui
enlèverait toute autorité et aboutirait à coup sûr
à créer un modèle décentralisé de justice
constitutionnelle alors que cela est l'effet inverse écarté par
les concepteurs du modèle.
Dans ce modèle en effet, la constitution tire les
conséquences d'une déclaration d'inconstitutionnalité. La
promulgation étant l'acte qui atteste que la loi a été
régulièrement délibérée et votée et
en ordonne l'exécution, une déclaration
d'inconstitutionnalité qui interdit la promulgation, ne peut être
considérée comme une annulation. La promulgation étant
cependant une compétence liée, l'usage du terme
« annulation » s'est largement répandu. La
promulgation de la loi rend celle-ci incontestable, tant du moins que ne sera
pas mise en place une procédure d'exception
d'inconstitutionnalité.343(*)
De même, le constituant dans ce modèle
définit l'autorité des décisions du juge
constitutionnel ; elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes
les autorités administratives et juridictionnelles. L'autorité
ainsi attachée à ses décisions est l'autorité
absolue de chose jugée : ce qui est jugé ne pouvant plus
être remis en question. Dans le cas du droit français, l'on peut
noter que cette autorité a été voulue par le constituant
de 1958 afin d'éviter les contrariétés de décisions
entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat.344(*)
L'autorité absolue de la chose jugée ne joue
qu'à l'égard du texte qui a été soumis au juge
constitutionnel. Par rapport à l'autorité de la chose
jugée prévue par le Code civil avec son exigence de triple
identité d'objet, de parties et de cause, il importe de noter que
l'exigence d'identité de parties disparaît, le contentieux de
constitutionnalité ayant un caractère objectif comme tout
contentieux de légalité.
S'agissant des juges d'application de la loi, ils sont tenus
de respecter l'interprétation qu'en donne le juge constitutionnel dans
la mesure où la loi n'exprime la volonté générale
que dans le respect de la Constitution.
Aussi, est-il exact d'affirmer que
« l'identité d'objet est parfois remplacée par analogie
d'objet : si l'autorité de chose jugée... ne peut en
principe être utilement invoquée à l'encontre d'une autre
loi conçue en termes distincts, il n'en va pas ainsi lorsque les
dispositions de cette loi, bien que rédigées sous une forme
différente ont, en substance, un objet analogue à celui des
dispositions législatives déclarées contraires
à la Constitution ».345(*)
Il est entendu en effet que s'agissant d'un recours en
rectification d'une erreur matérielle dirigé contre ses propres
arrêts, le juge constitutionnel le recevra au motif qu'une demande qui
tend exclusivement à la rectification d'erreur matérielle non
imputable au requérant ne met pas en cause l'autorité de la chose
jugée.346(*)
Toutefois, lorsqu'il prend de simples décisions
administratives exécutoires en tant qu'organe d'Etat, le juge
constitutionnel n'est pas lié par l'autorité de la chose
jugée.347(*)
L'autorité des arrêts de la Cour
constitutionnelle ne doit pas être confondue avec l'autorité de la
jurisprudence. D'une part, l'autorité attachée à chaque
arrêt n'est pas un obstacle dirimant à l'évolution de la
jurisprudence. D'autre part, au-delà du respect des décisions du
juge constitutionnel la jurisprudence constitutionnelle ne manque pas
d'être invoquée par les juges tant de l'ordre administratif que de
l'ordre judiciaire dans le cas d'une qualité d'ordres de juridiction.
Au demeurant si une confusion venait à être
admise entre autorité de la chose jugée et jurisprudence, il en
résulterait inévitablement un tassement de l'activité
juridictionnelle et une immobilité qui ne peut être
souhaitée de la part d'un juge dont l'activité principale est
d'être « la bouche de la Constitution » dans les
conjonctures qui sont cependant très mouvantes.
La distinction ainsi établie est essentielle car par
elle, les juges inférieurs ont la latitude d'apprécier la
régularité juridique des actes déférés
devant eux suivant la jurisprudence qui ressort des arrêts de la Cour
constitutionnelle sans avoir à invoquer l'autorité de la chose
jugée qu'ils doivent respecter si le débat porte sur une
disposition législative déjà censurée.
S'il s'agit de décisions rendues à propos
d'autres textes, l'autorité de la chose jugée ne joue pas et
c'est plutôt l'autorité de la jurisprudence qui joue. La question
cependant est celle de savoir sur quoi le juge inférieur s'appuie pour
extraire la norme à appliquer au litige qui lui est
déféré.348(*)
Emile Lamy trouve le fondement de l'autorité de la
jurisprudence dans la répétition et dans la
hiérarchie. En effet, dit-il, par cette évolution vers
un contrôle judiciaire de plus en plus élevé, la
jurisprudence acquiert un maximum d'autorité possible parce qu'à
la répétition qui constitue le premier facteur favorable
d'autorité, vient s'ajouter surtout le deuxième facteur qui est
la hiérarchie.349(*)
Dans le système de dualité d'ordres de
juridictions comme celui que le constituant congolais a adopté le 18
février 2006, il importe de noter que si le Conseil d'Etat n'est pas
tenu de respecter la jurisprudence du juge constitutionnel, il lui faut
cependant de « bonnes raisons » pour la
contredire.350(*)
En droit français, par exemple, ces bonnes raisons ont
été longtemps trouvées dans le fait que la question
posée aux deux Conseils ne l'était pas dans les mêmes
termes, le Conseil d'Etat dans l'exercice de son contrôle de
légalité, pouvant rencontrer l'obstacle d'une disposition
législative qui vient faire écran entre la Constitution,
telle qu'interprétée par le Conseil Constitutionnel, et la
disposition réglementaire dont il doit apprécier la
légalité : c'est l'application de la théorie de
l'écran législatif.351(*)
Les divergences de jurisprudence ont été
résorbées au fil du temps car l'autorité de la
jurisprudence du juge constitutionnel ne signifie guère qu'il
règle son contentieux par voie de dispositions générales
mais que plutôt les deux Hautes juridictions sont tenues de se retrouver
sur des positions communes car elles participent, toutes les deux, au
« gouvernement de la Constitution » qui ne saurait
tolérer une double lecture de cette dernière. C'est une question
de logique du système.
Avec Dominique Rousseau, il n'est pas inutile de constater
qu'au-delà de l'hostilité que d'aucuns pouvaient craindre
à l'égard du Conseil d'Etat, il y a quand même deux
décisions du Conseil constitutionnel qui maintiennent une divergence des
vues jurisprudentielles : :il s'agit de l'affaire des contraventions
sanctionnées de peine de prison qui relèvent de la
compétence législative pour le Conseil constitutionnel et que le
juge administratif suprême français tient pour acte du domaine
réglementaire ; ainsi que de l'affaire du silence gardé par
l'Administration qui équivaut pour le Conseil constitutionnel à
une décision de rejet et à une décision d'acceptation pour
le Conseil d'Etat.352(*)
L'on peut en définitive soutenir que l'autorité
de la chose jugée par le juge constitutionnel est une arme de discussion
parce qu'elle doit être prise en compte déjà au moment de
la préparation des textes par les autorités publiques
concernées.
Le juge judiciaire quant à lui, ici comme ailleurs, ne
semble nullement avoir élevé quelques divergences majeures avec
la jurisprudence du juge constitutionnel. Toutefois, l'intérêt
porté à la connaissance des arrêts des juridictions
constitutionnelles par la doctrine et les praticiens du droit laisse penser que
ces décisions seront de mieux en mieux appliquées par les
autorités juridictionnelles353(*) Il importe dès lors de montrer comment la
justice constitutionnelle influe sur l'ordre politique et l'ordre juridique
constitutionnel.354(*)
CHAPITRE III :
LES
INFLUENCES DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
La justice constitutionnelle que nous venons de décrire
ne peut s'exercer que dans le cadre d'un Etat. Or, déjà dans sa
conception d'Etat-gendarme, celui-ci accomplissait les tâches de justice,
de diplomatie et de défense de même que l'activité de
police pour assurer le bon ordre. Dans sa conception d'Etat-providence, il faut
reconnaître que ces tâches se sont accrues de sorte qu'une
nécessité logique et pratique de partager les différentes
tâches entre plusieurs organes s'est imposée.
Du point de vue du droit constitutionnel, les fonctions de
l'Etat s'entendent des manifestations de la souveraineté de l'Etat. La
thèse finaliste est écartée car elle ne trace ni devoirs
ni droits en ce qui est de simples objectifs que peuvent recouvrer les
tâches à accomplir.355(*)
Il est entendu que le terme Etat dans l'expression
« fonctions de l'Etat » infère aux gouvernants qui
sont à la fois organes de l'Etat et représentants du souverain.
D'une part, en tant qu'organes de l'Etat, c'est l'Etat lui-même qui agit
par leur entremise, et d'autre part, en tant que représentants du
souverain, ils sont chargés d'exécuter la volonté de celui
qui a le dernier mot c'est-à-dire le souverain.
Le professeur Marcel Antoine Lihau opinait déjà
que « les gouvernants constituent les intermédiaires
indispensables entre l'Etat et le souverain, car c'est grâce à eux
que la volonté du souverain est attribuée à l'Etat ;
c'est grâce au Parlement, au Président de la République,
aux cours et tribunaux, par exemple, que la volonté du groupe qui
détient dans l'Etat la plus grande force politique parvient à se
concrétiser et à être rattachée à
l'Etat ».356(*)
Sans nous attarder sur la querelle française de la
souveraineté populaire et de la souveraineté nationale, il y a
lieu de voir que même là la Constitution du 4 octobre 1958 a
réalisé une heureuse combinaison qui aboutit à installer
une démocratie semi-directe. Il s'agit d'un compromis entre les
partisans de deux thèses prémentionnées.
Paul de Visscher, pour ce qui est du droit belge, enseigne que
la rédaction de l'article 25 de la Constitution belge règle trois
questions essentielles : la légitimité de la
souveraineté en tant qu'elle est exercée par les organes
établis avec le consentement de la Nation, dans
l'intérêt de l'ensemble de la Nation et dans le
respect des normes établies par la Constitution.357(*) Les pouvoirs ainsi
accordés étant d'attribution et d'ordre public, il est interdit
les subdélégations de pouvoirs.358(*)
Mais en réalité, l'on peut observer qu'il y a
d'un coté ceux qui détiennent la décision politique et de
l'autre, ceux qui obéissent. Ceux-ci peuvent être de simples
citoyens dont les droits fondamentaux doivent être garantis ou des partis
politiques exprimant une vision majoritaire ou minoritaire dans la Nation.
Aujourd'hui donc, la séparation des pouvoirs ne
concerne plus seulement le partage des fonctions entre les différents
organes de l'Etat mais aussi et surtout le partage de deux blocs politiques
antagonistes : la majorité et l'opposition.359(*)
Aussi tout le long de ce chapitre, allons-nous analyser les
implications de la justice constitutionnelle sur l'ordre politique, dans une
première section, vis-à-vis de la place qu'occupe le juge
constitutionnel dans la théorie de la séparation des pouvoirs,
vis-à-vis de la minorité politique et des droits fondamentaux des
citoyens.
Ensuite, dans une seconde section, nous verrons les influences
que la justice constitutionnelle exerce sur l'ordre juridique notamment le
phénomène de constitutionnalisation du droit, celui de la
sacralité du droit et enfin, celui du culte du droit.
Section 1 : L'ORDRE
POLITIQUE ET LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
Etudier les influences de la justice constitutionnelle, c'est
en même temps situer le juge constitutionnel dans l'ordonnancement
politique, c'est tenter d'évacuer les suspicions nombreuses et
variées qui entourent son statut et surtout la méfiance souvent
affichée par la minorité politique ou les citoyens lors de
l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux. Qu'en est-il
d'abord de la place de ce juge dans l'ordre politique ?
§1. La séparation
des pouvoirs ou la place du juge constitutionnel
L'on a déjà dit ailleurs que la
séparation des pouvoirs est une technique constitutionnelle
destinée à écarter le despotisme et à garantir la
liberté. Le cadre historique de l'émergence de cette
théorie est qu'il n'y a pas des partis politiques au sens moderne du
terme au moment où Montesquieu l'élabore.360(*)
Au-delà des traces que la doctrine trouve dans les
écrits d'Aristote361(*) déjà, l'on doit dire que la
théorie de la séparation des pouvoirs est nourrie aux affluents
de la pensée de John Locke, Charles-Louis de Secondat, baron de
Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau.
Si John Locke distingue déjà le pouvoir
législatif, le pouvoir exécutif du pouvoir
fédératif chargé de conduire les relations
internationales, Montesquieu par contre vise l'affaiblissement de
l'autorité royale afin que le pouvoir, établi pour le bien
commun, ne débouche sur un absolutisme attentatoire aux libertés
individuelles.
Dès lors, séparation des pouvoirs est synonyme
de gouvernement modéré ou organisation politique non despotique.
Elle signifie aussi la nécessité et l'exigence de la
répartition des pouvoirs entre différents organes de l'Etat quel
qu'en soit le contenu.
Il en résulte en d'autres termes que la
séparation des pouvoirs, c'est la Constitution car elle demeure la base
d'une bonne constitution. Ainsi se justifie l'affirmation devenue classique de
l'article 16 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen du 26
août 1789 selon laquelle « s'il n'y a pas de séparation
des pouvoirs, il n'y a pas de constitution ».
Mais il peut paraître paradoxal de vouloir analyser la
place du juge constitutionnel par rapport à la théorie de la
séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu avait traité la
fonction juridictionnelle comme d'une puissance en quelque façon
nulle. La séparation semblait ne pouvoir être concevable
réellement qu'entre les deux autres. Dans cette conception où la
loi est l'expression de la volonté générale, il est exclu
toute possibilité d'existence de juge constitutionnel. Or, depuis le
19ème siècle, il est apparu la nécessité
de contrôler l'expression législative, produit désormais de
la majorité et non plus de la volonté générale qui
garde comme seul cadre d'expression : la Constitution.362(*)
Il faut reconnaître qu'il y a déplacement
épistémologique de la notion de la volonté
générale et même de la notion de souverain. Fort longtemps,
les représentants de la Nation souveraine avaient fini par devenir
souverains puisqu'ils en étaient l'expression concrète. Sa
traduction politique c'est le régime parlementaire et même sa
déviation de régime d'assemblée.
Depuis que la doctrine, influencée par les travaux de
la science politique, a démonté ingénieusement le contenu
du souverain, l'on a vite compris qu'il s'agit de la force politique dominante.
Or, celle-ci peut très bien respecter la répartition des pouvoirs
entre les mains de divers organes de l'Etat sans qu'en réalité le
pouvoir ne soit modéré c'est-à-dire protecteur des droits
et libertés des citoyens. Car, la vraie garantie demeure dans la
possibilité que l'on doit détenir de contester la
décision de la majorité devant un organe qui ne dépend
d'aucun autre organe de l'Etat dont il a par ailleurs la charge de
contrôle.
Cette nouvelle conception de l'ordre politique entre
majorité et opposition enrichit la théorie de Montesquieu d'une
dimension qu'elle a évacuée à l'origine et cela, car en
son temps, la notion des partis politiques est inconnue. Il y a dès lors
renversement de la séparation des pouvoirs. D'horizontale qu'elle
était, la division des pouvoirs est politiquement verticale : les
dirigeants et les dirigés. Ainsi, l'on voit bien que la simple
répartition des pouvoirs entre les organes de l'Etat pour utile qu'elle
soit demeure néanmoins insuffisante.
Voilà la justification théorique du juge
constitutionnel qui se place ainsi entre les trois fonctions de l'Etat
prémentionnées, et entre tous les dirigeants et les
dirigés. C'est ainsi que le juge constitutionnel est censé
être placé hors hiérarchie judiciaire, parce qu'il
contrôle, en principe, comme nous l'avons vu en Allemagne, l'application
de la Constitution par tous les organes de l'Etat y compris les cours et
tribunaux. Etant le juge du « gouvernement de la
Constitution », il ne devrait être limité et
contrôlé que par le patron, le souverain, le constituant.
Ainsi, de nos jours, la notion de séparation des
pouvoirs, relativement à la signification qu'elle revêtait au
18ème siècle, fait l'objet d'une controverse entre
juristes qui disposent de deux théories interprétatives, à
savoir celle de la doctrine dite traditionnelle ou classique telle qu'elle fut
fixée en France dans les facultés de Droit à la fin du
19ème siècle, et celle, postérieure et
hétérodoxe, développée notamment par Charles
Eisenmann et Michel Troper.363(*)
Cette nouvelle conception de la séparation des pouvoirs
procède de l'ancienne représentation de la démocratie
pouvant se résumer par la formule « la démocratie par
la loi » qui a cédé la place aujourd'hui à la
formule « la démocratie par la Constitution ».
La traduction institutionnelle de ce glissement conceptuel de la loi à
la Constitution est de mettre au coeur de la démocratie le juge
constitutionnel.364(*)
En effet, l'on peut observer que l'institution d'un juge
constitutionnel entraîne comme corollaire la consécration d'un
espace séparé au profit des gouvernés et ce, au
détriment de l'ancienne doctrine de l'identification des
gouvernés avec les gouvernants.365(*)
Par ailleurs, il faut indiquer que le fonctionnement
démocratique reposait longuement sur l'identification des gouvernants
aux gouvernés, sur la confusion entre le peuple et ses
représentants, entre la volonté générale et la
volonté parlementaire, faisant ainsi du Parlement l'égal du
souverain, ou plutôt, comme l'écrit Raymond Carré de
Malberg, l'érigeant effectivement en souverain. 366(*)
L'activité législative des représentants
est, là, directement imputée à la volonté du peuple
sans que celui-ci puisse protester puisque, par définition
constitutionnelle, il n'existe pas de manière séparée et
indépendante, il ne peut avoir de volonté hors celle
exprimée par les représentants.367(*)
Désormais, les droits et libertés des citoyens
sont distincts de l'expression des représentants. Le peuple a une
existence autonome, il ne s'agit plus d'extrapoler « le pouvoir de
vouloir pour la nation »368(*), le peuple gardant toujours la possibilité
d'une expression autonome.
Il y a là, à n'en point douter, rupture de
conception et de perspective qui transfigure le juge constitutionnel en une
figure démocratique originale. En effet, la Constitution, c'est
finalement la garantie des droits. De ce point de vue, le juge constitutionnel
est comme participant d'une autre géographie constitutionnelle car s'il
participe de la société politique du fait qu'il est un organe de
l'Etat il n'en demeure pas moins éloigné du fait aussi qu'il est
par sa mission une institution de la société civile.369(*)
Comment ne pouvait-il pas en être autrement si,
après la mort de Dieu caractérisée par l'émergence
de l'Etat laïc, la mort de la Raison cristallisée par la
déraison et l'hybris370(*) des gouvernants, le droit constitutionnel
était en crise de légitimité ?
Longtemps, son fondement a été Dieu, au
siècle des Lumières, la Raison ; mais celle-ci étant
perturbée avec les affres de deux guerres mondiales, il faut
reconnaître avec Jürgen Habermas que toutes les théories de
retour même à l'irrationnel sont de retour.371(*) L'effondrement de ces
légitimations traditionnelles prive la société de toute
explication et de toute légitimité fondatrice de l'ordre
politique qui se trouve ainsi déstabilisé.372(*)
Dès lors la figure du juge constitutionnel, aux dires
de Dominique Rousseau, apparaît comme une nouvelle figure dans le paysage
démocratique dont l'exigence démocratique se construit sur la
base de la raison axiologique et pratique,
c'est-à-dire celle qui soumet la légitimité des actions
à leur conformité aux valeurs et à l'éthique dans
lesquelles la société se reconnaît et s'identifie. Et les
sociétés modernes multiplient les lieux où se
réfléchissent, se discutent, s'apprécient le sens et la
valeur des actions politiques ; dans cette dynamique émerge la
figure du juge comme miroir ou comme scène de cette réflexion,
comme tiers par qui et devant qui s'énoncent les principes sur la base
desquels une action sera jugée légitime ou non. Il est promu
à la fois révélateur et opérateur de la
qualité démocratique des décisions.373(*)
Ces développements ne seraient pas complets sans un
regard appuyé sur la théorie de l'Etat de droit qui constitue
l'arrière-fond idéologique moderne de la place du juge
constitutionnel.
L'Etat de droit est devenu une référence
incontournable, un des attributs substantiels de l'organisation politique au
même titre que la Démocratie, avec laquelle il entretient des
rapports complexes : Moyen de réalisation de l'exigence
démocratique, selon Jürgen Habermas, l'Etat de droit
apparaît ainsi comme indice politique d'encadrement et de canalisation du
jeu politique ; dans tous les cas, Etat de droit et Démocratie
forment désormais un couple inséparable, dont les
éléments se présupposent réciproquement374(*).
Plus systématiquement encore, le concept d'Etat de
droit peut être considéré comme une pure et simple
tautologie, dans la mesure où la spécificité de
l'Etat, en tant que forme d'organisation politique, réside
précisément dans un processus de juridisation
intégrale : l'Etat est en effet un concept dont la consistance est
d'abord juridique et qui ne saurait être appréhendée
qu'à travers le prisme du droit ; il prend corps à travers
un « statut », qui le fait exister comme entité
juridique, par la définition d'un ensemble de propriétés,
d'une série d'attributs qui lui sont reconnus.
Cette analyse a été poussée
jusqu'à ses conséquences ultimes par Hans Kelsen pour qui l'Etat
n'étant en réalité que l'autre nom de l'ordre juridique,
l'expression « Etat de droit » ne peut être qu'un
pléonasme.
Dès l'origine, plusieurs conceptions de l'Etat de droit
se sont en effet affrontées : l'Etat de droit sera posé,
tantôt comme l'Etat qui agit au moyen du droit, en la forme
juridique ; tantôt comme l'Etat qui est assujetti au droit ;
tantôt encore comme l'Etat dont le droit comporte certains attributs
intrinsèques. Ces trois versions (formelle, matérielle,
substantielle) dessinent plusieurs figures possibles, plusieurs types de
configurations de l'Etat de droit, qui ne sont pas exemptes d'implications
politiques.
Au début du XXe siècle, l'Etat de
droit était conçu comme un type particulier d'Etat, soumis
à un « régime de droit » : dans un tel
Etat, le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l'ordre
juridique en vigueur, tandis que les individus disposent de voies de recours
juridictionnelles contre les abus qu'il est susceptible de commettre.
Au coeur de la théorie de l'Etat de droit, il y a donc
le principe selon lequel les divers organes de l'Etat ne peuvent agir qu'en
vertu d'une habilitation juridique : tout usage de la force
matérielle doit être fondé sur une norme juridique ;
l'exercice de la puissance se transforme en une compétence,
instituée et encadrée par le droit. Dans la mesure où les
organes de l'Etat sont ainsi tenus au respect de normes juridiques
supérieures, l'Etat de droit tend à se présenter sous
l'aspect formel de la hiérarchie des normes.
La théorie de l'Etat de droit postule d'abord la
soumission de l'Administration au droit : l'Administration doit
obéir aux normes qui constituent à la fois le fondement, le cadre
et les limites de son action ; et cette soumission doit être
garantie par l'existence d'un contrôle juridictionnel exercé, soit
par le juge ordinaire (Justizstaat), soit par des tribunaux
spéciaux (Sondergerichte). Mais la théorie postule aussi
la subordination de la loi à la Constitution : le Parlement doit
exercer ses attributions dans le cadre fixé par la Constitution ;
et, là encore, l'intervention d'un juge constitutionnel apparaît
indispensable pour faire respecter cette primauté.
Ainsi conçu, l'Etat de droit contraste fortement avec
la Rule of law britannique, systématisée par Dicey
(Introduction to the study of the law of the Constitution, 1885),
tout entière fondée sur le souci de protection des droits et
libertés individuels : le respect de la hiérarchie des
normes fait place à l'affirmation de l'autorité suprême et
exclusive de la Loi (la toute-puissance du Parlement étant cependant
limitée par la souveraineté politique de la Nation, l'existence
de l' « opinion publique ») ; la législation
est tenue de présenter un certain nombre de qualités
intrinsèques (généralité, publicité, non
rétroactivité, clarté, cohérence, stabilité
et, en tout premier lieu, prévisibilité) ; enfin, les
libertés individuelles sont placées sous la protection des
tribunaux ordinaires, le principe d'égalité devant la Loi
excluant tout privilège de juridiction pour les agents de la Couronne.
De même, aux Etats-Unis, le due process of
law, consacré par le quatorzième amendement en 1868, sera
progressivement entendu, non plus seulement comme imposant aux autorités
publiques une certaine manière d'agir (procedural due process)
- par exemple la garantie d'un juste procès mais encore comme
impliquant un certain contenu du droit applicable ( substantive due
process). Alors que les conceptions n'étaient pas au départ
très éloignées voire communes, les traditions
continentales et anglo-saxonnes ont donc divergé : à la
différence de la Rule of law, l'Etat de droit est conçu pour
l'essentiel de manière formelle, indépendamment de tout
caractère « substantiel » ou
« procédural ».
Le formalisme trouve cependant ses limites. La théorie
de l'Etat de droit exige davantage qu'un Etat régi par le
droit, à travers la construction d'un ordre juridique
hiérarchisé ; elle suppose aussi que l'Etat, en tant que
tel, et non pas seulement à travers ses organes, soit assujetti au
droit. Or, ce passage n'est rien moins évident : l'ordre juridique
est en effet celui de l'Etat lui-même et l'on ne saurait inférer
de la hiérarchisation du droit étatique l'idée de
soumission de l'Etat au droit, sauf à recourir au raisonnement
circulaire ou tautologique ; en se soumettant au droit qu'il produit,
l'Etat ne fait tout au plus que se soumettre à lui-même,
d'où le risque de ne voir dans la subordination de l'Etat au droit qu'un
pur artifice.
La doctrine de l'Etat de droit apportera à ce
problème des réponses variées : à la
théorie de l' « autolimitation », dominante dans la
pensée juridique allemande, selon laquelle il ne saurait y avoir de
droit antérieur et supérieur à l'Etat, répondront
les théories de l'
« hétéro-limitation », très
présente dans la pensée juridique française,
plaçant le fondement du droit en dehors de l'Etat- (avant que Hans
Kelsen ne récuse le terme de la controverse, par l'affirmation de
l'identité de l'Etat et du droit) ainsi apparaît le talon
d'Achille de la théorie de l'Etat de droit qui, posant comme postulat la
soumission de l'Etat au droit, ne parvient pas à fonder logiquement
cette soumission...
L'Etat doit définir, par le biais du droit, les voies
et les limites de son propre rayon d'action ainsi que la sphère de
liberté des citoyens.
Aux yeux de ses théoriciens, la caractéristique
essentielle du Rechtstaat est que, dans ses rapports avec les
administrés et pour tout ce qui concerne leur statut individuel, l'Etat
agit sur la base des règles générales, de normes
préexistantes. Cette exigence prend son véritable sens à
l'égard de l'Administration et constitue le principe fondamental de
différenciation entre l'Etat de droit (Rechtstaat) et l'Etat de police
(Polizeistaat).
Comme l'Etat de droit, et à la différence du
gouvernement despotique ou arbitraire, l'Etat de police accorde une large place
au droit : mais celui-ci est un droit purement instrumental, sur lequel
l'Administration dispose d'une totale maîtrise, sans être tenue au
respect de normes supérieures qui s'imposent à elle :
servant à imposer des obligations aux administrés, sans
être en retour source de contrainte pour l'Administration, il est
l'expression et le condensé de la toute puissance administrative. L'Etat
de police est fondé sur le bon plaisir du prince ; il n'y a ni
véritable limite juridique à l'action du pouvoir, ni
réelle protection des citoyens contre le pouvoir.
L'Etat de droit s'oppose moins à l'Etat de police qu'il
ne l'englobe et le dépasse : le droit n'est pas seulement un
instrument d'action pour l'Etat, mais aussi un vecteur de limitation de sa
puissance. Aussi acquiert-il un caractère ambivalent pour
l'Administration, à qui il permet d'agir mais tout en faisant peser en
même temps sur elle un ensemble de règles, extérieures et
supérieures, qui s'imposent à elle de manière
contraignante. Ces règles l'habilitent à agir et
déterminent les moyens dont elle peut faire usage ;
l'Administration ne peut rien imposer qui ne soit explicitement prévue
par elles, et les administrés peuvent les invoquer devant une
juridiction pour obtenir l'annulation, la réformation ou la non
application des actes administratifs qui auraient froissé leurs
intérêts...
La doctrine du Rechtstaat conduit en pratique à
l'affirmation de la suprématie de la loi sur l'administration : non
seulement celle-ci doit s'abstenir d'agir contra legem, mais encore
elle est tenue de n'agir que secundum legem, en vertu d'une
habilitation légale (réserve de la loi). Cette affirmation ne
prend toute sa portée qu'au regard de la conception matérielle de
la loi professée par la doctrine allemande et qui contraste avec la
conception purement formelle qui sera, à la suite de Carré de
Malberg, celle de la doctrine française. Définie par son
contenu, la loi recouvre toute norme à caractère
général.
Il se confirme qu'il ne peut y avoir un Etat de droit que si
le pouvoir politique pouvait s'exercer par les voies du droit et seulement par
ces voies. Pour cela, il faut qu'il existe dans l'Etat un réseau
normatif bien adapté et une hiérarchisation des normes avec au
sommet, des principes à valeur constitutionnelle qui servent de
référence
C'est par le réseau normatif que l'on peut
espérer éliminer l'arbitraire.
Dans un régime démocratique, le pouvoir du plus
grand nombre n'a de sens que s'il ne laisse aux gouvernants aucune
possibilité de détourner leur volonté
générale. Par son caractère procédural et formel,
la norme juridique objective la volonté de son auteur-le
législateur- l'exécution, elle, s'impose à lui autant
qu'à ses destinataires. Il reste encore à l'auteur, et c'est
indispensable, des possibilités de choix, mais encadrées par le
droit, le discrétionnaire étant substitué à
l'arbitraire.
La hiérarchisation des normes juridiques
intègre les lois constitutionnelles, les traités internationaux,
les lois ordinaires, les règlements des organes exécutifs, les
règlements des autorités administratives. C'est cette
hiérarchisation qui, seule, permet aux juridictions qualifiées de
contrôler dans un même secteur de compétences, la
conformité des normes inférieures aux normes supérieures,
sur recours, selon le cas, de l'opposition ou des gouvernés
eux-mêmes. Il est donc nécessaire que soit institué un
contrôle de la constitutionnalité des lois et un contrôle
de la légalité des règlements exécutifs et
administratifs.
Jacques Chevallier affirme que l'indépendance de
l'autorité juridictionnelle constitue une garantie majeure contre
l'arbitraire du pouvoir et en réalise par là même la
limitation. Elle représente un des prolongements les plus
intéressants et les plus souhaitables de la théorie de la
séparation des pouvoirs. Alors que le « pouvoir
judiciaire » avait toujours été plus ou moins
négligé, il apparaît actuellement, sous la forme plus
neutre de l'autorité juridictionnelle, c'est-à-dire de l'ensemble
des juridictions nationales.
Par l'autorité juridictionnelle, il faut entendre aussi
bien la Cour Constitutionnelle que les diverses juridictions chargées de
trancher les litiges qui opposent, soit des personnes privées, physiques
ou morales, entre elles, soit des personnes privées à des
personnes morales de droit public (c'est-à-dire aux gouvernants et
à l'administration), soit encore des personnes morales de droit public
entre elles.
Sur le plan juridique, l'indépendance des juges peut
être garantie, d'une part, par leur inamovibilité, qui les met
à l'abri de toute révocation et de tout déplacement
imposé, sauf le cas de faute d'une gravité avérée
et selon une procédure juridictionnelle. Mais l'indépendance
n'est pas seulement tributaire de garanties juridiques, elle est aussi fonction
du caractère et des traditions corporatives.
Par le troisième élément, l'auteur
soutient qu'en ce qui concerne la philosophie humaniste et libérale,
s'il est nécessaire que les titulaires du pouvoir politique voient leur
liberté encadrée et parfois verrouillée par un
réseau de normes hiérarchiques sous le contrôle de
l'autorité juridictionnelle. Cela ne saurait être
considéré comme suffisant pour la mise en oeuvre d'un
véritable Etat de droit. Celui-ci implique que le tissu normatif soit
inspiré par une philosophie humaniste et libérale, plaçant
au premier plan la dignité et le mieux-être de la personne.
L'Etat n'est pas une fin en soi, mais un instrument au service du Bien commun
et que tout Etat démocratique et pluraliste doit nécessairement
avoir pour support un corps de principes fondamentaux affirmant les
libertés et les droits des citoyens.
La littérature en matière de l'Etat de droit
connaît une fortune ce dernier temps. Et tous les auteurs du droit
public s'y emploient allégrement : Gustave Peiser, définit
ce droit comme ensemble organisé de services destiné à
satisfaire les besoins collectifs déterminés. Faisant la
distinction entre et Etat de droit, il affirme que dans ce dernier
l'Administration est liée par la règle de droit. Principe
fondamental du libéralisme politique, cette notion, conclue-t-il,
prévaut dans les Etats modernes, mais les modalités peuvent
être variables.
Dans l'Etat de droit, souligne-t-il, les modalités sont
notamment la soumission de l'Administration au droit commun (système
anglo-saxon) où l'Administration est soumise au droit dans les
mêmes conditions que les citoyens, la loi étant la même
pour tous ; et dans le système de la dualité de droit
applicable, comme dans le système français où le droit
applicable à l'Administration est double, « un
droit » spécial (droit administratif) et, pour les
particuliers, un droit commun, le droit privé375(*).
De con côté, Jean-Paul Jacqué376(*) souligne que la
souveraineté de l'Etat serait arbitraire si elle n'était pas
limitée par le droit. C'est ainsi qu'il distingue, d'une part, l'Etat de
droit de l'Etat de police et, d'autre part, l'Etat de droit formel et l'Etat
de droit substantiel.
Gilles Champagne377(*), insiste aussi sur le fait que l'Etat souverain doit
être un Etat de droit. En effet, à condition de ne pas être
totalitaire, l'Etat souverain reste un Etat de droit, c'est-à-dire un
Etat qui ne peut tout faire. Conçu comme un pouvoir, l'Etat
lui-même est soumis au droit. L'Etat de droit exclut l'arbitraire ;
il suppose notamment l'existence d'une constitution et des lois précises
qui encadrent les organes d'exécution, et des juridictions
indépendantes qui exercent également le respect du principe de
la hiérarchie des normes.
En conclusion, le juge constitutionnel dans la perspective
décrite dans ce paragraphe apparaît non seulement comme
« la bouche de la Constitution » mais aussi et surtout
comme le grand prêtre du culte du droit que la politique est
obligée de vouer au droit dans cette conception moderne de la
séparation des pouvoirs.378(*) Il confère l'incontestabilité aux
actes du pouvoir, les auréolant ainsi d'une sainteté
infranchissable ou tout au moins critiquable par le constituant seul
c'est-à-dire le souverain c'est-à-dire, par définition, le
peuple. C'est une place essentielle dans la nouvelle démocratie
constitutionnelle.
§2. La protection de la
minorité politique
La minorité politique s'apprécie eu égard
à l'expression du suffrage comme « le parti ou les partis qui
s'opposent à l'équipe au pouvoir en exerçant une fonction
de surveillance et de critique, en informant l'opinion, voire en
préparant une équipe gouvernementale de
rechange ».379(*)
Il est entendu que cette idée-force n'est concevable
que dans le cadre de la conception libérale et la démocratie
pluraliste qu'elle entraîne. En effet, l'implosion du bloc communiste ou
socialiste et l'effritement conséquent des démocraties
unanimistes à parti unique africain montrent, si besoin en était
encore, que seule est valide la conception que la démocratie est
toujours et déjà pluraliste. Et, dans ce cadre, la bonne
gouvernance, comme l'Etat de droit, est un des concepts familiers pour traduire
la protection des citoyens contre l'arbitraire des gouvernants.
Au demeurant, il est admis que la démocratie a souvent
connu des définitions doctrinales et philosophiques même si une
approche jurisprudentielle a été tentée par le juge
constitutionnel français. Ainsi, le pluralisme des courants
d'idées et d'opinions se trouve être affirmé comme le
fondement de la démocratie380(*). Au-delà de l'incantation des droits de
l'homme, il faut le respect de ceux-ci au profit des individus, des groupes et
des minorités vis-à-vis des décisions du pouvoir
majoritaire.381(*)
Tout ceci suppose, à n'en point douter, un
mécanisme efficace de protection. Aussi, le constitutionnalisme
européen et occidental a-t-il conçu le pluralisme politique comme
une « organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour
l'exercice du pouvoir ».382(*)
Comme l'écrit Olivier Duhamel, l'opposition
d'aujourd'hui est la majorité de demain, l'unique incertitude pesant sur
la date de ce demain. Voilà ce qui incite ce dernier (l'opposant de
demain) à un peu de modestie salutaire et qui contient, au moins
partiellement, son arbitraire.383(*) Le moteur de la démocratie est la vertu ainsi
que l'on sait depuis les philosophes grecs du Vème siècle avant
Jésus-Christ. Aussi, la démocratie commande-t-elle la
tolérance politique et l'alternance au pouvoir.
En effet, la tolérance politique des opinions et des
courants d'idées est essentielle dans une démocratie car la
suprématie constante d'une majorité n'est pas consubstantielle
à cette forme d'organisation politique de l'Etat. Par ailleurs, la Cour
européenne renchérit en posant que « la
société démocratique pratique la tolérance,
l'esprit d'ouverture et accueille en son sein toutes les tendances politiques
et philosophiques, même si certaines d'entre elles professent des
opinions qui choquent ou heurtent la majorité ».384(*)
Le rôle du parti politique dans la formation de la
conscience nationale et dans l'éducation civique n'est pas
étranger à l'expression du suffrage qui lui est donné par
le constituant français ou congolais.385(*)
La tolérance politique ainsi exposée ne peut
subsister sans l'alternance au pouvoir qui est comme la seconde mamelle de la
démocratie. En effet, avec la possibilité d'alternance, la
démocratie canalise et institutionnalise les conflits dans la
société.386(*)
Cependant, la bipolarisation, au-delà du bipartisme ou
même du multipartisme, est seule capable de permettre la concurrence
ordonnée des protagonistes et l'alternance réglée au
pouvoir. Et Jean Gicquel de conclure que l'alternance est l'indice de la bonne
santé d'un régime qui, par une remise en cause périodique,
transforme sa faiblesse en force.
Aujourd'hui, l'enjeu majeur de l'institution d'un juge
constitutionnel se trouve être la garantie des droits de l'opposition
politique qui a perdu les élections de manière que l'on n'ait pas
juridiquement tort parce que l'on est politiquement minoritaire.387(*) Le juge constitutionnel de
ce point de vue est une pratique de civilisation de la vie
démocratique.
Par ailleurs, la démocratie se ramène à
la vision de la majorité et du contrôle de l'opposition. Il est
logique dès lors que cette opposition politique ait des droits sinon le
contrôle qui est reconnu serait du domaine de la décoration
démocratique.
Voilà pourquoi en droit comparé l'on note
plusieurs droits reconnus à l'opposition notamment : le droit
à des élections sincères et régulières, le
droit à la parole publique, le droit de participer à des
assemblées politiques, le droit de manifester, le droit de
déférer au juge constitutionnel les lois et autres actes ayant
force de loi, le droit de bénéficier des aides
publiques.388(*)
Il est évident que l'ensemble de ces droits
étant le plus souvent des droits garantis constitutionnellement ou par
une loi organique, le recours au juge constitutionnel reste un mécanisme
efficace, sous réserve de conditions à étudier plus tard,
pour assurer leur protection.
Dans le système allemand que nous avons vu plus loin,
la Cour constitutionnelle allemande a consacré une conception
« combattante »de la démocratie libérale en
acceptant, conformément à la Constitution, de défendre
l'ordre libéral contre les partis ou les individus susceptibles de lui
porter atteinte.
Le juge constitutionnel pouvant ainsi à tout moment
contrôler les actes de la majorité, celle-ci aura une tendance
presque naturelle à s'autolimiter. Jouant également le rôle
de mécanisme de stabilisation et d'intégration de la
collectivité nationale, le juge constitutionnel contrôle le pacte
fédéral et de ce fait, assure l'arbitrage considérable
entre l'Etat et les collectivités constituantes. Ce rôle
d'arbitrage qui est au premier chef juridictionnel est derechef politique car
il implique la solution juridique des problèmes souvent politiques entre
les entités politiques concernées.389(*)
Du simple fait que le juge constitutionnel contrôle les
lois aux regard des dispositions constitutionnelles relatives aux droits
fondamentaux, il en résulte que tant dans l'opinion que dans la
minorité politique il est perçu comme un allié même
si selon le vent de l'alternance il ne donne pas toujours raison au camp qui a
reçu ses faveurs à une époque. 390(*)
Ceci souligne au demeurant son rôle de stabilisateur de
la vie politique d'autant que l'intervention de la justice constitutionnelle a
juridicisé la vie et les débats politiques. Le législateur
est soumis à la règle de droit et sait qu'il pourra être
contrôlé par le juge.391(*) Au-delà du rôle d'arbitre qu'il joue
dans le jeu politique, il faut voir aussi que le juge constitutionnel en tant
que mécanisme de protection joue inconsciemment le rôle d'arme de
dissuasion massive entre les mains de la minorité politique.392(*)
Par ailleurs, le rôle de la Cour constitutionnelle sera
grand car elle va être amenée à prendre position sur des
questions politiquement controversées notamment lorsque l'opposition a
fortement combattu devant le pays ou la représentation nationale telle
loi au moment de son vote. En sauvegardant ainsi les droits de l'opposition, le
juge constitutionnel devient un élément du jeu
démocratique en favorisant ainsi la reconquête du pouvoir par
l'opposition.
Ensuite, les minorités sociologiques, par le biais du
juge constitutionnel, recouvrent la possibilité de contester le discours
majoritaire traduit en termes juridiques par la loi qu'elles ne peuvent
autrement combattre. La monopolisation ou la domination des débats et
décisions politiques est de ce fait quelque peu nuancée.
Enfin, le recours au juge constitutionnel par l'opposition
politique offre à ce dernier la possibilité de contrôler
l'objectivité et la précision technique des lois jouant ainsi le
rôle de technicien dans le processus d'élaboration des normes
législatives.
L'on peut se permettre d'opiner avec Michel Fromont en posant
que l'interprétation de la constitution par le juge a
entraîné un double effet.
D'une part, en raison de sa rédaction peu
détaillée et souvent restreinte à l'affirmation de
quelques grands principes, la Constitution s'est avérée un
instrument remarquable d'accroissement de l'influence des juges sur le
développement du droit au plus haut niveau.
D'autre part, l'interprétation de la Constitution par
les juges a permis l'émergence d'un ensemble de principes
supérieurs qui dominent et parfois même transfigurent tout
l'ordonnancement juridique ; au point qu'il est permis de se demander
comme Dominique Rousseau393(*) ou même Dominique Turpin394(*), si le droit
constitutionnel, du moins sa partie relative aux droits de l'homme, n'est pas
en voie de devenir un droit qui n'est plus exclusivement public et qui se
caractérise surtout par son rang, le rang suprême.395(*)
En effet, quant à la nature du droit constitutionnel,
il s'agit bien d'un retour au texte mais tel qu'interprété par un
organe extérieur au jeu politique, héritier du fameux pouvoir
modérateur et régulateur que Prévost-Paradol avait
assigné jadis au chef de l'Etat, parce qu'il est doté d'une
légitimité technique désormais
supérieure à la légitimité démocratique
de la majorité.396(*)
Cette affirmation appelle néanmoins la
problématique sans doute récurrente de savoir si les
décisions du juge constitutionnel n'infèrent pas des normes
à valeur constitutionnelle et, en cette occurrence, qui serait
chargé de contrôler le contrôleur.
La controverse sur la légitimité du juge
constitutionnel est bien tranchée, à notre avis, par Dominique
Rousseau lorsqu'il avance notamment que tout part du type du discours produit
à un moment donné de l'histoire. Le discours ambiant et
accepté par tous est que la loi n'exprime la volonté
générale que dans le respect de la Constitution.397(*)
Dès lors, en effet, que « la
démocratie ne se définit plus seulement par le simple pouvoir
majoritaire de faire la loi, mais aussi par une pratique
délibérative où se discute et se construit la
validité des décisions, le rôle du juge constitutionnel
devient parfaitement légitime au regard de cette
définition-là de la démocratie398(*). Au demeurant, (...) elle
énonce seulement la vérité du nouveau régime
institutionnel et politique de production de la volonté
générale » et sa vision des droits des
citoyens.399(*)
§3. Les droits et
libertés fondamentaux
L'Etat est toujours régi par la Constitution, qu'elle
soit écrite ou coutumière ; mais l'Etat de droit moderne ou
Etat de droit constitutionnel est celui qui est caractérisé par
la primauté constitutionnelle qualificative de l'homme en tant que
citoyen et individu. Cet Etat est donc un « Etat de droits de
l'homme » du fait tant de l'inscription de ceux-ci dans la
Constitution que de la garantie qu'ils impliquent pour
l'autodétermination du citoyen.400(*)
Par ailleurs, Jean Rivero définit la liberté
comme un pouvoir d'autodétermination, en vertu duquel l'homme choisit
lui-même son comportement personnel.401(*)Le droit, en revanche, c'est le pouvoir d'accomplir
tel ou tel acte en toute liberté. Ainsi vus, les libertés
fondamentales ou les droits fondamentaux sont dans la même
proximité idéologique avec la notion de droits de l'homme et
celle de libertés publiques.402(*) Les libertés se définissent comme des
pouvoirs d'autodétermination (libertés) consacrés par le
droit positif tandis que les droits de l'homme se saisissent comme des droits
inhérents à la nature humaine et que l'on ne peut
méconnaître sans porter atteinte à celle-ci. Ici, c'est la
conception jusnaturaliste qui prime. Les droits de l'homme englobent de la
sorte les libertés publiques qui sont des droits de l'homme reconnus et
aménagés par l'Etat.
Les libertés publiques sont donc à
géométrie variable dans la mesure où elles connaissent une
géographie variable. En effet, elles doivent varier dans le temps et
dans l'espace car le droit positif est, par définition, très
poreux aux souffles de chaque pays.403(*)
Il existe également des droits économiques,
culturels et sociaux qui sont autant de créances contre la
société plutôt que de véritables pouvoirs
d'autodétermination. En revanche, pour y satisfaire, la
société est tenue de créer des services publics. Ils ne
constituent pas donc des libertés mais plutôt des créances
sur autrui. Et c'est cette évolution qui oblige l'emploi à la
fois des mots libertés et droits pour couvrir
l'ensemble des droits publics consacrés par le droit positif en faveur
des citoyens.
Les droits exigent une attitude positive de la part du
débiteur de la prestation tandis que la liberté implique
plutôt une attitude d'abstention parce qu'elle s'exerce sur la personne
titulaire du pouvoir d'autodétermination. Ainsi donc, les droits et les
libertés sont quelque fois synonymes mais en réalité leur
différence sémantique demeure.
Nous l'avons vu plus haut, l'Etat de droit moderne se saisit
à la fois comme esclave et protecteur des droits de l'homme, il tire sa
légitimité de son aptitude à les développer et
à s'y soumettre. Cette
« mission-soumission » est caractéristique
de l'Etat de droit qui implique comme conditions de possibilité :
la soumission à une hiérarchie des normes sur laquelle
trône la Constitution et l'indépendance du juge pour sanctionner
la méconnaissance des droits ainsi proclamés.404(*) Cette indépendance
juridictionnelle tient, on l'a vu, de la séparation des pouvoirs qui
garantit une place de choix au juge constitutionnel ou tout autre juge. La
réalisation de l'Etat de droit tient de même à la
reconnaissance des droits et libertés mais aussi à la
séparation juridique et politique des pouvoirs.
Sans rentrer dans la discussion savante sur la nature de la
reconnaissance des droits à l'individu par l'Etat et la
communauté internationale, il y a lieu de remarquer que trois
théories tentent de justifier cette reconnaissance. La théorie de
droit naturel dont le principe est que tout homme naît avec des droits
qu'il tire soit de la nature des choses (droit naturel objectif) soit de la
nature humaine (droit naturel subjectif) aboutit dans l'école moderne du
droit naturel qui pense qu'il existe une raison universelle qui serait saisie
en tout être humain comme la cristallisation d'une multiplicité
des consciences individuelles.
Cette théorie a laissé des échos
perçants dans la Déclaration d'indépendance
américaine lorsqu'elle proclame que tous les hommes sont
créés égaux, ils sont doués par le Créateur
des droits inaliénables et dans la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 selon laquelle les droits (sont)
naturels, inaliénables et sacrés de l'homme.
Si cette théorie peut fonder et même justifier le
droit à la vie ou la liberté d'expression, elle s'effondre
lorsqu'il faut l'appliquer au droit de grève ou à la
liberté syndicale qui ne présentent guère des
ressemblances avec les droits inhérents à la nature humaine.
La théorie du positivisme juridique quant à
elle, nie la réalité des droits naturels. En effet, les tenants
de cette école de pensée dont Hans Kelsen405(*), Raymond Carré de
Malberg406(*), Gaston
Jèze407(*) et
Pierre Duez408(*)
estiment que les droits naturels relèvent d'une vision
métaphysique qui ne peut cadrer avec l'approche scientifique.
Dans sa tentative d'épurer la science du droit de
toutes impuretés subjectives car pour cette école, le droit doit
se construire sur le modèle des sciences naturelles et évacuer
tout jugement de valeur, la théorie positiviste a sombré dans les
travers du nazisme puisque dans ses termes elle juge de la validité de
normes sans référence aucune à leur valeur
axiologique.409(*)
Il faut allumer cependant une fière chandelle au
positivisme juridique dans la mesure où seuls les droits publics
individuels sont susceptibles d'être sanctionnés par le juge, les
autres droits naturels n'étant pas portés par un texte qui serait
applicable par lui. Toutefois, la théorie gagnerait à s'aligner
sur l'apport désormais acquis de sciences morales et de la psychologie
moderne et à tenir compte du fait aujourd'hui démontré par
les sciences sociales que l'homme est à la fois un animal
politique et un être spirituel.410(*)
La théorie du positivisme sociologique soutenue par
Léon Duguit et Emile Durkheim énonce quant à elle que le
droit serait le produit spontané de la conscience collective ;
c'est-à-dire le produit d'un déterminisme social. En effet, le
déterminisme social ne semble pas avoir créé quelque part
un droit ; c'est plutôt le volontarisme des acteurs juridiques qui
le crée certainement avec l'influence de la conscience collective
agissant cette fois-là non point comme auteur de la norme mais
plutôt matrice sociale ou source sociologique.411(*)
L'on peut noter, et c'est une différence de taille, que
le positivisme sociologique considère le droit comme un fait social et
n'admet la légitimité du droit qu'à la condition qu'il
reflète les aspirations de la conscience collective.
La question serait de savoir ce qu'est la conscience
collective. Serait-ce l'opinion publique telle qu'elle s'exprime lors des
votations, pétitions, manifestations ou sondages. Mais tout le monde ne
s'exprime pas lors de ces manifestations pour de raisons juridiques pourtant.
La conscience collective ne devrait-elle pas être la même comme une
sorte d'osmose collective ? Si le recours aux valeurs
démocratiques, que nous approuvons, se lit en filigrane dans cette
théorie, elle souffre cependant, à notre avis, des manques
conceptuels énormes en ce qui est de la donne essentielle de son
fondement théorique : la conscience collective.412(*)
Si son fondement est la majorité des citoyens ayant
exprimé leurs suffrages, le positivisme sociologique n'a toujours pas
réglé la question capitale du contenu sémantique de la
notion de conscience collective au point où l'on peut constater que la
notion de majorité relève déjà d'une
catégorie juridique alors que dans son hypothèse de départ
le droit n'est pas encore créé, et en tous cas, avant que le
déterminisme social ne l'ait engendré.
Cependant, il faut reconnaître que la majorité de
la doctrine pour de raisons d'efficacité institutionnelle
peut-être a trouvé un fondement aux droits de l'homme dans cette
théorie dans la mesure où les droits de l'homme sont de droits
subjectifs dans une société politique où la
primauté de l'individu a été proclamé et constitue
le socle de l'Etat de droit qui est à la fois, dans une première
acception, l'édifice de respect de la hiérarchie des normes et,
dans une seconde acception, la structure qui respecte les principes et valeurs
fondamentaux de la société, dont les droits de l'homme.413(*)
Par ailleurs, avec Dominique Turpin414(*), l'on peut affirmer que les
libertés sous l'influence de la justice constitutionnelle font
désormais partie intégrante du droit constitutionnel car les
trois objets de ce droit, selon Louis Favoreu415(*), -institutions, normes et libertés- sont
étroitement liés et forment un ensemble.
Dans ce nouveau rôle le juge constitutionnel
revendiquera la qualité de protecteur des libertés publiques, de
préférence à celle de gardien des frontières
normatives et ce, d'autant que son accès sera ouvert à
l'opposition parlementaire. Dans l'hypothèse du système congolais
d'ouverture de la saisine à toute personne, les libertés
fondamentales constituent, à coup sûr, la voie de transformation
du régime politique : le pouvoir délibérant final est
entre les mains des citoyens.416(*)
En même temps, c'est ici que se remarque la rupture de
conception entre la société occidentale et celle africaine. En
effet, dit Jean Gicquel, l'anthropocentrisme résume la pensée
occidentale. Il s'ensuit l'exaltation et la protection tous azimuts de
l'individu qui, en sa double qualité de citoyen et de personne, peut
revendiquer respectivement l'usage de la liberté politique,
appelée aussi la liberté-participation, et la
liberté physique ou liberté-autonomie.417(*)
En revanche, l'organisation sociale se trouve aux
premières loges dans les préoccupations de la conception
collectiviste de la société qui semble hanter l'esprit de l'homme
africain noir. Ici, l'individu n'est pas évacué mais il
n'apparaît que comme titulaire d'un poste de service de la
société. La confiance est accordée non à l'homme
mais à la communauté. Bref, l'individu est l'obligé de la
société, à l'opposé de la tradition
occidentale.418(*)
Au-delà de cette affirmation doctrinale
péremptoire, l'on peut constater que la cosmogonie africaine relie
l'individu comme le maillon d'une chaîne de solidarité à la
société dont il dépend ; mais en même temps,
dans nos traditions l'on dénombre de traces d'individuation susceptibles
de fonder des libertés individuelles.419(*)
Il nous semble approprié de classer la
société africaine parmi les sociétés
solidaristes plutôt que collectivistes et de ce point de vue la
théorie de la dysfonctionnalité du Professeur Kayemba Ntamba
Mbilanji semble offrir des perspectives intéressantes pour l'explication
de cette parenté solidaire.
En effet, elle est due, selon cet auteur, à
l'arrêt brusque du fait politique au 16ème
siècle alors que la cité était entrain de se construire en
Afrique noire, ce qui entraîne une prise en charge des
microsociétés, la société globale ayant disparu
à coup des fléaux de toute sorte.420(*)
Donc, la parenté qui est perçue comme une tare
dans la société occidentale joue ici comme une assurance-vie ou
une mutuelle de santé de telle sorte qu'il est idoine de parler de
solidarité plutôt que de collectivisme, celui-ci impliquant un
choix politique que les noirs ne semblent guère avoir
opéré.
Cette affirmation est en droit fil de la proposition de la
présente thèse qui consiste à montrer qu'il y a
différence de perspective et de fondement de la justice
constitutionnelle ici et ailleurs et que cette différence devrait
rejaillir sur les modalités d'exercice.421(*)
La problématique est corsée ici car les
libertés fondamentales telles qu'inscrites dans la Constitution
subissent la critique du Professeur Mupinganayi Kadiakuidi qui y voit des
droits non attachés au sol et aux paysans422(*). L'auteur approche la
question des droits par rapport à leur utilité
économique.
La critique est assez nuancée avec l'adoption
aujourd'hui de droits de l'homme et des libertés fondamentales comme
deux catégories distinctes par le constituant congolais.423(*)
Cette adoption, ainsi que nous l'avons vu dans les lignes
précédentes, infère à une double conception
épistémologique à la fois du droit naturel et du droit
positif avec la conséquence que l'individu au-delà de droits
reconnus par les textes nationaux et internationaux dits droits fondamentaux
possède en outre des droits inhérents à sa nature humaine
dits droits naturels.424(*)
Lorsque les citoyens recourent au juge pour régler
leurs différends avec l'Etat, il se pose naturellement la question de la
justiciabilité des droits : le droit au juge.425(*)
En évoquant la justiciabilité des droits, on
fait référence au rôle du juge dans la protection des
droits fondamentaux, en postulant qu'il n'y a pas de véritable garantie
de ces droits sans la possibilité de recourir à un juge pour
les faire respecter. Le juge est reconnu ainsi comme le garant de
l'effectivité des droits fondamentaux et des libertés publiques
(article 150 de la Constitution).
En effet, le Constituant de 2006, dans le texte
promulgué par le Président de la République et
publié au journal officiel numéro spécial du 18
février 2006, après avoir énuméré les droits
et libertés fondamentaux qu'il entendait protéger (articles 11
à 61), a confié à la loi la mission de fixer les
règles les concernant, c'est-à-dire concernant leur gestion
(article 122).Mais, la mise en oeuvre de la loi est confiée au
Règlement (article 128) dont certains sont autonomes.
Ainsi, le Constituant a créé deux
domaines : le domaine de la loi et celui du règlement. Il a
confiné la loi dans une compétence d'attribution, soigneusement
énumérée aux articles 122 et 123 où, tantôt
elle fixe, tantôt elle détermine Mais, au règlement le
Constituant a donné la compétence de droit commun.
Du coup, se situant dans le cadre de la séparation des
pouvoirs, il interdit à la loi de se promener sur le terrain du
règlement sous peine de voir le texte vagabond modifié par
décret si la Cour constitutionnelle, à la demande du
Gouvernement, aura déclaré que celui-ci a un caractère
réglementaire (article128, al.2 de la Constitution).
Nous nous répétons pour nous faire bien
comprendre. Etant donné que les libertés publiques sont des
droits protégés, il avait fallu confier leur organisation
à un organe. C'est ainsi que le Constituant, sans le savoir
peut-être, en emboîtant les pas de Montesquieu, et, suivant en cela
les révolutionnaires français de 1789, a confié cette
organisation des droits et libertés au législateur,
c'est-à-dire à la loi. Cela ressort de la section III, du titre
III où la Constitution, en son article 122, stipule que « sans
préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, la
loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques ... ».
Cependant, en observant de plus près, on constate que
ce domaine est partagé entre la loi et le règlement. Tandis que
la loi est confinée dans la compétence d'attribution,
limitativement, énumérée aux articles 122 et 123, le
règlement reçoit, lui, la compétence de droit commun,
fixée par l'article 128 qui stipule que « les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaires ». Le Constituant ne se limite pas à
cette proclamation : il insiste et menace la divagation éventuelle
de la loi sur le domaine du règlement en disposant que « les
textes à caractère de loi intervenus en ces matières (du
règlement) peuvent être modifiés par décret si la
Cour constitutionnelle, à la demande du Gouvernement, a
déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire, en
vertu de l'alinéa précédent ».
En confiant ainsi à la loi le soin d'organiser les
droits et libertés, le Constituant s'est frotté les mains,
espérant avoir abouti naturellement à la protection des
libertés. Car la loi est l'expression de la volonté du peuple
souverain. Il n'a pas tort. Mais il n'a pas mesuré les
conséquences des mécanismes institutionnels qu'il venait de
mettre en place. Notamment le pluralisme politique (article 6 de la
Constitution) et la nomination du Premier Ministre, chef du Gouvernement, ainsi
que les autres membres de son équipe au sein de la majorité
parlementaire (article 78 de la Constitution). C'est de là que
découle la faiblesse.
En effet, la faiblesse de ce système peut être
décelée du fait que, l'exercice du pouvoir se fait dans le cadre
d'un système de partis majoritaires monopolisant le législatif
et l'exécutif. Dans ces conditions, le pouvoir ne peut pas arrêter
le pouvoir ! Par ailleurs, dans le cadre du régime politique
imaginé par le Constituant que certains considèrent comme
étant parlementaire rationalisé et d'autres, par contre, tenant
compte de l'élection du Président de la République au
suffrage universel direct , comme semi-présidentiel, le fait que
l'exécutif est l'émanation de la majorité parlementaire,
il peut être tenté de déposer devant le Parlement des
projets de lois et solliciter de sa majorité de voter des lois
liberticides !
C'est pourquoi le Constituant s'est méfié un
peu d'une trop grande confiance en la loi et a cherché un surveillant
qui doit contrôler la soumission de la loi à la Constitution. Il
l'a trouvé dans le juge constitutionnel (article 157 de la
Constitution) qui assure un contrôle a priori (avant la promulgation de
la loi par le Président de la République., article 160) et un
contrôle a posteriori (les exceptions d'inconstitutionnalité
soulevées devant les juridictions de jugement, article 162).
Par ailleurs et de son côté, la loi étant
l'expression de la volonté du peuple souverain
représenté, doit s'imposer à tous, gouvernants et
gouvernés. Le contrôle de l'observance de la loi par les citoyens
est dévolu à un autre pouvoir, le pouvoir judiciaire, lequel est,
aux termes de l'article 150 de la Constitution, le garant des
libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. A
l'alinéa suivant du même article, la Constitution dispose que
« les juges ne sont soumis, dans l'exercice de leur fonction
qu'à l'autorité de la loi ».
Il est donc patent que la justice constitutionnelle exerce un
certain nombre des fonctions ci-haut relevées qui concourent toutes
à faire d'elle le socle de l'Etat de droit dans une
société réellement démocratique. L'Etat moderne est
même défini par certains auteurs comme un ensemble cohérent
des normes ou tout simplement un ensemble des compétences juridiquement
établies.426(*)
Par ailleurs, l'ordonnancement juridique étant la
traduction juridique de l'ordonnancement politique aux confluents des forces
sociales, économiques et culturelles, il est très utile de voir
à ce niveau comment le juge constitutionnel transforme ce dernier.
Section 2 : L'ORDRE
JURIDIQUE ET LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
L'approche de l'influence de la justice constitutionnelle sur
l'ordre juridique passe aussi par la délimitation du concept ordre
juridique. C'est dire en d'autres termes ce qu'est le droit.
L'exercice paraît simple lorsqu'il est
dénué de toute interrogation en profondeur. Nos cours
d'introduction au droit répètent à souhait des
définitions pédagogiques utiles et que l'on se devait de
retenir427(*). Vu
autrement, le droit peut se saisir comme un discours de pouvoir428(*) car il est un mode de
régulation sociale à côté de la religion ou de la
magie.429(*)
Il ressort de cette vision que le droit constitue un ordre,
c'est-à-dire une constatation de la réalité sociale et un
mode de régulation sociale. L'individu, poussé par son instinct
de sociabilité de même que sa sûreté personnelle, se
soumet, selon le distinguo kantien, à des règles
autonomes et hétéronomes.
Les premières dites internes ou éthiques sont de
l'ordre de la conscience tandis que les secondes dites externes sont de l'ordre
du sociétal. Reflet de la puissance publique, la norme juridique en
possède le caractère contraignant. Si souvent la contrainte est
nécessaire pour appliquer une norme juridique, le recours à la
force publique est remplacé par l'obéissance du citoyen,
fondée sur la légitimité des normes.
Aussi l'ordre juridique est-il fondé sur une sorte de
mystique qui fait référence à une métaphore qui
présente le droit comme un arbre avec des branches ou même comme
de l'eau provenant de plusieurs sources. Qui édicte les règles de
droit ? La réponse est que le droit est l'expression de la
volonté majoritaire.
Or, certaines expressions normatives de la majorité
peuvent être oppressives compte tenu d'énormes violences qui se
jouent dans le champ du politique. Pour tenter de civiliser ces rapports de
force souvent brutaux, le droit constitutionnel n'est plus de nos jours le
champ clos des forces politiques. Au contraire, le phénomène de
juridicisation de la vie politique a fini par ériger le droit comme
cadre de référence du combat politique et norme de protection de
l'individu contre l'arbitraire et la brutalité du pouvoir.430(*)
Le caractère globalisant du droit constitutionnel et
l'émergence de la deuxième génération de justice
constitutionnelle après la seconde guerre mondiale donnent naissance
à un phénomène nouveau431(*) dont l'étude s'impose ici.
§1. La primauté du
droit constitutionnel ou la constitutionnalisation de toutes les branches du
droit et ses conséquences
La doctrine constitutionnaliste, presque unanime, enseigne la
primauté du droit constitutionnel dans le champ tant du droit public que
du droit privé ; la raison serait qu'il s'agit du droit de la
fondation tandis que les autres droits seraient ceux d'application des normes
constitutionnelles. Etudiant la place de ce droit en droit en
général, le professeur Edouard Mpongo opine que « le
droit constitutionnel n'est qu'une partie du droit » même si
plus loin il affirme que le droit administratif est subordonné au droit
constitutionnel.432(*)
En revanche, Hugues Portelli renchérit pour indiquer
que droit de l'Etat, le droit constitutionnel recèle des normes aussi
variées que celles qui régissent la Constitution, la
hiérarchie des normes, la vie et l'activité des assemblées
politiques, l'activités des partis politiques, leur financement et le
statut des élus ; l'ensemble de ces règles juridiques
témoigne de la vitalité nouvelle de la discipline après un
long déclin consécutif à la crise des catégories
juridiques nées au début du siècle, à
l'apogée du régime parlementaire en France, et à la
concurrence victorieuse d'une approche politique des institutions. 433(*)
Là, nous avons une belle affirmation de principe qui
n'indique pas encore pourquoi la norme constitutionnelle devrait trôner
au dessus de toutes les autres normes. Philippe Ardant tente une explication
qui emporte nos suffrages en exposant qu'un système juridique est un
ensemble organisé de règles de droit, des normes,
régissant une société donnée. Toutes ces
règles ne sont pas sur le même plan, toutes n'ont pas la
même valeur. Des subordinations apparaissent nécessairement dans
ce sens que des liens s'établissent entre elles, où des
règles commandent à d'autres, leur sont supérieures, ne
peuvent être violées par ceux qui élaborent des normes
subordonnées.434(*)
C'est, en fait, l'exposé de la théorie de la
pyramide des normes de Hans Kelsen. Le positivisme juridique place la
constitution au dessus de toutes les normes car dans sa conception le droit est
une création étatique, et il est logique que la norme fondatrice
de l'Etat soit au sommet de l'ordonnancement juridique. Ceci ne règle
toujours pas la question car la constitution elle-même dans ce
système est l'oeuvre d'une instance extérieure à l'Etat.
Pour que l'hypothèse soit plausible, Hans Kelsen lui-même a
dû inventer la Grundnorm comme celle transcendantale de laquelle
serait issue la norme constitutionnelle. Et au-delà de la
Grundnorm ?
Il y a là comme une insuffisance
épistémologique qui ne saurait justifier la présence de la
norme constitutionnelle au sommet de la pyramide normative kelsenienne. En cas
d'abrogation de constitution, que se passe-t-il ? La pyramide est-elle
toujours débout comme s'interrogeait Paul Amselek ?435(*)
Toute nouvelle constitution n'entraîne pas la
caducité immédiate et automatique de tout le droit
antérieur. Cette explication n'agrée pas non plus les
bouleversements nombreux dans les normes infraconstitutionnelles qui
n'induisent pas encore l'effondrement de la pyramide normative.
Un élément très pertinent nous vient du
professeur Ntumba Luaba Lumu qui pose que la constitution est
considérée comme une organisation des pouvoirs publics, à
la fois rationnelle et libérale.436(*)
En effet, prise pour une organisation, aucune autre norme
interorganisationnelle ne peut être au dessus de l'organisation.
C'est ainsi qu'en réalité en droit public le critère
organique l'emporte devant le critère matériel. La force et la
place de la constitution, celle-ci les tient de la place et de la force de
l'organe qui l'émet. Ainsi, le constituant étant toujours la
force politique dominante à un moment donné de l'histoire de
l'Etat, il est inconcevable qu'une norme d'organe inférieur soit en
contradiction avec lui. C'est à notre avis le vrai fondement de la
primauté du droit constitutionnel sur toutes les autres branches du
droit.
Il s'agit aussi d'une question de logique : le pouvoir
constituant prime sur les pouvoirs constitués. C'est ce qu'affirme le
doyen Pierre Pactet lorsqu'il écrit « qu'il faut noter qu'il
existe une hiérarchie des règles juridiques qui est presque
toujours fonction de la hiérarchie existant entre les organes auteurs de
ces règles ».437(*)
Il ajoute que « cette hiérarchie est
elle-même établie en fonction des critères qui nous
viennent de la philosophie politique des Lumières. Il faut mettre en
tête les organes titulaires du pouvoir constituant. La seconde place est
occupée par les organes législatifs, en fait les
assemblées parlementaires, parce qu'ils sont composés de
représentants élus par la Nation ? Ce n'est qu'en
troisième position que se situent les organes exécutifs car dans
la terminologie héritée des Lumières ce sont des organes
nommés et « commis », qui ne procèdent pas
directement du peuple».438(*)
Ainsi donc, les règles constitutionnelles s'imposent
incontestablement au législateur et aux autorités administratives
qui ne peuvent créer du droit ou l'appliquer qu'en fonction des normes
de rang constitutionnel. Le juge constitutionnel, chargé de veiller
à la suprématie de la Constitution, a donc la possibilité
de sanctionner les violations législatives ou réglementaires des
droits fondamentaux des citoyens, même si de fois, il n'a pas de pouvoir
en ce qui est des décisions judiciaires violant les mêmes
droits.439(*)Les
juridictions suprêmes restent maîtresses dans ce domaine, par voie
de cassation.
Il est évident que cette intervention sûre et
assurée du juge constitutionnel dans l'élaboration des normes
infraconstitutionnelles transforme à coup sûr l'ordre juridique en
une sorte de chapelle de piété qui ne tolère guère
quelque hérésie sauf du constituant lui-même. Dans ces
conditions, nous dit Dominique Turpin, le rang du droit constitutionnel ne peut
être que le premier. Après être demeuré longtemps un
infra-droit par défaut de sanction effective, il a non seulement
rattrapé les autres branches du droit mais, en même temps, les
domine dans une certaine mesure440(*).
Il suffit de rappeler la théorie des bases
constitutionnelles du droit administratif du doyen Vedel pour rendre compte du
phénomène de primauté et de la constitutionnalisation
subséquente des branches du droit. En outre, chaque fois qu'une branche
fait l'objet d'un aménagement législatif, la saisine du juge
constitutionnel a priori ou même par voie d'exception donne
à ce juge l'occasion d'y imposer sa propre conception de la
matière.441(*)
Il y a donc constitutionnalisation progressive des diverses
branches du droit et, en fin de compte, unification - à ne pas confondre
avec uniformisation- de l'ordre juridique, par l'effet de la jurisprudence du
juge constitutionnel. Une frange de la doctrine y voit même la
continuation du mouvement constitutionnaliste de Lumières : la
justice constitutionnelle qui substitue le règne du droit à la
domination des vainqueurs a représenté partout une nouvelle
étape vers la réalisation de l'idéal démocratique.
La démocratie constitutionnelle a succédé à la
dictature comme jadis la monarchie constitutionnelle à l'absolutisme ou
même qu'elle a remplacé la « démocratie
absolue » où la toute-puissance de la loi n'avait fait que
reprendre le relais de celle du roi. 442(*)
Sorti des limbes de la laïcité, le droit
constitutionnel moderne semble y retourner par le biais de la sacralité
du pouvoir qui imprime son aura au droit constitutionnel443(*). C'est ce qu'il faut voir
maintenant.
§2. La sacralité du
droit ou la théologie du droit constitutionnel
Parler de la sacralité du droit, c'est d'emblée
dire avec Maurice Kamto que le droit procède du pouvoir qui est toujours
et déjà sacré444(*). C'est dire que s'agissant de la norme fondamentale
transcendante dans les sociétés traditionnelles africaines, il
est établi que la sacralité de cette règle est induite de
la qualité de l'auteur de cette norme qui est l'ancêtre fondateur
du clan ou de la tribu.
Dès lors que l'on peut comparer la genèse de
deux normes fondatrices dans les deux types de sociétés, l'on
peut noter qu'en occident il a été longtemps admis que le pouvoir
émanait de Dieu qui le confiait à un homme, par application de la
loi salique, avant que Dieu soit détrôné au profit de la
Nation ou du peuple.
C'est ainsi que les Loys fondamentales du Royaume, en
France médiévale, étaient supérieures aux lois
édictées par le Roi non seulement parce qu'elles émanaient
des ancêtres fondateurs du royaume mais aussi et surtout elles
étaient le fondement métaphysique du droit du royaume.445(*)
Pour ce qui est du droit coutumier africain, il est de
même admis que le fondement de la norme se trouve dans la croyance
qu'elle est l'émanation des ancêtres fondateurs du clan ou de la
tribu.446(*)
La théologie étant saisie comme science de la
fondation, nous avons établi un parallélisme avec le droit
constitutionnel qui est aussi une science de la création de
l'entité étatique. Les deux s'occupent du sacré,
c'est-à-dire de ce qui est hors de la portée de l'entendement de
l'homme ordinaire.
Tous les deux exigent une initiation qui fait dire à
Jean Gicquel qu'outre Rhin, les docteurs en droit public sont sollicités
447(*)comme de nouveaux
prêtres d'un nouveau culte qui est voué à un nouveau dieu
rationnel : le droit constitutionnel.
Les juristes de tout bord invoquent à longueur des
discussions l'autorité de normes constitutionnelles ou même celle
d'un maître en cette discipline pour calmer les ardeurs
d'interprétation d'un adversaire ou d'un camp politiques.
La laïcité du droit n'a opéré, on le
voit, qu'un déplacement de lieux de culte et non le culte de la
transcendance. Ainsi, il n'est pas étonnant que le nouveau culte soit
consacré aux droits et libertés du citoyen sans négliger
le rituel républicain qui n'est pas loin des fastes d'une
grand-messe.
Pour preuve, la lecture du préambule de la Constitution
du 18 février 2006 donne à voir que les constituants congolais
sont « conscients de leurs responsabilités devant Dieu, la
Nation, l'Afrique et le Monde ».448(*)
De même, la lecture attentive des dispositions de
l'article 1er, de la Constitution congolaise
susmentionnée449(*), donne également à voir que l'Etat
moderne est resté marqué, malgré le rationalisme
hérité des Lumières, par un culte dédié au
dieu-Nation qui possède son emblème, ses armoiries et son propre
hymne à exécuter dans les grands rassemblements d'Etat.
La justice constitutionnelle dans cette configuration mystique
apparaît comme l'activité exercée par le grand
sacrificateur de cette nouvelle religion du droit. Par ailleurs, le juge
constitutionnel est saisi comme celui qui dit la vérité
suprême dans l'Etat, celui qui sait ouvrir les entrailles de la
Constitution et y scruter les augures de la volonté suprême du
constituant. Dès lors s'installe une nouvelle sacralité
attachée aux décisions du juge constitutionnel perçu comme
la bouche de la Constitution.
Cette réminiscence mystique ou plutôt religieuse
de l'origine du pouvoir et du droit constitutionnel appelle comme
conséquence fondatrice que le droit est toujours, malgré la
laïcité proclamée, de l'ordre du sacré. C'est dans ce
sens qu'Olivier Camy tente d'élaborer sa théorie de la
transcendance du droit constitutionnel sous la modalité du souverain
généralement conçu comme un sujet absolu, censé
détenir un pouvoir constituant « originaire » et
donc, capable de produire du droit ex nihilo. Il renchérit que dans les
démocraties européennes, ce souverain est assimilé, en
droit interne, au peuple s'exprimant par le suffrage universel et en droit
international, à l'Etat s'exprimant à travers un
gouvernement.450(*)
La science juridique qui tente d'identifier le souverain,
véritable sujet juridique auto-fondé, créateur ultime des
normes juridiques ne peut qu'échouer tant la nature théologique
de la souveraineté exclut la présentation du souverain comme
être de chair et de sang. Nous ne pouvons, dit-il enfin, connaître
que des corps politiques institués parlant toujours au nom d'un
souverain absent mais agissant, le demos.451(*)
Pendant longtemps, le souverain qui est créateur ultime
des normes fondatrices, donc Dieu en quelque sorte, s'est exprimé par
les représentants avant de s'exprimer de nos jours par l'oracle des
temps modernes qu'est le juge constitutionnel. Cette influence est tellement
visible que les décisions de ce dernier ne peuvent être
renversées que par le constituant c'est-à-dire par
celui-là même par qui tout a été créé
dans l'Etat.
Sans philosopher longuement, l'on peut même affirmer que
la décision constitutionnelle juridictionnelle participe, à vrai
parler, de la même nature que le constituant qui est toujours et
déjà sacré par essence. Voilà pourquoi il n'est pas
excessif de voir dans le droit constitutionnel moderne une sacralité
laïque qui confine à une théologie juridique dont les
horizons restent cependant à scruter.452(*)
Par ailleurs, la sacralité du droit peut être
également saisie à l'occasion des rapports sociaux qui
eux-mêmes sont aujourd'hui saisis par le droit.
Aussi, avec Jacques Chevallier, nous pouvons noter que
l'émergence du juge pose la problématique de la nature de la
démocratie elle-même. En effet, dit-il, « l'Etat de
droit implique que la liberté de décision des organes de l'Etat
est, à tous les niveaux, limitée par l'existence de normes
juridiques supérieures, dont le respect est garanti par l'intervention
d'un juge. Le juge est donc la clef de voûte et la condition de
réalisation de l'Etat de droit : la hiérarchie des normes ne
devient effective que si elle est juridictionnellement
sanctionnée ; et les droits fondamentaux ne sont réellement
assurés que si un juge est là pour en assurer la
protection ». 453(*)
S'agit-il d'un gadget idéologique de temps modernes
dont le sort serait lié à la fortune prochaine du concept
lui-même ? En d'autres termes, l'Etat de droit serait-il le dernier
horizon possible et indépassable du développement du droit
constitutionnel contemporain ? Ce questionnement aussi utile
qu'intéressant marque une fois de plus la problématique de la
nature de l'Etat moderne qui est saisie de nos jours comme un ordonnancement
juridique au dessus duquel trône la Constitution.
Ceci est tellement vrai de nos jours que le champ politique
est saisi en grande partie du moins par le droit même aux Etats-Unis
d'Amérique, pays reconnu pour sa rationalité pragmatique, au
point qu'à la fin de l'année 2003, la Cour suprême
américaine a rendu une décision très attendue sur le
Bipartisan Campaign Reform Act c'est-à-dire sur la
réforme du financement des campagnes électorales. Cette
décision est la plus longue jamais rendue par cette Haute Juridiction
(près de 300 pages). 454(*)
Tout se limiterait-il à cette image du juge qui
transfigure l'ordre juridique et politique de l'Etat sans que quelque
transgression vienne à perturber le culte du droit ?
§3. Le contrôle du
juge ou le culte du droit
Comme pour répondre au questionnement incessant du
paragraphe précédent, il faut noter que le concept d'Etat de
droit, omniprésent dans les discours politiques, est cependant
limité à l'effet de mode qu'il installe dans la praxis
démocratique. Pur produit idéologique, aux dires de Jacques
Chevallier, le concept risque fort d'être dévalué, de
perdre sa portée sémantique pour ne conserver que sa
signification rituelle.455(*)
Au-delà de ces vicissitudes, le concept d'Etat de droit
apparaît avant tout, comme un élément constitutif de la
conception libérale de l'organisation politique : donnant à
voir un pouvoir limité, parce qu'assujetti à des règles,
il implique que les gouvernants ne sont pas au dessus des lois ; l'Etat de
droit est dès lors indissociable d'une représentation du pouvoir
lentement forgée au fil de l'histoire et qui a progressivement
imprégné les représentations et les institutions.
La diffusion actuelle du thème semble montrer que cette
représentation tend désormais à se mondialiser, en
devenant la caution de la légitimité de tout pouvoir. 456(*)
Les limites de cette conception, en ce qui est de notre pays,
pourraient loger dans la transposition des principes et mécanismes de
l'Etat de droit.
En effet, sans acculturation ou même inculturation qui
passerait par une réappropriation desdits principes au regard de notre
propre acquis culturel, il y a fort risque à parier que l'Etat de droit
ne se couvre d'une belle rhétorique et d'une belle proclamation
d'intentions de bonne foi sans emprise avec le pays. 457(*)
Par ailleurs, l'on peut remarquer de même que l'Etat de
droit est de nos jours perçu comme une référence
axiologique dans la vie entre les nations modernes.
Au-delà de l'exigence de conditionnalité
politique attachée aux prêts et autres aides que les bailleurs de
fonds soulèvent, il reste que l'Etat de droit authentique
présente une autre exigence, celle de la refondation de l'Etat en
Afrique car, derrière le paravent de l'Etat de droit se profile une
mosaïque des valeurs qui ne sont pas encore ou toujours partagées
par l'Afrique noire. Il suffit de songer au tribalisme qui ronge les
institutions politiques négro-africaines pour se convaincre que
l'installation de l'Etat de droit exige plus de préalables que le simple
discours, fût-il constitutionnel.458(*)
D'emblée, il est à remarquer que le concept
d'Etat de droit est fondé en raison sur la confiance que
l'humanité nourrit dans le droit comme instance non seulement de
régulation de la société mais surtout comme celle de
limitation du pouvoir de l'Etat.
La conséquence inéluctable est l'extension du
champ de la juridicité : tous les rapports sociaux ou
sociétaux tendent à être saisis par le droit. La politique
ayant été longtemps l'unique instance suprême de
régulation de la société, elle a perdu cette place au
profit du droit auquel l'humanité voue un culte quasi-mondial. L'on peut
s'inquiéter de l'hypertrophie de la règle de droit parée
pour l'occasion de toutes les vertus cardinales.
Ce culte entraîne au demeurant la juridicisation de tous
les problèmes essentiels de la Nation et la montée en puissance
des juristes perçus comme les acolytes de ce culte nouveau. En effet, si
la politique est saisie par le droit, aux dires du doyen Louis Favoreu, c'est
parce que ce dernier est vu comme une garantie et une protection contre les
atteintes éventuelles aux principes et valeurs essentiels de la
société.459(*)
L'enjeu dès lors est que le jeu politique se soumet
à la règle de droit non seulement pour acquérir
l'inattaquabilité que cette dernière confère mais aussi du
même coup pour obtenir l'efficacité qu'elle garantit eu
égard à la légitimité de son discours.
Au-delà de la proclamation des principes de valeur
morale évidente, il reste que la soumission de la politique au droit est
aussi un calcul politique. Dans la configuration de la justice
constitutionnelle moderne, l'homme politique est presque obligé
d'anticiper sur la position du juge constitutionnel qui fait désormais
partie du jeu politique. Ce n'est donc pas de gaîté de coeur que
les politiques se soumettent au droit, c'est plutôt sous l'influence de
la modification des règles du jeu politique qu'ils sont tenus de
l'observer. Dans ces conditions, l'on peut aussi observer que le droit est
instrumentalisé dans la mesure où il sert d'argument de
légitimité de discours dans un débat politique.
La montée en puissance des juristes déjà
signalée en Allemagne est observable partout où fonctionne une
justice constitutionnelle réellement indépendante. En effet, dans
l'intention de formaliser le discours politique, l'homme politique sera
astreint à recourir à l'expertise la plus pointue en droit et
cela, pour donner à son discours toutes les chances d'être
légitimé par le juge constitutionnel.
En fin de comptes, l'Etat de droit repose sur la confiance
placée dans le droit, sur le culte voué aux vertus de la
dogmatique juridique ; l'Etat de droit repose sur le fétichisme de
la règle de droit.460(*)
Jacques Chevallier dit plus nettement cette
vérité lorsqu'il écrit : « cette
confiance placée dans le droit n'est pas seulement d'ordre
rationnel ; elle relève d'un jeu de croyances plus profondes :
au-delà de son contenu concret et de sa portée pratique, la
règle juridique est nimbée d'un halo mystique, investie de cette
dimension sacrée qu'on trouve déjà dans la conception
rousseauiste de la loi ».461(*)
En occident, le droit s'est longtemps posé comme un
instrument de limitation du pouvoir absolu avec ses dérives absolues et
également ses formes ont été empruntées par le
capitalisme pour voiler les mécanismes d'exploitation. Aujourd'hui, il
est apparu comme un médiateur indispensable encore que les
légitimations sociales les plus diverses ont été
élaborées à partir de lui et en émanent. Aussi,
avec la doctrine, nous pouvons voir que le culte du droit se traduit
concrètement dans la coupure entre le droit et la politique.462(*)
En effet, le fait de l'objectivation du discours normatif
désormais distinct du discours politique dont la
généalogie est présente confère au premier
l'incontestabilité et la nécessité qui manquent au second.
Aussi, le dit du législateur est-il discriminé de celui des
parlementaires de la majorité. La norme n'est plus le produit contingent
des rapports de forces politiques, économiques et sociales qu'elle
aurait du être en réalité. L'objectivation de la norme
juridique, épurée de toute dimension politique, devient la
garantie de sa puissance normative.
La dogmatique juridique voudrait dès lors que le culte
du droit s'appuie sur le juriste et soit célébré par le
juge juriste par ailleurs formé pour cela.463(*) Ceci amène à
considérer que l'Etat de droit, « ce n'est pas le gouvernement
des hommes, c'est le règne des normes ». 464(*)
Cette sacralité du droit constitutionnel de type
laïque semble se confondre avec une autre sacralité qui est celle
du pouvoir que tente d'encadrer le juge constitutionnel. Il est temps de
chercher dès lors à connaître le modèle
théorique susceptible de générer à la fois
l'efficacité juridictionnelle attendue et l'acceptation de ses
mécanismes par la population congolaise prise comme consommatrice de la
justice constitutionnelle.
Si une analyse d'ordre méthodologique peut constituer
un quelconque apport à la délicate question de juge ou de la
justice constitutionnelle, c'est d'abord et avant tout parce qu'elle
distinguera les points de vue auxquels chacun peut se placer pour tenter de
répondre à la question posée.
Ainsi, du point de vue historico-sociologique, on
s'intéressera à l'avènement du juge constitutionnel dans
les États modernes, tandis que, du point de vue de la dogmatique, on
étudiera les règles qui, dans un ordre juridique
déterminé, régissent la compétence du juge
constitutionnel et la façon dont ces règles sont
interprétées ainsi que les types de conflits qui peuvent
intervenir entre ce juge et d'autres autorités.
Très souvent, ce point de vue s'appuie sur un autre,
d'ordre philosophique ou politique, à partir duquel on cherche à
élaborer et proposer un certain modèle de justice
constitutionnelle en vue, le plus souvent, de critiquer la
réalité juridique par rapport à lui. Enfin, le point de
vue théorique porte, pour sa part, sur le concept même de justice
constitutionnelle et ceux qui lui sont liés, tels celui de constitution,
d'État de droit, ou celui de démocratie ; de même, c'est
encore à ce niveau que se situent les analyses relatives au mode de
raisonnement des juges constitutionnels.
La variété de ces points de vue laisse escompter
une grande variété de réponses à la question de
savoir si le juge constitutionnel est un juge comme les autres,
variété que renforce le fait que plusieurs réponses
peuvent procéder d'un seul point de vue.
Cela étant, parce qu'il est impossible d'embrasser ici
tous les points de vue, on se situera uniquement à ce dernier, celui
théorique. Et comme on peut le prévoir, la question qui nous
occupe reçoit bien souvent aujourd'hui, à ce niveau comme aux
autres, une seule et même réponse négative. Le plus
surprenant réside ailleurs.
En effet, cette réponse se fonde, au niveau
théorique, sur un même argument selon lequel le juge
constitutionnel ne serait pas un juge comme les autres parce que
l'interprétation de la constitution exigerait des méthodes
d'interprétation spécifiques, elles-mêmes justifiées
par le fait que la constitution ne serait pas un texte comme un autre. En sorte
que le juge constitutionnel se distinguerait doublement des autres juges : par
le texte qu'il doit interpréter d'abord, par les raisons qui expliquent
son existence. Voilà donc l'argument qu'il convient d'examiner, en
s'intéressant à la spécificité de
l'interprétation d'abord, à celle de la justification du juge
constitutionnel ensuite.
S'il semble aujourd'hui évident et acquis qu'une
constitution c'est avant tout un texte, il n'en a pas toujours
été ainsi. Même encore maintenant, d'ailleurs, certains
aiment à invoquer l'esprit de la constitution afin d'en dépasser
la lettre : preuve que la constitution n'est pas seulement qu'un texte. Or, si
le juge constitutionnel montre quelque spécificité, cela
s'explique parfois par la définition de la constitution retenue : pour
le dire autrement, on ne peut concevoir le contrôle de la
conformité d'une loi à la constitution qu'à la condition
d'admettre que cette dernière est une norme et pas seulement une
organisation de rapports entre organes.
Il faut ici revenir à la typologie fort
éclairante proposée par Paolo Comanducci qui a distingué
deux concepts de constitution. Longtemps, le terme « Constitution » a
renvoyé à une idée d'ordre et désignait un ensemble
de phénomènes sociaux. Mais cet ordre lui-même n'est pas
toujours compris de la même façon. On retrouve là une
distinction qui structure tout le discours juridique et politique : l'ordre que
contient la constitution est appréhendé soit comme un ensemble de
valeurs soit comme un ensemble de faits.465(*)
On peut alors distinguer entre deux modèles de
constitution conçue comme « ordre » : un modèle
axiologique et un modèle descriptif. Selon le modèle axiologique,
l'ordre social est doté d'une valeur intrinsèque, une valeur
fondamentale et s'il ne fait pas directement référence à
des normes, cet ordre est générateur de normes. C'est ainsi que
l'on peut comprendre le concept de constitution qu'emploie la doctrine
traditionnelle française pour qui l'ordre que la Constitution contient
est un ordre naturel ; c'est encore ce concept que l'on trouve chez Carl
Schmitt lorsqu'il parle du concept positif de Constitution comme d'une
décision totale sur la nature et la forme de l'unité politique.
Selon le modèle descriptif, l'ordre ainsi conçu
n'est pas lui-même doté d'une valeur quelconque, il n'est pas non
plus censé générer des normes ; c'est une situation, un
fait et non une valeur : la constitution désigne une situation
restée ou censée demeurer stable des rapports de pouvoirs et ces
pouvoirs sont eux-mêmes considérés comme reflétant
une structure de la société. On peut penser à ce que
Montesquieu dit de la Constitution anglaise ou, mieux encore, ce que de
Tocqueville dit des rapports entre démocratie et aristocratie : l'ordre
que décrit la Constitution est un ordre artificiel.
À ce concept de Constitution conçue comme ordre,
on peut opposer le concept de Constitution comme norme. Et là encore, on
trouve un modèle descriptif et un modèle axiologique. Le
modèle descriptif de Constitution conçue comme norme, c'est,
idéalement parlant, le modèle de Hans Kelsen. Le terme «
Constitution » désigne alors un ensemble de règles
juridiques positives et non un ordre social ; ces règles sont «
fondamentales » non parce qu'elles sont le reflet de la
supériorité de certaines valeurs sur d'autres mais parce qu'elles
fondent le système juridique lui-même.466(*)
Le modèle axiologique de Constitution conçue
comme norme ressemble en partie au précédent. Par constitution,
on désigne un ensemble de règles juridiques positives
exprimées dans un document formel, identifiable. Mais ce qui change,
c'est que la constitution est, comme le dit Dogliani, « chargée
d'une valeur intrinsèque : la constitution est une valeur en soi ».
Il existe plusieurs variantes de ce modèle axiologique comme l'illustre
à sa façon Carlos Nino lorsqu'il distingue trois concepts
normatifs de constitution soit : la constitution comme «organisation
légitime du pouvoir d'État » ; la constitution comme «
l'ensemble des règles adoptées selon un principe légitime
de décision collective », ou encore, la constitution comme «
ensemble de principes valides qui génèrent le système de
droits fondamentaux des individus ».
Notons que cette dernière variante est aujourd'hui
très largement partagée en ce qu'elle présente le
mérite de rendre compte des systèmes juridiques non plus comme
des systèmes exclusivement ou du moins principalement dynamiques - ce
que soutenait Kelsen - mais aussi statiques.
En effet, si la constitution est définie comme un
ensemble non plus de normes mais de principes - explicites ou implicites-
placés au sommet de l'ordre juridique, de la hiérarchie des
sources juridiques, la constitution est réputée se diffuser dans
l'ordre juridique tout entier et toutes les lois sont conçues comme sa
mise en oeuvre.
Enfin, dans cette variante du modèle, la constitution a
une relation particulière à la démocratie dans la mesure
où, d'une part, il y a une connexion nécessaire entre la
démocratie et la constitution car il ne saurait y avoir de
démocratie - au sens d'isonomie - sans Constitution ni de Constitution
sans démocratie ; d'autre part, la constitution a pour fonction de
limiter la démocratie entendue comme principe de majorité.
Dans ces conditions, la constitution apparaît comme
ayant pour fonction non plus de fermer le système sur lui-même
mais d'établir un pont entre le droit et la morale : elle ouvre le
système juridique à des préoccupations de type moral parce
que les principes constitutionnels sont des principes moraux positivés
et que la justification juridique ne peut se faire qu'à l'aide de
principes moraux, ce qui revient à dire, en définitive, que le
raisonnement juridique n'est qu'une branche du raisonnement moral.467(*)
Il est évident que chacun de ces modèles ou
concepts de constitution ne donne pas lieu à la même
théorie de l'interprétation de la Constitution.
L'opposition pertinente est ici de savoir si la constitution
est un ordre ou une norme : en effet, la question de la
spécificité de l'interprétation constitutionnelle ne se
pose réellement que si l'on admet préalablement que la
constitution est une norme, que cette norme soit conçue comme juridique
ou comme morale.
Lorsque la constitution est conçue comme norme, donc,
son interprétation est parfois considérée comme
spécifique. Mais cette spécificité n'est pas toujours
entendue de la même façon. Passons, pour les besoins de
l'exposé, sur la spécificité qui tiendrait aux acteurs et
qui dépend très largement du système de contrôle de
constitutionnalité choisi (concentré ou diffus). Une autre forme
de spécificité est envisageable au regard des problèmes
d'interprétation que pose la constitution et que ne posent pas les
autres normes.
Ainsi, par exemple, comment interpréter l'absence, dans
une constitution, d'une clause sur la révision de la constitution :
doit-on considérer que cette absence signifie que la constitution n'est
jamais révisable ou au contraire qu'elle l'est sans aucune
formalité ? Ou encore : comment interpréter les préambules
? Ou enfin : existe-t-il des limites logiques à la révision ?
Autant de questions qui, si elles sont propres à la Constitution,
dépendent encore très largement du contenu même de la
constitution.
Il est en revanche une question qui ne dépend pas du
contenu mais de la forme même de la constitution : exige-t-elle l'emploi
de techniques interprétatives spécifiques ? C'est ce que tendent
à penser beaucoup de constitutionnalistes.
Les arguments en faveur d'une spécificité des
techniques interprétatives sont généralement au nombre de
trois : d'une part, la constitution est composée de principes qui
n'admettent pas une interprétation littérale mais doivent
être interprétés ; d'autre part, les antinomies entre les
principes constitutionnels ne peuvent être résolues à
l'aide des critères classiques mais doivent prendre la forme d'une
pondération, d'un balancement entre principes ; enfin, le juge
constitutionnel se situe à mi-chemin entre le législateur et le
juge ordinaire : il est libre comme peut l'être le législateur
mais cette liberté est encadrée par des exigences prudentielles,
ce qui l'éloigne du juge ordinaire qui, lui, est tenu de se conformer au
modèle de la subsomption.468(*)
Ces arguments méritent d'être examinés.
Comme le relève avec pertinence la doctrine italienne,
cet argument repose sur une pétition de principe selon laquelle les
principes constitutionnels contiennent réellement des prescriptions et
ne sont pas tout simplement vides de sens. Or, toute la question est justement
de savoir si ces prescriptions sont susceptibles d'être connues en
dehors de l'interprétation car, dans le cas contraire, si donc le
contenu prescriptif des principes n'est découvert qu'au terme de
l'interprétation, on doit admettre qu'ils n'en ont pas réellement
: seule l'interprétation en a.
C'est précisément cette pétition de
principe qui est au coeur des nombreuses théories de
l'interprétation constitutionnelle contemporaines qui, comme le faisait
remarquer Böckenförde, tendent à détruire la «
normativité de la Constitution » et étendent voire
renforcent son imprécision. Böckenförde explique
l'accroissement de la confusion des normes constitutionnelles autrement : pour
lui, la plupart des théories de l'interprétation
constitutionnelle présupposent une définition de la Constitution
comme « un ensemble de règles de droit ou bien encore un programme
normatif d'une précision telle que, de là, peut sortir une
décision du cas concret ». Or, les nouvelles voies
d'interprétation proposées le sont justement parce que « la
plupart des normes constitutionnelles sont, dans leur structure normative
matérielle, insuffisantes à cet égard».469(*)
Ainsi, les théories de l'interprétation
constitutionnelle contemporaines admettraient le concept de constitution
à la Kelsen, - c'est-à-dire, une Constitution comme un ensemble
de normes portant sur l'organisation politique, « la norme qui
règle l'élaboration des lois, des normes générales
en exécution desquelles s'exerce l'activité des organes
étatiques » - tout en reconnaissant, dans le même temps, que
la Constitution n'est matériellement pas une norme comme les autres.
Il semble toutefois que l'explication de Böckenförde
tombe dans le même travers que les théories qu'elle cherche
à expliquer, celui de confondre le texte de la Constitution - qui n'est
qu'un énoncé linguistique - avec les normes de la Constitution
elle-même. Une fois cette distinction admise, le texte de la Constitution
n'est pas moins obscur ni plus flou que certaines lois ou règlements.
Au mieux conviendra-t-on que le flou s'y rencontre plus
fréquemment. Si donc l'on s'en tient à la distinction entre le
texte et la norme, on en vient à s'intéresser à l'acte par
lequel ce texte se transforme en norme : l'acte d'interprétation. Or, de
ce point de vue, l'interprétation de la Constitution n'a rien de
spécifique, elle n'exige aucun savoir-faire particulier, aucune
méthode originale. Interpréter la Constitution, c'est
interpréter un texte - retrouver sous l'énoncé les
diverses normes que cet énoncé permet de justifier.
Ainsi, contrairement à ce que semble penser
Böckenförde, les théories de l'interprétation de la
Constitution ne proposent pas de nouvelles méthodes en vue de pallier
l'insuffisance de la structure normative matérielle des normes
constitutionnelles. Si elles sont à ce point soucieuses de nouvelles
méthodes, c'est parce qu'elles ne parviennent pas à prendre au
sérieux la constitution comme ensemble de normes au sens purement
descriptif et persistent à l'appréhender comme un ensemble de
normes au sens axiologique.
Rien ne semble plus caractéristique de
l'interprétation constitutionnelle que la figure du balancement ou de la
conciliation. Le juge constitutionnel, face aux principes que contient la
constitution et parce qu'elle contient non des normes de comportement mais des
principes, ne saurait se conformer au modèle déductif de la
subsomption. Son contrôle passe nécessairement par la
méthode herméneutique qui le conduit à mettre en balance
deux principes contradictoires ou antagonistes qu'il a pour tâche de
concilier.
Menée à bien, cette conciliation aboutit
à une solution dont les plus ardents partisans du contrôle de
constitutionnalité aiment à souligner à la fois
l'impartialité et la justice : rien ne correspond mieux à
l'idée a priori de neutralité que de concilier deux contraires,
rien n'est plus juste que cette même neutralité, cet
équilibre. Le balancement serait en quelque sorte le comble de la
justice.
Cette représentation s'avère, à l'examen,
quelque peu naïve. Elle repose notamment sur l'idée que les
principes en question s'imposent au juge constitutionnel et que c'est parce
qu'ils s'imposent à lui que ce même juge demeure neutre ou
impartial. La seule remise en cause de cette prémisse ruinerait
l'argument. Or, précisément, une conception plus réaliste
permet de comprendre que les principes ne s'imposent pas au juge mais qu'il en
est le maître.
Ainsi, derrière l'apparence d'une compétence
liée pointe le pouvoir discrétionnaire. Au surplus,
derrière la discrétion se cache l'arbitraire. En effet, le
modèle du balancement présente les antinomies entre principes
constitutionnels comme toujours partielle-partielle et non partielle-totale ou
totale-totale.
Rappelons brièvement que l'antinomie la plus simple est
celle dite « totale-totale » ou absolue. Elle intervient entre deux
normes lorsque aucune des deux ne peut être appliquée sans entrer
en conflit avec l'autre, soit parce qu'une norme ordonne exactement de faire ce
que l'autre interdit, soit encore parce qu'une norme ordonne exactement de
faire ce que l'autre permet de ne pas faire, soit enfin parce qu'une norme
interdit exactement de faire ce que l'autre permet de faire.
L'antinomie « totale-partielle » intervient lorsque
deux normes incompatibles ont un champ d'application commun mais que la seconde
norme a, en outre, un champ d'application plus large dans lequel elle n'entre
pas en conflit avec l'autre.
C'est le cas lorsqu'une norme interdit une action et que la
seconde autorise à la fois cette action et en interdit une autre. Enfin,
l'antinomie « partielle-partielle » intervient lorsque deux normes
ont un champ d'application commun dans lequel elles entrent en conflit l'une
avec l'autre mais aussi un champ d'application plus large dans lequel elles
n'entrent pas en conflit.
Bien évidemment, face à une antinomie quelle
qu'elle soit, la question est de savoir comment la résoudre. Or, tout
ordre juridique comporte au moins trois critères : le critère
hiérarchique (lex superior derogat inferiori) ; le
critère chronologique (lex posteriori derogat priori) et le
critère de spécialité (lex specialis derogat
generali).
Cela étant, ces trois critères sont loin
d'être suffisants. Ils ne fonctionnent plus lorsqu'on est en
présence de deux normes contemporaines l'une de l'autre, de même
valeur juridique et ayant la même sphère d'application, ce que
sont précisément les principes constitutionnels. Pour
résoudre l'antinomie, il n'existe que trois solutions : renoncer aux
principes en conflit ; les maintenir tous les deux ; sacrifier l'un des deux.
Dans tous les cas, pour justifier le choix de cette solution,
il faudra recourir à un jugement de valeur qui ne pourra lui-même
pas prétendre à l'objectivité des trois critères
traditionnels. Or, pour pallier l'inconvénient de la subjectivité
que recèle tout jugement de valeur, les juges tendent à
modérer la portée de ce dernier en prétendant
procéder au cas par cas.
On sombre alors dans ce qui ressemble le plus parfaitement
à l'arbitraire : la solution de l'antinomie dépend de la seule
appréciation du juge et ne vaut que pour le temps de sa décision.
Enfin, aussi étonnante soit cette représentation
du jugement de constitutionnalité, elle est loin d'être
singulière et propre au juge constitutionnel : tous les juges sont
amenés à procéder ainsi dès lors qu'ils ont
à concilier des énoncés antagonistes dont on voit mal les
normes qu'ils contiennent, que ce soit le principe de la liberté
contractuelle ou celui du droit au respect de sa vie privée.
Le balancement est donc moins une spécificité du
contrôle de constitutionnalité qu'une spécificité du
droit contemporain qui, aux normes de comportement et de compétences,
ajoute des normes de justification. Des velléités perceptibles
dans la doctrine existent qui visent à proposer une
hiérarchisation des principes ou, mais cela revient au même, des
droits dits fondamentaux1.470(*) Il demeure cependant la question
d'objectivité du juge dans ce processus d'interprétation.
Objectivité toute relative, c'est entendu, étant donné
qu'hormis la chronologie, la supériorité d'une norme comme sa
spécialité sont affaire d'appréciation subjective. Il
demeure que l'avantage commun aux critères de la chronologie et de la
hiérarchie est de ne pas porter sur le contenu de la règle mais
sur sa position objective, soit dans le temps soit dans le système
normatif qui assigne une place hiérarchique aux autorités
compétentes pour poser une règle.
Mais entre le critère chronologique et celui
hiérarchique, il y a bien une différence de taille: le
critère chronologique se rapporte à un fait naturel, le
hiérarchique à un fait juridique. Il faut donc procéder
à une interprétation juridique. Le critère de
spécialité est moins objectif puisqu'il exige que l'on tienne
compte du contenu des règles.
Néanmoins, il est conçu comme ne devant pas
laisser place aux préférences personnelles car pour
établir qu'une règle est générale, le juge est
censé n'avoir recours qu'à un jugement de fait concernant
l'étendue différente des dispositions normatives (validité
matérielle, personnelle).471(*)
Il demeure cependant que lorsque cette hiérarchisation
est le fruit de la dogmatique juridique, elle revient à substituer un
arbitraire à un autre. Les tentatives qui fleurissent ici et là
visant à faire de certains droits des droits secondaires ou de second
rang, comme c'est le cas notamment avec le droit de propriété,
sont pour le moins étonnantes. Certes, elles se réclament d'une
description de la jurisprudence des cours constitutionnelles (en
l'espèce le Conseil constitutionnel français).
Mais cette description est elle-même trompeuse puisque
la « juridiction » visée qualifie ce même droit de
« fondamental » (comme d'ailleurs d'autres juridictions qui en font
elles aussi un droit fondamental. Cependant, nous dit-on, le droit de
propriété n'étant pas protégé aussi
fortement que les autres, il ne serait qu'un droit de « second rang
».
Or, qui a dit que le caractère fondamental d'un droit
devrait lui vient du degré de protection qu'il reçoit ? Et si les
droits dits fondamentaux ne recevaient pas tous la même protection ne
vaudrait-il pas mieux, dans ces conditions, hiérarchiser non les droits
mais les modes de contrôle?
On voit tout ce que cette thèse doit à des
jugements de valeur qui échappent à ceux-même qui les
tiennent : un droit est « réellement » fondamental,
présupposent-ils, quand il est contrôlé avec la même
« force » ou avec les mêmes instruments que les autres.
Mais quel est donc alors le droit réellement
fondamental qui « doit » servir de modèles aux autres ? Et
l'identification de ce droit-modèle sera-t-elle le résultat d'un
acte de connaissance ou d'un acte de volonté ? Cette thèse d'une
liberté limitée du juge constitutionnel est elle-même
parfaitement contestable dès lors que l'on s'intéresse aux «
exigences prudentielles » dont devrait tenir compte le juge
constitutionnel dans son interprétation et qui, d'après les
ardents défenseurs de la spécificité de
l'interprétation constitutionnelle, dépendraient du fait que le
juge constitutionnel doit motiver ses décisions afin qu'elles
apparaissent « comme la meilleure expression de la raison pratique
».472(*)
Or, quel juge peut faire autrement ? Quel juge peut
réellement prétendre se conformer au modèle de la
subsomption ? Il faut ici en effet tordre le cou à ce prétendu
modèle de la subsomption qui voudrait que le juge ne soit qu'un
mécanisme faisant application d'une règle générale
à un cas particulier. Il est à peine besoin d'adhérer
à une théorie réaliste de l'interprétation
très en vogue aujourd'hui pour mesurer à quel point cette
représentation est erronée. Elle repose plus simplement sur une
analogie avec le syllogisme théorique. Or, l'analogie est trompeuse :
à la différence du premier, le second comprend une
prémisse majeure dépourvue de toute référence
a priori.
En effet, à supposer que la norme qui serve de
prémisse majeure soit du type « tous les voleurs doivent être
punis », elle ne propose aucune description définie de ce que le
terme «voleurs » signifie. Elle ne pourra donc faire l'objet d'une
application individuelle et singulière qu'en vertu de la décision
d'un juge. Bref, il n'existe pas de « voleurs » tant que le juge n'a
pas identifié Socrate comme tel. C'est d'ailleurs parce que cette
prémisse majeure n'a pas de référence a priori
que tout juge doit choisir entre les différents sens qu'elle est
susceptible d'avoir. Que ce choix soit un acte de volonté et que l'on en
déduise ensuite que toute interprétation revient à
créer une norme est presque secondaire : ce n'est du moins que le
corollaire de la première thèse.
À bien y regarder, il n'y a donc aucune
spécificité de l'interprétation constitutionnelle quant
aux techniques d'interprétation. On pourrait ainsi conclure que le juge
constitutionnel est un juge comme les autres et passer son chemin. On omettrait
cependant une autre dimension du problème, évidente : la
présence d'un juge constitutionnel ne reçoit pas toujours et
partout, loin s'en faut, la même justification.
La question la plus difficile que la théorie
constitutionnelle ait à affronter est bien évidemment celle de la
justification de l'existence même du contrôle de
constitutionnalité. Là comme ailleurs, plusieurs réponses
existent, dont aucune n'est réellement satisfaisante, tout le
problème se ramenant à celui de savoir comment on peut concilier
le contrôle de constitutionnalité avec ce qu'il est censé
justement assurer ou garantir : la démocratie.
Marshall, Kelsen, Barak - pour reprendre le titre d'un
excellent article de Michel Troper- ont tous trois tenté de justifier le
contrôle de constitutionnalité par la suprématie de la
Constitution. Mais comme cela a été si bien
démontré, toute l'argumentation n'est qu'une pétition de
principe car de deux choses l'une : ou bien la Constitution est suprême,
et il n'est nul besoin de la faire respecter ; ou bien il faut la faire
respecter... c'est donc qu'elle n'est pas suprême. Or, tant Marshall que
Kelsen ou Barak montrent, malgré eux, que ce n'est pas la
suprématie de la Constitution qui justifie le contrôle de
constitutionnalité mais bien le contrôle de
constitutionnalité qui justifie la suprématie de la Constitution.
Bref, la Constitution n'« est » pas suprême, elle « doit
» l'être.
On peut ajouter une pierre à cette critique. Marshall-
comme beaucoup d'autres -, prétend démontrer la
nécessité du contrôle de constitutionnalité en
enfermant son auditoire dans une alternative qu'il croit définitive. Il
écrit : « ou la Constitution est un droit supérieur,
suprême, inaltérable par des moyens ordinaires ; ou elle est sur
le même plan que la loi ordinaire et, à l'instar des autres lois,
elle est modifiable selon la volonté de la législature.
Si c'est la première partie de la proposition qui est
vraie, alors une loi contraire à la Constitution n'est pas du droit ; si
c'est la deuxième qui est vraie, alors les Constitutions écrites
ne sont que d'absurdes tentatives de la part des peuples de limiter un pouvoir
par nature illimité».473(*)
Or, le raisonnement souffre ici du même vice que celui
que l'on trouve dans les conceptions dualistes du droit propres aux
jusnaturalistes : en disant que la Constitution est un droit supérieur
et qu'une loi contraire à la Constitution n'est pas « du droit
», Marshall emploie le terme « droit » dans deux sens
très différents : le droit qui vaut pour la Constitution, le
droit qui vaut pour la loi.
En admettant que la Constitution soit un droit
supérieur, elle n'est toutefois pas « du droit » parce qu'elle
est conforme à elle-même : or, si l'on se demande pourquoi la
Constitution « est du droit », il faudra recourir à une autre
définition que celle employée pour dire que la loi contraire
à la constitution n'est pas du droit - ou que la loi conforme en est.
C'est là un raisonnement classique et propre à
toutes les formes de jusnaturalisme : pour justifier la
supériorité du droit naturel, les auteurs ont toujours recours
à un argument négatif déniant la qualité de droit
à toute norme contraire au droit naturel.
Mais en aucun cas ils n'iraient jusqu'à
reconnaître que le droit naturel est du droit parce qu'il est conforme
à lui-même. Ils préfèreront expliquer que le droit
naturel contient des vérités que le droit positif doit mettre en
oeuvre, ou encore, que le droit naturel découle de la raison de sorte
qu'il est du devoir de chacun de s'y conformer.
Autant de propositions qui ne permettent en aucun cas de
savoir à quoi tient la supériorité du droit naturel mais
qui servent - c'est leur fonction - à justifier la norme selon laquelle
le droit positif doit se conformer au droit naturel. C'est
précisément la norme que pose Marshall à l'égard du
législateur : il doit se conformer à la Constitution, un point
c'est tout.
Un autre argument est souvent avancé pour justifier
l'existence du contrôle de constitutionnalité : celui de la
protection des droits de la minorité contre la tyrannie de la
majorité. Cet argument se présente sous deux formes, l'une
ancienne imputable à Tocqueville, l'autre moderne que l'on trouve par
exemple chez Dworkin.
Quel rapport Tocqueville entretient-il avec le contrôle
de constitutionnalité demandera-t-on ? Il suffit de le citer :
« Resserré dans ses limites, le pouvoir accordé aux
tribunaux américains de prononcer sur l'inconstitutionnalité des
lois forme [encore] une des plus puissantes barrières qu'on ait jamais
élevées contre la tyrannie des Assemblées
politiques.»474(*)
Ainsi, le contrôle de constitutionnalité serait
le meilleur instrument pour préserver les droits de la minorité
de la menace que fait peser à leur encontre la tyrannie de la
majorité. Cet argument est à première vue très
convaincant d'autant qu'il est fondé sur cette idée que le
pouvoir absolu corrompt absolument ce que nul n'oserait contester. Il repose
toutefois sur un préjugé pour le moins anti-démocratique
dont, en réalité, Tocqueville ne parvient jamais à se
défaire complètement. En témoigne un passage de la seconde
partie du premier volume de la Démocratie en Amérique
dans lequel il pose la question suivante :« Je regarde comme impie et
détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la
majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans
les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs.
Suis-je en contradiction avec moi-même ? »
Et telle est la question serait-on tenté de dire...
Tocqueville, lui, répond par une autre question : « Qu'est-ce donc
qu'une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des
opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un
autre individu qu'on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu'un
homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires,
pourquoi n'admettez-vous pas la même chose pour une majorité ?
»
Voilà ce que l'on pourrait appeler le sophisme de
Tocqueville. En effet, contrairement à ce qu'il feint de croire, il
demeure quelque peu délicat sinon franchement déplacé - en
démocratie du moins - de définir la majorité et la
minorité comme deux individus équivalents et réductibles
l'un à l'autre.
Tocqueville se trouve alors pris dans un dilemme : s'il ne
veut pas admettre une différence de nature entre majorité et
minorité en démocratie, comment justifier que la volonté
de la majorité puisse ne pas toujours s'imposer ? Là encore, le
seul moyen d'en sortir est d'envisager un droit supérieur et distinct du
droit positif. C'est d'ailleurs en ayant recours à ce dualisme que
Tocqueville croit pouvoir répondre négativement à la
question qu'il posait.
Il n'est pas en contradiction avec lui-même, dit-il,
parce qu'il existe au-dessus des lois positives des hommes une loi
suprême, une loi universelle qui s'appelle la justice : « Il existe
une loi générale qui a été faite ou du moins
adoptée, non pas seulement par la majorité de tel ou tel peuple,
mais par la majorité de tous les hommes. Cette loi, c'est la justice. La
justice forme donc la borne du droit de chaque peuple. Une nation est comme un
jury chargé de représenter la société universelle
et d'appliquer la justice qui est sa loi. Le jury, qui représente la
société, doit-il avoir plus de puissance que la
société elle-même dont il applique les lois ?
»475(*)
Mais affirmer cela ne revient plus, comme le croyait
Tocqueville, à « placer dans les volontés de la
majorité l'origine de tous les pouvoirs ». C'est au contraire
affirmer qu'il existe deux systèmes de normes : l'un, naturel ou
universel, peu importe ; l'autre, fait par la majorité à
l'origine de tous les pouvoirs. Ces deux systèmes de normes ne se voient
pas reconnaître le même statut : le premier précède
le second et le prime, c'est un droit auquel la majorité doit se
conformer. C'est d'ailleurs ce que Tocqueville reconnaît volontiers :
« Une Constitution américaine n'est point censée immuable
comme en France; elle ne saurait être modifiée par les pouvoirs
ordinaires de la société, comme en Angleterre. Elle forme une
oeuvre à part, qui, représentant la volonté
de tout le peuple, oblige les législateurs comme les simples citoyens,
mais qui peut être changée par la volonté du peuple,
suivant des formes qu'on a établies, et dans des cas qu'on a
prévus. En Amérique, la Constitution peut donc varier ; mais,
tant qu'elle existe, elle est l'origine de tous les pouvoirs.
La force prédominante est en elle seule.476(*)
Cela le conduit à une seconde opposition entre la
législation ou la politique ordinaire et la législation ou la
politique constitutionnelle. Dans la première, le peuple « n'existe
tout simplement pas ; il ne peut-être que représenté par
ses tenant-lieu ». Dans la seconde, en revanche, « quelque chose de
spécial se produit : les représentants et les citoyens, dans leur
entreprise de redéfinition et de rénovation des fondations du
gouvernement américain, parlent un langage commun. Ce langage a
été testé à de multiples reprises au sein
d'assemblées délibératives et à l'occasion
d'élections populaires ». Donc, il s'agit bien de la
volonté du peuple lui-même.
Ainsi, chez Tocqueville hier comme chez Bruce Ackerman
aujourd'hui, la Constitution « représente » la
volonté de tout le peuple. On pourrait s'interroger longuement sur ce
que cette «représentation » signifie.
Bien évidemment, on peut tout d'abord être
tenté de n'y lire qu'une métaphore : la Constitution
représenterait la volonté de tout le peuple comme la colombe
représente la paix. Mais il ne viendrait jamais à l'esprit de
quiconque de dire que la colombe oblige les hommes à la paix tandis que
Tocqueville dit que la Constitution américaine oblige les
législateurs comme les simples citoyens. En affirmant que la
Constitution représente la volonté de tout le peuple, Tocqueville
parvient à substituer, par métonymie, l'effet à la
cause.
C'est en effet la volonté du peuple qui fait la
constitution mais une fois faite cette constitution représente cette
même volonté non pas au sens iconographique mais au sens juridique
: elle vaut pour elle, elle en tient lieu, elle s'y substitue. L'argumentation
est étonnamment identique chez Bruce Ackerman.477(*)
On se doit pourtant de remarquer que s'il y a un point commun
entre la théorie selon laquelle le peuple est représenté
par des individus et celle selon laquelle il est représenté par
un texte, une analyse plus approfondie permet de mesurer l'écart qui les
sépare. En effet, le peuple représenté demeure, dans les
deux cas, une entité que l'on ne peut saisir qu'au travers d'un biais,
un truchement, ses « tenant-lieu » dans un cas, la Constitution dans
l'autre. Une fiction, dira-t-on. Mais au-delà, tout les oppose puisque
cette fiction s'incarnera, pour l'une dans une parole humaine, pour l'autre
dans un texte, de sorte que la volonté du peuple sera, dans le premier
cas, produite par des individus et, dans le second, déduite d'un texte.
Ce sont donc bien deux théories radicalement
antagonistes de la représentation politique auxquelles on a affaire
puisque, dans l'une, représenter c'est vouloir et que, dans l'autre,
représenter c'est connaître. Il reste enfin à se demander
en quoi cela confère à la Constitution une prédominance.
Or, cette prédominance s'explique chez Tocqueville comme chez Ackerman
parce qu'ils raisonnent selon l'a priori qu'il n'y a de « vraie
» constitution que s'il existe un contrôle de
constitutionnalité. Si on la prolongeait, cette thèse conduirait
à admettre un contrôle des lois au regard non pas tant de la
constitution entendue comme norme juridique positive mais au regard d'une
Constitution pensée comme norme de justice universelle ou du moins
intégrant cette dimension de justice.
On trouve aujourd'hui l'argument sous une autre forme, qui
insiste davantage sur les droits qu'une Constitution est censée
protéger et reconnaître. Cet argument se présente de la
façon suivante : une Constitution a pour fonction essentielle
d'établir des droits et ces droits sont des barrières aux
décisions de la majorité permettant de protéger les
intérêts des individus. En sorte que, s'il n'y avait pas de
contrôle de constitutionnalité, il n'y aurait pas de
reconnaissance de ces droits parce qu'il n'y aurait aucune limite aux
décisions de la majorité exprimées par les organes
politiques et notamment le Parlement. Les juges constitutionnels ont donc pour
mission de protéger les droits et dès lors que l'on
reconnaît des droits, on doit accepter le contrôle de
constitutionnalité.
Cette thèse est très largement répandue
au point qu'elle apparaît comme une évidence. Ainsi, par exemple,
Pasquale Pasquino écrit : « l'État constitutionnel s'est
construit pour défendre les citoyens du pouvoir des majorités
politiques et pour protéger les minorités, non pour consacrer le
pouvoir sans obstacle des élites politiques. Une structure polyarchique
semble le meilleur instrument pour faire obstacle à
l'intempérance, comme l'appelait Tocqueville, d'un organe monocratique
qui pouvait revendiquer pour lui l'autorisation
populaire ».478(*)
Cette même évidence se retrouve également
chez Dworkin lorsqu'il propose de distinguer entre les politiques et les
principes pour ensuite expliquer que les politiques définissent des
objectifs collectifs, tandis que les principes établissent des droits.
Ces derniers constituent une limite aux objectifs collectifs et
préservent la sphère individuelle de cette sphère
collective. Les objectifs doivent être définis par des organes
politiques mais les droits doivent être établis sur le fondement
des principes par les juges.
Sous couvert de tracer une frontière entre la
sphère publique et celle privée, on en vient à
déplacer le lieu de l'exercice du pouvoir des assemblées vers les
juges. La critique majeure de l'argument est qu'il repose sur une confusion
entre les intérêts de la majorité - qui sont
toujours susceptibles d'entrer en conflit avec les intérêts des
individus - et les décisions de la majorité.
Comme on peut le remarquer justement, il n'y a aucune
contradiction logique à soutenir qu'en démocratie l'unique
autorité légitimement investie du pouvoir de reconnaître
les droits est précisément la volonté de la
majorité. Sauf à admettre, comme Tocqueville le fait, qu'il y a
une identité de nature entre la majorité et la minorité.
Mais il faut alors parvenir à expliquer en quoi le système que
l'on décrit est encore démocratique.
Une autre justification, sans doute peu éloignée
de celle que proposait Tocqueville, est aujourd'hui défendue par
Dominique Rousseau en France, qui cherche à présenter le Conseil
constitutionnel comme le « représentant de la souveraineté
du peuple »479(*).
Pourquoi voir le juge constitutionnel, en France ou ailleurs, comme le
représentant de la souveraineté du peuple ?
Parce que le juge constitutionnel oblige le législateur
à respecter la volonté du peuple souverain déclarée
dans la constitution : « Lorsque le Conseil constitutionnel censure une
loi (...) il ne le fait pas au motif que les représentants ont
méconnu la volonté des citoyens qui les ont élus (...), il
ne le fait pas davantage au motif qu'il connaît et donc représente
mieux que les élus la volonté du peuple qui s'est exprimée
lors de ces élections ; il censure en montrant aux représentants
(...) le texte où le peuple figure en souverain et qui leur interdit de
prendre ces dispositions. En d'autres termes, le Conseil ne représente
pas le peuple souverain, il représente ce en quoi et par quoi le peuple
se pense et se reconnaît souverain ».480(*)
À l'examen, cette thèse se fonde sur deux
présupposés qui, bien que parfois explicites, ne sont pas pour
autant démontrés : selon le premier le contrôle de
constitutionnalité vise à préserver la suprématie
de la constitution ; selon le second, la représentation juridique
s'analyse en la reproduction d'une réalité préexistante,
autrement dit, la représentation juridique est toujours symbolique.
Le premier présupposé est ancien. On le trouve
formulé pour la première fois chez Hamilton au n°78 du
Fédéraliste : « lorsque la volonté de la
législature, déclarée dans les lois, est en opposition
avec celle du peuple, déclarée dans la Constitution, les juges
doivent être gouvernés par la seconde plutôt que par la
première. Ils doivent fonder leurs décisions sur les lois
fondamentales plutôt que sur celles qui ne le sont pas ».
L'affirmation semble procéder du raisonnement suivant
: la constitution étant la volonté du peuple, elle est une loi
« fondamentale » et parce qu'elle est fondamentale, elle doit
s'imposer et au législateur et aux juges, il faut donc
préférer la constitution à la loi qui lui serait
contraire. Ce raisonnement procède lui-même d'une théorie
bien connue selon laquelle le droit est et doit être un ensemble de
règles de justice qui dérivent toutes les unes des autres,
autrement dit, c'est la vérité de la Constitution et non
l'autorité du législateur qui fait la loi.
Une telle conception contient cependant une contradiction : en
effet, pour parvenir à dire que la Constitution « est » la
volonté du « peuple », on doit logiquement admettre que le
peuple existe avant la Constitution et que cette dernière ne contient
des normes de justice que dans la mesure où elle est l'expression de sa
volonté. C'est donc en dernier ressort l'autorité du peuple qui
fait la loi et non la vérité de la Constitution. Dans ces
conditions, comment savoir qu'une loi est contraire à la volonté
du peuple ? Et si la contrariété de la loi à la
Constitution ne procède pas de la logique, comment justifier que les
juges doivent respecter la Constitution plutôt que la loi ?
Enfin, comment justifier que les membres de l'assemblée
législative, qui agissent au nom du peuple, ne puissent eux aussi
exprimer sa volonté ?
En réalité, ces questions insurmontables ne se
posent qu'en raison de la très grande ambiguïté de la
prémisse initiale présupposée qui fonde le raisonnement
examiné et selon laquelle la volonté du peuple existe
indépendamment de celle de ses représentants.
Dire que le peuple existe avant la Constitution conduit
à un dilemme dont il est malaisé de sortir : ou bien le peuple
existe, et il n'a pas besoin de représentant ; ou bien il en a besoin,
donc il n'existe pas réellement. Ajoutons, pour être complet, que
cette prémisse n'a rien de descriptif et dissimule à peine une
norme de comportement à l'égard de tout corps législatif
élu.
Il n'est pas de proposition plus évidemment vraie que
tout acte d'une autorité déléguée, contraire aux
termes de la commission en vertu de laquelle elle est exercée, est nul.
Donc, nul acte législatif, contraire à la
Constitution, ne peut être valable. Nier cela, ce serait affirmer que le
délégué est supérieur à son commettant, que
le serviteur est au-dessus de son maître ; que les représentants
du peuple sont supérieurs au peuple lui-même ; que des hommes qui
agissent en vertu de pouvoirs peuvent faire non seulement ce que ces pouvoirs
ne les autorisent pas à faire, mais encore ce qu'ils leur
défendent.
Cela étant, quand bien même on justifierait la
suprématie de la Constitution par sa conformité à la
volonté du peuple « réel », on ne pourrait pas en
inférer la nécessité d'un organe chargé de
contrôler la loi. C'est à cela que sert le second
présupposé selon lequel la représentation, en droit, est
symbolique.
Ce dernier présupposé est d'ailleurs explicite
chez Dominique Rousseau qui écrit : « le mécanisme de la
représentation (...) est un mécanisme de constitution de la
réalité en ce que celui qui représente donne une forme,
une consistance à ce qui est absent. Ici, ce qui est absent, c'est la
personne du peuple souverain et le Conseil donne corps à cette personne,
produit sa réalité de souverain en mettant au jour, en
rendant visible ce qui est construit par sa représentation,
c'est-à-dire, précisément, la souveraineté du
peuple.
Cette dernière n'est réelle et n'acquiert une
possible effectivité que si elle est représentée en
tant que telle. Or, c'est justement cette présence du peuple
souverain dans la sphère du pouvoir que représente la juridiction
constitutionnelle face aux institutions parlementaire et exécutive qui
renvoient seulement aux citoyens l'image de représentés et non de
souverains. »481(*)
La difficulté à laquelle aboutit ce
présupposé est qu'il contredit le précédent :
tandis que le premier assoit la suprématie de la Constitution sur
l'existence d'un peuple dont la volonté est tout entière contenue
dans la Constitution, voilà que l'on nous dit maintenant que cette
volonté a besoin du juge constitutionnel pour se déployer.
Contradictoire, la thèse est en définitive moins
une thèse qu'un jugement de valeur déguisé au terme duquel
il n'est pas bon qu'une assemblée législative agisse sans
limites, sans rencontrer d'obstacles. En d'autres termes, le droit ne doit pas
être le produit de la volonté mais de la raison.
Afin d'éviter les écueils des justifications
précédentes, Carlos Nino en a fourni une autre qui a le
mérite de la simplicité : le contrôle de
constitutionnalité est logiquement inévitable. Ceci n'a
effectivement rien de nouveau.
Cette thèse s'appuie sur ce que Nino appelle le «
théorème fondamental de la philosophie du droit » à
savoir que le droit n'est pas autonome par rapport à la morale parce que
« les normes juridiques ne constituent pas en elles-mêmes des
raisons opératoires pour justifier des actions et des décisions
comme celles des juges, à moins qu'on les conçoive comme
dérivant de jugements moraux, c'est-à-dire, de jugements
normatifs qui possèdent les caractéristiques suivantes :
autonomie, justification, universalisabilité,
généralité, supervenience, et publicité
».482(*)
Nino appuie toute sa démonstration sur une critique
serrée et habile de la validité chez Kelsen qui le conduit
à distinguer deux concepts de validité : l'un normatif, selon
lequel «valide» signifie « obligatoire » ; l'autre
descriptif selon lequel « valide » désigne le fait
d'appartenir à un système juridique.
Fort de cette distinction, Nino décèle chez
Kelsen une confusion entre ces deux concepts et conclut que la conception
kelsenienne de la validité est minée par un sophisme naturaliste
car Kelsen déduirait la force contraignante d'une norme de sa seule
appartenance factuelle au système comme le prouverait sa théorie
de la norme fondamentale présupposée.
Si l'on veut éviter une telle confusion, Nino
recommande de n'admettre qu'un seul concept de validité ; et si l'on
veut parvenir à rendre compte du raisonnement juridique, ce ne peut
être qu'un concept normatif au risque de violer la loi de Hume.
En effet, si comme le font les théoriciens
positivistes, on définit les normes juridiques comme des entités
factuelles, elles ne pourront jamais servir de fondement à des normes
puisqu'une norme ne saurait dériver d'un fait. On ne pourrait pas non
plus contourner la difficulté en décidant de privilégier
l'origine de la norme et en justifiant cette dernière par
l'autorité qui l'a posée.
C'est donc la structure même du raisonnement juridique
qui justifie le contrôle de constitutionnalité : les juges ne
peuvent justifier leurs décisions sur le seul fondement de l'existence
factuelle d'une loi ou sur le fait qu'elle a été posée par
une autorité mais ils doivent nécessairement fonder leurs
décisions sur des normes qui sont valides en raison de « leurs
mérites intrinsèques »
Or, aucun système de normes ne peut par lui-même
fournir les critères de sa propre validité. Il faut donc
nécessairement avoir recours à des principes moraux que la
constitution contient et qui garantissent la légitimité des lois
votées par le Parlement. Dès lors, les juges ordinaires ne
peuvent faire autrement que de contrôler la constitutionnalité des
lois par rapport à la Constitution.
Il n'en demeure pas moins que si la critique de Kelsen par
Nino est pertinente, la thèse de celui-ci fourmille
d'ambiguïtés.
D'une part, justifier l'obéissance à une norme
en se fondant sur le « fait » que le législateur l'a
posée ne revient pas, contrairement aux apparences, à
décrire un fait duquel on infèrerait - de manière
erronée - une norme. Il faut ici distinguer entre l'acte de poser la
norme et la signification de cet acte. Si l'acte en lui-même ne permet
d'inférer aucune norme, la signification qu'on donnera à cet acte
peut, dans certains cas, être normative : un juge peut parfaitement
considérer que telle norme est valide - qu'elle est obligatoire - parce
qu'elle répond aux conditions de validité posée par une
norme supérieure elle-même « obligatoire ».
D'autre part, rien ne nous contraint à
interpréter le terme même d'obligatoire au sens moral: le
même juge peut parfaitement considérer telle norme comme
juridiquement obligatoire sans pour autant adhérer moralement à
celle-ci ni d'ailleurs exiger une adhésion morale à cette norme
de la part des sujets de droit auxquels il en impose le respect.
Et ce qui vaut pour le juge vaut pour tout organe
d'application du droit : tous ceux qui paient leurs impôts ne le font pas
nécessairement en vertu d'une adhésion morale au système
de redistribution de la richesse nationale dont l'impôt est censé
procéder. Ils ne le font pas non plus en vertu d'un sophisme
naturaliste. Ils estiment au contraire qu'il existe bien une norme valide selon
laquelle ils doivent payer leurs impôts et qui justifie l'ordre
émanant du percepteur.
Bref, contrairement à ce que semble croire Nino, la
reconnaissance de l'autorité d'un organe par un autre n'est pas un fait
mais une norme juridique : la proposition par laquelle le juge dit que telle
norme est valide parce qu'elle a été posée par tel organe
ne s'analyse pas en un jugement de valeur inféré d'un fait mais
en un jugement de validité inféré d'un autre jugement de
validité. Le respect que Nino voue à la loi de Hume est tout
à son honneur mais l'usage qu'il en fait ne lui permet pas de conclure
que le raisonnement juridique n'est qu'une modalité du raisonnement
moral ou pratique.
Enfin, la critique par Nino de la norme fondamentale est
habile mais excessive. Si la thèse de la norme fondamentale
s'avère indéfendable en ce qu'elle procède d'une confusion
entre deux concepts de validité, cette même confusion n'est pas
inéluctable.
Ainsi, la description d'un système de normes valides
reste-t-elle possible à l'aide d'un concept descriptif de
validité au terme duquel dire d'une norme qu'elle est valide, revient
à dire qu'elle appartient au système juridique. Et, si l'on
cherche à décrire les normes valides, c'est-à-dire les
normes qui appartiennent au système, il devient dès lors inutile
de chercher à décrire la validité de la constitution
elle-même, sa force obligatoire : d'un point de vue descriptif, la
constitution n'appartient à aucun système et la question de sa
validité ne se pose tout simplement pas.
On l'aura compris, le contrôle de
constitutionnalité n'est logiquement inévitable que pour ceux
qui, comme Nino en viennent à poser une exigence de validité
absolue des normes juridiques, exigence que ne contient pourtant aucun
système juridique.
Enfin, il y a un argument sur lequel se fonde Victor Ferreres
et que l'on peut résumer d'une phrase : la présence d'un juge
constitutionnel « se justifie par la contribution que peut apporter le
juge au maintien d'une culture de délibération publique »,
en d'autres termes, « on discute de la constitutionnalité d'une loi
parce qu'une juridiction existe qui peut faire respecter cette constitution
».483(*)
Bref, dans une culture publique constitutionnelle où
l'on estime que le législateur ne doit pas prendre ses décisions
de manière arbitraire - ou parce qu'il trouve des voix pour approuver sa
décision -, la majorité parlementaire doit se fonder sur des
raisons solides et répliquer aux contre-raisons de l'opposition.
Parmi ces raisons et contre-raisons, beaucoup dérivent
de la constitution, mais ne sont prises au sérieux que s'il existe une
juridiction constitutionnelle susceptible d'en imposer le respect au
législateur. Ainsi, la présence d'une cour constitutionnelle
agit-elle comme une contrainte susceptible de peser sur l'argumentation
politique et de renforcer, par là même, la démocratie.
On peut cependant avancer au moins une objection,
elle-même politique : si on parle de constitutionnalité parce que
la cour existe, cela veut dire que la conformité de la loi à des
normes constitutionnelles est une affaire politique et non strictement
juridique.
Le juge constitutionnel qui entre dans ce jeu y entre comme
acteur politique mais dont la légitimité ne procède
pourtant pas d'un mandat électif. Ce qui revient à dire qu'il
n'est ni véritablement un juge - il est amené à trancher
un débat politique - ni véritablement un législateur - il
ne vote pas la loi. Il échappe ainsi à toute
responsabilité : nul ne peut espérer le sanctionner par les
urnes, nul ne peut tenter de mettre en cause sa participation à la
fonction législative.
On ne saurait dissimuler plus longtemps ce que cette
conception du contrôle politique a d'incompatible avec l'acception de la
démocratie que défendent ceux-là mêmes qui tentent
de justifier ce contrôle : le juge constitutionnel devient un acteur d'un
processus que l'on s'évertue à qualifier de démocratique
alors que l'une des parties prenantes échappe à tout
contrôle.484(*)
Enfin, cette légitimité rationalisante ou «
processuelle » que l'on reconnaît à la cour constitutionnelle
à travers la « participation à l'enrichissement du
débat démocratique », pourquoi ne pas la reconnaître
à toute autorité dont l'action est susceptible de peser sur ce
même débat ? Outre les juges de première instance, on pense
aussi aux autorités dites, aujourd'hui, de régulation ou celles,
consultatives, qui sont amenées à rendre un avis.
Ne pourrait-on considérer que dès lors qu'il
fait appel à des arguments d'ordre éthique, le débat
démocratique devrait être susceptible de contrôle par un
comité spécialisé ? Si un tel argument semble absurde,
c'est - en partie du moins -que le problème est ailleurs, dans cette
idée à la fois fort évidente et fort complexe que la
constitution est la norme suprême et qu'un ordre juridique qui ne s'y
conformerait pas ne serait pas réellement juridique.
On en mesure la portée à l'aune du refus si
fréquent et pourtant si surprenant qu'essuient les propositions
résolument démocratiques, sinon républicaines, en faveur
d'une liberté d'appréciation laissée aux
représentants eux-mêmes en matière de
constitutionnalité des lois.
L'objection immédiatement soulevée consiste en
ce que ces derniers seraient alors libres de « tout faire ». C'est
là penser qu'un désir irrépressible de puissance voire de
despotisme animerait ces mêmes représentants et craindre ainsi
davantage une assemblée d'élus qu'une assemblée
composée de personnes nommées ; croire, donc, en une
vérité juridique seule apte à dompter la volonté
politique.
Nul ne peut plus alors douter que, contrairement à ce
qu'elle prétend affirmer, cette justification « démocratique
» du contrôle de constitutionnalité dissimule -aussi
paradoxal que cela puisse paraître - une conception aristocratique de la
démocratie.
La spécificité du juge constitutionnel ne
réside donc pas dans l'interprétation de la constitution à
laquelle il est contraint mais dans la justification dont ce contrôle
fait l'objet et qui elle-même repose sur la question préalable de
savoir si la constitution est suprême ou si elle doit
l'être. Il n'y a en effet rien d'illogique ou d'absurde à
considérer que la suprématie de la constitution ne requiert pas
pour autant le contrôle de constitutionnalité des lois.
Quiconque répond en revanche que la Constitution doit
être suprême n'en a toutefois pas encore terminé car la
question se double inévitablement d'une autre : pourquoi faut-il
nécessairement confier à des juges le soin de contrôler la
loi ? Ceux qui souhaitent répondre à cette question sans donner
aucun gage à une conception aristocratique du pouvoir dans laquelle le
contrôle de constitutionnalité reste l'ultime moyen de tenir le
peuple - même représenté- en dehors du jeu politique ne
sont pas au bout de leurs peines.
Le culte du droit procède donc, pour emprunter un
langage liturgique, d'un oecuménisme apostolique qui se traduit par
plusieurs évangiles qui annoncent l'avènement d'un seul et
même Messie : l'Etat de droit constitutionnel.
Mais dans le domaine de la symbolique, la seule limite est
l'étendue de la réflexion humaine ; là aussi, le
juriste apparaît comme un prosélyte qui voue un culte à un
dieu laïc qu'est la Constitution. Cette idéologie qui est
partagée par une bonne frange de l'humanité présente
néanmoins des particularités qui trahissent finalement le
caractère plutôt social et humain de la justice
constitutionnelle.
Dès lors, se dessine de plus en plus l'hypothèse
soutenue au départ que la justice constitutionnelle ne saurait
s'appliquer de la même manière chez tous les peuples du monde car
en effet, la justice est aussi affaire de culture c'est-à-dire de
symboles, des rites et de parole.
Par ailleurs, le mimétisme constitutionnel de quarante
dernières années indique l'insuffisance de l'implantation
sociologique des données juridiques importées. Comment
dès lors censurer un acte juridique ou un comportement qui n'est pas
considéré comme fautif par la conscience juridique commune d'un
peuple auquel l'acte ou l'attitude sont destinés ? Comment
attribuer la force contraignante et la fonder en droit en ignorance totale de
la valeur axiologique attachée à toute norme juridique ? En
d'autres termes, l'obligatoriété de la norme
découlerait-elle simplement, comme le professe le droit positif, du seul
pouvoir d'édiction de l'acte ? Ce qui nous amène à
une tentative d'élaboration d'un modèle qui serait propre
à notre pays.
CHAPITRE IV :
QUEL
MODELE POUR LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO ?
Nous savons, depuis le doyen Gicquel, que « le droit
constitutionnel participe de la culture de l'Occident », mais que sa
généralisation ou plutôt son universalisme s'est
opéré au détriment de sa
spécificité485(*) Une telle profession de foi ne peut que faire tiquer
le constitutionnaliste congolais qui se rappellera que déjà
Aristote en classant les Constitutions des cités grecques n'avait pas
omis de les ranger selon le tempérament de chaque peuple.
Du reste, l'on peut dire avec le Professeur Ntumba Luaba Lumu,
qu'il a existé le constitutionnalisme précolonial dont la
fonction était double : légitimer le pouvoir au moyen de la
sacralité de ce dernier et éviter que le pouvoir ne devienne
tyrannique.486(*) A pris
pas sur ce constitutionnalisme, celui de la colonisation qui n'avait comme but
et fonction que de légitimer ce phénomène d'asservissement
du peuple. A cette occasion, un droit et des institutions d'origine
européenne sont greffés sur le corpus normatif autochtone. La
greffe n'a pas pris, à voir comment de larges zones de non droit
écrit subsistent et résistent à l'avancée du droit
moderne.487(*)
Après une longue période de mimétisme
institutionnel, l'Afrique noire postcoloniale semble s'être rangée
dans un déclic d'autochtonie constitutionnelle.488(*) Là, à notre
avis, il s'éclaire la question du choix du modèle classique
occidental ou d'un modèle postmoderne qui serait reconnaissable par la
population congolaise dans son ensemble parce qu'issu de son schème de
pensée traditionnelle sur la justice. Mais avant d'élaborer un
modèle théorique qui aurait la prétention de rencontrer
les aspirations populaires, il est utile de voir comment déjà en
Afrique noire certaines nations ont tenté de résoudre cette
question. Par un choix presque arbitraire, l'option a été
levée en faveur de l'étude de trois pays africains
émergents du point de vue de la justice constitutionnelle : le
Sénégal, le Bénin et la République sud-africaine.
Le choix de ces pays est naturellement fondé sur
l'avancée de la justice constitutionnelle qui s'y remarque et vide le
problème théorique mineur, à notre avis, du champ
géographique ou linguistique de l'étude. Faute de
bibliothèques bien garnies, nous avons gardé un profil modeste
devant l'ambition certes légitime de parcourir plusieurs pays africains
de culture presque similaire.
L'on peut légitimement aussi remarquer d'emblée
que le constituant sud-africain est à ranger dans le mouvement
postmoderne d'autochtonie constitutionnelle par le jeu des institutions tant de
justice transitionnelle489(*) qu'il a instituées que par celles de la
justice constitutionnelle dont les spécificités constituent des
pépites d'or pour le constitutionnaliste qui veut s'en approprier.
En revanche, tant dans son modèle que même dans
ses applications, le juge constitutionnel sénégalais ou
béninois, malgré son abondante productivité, est une copie
servile du Conseil constitutionnel français. Nous pouvons dire que la
marque de la colonisation française par le biais de l'assimilation a
laissé de profondes traces qu'il sera difficile d'effacer.
Au demeurant, faut-il tout effacer ? Ne s'agit-il pas en
définitive de faire accorder l'universel avec les
spécificités de la justice en Afrique ? Il suffit de voir au
sortir du palais de justice comment les plaideurs profanes sont
désemparés tant par le langage du droit qui est manifestement
ésotérique mais aussi et surtout par l'étiquette
judiciaire qui se déroule comme une cérémonie
d'initiés ou même « des sorciers des temps
modernes », avec de longues robes noires490(*) avec chausse garnie de peau
de léopard ou même de fourrure dont la signification est tout
autant mystérieuse, pour ressentir la nécessité vitale de
rendre la justice accessible.491(*)
Même l'Occident éprouve ce besoin malgré
des siècles d'éducation qui ont reculé les
frontières de l'analphabétisme à ses portions les plus
congrues.492(*)
Existe-t-il un modèle africain de justice constitutionnelle sur
lequel nous pourrions être obligé d'ériger notre propre
modèle théorique?
Section 1 : VERS UN
MODELE AFRICAIN ?
La réponse à cette question, pour capitale
qu'elle pourrait être, passe nécessairement par un essai de
parcours même furtif des institutions de justice constitutionnelle des
pays choisis. Ne fut-ce que par sa proximité
géostratégique et l'intérêt qu'elle présente
du fait de sa sortie récente des limbes de la dictature et de
l'oppression de l'apartheid, commençons par la République
sud-africaine.
§1. La République
sud-africaine
Malgré sa nouveauté dans le paysage
institutionnel sud-africain, il faut reconnaître que la Cour
constitutionnelle de ce pays présente un intérêt majeur du
point de vue de l'élaboration d'un modèle congolais. En effet,
sortie de limbes de l'apartheid qui est une sorte de négation de l'homme
en tant qu'il est expression d'une différence de couleur, la
République sud-africaine a suivi en cela les traces historiques de tous
les peuples qui ont connu les horreurs de l'histoire.
La Cour constitutionnelle est le fruit des négociations
constitutionnelles des années 1992-1993 qui ont abouti à sa
consécration dans la constitution intérimaire de 1993. La
doctrine la plus en vue sur la question indique que sa caractéristique
principale est de n'être fondée ni sur le modèle
américain ni de s'apparenter pleinement au modèle
européen.493(*)
Pour de raisons plutôt politiques que techniques, la
République sud-africaine a opéré un choix vers ce
modèle métissé car il s'agit pour elle d'avoir un juge
garant de la Constitution mais qui ne soit pas un juge de l'époque de
l'apartheid. Il se développait en effet la crainte légitime de ne
pas voir s'exercer pleinement la protection de la Constitution et des droits
fondamentaux tant les juges antérieurs ne s'étaient guère
distingués dans la protection des droits fondamentaux au point qu'il eut
été illusoire de leur confier la tâche de gardien de la
Constitution. Si la Cour constitutionnelle a le dernier mot en matière
constitutionnelle, la possibilité est donnée aux autres
juridictions supérieures qu'elle coiffe de trancher des questions de
droit constitutionnel à l'occasion d'un litige.
Il faut noter, en passant que le système juridictionnel
de la République sud-africaine est fondé sur l'unicité de
juridictions. Au bas de la pyramide, il y a les Magistrates Courts et
les Regional Courts qui statuent au premier degré, suivis des
juridictions d'appel qui jouent en même temps le rôle de
juridictions de premier degré pour ce qui est des juridictions
supérieures appelées High Courts. Compte tenu de la
nature de l'affaire, elles peuvent être saisies au premier degré
ou en appel. Au sommet de la pyramide, trône la Cour suprême
appelée Supreme Court of Appeal qui est l'exact pendant de la
Cour de cassation tant elle n'examine que des moyens de droit.
Il y a là mélange du modèle
centralisé et décentralisé à la fois. Les
juridictions supérieures saisies de la question de
constitutionnalité l'examinent tantôt comme une question
préalable et la vident à leur niveau tantôt comme une
question préjudicielle et en renvoient l'examen devant la Cour
constitutionnelle. Toutes les juridictions participent au contrôle de
constitutionnalité même si le monopole final est
réservé à la Cour constitutionnelle.
Le contentieux constitutionnel sud-africain, affirme Xavier
Philippe, se situe à la croisée des chemins et des
systèmes, reflet de l'Afrique du Sud elle-même.494(*) Du point de vue
l'architecture institutionnelle, la Cour constitutionnelle est organiquement
intégrée au pouvoir juridictionnel. Elle figure au chapitre 8
consacré au système judiciaire et elle est placée en
tête de toutes les juridictions de la République. 495(*) En revanche, une
compétence de cette Cour va au-delà du pouvoir d'une juridiction
soit-elle constitutionnelle. En effet, le juge constitutionnel sud-africain a
la mission d'homologuer des textes constitutionnels adoptés par le
constituant. Cette mission spéciale fait du juge sud-africain un cas
type d'un choix de « chemin de traverse mêlant classicisme et
innovation ».496(*)
S'agissant de la composition, la Cour est composée d'un
Président, d'un vice-président et de neuf autres juges soit onze
membres au total. Le quorum est de huit membres. Les juges sont nommés
pour un mandat non renouvelable de douze ans mais ils doivent se retirer
dès qu'ils ont atteint l'âge de soixante-dix ans. 497(*) Le président et son
adjoint sont nommés par le Président de la République
après consultation de la Commission du service judiciaire ainsi que des
chefs de partis politiques représentés à
l'Assemblée nationale.
Les autres juges sont nommés par le Président de
la République après consultation du Président de la Cour
constitutionnelle et des chefs des partis politiques représentés
à l'Assemblée nationale. Ce système de nomination aboutit
concrètement à ceci que la Commission du service judiciaire
propose et le Président de la République dispose au sein de la
seule liste établie par cette dernière. L'on peut noter que les
juges doivent être de nationalité sud-africaine, être juges
au moment de la nomination et tenir compte de la représentation par race
et par sexe.
Enfin, ils doivent être fit and proper
c'est-à-dire capables et dignes, ce qui voudrait dire
posséder les qualifications techniques et professionnelles requises pour
le boulot. En cas de vacance, sans consultation de la Commission du service
judiciaire requise, le Président de la République nomme un juge
suppléant sur recommandation conjointe du Ministre de la justice, du
Président de la Cour constitutionnelle et du Président de la Cour
suprême.
S'agissant, en revanche, de la compétence de la Cour
constitutionnelle sud-africaine, il importe de noter que l'article 167 de la
Constitution définitive de 1996 confie à cette haute instance la
compétence en matière constitutionnelle mais uniquement en
matière constitutionnelle. Elle tranche les questions de
constitutionnalité ou statue sur les décisions relatives à
ces questions rendues par les autres juridictions. Cette innovation
institutionnelle a engendré ce que le professeur Xavier PHILIPPE appelle
le contrôle concentré diffus.
La constitution reconnaît en effet à toutes les
juridictions le pouvoir de statuer sur une question de
constitutionnalité mais en même temps la Cour doit être
saisie automatiquement pour confirmer la décision juridictionnelle ainsi
rendue. A notre sens, il s'exerce là un double contrôle : sur
la constitutionnalité mais également sur la validité du
jugement rendu par le juge inférieur. De ce point de vue, la Cour
constitutionnelle joue le rôle de juge d'appel en ce qui est des
décisions rendues par les autres juridictions en matière
constitutionnelle.
Aucune décision d'inconstitutionnalité ne peut
échapper au contrôle final de la Cour constitutionnelle. Il s'agit
là, à n'en point douter d'un trait important de son
originalité qui s'accouple cependant avec d'autres
caractéristiques que nous verrons plus loin.
En outre, il sied de noter que la Cour constitutionnelle
sud-africaine est dotée sur pied des dispositions de l'article 167(4) de
la Constitution de 1996 des attributions généralement
confiées à un tribunal constitutionnel dans une
fédération. A ce titre, elle est compétente pour
régler les questions de compétence entre pouvoir central et
provincial.
De même, l'on observe que la Cour constitutionnelle peut
être également saisie dans le cadre d'une saisine parlementaire
nationale ou provinciale ; au niveau national, l'Assemblée
nationale dispose en effet de la possibilité juridique de saisir la Cour
dans le les 30 jours de la promulgation de la loi par le Président de la
République et ce, moyennant la signature de la requête par un
tiers des membres de l'Assemblée nationale. Il en va de même au
niveau provincial sauf à préciser que le nombre des signatures
exigées s'élève plutôt à un cinquième
des membres de l'assemblée provinciale.
De l'avis de la doctrine, le point le plus original de la
technique de contrôle de constitutionnalité en République
sud-africaine est sans nul doute le contrôle de constitutionnalité
des révisions constitutionnelles. 498(*)
Il suffit de se rappeler les débats nombreux et
intenses sur la supraconstitutionnalité pour se rendre à
l'évidence que ce contrôle est tout de même original. Par
définition, en effet, le pouvoir constituant fut-il dérivé
est souverain et à ce titre non susceptible de contrôle ;
dès lors il est curieux de voir l'enserrer dans les lumières
d'une Cour constitutionnelle.
Cependant, l'explication que tente Xavier Philippe peut
apaiser les esprits car, selon lui, ce contrôle est d'abord limité
à certaines dispositions de la Constitution tout comme il s'exerce
ensuite sur les dispositions relatives au pouvoir de révision. Les
dispositions de fond ne semblent guère être concernées par
ce contrôle.499(*)
La thèse ainsi soutenue nous parait quelque peu confuse
car le fait de vérifier la régularité d'une
révision constitutionnelle à l'aune des principes
constitutionnels antérieurement adoptés ne s'analyse pas en un
contrôle juridictionnel de la constitutionnalité, la Cour
étant ici prise comme un des mécanismes de la révision
constitutionnelle elle-même. En effet, la Cour avait été
invitée à certifier que le texte définitif de la
Constitution était conforme aux principes constitutionnels. L'invitation
provenant du « contrôlé », elle ne saurait,
à notre sens, s'analyser en un contrôle juridictionnel.500(*)
Il importe toutefois de noter que le juge constitutionnel
sud-africain possède un pouvoir d'autosaisine en cas
d'incompétence négative du Parlement ou du Président de la
République.
Elle dispose de même de la compétence
d'homologuer les constituions provinciales et leurs révisions. Il
importe de souligner cependant que la plupart de ces compétences sont
exercées par la Cour avec d'autres organes, dans le cadre d'un appel ou
d'un recours direct.
S'agissant de ces compétences partagées, Xavier
Philippe opine que la Cour constitutionnelle apparaît davantage comme une
Cour d'appel intégrée au système juridictionnel
spécialisé dans le contentieux constitutionnel.501(*) Il faut d'emblée
affirmer que le contrôle de constitutionnalité dans le
système sud-africain est un contrôle diffus concentré ou
plus exactement à double détente. Notons cependant que les
juridictions de première instance ordinaires n'exercent ce
contrôle qu'à l'égard des actes administratifs
essentiellement individuels, vis-à-vis des dispositions de la common
law et du droit coutumier. Le droit sud-africain reconnaît le droit
coutumier à la condition qu'il se conforme au chapitre 2 de la
Constitution relatif à la protection des droits fondamentaux.
Les juridictions supérieures, par contre, ont
l'obligation, aux termes de l'article 172 de la Constitution, de censurer tout
grief d'inconstitutionnalité. Si le grief est rejeté, la
décision ainsi rendue étant exécutoire, le juge
procède à l'examen du fond.
En revanche, si le grief est admis et l'acte querellé
enchaîné dans les liens de l'inconstitutionnalité, la
décision sera suspendue jusqu'à la confirmation par la Cour
constitutionnelle. La haute Cour joue ici et ainsi le rôle d'un juge
d'appel objectif des questions constitutionnelles.
Deux situations sont possibles : ou la décision du
premier degré est contestée par les parties par la voie d'appel,
auquel cas la Cour constitutionnelle statue sur l'incident avec le tour
particulier des spécificités de la cause en examen, ou la
juridiction de première instance proprio motu saisit la Cour
constitutionnelle aux fins de faire confirmer sa décision, auquel cas
cette dernière statue comme juge constitutionnel sans égard ni
aux arguments des parties ni aux particularités du litige.
Par la voie d'appel en effet les parties disposent ainsi de la
possibilité de discuter indéfiniment ou à tout le moins
avec bonheur les questions d'interprétation des textes
constitutionnelles ou de leur application sans qu'aucun filtrage ne soit
exercé à ce niveau. Il convient de conclure avec Xavier Philippe
que « cette compétence partagée constitue un principe
auquel la Cour constitutionnelle est très attachée car elle
estime que la protection de la Constitution et sa suprématie
dépendent de l'ensemble de l'ordre juridictionnel et non pas d'elle
seule. Le contrôle de constitutionnalité n'est pas envisagé
en Afrique du Sud séparément des autres
questions ».502(*)
Une autre spécificité du modèle
sud-africain réside à coup sûr dans la technique de recours
direct devant la Cour constitutionnelle depuis n'importe quelle juridiction de
quel que niveau qu'elle soit. Un filtrage de l'intérêt de la
justice est fait préalablement par la Cour constitutionnelle seule. Une
forte similitude avec le pourvoi dans l'intérêt de la loi du droit
congolais peut être notée à ce niveau sauf à voir
que l'initiative en est laissée aux particuliers pour ce qui est du
recours direct.
Il suffit alors que non seulement la requête recueille
quelques chances de réussite mais aussi que la résolution du cas
soit nécessaire dans l'intérêt de la justice. Entre en
ligne de compte souvent la fréquence avec laquelle la question
posée pourrait se reproduire devant les autres juridictions.
En dehors de l'appel direct devant la Cour constitutionnelle,
il existe le recours direct en inconstitutionnalité qui est
inspiré vraisemblablement de celui qui existe en Allemagne et que nous
avons vu plus loin. Toutefois, bien que prévu à l'article 167 (6)
(a) de la constitution, ce recours est enchâssé dans un trio des
règles prévues à l'article 17 du règlement
intérieur de la Cour. Le recours doit ainsi indiquer en quoi il favorise
l'intérêt de la justice, les effets recherchés et apporter
des preuves ou offrir de les apporter relativement à l'objet de la
requête.
La Cour, comme dans le cas d'appel direct, garde une large
marge d'appréciation de la réalisation de ces trois conditions.
Sans critiquer le droit anglo-saxon dans son ensemble, l'on peut
légitimement se poser la question de savoir s'il est cohérent
dans un système de droit que le juge soit appelé à
appliquer des normes par ailleurs établies par lui-même.503(*)
Quant à la forme, il est utile de remarquer que les
recours sont adressés à la Cour constitutionnelle par le biais du
« huissier auprès des Hautes Cours » ; ce qui
est l'équivalent d'un avoué à la Cour dans le
système romano-germanique. Mais des dérogations sont possibles
à la seule discrétion de la Cour. Les parties sont
représentées par des « avocats auprès des Hautes
Cours ».504(*)
Ils doivent néanmoins avoir un mandat accepté par la Cour.
Il convient de remarquer que les requêtes sont
déposées par les parties sous la forme d'une motion
c'est-à-dire recours introductif d'instance soutenue par un
affidavit c'est-à-dire une déclaration écrite
faite sous serment. Les parties échangent les mémoires dans un
délai de quinze jours maximum. Le président en cas d'urgence peut
déroger à ces délais en les abrégeant. Outre le
caractère écrit des arguments des uns et des autres, l'audition
des parties demeure un principe appliqué par la Cour. Aux yeux des juges
et des parties, il reste que l'attachement à l'oralité des
débats est une valeur de la tradition juridique sud-africaine. Comme
mélange avec le système anglo-saxon, le système
sud-africain reconnaît l'intervention des amicus curiae
c'est-à-dire des personnes intéressées par le
procès et qui, avec l'accord des parties et celui du Président de
la Cour, souhaitent intervenir dans le litige. Il ests entendu que cet accord
détermine les droits et obligations des amicus curiae.
Outre l'indication de leur intérêt à agir,
les amicus curiae doivent de même décrire la position soutenue et
dire en quoi elle serait utile à la Cour, endéans dix jours et
dans le strict respect de l'accord des parties et l'approbation du
Président de la Cour. Ce dernier peut restreindre les droits
découlant de l'accord ainsi donné.
Quant au jugement, la forme empruntée est celle d'un
jugement dans le système anglo-saxon permettant des opinions
séparées et dissidentes. Par ailleurs, la transparence qu'impose
un tel système est de nature à permettre le suivi des tendances
jurisprudentielles de la Cour sud-africaine. Le président n'a pas de
voix prépondérante. C'est un des traits saillants du
modèle sud-africain.
L'autre caractéristique fondamentale de ce
modèle est que le juge sud-africain peut soit invalider purement et
simplement une disposition inconstitutionnelle, soit demander au Parlement de
modifier les dispositions législatives de façon à les
rendre conformes à la Constitution, soit, et c'est cela la meilleure,
suppléer la carence législative en ajoutant elle-même
certaines dispositions de manière à rendre compatible la
disposition censurée avec la Constitution. 505(*)
L'on ne peut clore ce sujet sans dire un mot sur le
caractère totalement protecteur des droits fondamentaux vis-à-vis
des autorités publiques dont tous les actes sont désormais soumis
à la censure du juge constitutionnel. Avec Xavier Philippe, nous
devrions reconnaître qu'en peu de temps elle a fait ses preuves en
prenant des décisions parfois à contre courant de l'opinion
majoritaire et en censurant les actes présidentiels même ceux qui
sont habituellement parés de l'immunité juridictionnelle comme
les grâces présidentielles.506(*)
Si tel est l'excellent état des lieux que la doctrine
spécialisée établit sur la Cour constitutionnelle en
République sud-africaine, voyons à présent ce qu'il en est
du Sénégal qui passe pour un modèle démocratique
sur le continent malgré quelques ratés du reste peu
négligeables au regard d'énormes catastrophes que connaît
l'Afrique centrale.
§2. Le
Sénégal
Pays souvent cité comme modèle de
réussite de décolonisation à la française, le
Sénégal présente en revanche un taux fort
élevé de mimétisme institutionnel surtout dans le domaine
de la justice constitutionnelle.
Il faut d'emblée dire que le Sénégal est
demeuré longtemps dans le modèle d'une cour suprême avant
d'adopter le modèle qu'il vient de rejeter avec sa dernière
révision constitutionnelle. Sans aller dans les détails, l'on
peut donc dire que l'exemple sénégalais est symptomatique d'une
tendance effrénée au mimétisme français même
si dans l'un et l'autre cas les paramètres semblent ne pas être
identiques. Toutefois, le Sénégal reste, en dépit de
quelques dérapages singuliers, un modèle de démocratie en
Afrique noire ; à ce titre, l'étude de son type de justice
constitutionnelle présente un vif intérêt suscité du
reste par à la fois une proximité géographique et une
parenté génétique certaine, pour paraphraser Cheikh Anta
Diop.507(*)
Le Conseil constitutionnel sénégalais est donc
une institution publique et la plus haute instance du système judiciaire
de ce pays. Il présente par le phénomène bien connu du
mimétisme institutionnel du fait de la colonisation des similitudes avec
le Conseil constitutionnel français que nous avons étudié
plus loin.
Le Conseil constitutionnel sénégalais a vu le
jour en 1992 lorsque la Cour suprême a été supprimée
et remplacée par trois organes spécialisés.508(*)
Il est composé de cinq membres qui sont nommés
par décret présidentiel pour six ans non renouvelables, dont un
Président et un vice-Président. Il est partiellement
renouvelé tous les deux ans, à raison de deux membres au maximum.
Les membres de cet organe sont choisis parmi les anciens Premiers
Présidents de la Cour suprême, le Président et les anciens
Présidents du Conseil d'Etat, le Premier Président et les anciens
Premier Présidents de la Cour de cassation et le Procureur
général et les anciens Procureurs généraux
près la Cour de cassation, les anciens Procureurs généraux
près la Cour suprême, jusqu'au Présidents de section, de
chambre, les avocats généraux , anciens et actuels, du Conseil
d'Etat, de la Cour de cassation, les Premiers Présidents et les
Procureurs généraux, anciens et actuels, des Cours d'Appel.
Deux membres du Conseil constitutionnel peuvent être
choisis par les professeurs ou anciens professeurs titulaires des
Facultés de Droit, les inspecteurs généraux d'Etat et
anciens inspecteurs généraux d'Etat, les Avocats, à
condition qu'ils aient au moins vingt cinq ans d'ancienneté dans la
fonction publique ou vingt cinq ans d'exercice de leur profession.
A ce niveau, nous ne pouvons que remarquer une
prédilection tout faite en faveur des magistrats, anciens et nouveaux,
au détriment des autres catégories des juristes comme les
professeurs ou les hauts fonctionnaires de l'Etat.
Au demeurant, la condition de l'ancienneté posée
entraîne à coup sûr une gérontocratie dans les rangs
des juges de la constitutionnalité. Nous en verrons la
conséquence à l'occasion de l'examen de la jurisprudence de cet
organe.
Disons déjà ici que le Conseil constitutionnel
ne peut délibérer valablement qu'en présence de tous ses
membres, sauf empêchement temporaire d'un d'entre eux au plus,
dûment constaté par les autres membres. Si le membre
empêché est le Président, le Vice-président assure
son intérim. En cas de partage de voix, celle du Président est
prépondérante. 509(*)
Pour être complet, il importe de signaler que les
contestations en matière électorale sont dispensées du
ministère d'avocat et le Conseil constitutionnel statue sans frais.
S'agissant de ses compétences, le Conseil
constitutionnel statue sur la constitutionnalité des règlements
intérieurs des assemblées, sur celle des lois, sur le
caractère règlementaire des dispositions de forme
législative, sur la constitutionnalité des lois organiques, sur
la recevabilité des propositions de loi et amendements d'origine
parlementaire, sur la constitutionnalité des engagements internationaux,
sur les exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant le
Conseil d'Etat ou la Cour de cassation et plus généralement sur
tous les conflits de compétence entre le Conseil d'Etat et la Cour de
cassation et entre le pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif.
De par l'ampleur des attributions confiées à cet
organe, l'on doit dire qu'il se distingue du juge français par la
compétence qu'il détient sur l'exception de
constitutionnalité et par celle de trancher les conflits d'attributions
entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation.
Par ce biais, cet organe acquière non seulement un
caractère juridictionnel incontestable mais également une
position juridictionnelle dans la hiérarchie judiciaire de ce pays.
510(*)
En effet, le juge français, on l'a vu, est
dépourvu de telles compétences même si son modèle
reste valable pour le gros de compétences dévolues au juge
sénégalais. L'action directe en inconstitutionnalité reste
fermée aux particuliers comme dans le modèle d'origine qui
conçoit le juge constitutionnel comme un organe politique511(*) chargé se surveiller
la bonne exécution des lois. Il y a là une survivance très
dure de l'esprit de la Constitution du 4 octobre 1958.512(*)
En outre, le Conseil constitutionnel reçoit les
candidatures à la présidence de la République,
arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux
élections du Président de la République et des
Députés à l'Assemblée nationale et en proclame les
résultats. Il reçoit le serment du Président de la
République et constate sa démission, son empêchement, ou
son décès ainsi que la démission, l'empêchement ou
le décès des personnes appelées à le
suppléer dans ces cas.
Par ailleurs, il exerce les compétences qui lui sont
dévolues par les dispositions des articles 46 et 47 de la Constitution
sénégalaise lorsque le Président de la République
décide de soumettre un projet de loi au referendum ou prononce la
dissolution de l'Assemblée nationale.
Ajoutons que lors des élections législatives
nationales, le Conseil reçoit les résultats provisoires
proclamés par les Cours d'appel et statue sur les éventuels
recours et réclamations et proclame les résultats
définitifs. Il va sans dire qu'en agissant ainsi, il exerce à la
fois le rôle d'une juridiction constitutionnelle et d'un organe
constitutionnel de mise en place des institutions.
S'agissant de la procédure, il sied d `indiquer qu'elle
n'est pas contradictoire. Hormis le serment du chef de l'Etat et celui des
membres du Conseil eux-mêmes qui se déroulent en audience
publique, les audiences du Conseil ne sont pas publiques. Les
intéressés ne peuvent demander à y être
entendus.513(*)
Du point de vue strictement procédural, le
Président désigne un rapporteur lors qu'une affaire est
portée au rôle du Conseil constitutionnel. Le Conseil prescrit
toutes mesures d'instruction qui lui paraissent utiles et fixe les
délais dans lesquels ces mesures doivent être
exécutées. Une fois désigné, le rapporteur
établit les documents suivants : a) une note qui résume les
faits ayant donné lieu à l'affaire, expose la procédure
suivie et examine les questions suivantes : la compétence, la
forclusion, le désistement, l'irrecevabilité ainsi que le fond de
l'affaire. La note, dans l'ordre choisi par le rapporteur, propose la solution
à ces questions, s'il échet, et examine la solution à
donner au fond ou plusieurs solutions si un doute persiste sur l'issue de
l'affaire ; b) un projet de décision ou, le cas
échéant, plusieurs projets de décisions, et un projet de
sommaire ; c) des visas rédigés selon le modèle type
adopté par le Conseil.
Le dossier ainsi ficelé est transmis au
Président du Conseil qui le porte au rôle d'une séance. Le
conseil entend le rapport de son rapporteur et statue par une décision
motivée. La décision est signée du Président, du
Vice-président, des autres membres et du greffier en chef du Conseil
constitutionnel. Elle est notifiée, aux soins du greffier en chef, au
Président de la République, au Premier ministre, au
Président de l'Assemblée nationale et aux auteurs du recours.
Toutefois, il faut ajouter que le recours tendant à
faire constater la non-conformité à la Constitution d'une loi ou
d'un engagement international est présenté sous forme de
requête adressée au Président du Conseil constitutionnel.
La requête doit, à peine d'irrecevabilité,
être signée par le Président de la République ou par
chacun des députés. Elle est accompagnée de deux copies du
texte de la loi attaquée. Elle est déposée au greffe
contre récépissé. Lorsqu'elle émane du
Président de la République, notification en est faite au
Président de l'Assemblée nationale. 514(*)
Lors de l'examen des moyens, le Conseil soulève
d'office des moyens tenant à la violation de la Constitution qui
n'auraient pas été présentés dans la contestation
de la loi ou de l'engagement international. 515(*)
Le Conseil se prononce dans le délai d'un mois à
dater du dépôt de recours ; toutefois, aucune sanction n'est
attachée au prononcé qui se ferait hors ce délai.
La publication de la décision du Conseil
constitutionnel constatant qu'une disposition n'est pas contraire à la
Constitution met fin à la suspension du délai de promulgation de
la loi et permet la ratification ou l'approbation de l'engagement
international, le cas échéant après autorisation de
l'Assemblée nationale.
Dans les cas où le Conseil déclare que la loi
dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution
inséparable de l'ensemble du texte de la loi, celle-ci ne peut
être promulguée.
En revanche, dans les cas où le Conseil déclare
que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la
Constitution sans constater en même temps qu'elle soit inséparable
de l'ensemble de cette loi, celle-ci peut être promulguée à
l'exception de cette disposition, à moins qu'une nouvelle lecture n'en
soit demandée.
Par ailleurs, en matière d'appréciation du
caractère réglementaire des dispositions de forme
législative, le Conseil se prononce dans un délai de un mois qui
peut être réduit à huit jours francs quand le gouvernement
déclare l'urgence.
Lorsque la solution d'un litige porté devant le Conseil
d'Etat ou la Cour de cassation est subordonnée à
l'appréciation de la conformité des dispositions d'une loi ou des
stipulations d'un accord international à la Constitution, la haute
juridiction saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l'exception
d'inconstitutionnalité ainsi soulevée et sursoit à statuer
jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé. Le
Conseil rend sa décision dans le délai de vingt jours. Si le
Conseil estime que la disposition dont il a été saisi n'est pas
conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait
application.
Voyons à présent ce qu'il en de l'état de
la jurisprudence de ce Conseil constitutionnel eu égard à la
protection des droits fondamentaux, ce qui est l'essentiel du contenu de la
justice constitutionnelle.
Il sied d'emblée d'affirmer que la justice
constitutionnelle est le thermomètre le plus fiable pour mesurer
l'état de l'Etat de droit dans un pays. Si, au Sénégal,
tant de décisions de conformité ou de non-conformité sont
rendues contre les lois, il n'existe guère une jurisprudence susceptible
de retracer une bonne protection des droits fondamentaux. L'on peut nuancer en
précisant que s'agissant des droits politiques, la minorité
politique est assez souvent protégée sous les lambris du Conseil
constitutionnel.
Bien que le Sénégal ait été
souvent cité parmi les élèves modèles de la
démocratie en Afrique, il n'est pas excessif d'y voir de temps à
autre des soubresauts d'une dictature larvée d'origine partisane sur un
fond culturel quelquefois ethnique.
Par ailleurs, le fonctionnement d'une justice
constitutionnelle dans le modèle français de type
préventif n'est pas de nature à favoriser un véritable
contrôle de constitutionnalité qui fonde une sérieuse
protection des droits fondamentaux. 516(*)
En effet, cette protection postule la possibilité pour
tout citoyen de s'en référer au juge sans le filtre souvent
encombrant des autorités publiques seules habilitées à ce
jour à saisir le juge constitutionnel.517(*)
Ces dernières n'ayant guère un
intérêt direct à le faire agissent au gré des
conjonctures politiques très mouvantes. Aussi, les droits individuels
restent-ils du domaine de l'aléa politique même si il n'est pas
exclu que la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat tant par voie principale
que par voie d'un incident de constitutionnalité porté devant eux
finissent par être des protecteurs attitrés de la
légalité constitutionnelle lorsqu'il s'agit des
individus.518(*)
Le Conseil constitutionnel du Sénégal, dans sa
décision
du 18 juin 2009 sur la
loi
constitutionnelle instituant un poste de Vice-président de la
République - organe constitutionnel auxiliaire, a confirmé
une jurisprudence controversée : il n'a pas compétence pour
contrôler une loi constitutionnelle.
Une telle déclaration d'incompétence est-elle
fondée en droit ? S'il avait choisi, à l'instar des Cours
constitutionnelles du Mali (sa
décision
de censure de 2001) et du Bénin (sa
décision
de censure de 2006 ) ou encore du Conseil constitutionnel du Tchad (sa
décision
de validation de 2004 ), de statuer, aurait-il dû pour autant
censurer la loi constitutionnelle attaquée ?
Deux thèses contradictoires s'affrontent : la
question, fort discutée, de la contrôlabilité, de la
souveraineté « sans réserve » ou
« sous réserve »,519(*) du pouvoir de réviser
la Constitution établie.
La première, opposée à ce contrôle
« hors normes », met en exergue l'absence de texte
organisant l'intervention du juge constitutionnel dans le processus de
révision, à titre contentieux520(*) ou même consultatif521(*). Que le juge décline
sa compétence paraît inéluctable, pour deux séries
de raisons.
D'abord, de solides arguments théoriques sont
opposés au principe même du contrôle : selon le doyen
Georges Vedel, « Le pouvoir constituant dérivé
n'est pas un pouvoir d'une autre nature que le pouvoir constituant
initial : la Constitution lui donne sa procédure..., elle ne borne
point son étendue »522(*) ; et, limiter le pouvoir de révision
reviendrait à accepter un contrôle de
supraconstitutionnalité, un gouvernement des juges, qui rognerait ou
nierait le principe suivant lequel « un peuple a toujours
le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une
génération ne peut assujettir à ses lois les
générations futures »523(*).
En second lieu, le droit africain francophone étant
communément ravalé au rang d'un droit aveuglément
importé de l'ex-métropole, on voit mal comment une cour africaine
pourrait se démarquer de la solution française de
l'immunité juridictionnelle des lois de révision524(*).
D'aucuns souligneront la sagacité du Conseil
constitutionnel du Sénégal qui s'est interdit de contrôler
le pouvoir parlementaire de révision dès sa
décision
du 9 octobre 1998525(*) précédant ainsi de manière
fulgurante de quelques années la déclaration
d'incompétence de son homologue de France526(*).
Les tenants de la seconde thèse prétendent que
le contrôle prétorien de la révision est assurément
raisonnable, souhaitable et praticable dans un Etat de droit
démocratique. Raisonnable, parce que la Constitution borne le pouvoir de
révision : « Réviser la Constitution est le
travail d'un pouvoir institué qui a reçu cette compétence
du pouvoir constituant originaire. Le premier est donc subordonné au
second ; son exercice n'est pas libre mais conditionné par les
différentes règles de forme et de fond posées par le
constituant originaire pour la révision de la Constitution ; il
peut dès lors être
contrôlé »527(*).
Il est sans aucun doute souhaitable qu'un juge s'assure de la
constitutionnalité de la révision : le législateur
constitutionnel, tout comme le législateur ordinaire, peut
« errer », commettre un excès de pouvoir ; seul
un contrôle juridictionnel paraît en mesure d'éviter, dans
les limites fixées par la loi fondamentale, une révision
liberticide528(*).
Enfin, le droit comparé enseigne que des juridictions ont affirmé
et exercé, à des degrés divers, un contrôle de la
révision, que ce soit en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en
Inde, en Italie, en Turquie ou encore dans certains Etats européens
postcommunistes529(*).
Qu'une Cour africaine francophone accepte de connaître
d'une révision peut paraître iconoclaste au regard du droit
français mais parfaitement justifié au regard de bien d'autres
droits, parmi les plus avancés. Cela signifie qu'elle a su s'affranchir
du modèle de l'ancienne métropole pour se donner sa politique
jurisprudentielle.
Peut-on, doit-on, reprocher au Conseil constitutionnel du
Sénégal de souscrire à la première thèse, de
faire preuve d'une absolue déférence à l'égard du
pouvoir de révision, reconnu comme le maître de la
Constitution ?
Rien n'est moins sûr, car la position inverse pose de
redoutables problèmes de droit, au point de faire douter de
l'utilité du contrôle prétorien de la révision dans
un Etat de droit démocratique. L'autohabilitation à
contrôler une loi constitutionnelle implique non seulement la
découverte d'un titre de contrôle singulier, mais encore la
définition des normes au regard desquelles le contrôle de la
révision est opéré. C'est au contrôleur de fixer
l'ampleur de sa tâche, de livrer la représentation qu'il se fait
du pouvoir contrôlé.
Ou bien le législateur constitutionnel, à
l'instar du législateur ordinaire, est astreint au respect d'un bloc de
constitutionnalité hypertrophié, comportant des principes non
écrits, et alors un contrôle tatillon risque de l'entraver
inconsidérément.
Ou bien il est soumis à un corpus réduit de
normes530(*), au respect
des seuls interdits exprès du Constituant, et alors le contrôle,
très mesuré, lui garantit une très large liberté de
décision.
La seconde option peut légitimement apparaître
comme la plus convenable.
Utilisons cette grille de lecture pour apprécier la
dernière affaire de révision soumise au Conseil constitutionnel
du Sénégal et imaginons que le Conseil ait opéré un
revirement de jurisprudence, en accueillant le recours en
inconstitutionnalité en la forme. Il serait alors pour le moins hardi
d'affirmer que le Conseil aurait dû faire droit aux moyens en
inconstitutionnalité articulés par les requérants. Sauf
à considérer que l'activisme du juge constitutionnel est toujours
préférable à sa réserve...
Les opposants prétendaient d'abord que la
procédure de révision était irrégulière, car
le règlement du
congrès
du Parlement n'avait pas été, au préalable soumis au
Conseil constitutionnel, pour contrôle de sa constitutionnalité.
La Constitution, en son
article
62, suspend bien la promulgation (sic) - et non la mise en application - du
règlement intérieur de chaque assemblée à ce
contrôle. Seulement, cet article est inclus dans le
titre
VI- Du Parlement et peut être lu au regard de
l'article
59 retenant comme seules « assemblées
représentatives de la République du
Sénégal » l'Assemblée Nationale et le
Sénat. Le congrès du Parlement, quant à lui, est une
assemblée de révision à part, exclusivement prévue
par le Constituant au
titre
XII- De la révision.
Autrement dit, pour décider que le congrès du
Parlement doit être régi par un règlement intérieur
obéissant à
l'article
62, le Conseil constitutionnel du Sénégal aurait dû
faire siennes la pratique et la jurisprudence constitutionnelles
françaises, qui se sont greffées sur un texte
rédigé bien différemment531(*)... Et une hypothétique
« francisation » n'aurait pas ébranlé la
volonté de révision : le règlement du congrès
du Parlement aurait pu être aisément purgé du vice de
procédure, tout vice de ce genre étant réversible par
nature.
Les requérants alléguaient ensuite que le
pouvoir de révision aurait dû inclure le Vice-président
dans la liste constitutionnelle des institutions de la République, car
le « poste dédouble celui du Président de la
République qui a prêté le serment prévu à
l'article 37 et relève d'une « profanation voire d'une
dénaturation des institutions constitutionnelles ». Le
moyen aurait eu fort peu de chances de prospérer, dès lors que la
Constitution ne fait peser sur le pouvoir de révision ni une obligation
particulière sur le contenu de la liste en cause, ni même
l'obligation générale de maintenir une Constitution politique
cohérente.
Enfin, on voit mal ce qui dans la Constitution interdisait au
pouvoir de révision d'habiliter le Président de la
République à déléguer certains de ses pouvoirs au
Vice-président, dont celui de signer des ordonnances et des
décrets. A moins de considérer qu'en l'absence de tout texte il
était défendu de procéder à la création, par
voie de révision constitutionnelle, du poste en question. Ne
s'agirait-il pas alors d'une question purement politique, insusceptible
d'être réglée dans un prétoire
constitutionnel ?
Ces affirmations trouvent leur légitimité dans
la sécheresse jurisprudentielle que constate par ailleurs Evariste
Boshab.532(*) Mais
au-delà de cette constatation malheureuse, il reste que le
Sénégal mérite les encouragements de la doctrine au moment
où l'idéologie libérale est devenue le credo de plus de la
moitié de l'humanité. Le pays de Senghor a le mérite,
disons-le, d'avoir été dès 1960, un Etat détenant
une élite intellectuelle parmi les meilleures de l'Afrique noire.
Le mimétisme institutionnel, quoique combattu par une
très grande frange de la doctrine, semble avoir dans ce pays
rencontré les ferments d'une expérience jusque là
heureuse. Sur cette voie, depuis la Conférence nationale souveraine
qu'il a inaugurée en Afrique noire, il y a le Bénin dont
l'étude de la justice constitutionnelle s'impose ici.
§3. Le Bénin
La Cour constitutionnelle du Bénin est la plus haute
juridiction du pays en matière de constitutionnalité. En effet,
c'est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de
l'activité des pouvoirs publics. La Cour est ainsi composée de
sept membres dont quatre sont nommés par le bureau de l'Assemblée
nationale et trois par le Président de la République pour un
mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.
La Cour constitutionnelle comprend ainsi : trois
magistrats ayant une expérience de quinze années au moins dont
deux sont nommés par le bureau de l'Assemblée nationale et un par
le Président de la République ; deux juristes de haut
niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une expérience de
quinze années au moins dont un est nommé par le bureau de
l'Assemblée nationale et un par le Président de la
République ; deux personnalités de grande réputation
professionnelle nommées l'une par le bureau de l'Assemblée
nationale et l'autre par le Président de la République.
Le président de cette Cour est élu par ses pairs
et ce, parmi les magistrats et juristes membres de la Cour. A ce niveau, l'on
peut déjà noter que le gros des membres de la Cour est
nommé par le bureau de l'Assemblée nationale qui lui-même
est élu par la majorité siégeant dans cette chambre. Ceci
nous amène déjà à nous poser la question de
l'efficacité du contrôle juridictionnel des expressions
législatives de la majorité politique du moment que la Cour reste
en grande partie tributaire de l'onction électorale de cette
dernière.
Comme dans tout système politique respectueux des
formes, les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont
incompatibles avec la qualité de ministre de la République,
l'exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou
militaire, et de toute autre activité professionnelle. Depuis
l'installation de cette Cour et les nominations qui suivirent en 1998, Madame
Conceptia Liliane Denis Ouinsou, juriste et agrégée de droit
privé a battu le record de longévité tant comme membre que
comme chef de cette haute juridiction.533(*)
Cette composition appelle néanmoins une observation
capitale : les juristes sont favorisés naturellement dans la mesure
où il s'agit d'une juridiction et dans la mesure où ils ont les
faveurs recueillies dans les allées du pouvoir. La conséquence
est que les meilleurs juristes risquent de demeurer sur le bord de la route
tant que la caravane de la Cour ne leur est pas favorable.
Il ne demeure pas moins que la Président de la
République, dans l'hypothèse d'une cohabitation- hypothèse
hélas trop fréquente en Afrique et au Bénin à cause
de la disparité des tribus et l'osmose presque organique qu'elles
entretiennent avec les partis politiques-, sera enclin à nommer les
personnalités très proches de son courant. Ce qui
entraînera à coup sûr une majorité et une
minorité au sein de la Cour. Telle Cour est à vrai dire loin
d'être une juridiction mais ressemblera certainement à une
arène politique où les gants du droit ne seront pas portés
par les protagonistes.
S'agissant du contrôle de constitutionnalité, il
convient de souligner que la saisine est ouverte à tout citoyen pour les
lois, les textes réglementaires, les actes administratifs et la
violation des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés
publiques.534(*)
Avant la promulgation des lois ou la mise en application des
règlements des assemblées, le Président de la
République, tout membre de l'Assemblée nationale, les
Présidents des institutions peuvent, chacun en ce qui le concerne, selon
le cas, saisir la Cour constitutionnelle.
Pour l'autorisation de ratification des engagements
internationaux, le Président de la République ou le
Président de l'Assemblée nationale peut saisir la Cour
constitutionnelle. Il faut noter cependant que le juge béninois se
saisit d'office en cas de violation des droits de la personne humaine et des
libertés publiques. L'on peut à ce niveau se poser la question de
savoir pourquoi le législateur suprême béninois utilise les
deux termes : droits de la personne et libertés
publiques.535(*)
A notre avis, les libertés publiques étant
celles portées par les textes de droit positif, les droits de la
personne humaine relèvent plutôt du droit naturel. Vieux
débat s'il en est, le constituant semble n'avoir pas voulu le trancher
en prenant position pour une conception plutôt étendue des droits
de l'homme, qu'il fût citoyen ou simple être humain. Ceci
s'explique également par la vague qui s'est déferlée sur
ce pays à l'issue de la conférence nationale souveraine et qui
fut porteuse des espoirs de tout un peuple pour le retour à une
démocratie basée sur les droits de l'homme.536(*)
En matière électorale, tout citoyen peut saisir
la Cour, avant le scrutin, sauf si la loi y apporte quelque limitation.
Après le scrutin, les réclamations ne sont pas admises avant la
date de la proclamation des résultats, sous peine de voir la
requête déclarée irrecevable parce que
prématurée.
Pour être prise en considération, toute
réclamation relative aux opérations de vote le jour du scrutin
doit être rédigée par le ou les électeurs pour
être annexée au procès-verbal de déroulement du
scrutin établi à l'issue du vote et à transmettre à
la Cour constitutionnelle.
Ajoutons pour être complet qu'après la
proclamation des résultats, la nature de l'élection
détermine la qualité du requérant. Ainsi, pour les
élections législatives, la saisine est ouverte aux personnes
inscrites sur les listes électorales et aux candidats de la
circonscription où a lieu l'élection contestée dans les
dix jours qui suivent la proclamation des résultats par la Cour
constitutionnelle, sauf cas particuliers.537(*)
En revanche, toute requête introduite après les
dix jours suivant la proclamation des résultats sera
déclarée, sauf cas particuliers, irrecevable pour
tardiveté.
Pour ce qui est de l'élection présidentielle, la
saisine est ouverte à tout candidat au premier tour du scrutin ; au
second tour, seuls les deux candidats sont admissibles à saisir la Haute
Juridiction.
S'agissant de l'exercice de sa fonction consultative, seul le
Président de la République et le Président de
l'Assemblée nationale peuvent saisir la Cour constitutionnelle en
demande d'avis. Il va de soi qu'aucun citoyen ne peut saisir cette
dernière en demande d'avis faute évidemment de
qualité.538(*)
L'on peut avant de conclure ces quelques lignes montrer que la
Cour béninoise a la réputation de probité, de
compétence et d'incorruptibilité.539(*)
Cette caractérisation flatteuse est l'oeuvre des hauts
magistrats qui y ont siégé sous la présidence
éclairée de Madame Conceptia Ouinsou pendant dix ans. La lecture
de sa jurisprudence déjà abondante indique, aux dires d'Evariste
Boshab540(*), parfois un
rigorisme qui s'explique par une gésine toute fraîche de la
démocratie. 541(*)
Après une décade d'exercice, la justice
constitutionnelle semble avoir marqué les esprits et obtenu ses lettres
de noblesse en matière de protection des droits fondamentaux de la
personne humaine. A preuve, l'on peut indiquer quelques décisions
saillantes recensées par la doctrine africaine la mieux
informée.542(*)
La Cour constitutionnelle du Bénin a rendu, durant
l'été 2009, une remarquable décision de censure confirmant
sa suprématie sur le juge ordinaire « en matière de
droits de l'homme », autrement dit chaque fois qu'elle constate
une violation de la Constitution sociale. Par
décision
DCC 09-087 du 13 août 2009, la haute juridiction a, en effet,
déclaré « contraire à la
Constitution » l'Arrêt n° 13/CJ-CT du 24 novembre
2006 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême rendu dans l'affaire
opposant les consorts Atoyo Alphonse aux consorts Sophie Aïdasso.
Produit du cheminement de la jurisprudence constitutionnelle
depuis 1992, la
décision DCC 09-087 du 13 août 2009 répond aux
exigences inhérentes à la consolidation d'un Etat de droit
sophistiqué, où, loin de solutionner le problème crucial
des
"contrariétés
entre les décisions des cours administrative, judiciaire et
constitutionnelle"543(*), l'application à la lettre du texte
suprême - la
Constitution
du 11 décembre 1990 - engendre contradictions et désordres.
Au nom d'une loi fondamentale qui reconnaît l'indépendance
mutuelle de la Cour Constitutionnelle et de la Cour Suprême, tout en
valorisant la protection des droits de l'homme, la première affirme sa
suprématie sur la seconde dans ce domaine éminent.
La
Constitution
du 11 décembre 1990 a remodelé la judicature du
Bénin : elle a instauré, à côté et en
dehors de l'appareil ordinaire coiffé par la Cour Suprême - un
ordre juridictionnel unique avec dualité de contentieux -, une puissante
Cour Constitutionnelle - dotée de très larges compétences
contentieuses. Le texte suprême sépare organiquement et, surtout,
fonctionnellement les deux hautes juridictions : leurs compositions sont
très différenciées ; aucune relation n'est
aménagée entre elles ; chacune est souveraine dans son
domaine de compétences. Une sorte de mur de Berlin tenu pour
infranchissable.
Dans un premier temps, nonobstant l'inévitable
enchevêtrement des contentieux et les risques de contradictions entre les
jurisprudences, la Cour Constitutionnelle s'est strictement conformée au
principe textuel de l'indépendance mutuelle des deux cours
suprêmes. Dans sa
décision
n°13 DC du 28 octobre 1992, le Haut Conseil de la République
faisant office de Cour Constitutionnelle a, ainsi, décliné sa
compétence pour, en l'espèce, connaître de l'arrêt
d'une Cour d'assises et pour, en général,
« réformer les décisions de
justice ».
Cette position de principe a été
réaffirmée, non sans embarras, dans l'affaire Campbell : par
décision
DCC
11-94 du 11 mai 1994, la Cour constitutionnelle a d'abord jugé que
l'article
131 alinéas 3 et 4 de la Constitution de 1990 lui interdisait de
statuer sur un arrêt de la Cour Suprême, faisant l'objet d'une
plainte en violation de droits de la défense, et ce malgré les
articles
les
articles 117 alinéa 4, 120 et 121 alinéa 2 de la Constitution de
1990 qui « donnent compétence exclusive à la
Cour constitutionnelle pour statuer sur les violations des droits de la
personne humaine » ; la Cour, dans une seconde
décision
DCC
95-001 du 6 janvier 1995, a ensuite confirmé son incompétence
... tout en déclarant qu'elle aurait constaté une violation des
droits de la défense, si la Constitution le lui avait permis.
La Cour suprême gardienne de la Constitution
considérait qu'elle ne pouvait, sans en méconnaître le
texte, renverser une solution grosse d'incohérences et
d'absurdités, préjudiciable au justiciable et à ses droits
garantis par la Constitution. Ce sont ces impasses de l'indépendance
mutuelle des deux cours suprêmes, qui apparaissent à la lecture de
la décision
DCC
98-021 du 11 mars 1998.
Commandée par une interprétation
littérale de la loi fondamentale, la solution de principe de la Cour
Constitutionnelle nuisait au justiciable et à l'autorité de la
justice constitutionnelle. Elle a fini par être abandonnée.
La Cour constitutionnelle a opéré le revirement
de jurisprudence attendu en 2003 : après avoir
réaffirmé, dans sa décision
DCC
03-79 du 14 mai 2003, l'immunité des décisions de justice, la
Cour a averti, par décision
DCC
03-166 du 11 novembre 2003, que cette immunité ne couvrait pas les
décisions de justice qui, violant les droits de l'homme, devaient
être regardés comme des « actes » contestables
devant elle par tout citoyen, au sens de
l'article
3 alinéa 3 de la Constitution de 1990. Pour sortir des impasses de
l'indépendance mutuelle des cours suprêmes, découlant des
articles 124 alinéa 2 - autorité de chose jugée des
décisions de la Cour Constitutionnelle - et 131 alinéa 3 -
autorité de chose jugée des décisions de la Cour
Suprême -, le juge constitutionnel a ainsi convoqué la disposition
emblématique du Renouveau démocratique au Bénin qui
institue une actio popularis, à l'origine de nombre de ses
« grandes » décisions.
Après s'être autoproclamée la plus
suprême des cours suprêmes en matière de droits de l'homme,
la Cour constitutionnelle a conforté son audace interprétative,
en sanctionnant la méconnaissance du principe jurisprudentiel de sa
suprématie relative. D'abord, à l'occasion de sa décision
DCC
04-051 du 18 mai 2004, pour censurer une formation de la Cour d'Appel de
Cotonou siégeant en matière civile traditionnelle, auteur d'
« une fraude au droit de la défense ».
Ensuite, à l'occasion de sa
décision
DCC 09-087 du 13 août 2009, pour censurer la Cour Suprême.
Cette dernière décision est une nouvelle manifestation de la
modernisation du droit par le juge constitutionnel, car la Cour
constitutionnelle y condamne, avec fermeté, l'obstination du juge
judiciaire à se référer au
Coutumier
du Dahomey, déclaré sans force exécutoire par
décision
DCC
96-063 du 26 septembre 1996 , en l'occurrence la
« rébellion » de l'une des parties et de la
Cour suprême à l'égard de sa décision
DCC
06-076 du 27 juillet 2006.
Désormais, tout Béninois en litige devant une
juridiction non seulement a la faculté de se plaindre devant la Cour
constitutionnelle de tout acte juridictionnel qui méconnaîtrait
les droits de l'homme, mais encore peut escompter la sanction par elle de tout
abus caractérisé du pouvoir judiciaire. Un progrès de
taille !
Vertement critiquée pour son interprétation,
voire sa réécriture, de la Constitution politique, la
Cour
Dossou, héritière des mandatures antérieures, fait
incontestablement oeuvre utile sur le terrain de la Constitution sociale :
après la mise hors la Constitution de la répression pénale
de l'adultère, la
décision
DCC 09-087 du 13 août 2009 s'inscrit, sur le plan des principes, dans
la lignée de l'historique décision sur le code des personnes et
de la famille. Et ce, pour le plus grand profit des femmes
béninoises !544(*)
Toute cette expérience institutionnelle d'autres pays
d'Afrique et du monde nous amène au moins à imaginer un type
institutionnel pour la République démocratique du Congo.
Dans un pays qui est longtemps resté en marge d'une
constitutionnalité vétilleuse tant les violations de la
Constitution étaient légion et les droits de l'être humain
du domaine de la programmation politique, est-il scientifiquement fondé
de faire du copier-coller ?
Il nous semble en effet nécessaire de fonder un nouveau
type de justice constitutionnelle qui soit apte à régler le
contentieux politique et constitutionnel d'un pays qui est sorti à peine
des limbes du monopartisme avec sa cohorte de mépris de droits humains
et des affres des guerres subséquentes à cet état de
choses.
Ne dit-on pas qu'on n'invente pas la roue ? Cela est-il
vrai en matière de machinerie institutionnelle ?545(*)
Le choix est ainsi à opérer entre le
mimétisme facile et l'innovation à tout vent susceptible à
sont tour d'évacuer l'essence universelle de la notion même de
justice constitutionnelle.
La thèse est ici que la nécessité fait
loi en ce que au-delà de ce qui est aujourd'hui admis, le pays ressent
le besoin d'acquérir une justice qui soit fondée tant sur son
histoire que sur sa possibilité à la dépasser pour
satisfaire ses spécificités.
Section 2 : LE MODELE
CONGOLAIS A INVENTER
Le titre que nous choisissons pour cette section semble
postuler qu'il n'y a pas de justice constitutionnelle en République
démocratique du Congo.
Telle affirmation, outre qu'elle serait fausse, devra
être atténuée par l'état des lieux que nous nous
proposons de dresser avant d'élaborer quelques propositions pour
instaurer un juge constitutionnel efficace, efficient et effectif.
§1. L'état des
lieux
Quelle tâche immense que de dresser l'état des
lieux d'un système qui a fonctionné pendant plus ou moins
quarante ans ! Cependant, il est théoriquement vrai de dire que le
système juridictionnel congolais est le plus facile à
caractériser tant ses manifestations et sa production sont visibles
à l'oeil de tout chercheur averti.
Sur quelques pages, parler de la justice congolaise de 1968
à nos jours, c'est dresser un bilan qui peut souffrir d'un écueil
majeur : le parti pris conceptuel selon lequel rien ne marche. Nous
l'éviterons cependant en sollicitant l'opinion de la doctrine546(*) et le point de vue de la
magistrature elle-même547(*). En effet, les hauts magistrats ne sont-ils pas
eux-mêmes à l'avant-garde d'une autocritique qui fonde une
volonté de faire mieux que l'état des lieux ne peut pas toujours
traduire ? Il faut d'emblée souligner que la justice
constitutionnelle dès l'origine a fait partie du pouvoir judiciaire et
elle a en même temps subi les contrecoups assénés à
cette fonction de l'Etat et ce, au gré de l'évolution politique
et constitutionnelle du pays.
La doctrine congolaise qui s'est penchée sur cette
question a presque unanimement opiné que la justice constitutionnelle
congolaise comme le pouvoir judiciaire auquel elle a toujours appartenu est
dans une léthargie548(*) ou un dysfonctionnement549(*) dont les causes sont aussi
nombreuses que variées.
En détail, voyons à présent les causes de
cet état morbide de la justice constitutionnelle congolaise.
Mabanga identifie trois types des raisons qui militeraient
à la léthargie de cette justice en République
démocratique du Congo. Il épingle les raisons d'ordre juridique
ou de pure technique législative en ce que le législateur n'a
jamais mis en oeuvre les prescrits constitutionnels pour permettre à la
justice constitutionnelle de fonctionner normalement. De même, le
monopole de saisine confié au seul procureur général de la
République n'était pas de nature à faciliter l'exercice.
550(*)
Les raisons d'ordre politique ont fait que contester une loi
ou mieux des lois présidentielles pouvait être
considéré comme un acte de subversion susceptible
d'entraîner un ostracisme que très peu de Zaïrois, à
l'époque, étaient disposés à subir. Ces raisons
politiques propres à un Etat patrimonial ont connu quelques inflexions
pendant la transition d'après l'Accord global et inclusif de Sun City
suite à une « reconsensualisation » de la vie
politique et donc au partage du pouvoir qui permet le contrôle
juridictionnel. Néanmoins, cet état de choses longtemps subi a
induit une psychologie de la peur et dans le chef des juges et dans celui des
justiciables de telle sorte que les actes des gouvernants sont
considérés comme nimbés d'un halo de sainteté
incontestable. 551(*)
Matadi Nenga Gamanda, dans sa thèse défendue
à Nanterre, brosse un tableau plus qu'exhaustif des causes qui rongent
la justice congolaise et donc la justice constitutionnelle congolaise tant
qu'elle est encore exercée par les mêmes magistrats de l'ordre
judiciaire.
Il énumère ainsi la crise économique et
l'effritement du traitement du personnel judiciaire, la corruption, le
tribalisme, l'inadéquation de la législation, la très
faible densité des juridictions, l'inadéquation des ressources
humaines et des infrastructures, la culture congolaise et la subordination des
magistrats. Cet auteur classe donc les deux dernières causes parmi les
obstacles médiats tandis que les six premières feraient partie,
selon lui, des obstacles immédiats à l'effectivité du
pouvoir judiciaire. 552(*)
Il est vrai qu'une telle énumération ne peut que
recueillir les suffrages de la doctrine sauf à voir que le tribalisme
tout comme la corruption induisent non seulement une grave crise
économique, une faible densité des juridictions faute de moyens
financiers, l'inadéquation des ressources humaines et des
infrastructures ; le tout débouchant sur une inadéquation de
la législation car non en phase avec la culture du peuple.
L'on ne peut faire reproche au bâtonnier Matadi Nenga
Gamanda de n'avoir pas tenté une hiérarchisation desdites causes
du point de vue de leur structuration cybernétique. Il nous semble que
telle n'a pas été sa perspective, en revanche le professeur
émérite Kayemba Ntamba Mbilanji esquisse une théorie
explicative de cet imbroglio des causes paralysantes non seulement de la
justice mais de l'Etat lui-même.553(*)
Sans être prophète, mais en nous servant
simplement des béquilles de l'expérience, nous pouvons affirmer
ici que la justice constitutionnelle congolaise souffre d'un mal profond qui
est à la fois dû à un dysfonctionnement institutionnel
immense depuis plus de deux décennies mais également à une
incompétence technique induite tant d'une formation insuffisante en
matière de droit public que d'un traitement de misère produit
induit de la corruption dont les magistrats sont parfois les complices parfaits
quand ils ne sont guère eux-mêmes les auteurs passifs.
Depuis des années maintenant, l'on note une baisse du
niveau de l'enseignement universitaire en République démocratique
du Congo. Ce constat, comme d'autres, transporte le problème de la
justice elle-même sur les rivages de nos facultés de droit. Le
débat sur ce terrain reste passionné, périlleux et
complexe.
Cet inventaire de l'état de la justice, pour exhaustif
qu'il puisse être, manquerait de pertinence s'il n'était pas suivi
d'une sorte de thérapeutique qui s'énonce ci-après en
termes de propositions de réforme.
§2. Propositions pour un
juge constitutionnel efficace, efficient et effectif
Nous tentons d'articuler ces propositions autour des concepts
d'efficacité, d'efficience et d'effectivité dont les approches
définitionnelles sont de nature à en faciliter l'intelligence. Il
procède en effet de la cohérence normative interne et externe que
la justice doit être perçue comme un des mécanismes du
système de règlement des conflits surgissant dans la
société elle-même déjà saisie ici comme un
système intégré.
C'est ainsi que le dysfonctionnement de la justice est
déjà le révélateur explicite d'un autre
dysfonctionnement plus grand qui est celui de la société
politique globale. En effet, la justice entendue comme une manifestation du
pouvoir est toujours une des fonctions de celui-ci, de la sorte que son
dysfonctionnement déteint inévitablement sur la totalité
du pouvoir. Ainsi donc, avoir un juge constitutionnel efficace est une
nécessité non seulement pour parachever l'édifice
constitutionnel et assurer sa solidité mais aussi et surtout une
exigence d'efficacité du pouvoir dans l'Etat. Voyons dès lors
comment cette justice de qualité pourrait s'implanter sur le sol
congolais au regard des vues de droit comparé exposées plus loin,
en commençant par la composition du siège de cette justice.
A. Composition
Etudier la proposition de la composition de la juridiction
constitutionnelle est en effet une nécessité car la justice est
finalement un « complexe psychotechnique » incluant
à la fois un personnel humain et une formation scientifique.
La constitution du 18 février 2006 en son article 158
dispose que « la Cour constitutionnelle comprend neuf membres
nommés par le Président de la République dont trois sur sa
propre initiative, trois désignés par le parlement réuni
en Congrès et trois désignés par le Conseil
supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres de la Cour
constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature,
du barreau ou de l'enseignement universitaire ». 554(*)
Cette disposition constitutionnelle est la base de la
problématique même de la composition de cette haute juridiction.
Il importe de souligner que si d'emblée le nombre de neuf membres,
au-delà de son symbolisme ésotérique parfait, ne pose pas
problème particulier, il y a néanmoins lieu de faire remarquer
qu'au regard de la configuration politique des provinces et du nombre des
matières attribuées à cette haute juridiction ce chiffre
pourrait être dépassé. Mais les évolutions futures
tirées de l'expérience de la Cour suprême de justice
siégeant en matière électorale semblent se diriger vers
l'accroissement du volume du travail pour neuf juges. 555(*)
Ce travail juridictionnel serait d'autant plus accru qu'il
serait en fin de compte confié aux deux tiers des juges qui seront
juristes, les trois autres membres n'ayant pas a priori des
compétences techniques pour régler les questions purement
juridiques même si leur apport pour les questions politiques pourrait
être visible. Cette critique devra être tempérée par
l'option faite par le législateur organique en chantier en faveur des
conseillers référendaires.556(*)
La question de la composition continuera à se poser au
regard non seulement du volume des affaires mais surtout eu égard aux
qualifications des membres. Le texte constitutionnel se limite à parler
de juristes ; ce terme est plus qu'imprécis.
L'enseignement du droit en République démocratique du Congo est
étalé sur trois années consacrées par un
diplôme de gradué en droit, deux autres années
couronnées par le diplôme de licencié en droit ; deux
années de diplôme d'études supérieures en droit et
trois années terminales couronnées par le diplôme d'Etat de
docteur en droit.557(*)
Ainsi qu'on vient de le remarquer, à chaque niveau de
formation correspond un diplôme universitaire de droit. A quel niveau
d'études correspond donc la qualification de juriste
énoncée par le constituant ?
Il nous semble difficile de dire qu'un gradué en droit
est déjà juriste tant il n'a pas encore accompli le cursus
universitaire de licence qui lui permet d'exercer les métiers de droit.
Le terme juriste s'appliquerait donc aisément au détenteur du
diplôme de licencié en droit.558(*)
Mais là aussi les programmes universitaires montrent
que le jeune licencié en droit frais émoulu de nos
universités n'a que très peu de formation en matière de
droit public et plus spécialement en droit constitutionnel qu'il n'aura
appris qu'en premier graduat souvent dans l'euphorie quasi religieuse des
élèves sortis des bancs de nos collèges et lycées.
Pour l'efficacité du juge constitutionnel et pour
rendre un tant soit peu opératoire le cycle d'études
postuniversitaires, il serait souhaitable que ne soit considéré
comme juriste au voeu du constituant que celui qui a achevé le cycle des
études donnant lieu à un diplôme d'études
supérieures en droit public car ces études sont réellement
spécialisées et permettent au récipiendaire de
développer des compétences spécialisées et
approfondies dans le champ des attributions juridictionnelles de la Cour
constitutionnelle.559(*)
A preuve, la lecture des arrêts rendus en matière
électorale- matière constitutionnelle- et en matière
administrative a donné à voir que nos hauts magistrats n'avaient
pas toujours une compétence affirmée en matière de droit
public.560(*)
Dès lors, énoncer comme le fait le constituant
avec une naïveté quasi enfantine que ces juristes proviendraient de
la magistrature nous parait véritablement une gageure. Il y a sans doute
de juristes qualifiés dans le corps de notre magistrature au regard du
critère académique avancé, cependant le seul diplôme
ne permet pas de juger du niveau scientifique du candidat au poste de
conseiller à la Cour constitutionnelle.
Le critère de la qualité des publications serait
un paramètre intéressant de ce point de vue. Il en est notamment
ainsi dans les systèmes étrangers que nous avons analysés
plus haut. Ainsi, il serait illusoire de s'attendre à une justice
constitutionnelle efficace de la part d'un juriste privatiste ou
pénaliste qui aurait par ailleurs passé trente ans de sa
carrière à trancher des conflits parcellaires ou des accidents de
circulation. The right man at the
right place, dit un adage anglais dont le pragmatisme
légendaire tranche avec le flou de la formule constitutionnelle
congolaise.
Par ailleurs, lorsque l'on sait que la juridiction
constitutionnelle a pour fonction de juger les oeuvres législatives de
la majorité, il est illusoire de laisser le choix libre à cette
même majorité de désigner ses juges. C'est
l'inefficacité toute désignée.
S'il l'on ne peut contester au Président de la
République la latitude éclairée de choisir trois juges
parmi les personnalités indiquées à l'alinéa
1er de l'article 158 de la Constitution, l'on ne peut pas ne pas
remarquer qu'il appartient à une famille politique et que l'absence de
culture politique démocratique l'inclinerait à privilégier
les juges qui ne jugeraient aucune de ses oeuvres. Le seul rempart contre cette
inclinaison naturelle de tout homme politique réside naturellement dans
la notion bien morale de l'intérêt supérieur de la Nation.
Le Chef de l'Etat n'a-t-il pas déjà une haute
intelligence de cette notion dans un Etat qui se veut de droit ?
Le choix qu'opérerait le Conseil supérieur de la
magistrature serait une option acceptable sauf à privilégier le
critère de compétence technique que l'on ne voit pas beaucoup
dans ce corps du seul point de vue du droit public.
La désignation du Conseil supérieur de la
magistrature s'impose-t-il au Président de la République, seule
autorité publique investie du pouvoir de nomination ? Il nous
parait qu'il s'agit d'une sorte de compétence liée. Il ne peut
que nommer. S'agissant du barreau, la même critique persiste. Le barreau
congolais est composé des avocats, pour la plus large part,
généralistes et ne disposant pas des connaissances
spécialisées561(*) en droit constitutionnel de sorte que là
aussi il est illusoire de trouver des personnalités appropriées
à la tâche562(*).
Nous pensons, en revanche, que la présence des
conseillers référendaires que l'on trouverait volontiers parmi
les universitaires congolais spécialistes de droit public serait de
nature à tempérer la vacuité des juges non
spécialistes. Mais, il faut le dire sans ambages, lorsque l'on veut
installer une justice crédible, il sied de commencer par recruter des
excellentes personnalités qui seraient enfin des juges excellents.
L'Etat de droit passe inéluctablement par là et nulle part
ailleurs.
Matadi Nenga Gamanda opine, dans le même sens, lorsqu'il
affirme que « la garantie d'accès à un tribunal serait
illusoire si siégeaient audit tribunal, comme juges, des truands, des
ignares ou de corrompus de tout genre. Le droit à un bon juge est une
garantie juridictionnelle d'après laquelle toute partie doit être
garantie de l'intervention d'un juge doté d'un pouvoir de pleine
juridiction et de connaissances nécessaires pour une justice de
qualité. Ce savoir, renchérit-il, dans la plupart des cas, ne
peut être assuré que par la spécialisation du juge dans la
matière qu'il traite. Le juge doit être au parfum du
progrès du droit, surtout dans le domaine qui le concerne. Etre
formé et se former est une obligation : quelle que soit la valeur
de magistrats et leur qualité, quelle que soit la rigueur de leur
raisonnement, leurs décisions resteront imparfaites si le droit qu'ils
doivent appliquer ne progresse pas constamment ».563(*)
Nous accordons nos suffrages à l'alinéa 4 de
l'article 158 de la Constitution déjà cité pour la simple
raison que le Président de la Cour constitutionnelle élu par ses
pairs pour une durée de trois ans une fois renouvelable serait à
même de la bien diriger même si cela n'est pas exclusif de la
critique qu'il y a risque que le président ainsi élu ne se
constitue une sorte de clientèle pour son éventuelle
réélection. L'expérience étrangère
exposée plus loin indique que le risque ainsi décrit et qui est
réel reste néanmoins marginal si les hommes et femmes qui
composent la Cour sont d'une haute moralité, condition que
malheureusement le constituant ne semble guère imposer. 564(*)
Au-delà de cette composition purement technique, il
reste à voir qu'il est également utile qu'à l'instar du
constituant sud-africain d'instaurer une justice constitutionnelle qui serait
spécifiquement congolaise.
Nous proposons donc que soit ajouté aux trois
catégories constitutionnelles déjà exposées, un
type nouveau des juges qui seraient les chefs coutumiers des principales
communautés chaque fois que les intérêts de ces
entités seraient en jeu.565(*)
En effet, dans le mental africain, la justice est toujours de
compromis. Il n'y a pas a priori des raisons que la justice constitutionnelle
soit rendue hors la présence des destinataires de ses
décisions.566(*)
C'est une question d'efficience et de rationalité
systémique.567(*)
En d'autres termes, les chefs coutumiers seraient consultés comme
juges ad hoc comme cela se pratique devant la Cour internationale de
justice.568(*)
Cette pratique est de nature à rendre lisible le
travail de la Cour au regard des communautés concernées par les
produits législatifs en processus de censure devant elle.
A supposer qu'une loi soit adoptée concernant une terre
occupée par une communauté, il nous paraît convenable que
cette communauté par son chef qui est du reste une autorité
publique soit consultée pour connaître le point de vue de
celle-ci. Le juge coutumier ainsi désigné ne serait pas
permanent ; il participerait au vote en prenant la parole sans toutefois
avoir voix délibérative pour éviter l'émotion qui
serait la sienne.
Au-delà, il reste une question technique qu'il
échet de résoudre : la question de la récusation des
membres de la Cour et surtout la possibilité d'une suspicion
légitime. La question vaut son pesant d'or car le projet de loi
organique porte que « la Cour constitutionnelle ne peut valablement
siéger et délibérer qu'en présence de tous ses
membres, sauf empêchement temporaire de deux d'entre eux au plus, dument
constaté par les autres membres ».
En raison du caractère général de
l'expression « empêchement temporaire », faut-il y
inclure les cas de récusation et de suspicion légitime ? La
disposition en lecture semble induire que deux juges seulement sont
susceptibles d'être empêchés notamment par la
récusation dans les conditions ordinaires de récusation. Est-il
possible d'en récuser trois ou quatre sans bloquer la Cour et surtout
violer la loi organique de cette institution ? En droit comparé,
cette question vient de se poser avec acuité devant le juge
constitutionnel burkinabé sous la Décision n° 2005-
004/CC/EPF du 14 octobre 2005 sur le recours du candidat
Bénéwendé Stanislas Sankara tendant à
récuser quatre (04) membres du Conseil constitutionnel.569(*)Sur les neuf membres du
Conseil constitutionnel, quatre étant récusés, quatre
autres ont du siéger et rejeter la requête en récusation
sans vérifier la régularité de leur propre composition
exposant de la sorte leur oeuvre à la critique. La suspicion
légitime obéit à la même difficulté et oblige
la Cour constitutionnelle à ne pas siéger. Et Dieu seul sait
combien les politiciens seront tentés de l'empêcher à
travailler à travers un tel mécanisme.
Plus près de nous, le Conseil national de l'Ordre des
Avocats qui siège aussi à neuf membres a été
obligé d'interdire à travers son règlement
intérieur-cadre la suspicion légitime et la récusation de
plus de deux de ses membres.570(*) Le caractère illégal d'une telle
disposition ressort du fait évident que la question de procédure
devant un juge ne peut être réglée par voie des
dispositions générales par le juge lui-même. Le
législateur doit intervenir. Mais en attendant, la solution peut
être imitée au profit de la Cour constitutionnelle pour
éviter le désagrément burkinabé qui est loin
d'être théorique.
La récusation est le moyen de procédure par
lequel le juge peut être remplacé pour certains motifs qui peuvent
faire douter de son impartialité. Il s'agit là d'un principe
aussi universel qu'ancien fondé sur l'impossibilité pour le
justiciable de se conformer à une décision de justice s'il est
prouvé que le juge a agi non selon la justice et le droit, mais par
intérêt, faveur ou haine. Naturellement, ce moyen de
procédure n'a pu véritablement se développer que lorsque
les juges furent imposés aux justiciables. Et c'est le cas lorsque toute
la juridiction est suspectée de partialité.571(*)
L'exposé que nous venons de faire sur la composition de
la Cour constitutionnelle ne serait pas complet si nous ne disons un mot sur le
statut du juge qui va y siéger. Il s'agit d'étudier à la
fois le statut financier et le statut fonctionnel des membres de la Cour.
B. Statut
Il n'est pas possible, à notre avis, de parler de
statut du juge qui doit dire le droit sans étudier au demeurant les
conditions matérielles dans lesquelles il est situé pour ce
faire. C'est ainsi que l'on parlera de son traitement avant d'analyser son
statut juridique au regard des normes juridiques en notre possession.
Le traitement du membre de la Cour constitutionnelle est, aux
termes de l'article 10 du projet de loi organique sur la Cour
constitutionnelle, fixé par une loi de même que les
indemnités et autres avantages.572(*) Cette disposition, pour claire qu'elle soit, appelle
néanmoins ce commentaire : d'abord, le législateur organique
aurait fait économie des textes en fixant directement ce traitement au
lieu de le renvoyer au législateur ordinaire, et, ensuite, il nous
parait très utile que le traitement des membres de la Cour soit au moins
celui d'un ministre pour la raison bien simple que le greffier en chef de cette
juridiction revêt déjà le grade de secrétaire
général de l'administration publique. Le Président de la
Cour devrait recevoir le traitement d'un Premier ministre.
Il va sans dire que pareil traitement est de nature à
assurer une réelle indépendance matérielle aux conseillers
et aux conseillers référendaires qui les secondent. En effet, les
personnes investies de la mission essentielle de protéger la
Constitution contre les excès de pouvoir législatif et
exécutif doivent tout au moins être traités comme les
personnes dont ils contrôlent les actes.
Autrement, la Cour risque de rejoindre les autres institutions
de décoration politique qui ornent le musée des constitutions
africaines passées. L'efficacité de cette haute juridiction passe
aussi en effet par là.
S'agissant du statut soit de la nature juridique des fonctions
confiées aux membres de la Cour, il sied de dire que les normes posent
problème. Si la Constitution pose le principe simple que la Cour est
composée de neuf membres, le projet de loi susmentionné leur
attribue l'appellation de conseiller.573(*)
Cette dénomination rappelle brusquement celle que le
législateur congolais a toujours donnée aux juges des cours
d'appel et de la Cour suprême de justice en début de
carrière auprès de ces hautes juridictions. Nous pensons que le
législateur organique peut faire preuve d'imagination en les appelant,
par exemple, Haut Conseillers d'Etat qui seraient ainsi différents de
conseillers d'Etat près le Conseil d'Etat. Conseiller tout court ne nous
parait pas suffisant pour ce qui est de la différenciation des autres
types des magistrats en République démocratique du Congo.
Le statut du membre de la Cour est qu'il n'est pas magistrat
de carrière comme l'affirme la loi organique n°06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats.574(*) Dès lors, il aurait apparu comme une
incongruité au regard de la cohérence systémique que le
Président de la Cour constitutionnelle siège au Conseil
supérieur de la magistrature, s'il n'était magistrat
lui-même.575(*)
Toutefois, il faut d'emblée soutenir le
législateur dans cette voie qui consiste à introduire des
éléments non issus de la magistrature dans le seul organe
chargé de surveiller la moralité. Telle est du reste la tendance
dans plusieurs autres pays à démocratie avancée comme la
France dont le rapport Balladur ne propose pas autre chose que ce que le
législateur congolais a fait.576(*) Nous approuvons que les membres de cette instance
juridictionnelle soient rendus justiciables de la Cour de cassation et cela, au
simple motif qu'ils ne sauraient être juge et partie en leur propre
cause.
Il importe de souligner que les membres du parquet près
la Cour constitutionnelle, eux aussi, sont des magistrats même si le
statut des magistrats les a complètement omis de sa liste annexée
à la loi susmentionnée. En effet, même s'ils sont
nommés pour un mandat non renouvelable de neuf ans au parquet
près cette juridiction, les membres de ce parquet sont définis
comme magistrats du ministère public, aux termes du projet de loi
organique précité.577(*)
Ainsi donc, le législateur organique du Conseil
supérieur de la magistrature semble avoir pris en flagrant délit
d'omission son collègue de la loi sur le statut des magistrats en
complétant le siège dudit Conseil avec les magistrats issus de ce
parquet général.578(*)
Il semble plus correct de voir dans cette catégorie,
des magistrats en détachement. Le terme mandat inclus à la
disposition en chantier pose aussi problème dans la mesure où
cette notion écarte, à notre sens, tout concept d'avancement
qu'implique le signalement prévu par le projet. En effet, il nous semble
correct de ne voir d'avancement que dans une carrière. Pour de raisons
de cohérence légistique, il serait bon d'effacer tout simplement
le terme mandat de la formulation de cette disposition légale.
De même, il est inadmissible que le statut des
conseillers référendaires chargés d'assister les membres
de la Cour dans l'accomplissement de leur mission soit renvoyé à
un règlement intérieur de la Cour elle-même.579(*) Il s'agit, à n'en pas
douter, d'une paresse du législateur qui peut faire l'économie de
temps et de textes en édictant des normes sur le statut de ces
référendaires. Il n'est pas vain de proposer qu'ils aient le
statut de magistrat revêtu du grade au moins égal à celui
de conseiller de cour d'appel.
Dans la pratique d'autres cours constitutionnelles dans le
monde, les référendaires finissent souvent par être des
membres titulaires à la haute Cour tout simplement parce qu'ils
disposent d'un avantage certain sur tout autre juriste : l'avantage de
l'expérience. Et en plus, participant à la confection des
décisions de la haute Cour, ils doivent être magistrats pour
pouvoir être astreints au devoir de réserve et de
confidentialité.
Quant au régime disciplinaire qui est le pendant
naturel du statut avantageux reconnu au membre de la Cour constitutionnelle, le
législateur a tôt mieux fait de le soumettre à la
discipline du conseil supérieur de la magistrature.580(*) Par le biais de cette
procédure disciplinaire, le juge constitutionnel, envisagé comme
censeur suprême, se retrouve dans les liens du contrôle de tout
juge. Ceci offre un avantage assez limité certes en répondant
provisoirement à la question capitale : quis custodiat
custodem ?
La réponse est provisoire car l'on ne saurait compter
définitivement sur le conseil supérieur de la magistrature, par
ailleurs dirigé par le Président de la Cour constitutionnelle,
lui-même élu par ses pairs, donc redevable électoralement
à sa clientèle, pour punir les actes illégaux du juge
constitutionnel.
Là, le dernier rempart se trouve dans la
moralité sans faille qu'est censé avoir chacun des membres de
cette haute juridiction. Autrement, il faudra se fier à l'homme avec les
risques de dérapages qui sont liés du reste à la nature
faillible de ce dernier !
Il est dit que le droit est une configuration rationnelle du
vécu de l'homme dans la société et comme tel, il doit
exprimer des valeurs qui sont en vogue dans cette dernière ou celles
vers lesquelles elle doit tendre. A cet égard, le juge issu de la
société ne doit-il pas incarner, en fin de compte, la vision
morale du peuple ? Est-ce suffisant ? C'est pour cela seul que la loi
a toujours institué une procédure, garante du droit contre
l'arbitraire qui s'accommode de l'absence des formes.
C. Procédure
La lecture attentive du projet de loi organique sur la Cour
constitutionnelle donne à voir que le législateur congolais,
à l'instar de ses collègues de l'espace juridique francophone,
est demeuré dans le droit fil d'une normativité laconique en ce
qui est de la procédure. Cent et trois articles, pour pareille
juridiction censée gérer au moins dix attributions
répertoriées par le projet, paraissent bien minces surtout
lorsque l'on se rappelle que le constituant a ouvert la saisine, du moins en
certaines matières, aux particuliers.581(*)
Si les effets attachés aux arrêts
d'inconstitutionnalité et de non-conformité sont
détaillés dans le projet de loi organique sous étude, il
faut en revanche noter que la procédure devant la Cour se déroule
comme devant les juridictions de droit commun où les audiences sont
publiques. A ce niveau, la procédure sera écrite et
contradictoire. L'on peut déjà saluer l'institution de la chambre
restreinte comme mécanisme de filtrage de recours. En effet, de nombreux
recours mus par des soucis divers sont de nature à surcharger la Cour
pour ce qui est de son travail juridictionnel ; cette chambre restreinte
aura donc pour tâche de ne laisser passer que les seuls recours dignes
d'être examinés in plenum.582(*)
Sur ce registre, il nous semble techniquement difficile
à expliquer que le législateur qui a fermé le
prétoire aux parties en ce qui est de la postulation en matière
de cassation, en exigeant la représentation obligatoire des avocats
qualifiés, car il s'agit d'un procès fait à une
décision judiciaire, ait omis de le faire en matière
constitutionnelle dont la technicité est plus que
légendaire.583(*)
Il n'y a qu'à suivre des débats houleux et
animés que nos chaînes de télévision nous
déversent à longueur des journées sur la matière
constitutionnelle avec les politiciens et constitutionnalistes de circonstance,
pour nous rendre à l'évidence que le prétoire doit
être réservé aussi à des
spécialistes.584(*) De sorte que des requêtes bien
présentées, la Cour composée également des
spécialistes n'ait à tirer que de la moelle du droit
constitutionnel enfin réhabilité.
N'oublions pas au demeurant, comme nous le rappelle la
doctrine, que la décision constitutionnelle est le résultat du
rapport de constitutionnalité que le juge constitutionnel établit
entre la norme contestée et la norme constitutionnelle. Or,
l'établissement du rapport de constitutionnalité n'est pas, pour
le juge constitutionnel, aussi simple qu'on pourrait le croire à
première vue.
Comme l'a montré Jean-Jacques Pardini, il y a une
contradiction apparente dans la mise en relation entre l'opération de
qualification juridique des faits et le contrôle de
constitutionnalité des lois. Alors, en effet, que la première a
pour objet d'assurer une relation circulaire entre le droit et le fait - entre
ce qui est et ce qui doit être - la seconde, à l'inverse, se
limite « en principe» à l'examen des relations entre normes
juridiques.585(*)
Le « refrain » est connu : le juge constitutionnel
ne connaît que le droit, le droit de la Constitution, le droit
législatif. Cet auteur démontre que cette contradiction apparente
n'est pas. Il propose un essai de systématisation du contrôle
opéré par le juge constitutionnel sur la loi en
s'efforçant de prouver, décisions à l'appui, que la
qualification juridique des faits joue souvent comme une mesure à deux
temps : on la trouve dans le contrôle des motifs de la loi et dans le
contrôle du rapport moyen-fin tel que déterminé par le
législateur.
C'est peut-être aussi le lieu de noter que les
décisions du juge constitutionnel répondent à une
typologie que l'on doit à Thierry Di Manno.586(*) Aussi, il nous paraît
utile d'anticiper ici cette catégorisation que nous préconisons
par ailleurs. Il s'agit de la constitutionnalité
précaire. Cette catégorie de décisions
constitutionnelles est bien identifiée dans la jurisprudence
constitutionnelle italienne, mais ne semblait pas, jusque-là, avoir
été clairement repérée dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel français.
Pourtant, ce type de décisions constitutionnelles est
bien présent dans les deux contentieux constitutionnels. Les
décisions de constitutionnalité précaire sont des
décisions par lesquelles le juge constitutionnel délivre un
brevet de constitutionnalité précaire à la loi
contrôlée lorsqu'un intérêt général
justifie, au moment du contrôle, qu'il soit porté une atteinte
temporaire aux droits fondamentaux constitutionnellement garantis.
En fait, il existe deux types de décisions de
constitutionnalité précaire : les décisions de
constitutionnalité provisoire qui n'admettent la
constitutionnalité de la loi que dans la mesure où cette
loi revêt un caractère temporaire et contingent ; et les
décisions d'inconstitutionnalité non déclarée qui
reconnaissent l'inconstitutionnalité de la loi contrôlée
mais qui ne la déclarent pas en raison de la situation de plus grande
inconstitutionnalité qui en résulterait. Ces dernières
décisions se traduisent alors par une directive adressée au
législateur de réparer lui-même cette
inconstitutionnalité reconnue mais non déclarée. Cette
technique est de nature à agrandir l'efficience du cours de
contrôle de constitutionnalité au Congo.
Nous opinons du reste que l'efficience de la procédure
dépend aussi de la qualité de gens de justice en l'occurrence les
greffiers et autres huissiers de justice. En effet, la haute Cour ne saurait
être mieux outillée du point de vue procédural en l'absence
des greffiers compétents. Le législateur organique en chantier
semble avoir pris en compte ce souci de doter la Cour constitutionnelle d'un
greffe d'une compétence tous azimuts. En effet, il exige du greffier
d'être titulaire d'une licence en droit, d'avoir réussi à
l'examen d'aptitude professionnelle à organiser par la Cour et avoir,
entre autres critères, une expérience utile d'au moins deux
ans.587(*)
C'est raison pour laquelle les exigences de nomination
d'autres membres de la Cour doivent être supérieures à
celles posées pour être greffier ; sinon il y aura
effectivement problème.
En revanche, lorsqu'il s'agira du contentieux électoral
désormais confié au juge constitutionnel, nous pensons que le
caractère oral des débats apportera un avantage certain à
la justice qui gagnera ainsi en crédibilité et en transparence.
En effet, s'agissant d'un peuple issu tout droit de la
civilisation de l'oralité, il est illusoire de ne prendre en compte que
les écritures des plaideurs dont la sécheresse
émotionnelle est de nature à contribuer à rendre la
justice inaccessible à ses destinataires.
Le caractère oral des débats emprunte ainsi
à la palabre africaine dont les souvenirs ne sont pas encore totalement
évanouis dans l'inconscient collectif des congolais et dont la
résurrection du reste envisageable et possible du point de vue technique
n'est pas pour déplaire le justiciable congolais.588(*)
Le congolais dans son quotidien connaît et pratique la
vertu de la parole qui est à la fois incantation et rite de
désenchantement. Ainsi, une justice qui se ferait dans
l'austérité de l'écrit serait techniquement
appréciable mais elle serait privée du même coup de l'aura
que confère la parole.589(*) Le constituant lui-même semble avoir compris
cela lorsqu'il énonce imperturbablement que les jugements sont
prononcés en audience publique.590(*)
Par ailleurs, le caractère oral de la procédure
ne serait encouragé qu'en matière électorale même si
là aussi les écritures auraient toujours un impact sérieux
dans le fonctionnement de la Cour. C'est le lieu de fustiger le comportement
anarchique de la Cour suprême de justice qui s'est déclarée
saisie sur pied des communiqués de presse faits à la radio ou
à la télévision entraînant ainsi de façon
anormale des recours en tierce opposition qu'elle aurait dû éviter
en signifiant les recours à toutes les parties concernées par
l'élection attaquée. Comme qui dirait, il y a eu excès
d'oralité.
De même, dire comme le fait le projet de loi organique
sous revue que le délai de prononcé des arrêts est un
délai d'ordre dépourvu ainsi de toute sanction en cas de
violation, c'est, à notre sens, encourager la paresse des membres de la
Cour qui doivent être à même de rendre des décisions
dans les soixante jours sans que l'on doive attendre indéfiniment une
justice qui donne ainsi l'impression d'être tirée en longueur et
par les cheveux.591(*)
Telles sont les conditions préalables à une
justice constitutionnelle efficace, efficiente et effective. Pareille
affirmation appelle sans conteste un tempérament car l'efficacité
d'une institution s'inscrit dans une très complexe relation
psychosociologique entre les hommes appelés à assumer les
rapports de pouvoir et les destinataires des décisions de ces derniers.
En effet, il n'y a pas de génération spontanée ni de juges
Melchisédech dont la généalogie commencerait par
eux-mêmes. Les juges sont déjà et toujours des
congolais ; c'est donc toute la société politique qui doit
connaître un saut qualitatif susceptible d'engendrer une véritable
révolution des mentalités. Il faut une mue. Mais là aussi,
l'exemple vient toujours d'en haut.
Au risque d'élaborer un discours éthique qui, au
demeurant, n'est pas très loin de finalités du droit, il convient
de prendre conscience de l'existence d'une exigence morale profonde qui fait
participer la justice de la divinité.
En effet, avec Maurice Kamto, rappelons que Thémis,
fille d'Ouranos le dieu du ciel, déesse grecque du Droit et de moeurs,
créée pour mettre de l'ordre dans l'Univers et faire
régner la justice parmi les hommes, protectrice de l'assemblée du
peuple est identifiée chez les Romains avec Justitia reproduite
avec un bandeau sur les yeux et une balance suspendue par ses doigts.592(*)
Ce recours au discours mythologique occidental qui fonde
l'indépendance et l'impartialité des juges ne doit pas occulter
l'autre discours mythologique africain bantou qui fait participer les
ancêtres à la justice comme une fonction sociale de
continuité de la société.
Au lieu de venir du Ciel comme la fille d'Ouranos, la justice
nègre vient d'en bas. Elle est construite par les hommes pour les hommes
mais sous la présence des ancêtres ici représentés
par les chefs coutumiers.
Voilà pourquoi la différence des fondements
mythologiques et cosmogoniques entraîne une asynchronie mythologique,
pour parler comme Jacques Djoli, mais surtout une inadaptation sociale dont le
coût est exorbitant pour les populations qui ne se reconnaissent
guère dans la justice qui est pourtant rendue, aux dires de la
Constitution, au nom du peuple qu'elles constituent. Il est donc essentiel de
prolonger la réflexion sur la possibilité de faire participer la
population à l'exercice de la justice.
Il n'y a qu'à observer les chants et proverbes du peuple
qui rythment et accompagnent les palabres africaines pour comprendre
l'incontestabilité des sentences rendues avec sa
bénédiction. CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Ces longs développements nous amènent ici
à résumer que les modèles de justice constitutionnelle
sont toujours des cadres idéaux de la conception du pouvoir dans une
société donnée. Pour le montrer, cette étude s'est
attelée à indiquer à travers les deux grands
modèles de justice constitutionnelle connus dans le monde qu'il y a
à la fois d'éléments de divergence au-delà de la
convergence toute naturelle qui se trouve dans la volonté de
modérer le pouvoir et de protéger ainsi les gouvernés. Les
caractéristiques du contentieux constitutionnel étudiées
dans chacun des modèles retenus ont indiqué finalement que les
traits techniques du contentieux adopté dans chaque pays sont fonction
du choix que ce dernier opère lors de son constitutionnalisme,
c'est-à-dire lors de sa volonté constituante à limiter le
pouvoir.
Ce parcours d'un pays à un autre nous a permis de noter
que les fondements théoriques de la justice constitutionnelle sont
différents selon la place que le juge constitutionnel occupe dans
l'architecture politique et constitutionnelle. Aussi, est-il important de noter
que selon cet emplacement institutionnel, deux séries des
conséquences ont été relevées tant à
l'égard de l'ordre politique que vis-à-vis de l'ordre juridique.
C'est ainsi que l'on n'a pu observer que du point de vue
juridique qui est l'expression de l'ordre politique libéral, la
primauté du droit constitutionnel est comme la traduction en termes
juridiques de la séparation des pouvoirs qui induit la protection de la
minorité et de droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi, dans
cet ordre qui s'appréhende comme la matrice de la justice
constitutionnelle, une sorte de sacralité est accordée au droit
et au droit constitutionnel, en particulier et la figure du juge chargé
de dire ce droit spécial apparaît comme transfigurée en une
sorte de grand prêtre d'un culte moderne et laïc : le droit.
Si toutes ces affirmations aux allures des propos liturgiques
sont ressassées par la doctrine occidentale593(*), il reste que la
société politique congolaise du fait de son appartenance au
continent noir la prédispose à jeter un oeil chez le voisin.
Là aussi, un mimétisme effarant et souvent des innovations
audacieuses ont été relevés selon les quelques pays
choisis comme symptomatiques d'une Afrique qui avance. L'étude a tout
naturellement abouti à quelques propositions de réforme de la
justice constitutionnelle en République démocratique du Congo.
La proposition centrale est que l'architecture
juridictionnelle actuelle devrait être maintenue avec quelques
accommodements techniques notamment en introduisant la notion des juges ad
hoc qui seraient des chefs coutumiers chaque fois que le juge
constitutionnel serait amené à se prononcer sur un conflit
touchant aux intérêts d'une communauté de base.
Une démonstration a été fournie sur ce
modèle que l'étude propose comme susceptible d'installer un juge
constitutionnel efficace, efficient et effectif. L'on a discuté de
conditions de son recrutement et celles de son travail qui constituent son
statut juridique et financier, seul garant de son indépendance. Quelques
suggestions ont été formulées pour rendre la justice
elle-même accessible et transparente à ses destinataires que sont
les populations congolaises.
Cette tentative d'analyse des fondements de la justice
constitutionnelle est inscrite tout logiquement dans les données
heuristiques d'une solution au problème fondamental d'installer un Etat
de droit en République démocratique du Congo. En effet, sans Etat
de droit comme arrière-fond épistémologique, le juge
constitutionnel n'apparaîtrait que comme un visage défiguré
et pâle dans une caricature institutionnelle propre à un pays
à forte tradition autocratique.594(*)
Le juge constitutionnel n'est en effet respecté que
dans la mesure où il incarne la bouche de la Constitution qui contient
in se la proclamation et la garantie des droits fondamentaux des
citoyens. En d'autres termes, la Constitution doit, pour être
respectée, contenir un compromis social entre le pouvoir et le peuple
sur lequel il s'exerce. C'est dire en conclusion que cette étude se
situe aux confins de la problématique de l'Etat de droit constitutionnel
dans un pays à forte tradition autocratique.595(*) Mais comment
l'organiser ? La réponse à cette question tout aussi
capitale que celle des fondements est l'objet de développements que nous
exposons dans la seconde partie de cette étude.
PARTIE II :
DES MODALITES D'EXERCICE DE
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO
INTRODUCTION
Il est connu, de nos jours, que l'histoire est une science
auxiliaire du droit et, à ce titre, son apport à la
compréhension des institutions juridiques est essentiel.596(*)
Aussi, dans le premier chapitre de cette seconde partie, nous
attellerons-nous à l'étude des origines et de l'évolution
de la juridiction constitutionnelle en République démocratique.
En effet, l'étude historique de cette institution éclairera, nous
l'espérons, les développements consacrés à sa
compétence, à la procédure suivie devant elle ainsi qu'aux
effets nombreux et divers attachés à ses décisions.
Il est donc utile de savoir que le juge constitutionnel
congolais a une histoire à travers laquelle l'on peut situer les
étapes de son installation et le développement de sa
jurisprudence. L'héritage colonial belge a naturellement laissé
quelques traces même si par la suite le regard a été
porté sur l'expérience des autres pays francophones, la France en
tête.
L'essentiel de l'analyse consistera donc à
déterminer in concreto les mécanismes
juridiques par lesquels le juge constitutionnel congolais protège le
pacte constitutionnel et les droits de la personne humaine. Cet exercice est
d'une actualité brûlante tant le droit constitutionnel
contemporain est marqué par une judiciarisation qui va sans
cesse croissante.
Il est en effet utile de remarquer que la République
démocratique du Congo sortie à peine des limbes des
régimes autocratiques aussi insouciants des libertés publiques
les uns que les autres éprouve le besoin légitime d'articuler des
mécanismes juridiques précis en vue d'enrayer les tentatives
certes nombreuses de brimer les citoyens. L'étude minutieuse de ces
mécanismes est le thermomètre à l'aune duquel l'on peut
efficacement apprécier la praticabilité des prescrits
constitutionnels. Par ailleurs, la jurisprudence se révèle ici
dans toute sa splendeur comme le guide sûr dans les méandres du
labyrinthe juridictionnel.
En effet, la lecture attentive des arrêts donne à
voir et parfois même à soupçonner le raisonnement du juge
comme si l'on avait participé au délibéré. C'est la
raison pour laquelle cette seconde partie sera essentiellement consacrée
à l'analyse de la production jurisprudentielle qui est certes mince mais
déjà fort intéressante tant ses lignes de force tout comme
ses faiblesses sont perceptibles. Une doctrine assez massive a
déjà fort heureusement emprunté la voie de la critique et
permet ainsi à cette étude de bénéficier des
commentaires de savants juristes de notre pays.597(*)
Le droit congolais en effet ne pouvant rester en marge de
l'évolution dont les étapes avaient déjà
été tracées dans l'introduction de cette étude, il
importe de montrer comment il inscrit ses avancées et ses reculs dans la
perspective de la mondialisation. Il est entendu qu'enfin d'analyse, une
conclusion partielle sera tirée pour ce qui est de modalités
d'exercice de la justice constitutionnelle. Des perspectives seront ouvertes
là aussi pour tenter d'inventer ou d'améliorer la justice
constitutionnelle congolaise.
A présent, voyons les origines de ce
mécanisme.
CHAPITRE I :
ORIGINES ET EVOLUTION HISTORIQUE DE LA NOTION
DE JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Nous aborderons ce sujet à travers trois étapes
que sont : la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo ou l'héritage du droit colonial belge, la Constitution du
1er août 1964 et la Cour suprême de justice
instituée par la Constitution du 24 juin 1967. Malgré cette
classification, l'on peut également retracer l'histoire de la justice
congolaise en deux périodes : celle de la création et de
l'installation manquée d'une Cour constitutionnelle et l'époque
de l'institutionnalisation de la Cour suprême de justice, toutes sections
réunies, comme juge constitutionnel.
Mais avant d'y arriver, disons un mot sur l'héritage du
droit colonial belge en ce domaine.
De prime abord, l'on doit rappeler que c'est seulement en 1980
que la Belgique s'est dotée d'une juridiction constitutionnelle,
appelée « Cour d'arbitrage » à l'origine,
dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont
déterminés par renvoi de l'article 142 de la Constitution
coordonnée, par la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
d'arbitrage. 598(*)
Ainsi, la Cour d'arbitrage statuait-elle, par voie d'arrêt, sur les
recours en annulation, en tout ou en partie, d'une loi, d'un décret ou
d'une règle législative des communautés ou des
régions portée en vertu de la Constitution.599(*)
De ce qui précède, et ce, jusqu'en 1980, il y a
eu, en Belgique, absence de contrôle de constitutionnalité des
lois. Le texte constitutionnel du 7 février 1831 n'en faisait aucune
mention. Les cours et tribunaux ne pouvaient, jusqu'à la création
du Conseil d'Etat en 1946, que refuser d'appliquer les actes administratifs
illégaux par voie de l'exception d'illégalité. 600(*)
L'on peut comprendre qu'en vertu de l'article 107 de la
Constitution belge à l'époque les règlements devaient
être conformes aux lois et autres normes supralégislatives dont la
Constitution elle-même.
Aussi, indirectement les cours et tribunaux devaient-ils
refuser d'appliquer des règlements inconstitutionnels. Longtemps,
« la Belgique reste attachée au dogme de
l'infaillibilité du législateur. Elle ne prescrit pas, à
l'origine, le contrôle juridictionnel des lois. Elle le prohibe
même. Pendant plus d'un siècle, elle n'a organisé de
contrôle qu'à l'égard des
règlements ».601(*)
En effet, le contrôle de constitutionnalité des
règlements était tenu en échec lorsque la violation de la
Constitution était le fait d'une règle du niveau de la loi dont
le règlement ne fait que procurer exécution. Ce raisonnement se
dégage à partir de l'article 107, actuel article 159, de la
Constitution belge.602(*)
Dans ce contexte, l'on peut comprendre aisément
qu'aucune disposition de la Loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo
belge, dite la Charte coloniale, ne pouvait faire mention du contrôle des
lois.
Néanmoins, la Charte coloniale avait, en son article 7,
prévu la possibilité d'exception d'illégalité des
décrets, actes législatifs du Roi, en ces termes :
« les cours et tribunaux n'appliquent les décrets qu'autant
qu'ils ne sont pas contraires aux lois ».
Et par la suite, la jurisprudence a étendu logiquement
cette compétence des cours et tribunaux aux ordonnances
législatives. En effet, il a été jugé que
« l'article 7 de la Charte coloniale qui déclare que les cours
et tribunaux n'appliqueront les décrets que pour autant qu'ils ne soient
pas contraires aux lois, doit s'appliquer également aux ordonnances
législatives ».603(*)
Par ailleurs, c'est dans cet esprit que la résolution
n°6 relative à l'organisation du Parlement congolais, en son point
15, de la Conférence de la Table Ronde politique tenue à
Bruxelles du 20 janvier au 20 février 1960 énonçait
clairement « qu'il n'y avait pas lieu de reconnaître aux
tribunaux relevant de l'ordre judiciaire l'appréciation de la
constitutionnalité des lois nationales ou provinciales ».
C'est donc finalement le Parlement belge de l'époque,
influencé sans doute par le mouvement constitutionnaliste
européen, qui est le géniteur historique de la Cour
constitutionnelle congolaise car il introduisit des dispositions relatives
à cette institution dans la Loi fondamentale relative aux structures du
Congo.
En cela, le Parlement belge avait rejoint le camp de ceux qui
pensent donner à la suprématie constitutionnelle une garantie
juridictionnelle. Car l'Etat de droit, c'est d'abord et enfin, l'Etat de la
Constitution. Au commencement, dirait Francis Delpérée,
était la Constitution. Retraçons à présent les
étapes successives de l'installation de cette justice constitutionnelle
en République démocratique du Congo.
Section 1 : CREATION
DE LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE
Nous examinerons, comme annoncé lors de l'introduction,
cette création institutionnelle à travers trois étapes
successives.
§1. Création et
installation manquée de la Cour constitutionnelle par la Loi
fondamentale du 19 mai 1960
La Cour constitutionnelle fut créée par
l'article 226 de la Loi Fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo. Ses décisions et arrêts ne devraient pas être
susceptibles de recours. La Cour était composée de trois
chambres : une chambre de constitutionnalité, une chambre des
conflits et une chambre d'administration.
De trois, ce sont la chambre de constitutionnalité et
la chambre des conflits qui nous intéressent ici. La chambre de
constitutionnalité était compétente pour se prononcer par
arrêt sur la conformité des mesures législatives centrales
ou provinciales aux dispositions de la Loi fondamentale relative aux structures
du Congo et de celle relative aux libertés publiques qui
formèrent les deux, rappelons-le, en vertu des articles 3,5 et 230 de la
Loi fondamentale du 19 mai 1960 la Constitution provisoire de l'Etat du Congo.
Ici, le contrôle par voie d'arrêt se fait a
posteriori, c'est-à-dire après la promulgation des actes
législatifs centraux (loi provenant du Parlement et ordonnance-loi
émanant du Chef de l'Etat) et provinciaux (édit émanant de
l'assemblée provinciale).
Il faut cependant affirmer que le contrôle des actes
législatifs centraux et provinciaux pouvait se faire aussi a
priori par voie d'arrêts motivés. En effet, la chambre de
constitutionnalité devait être obligatoirement saisie avant la
promulgation des lois et, sauf urgence spéciale dûment
constatée, avant la signature des ordonnances-lois par le Chef de
l'Etat.
Soulignons que ce mécanisme de contrôle
était principalement organisé au niveau du pouvoir central.
Toutefois, la chambre de constitutionnalité pouvait être saisie
avant la promulgation des édits.604(*) Cependant, les lois et édits
budgétaires étaient exclus de tout contrôle de
constitutionnalité.605(*)
Il est utile de noter qu'en ce qui concerne les effets ou
sanctions du contrôle de constitutionnalité de la Cour
constitutionnelle à travers sa chambre de constitutionnalité,
toute loi ou ordonnance-loi déclarée non conforme à la
Constitution provisoire est abrogée de plein droit ; il en est de
même du sort de l'édit provincial au regard de la Constitution
provinciale. Il s'agit naturellement d'un contrôle a posteriori.
Cependant, s'agissant du contrôle a priori par
voie d'arrêts motivés, les lois et édits
déclarés non-conformes ne peuvent être
promulgués ; il en est de même des ordonnances-lois qui ne
peuvent, dans ces conditions, être signées.
Par ailleurs, en tant que juridiction constitutionnelle, la
chambre de constitutionnalité était aussi reconnue
compétente pour connaître du contentieux de la division verticale
des pouvoirs.
En effet, la chambre de constitutionnalité devait se
prononcer sur chaque Constitution provinciale dès son adoption par
l'Assemblée provinciale. Une Constitution provinciale ou certaines de
ses dispositions déclarées non-conformes ne pouvaient être
promulguées.606(*) Et de manière subsidiaire, du fait que la
chambre des conflits était chargée de trancher les conflits de
compétence entre le pouvoir central et le pouvoir provincial,607(*) la chambre de
constitutionnalité pouvait également vérifier si les
édits ne sont pas contraires aux lois, aux ordonnances-lois,
règlements et ordonnances dans les matières relevant à la
fois des pouvoir central et provincial.608(*) La chambre des conflits, en revanche, était
compétente pour régler les conflits pouvant survenir entre le
pouvoir central et les provinces.
En attendant l'installation de la Cour constitutionnelle ainsi
instituée mais qui n'a pas vu le jour, le Conseil d'Etat de Belgique
était reconnu, par l'article 253 de la Loi fondamentale,
compétent pour exercer les attributions de la Cour constitutionnelle.
Cette reconnaissance de compétence fut supprimée par l'article 3
de la Loi constitutionnelle du 18 juillet 1963 portant modification de la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.
C'est le lieu de citer le professeur Vunduawe te Pemako qui
indique qu'à cette période, des compétences
juridictionnelles avaient été conférées à
des institutions étrangères à savoir : la Cour de
cassation, le Conseil d'Etat et la Cour des comptes de Belgique. L'arrêt
Mahamba rendu le 24 mars 1961 par le Conseil d'Etat belge, agissant à
titre transitoire comme juridiction administrative, est un cas d'illustration.
Cet arrêt décrète l'incompétence du Conseil d'Etat
belge pour cause d'impossibilité de rendre un arrêt pour un Etat
étranger et pour cause du mauvais état de relations diplomatiques
entre les deux pays.609(*)
Il faut préciser tout de suite que cet arrêt est
intervenu en matière administrative et non en matière
constitutionnelle. En effet, la matière constitutionnelle devait
être traitée par la chambre de conflits et la chambre de
constitutionnalité qui, toutes les deux, formaient le juge
constitutionnel congolais de transition.
Dès lors, faute d'installation de la Cour
constitutionnelle par ailleurs, le pays ne disposa pas, jusqu'à
l'adoption de la Constitution du 1er août 1964, d'une
juridiction constitutionnelle.
§2. Création de la
Cour constitutionnelle par la Constitution du 1er août 1964
Contrairement à l'article 4 de la Loi fondamentale
relative aux structures du Congo du 19 mai 1960 qui prévoit que
seuls, « le Chef de l'Etat et les deux chambres composent le
pouvoir constituant », le Président Joseph Kasa Vubu,
après avoir renvoyé le Parlement, mettra plutôt sur pied
une commission constitutionnelle chargée d'élaborer le projet de
Constitution qui fut soumis plus tard au référendum.610(*)
L'on peut se rapporter aux développements que nous
avons consacrés plus loin à la Constitution dite de Luluabourg
même si avec le professeur Vunduawe te Pemako, nous pouvons affirmer que
dès lors que le peuple souverain est intervenu pour l'adopter, aucun
reproche ne peut lui être fait car son pouvoir est inconditionnel et
inconditionné.611(*)
C'est le lieu de dire que c'est par les articles 53 et 165 de
la Constitution du 1er août 1964 que la Cour constitutionnelle
a été, à nouveau, instituée dans l'histoire de
notre pays.
Le mémoire explicatif nous donne les raisons de sa
création. On peut donc lire que « le problème de la
constitutionnalité des actes législatifs, celui de
l'interprétation de la Constitution et celui du jugement des
autorités gouvernementales accusées de haute trahison et de
violation intentionnelle de la Constitution, ont retenu l'attention de la
Commission. Celle-ci a rejeté le projet que la sous-commission
judiciaire avait présenté et qui désignait la Cour
suprême de justice comme juridiction compétente pour
connaître de ces affaires. Elle a estimé que l'appréciation
de la constitutionnalité des lois, l'interprétation de la
Constitution et le jugement des autorités gouvernementales
étaient des questions présentant un caractère politique
trop accentué pour être examinées par une juridiction de
l'ordre judiciaire. C'est pourquoi elle a prévu l'institution d'une
juridiction spéciale dénommée Cour
constitutionnelle ».612(*)
Par ailleurs, l'article 167 de la Constitution dite de
Luluabourg définit la compétence de la Cour constitutionnelle en
ces termes : « la Cour constitutionnelle est
compétente pour connaître :
1° des recours en appréciation de la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi ;
2° des recours en interprétation de la
présente Constitution, (...) ;
3° de toutes les affaires à l'égard
desquelles la présente Constitution lui attribue
compétence ;
4° de toutes les affaires à l'égard
desquelles la législation nationale lui attribue compétence. La
Cour constitutionnelle veille à la régularité de
l'élection du Président de la République et des
Gouverneurs de province (...). La Cour statue, en cas de contestation, sur la
régularité des élections des membres du parlement et des
assemblées provinciales (...). Elle veille à la
régularité des opérations de référendum
(...) ».613(*)
De l'analyse de cette disposition, l'on peut dire que la Cour
constitutionnelle ainsi instituée est une juridiction
spécialisée qui dispose du monopole de l'exercice de la justice
constitutionnelle. Le constituant du 1er août 1964 a donc
opté pour un système centralisé de contrôle de
constitutionnalité, suivant le modèle européen
inspiré, comme on le sait déjà, de l'Ecole de Vienne
dirigée par l'éminent juriste autrichien Hans Kelsen.
La Cour constitutionnelle congolaise devait donc remplir trois
des quatre missions principales reconnues à une juridiction
constitutionnelle en droit comparé, à savoir : le
contrôle de constitutionnalité des actes
législatifs614(*), le contentieux des élections et des
consultations populaires615(*) et le contentieux de la division verticale des
pouvoirs.616(*)
Le seul principal contentieux existant en droit
comparé617(*),
depuis quelque temps d'ailleurs, au niveau de la juridiction constitutionnelle,
qui ne fut pas organisé par la Constitution sous revue est celui des
libertés et droits fondamentaux.
Dans ce contentieux, la juridiction constitutionnelle devient
gardienne des droits et libertés fondamentaux notamment contre la
volonté législative d'une majorité
gouvernementale.618(*)
Ceci induit que le droit de saisine soit élargi.619(*) L'élargissement de la
saisine aux parlementaires appartenant à un ou plusieurs groupes de
l'opposition est devenu, en France, un élément essentiel du
statut de l'opposition.620(*)
En Belgique, Rusen Ergec affirme que
« l'accès très large des particuliers à la
justice constitutionnelle, presque sans équivalent en droit
comparé, constitue un progrès considérable dans la
protection des libertés constitutionnelles et le raffermissement de
l'Etat de droit dont la Cour apparaît de plus en plus comme la clef de
voûte ».621(*)
Ce contentieux apparaît donc pour la doctrine
occidentale comme le contentieux phare de la justice constitutionnelle.
622(*)
Sur la saisine de la Cour constitutionnelle congolaise par les
particuliers, on peut rappeler l'explication fournie dans le Mémoire
explicatif de la Constitution où il est dit qu' « on
notera que les particuliers (personnes physiques ou morales) ne seront
habilités à saisir eux-mêmes la Cour constitutionnelle.
Dans l'esprit de la disposition proposée par le Secrétariat
(article 168 de la Constitution), ils pourront, néanmoins, soulever une
exception d'inconstitutionnalité devant la Cour suprême de justice
lorsqu'ils y introduisent un pourvoi en cassation. Dans ce cas, si elle estime
que la disposition législative attaquée par le requérant
est inconstitutionnelle, la Cour suprême pourra, elle, saisir la Cour
constitutionnelle d'une demande en appréciation de la
constitutionnalité ».623(*)
Enfin, faute de texte d'organisation prévu pourtant
à l'article 165, alinéa 7, de la Constitution qui devait fixer la
procédure à suivre devant la Cour constitutionnelle, cette
dernière n'a jamais été opérationnelle.
Par ailleurs, l'article 196 (dispositions transitoires) avait
prévu qu'en attendant cette installation, la Cour d'appel de
Léopoldville actuellement Kinshasa exercera les attributions
dévolues par la Constitution à la Cour constitutionnelle.
C'est ce qui justifie qu'en tant que juge constitutionnel, la
Cour d'appel de Léopoldville a eu à connaître du
contentieux électoral dans l'affaire qui avait opposé Monsieur
Bomboko et consorts contre la République. La contestation était
en rapport avec les élections législatives pluralistes
organisées en 1964 par le gouvernement Moïse Tshombe.
Il faut cependant dire que ce transfert de compétence
de juridiction constitutionnelle à une Cour d'appel ne devrait pas
être érigé en principe. Le pays sorti de perturbations
aussi intenses que cruelles que l'on connaît avait-il réellement
les moyens de sa politique ? Au-delà du catéchisme
constitutionnel occidental en vogue à cette époque, le juge
constitutionnel était-il un besoin social ressenti par les
congolais ? Rien n'est moins sûr. La solution pragmatique
était de confier cette fonction à un seul juge. La Cour
suprême de justice jouera désormais le rôle de juge
constitutionnel en remplaçant la Cour constitutionnelle proprement dite.
Cette dernière n'a jamais connu d'installation en raison de
circonstances politiques de l'époque. 624(*)
Au-delà des guerres, des sécessions et des
rebellions qui ont émaillé les quatre premières
années de l'indépendance, il y a lieu d'épingler aussi
l'absence phénoménale de juristes congolais formés pour
siéger à une si haute instance.
Du reste, il est constant dans notre pays que la formation des
cadres n'a pas fait l'objet des préoccupations des dirigeants de
première heure de l'Etat congolais de sorte que ce mécanisme
avalant des milliers des cadres apparaissait comme des ombres sur un tableau
d'illusions. Une chose est de prévoir un mécanisme, une autre est
de trouver des personnalités aptes à l'animer. Comme on le verra,
à l'installation de la Cour suprême de justice, le pays a du
recourir à des non magistrats et à des juristes
étrangers.625(*)
§3. La Cour suprême
de justice instituée juge constitutionnel par la Constitution du 24 juin
1967(Article VII des dispositions transitoires)
Après le coup d'Etat militaire du 24 novembre
1965626(*), le nouveau
régime s'est résolu de doter le pays d'une nouvelle Constitution.
Le projet de celle-ci fut rédigé par une commission
gouvernementale présidée par le Chef de l'Etat lui-même. Le
peuple l'a adopté lors du référendum organisé du 4
au 24 juin 1967. La nouvelle Constitution fut donc promulguée par le
Président de la République le 24 juin 1967. Et, revenant sur le
sujet, on peut noter que c'est pour la même motivation627(*) que celle
évoquée en 1964 que la Cour constitutionnelle fut
créée par les articles 19 et 70 de la Constitution du 24 juin
1967. Aussi les développements que nous avons faits s'agissant de la
compétence de la Cour constitutionnelle instituée par la
Constitution de 1964 et les différentes natures de contentieux qui s'y
rattachent demeurent valables.
Néanmoins, le constituant de 1967 ayant opté
pour la forme unitaire de l'Etat, le contentieux de la division verticale des
pouvoirs ne devait plus être retenu, car sans objet.
Comme pour le cas précédent, cette Cour
constitutionnelle n'a pas aussi vu le jour bien qu'instituée. Mais dans
un premier temps, la Cour d'appel de Kinshasa avait dû exercer les
attributions dévolues à celle-là.628(*)
Par la suite, en vertu de l'article VII, alinéa 2, des
dispositions transitoires de la Constitution dite révolutionnaire du 24
juin 1967, la Cour suprême de justice a eu à remplacer la Cour
d'appel de Kinshasa dans ce rôle de suppléance.
Par ailleurs, la Cour suprême de justice continue de
bénéficier, depuis 1968 jusqu'à ce jour, de cette
compétence, et ce, malgré la succession des textes
constitutionnels dont une tentative de systématisation a
été amorcée en introduction générale de
cette étude.
Ainsi donc, l'attribution à la Cour suprême de
justice de la compétence de juridiction constitutionnelle s'est
réalisée en deux temps : d'abord, comme juge constitutionnel
provisoire (1968-1974) et ensuite, comme juge constitutionnel définitif
(de 1974 à ce jour).
Voyons à présent comment cette installation
programmée s'est déroulée.
A. La Cour suprême de
justice, juge constitutionnel provisoire (1968-1974)
Au départ, la Cour suprême de justice,
créée à nouveau par l'article 59 de la Constitution de
1967 et faisant partie de l'ordre judiciaire, devait exercer uniquement le
rôle que joue une Cour de cassation et celui du Conseil d'Etat.629(*)
En effet, disposant de deux sections : la section
judiciaire et la section administrative, la Cour suprême de justice
était rendue compétente pour connaître des pourvois en
cassation, juger les membres du Gouvernement et connaître des recours en
annulation formés contre les actes et décisions des
autorités administratives centrales de même que l'appel contre les
décisions rendues par les Cours d'appel et de demandes
d'indemnités pour dommage exceptionnel. On peut remarquer que ne
comprenant pas à l'origine une section de législation, la Cour
suprême de justice n'a pas pu jouer le rôle d'organe consultatif du
gouvernement. Faute d'un conseil de législation, le pays n'a donc pas
disposé pendant cette période d'un organisme de consultation dans
le cadre du processus d'élaboration des actes législatifs et
réglementaires.630(*)
Est-ce un oubli ? Sans doute.631(*) La Cour suprême de
justice ne sera dotée d'une section de législation qu'en 1972,
à travers la révision constitutionnelle, intervenue plus
exactement le 3 juillet 1972.632(*)
Cependant, l'article VII, alinéa 2, des dispositions
transitoires de la Constitution sous revue ajoute, de manière
provisoire, à la Cour suprême de justice une compétence de
juridiction constitutionnelle.
En effet, cet alinéa est libellé comme
suit : « Si la Cour suprême de justice est
créée avant la Cour constitutionnelle, elle exercera, en
attendant la création de celle-ci, les attributions de la Cour
constitutionnelle ». Cette disposition constitutionnelle a
été appliquée à travers l'ordonnance-loi
n°68-248 du 10 juillet 1968 portant code de l'organisation et de la
compétence judiciaires.
Cette législation fut complétée par le
texte définissant la procédure suivie devant la Cour
suprême de justice.633(*) Il faut néanmoins rappeler que
déjà, sur base du code de l'organisation et de la
compétence judiciaires, la Cour suprême de justice avait
été installée officiellement le 23 novembre 1968.
Ainsi, la condition évoquée par la Constitution
à l'article VII de ses dispositions transitoires fut remplie. La Cour
suprême de justice devint, dès cet instant, juge constitutionnel
provisoire du pays. L'article 122 de la procédure devant la Cour
suprême de justice est venu compléter l'alinéa 2, de
l'article VII des dispositions transitoires de la Constitution, en
précisant que « la Cour suprême de justice, sections
réunies, exercera jusqu'à l'installation de la Cour
constitutionnelle, les attributions de celle-ci ».
De cette disposition, il se dégage clairement que ce
n'est pas l'une ou l'autre de ses deux sections qui jouera le rôle de
juge constitutionnel, mais plutôt la Cour suprême de justice,
toutes sections réunies. Et, c'est le principe depuis lors. En outre,
s'agissant de la saisine, seules les autorités politiques, d'une part,
et les deux sections de la Cour suprême de justice, d'autre part, peuvent
saisir le juge constitutionnel :634(*)
- le Président de la République par une
requête écrite ;
- le parlement suivant deux modalités : par une
résolution lorsque c'est l'Assemblée qui agit ; et par une
décision transmise à la Cour par le Président de
l'Assemblée lorsque l'initiative part du Bureau de l'Assemblée
nationale ;
- la section judiciaire ou la section administrative de la
Cour suprême de justice, selon le cas, par un arrêt transmis
à la Cour par le Procureur Général de la
République.
De ce qui précède, on peut observer que
l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi ou d'une ordonnance-loi ne
pouvait être soulevée, au départ, par les parties que
devant l'une des sections de la Cour suprême de justice.635(*)
En effet, les particuliers peuvent soulever, écrit
l'auteur du mémoire explicatif de la Constitution du 24 juin 1967,
« une exception d'inconstitutionnalité de la loi devant la
Cour suprême de justice lorsqu'ils y introduisent un pourvoi en
cassation. Dans ce cas, si elle estime que la législation
attaquée par le requérant est inconstitutionnelle, la Cour
suprême de justice pourra, elle, saisir la Cour
constitutionnelle ».636(*)
En plus, il sied de noter que le concours du Procureur
général de la République, dans la saisine du juge
constitutionnel, n'était nécessaire qu'en cas
d'appréciation de constitutionnalité postulée par la Cour
suprême de justice. Les autorités politiques saisissaient
directement elles-mêmes le juge constitutionnel dans les formes
rappelées ci-avant.
B. La Cour suprême de
justice, juge constitutionnel définitif (de 1974 à ce
jour)
C'est en effet à travers la révision
constitutionnelle du 15 août 1974 que le constituant confie à la
Cour suprême de justice la compétence de contrôle de la
constitutionnalité des lois. Et c'est au législateur que revenait
la compétence d'aller dans les détails des attributions de la
Cour suprême de justice.
En effet, l'article 70 (nouveau) de la Constitution du 24 juin
1967, telle que révisée par la loi n°74-020 du 15 août
1974, était libellé comme
suit : « L'organisation, la compétence de la Cour
suprême de justice et la procédure à suivre sont
réglées par la loi. Le contrôle de
constitutionnalité des lois relève de la Cour suprême de
justice. (...) ». Ainsi, la Cour constitutionnelle jamais
installée, fut supprimée.
Depuis lors, la Cour suprême de justice, toutes sections
réunies, est devenu juge constitutionnel du pays.637(*) Aujourd'hui,
l'ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 fixe l'organisation et la
procédure à suivre devant la Cour suprême de
justice.638(*)
Mais ajoutons rapidement que la Cour suprême de justice
avait perdu son rôle de juge constitutionnel, du moins dans sa dimension
de contentieux électoral, en 1988 et ce, au profit du Comité
central du Mouvement populaire de la Révolution, Parti-Etat.639(*)
En effet, jusqu'à cette année-là, la Cour
suprême de justice était reconnue compétente pour
connaître des contestations électorales.640(*)
Mais la loi électorale du 10 janvier 1987
précisait, en ses articles 140 et 141, que la Cour suprême de
justice est compétente en matière de contentieux des
élections des membres du Conseil législatif (Parlement de
l'époque) et les Cours d'appel, du contentieux des élections des
membres des entités administratives décentralisées
(Région, Ville, Zone et Collectivité).
Et, dans le système politique du Mouvement populaire de
la Révolution, ces instances judiciaires ne pouvaient connaître
que des contestations fondées sur la violation des conditions
légales d'éligibilité et de la régularité
des élections.
Car, les décisions du Comité central relatives
à l'examen des dossiers des candidatures au Conseil législatif
ainsi que celles du Comité régional du MPR concernant des
candidatures aux différents conseils des entités administratives
décentralisées de l'époque n'étaient susceptibles
d'aucun recours.641(*)
C. Le Comité central du
Mouvement populaire de la Révolution, organe de règlement du
contentieux électoral (1988-1990)
Rappelons que créé le 15 novembre 1980, le
Comité central est devenu l'organe de conception, d'inspiration,
d'orientation et de décision du MPR, en lieu et place du Bureau
politique qui fut ramené à un simple rôle d'organe de
contrôle des décisions du Parti-Etat.642(*) Par la suite, à
travers une nouvelle révision constitutionnelle643(*), réalisée le
27 janvier 1988, le contentieux électoral fut confié
exclusivement au Comité central du MPR.
L'article 60, alinéa 3, de la Constitution fut
désormais libellé comme suit : « Il (le
Comité central) connaît des contestations
électorales ». Il s'agit de toutes les élections
organisées dans le pays (élection présidentielle,
élections législatives et au niveau des entités
administratives décentralisées).
L'exposé des motifs de la loi constitutionnelle du 27
janvier 1988 donne l'explication suivante, de cette évolution :
« Le contentieux électoral étant une matière
essentiellement politique, il est hautement indiqué qu'il soit
vidé par un organe politique ».
Ainsi, en matière de contentieux électoral dans
ce régime du monisme intégral644(*) dit du Parti-Etat, le
recours judiciaire est remplacé par le recours politique, selon
l'expression de l'exposé des motifs précité.645(*) Cette réforme du
système de contrôle des élections aurait dû
être parachevée par la mise sur pied de la procédure devant
le Comité central siégeant en cette matière
délicate.
Mais, le règlement intérieur du Comité
central du MPR du 17 octobre 1986 ne fut pas modifié pour
intégrer cette évolution, probablement à cause de la
précipitation des évènements de l'Europe de l'Est,
à la suite de la désintégration de l'URSS, qui
obligèrent le Président MOBUTU à faire des anticipations
pour réformer le système politique du MPR.646(*)
La Cour suprême de justice ne récupérera
son attribution du contentieux électoral qu'en 1990. En effet, l'article
103 de la Constitution de la République du Zaïre, telle que
modifiée par la loi n°90-002 du 5 juillet 1990,
énonçait que « sans préjudice des autres
compétences qui lui sont reconnues par la présente Constitution
ou par les lois, la Cour suprême de justice connaît (...) des
contestations nées des élections présidentielles,
législatives et du référendum ».
A ce jour aussi, la procédure devant la Cour
suprême de justice n'a jamais été modifiée pour
tenir compte de cette révision constitutionnelle, les articles 136
à 143 de la procédure portée par l'ordonnance-loi
n°82-017 du 31 mars 1982 ayant été abrogés
indirectement et implicitement par l'article 1er des dispositions
transitoires de la Constitution révisée le 27 janvier
1988.647(*)
Par ailleurs, actuellement, la justice constitutionnelle a
connu une évolution notable en rapport avec le contrôle a priori
d'actes législatifs et d'actes d'assemblée.648(*) En effet, la Constitution de
la transition du 4 avril 2003 a introduit la procédure de consultation
préalable et obligatoire de la Cour suprême de justice, toutes
sections réunies, avant la promulgation des lois organiques649(*) ou avant l'entrée en
vigueur des règlements intérieurs de l'Assemblée nationale
et du Sénat.650(*)
Sous cette transition issue du dialogue de Sun City, on peut
relever que les actes législatifs en l'occurrence les lois ordinaires ne
peuvent être promulguées sans la consultation du juge
constitutionnel ; mais si elle est faite, un texte de loi
déclaré non-conforme à la Constitution, quoique
voté, ne peut plus être promulgué en
l'état.651(*)
C'est cette évolution que nous allons tenter de
retracer dans les lignes qui suivent.
Section 2 :
DEVELOPPEMENT DE LA NOTION DE JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE
Nous allons procéder comme dans la section
précédente à l'étude de l'évolution de la
notion de juridiction constitutionnelle en droit congolais. Après de
développements consacrés à la création, il s'agit
en effet de voir comment cette juridiction a évolué au regard des
conceptions juridiques que nous avons épinglées ci-haut.
En d'autres termes, il est question de voir si par sa
production normative, et ici plus précisément jurisprudentielle,
le juge constitutionnel s'est rapproché de sa finalité qui est
celle d'être gardienne de la légalité constitutionnelle et
de droits fondamentaux des citoyens. Cet exercice est efficace du point de vue
heuristique car autrement l'étude serait simplement descriptive et
manquerait sans doute sa dimension critique nécessaire à une
thèse. Commençons dès lors par le commencement.
§1. A travers la Loi
fondamentale du 19 mai 1960
La lecture des conditions matérielles et
législatives de la création de la Cour constitutionnelle indique
d'emblée que le législateur belge, auteur de la loi fondamentale,
n'était guère imprégné lui-même de la
nécessité de faire fonctionner au Congo ce qui n'existait pas en
métropole.
Aussi, du point de vue logique, est-il difficile de montrer
comment une Cour créée sans finalité autre que la
décoration constitutionnelle pouvait concrètement fonctionner au
Congo d'alors.
Les divers obstacles étudiés ailleurs par la
doctrine se sont naturellement entassés ici. En effet, le fait que le
Conseil d'Etat était transitoirement retenu comme juge constitutionnel
pour un pays qui allait être indépendant déjà le 30
juin 1960 indique clairement l'intention du constituant de circonstance de ne
pas du tout organiser la protection de la suprématie constitutionnelle.
Il faut souligner par ailleurs les sécessions,
rebellions et autres troubles de toute sorte qui ont empêché le
fonctionnement du jeune Etat congolais et donc de sa justice constitutionnelle.
Au demeurant, dès le 30 juin 1960, le Conseil d'Etat
saisi comme juge administratif congolais de transition déclinait sa
compétence du fait que le Congo était un Etat étranger
souverain.652(*) En
outre, un peuple, destinataire d'un mécanisme aussi subtil que technique
comme la Cour constitutionnelle, n'avait-il pas besoin de se former ou
d'être informé avant de l'utiliser ?
Cet argumentaire est en effet de nature à expliquer,
à nos yeux, l'absence totale des arrêts rendus en matière
constitutionnelle par cette Cour qui, du reste, n'a jamais été
installée.
L'on peut regretter, à raison, que ce mécanisme
n'ait pas fonctionné car il aurait pu tempérer les élans
bagarreurs des politiciens de la première République et ainsi
éviter peut-être au pays les aléas d'un commencement
fragile dont les stigmates sont encore perceptibles de nos jours.
En effet, l'existence de la juridiction constitutionnelle
pourtant prévue par la Loi fondamentale aurait, croyons-nous, mis fin
à la révocation inconstitutionnelle de Patrice Emery Lumumba par
le Chef de l'Etat.
Dans une jeune démocratie africaine, la justice
constitutionnelle joue en effet le rôle ingrat de conseiller de la
République, autrement celui des sages d'une nation qui se retrouve
autour d'un arbre à palabres. Ce recours à l'éthos, comme
dirait Augustin Kitete Kekumba Omombo, est comme inscrit dans le subconscient
des congolais qui ont cherché des solutions autour de cet arbre à
palabres appelé dialogue, conclave, conférence, palais de marbre,
etc.
En conclusion, il est utile de constater que le
légicentrisme d'un régime parlementaire moniste comme la Belgique
a été transféré sans acclimatation au
tempérament congolais qui est plutôt palabreur.
Toutefois, les traces de l'héritage colonial et
l'absence de la Cour constitutionnelle comme mécanisme de
modération du pouvoir ont poussé le constituant congolais
à revenir sur la notion en 1964.
§2. A travers la
Constitution dite de Luluabourg du 1er août 1964
L'accalmie a permis non seulement les élections
générales653(*) mais surtout, on l'a vu, l'élaboration d'une
Constitution définitive et proprement autochtone même si, on l'a
vu également, des apports doctrinaux étrangers apparaissent dans
cette oeuvre.654(*)
Le coup d'Etat militaire du 24 novembre 1965 a mis fin
à la tentative d'installation d'une justice constitutionnelle de sorte
qu'il est difficile de parler de développement de la notion de
juridiction constitutionnelle. Là aussi, il y a lieu de voir une
stagnation car, quoique cela n'ait pas été l'intention des
constituants, la Cour constitutionnelle est demeurée un objet de
musée sans portée réelle ni pour les pouvoirs publics ni
pour les citoyens.
La Cour d'appel de Léopoldville appelée à
jouer transitoirement ce rôle ne présente aucun cas traité
digne d'intérêt hormis le cas de l'élection
contestée de Justin-Marie Bomboko déjà cité.
655(*)
Il faut cependant reconnaître que c'est
véritablement avec le régime de la deuxième
République que la notion s'installe dans le mental des juristes
même si dans les faits du quotidien ses exigences sont encore lointaines
pour le commun des congolais.
L'explication rationnelle est que le régime du
maréchal Mobutu apporte la stabilité des institutions qui se
conçoit comme la sève de l'Etat. Institution permanente par
définition, la justice constitutionnelle ne saurait cependant
résister aux flux et reflux de la vie mouvante de la cité comme
si elle était enfermée dans une citadelle imprenable. C'est
même la preuve irréfutable qu'il s'agit d'une institution humaine
comme toutes celles qu'emporte un fait politique perturbateur.
Voyons à présent ce qu'il en est de cette
période.
§3. A travers la
Constitution du 24 juin 1967 et les Actes constitutionnels de la transition
Cette période est celle appelée IIème
République par certains auteurs656(*) et parfois par le constituant lui-même de
sorte que nous trouvons dénué d'intérêt le
débat académique sur le nombre de républiques au pays.
Elle correspond à la création de la Cour suprême de justice
comme juge d'abord provisoire et enfin définitif de la
constitutionnalité.
Cette période peut être aussi classifiée
en deux séquences : la première étant
constituée de l'an 1965 à 1990 et que l'on pourrait nommer
l'âge d'or du MPR pendant laquelle aucun contrôle des actes des
gouvernants n'était logiquement concevable et où la Cour
suprême de justice a du jouer le rôle ingrat de décorum des
institutions pour les besoins de l'image extérieure de la
Nation.657(*)
Et la seconde période allant du discours historique du
24 avril 1990 au 17 mai 1997 au cours de laquelle des balbutiements des
libertés publiques sont non seulement perceptibles mais et surtout
revendiqués même en justice constitutionnelle et administrative.
L'on ne peut pas omettre cependant de noter que c'est la
seconde transition précédant la Constitution du 18 février
2006 qui est le catalyseur réel d'une véritable explosion
jurisprudentielle en République démocratique du Congo.
Soulignons donc qu'avant la libéralisation du
régime de la IIème République, il y avait une
sécheresse jurisprudentielle en matière constitutionnelle
même si l'on note des arrêts courageux en matière
administrative à la même époque.658(*)
En effet, la libéralisation politique
consécutive à la révision constitutionnelle du 5 juillet
1990 est à la base des élans libérateurs de la
jurisprudence. Et de ce point de vue, c'est plutôt le juge administratif
suprême qui a donné le la à une jurisprudence qui
était souvent timide en matière de protection de droits
humains.659(*)
Ainsi, l'arrêt dit Témoins de
Jéhovah peut être considéré comme l'arrêt
fondateur non pas par rapport à son contenu juridique qui peut
être ou a été à la base d'une très forte
controverse doctrinale660(*) mais plutôt par rapport au courage des juges
qui ont condamné, après avoir annulé l'ordonnance
expropriant cette association sans but lucratif à caractère
religieux, la République.
Là, sans ambages, le juge administratif prenait sa
liberté vis-à-vis d'un pouvoir exécutif longtemps
regardé comme le titulaire intégral de la souveraineté
nationale et dont les discours avaient force de loi, et là encore sans
fioritures, l'on peut constater une technique de revanche du juge sur les actes
de l'exécutif qui n'emportent pas son approbation.661(*)
Par ailleurs, il sied de noter que cette période de
démocratisation de la vie politique en République
démocratique du Congo peut être caractérisée
tantôt par la lutte politique classique tantôt par la lutte
armée qui amena l'Alliance des forces de libération du Congo au
pouvoir.
A. De 1990 à 1997 ou la
transition démocratique
Il est utile de noter d'emblée que hormis les deux
arrêts rendus par la Cour suprême de justice, toutes sections
réunies, siégeant donc comme juge constitutionnel, cette
période est essentiellement caractérisée par la survie des
mécanisme juridiques de l'époque du MPR qui constituent comme une
sorte d'empêchement dirimant pour ce qui est de la saisine du juge
constitutionnel.
En effet, à cette époque, il est difficile de
recourir aux services du Procureur général de la
République pour agir en appréciation de la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi.662(*)
Au demeurant, cette autorité publique s'était
vue confier la quasi-totalité du pouvoir de saisine de la haute Cour de
sorte que la seule parade pour attraire en justice les actes inconstitutionnels
fut de les attaquer en annulation devant le juge administratif. Et, ce dernier
a souvent cédé à la tentation de se déclarer
incompétent sur la base de la théorie des actes de gouvernement.
Cette attitude du juge, loin d'attirer les foudres de la critique, est
symptomatique d'une volonté délibérée du juge de ne
pas froisser le pouvoir exécutif encore maître de sa promotion et
de sa rémunération.663(*)
Sans entrer dans nombre de querelles doctrinales nées
de luttes politiciennes d'après la Conférence nationale, il sied
de remarquer que cette période est riche en rebondissements de tout
genre dans la mesure où la conquête du pouvoir se fait
désormais en dehors des canaux prédéterminés. La
prolifération des accords politiques qui traduit une sorte de
dérive putschiste vers la contractualisation du pouvoir d'Etat est
à son âge d'or lors de ces sept années de transition. Il
suffit de penser aux accords du palais du peuple, du palais de marbre ou de
Nsele, pour se convaincre que la suprématie de la Constitution avait
été foulée aux pieds en l'absence manifeste d'un gardien
de la constitutionnalité.
Ces années-là ne sont donc pas porteuses
d'espoir de floraison d'une justice constitutionnelle effective, efficiente et
efficace. Potentiellement, cette période est la plus porteuse de germes
de conflits politiques qui eussent pu remplir les tiroirs de la justice
constitutionnelle si les acteurs politiques avaient souhaité lever les
obstacles juridiques ou imaginer l'intérêt d'un arbitre à
leurs querelles. Sur cette voie de compromis politique, nul ne peut affirmer
les limites du compromissoire de sorte qu'en fin des comptes, c'est l'Alliance
des forces démocratiques de libération du Congo qui a eu raison
des mécanismes conventionnels auxquels elle était effectivement
tierce penitus extranei.
B. De 1997 à 2006 ou la
transition des belligérants
Cette seconde période de transition commence le 17 mai
1997 avec la chute du régime Mobutu et la prise de pouvoir par
Laurent-Désiré Kabila. L'époque est à la
refondation du pays après les multiples violations de droits de l'homme
dues à la guerre dite de libération.
Les exactions sont telles que les partenaires d'hier de
Laurent-Désiré Kabila déclenchent dès le 2
août 1998 une nouvelle guerre qui dure cinq ans et qui ne connut une fin
qu'à travers l'accord global et inclusif de Pretoria. 664(*)
Un tel contexte, l'on s'en doute, n'est pas de nature à
favoriser la primauté de la Constitution qui est au demeurant
ravalée au même rang sinon en dessous de l'accord global et
inclusif.665(*)
Paradoxalement, la méfiance des belligérants est
une aubaine pour le juge constitutionnel congolais. En effet, ne pouvant plus
recourir aux armes pour régler leurs querelles politiques, les anciens
belligérants devenus à l'occasion des politiques recourent de
plus en plus à l'argumentaire juridique et le droit constitutionnel
prend ainsi la place d'une arme fatale pendant cette période. Le Chef de
l'Etat consulte la Cour suprême de justice presque pour tout.666(*) Le Président de
l'Assemblée nationale sollicite même l'interprétation des
concepts juridiques avant même que les textes législatifs aient
été adoptés.667(*) Cette période est aussi, on ne le dit pas
assez, celle qui voit naître le droit de saisine au profit de
l'opposition parlementaire.668(*)
Le contrôle préventif de la
constitutionnalité fait son irruption dans le paysage institutionnel
congolais donnant ainsi du travail au juge constitutionnel qui était
comme engourdi dans un sommeil profond lors de la séquence du pouvoir de
Laurent-Désiré Kabila. Avec ce dernier, il faut l'avouer, le pays
était très loin des rivages de la démocratie et de droits
de l'homme de sorte qu'il fut illusoire de songer un seul instant à la
constitutionnalité de actes du Chef de l'Etat redevenu bizarrement
législateur ordinaire avant de lâcher, grâce à la
guerre, quelques compétences à l'Assemblée constituante et
législative- parlement de transition nommée au demeurant par
lui-même.669(*)
L'explication de cette léthargie peut en outre relever
de l'ordre du système politique qui a engendré celui sous
étude.
On peut, en effet, noter avec le professeur Mabi
Mulumba670(*) que
l'effondrement de l'économie nationale, mêlé aux diverses
dérives de la gestion des finances publiques et la privatisation
frauduleuse et illicite du portefeuille de l'Etat assaisonnées à
une manipulation monétaire prédatrice ne pouvaient et n'ont pu
que dresser un lit à une rébellion qui mit fin, dans l'euphorie
populaire, au régime politique issu du coup d'Etat militaire du 24
novembre 1965 pour installer un autre dont la charpente s'appuie, in
jure, tout au moins, sur le décret-loi constitutionnel n° 003
du 27 mai 1997 dont l'étude s'impose.
Ce texte revêt une importance tant il inaugure le
régime politique issu du coup d'Etat du 17 mai 1997.
Un auteur estime que « dans l'ensemble, le
décret-loi ci-dessus s'analyse en un amendement, assez maladroit de
l'Acte constitutionnel de la transition dont certaines dispositions pourtant
anachroniques au regard de la nouvelle logique révolutionnaire sont
maintenues en vigueur ».671(*)
Ces imperfections et d'autres qui sont à mettre sur le
dos d'une inexpertise avérée et une précipitation
compréhensible de la part des rebelles qui ont trop longtemps attendu,
sans plan politique précis, seront bien décelées à
travers l'étude du texte sous examen.672(*)
L'article 29 de ce texte dispose, toutefois, que
« toutes les dispositions constitutionnelles légales et
réglementaires antérieures contraires au présent
Décret-loi constitutionnel sont abrogées ».
L'exégèse de cette disposition permet de dire
que les dispositions de l'article 1er de l'Acte constitutionnel de
la transition sont restées en vigueur avec la conséquence que le
pays est resté ancré dans la tradition léopoldienne de
l'unitarisme.
Mieux, et de façon malencontreuse, l'emblème du
pays est demeuré le drapeau vert clair orné au centre d'un cercle
jaune dans lequel figure une main droite tenant un flambeau à la flamme
rouge. L'hymne national demeure encore « La
Zaïroise » ; la devise et les armoiries n'ont point connu
de changement. Le recours à des experts en légistique aurait
permis d'éviter de tels anachronismes.
Le professeur Mukadi Bonyi épingle même la
résurgence du droit et du devoir sacrés de résister
à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force
prévu par l'ancien article 37 de l'Acte constitutionnel de la
transition.
Cette disposition à elle seule est apte à faire
pâlir le régime qui est l'antithèse parfaite de son contenu
et pourtant elle n'a pas été abrogée !
Il n'en est pas le cas pour la forme de gouvernement
instauré par ce texte qui se dit provisoire déjà en son
premier article. La lecture combinée des articles 4, 5, 6,7 et 8 du
Décret-loi constitutionnel sous étude permet d'affirmer qu'il
s'agit d'un présidentialisme outrancier qui ressemble de très
près à celui du texte constitutionnel de 1974.
Le Chef de l'Etat représente la Nation, est le Chef de
l'Exécutif et des Forces Armées. Il nomme et révoque les
membres du Gouvernement qui sont comptables devant lui même si les
dispositions de l'article 18 du texte sous revue donnent des moyens
d'information à l'Assemblée Constituante et
Législative.
Le gouvernement conduit la politique de la Nation telle que
définie par le Président de la République qui peut, dans
un message à la Nation, dissoudre anticipativement l'Assemblée
Constituante et Législative.
Le survol de cet article 14 nous convainc de la nature
juridique réelle du régime politique du 17 mai 1997.
Pouvait-il en être autrement, lorsque le
préambule de la première mouture dudit décret-loi
constitutionnel fait référence à la déclaration de
prise de pouvoir par l'Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo, AFDL, en sigle, du 17 mai 1997, dont le Chef de
l'Etat dira plus tard qu'il s'agissait « d'un conglomérat
d'aventuriers et d'opportunistes » ?
Dans un régime politique où il y a hypertrophie
de la personne du Chef de l'Etat, peut-on étudier le mécanisme
juridictionnel de limitation de pouvoir ?
Comme pour renforcer le paradoxe que nous avons
épinglé plus haut, ce sont les armes par la méfiance
qu'elles installent qui ont rendu nécessaire le contrôle de
constitutionnalité, qui en ont facilité les modalités
d'exercice et finalement qui ont permis à la doctrine d'aborder enfin
des véritables questions de droit constitutionnel. Une sorte
d'équilibre de la terreur qui rend inéluctable la présence
d'un arbitre qui joue le rôle mythique de Léviathan. Au demeurant,
il ne pouvait en être autrement tant les armes garantissaient à
chacun des belligérants l'inviolabilité par l'autre. Dans ces
conditions, la seule arme invisible mais efficace du combat politique qui est,
selon l'expression de Clausewitz, le prolongement de la guerre faite autrement,
reste et demeure le droit, en l'occurrence le droit constitutionnel.
Il y a, à notre avis, une corrélation assez
évidente entre le passé de dénégation des droits de
l'homme et la nécessité d'endiguer les dérives
totalitaires même par les armes qui justifie, en fin de comptes, le
contrôle juridictionnel des lois, expressions législatives de la
majorité militaire ou politique. Autrement, le seul arbitre reste le
recours à la force armée avec tout ce qu'il charrie d'errements
de toutes sortes.
Et, là, le rapport des forces n'est toujours pas
favorable, sous toutes les latitudes.
Après les élections générales de
2006, le contentieux constitutionnel fait un grand bond en avant qu'il importe
d'examiner tout de suite.
§4. A travers la
Constitution du 18 février 2006
C'est l'âge d'or du contentieux électoral
législatif et présidentiel dont les retombées
théoriques font l'objet des larges développements de cette
étude.673(*) Il
faut d'emblée souligner l'éclosion d'une jurisprudence certes
titubante néanmoins susceptible d'être améliorée.
A cette période qui correspond finalement aux
arrêts rendus après les élections de juillet et octobre
2006, il faut singulièrement attacher le développement de la
notion d'actes législatifs. En effet, dans l'arrêt R.A. 320 du 21
août 1996 dit arrêt Tshisekedi, cette notion est déjà
développée en ces termes : « ...le vocable
actes législatifs dont le contrôle est proscrit couvre non
seulement les lois stricto sensu ou les textes ayant valeur de loi,
mais également tout document ou acte émanant ou accompli dans
l'exercice du pouvoir législatif ».674(*)
Cet arrêt pris dans son contexte de 1996 est celui qui
met le frein aux élans libérateurs de 1993 déjà
signalés mais, en même temps et paradoxalement, il sera
utilisé par le juge constitutionnel d'après 2006 comme
référence pour protéger les droits de l'homme.
Nous verrons en effet plus loin qu'à l'occasion des
affaires Trésor Kapuku Ngoy et
Célestin Cibalonza Byatarana contre les
Assemblées provinciales respectivement du Kasaï Occidental et du
Sud Kivu, le juge constitutionnel transitoire a tenu pour acte
législatif la motion de censure adoptée contre ces deux
gouverneurs de province.
La haute Cour a utilisé, dans un style on ne peut plus
concis et précis, la catégorie d'acte législatif comme une
sorte de couperet à l'encontre des arguments tendant à son
incompétence matérielle qui n'ont pas manqué d'être
soulevés par la défense des Assemblées provinciales.
Au-delà de la critique théorique évidente
que l'on peut faire auxdits arrêts pour cause qu'ils mélangent les
actes d'assemblée avec les actes législatifs, il y a lieu d'y
voir aussi, peut-être, une volonté délibérée
du juge constitutionnel de saisir tous les actes politiques par le
droit.675(*)
Il y a là sans conteste un développement de la
notion d'actes législatifs dans un sens qui a premièrement abouti
à l'incompétence du juge administratif et dans un second moment
à la compétence du juge constitutionnel pour contrôler les
actes mêmes dits d'assemblée. Le débat sur cette notion et
d'autres, montre, si besoin en était encore, que le droit
constitutionnel est en processus de saisir les débats politiques en
République démocratique du Congo à travers le juge
constitutionnel.676(*)
Sans anticiper sur les retombées de ces arrêts
qui pourraient justifier amplement une autre étude, l'on peut affirmer
que trois décisions de la Cour suprême de justice de
l'époque d'après l'année 1990 c'est-à-dire pendant
les deux transitions sont révélatrices déjà de
cette tendance à contrôler les actes d'assemblée que la
doctrine française677(*) et belge678(*) soustrait du champ du contentieux
administratif.679(*)
Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue que les
élections législatives et même celles des gouverneurs de
province ont donné lieu à une jurisprudence qui, au-delà
de la controverse qu'elle a pu susciter, présente au moins l'avantage
d'enrichir le droit public congolais.680(*)
En effet, il importe d'épingler ici les nombreux
arrêts d'irrecevabilité pour cause de défaut de
qualité manifeste ou même non apparente dans le chef des
requérants du contentieux de candidature681(*) ou même de ceux des
contestions électorales proprement dites682(*)ou des contestations
référendaires qui ont été le fait malheureusement
de quelques partis politiques minoritaires ou même marginaux ou
marginalisés683(*)
Ici, s'est posée la question de la recevabilité
de la tierce-opposition aux arrêts de la Cour suprême de justice en
matière électorale.684(*) N'oublions pas toutefois que le juge
électoral suprême a quelques fois siégé sur pied des
communiqués de presse ouvrant par là une voie royale à des
contestations aussi nombreuses que variées qui ont
émasculé son autorité devant les autres instances de
l'Etat.685(*)
En revanche, le contentieux électoral
présidentiel n'a pas été riche en notions susceptibles
d'appuyer l'Etat de droit. Ainsi que nous le verrons bientôt, le juge
constitutionnel en cette matière a emprunté le raisonnement de
son collègue de cassation évitant ainsi d'aller dans les
marées hautes du droit constitutionnel.
Il importe cependant de dire en guise de conclusion que le
contentieux constitutionnel congolais a eu des beaux moments et
d'énormes difficultés qu'il nous appartient ici d'épingler
et de tenter de résoudre.
En effet, les droits de l'homme ont été durant
cette période mieux protégés par le juge constitutionnel
qui s'est moins déclaré incompétent en raison sans doute
du fait de la démocratisation du pays mais aussi par l'onction que
semble avoir donné le peuple congolais par référendum au
texte constitutionnel.
Au demeurant, la déclaration par trop fréquente
d'incompétence par un juge saisi pour trancher une querelle politique
très vive dans la société peut être perçue
à la fois comme un signe de sagesse institutionnelle, si tant est que
cela soit envisageable, et un message sûr que le juge a pris position
pour un de camps en refusant de se prononcer. Il en a été ainsi
lors de la période antérieure à la Constitution de
transition de 2003.686(*)
Le développement de la notion de justice
constitutionnelle en République démocratique du Congo n'offre pas
encore un visage assuré pour que, dans cette étude, nous ayons la
prétention d'arrêter déjà les traits
caractéristiques de cette institution-mécanisme. A défaut
de ce faire, nous pouvons néanmoins étudier les mécanismes
institutionnels de l'organisme chargé de contrôler la
légalité constitutionnelle dans ses aspects de compétence.
L'on peut aussi affirmer que l'étude de la
compétence est une approche de pure technique juridique mais qui doit
allier la perspective finaliste687(*) de l'Etat de droit qui se laisse appréhender
ici comme le droit fil de toute l'étude. En effet, sans cette
perspective, l'étude des compétences du juge constitutionnel dans
un contexte d'autocratie dénotera d'une sécheresse du point de
vue heuristique car elle sera uniquement descriptive.688(*)
Il s'agit là aussi de voir comment le prescrit
constitutionnel trouve application dans de cas concrets avant d'énoncer,
comme il sied dans une étude de ce genre, quelques propositions
susceptibles d'améliorer la compétence de notre juridiction
constitutionnelle.
CHAPITRE II :
LA
COMPETENCE DU JUGE CONSTITUTIONNEL
La problématique de la compétence du juge
constitutionnel a toujours suscité un intérêt
particulier : celui de déterminer la nature de ce juge tant il est
vrai que le législateur congolais, compte tenu de l'importance et de la
sensibilité de la matière, a souvent affiché une attitude
très circonspecte.
Il en résulte qu'il y a sans nul doute une
corrélation entre le type de régime politique avec la
compétence attribuée à une juridiction en matière
constitutionnelle.
Pour être complet, disons d'un mot, que la
compétence d'un juge est son aptitude à instruire et
à juger un litige tandis que le juge lui-même est
l'autorité investie de ce même pouvoir, dans les limites et
l'étendue de ses attributions. Cette définition rejoint la
doctrine qui enseigne que la compétence peut s'analyser comme une
aptitude légale, pour une autorité publique ou une juridiction,
à accomplir un acte ou à instruire et à juger un
procès.689(*)
Il s'agira donc dans cette étude de saisir la
compétence comme l'étendue et les limites des attributions
constitutionnelles et légales reconnues à la juridiction
constitutionnelle par le droit positif.
Il faut ajouter qu'à chaque niveau interviendra
l'approche diachronique qui nous permettra en même temps que nous
étudierons le droit posé de jeter un regard appuyé sur le
passé qui est souvent révélateur de l'évolution de
nos mécanismes institutionnels. Au demeurant, abordant une
matière essentiellement prétorienne690(*), l'approche
jurisprudentielle sera ici abondamment utilisée.
Par ailleurs, les attributions de la juridiction
constitutionnelle étant de nature différente selon la
classification que nous en avions dégagée en droit
comparé, il importe d'aborder le sujet par l'analyse des attributions en
matière gracieuse avant d'aborder celles que cette juridiction
possède en matière contentieuse.
Section 1 : LES
ATTRIBUTIONS EN MATIERE GRACIEUSE
Le juge constitutionnel, on l'a vu à travers l'histoire
constitutionnelle de notre pays et même au travers de l'étude de
droit comparé effectuée dans la première partie de ce
travail, est souvent chargé des questions qui ne sont pas contentieuses.
Nous les étudions néanmoins parce que, du point de vue technique,
elles font bel et bien partie de la compétence matérielle de
cette juridiction constitutionnelle. Une approche par rapport au fond de la
question soumise au juge aurait à coup sûr empêché
l'étude de telles questions qui, disons-le, d'emblée, ne
soulèvent aucune question.
Parmi ces questions qui, apparemment, ne soulèvent
aucune question contentieuse jusque là figurent la réception du
serment présidentiel, le constat de la vacance au poste de
Président de la République, la proclamation des résultats
électoraux et référendaires, le dépôt de la
déclaration du patrimoine familial du Président de la
République et des membres du gouvernement ainsi que la
déclaration de conformité des ordonnances de l'article 145 de la
Constitution du 18 février 2006.
Voyons à présent chacun de ces chefs de
compétence dans les détails.
§1. La réception du
serment constitutionnel du Président de la République
La constitution énonce qu'avant son entrée en
fonction, le Président de la République prête, devant la
Cour constitutionnelle, le serment ci-après :...(...).691(*) L'analyse sémantique
et téléologique des termes du serment relève du droit
constitutionnel substantiel qui n'est pas notre enjeu ici. En revanche, sur la
forme, la question que pose cette disposition constitutionnelle est celle de
savoir si le juge constitutionnel a quelque compétence à
l'égard de la personne qui prête ce serment. L'expression
utilisée par le constituant est celle que ses
prédécesseurs ont souvent employée, malgré quelques
variantes qu'il sied d'épingler. 692(*)
La question acquiert une importance en théorie lorsque
le juge constitutionnel qui, ici, est assujetti à une obligation
juridique de recevoir le serment du chef de l'Etat élu, là,
s'astreint à une obligation que ne lui impose aucun constituant. En
effet, par arrêt R.S.002/2001 du vendredi 26 janvier 2001, non seulement
le juge constitutionnel s'est senti obliger de rendre ledit arrêt mais
bien plus il a affirmé tirer compétence de recevoir le serment du
Général Major Joseph Kabila de la décision du 17 janvier
2001 prise par le gouvernement conjointement avec le haut commandement de
l'Armée et la résolution n°003 du 24 janvier 2001 par
laquelle l'Assemblée constituante et législative- Parlement de
transition a investi le même Général Major Joseph Kabila,
Président de la République, toutes décisions
communiquées par leurs auteurs respectifs à la Cour suprême
de justice.
Cet arrêt est symptomatique de l'attachement du pouvoir
obtenu par le sang de se blanchir au contact des hommes en peau de
lièvre. Il s'agit donc de la décoration politique. Mais du point
de vue du droit constitutionnel, non seulement la personne qui a
prêté serment n'y était tenue de même que la haute
Cour qui l'a reçu a joué de la complaisance que l'on lit du reste
dans les attendus de cet arrêt.
En effet, le premier attendu de cet arrêt est ainsi
libellé : « attendu d'une part, que l'ordonnance du 14
mai 1886 impose aux cours et tribunaux de recourir aux principes
généraux du droit et aux coutumes, pour résoudre une
contestation en l'absence d'un texte ».693(*) Cette motivation du juge
révèle sans aucun doute son embarras à trouver un
fondement légal à sa compétence. Il en trouve deux :
les principes généraux de droit et la coutume. En
l'espèce, l'on conviendra qu'il n'y a aucun principe
général du droit qui oblige quelqu'un à prêter
serment avant d'exercer une fonction publique. Il s'agit le plus souvent d'une
obligation légale ou statutaire.694(*)
Par ailleurs, la haute Cour qui est souvent vétilleuse
avec les juridictions inférieures a manqué de dire expressis
verbis quel principe général du droit était
visé au moyen accueilli par elle. En revanche, le second argument
contenu dans le deuxième attendu est qu'il est dans notre droit
constitutionnel un principe général et une coutume selon lesquels
un Président de la République n'entre en fonction qu'après
avoir prêté serment devant la Cour constitutionnelle en tant que
témoin de la Nation.
Cet attendu est le plus problématique du point de vue
juridique. Il affirme en effet qu'un même principe peut être
à la fois une coutume et un principe général qui est
naturellement différent d'un principe général du droit.
Cette confusion théorique n'est pas de nature à rendre lisible
l'arrêt sous examen. Au surplus, l'attendu sous analyse affirme que le
Président de la République devrait, selon cette coutume -
principe général, prêter serment devant la Cour
constitutionnelle, juridiction inexistante au 26 janvier 2001, la juridiction
constitutionnelle définitive à cette date se dénommant
Cour suprême de justice, toutes sections réunies.
Comme pour enfoncer le clou de cette confusion inacceptable de
la part d'une haute Cour, elle souligne que la même coutume sans indiquer
laquelle aurait décidé que la Cour suprême de justice,
toutes sections réunies, exercerait les attributions de la Cour
constitutionnelle. Nous sommes en plein dans le délire juridique car le
raisonnement de la haute Cour consiste à proclamer un dogme
hérétique selon lequel une coutume peut attribuer des
compétences de droit public à une juridiction. La question
théorique que tout constitutionnaliste peut se poser est celle de savoir
à partir de quelle date l'opinio juris sive necessitatis se
serait formée au cas où l'usage en serait établi de
manière répétée.695(*)
La répétition dans le temps est insuffisante
dans le cas d'espèce, car l'arrêt précédent rendu en
cette matière est celui donnant acte à Laurent
Désiré Kabila dit Mzee de sa prestation de serment en
qualité de Président de la République le 27 mai 1997. Cet
arrêt comme celui que nous analysons souffre de mêmes carences
théoriques.696(*)
Au nom de cette coutume certainement, la haute Cour va
jusqu'à donner acte avec félicitations les plus
ferventes.697(*)
Outre qu'une telle sentimentalité n'est pas habituelle dans le
langage d'une juridiction suprême qui s'arroge le qualificatif d'une Cour
constitutionnelle, en l'absence manifeste des dispositions transitoires de la
Constitution, il sied de voir clairement qu'elle a, ce faisant, statué
comme pouvoir constituant originaire en modifiant les termes de la Constitution
de la transition alors en vigueur en cette matière et en créant
un organe constitutionnel : la Cour constitutionnelle.
Après ces critiques purement techniques, affirmons tout
de même que la perspicacité des juges était certainement
brouillée par des impératifs extrajuridiques et surtout par la
fraîcheur de la poudre des armes sorties des camps militaires suite, dans
le premier cas, à la victoire de l'AFDL et dans le second cas, à
l'assassinat du Chef de l'Etat. Tout ceci révèle au fond que
l'indépendance de la justice sera un vain mot si ceux qui doivent
l'incarner sont généralement des individus sans caractère.
Cet aspect psychologique du tempérament humain ne doit pas être
oublié lors de nominations de cadres dans la magistrature de notre pays.
La lecture du texte constitutionnel n'indique pas de
façon expresse que la Cour constitutionnelle doive donner acte du
serment constitutionnel du Président de la République. Les textes
constitutionnels de la période antérieure étaient mieux
rédigés à cet égard.698(*) Il est cependant logique
qu'un procès-verbal soit établi à la suite de la
cérémonie ou plus exactement de l'audience solennelle.
Dès lors, l'arrêt de donner acte revêt ici
la valeur juridique d'un procès-verbal constatant l'accomplissement d'un
acte juridique. L'intérêt est qu'à dater de cet arrêt
qui doit être publié comme tous les arrêts de la Cour
constitutionnelle au Journal Officiel, le Président de la
République entre effectivement en fonction et son mandat commence donc
à courir à l'égard de tous. 699(*)
L'avantage du nouveau texte constitutionnel, c'est qu'il
désapprouve les deux arrêts ci-haut analysés en renouant
avec la tradition républicaine congolaise.700(*)
Nous venons de voir que le constituant a prévu
l'intervention du juge constitutionnel en cette matière comme
autorité publique chargée de recevoir l'accomplissement d'une
formalité essentielle du pouvoir politique sans toutefois lui confier le
pouvoir juridictionnel ; le juge ne tranche aucune question. Il n'est pas
juge.
Dans l'abstrait, qu'adviendrait-il si la personne qui se
soumet à la prestation de serment n'est pas celle élue par le
peuple et proclamé précédemment par la Cour? Il est
évident que l'alinéa 1er de l'article 74 de la
Constitution déjà invoqué devrait interdire à la
Cour constitutionnelle de recevoir tel serment.
Voilà que ce qui n'était qu'une simple
matière gracieuse peut donner lieu à contentieux. En est-il de
même de la vacance du Président de la République ?
§2. Le constat de la
vacance au poste de Président de la République
Constater la vacance signifier déclarer officiellement
le poste vacant, non occupé. Sans rentrer dans la nomenclature de
différentes vacances organisées par les constitutions
passées de notre pays, l'on peut relever que la Constitution de la
transition retenait les cas d'ouverture ci-après pour la vacance au
poste de Président de la République : la démission,
le décès, l'empêchement définitif, la condamnation
pour haute trahison, le détournement des deniers publics, la concussion
ou la corruption.701(*)
Dans l'occurrence d'un des événements
prévus à cette disposition constitutionnelle, le constituant a
confié le constat de cette vacance à la compétence
exclusive de la Cour suprême de justice saisie par le
gouvernement.702(*)
Par ailleurs, il importe de noter que sous la première
et au début de la seconde République, cette mission était
réservée à la Cour constitutionnelle.703(*)
Il faut relever pour être complet sur l'historique que
cette juridiction fut supprimée par la loi constitutionnelle du 15
août 1974 qui attribua cette compétence au Bureau
politique704(*), puis le
Comité central hérita de cette prérogative du fait de la
révision constitutionnelle du 25 novembre 1980.705(*)
A la suite du discours du Président de la
République du 24 avril 1990, la révision constitutionnelle du 5
juillet 1990 et l'Acte constitutionnel de la transition confièrent
à la Cour suprême de justice cette compétence.706(*)
En revanche, le décret-loi n°003 du 27 mai 1997
n'ayant prévu cette procédure, la vacance provoquée par
l'assassinat du Président Laurent-Désiré Kabila, le 16
janvier 2001, a été comblée à l'issue d'une
procédure anticonstitutionnelle qui a impliqué tous les pouvoirs
de l'Etat : le Gouvernement, l'Assemblée constituante et
législative - parlement de transition et la Cour suprême de
justice.
Le constituant de 2006 a aussi disposé qu'en cas de
vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute
autre cause d'empêchement, les fonctions de Président de la
République, à l'exception de celles mentionnées aux
articles 78, 81 et 82 c'est-à-dire le pouvoir de nomination des membres
du gouvernement, des hauts cadres du pays et des magistrats, sont
provisoirement exercées par le Président du Sénat.
707(*)
Il ressort de la lecture de cette disposition
constitutionnelle confirmée d'ailleurs par le texte exprès de la
Constitution qu'il s'agit d'une vacance suivie de plano par un
intérim constitutionnel. 708(*) L'intérim prend fin par l'élection et
la prise de fonction du nouveau Président de la République qui a
ainsi un mandat plein.
Cette élection, en cas d'empêchement
définitif déclaré par la Cour constitutionnelle, doit, sur
convocation de la Commission électorale nationale indépendante,
avoir lieu soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus,
après l'ouverture de la vacance ou de la déclaration du
caractère définitif de l'empêchement.709(*)
A ce niveau, cette disposition appelle un commentaire
spécifique en ce qu'elle pose au moins deux questions de droit à
savoir : la définition de l'empêchement définitif et
la nature juridique de la décision de proroger le délai
électoral prévu à cette même disposition.
Le constituant congolais ne définit pas
l'empêchement définitif. Il se contente d'en déterminer les
modalités d'intérim en cas de vacance qu'il provoque sans dire en
quoi il consiste. Le recours à la doctrine permet de dire que
l'empêchement définitif s'entend d'un « obstacle qui ne
permet pas au titulaire d'une fonction publique de l'exercer
normalement ».710(*) D'autres auteurs, se fondant sur un critère
plutôt organique et formel voient dans l'empêchement
« l'impossibilité officiellement constatée pour un
gouvernement d'exercer ses fonctions ».711(*)
Il convient de souligner que dans le cadre du droit
français qui sert de cadre théorique à ces
définitions, la distinction est faite entre l'empêchement
provisoire ou momentané et l'empêchement définitif ;
l'empêchement provisoire entraîne la suppléance par le
Premier ministre712(*)
tandis que l'empêchement durable provoque l'intérim.713(*)
Il apparaît clairement que la distinction tient à
l'intensité ou la durée de l'empêchement. Ainsi, la maladie
du Président de la République qui l'aliterait pendant plus de six
mois pourrait selon les circonstances de l'espèce être retenue
comme empêchement définitif. Il faut dire cependant que s'agissant
d'une question de fait, elle est laissée à l'appréciation
souveraine du juge constitutionnel saisi, dans tous les cas de vacance, par le
Gouvernement.714(*) En
revanche, les hypothèses d'empêchement peuvent être
variées, et difficile également l'appréciation du seuil
au-delà duquel un empêchement devient définitif. 715(*)
Il faut cependant relever une autre hypothèse qui est
sous entendue par cette disposition constitutionnelle : le gouvernement
refuse de saisir la Cour constitutionnelle. Il se passera que la situation sera
délicate si le gouvernement ne devait pas saisir le juge
constitutionnel, soit par calcul politique, soit pour toute autre raison. Sur
ce point, qui, il faut le dire, frôlerait le ridicule, la Constitution
est muette.716(*)
En droit positif congolais, la suppléance qui est
provoquée par un empêchement momentané est, au voeu du
constituant, confiée au Premier ministre mais sur
délégation expresse de pouvoir de convoquer et de présider
le Conseil des ministres.
A contrario, l'on peut dire que la suppléance de plano
n'est pas organisée. Si le Chef de l'Etat n'opère aucune
délégation de pouvoir au profit du Premier ministre, en cas de
cohabitation des majorités par exemple, ce dernier sera dans
l'impossibilité juridique de convoquer et de présider le conseil
des ministres.
Par ailleurs, avançons que le juge constitutionnel
constate la vacance de façon en principe non polémique
étant donné le caractère certain de
l'événement qui en est la cause : le décès, la
démission, à quoi peut être ajoutée une condamnation
entraînant la destitution prononcée par la Cour
constitutionnelle.717(*)
En revanche, même si la délégation de
pouvoir qui est une incompétence matérielle qu'une
autorité publique s'impose momentanément doit être expresse
et non implicite, il convient aussi de noter que l'usage de l'indicatif
présent par le constituant entraîne une obligation, dans le chef
du Président de la République empêché, de
déléguer.
En effet, par la délégation de pouvoir, la
doctrine la plus éclairée enseigne que l'autorité
délégante se dessaisit d'une partie de sa compétence au
profit du délégataire. Elle opère ainsi une nouvelle
répartition de compétences et, tant qu'elle n'a pas abrogé
la délégation, elle ne peut plus intervenir dans le domaine
transféré. 718(*) Somme toute, le refus de déléguer
pourrait être retenu comme une violation intentionnelle de la
Constitution tant cette incartade est constitutive de l'infraction politique de
haute trahison, pour briser son inertie, par la Cour
constitutionnelle.719(*)
Le second problème juridique posé par la lecture
de l'article 76 alinéa 3 de la Constitution de la IIIème
République est celui de la nature juridique de la décision de
proroger le délai électoral prévu par le constituant.
Il s'agit, à n'en point douter, d'une décision
constituante tant le juge constitutionnel siège comme pouvoir
constituant dérivé habilité à modifier le texte de
la Constitution en ce qui est du délai constitutionnel de
l'élection en cas de vacance provoquée par un empêchement
définitif. Cette nature juridique particulière qui est
surprenante élève cependant le juge constitutionnel
siégeant ici en matière gracieuse en une autorité
constituante dérivée d'un type particulier.
A deux reprises, le juge constitutionnel congolais a
déjà pris la décision de proroger la durée de la
transition politique alors que celle-ci était prévue par la
Constitution de la transition.720(*) L'on doit indiquer qu'une opinion contraire en droit
français estime que l'équivalent de cette disposition dans la
Constitution du 4 octobre 1958 accorde plutôt soit une compétence
discrétionnaire (alinéas 6 et 10 de l'article 7) soit une
compétence liée (les alinéas 7,8 et 9 du même
article).721(*)
Cette opinion n'emporte pas nos suffrages au double motif
qu'elle utilise un vocabulaire propre au droit administratif et voit dans le
juge constitutionnel un simple régulateur de l'opération
électorale.
En effet, les notions de compétence
discrétionnaire ou liée dénaturent ici le caractère
purement constituant du pouvoir que le constituant originaire accorde au juge
constitutionnel. En outre, quelle serait la sanction de l'irrespect de cette
compétence liée ou du non usage de la compétence
discrétionnaire ?
Nous pensons qu'il s'agit de la compétence
constitutionnelle accordée au juge non point comme juge car ici il
n'exerce aucune activité juridictionnelle au sens strict du terme mais
plutôt comme autorité constituante. Autrement, il est
théoriquement difficile d'expliquer et de fonder l'autorisation de
proroger le délai fixé par la Constitution sans prendre une
décision de même nature juridique.
Si la nature de cet acte est infraconstitutionnelle, comme
semblent le suggérer Messieurs Renoux et de Villiers, il y a lieu de
constater qu'elle est incontestablement inconstitutionnelle. Si elle est
après tout conforme à la Constitution, c'est parce qu'elle est
l'émanation de l'autorisation constituante. Cette autorisation
constituante confère, en théorie, une même nature à
l'acte qui est pris dans son sillage.
Sur le fond, disons qu'en cas de démission ou de
décès, le juge constitutionnel constate, d'une part, que sont
réunies les conditions prévues à l'article 75 de la
Constitution relatives à l'exercice provisoire des fonctions du
Président de la République par le Président du
Sénat, d'autre part, que s'ouvre, à partir de cette date, le
délai fixé par l'article 76 alinéa 3 pour
l'élection du nouveau Président de la
République.722(*)
Il reste le problème du moule juridique d'expression de
cette déclaration de vacance. Si en droit français, elle
s'énonce sous forme effectivement d'une déclaration en raison du
caractère non expressément juridictionnel de cette instance, il
importe, chez nous, que la Cour prenne un arrêt car il nous semble
être le seul mode d'expression d'une juridiction de ce rang.
Par ailleurs, les articles 41 et 42 du projet de loi organique
portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle se limitent
à dire que cette dernière connaît de la vacance et de la
prolongation du délai de l'élection du Président de la
République. 723(*)Pareille formulation est on ne peut plus mince. Il
suffit de se rappeler que la prolongation du délai d'élection est
une question proprement politique pour se rendre compte que le futur
législateur organique pourrait ajouter quelques mécanismes
protecteurs des droits de l'homme comme le siège de la Cour qui doit, en
cette matière, se composer en plenum.
En conclusion, la déclaration de vacance doit
être entendue au sens juridique du terme c'est-à-dire d'une
situation juridique qui est constatée et non constituée. Ainsi
l'arrêt à rendre par la haute Cour sera déclaratif
du décès, de la démission ou de l'empêchement
définitif qui auront préalablement existé.
La Cour heureusement ne constitue aucun droit nouveau au
profit de personne, sauf à étudier plus loin les effets
attachés aux décisions de la Cour constitutionnelle à
l'égard des tiers.724(*)
Il n'en est pas de même en ce qui concerne les
arrêts de proclamation des résultats électoraux dont le
caractère constitutif va être étudié dans le
paragraphe qui suit.
§3. La proclamation des
résultats électoraux et référendaires
L'étude de ce paragraphe va tourner autour de la
compétence à la fois constitutionnelle et légale de
proclamer les résultats des élections et du referendum.
En sus, il sied de dire d'emblée que la proclamation
des résultats vient à la suite soit des contestations
électorales contentieuses dont l'étude interviendra à la
seconde section du présent chapitre, soit de la transmission sans
contestation des résultats provisoires par l'autorité
administrative indépendante instituée par le constituant.
Commençons par les résultats électoraux avant de voir le
cas des résultats référendaires.
A. Cas des résultats
électoraux
Aux termes des dispositions des articles 71 alinéa 3 et
161 alinéa 2, il ressort clairement que les autorités politiques
supérieures de notre pays doivent être déclarées
élues. S'agissant de la procédure à suivre, le futur
législateur organique a prévu deux articles qui se limitent
à énoncer que la procédure est régie par la loi
électorale et la loi sur le referendum.
Pareille formulation est également mince, à
l'évidence. Nous dirons pourquoi après avoir analysé
brièvement la proclamation de l'élection
présidentielle.
1. Election
présidentielle
La lecture combinée de l'article 72 de la loi
n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections
présidentielles, législatives, provinciales, urbaines,
municipales et locales725(*) et 161 alinéa 2 de la Constitution donne
à comprendre que le juge constitutionnel est notamment chargé de
proclamer les résultats définitifs des élections
présidentielle et législatives dans les 48 heures qui suivent la
transmission des résultats provisoires si aucun recours n'a
été introduit devant cette juridiction.
L'on peut observer aisément que prima facie le
juge constitutionnel joue là le rôle semblable à celui
d'une autorité publique chargée de proclamer les résultats
des élections même si en cas de contestation, le pouvoir de
proclamer semble émerger de la nature même du contentieux en
question. En effet, dans une joute électorale qui se mue en bataille
prétorienne, il est évident que des droits subjectifs sont en
action et que la proclamation des droits reconnus par le juge semble être
l'issue normale du litige qui est ainsi tranché.
C'est, d'ailleurs, ce qu'exprime le prescrit de l'article 75
de la loi électorale lorsqu'il dispose que « si les recours
sont déclarés irrecevables ou non fondés, la Cour
suprême de justice (...) proclame les résultats définitifs
des élections ». Ainsi, la Cour suprême de justice
a-t-elle, « après examen, déclaré irrecevables
les recours enrôlés sous RCE PR 001, 002, 005, 007 et 008 ;
elle s'est déclarée incompétente en ce qui concerne le
recours enregistré sous RCE PR 006 et a déclaré non
fondés les recours enrôlés sous RCE PR 003 et 004 ;
proclamé les résultats définitifs ci-après
(...) ».726(*)
Cet arrêt pose un réel problème juridique
car il évacue huit recours en contestations électorales
présidentielles par un attendu qui est loin d'incarner une motivation
digne d'une Cour constitutionnelle. Dire que la Cour a déclarés
irrecevables tels recours ou non fondés tels autres n'est nullement
synonyme d'une motivation car la lecture simple d'un tel arrêt ne permet
à personne même pas aux juges eux-mêmes de savoir les
soutènements juridiques qui ont engendré la décision.
Naturellement, l'arrêt a ouvert le second tour de
l'élection présidentielle en disant de façon laconique
mais claire que « sont admis à se présenter au second
tour, conformément à l'article 114 de la loi n°06/006 du 09
mars 2006, Messieurs Kabila Kabange Joseph et Bemba Gombo Jean-Pierre, les deux
candidats ayant recueilli le plus grand nombre des suffrages exprimés au
premier tour ».727(*)
L'arrêt pose en outre le problème de la
composition de la Cour suprême de justice qui l'a rendu. Au 15 septembre
2006, la Constitution de 2006 est en vigueur et porte que c'est la Cour
constitutionnelle qui est compétente en matière de contentieux
électoral présidentiel et législatif.728(*) Or, la disposition
transitoire de cette même Constitution attribue cette compétence
à la Cour suprême de justice729(*) sans dire en quelle de ses diverses formations.
Or, en plus, la haute Cour dans l'arrêt commenté
affirme avoir siégé, en ses chambres réunies, sans
indiquer en laquelle de ses trois sections. Procédons donc par
élimination : la haute Cour n'a pu siéger ni en
matière relevant de la section de législation, ni en celle
relavant de la section administrative. La seule possibilité étant
qu'elle aurait siégé en sa section judiciaire, toutes chambres
réunies. Or, là aussi, il y a un gros problème car,
l'article 155 et même l'article 156 du code de l'organisation et de la
compétence judiciaires730(*) déterminent limitativement les
matières relevant de cette section sans citer le contentieux
électoral.
Le contentieux électoral n'est cité qu'à
l'article 160 du même code. Ici, aussi, il faut se rappeler qu'en ce
qu'il était en flagrante contradiction avec la révision
constitutionnelle de 1988 déjà citée, le troisième
point de l'article 160 était abrogé et n'existe pas.
Ainsi donc, à notre avis, seules les sections
réunies peuvent être considérées comme le seul juge
constitutionnel en droit congolais et comme cette matière est
confiée à ce juge, il est seul qualifié à trancher
les contestations électorales.
Ayant donc siégé comme il l'a fait, le juge
suprême congolais a erré et égarer les acteurs politiques
dans la mesure où il n'a pas dit le droit dans toute sa splendeur. Or,
statuant comme juge constitutionnel transitoire, ou même définitif
à l'époque, la Cour suprême de justice ne peut être
composée qu'au nombre de sept, aux termes de l'alinéa 4 de
l'article 54 du code de l'organisation et de la compétence judicaires
qui dispose que « lorsqu'elle statue toutes sections réunies,
la Cour suprême de justice siège au nombre de sept membres au
moins ».
C'est le lieu de vider une confusion que semblent entretenir
nos vénérables juges de l'entendement de l'article 74
alinéa 8 de la Loi dite électorale qui dispose
que « le contentieux des élections est toujours
jugé par une juridiction siégeant au nombre de trois juges au
moins ».731(*)
Cette disposition qui est une pétition de principe pour
toutes les hautes juridictions, car celles-ci siègent déjà
toujours à trois membres au moins, n'est applicable que pour les
tribunaux de paix ou les tribunaux de grande instance qui eux aussi
siègent à trois juges respectivement en matière
coutumière et en matière répressive.
Ainsi dit, cet énoncé législatif
n'exprime nullement le souhait du législateur de voir la composition du
juge constitutionnel changer. Il suffit de remarquer que cet
énoncé législatif est général à
toutes les juridictions pour ne pas avoir à écarter une
disposition expresse et spéciale concernant la Cour suprême de
justice devenue juge constitutionnel transitoire.
Au demeurant, dire trois juges au moins n'exclut pas
que le siège ait plus de trois membres. Dans l'arrêt
étudié, la Cour a siégé effectivement à plus
de trois membres sans être pourtant une formation prévue par la
loi pour connaître de la contestation électorale. Ce
problème a été posé lors de l'arrêt RCE PR
009 du 27 novembre 2006732(*) et la haute Cour avec une simplicité biblique
a tout simplement dit qu'il n'en était rien en opinant que
« les articles 54 alinéa 4 et 160 du code de l'organisation et
de la compétence judiciaires relatifs au contentieux des
élections ne sont pas d'application en
l'espèce ».733(*) Et le problème de compétence technique
de se reposer dans de termes renouvelés !
Depuis cet arrêt, la Cour sera démasquée,
car brusquement sans trouver un autre fondement juridique, elle siégera
à sept membres pour proclamer « élu à la
majorité absolue, Président de la République
démocratique du Congo, Monsieur Kabila Kabange
Joseph ».734(*)
Comment le même jour, deux arrêts peuvent-ils
émaner d'une même haute juridiction et répondre de deux
façons diamétralement opposées à une même
question de droit ? Comment dès lors cultiver la
crédibilité scientifique des dires pour droit de la Haute
Cour ? Ces interrogations sont autant de clefs pour tenter de comprendre
comment la matière électorale qui est contentieuse par
définition se retrouve confiée au juge constitutionnel au titre
d'autorité chargée de proclamer les résultats
définitifs. C'est vrai également en ce qui concerne les
élections législatives.
2. Elections
législatives :
Nous avons vu à l'occasion du paragraphe
précédent que cette matière ressortit à la fois du
contentieux électoral et des matières gracieuses
attribuées au juge constitutionnel.
Sans entrer dans de longs développements que nous
réservons à la seconde section du présent chapitre
consacré à la compétence contentieuse de la Cour
constitutionnelle, il y a lieu de remarquer que celle-ci exerce cette
compétence, dirait-on, de proclamation tant au niveau national qu'au
niveau provincial pour ce qui est des résultats obtenus à ce
niveau et contestés par voie d'appel.
a) Elections
législatives nationales
L'article 127 de la loi électorale renvoie au prescrit
des articles 68 à 72 de la même loi pour ce qui est de la
proclamation des résultats définitifs des élections
législatives nationales. En effet, l'article 72 expose l'obligation qu'a
la Cour suprême de justice de proclamer les résultats
définitifs des élections législatives (...) dans les 48
heures qui suivent la transmission des résultats provisoires si aucun
recours n'a été introduit devant elle.
En cas de recours contre les élections
législatives nationales, dispose l'article 74 alinéa 3 de la
même loi, la Cour dispose d'un délai de deux mois à compter
de la date de leur saisine pour rendre ses décisions.
Sans anticiper sur cette question relative au délai
endéans lequel l'arrêt de proclamation doit être rendu, il
importe de remarquer que le futur législateur organique a
réglé la difficulté en posant qu'il s'agit d'un
délai d'ordre non sanctionné en droit.735(*)
Il est donc évident que la proclamation sans recours
conserve effectivement un caractère gracieux tandis que l'exercice des
recours par les protagonistes malheureux de l'élection imprime à
la proclamation faite en cette occurrence un caractère contentieux que
nous étudierons plus tard.
Affirmons seulement que l'arrêt de proclamation
confère à l'élu une sorte de droit à devenir
député national qui sera confirmé par la
plénière de l'assemblée nationale. Nous disons droit
à devenir député car l'arrêt ne suffit pas pour
emporter validation du mandat obtenu dans sa circonscription électorale.
Il est possible que l'arrêt soit contesté par les voies de droit
que nous analyserons bientôt. 736(*)
Dès lors la sécurité juridique veut que
la qualité de député ne soit réellement acquise
qu'après la validation des mandats. Si cette procédure est
souvent celle que les assemblées parlementaires appliquent dans leurs
hémicycles, il importe de noter qu'elle pose une question
théorique de fond : qui valide l'assemblée
plénière à valider ? La réponse à cette
interrogation interdit justement de voir une instance juridictionnelle dans
l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La validation des mandats est une formalité
administrative de contrôle de présence mais aussi un acte
politique important. Il faut lui reconnaître également la vertu de
créer des droits et des obligations dans le chef du
député, soit un véritable statut de droit public.
Il s'agit, en fin de comptes, d'un acte parlementaire dont la
légalité constitutionnelle peut être contrôlée
par le juge constitutionnel en vertu de l'article 144 de la procédure
devant la Cour suprême de justice.737(*)
Il sied de dire d'emblée à ce niveau que le
futur législateur organique marque un recul car il ne dispose aucunement
sur le contrôle des actes parlementaires comme c'est le cas de l'article
144 vanté qui a trouvé deux cas d'application en droit
congolais.738(*)
Réfutant l'argument avancé par Mabanga Monga
Mabanga selon lequel, l'article 144 invoqué serait lui aussi
abrogé par la révision constitutionnelle portée par la loi
n°88-004 du 29 janvier 1988,739(*)il convient tout simplement de noter que la
disposition censée l'avoir abrogé porte sur le contentieux
électoral confié au Comité central du Mouvement populaire
de la Révolution et non sur le contentieux portant sur « les
recours dirigés contre les actes du Conseil législatif(Parlement)
refusant la validation des pouvoirs ou constatant la démission d'office
d'un de ses membres ». 740(*)
La nuance eût été, nous en convenons, que
le dernier alinéa de cet article 144 en ce qu'il renvoie aux articles
138 à 143 serait abrogé encore que le contenu d'une norme peut
être maintenu dans une procédure qui reste, somme toute,
étrangère à celle qui est visée par l'abrogation
implicite exposée.
En effet, pour que l'abrogation implicite des normes joue, il
faut mais il suffit que les deux normes soient intervenues dans le même
champ et qu'elles soient donc contradictoires. La double exigence de
l'herméneutique juridique manque en l'espèce, les normes
prétendument en contradiction relevant de deux contenus
différents et, de ce fait, ne présentant aucune
contradiction.741(*)
Voyons à présent ce qu'il en est de cette
compétence concernant les élections législatives
provinciales.
b) Elections
législatives provinciales en cas d'appel
Les élections provinciales, comme on le sait, ne
relèvent pas directement du contentieux confié à la Cour
constitutionnelle. Elles sont en ce qui concerne les députés
provinciaux de la compétence de la Cour d'appel du ressort. Et, cela
ressort de l'article 72 de la loi électorale. Mais il faut noter tout de
suite que par la voie du recours en appel contre les arrêts rendus en
premier degré par la Cour d'appel, la Cour constitutionnelle transitoire
se trouve rendue compétente en ce qui concerne les législatives
provinciales.
C'est ainsi que par arrêt RCE/ADP/012 du vendredi 9
février 2007 opposant la CEI au MLC, la Cour suprême de justice a
été saisie comme juridiction d'appel concernant une candidature
à une élection provinciale au poste de gouverneur de province
rejetée par la CEI mais confirmée par l'arrêt RCCE/001 du 3
février 2007 de la Cour d'appel de Kananga.742(*) Il en est de même de
l'arrêt RCE/ADP/010.743(*)
Ces deux arrêts sont intervenus en matière de
contentieux de candidature ; à ce titre, ils nous
intéressent ici car ils marquent la spécificité du juge
constitutionnel qui est compétent pour statuer en appel tant sur le
contentieux de candidature que sur celui de résultats au terme duquel il
proclame le candidat élu notamment gouverneur de province. Tel est le
cas de l'arrêt RCE /014/015 du 16 février 2007 que nous pouvons
tenir pour un arrêt de principe tant il définit, pour la
première fois, en droit congolais la notion de majorité
absolue744(*).
En est-il de même du contentieux
référendaire ?
B. Cas des résultats
référendaires
Il ressort des dispositions de la Constitution que la Cour
constitutionnelle connaît du referendum. Telle formulation, pour
laconique qu'elle soit, ne nous avance guère dans l'étude de la
compétence de proclamation des résultats
référendaires. Ainsi, la lecture de la loi
référendaire n°05/010 du 22 juin 2005 portant organisation
du référendum constitutionnel en République
démocratique du Congo745(*) donne à comprendre que le juge
constitutionnel, au-delà du contentieux référendaire que
nous verrons bientôt, a été rendu compétent pour
proclamer les résultats du referendum.
Ainsi, par arrêt RE 04 du 3 février 2006, la Cour
suprême de justice « (a) proclamé les résultats
définitifs suivants :
Nombre d'électeurs inscrits : 25.021.703
Nombre de votants : 15.505.810
Nombre de bulletins nuls : 725.735
Suffrages exprimés : 14.780.075
Pour le Oui : 12.461.001
Pour le Non : 2.319.074
(et) déclaré que le oui a recueilli 84, 31% des
voix et le non 15, 69%».746(*)
Cet arrêt n'appelle pas de commentaire particulier tant
il est rendu par une formation idoine de la Cour suprême de justice et,
sur le fond, s'est limité à constater les résultats du
referendum tels qu'ils lui ont été transmis par le
président de la Commission électorale indépendante. Il
suffit de voir que la Cour a ainsi fait une bonne application de l'article 52
de la loi déjà citée.747(*)
Terminons par préciser que la requête
adressée à la Cour est munie d'un procès-verbal des
résultats provisoires de la consultation référendaire et
qui retrace donc les résultats par bureau de vote dans toute
l'étendue de la République.
Ce chef de compétence qui présente une
simplicité toute biblique, par son énoncé textuel, tranche
en difficulté avec la question du dépôt de la
déclaration du patrimoine familial de certaines autorités
supérieures de l'Etat qui, elle, relève de la bonne gouvernance
qui postule une transparence dans la gestion des deniers et biens de l'Etat.
Autrement, la confusion des patrimoines de l'Etat et des
dirigeants transforme, sans coup férir, l'Etat en une sorte de
république « bananière ». Tel est le
fondement de la déclaration du patrimoine exigée.
§4. Le dépôt
de la déclaration du patrimoine familial du Président de la
République et des membres du gouvernement
Le souci de la transparence dans la gestion de l'Etat moderne
a amené le constituant congolais à faire de la déclaration
de son patrimoine familial une obligation à la fois politique et
juridique à charge du Chef de l'Etat et de membres du gouvernement.
Ainsi, l'article 99 de la Constitution dispose
qu' « avant leur entrée en fonction, le Président
de la République et les membres du Gouvernement sont tenus de
déposer, devant la Cour constitutionnelle, la déclaration
écrite de leur patrimoine familial, énumérant leurs biens
meubles, y compris actions, parts sociales, obligations, autres valeurs,
comptes en banque, leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis,
forets, plantations et terres agricoles, mines et tous autres immeubles, avec
indication des titres pertinents.
Le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le
régime matrimonial, des enfants mineurs et des enfants, même
majeurs, à charge du couple. La Cour communique cette déclaration
à l'administration fiscale. Faute de cette déclaration,
endéans les trente jours, la personne concernée est
réputée démissionnaire.
Dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de
cette déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de
soupçon d'enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle ou la
Cour de cassation est saisie selon le cas ».748(*)
Cette disposition qui doit être saluée du point
de vue de la transparence du système politique pose néanmoins le
problème de la définition de la famille des dirigeants
politiques. En effet, le constituant a compris la notion de famille au sens de
ménage déjà consacré par le code de la
famille.749(*) Mais,
même là, il s'est arrêté en si bon chemin car le
ménage va au-delà de la petite famille nucléaire.
En termes plus clairs, une mutation au nom des parents ou
alliés rendra cette disposition inefficace. Nous pensons que le
constituant, de lege ferenda, non seulement devrait adopter la notion
de ménage qui est plus large mais aussi devrait étendre cette
disposition à toute personne dépositaire de l'autorité
publique et manipulant, à ce titre, des deniers et biens publics.
Par ailleurs, l'hypocrisie de ces mécanismes a
été dénoncée pertinemment par la doctrine car en
réalité beaucoup de nos dirigeants sont polygames et il leur
suffira de mettre les biens à déclarer au nom des
épouses ignorées par la loi mais qui sont pourtant
réellement ancrées dans leur vie pour rendre cette disposition
purement symbolique.750(*) Il faut là aussi un travail de
cohérence des énoncés constitutionnels avec la praxis du
peuple auquel ils sont destinés.
Il reste toutefois le problème de la forme sous
laquelle telle déclaration devra être actée par la Cour
constitutionnelle. Nous pensons pour des raisons déjà
invoquées ailleurs que la haute Cour devrait prendre un arrêt de
donner acte qui serait signifié à la fois et à
l'administration fiscale et à l'autorité publique qui aura fait
la déclaration visée.
La sanction qui est attachée au défaut de
déclaration dans le délai imparti par le constituant
s'appliquerait de façon plus nette à compter de la cessation des
fonctions surtout que le procureur général près la Cour
constitutionnelle aura entre autres pour fonction de rechercher et de
poursuivre telles infractions.751(*)
Comme nous l'avons vu, un arrêt de donner acte a
l'avantage certain de porter à la connaissance du public la
déclaration ainsi faite par le biais du contrôle de l'opinion
publique qui pourra s'exercer aisément notamment à l'occasion de
la publication de la susdite déclaration et de l'arrêt qui en
prend acte au journal officiel de la République démocratique du
Congo. L'efficacité du contrôle juridictionnel de la transparence
passe aussi par l'opinion publique qui est concernée par les mesures
exceptionnelles.
§5. La déclaration
de conformité des ordonnances de l'article 145 de la Constitution
L'étude de cette question spéciale de droit
constitutionnel passe par l'affirmation que cette disposition constitutionnelle
est une copie de l'article 16 de la Constitution française. Il faut
cependant remarquer qu'il n'y a pas de mimétisme béat tant la
disposition française fait appel «à des mesures (qui)
doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux
pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens
d'accomplir leur mission »752(*), alors que la congolaise se borne à faire
recours aux « mesures nécessaires pour faire face à la
situation ».753(*)
Du point de vue de la question qui nous occupe, il importe de
souligner que la Président de la République, lorsqu'il prend les
mesures de l'article 145 de la Constitution, n'est pas lié par les
dispositions de la Constitution à l'exception naturellement de celles
contenues dans ce même article 145 et dans les dispositions des articles
85, 116 et 144 contenant des normes idoines à cette matière. Le
rapprochement des termes des articles 69 et 145 de la Constitution est
significatif du rôle majeur du chef de l'Etat. Arbitre et garant dans les
temps normaux, il peut cumuler les pouvoirs législatif et
exécutif quand sont réunies les conditions prévues par
l'article 145 de la Constitution.
Outre que cette disposition subordonne sa mise en oeuvre
à une interruption, et non à un fonctionnement seulement
irrégulier, des pouvoirs publics constitutionnels, il faut donc noter
que le dysfonctionnement d'un gouvernement ne saurait justifier le recours
légitime à cette disposition. Il n'est pas plus légitime
non plus de recourir à cette disposition en cas de grève de
services publics. En irait-il de même d'une grève
générale paralysant les services publics constitutionnels ?
Il faut avouer que tel recours à cette disposition aurait les apparences
d'un usage idoine de la Constitution.
Cependant, la concentration du pouvoir entre les mains du
Président de la République fait de ce dernier le seul
interprète de la Constitution, tant en ce qui concerne sa
compétence, puisqu'il lui appartient de juger quelles sont les mesures
exigées par les circonstances, sous réserve de ne pas modifier la
Constitution, que celles du gouvernement et du parlement, pour autant, qu'il
bénéficie du concours du Premier ministre et des
présidents des assemblées, tout au moins de celui du
président de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, une tentation devrait être
évitée : le recours à l'article 145 de la
Constitution en cas de cohabitation des majorités présidentielle
et parlementaire. Ces oppositions de majorités, faut-il le rappeler,
font partie du fonctionnement normal de la Constitution en étant de
simples conséquences de la souveraineté du peuple.754(*)
La doctrine opine de manière majoritaire que la
décision de recourir à ces dispositions constitutionnelles
consacrant la dictature constitutionnelle présente le caractère
d'un acte de gouvernement.755(*) Naturellement, le juge administratif manque de
compétence à son égard. Il ne lui appartient nullement ni
d'apprécier la légalité ni de contrôler la
durée d'application de ces mesures.
Soulignons cependant que s'agissant d'un régime de
confusion des pouvoirs, le juge administratif reste compétent lorsque le
chef de l'Etat prend des actes réglementaires dans le sillage de
l'article 145 de la Constitution. En effet, le juge doit distinguer les mesures
qui ont une nature législative de celles qui ont une nature
réglementaire. Ici joue le critère matériel établi
par les articles 122, 123 et 128 de la Constitution.
Ainsi la requête qui critique une décision
à contenu législatif est donc irrecevable devant le juge
administratif suprême. L'on peut toutefois se poser la question de savoir
si le Président de la République est dispensé de suivre
les formes constitutionnelles des normes qu'il doit édicter pour faire
face à la situation qui donne lieu au recours à l'article 145. La
réponse doit être non.
En effet, il devra prendre des actes réglementaires,
législatifs ou autres dans les formes qui permettent qu'ils soient
reconnus et contrôlés par le juge constitutionnel qui reste
compétent même devant des actes de gouvernement.
Dans la perspective de l'Etat de droit constitutionnel ou
moderne que la République démocratique du Congo veut installer,
il sied de noter que l'article 145 de la Constitution ne limite pas les
décisions du chef de l'Etat pour ce qui est de leur objet ; elles
peuvent donc porter atteinte aux droits et libertés ; mais il les
limite quant à leur but et leurs motifs ; en effet ces mesures sont
celles « nécessaires pour faire face à la
situation ». Analysant le caractère nécessaire ou non
des mesures prises par le chef de l'Etat, la Cour constitutionnelle exerce
ainsi un contrôle d'opportunité au-delà du simple
contrôle de légalité constitutionnelle.
L'on peut se poser une seconde question non moins
pertinente : comment assurer la sanction de ces obligations
constitutionnelles ? Certes, la Cour constitutionnelle est
consultée à l'intervention de chacune de ces mesures alors que la
décision générale de recourir à l'article 145 n'est
pas subordonnée, comme en droit français, à la
consultation officielle de la Cour constitutionnelle.
Le contrôle de la Cour constitutionnelle n'intervenant
qu'après la signature des ordonnances, l'on peut être amené
à constater que ce contrôle-là concerne des actes
juridiques en vigueur et non en chantier comme c'est le cas d'un contrôle
préalable ordinaire. En effet, la signature des ordonnances
prévues à l'article 145 de la Constitution correspond à
deux moments d'élaboration des normes : l'édiction et la
promulgation.756(*)
La signature cristallise en effet la promulgation
c'est-à-dire l'authentification de l'acte édicté et
l'ordre donné à l'administration de procéder à son
exécution. S'agissant d'un contrôle a priori et à
la seule initiative du Président de la République, il n'est pas
envisageable prima facie de prévoir un contrôle de
constitutionnalité des ordonnances prévues à cette
disposition constitutionnelle.757(*)
Nous pensons qu'il est en effet possible que les ordonnances
prises dans ces circonstances soient susceptibles de contrôle a
posteriori lorsqu'elles portent atteinte aux droits et libertés
fondamentaux. En outre, la déclaration de conformité à la
Constitution faite par la Cour constitutionnelle n'empêche nullement
cette dernière à statuer ultérieurement sur la
constitutionnalité desdites ordonnances.758(*)
Après l'écoulement de délais
constitutionnels de circonstances ayant donné lieu au recours à
l'article 145, il faut admettre que la Cour constitutionnelle reste
compétente pour observer l'arrivée du terme.759(*)
Il faut constater que cette déclaration de
conformité est donnée sans qu'au départ il n'y ait un
contentieux à trancher. Il s'agit donc d'une matière gracieuse
qui peut appeler par ailleurs un contentieux contre les ordonnances qui
violeraient les droits et libertés fondamentaux. De ce point de vue, le
droit constitutionnel congolais semble avoir cristallisé les acquis de
la transition issue tant des accords du Palais du peuple que de
Pretoria.760(*)
La dictature constitutionnelle semble revenir sur les plages
du contrôle de constitutionnalité et conforter ainsi la
prétention de la République démocratique du Congo à
installer un Etat de droit constitutionnel.
Il faut cependant remarquer que le constituant congolais s'est
limité à établir une saisine, toutes affaires cessantes,
de la Cour constitutionnelle sans dire si cette dernière devrait aussi
statuer, toutes affaires cessantes et sans désemparer. Il nous semble
que telle serait la logique sous-jacente au système de l'urgence.
Il importe de noter enfin que ce régime de confusion
des pouvoirs est heureusement temporaire car l'objectif ultime est le
rétablissement de la situation normale dans les plus brefs
délais. Le dictateur constitutionnel, à la Cincinnatus, devant
rétablir l'état des choses tel qu'il était auparavant et
non le modifier. Entre d'autres termes, il doit rendre au juge constitutionnel
son droit de trancher dans le contentieux soumis à sa connaissance.
Section 2 : LES
ATTRIBUTIONS EN MATIERE CONTENTIEUSE
Il s'agit, à coup sûr, d'analyser ici l'essentiel
des compétences juridictionnelles de la Cour constitutionnelle
congolaise. Ces attributions contentieuses sont fixées tant dans la
Constitution que dans la loi organique portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle. Aussi l'étude succincte des chefs de
compétence s'articulera-t-elle autour des notions essentielles de
contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force
de loi ainsi que celui des règlements.
Des paragraphes seront consacrés à
l'étude du recours en interprétation de la constitution avant
d'analyser les compétences de la haute Cour en matière de
contestations électorales au-delà du caractère
proclamatoire que nous avons souligné plus haut. Il sera de même
analysé le contrôle de conformité qui est exercé par
le juge constitutionnel sur les traités et accords internationaux.
Le contentieux de la division tant verticale que horizontale
des pouvoirs qui constitue par ailleurs la clef de voûte du dispositif
juridictionnel constitutionnel congolais sera analysé tout comme le
contentieux répressif des plus hautes autorités politiques du
pays.
A proprement parler, ce contentieux qui relève du droit
pénal n'a de lien avec le contentieux constitutionnel que du point de
vue formel et organique. En effet, il relève du contentieux
politique.761(*)
L'option levée par le constituant congolais de le confier au juge
constitutionnel nous fonde alors de l'étudier à ce niveau
d'analyse.
Voyons à présent ce qu'il en est du contentieux
de constitutionnalité proprement dit.
§1. Le contrôle de
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi
Sous ce point, il sera affirmé comme vu
précédemment que le contrôle de constitutionnalité
des lois et des actes ayant force de loi a été longtemps
organisé en droit positif congolais même si son effectivité
est restée pendant les heures sombres du monopartisme l'ombre du texte
qui l'organisait.
En effet, la doctrine a déjà indiqué par
ailleurs les raisons tant juridiques, politiques que psychologiques qui ont
milité au renforcement du sommeil presque comateux du juge
constitutionnel congolais.762(*)
Puisque l'étude consiste à analyser le
système de droit positif, il importe de distinguer d'une part, les lois,
les actes ayant force de loi, d'autre part, ainsi que les actes
d'assemblée.
Cette triple distinction offre l'avantage d'embrasser trois
parties de ce paragraphe et de ramasser ainsi l'essentiel de la matière
consacrée au contrôle des actes législatifs en
République démocratique du Congo. Il s'agit plus
précisément d'étudier ici les normes juridiques
susceptibles de contrôle de constitutionnalité.
a) Les lois
La doctrine a toujours défini la loi au sens strict
comme une manifestation de volonté du législateur exprimée
selon la procédure prévue par la Constitution.763(*) Il peut s'agir de la loi
ordinaire764(*) ou d'un
acte ayant force de loi.765(*)
Sensu lato, le vocable loi implique également
les lois constitutionnelles et les lois organiques. Selon la hiérarchie
plutôt organique que le droit consacre, commençons par
l'étude des lois constitutionnelles.
1. Les lois
constitutionnelles
L'on peut légitimement retenir qu'une loi
constitutionnelle est celle qui porte modification de la constitution. Elle se
distingue de la loi ordinaire par le vote renforcé dont elle fait
l'objet ainsi que par la procédure spéciale de révision
constitutionnelle prévue.766(*)
Il faut noter que le pouvoir de révision est
constitué par sa forme, mais constituant par son objet. S'il est soumis
à des contraintes de procédure qui le distinguent du pouvoir
constituant originaire fondateur du régime, habituellement
qualifié d'originaire, il est aussi souverain.
A ce titre, il est le seul pouvoir auquel ne s'imposent pas
les décisions du juge constitutionnel. L'on n'oublie fort
inopportunément que le pouvoir constituant est un pouvoir de l'Etat, le
plus élevé dans l'Etat du fait qu'il est incarné dans les
faits par le peuple représentant du souverain ou le souverain
lui-même agissant en personne comme une sorte de deus ex machina
ou en tous cas, comme une divinité dont les actes ne peuvent
impunément être critiqués par ses créatures.
La question que pose cette norme particulière de
contrôle est celle de la légitimité même de son
contrôle juridictionnel. En effet, est-il permis à un juge quel
qu'il soit de contrôler les actes du souverain ?
Le problème se rattache à la notion bien connue
du pouvoir constituant qui est perçue en doctrine comme un pouvoir
souverain dans l'Etat et qui ne saurait théoriquement supporter un
quelconque contrôle fut-il juridictionnel.767(*)
La question a connu un développement fort riche en
droit comparé qui a abouti à la célèbre
décision du Conseil constitutionnel français du 2 septembre 1992
dite Maastricht II. Cette décision affirme que
« le pouvoir constituant est souverain, qu'il lui est loisible
d'abroger ou de compléter les dispositions de valeur
constitutionnelle ». 768(*)
Le juge constitutionnel français a admis cependant le
contrôle lorsqu'il s'agit des limites matérielles et temporelles
prévues par la Constitution. Toutefois, la forme de la révision
elle-même échappe au contrôle du juge car elle rentre dans
la sphère de la souveraineté du pouvoir constituant.769(*)
Ces considérations théoriques doivent être
acceptées en droit congolais dans la mesure où le constituant du
18 février 2006 a établi des limites matérielles et
temporelles au pouvoir de révision qui de ce point de vue reste soumis
au contrôle du juge.
Ainsi le prescrit des articles 219 et 220 de la Constitution
installe des limites matérielles et temporelles qui fondent
effectivement la compétence du juge constitutionnel. 770(*)
En est-il de même de lois organiques ?
2. Les lois organiques
Le constituant congolais fournit un critère purement
formel à la notion de loi organique qui doit s'apprécier comme
une loi qui est qualifiée telle par la constitution.771(*) C'est naturellement
très court pour une définition juridique. Il importe alors
d'ajouter qu'à ce critère formel le constituant apporte un autre
critère formel qui est celui de la procédure spéciale de
son élaboration. En effet, la loi organique passe par les deux chambres,
à une majorité absolue des membres composant chaque chambre et
elle connait la promulgation après une déclaration de
conformité de la Cour constitutionnelle. 772(*)
S'agissant ici d'un contrôle a priori dont nous avons
parlé plus haut, il importe simplement de relever qu'il n'est pas
interdit d'exercer un contrôle de constitutionnalité contre une
loi organique lorsqu'elle porte des dispositions contraires à la loi
fondamentale. La déclaration de conformité qui fait partie de son
élaboration n'empêche pas le juge constitutionnel de statuer
ultérieurement sur sa constitutionnalité lorsque celle-ci pose
problème à l'occasion d'un contentieux. C'est qu'énonce
par ailleurs le constituant.773(*)
Cette affirmation rejaillit de l'exégèse de la
Constitution qui permet une action en inconstitutionnalité contre tout
acte législatif, sans distinction aucune. Au demeurant, il serait
incohérent dans un système démocratique de justice
constitutionnelle qu'un texte législatif quel qu'il fut
échappât au contrôle du juge sous prétexte qu'il
aurait été préalablement examiné par ce dernier
in abstracto. Le contrôle concret postérieur a donc une
vertu purgatoire par rapport à l'orthodoxie juridique que doit
présenter l'ordonnancement juridique.
Du point de vue de la théorie de la hiérarchie
des sources, l'on peut bien se poser la question de savoir si un contrôle
est possible à l'endroit d'une loi qui aurait violé une loi
organique.
Du point de vue formel, la loi organique ne peut être
considérée comme incluse dans la Constitution. La
véritable cause de censure d'une disposition législative en
pareille occurrence n'est pas la méconnaissance de la loi organique par
le texte censuré, mais bien plutôt la méconnaissance par
celui-ci des dispositions de l'article 124 de la Constitution. Il s'agit donc
d'une violation médiate de l'article 124 susmentionné. Toute
violation d'une loi organique doit donc être considérée
comme visant la disposition constitutionnelle qui renvoie à une loi
organique.774(*)
Pour clore, disons d'un mot que la loi de finances qui
relève de cette catégorie particulière des lois
échappe en revanche au contrôle du juge constitutionnel. La
justification théorique qu'en donne la doctrine unanime est
l'impératif de la continuité de la vive nationale.775(*)
Du point de vue strictement juridique, reconnaissons que c'est
bien mince comme justification théorique.
En droit congolais, une loi de finances qui ne respecterait
pas par exemple la répartition des recettes nationales
opérée par le constituant violerait sans fioriture la
Constitution et devrait donc être déclarée non conforme
à cette dernière.
En revanche, la saisine en inconstitutionnalité devrait
respecter l'impératif de la continuité de la vie nationale en
n'étant ouverte qu'aux personnes publiques bénéficiaires
fonctionnelles des recettes et dépenses prévues par la loi
budgétaire.
Ainsi doit être déclarée irrecevable une
requête en inconstitutionnalité introduite par un particulier
contre la loi budgétaire au simple motif qu'il manque de qualité,
n'étant pas bénéficiaire direct et fonctionnel des
crédits. Cette affirmation ne vaut-elle pas pour ce qui est des lois
référendaires ?
3. Les lois adoptées
par référendum ou lois référendaires
Les lois référendaires sont unanimement exclues
du champ du contrôle du juge constitutionnel pour la raison bien simple
qu'elles sont l'expression directe de la souveraineté nationale. En
effet, l'article 5 de la Constitution énonce clairement que
« le peuple exerce directement son pouvoir par voie de
referendum ». Le juge constitutionnel adopte cette attitude sans
qu'une disposition expresse ne le lui interdise pour de raisons de pure
idéologie.776(*)
L'on parle d'idéologie car il n'est pas superflu de
voir que le juge est toujours issu et imbu de l'idéologie dominante dans
la société qui l'a créé comme juriste ; il
n'en est pas toujours conscient lui-même de sorte qu'il ne peut
raisonnablement expliquer son attitude vis-à-vis de certaines
catégories conceptuelles.
En effet, l'idéologie libérale dominante dans le
modèle de justice constitutionnelle qui est le nôtre postule que
le peuple est le souverain et que donc les actes du souverain ne peuvent
être contestés par une autorité constituée fut-elle
une juridiction constitutionnelle. 777(*)
Cette théorie a convaincu le juge constitutionnel
français avant d'accomplir les marches d'une théorie unanimement
admise.778(*)
Cependant, l'on peut se poser la question de
l'incontestabilité d'une loi référendaire qui ne serait
pas intervenue dans les conditions constitutionnellement prévues ou
même en cas d'une manipulation plébiscitaire qui violerait les
droits de l'homme.
Dans ces conditions, il serait vraiment malheureux que le
peuple lui-même puisse réduire ou enfreindre les droits et
libertés reconnus aux citoyens par la Constitution. Dans ce cas, la
seule possibilité de correction reste l'adoption d'une nouvelle loi en
la matière par le parlement, car il n'y a aucune interdiction qu'une loi
référendaire soit par la suite modifiée par les
représentants du peuple.
S'agissant par exemple du référendum, la science
politique donne des exemples nombreux et variés de son dévoiement
à la suite d'une médiatisation intense susceptible
d'émousser toute volonté ou de la subjuguer à une
volonté politique dont les élans démocratiques ne sont pas
toujours évidents. Tel reproche ne peut heureusement être fait aux
lois ordinaires.
4. Les lois ordinaires
Par ce syntagme, le concept
« loi ordinaire » recouvre une pluralité des
normes juridiques que prend le législateur sous la forme de loi. Il peut
s'agir de loi fixant les règles, tout comme des lois fixant les
principes fondamentaux. De même, les lois d'habilitation tout comme les
lois d'approbation rentrent dans cette catégorie.779(*)
Sans perdre du temps dans les détails, l'on peut
observer que c'est la catégorie privilégiée du
contrôle de constitutionnalité. Elle l'est d'autant plus que
depuis fort longtemps elle était restée la seule expression du
droit légitime avant l'avènement de l'Etat de droit
constitutionnel. Encadrer le législateur par le droit est paradoxalement
une production des horreurs des deux guerres mondiales. Comme qui dirait,
l'horreur crée le contrôle de constitutionnalité ; en
tous cas, elle le nourrit.
De nature constitutionnelle, organique ou ordinaire, la loi
peut toujours être soumise au contrôle du juge. Votée par le
parlement, elle est souvent le résultat de tractations et affrontements
politiques entre le gouvernement et les parlementaires. Tout contrôle qui
pourra y être envisagé peut être interprété
comme une remise en cause d'un accord politique obtenu non sans peine.
Cet argument a été développé pour
dénoncer un « contrôle total et absolu » des
actes politiques par le juge constitutionnel. La tentation conduirait à
l'instauration «d'une dictature des juges » dans une
République qui se veut démocratique. Elle serait contraire au
principe de séparation des pouvoirs. Selon cette opinion, le juge
constitutionnel est, dans la pratique, appelé à jouer quelques
fois à l'équilibriste, au centrage pour reconstituer,
intérêt général oblige, l'unité du pouvoir
politique. Il doit être réaliste.
En revanche, la censure d'une loi n'a pas que des
inconvénients. Elle peut être bénéfique au travail
parlementaire. Conscient que son oeuvre est censurable, le législateur
est plutôt porté à l'attention et à la vigilance
pour l'avenir. L'intervention du juge est de nature à entraîner
une certaine autolimitation juridique du législateur. Convaincu
que la loi qu'il a produite pourra être censurée par le juge, le
législateur prend à l'avance des précautions. Ce qui le
contraint à une certaine auto censure.
Si les lois ordinaires ne semblent susciter un débat
particulier en ce qui est du contrôle de leur constitutionnalité,
il est acquis que les actes ayant force de loi connaissent le même
régime juridique du fait de l'équipollence des effets qui y sont
attachés.
5. Les édits provinciaux
Le siège de cette matière n'est pas curieusement
la Constitution, malgré les termes exprès de cette
dernière780(*).
En effet, de manière claire, le constituant ne dit pas que les
édits sont susceptibles de contrôle de constitutionnalité.
En revanche, l'article 73 de la loi portant principes fondamentaux de la libre
administration des provinces corrige cette omission en posant clairement le
principe du contrôle des édits provinciaux par la Cour
constitutionnelle. Cette disposition légale pose, en effet, que la Cour
constitutionnelle connaît de la constitutionnalité des
édits. L'on peut donc affirmer qu'il y a manifestement identité
de régime juridique entre les lois nationales et les édits
provinciaux en ce qui est du contentieux constitutionnel.
C'est le cas du recours formé par le
député national Francis Kalombo Tambwa contre l'édit
n° 001/008 du 22 janvier 2008 portant création de la Direction
Générale des recettes de la Ville de Kinshasa par
l'Assemblée provinciale de la Ville de Kinshasa sous RConst 078/TSR dont
l'issue est toujours attendue.781(*)
Si l'initiative des édits appartient concurremment au
Gouvernement provincial et à chaque député provincial,
l'on constate que le régime des édits décrit par l'article
33 de la loi sur les principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces est semblable à celui des lois organiques
nationales. Le régime juridique est cependant le même pour tous
les actes législatifs, y compris les actes ayant force de loi.
b) Les actes ayant force de
loi
Définis comme toutes déclarations de
volonté émanant de l'Exécutif et destinées à
produire, en vertu de la Constitution ou de la théorie des circonstances
exceptionnelles, des effets juridiques équipollents à ceux d'une
loi, les actes ayant force de loi demeurent un concept polysémique en
droit congolais.
Aussi une brève synthèse permettra-t-elle d'en
saisir la substance au regard de la théorie du contrôle qui nous
occupe.
1. Synthèse sur le
régime des actes ayant force de loi
Il sied de noter avec la doctrine que de la définition
ainsi donnée des actes ayant force de loi, il découle qu'il
s'agit de toutes déclarations de volonté émanant du
pouvoir exécutif, bicéphal ou monocéphal, ou même
composite comme ce fut le cas sous la Constitution de la transition
d'après Sun City. Ces déclarations de volonté s'expriment
sous diverses formes selon la Constitution qui les régit ou la
théorie des circonstances exceptionnelles.782(*)
Ainsi, dans l'hypothèse où les actes ayant force
de loi sont prévus par la loi fondamentale, celle-ci définit les
conditions de leur validité formelle et substantielle. La Charte
coloniale par exemple en son article 22, alinéa 4 soumettait les
ordonnances législatives émanant du Gouverneur
général à un délai de six mois.
Dépassé ce délai, les ordonnances législatives
ainsi prises ne pouvaient être maintenues en vigueur que si elles
étaient approuvées par décret. A défaut, telle
ordonnance était frappée de caducité.783(*)
Sous la Constitution de Luluabourg, les articles 95 à
97 et 183 réglaient le régime juridique des actes ayant force de
loi. Ainsi, par décision des chambres parlementaires ou à la
demande du Chef de l'Etat, une loi d'habilitation pouvait permettre à ce
dernier d'exercer le pouvoir législatif national, pour certaines
matières et pour la durée qu'elle fixait. Dans le délai
fixé par la loi d'habilitation, si un décret-loi était
rejeté par l'une des chambres, il ne pouvait être
promulgué. 784(*)
Par ailleurs, dans les conditions d'extrême urgence et
nécessité, le Président de la République pouvait
prendre des décrets-lois autres que ceux prévus à
l'article 97 de la Constitution mais à condition de les présenter
dans les 24 heures de leur signature aux bureaux des chambres en vue de leur
approbation par une loi et à la Cour constitutionnelle pour
vérification de leur conformité à la
Constitution.785(*)
Il en ainsi de tous les textes constitutionnels dont
l'étude a été brossée plus haut pour ce qui est de
leur aperçu historique.786(*)
A défaut de ce régime constitutionnel, les actes
ayant force de loi trouvent une justification doctrinale dans la théorie
des circonstances exceptionnelles, en l'occurrence les guerres, les coups
d'Etat, la période des crises critiques en temps de paix.
En effet selon cette théorie, l'Etat devant survivre
à ces avatars le principe de nécessité fait loi l'emporte
momentanément sur la légalité formelle au nom du salut
dont le peuple doit bénéficier. C'est ce que traduit l'adage
latin : salus populi suprema lex.
Selon les époques et les constitutions dans notre pays,
Félix Vunduawe te Pemako établit une typologie de deux
catégories d'actes ayant force de loi : les actes ayant force de
loi édictés en vertu de l'habilitation constitutionnelle
directe et ceux pris en vertu d'une loi d'habilitation.
Ainsi dans la première catégorie, l'on range les
ordonnances législatives de l'article 22 de la Charte coloniale tant et
si bien que celle-ci est considérée comme un texte
constitutionnel. La constitution du 24 juin 1967 énonçait quant
à elle une double condition d'urgence et d'absence de
session parlementaire pour la validité des ordonnances-lois.
En revanche, la seconde catégorie regroupe le cas
d'habilitation pour certaines matières déterminées et pour
une durée que le parlement fixe avec possibilité de rejet avant
la promulgation de décrets-lois par le Président de la
République787(*) ; le cas d'habilitation pendant un délai
mais sans limitation des matières ni obligation de ratification
après coup par le Parlement788(*) et le cas d'habilitation parlementaire pour
l'exécution urgente du programme du Gouvernement.789(*) L'on peut noter, comme en
passant, que pendant la période du Décret-loi constitutionnel
n° 003, la notion d'acte ayant force de loi avait complètement
disparu. En effet, à la suite de la révision du Décret-loi
constitutionnel n°003 du 27 mai 1997, seule l'Assemblée
Constituante et Législative avait la compétence du vote des lois
au sein de l'Etat. La notion d'actes ayant force de loi était
inexistante en cette période790(*).
Par ailleurs, c'est difficile de penser que la saisine par
requête du Procureur Général de la République,
agissant sur demande des organes politiques (Président de la
République et Bureaux des Chambres du Parlement) puisse avoir lieu.
L'évolution des institutions et la qualité des hommes qui les
animaient ne permettaient pas de vivre la réalité du contentieux
constitutionnel. Il faut dire qu'en ce moment-là certaines dispositions,
qui pouvaient se justifier théoriquement et en droit comparé, ont
eu, en République Démocratique du Congo, un but décoratif,
en vue très souvent de la consommation extérieure.
Finalement, le citoyen ne pouvait s'attaquer contre un acte
anticonstitutionnel en cas de procès que si son juge estime devoir
retenir l'exception d'inconstitutionnalité791(*). En outre, l'ignorance par
le citoyen de ses libertés et droits fondamentaux reconnus par la
Constitution et les appréhensions sur l'indépendance des juges
congolais, pour les raisons évoquées ci-dessus peut constituer un
obstacle majeur à l'aboutissement d'une telle procédure.
En conclusion, on peut relever que l'absence, à
l'époque, du contrôle à priori afin de bloquer la
promulgation de toute loi votée jugée non-conforme à la
Constitution a permis d'enregistrer dans l'arsenal législatif congolais
des dispositions liberticides.
On peut prendre l'exemple de l'alinéa 2 de l'article 14
du Décret-loi n°002/2002 du 26 janvier 2002 portant institution,
organisation et fonctionnement de la Police nationale congolaise792(*). Cette disposition est la
reprise de l'article 31, alinéa 2, de l'Ordonnance-loi n°72-031 du
31 juillet 1972 portant institution d'une Gendarmerie nationale pour la
République du Zaïre. Suivant cette disposition, la Police Nationale
peut « s'assurer, pour le temps nécessaire à la
vérification de son identité, de toute personne dont le
comportement lui paraît suspect ou qui circule sans document
d'identité ».
Quel est alors le régime positif de ces actes en droit
positif congolais ?
2. Application concrète
dans la Constitution du 18 février 2006
La Constitution du 18 février 2006 organise un
régime spécial aux actes ayant force de loi qui les rattache
à la troisième catégorie de la typologie de Félix
Vunduawe793(*).
En effet, aux termes des dispositions des articles 129 et 143
à 145 de la Constitution, il ressort que pour l'exécution urgente
de son programme, le gouvernement peut demander à l'Assemblée
nationale ou au Sénat l'autorisation de prendre des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi, pendant un délai limité et sur
des matières déterminées et ce, par voie
d'ordonnances-lois. 794(*)
Elles sont délibérées en conseil des
ministres et signées par le Président de la
République.795(*)
Elles entrent en vigueur dès leur publication au journal officiel et
tombent en caducité si elles ne sont pas ratifiées dans le
délai fixé par la loi d'habilitation.796(*) Lorsqu'elles sont
ratifiées, les ordonnances-lois ainsi prises demeurent en vigueur
jusqu'à leur modification par une loi.797(*)
S'agissant des mesures d'urgence qui seraient prises pendant
l'état d'urgence ou l'état de siège, il est possible de
noter des mesures qui relèvent de la loi même si la forme qu'elles
empruntent est une ordonnance. Ici, les ordonnances doivent être
délibérées en conseil des ministres.798(*)
Lorsque les mesures prises par telles ordonnances
relèvent de la loi ou même de la Constitution, non seulement elles
sont soumises au contrôle de la Cour constitutionnelle qui doit
déclarer si elles dérogent ou non à la Constitution mais
en sus elles constituent des actes de gouvernement dans la mesure où les
ordonnances visées concernent les rapports entre les pouvoirs
constitutionnels et échappent ainsi au contrôle du juge
administratif.
Il s'agit plus précisément de la décision
initiale de recourir à l'article 145 de la Constitution et ensuite des
pouvoirs qu'il met en oeuvre au terme de la procédure. Si le chef de
l'Etat est un dictateur constitutionnel, l'Etat de droit constitutionnel
postule en revanche que les ordonnances prises dans ce cadre soient
contrôlables par le juge constitutionnel devant lequel la théorie
des actes de gouvernement ne peut trouver application.
D'ailleurs admettre qu'une théorie, soit-elle une
émanation spirituelle d'un esprit éclairé, fasse ombrage
au contrôle du juge, c'est du même coup accepter que les
oppressions d'un homme échappent à la censure du fait de la
volonté d'un seul ou de quelques uns, fussent-ils des savants. Depuis
Max Weber, l'on sait que le savant peut être artisan d'une science
partisane.
L'admettre, c'est aussi en effet faire échapper
certains actes de l'Etat à la censure du juge encore que le constituant
lui-même a entendu limiter lesdits pouvoirs exceptionnels par le respect
des droits de la personne humaine.799(*)
Tel est le régime des actes de l'Exécutif
intervenus dans le domaine de la loi. En est-il de même de ceux des
assemblées parlementaires ?
c) Les actes
d'assemblée
La lecture des dispositions de l'article 100 de la
Constitution sous revue donne à voir que le parlement non seulement
exerce le pouvoir législatif dont les assises viennent d'être
analysées, mais aussi il contrôle le gouvernement, les entreprises
publiques ainsi que les établissements et les services publics. Le
syntagme « acte d'assemblée » recouvre donc les
actes non législatifs du parlement.
En revanche, par acte législatif, il faut entendre un
acte portant normes générales, impersonnelles et obligatoires
émanant du législateur parlementaire ou exécutif dans les
conditions prévues par la Constitution. Cette définition recouvre
donc les lois et les actes ayant force de loi.
Les actes d'assemblée sont donc ceux non
législatifs ou plus exactement ceux qui concourent au bon fonctionnement
du parlement en dehors de sa mission d'élaborer la loi. Ainsi une
résolution de l'assemblée nationale ou provinciale adoptant une
motion de censure ou de défiance constitue un acte d'assemblée
dont le contrôle peut être exercé par le juge
constitutionnel.800(*)
Le constituant ne définit pas un acte
d'assemblée. Il désigne avec précision les normes que peut
prendre une Assemblée parlementaire. Celle-ci vote les lois nationales
ou les édits provinciaux. En dehors de ces normes de nature
législative, les assemblées parlementaires prennent des actes
d'assemblée801(*).
Par contre, il faut éviter la confusion avec les actes
administratifs qui peuvent être pris par les Présidents des
assemblées parlementaires. Peuvent être considérés,
à ce titre, comme actes administratifs, les décisions
d'affectation des agents de carrière des services publics de l'Etat mis
à leur disposition et de nomination du personnel politique et d'appoint
des cabinets des membres des bureaux des chambres parlementaires ainsi que des
membres de commissions parlementaires ad hoc802(*). Ces actes ne sont pas des actes d'assemblée.
Cependant, il n'est pas exclu que les Présidents des chambres
parlementaires prennent même des actes administratifs
réglementaires, notamment lorsqu'ils règlent le fonctionnement de
différents cabinets des membres des bureaux.
Les actes d'assemblée, par contre, se rapportent
à l'élaboration et à l'adoption des règlements
intérieurs des chambres parlementaires, du Congrès, des
commissions parlementaires, des motions de défiance ou de censure ainsi
que les résolutions, les recommandations adressées à
d'autres institutions803(*).
Ainsi donc, la Cour constitutionnelle congolaise
contrôle la conformité des actes d'assemblée à la
Constitution, sur pied de son article 160, alinéa 2 tel que
complété par l'ordonnance législative du 14 mai 1886
approuvé par décret du 12 novembre 1886.
L'on peut noter qu'une confusion théorique perdure
à la Cour suprême de justice qui mélange les actes
d'assemblée avec les actes législatifs. De même qu'il
faudra un effort pour dissocier la notion des actes d'assemblée d'avec
celle des actes législatifs, il faudra éviter de confondre, ici
aussi, les actes d'assemblée avec les actes de gouvernement. Les actes
d'assemblée et les actes législatifs sont des actes
parlementaires, ils relèvent ainsi de la compétence du juge
constitutionnel. Par contre, les actes de gouvernement sont des actes
administratifs, par principe, justiciables du Conseil d'Etat.804(*).
Il importe de noter qu'un acte d'assemblée
n'échappe pas au contrôle du juge constitutionnel dès
lors qu'il viole les droits et libertés publiques garantis par la
Constitution ou qu'il porte atteinte à ce que le constituant a
considéré comme matière protégée805(*).
Ce principe a été rencontré par le juge
constitutionnel congolais. En effet, prenant appui à la Constitution du
18 février 2006, Célestin Cibalonza Byatarana, alors gouverneur
de la province du Sud Kivu, avait saisi, en date du 15 novembre 2006, la Cour
suprême de justice pour solliciter l'annulation de l'acte
d'Assemblée provinciale du 14 novembre 2007 portant motion de censure
contre lui et son gouvernement.
Dans son unique moyen d'inconstitutionnalité et
d'annulation de la dite motion, le requérant évoque la violation
par l'Assemblée provinciale de la Constitution806(*). Il précise que
depuis le dépôt jusqu'à son vote, la motion de censure ne
lui avait pas été notifiée, l'Assemblée provinciale
aurait même refusé de l'inviter à présenter ses
moyens de défense.
Examinant ladite requête, la Cour suprême de
justice, toutes sections réunies, a rendu en date du 27 décembre
2007 l'arrêt R.Const.062/TSR807(*)dans lequel elle a déclaré
inconstitutionnelle la motion du 14 novembre 2007 au motif qu'elle a
violé les dispositions constitutionnelles qui garantissent le droit de
la défense.
L'arrêt intervenu dans cette affaire importante
présente de même un intérêt théorique
évident dans la mesure où la haute Cour procède à
une définition de la notion constitutionnelle du droit de la
défense. Cet effort de théorisation est louable et place notre
Cour suprême de justice au diapason des autres juridictions de même
rang dans le monde.
Par cette décision qui constitue, avec l'arrêt
R.Const. 051/TSR du 31 juillet 2007808(*), une constante dans la jurisprudence
constitutionnelle congolaise, on est permis de penser que la justice congolaise
a été au service de l'Etat et du citoyen.809(*)
Voyons à présent quels sont, en droit positif,
ces actes.
1. Le règlement
intérieur de l'Assemblée nationale
Sans qu'il ne soit nécessaire d'épiloguer
longuement sur le règlement intérieur de l'Assemblée
nationale, il suffit de constater que l'article 112 de la Constitution fonde
son existence en droit congolais.
Avant sa mise en application, ledit règlement est
obligatoirement transmis par le Président du bureau provisoire de
l'Assemblée nationale à la Cour constitutionnelle qui se prononce
sur sa conformité à la Constitution dans un délai de
quinze jours. Passé ce délai, le règlement
intérieur est réputé conforme.810(*)
Il faut relever cependant qu'il s'agit d'un contrôle de
constitutionnalité a priori. En raison des matières
contenues dans ledit règlement et de l'influence qu'elles peuvent
exercer sur le fonctionnement d'une institution centrale du régime
politique, le contrôle a posteriori dudit règlement
devrait être possible.
Il peut arriver, en effet, et c'est déjà
arrivé que le règlement intérieur d'une assemblée
provinciale soit contraire à une loi postérieurement à sa
mise en application.
C'est le cas du règlement intérieur de la
province de l'Equateur qui exige un quorum différent de celui
exigé par la loi sur la libre administration des provinces pour ce qui
est de l'adoption d'une motion de censure ou de défiance à
l'endroit du gouverneur de province.811(*)
Dans ce cas, puisque le règlement intérieur
viole la loi organique et de ce fait la disposition constitutionnelle
visée par cette loi organique, il y a lieu, à notre avis,
d'attaquer en inconstitutionnalité tel règlement
intérieur, les termes de l'article 162, alinéa 2 de la
Constitution étant de nature à couvrir tout
règlement.812(*)
2. Le règlement
intérieur du Sénat
Les développements que nous venons de consacrer au
règlement intérieur de l'Assemblée nationale demeurent
valables mutatis mutandis à l'égard du règlement
intérieur du Sénat qui est une des deux chambres du parlement
congolais qui est bicaméral. Cependant l'on peut avancer qu'au regard de
lois purement sénatoriales il y a moins de risque que la
démocratie soit entravée de ce côté-là. Le
risque politique majeur demeure, l'on s'en doutera, du côté du
Congrès.
3. Le règlement
intérieur du Congrès
A ce jour, ce règlement pourtant prévu par les
dispositions expresses de l'article 114 de la Constitution a vu le jour
entrainant par là l'inconstitutionnalité manifeste de tout autre
règlement intérieur du Congrès qui est venu à
être élaboré en dehors du délai
constitutionnellement prévu qui est la première session
après la séance d'ouverture présidée par le
Secrétaire général de l'Administration de chacune de deux
chambres.
Il convient ici aussi d'indiquer que dans la mesure où
il viendrait à porter atteinte aux droits et libertés individuels
garantis par la Constitution, tel règlement serait soumis au
contrôle du juge constitutionnel sans qu'aucune théorie ne soit
valablement invoquée devant lui pour empêcher son contrôle.
Une autre observation sur le fonctionnement dudit
Congrès mérite d'être relevée. Il convient
d'insister que la Constitution813(*) exige que le règlement intérieur
du Congrès soit obligatoirement adopté pendant la session
extraordinaire qui a suivi la proclamation des résultats des
élections législatives.814(*)Elaboré au cours de la session ordinaire de
septembre 2007, ce règlement a été déclaré
conforme à la Constitution815(*) à l'exception des quelques
dispositions816(*).
4. Les
résolutions
Le contrôle est également possible contre les
résolutions dans la mesure où elles contredisent les dispositions
pertinentes de la Constitution ou les libertés individuelles garanties
par cette dernière. C'est ici l'occasion de dire que les motions de
censure et autres interpellations demeurent des mécanismes de
contrôle parlementaire qui s'expriment après le vote par des
résolutions.817(*)
Ainsi, au lieu d'aller chercher la catégorie
« actes législatifs », le juge suprême
congolais faisant office de juge constitutionnel aurait du qualifier l'acte
attaqué par devers lui d'acte d'assemblée.818(*) Seulement, là, il
aurait eu à justifier autrement sa compétence matérielle
au regard de l'article 162 alinéa 2 de la Constitution
déjà mentionné.
Les résolutions ont ainsi, l'on s'en doute, une
portée positive réelle qui affecte l'ordonnancement juridique. Il
est même inadmissible que tels actes restent en dehors du contrôle
du juge. De même, l'on peut noter qu'il y aurait un recul énorme
tant déjà à l'époque dite de la IIème
république, deux arrêts819(*) avaient déjà établi la
compétence matérielle du juge constitutionnel en matière
d'actes d'assemblée.
Il y a donc lieu que la future loi organique consolide cet
acquis et l'étende au-delà du simple contrôle des mandats
parlementaires porté par l'article 144 de la procédure devant la
Cour suprême de justice. Il y va de la démocratie
représentative. Les actes de l'élu ne doivent aucunement
outrepasser la volonté du peuple souverain exprimée dans la
Constitution.
Il en va de même de la résolution n° 005 du
13 avril 2007 portant création de la Commission spéciale
chargée d'examiner la suite à donner aux arrêts de la Cour
suprême de justice en matière de contentieux électoral des
Députés nationaux dont le caractère inconstitutionnel
n'est pas à rechercher.820(*)
Heureusement, sa léthargie a eu pour effet de ne pas
heurter de front la volonté constituante. Elle a abouti à des
recommandations dont le caractère non obligatoire heureusement ne cause
pas grief.
5. Les recommandations
Les recommandations qu'adresse le parlement au gouvernement ou
à une autorité publique quelconque relèvent de la
collaboration des pouvoirs qu'implique l'unité du pouvoir politique dans
l'Etat.
Il s'agit en effet de conseils ou des avis que
l'assemblée émet sans y attacher une portée juridique
quelconque. Il sied de noter qu'au cas où telles recommandations
heurteraient les dispositions de la Constitution, celle-ci devrait l'emporter
devant le juge constitutionnel surtout si celles-là touchaient
immanquablement aux droits garantis aux citoyens.
L'on peut prolonger la réflexion sur la
possibilité ou non d'attaquer un acte quel qu'il fut qui aurait mis en
application une recommandation d'une assemblée inconstitutionnelle.
L'acte serait attaqué qualitate qua ou plutôt le
caractère médiat de la recommandation serait invoqué comme
une sorte d'acte-écran. Nous penchons vers la deuxième
thèse en opinant que l'acte devra être attaqué sans que la
recommandation ne soit invoquée à l'appui du soutènement
de la requête en inconstitutionnalité. Par principe, les
recommandations ne devraient pas être soumises au contrôle du juge
sauf si elles contiennent des dispositions décisoires susceptibles donc
de causer grief.
Dans un pays qui sécrète une pauvreté,
voire une misère sémiologique dans le discours politique, il faut
craindre le dévoiement qu'un auteur exprime ainsi : le plus
« dramatique » aurait été peut-être
« la pauvreté du débat politique et idéologique»
qui aurait été remplacé par « l'émergence de
thématiques d'exclusion».821(*)
Un type particulier des normes provinciales a
défrayé la chronique dans le contentieux constitutionnel de notre
pays : il s'agit des actes d'Assemblée provinciale.
6. Les actes d'assemblée provinciale
La lecture attentive de l'article 160 de la Constitution donne
à voir que le Constituant a laissé hors du giron du
contrôle de constitutionnalité les édits et les autres
actes d'assemblée provinciale. Il s'agit d'une omission qui a
été corrigée par les prévisions de l'article 73 de
la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs
à la libre administration des provinces, pour ce qui est des
édits.822(*)
S'agissant des autres actes d'assemblée, il y a lieu de
faire le départ entre les règlements d'ordre intérieur et
les résolutions portant motions de défiance ou de censure du
gouvernement provincial. En effet, par l'ampleur des désordres que ces
notions entraîne dans les provinces, il échet de s'y attarder un
instant. L'on peut noter, contrairement à la pratique observée
dans certaines provinces, que le règlement d'ordre intérieur de
l'Assemblée provinciale doit être soumis a priori à la
censure de la Cour constitutionnelle, avant son entrée en vigueur.
C'est donc le lieu de fustiger l'attitude des
assemblées provinciales ayant fait contrôler leur règlement
d'ordre intérieur par les Cours d'appel, sections administratives, alors
que, manifestement, il s'agit des actes d'assemblée non susceptibles de
contrôle par le juge administratif. Il reste, à y regarder de
près, le seul contrôle du juge constitutionnel auquel ces actes ne
peuvent échapper dans la perspective d'un Etat de droit constitutionnel.
Les motions de défiance et de censure répondent
aux prescriptions des articles 41 et 42 de la loi susmentionnée. Ces
règles sont, à bien y regarder, les mêmes que celles qui
prévalent au niveau national contre le Gouvernement de la
République. Le contrôle de constitutionnalité se fera
devant la Cour constitutionnelle et non devant la Cour d'appel, section
administrative.823(*)
La proposition de Paul-Gaspard Ngondankoy, faite ci-dessus,
devrait mettre la puce à l'oreille du législateur organique qui
devrait embrasser la totalité des actes d'assemblée dans le giron
du contrôle de constitutionnalité. Le constituant ne le dit pas
expressis verbis, mais par cette voie mineure de la loi organique l'on
peut raisonnablement toucher tous les actes litigieux. Mis à part les
actes d'assemblée ainsi recensés, il demeure que la question de
contrôle des règlements ne se pose plus en droit congolais.
§2. Le contrôle de
constitutionnalité des règlements
Le contrôle de constitutionnalité des
règlements est sans aucun doute l'une des marques du droit
constitutionnel moderne et une des caractéristiques essentielles de
l'évolution de la conception de la notion de l'Etat de droit.
En effet, la démocratie constitutionnelle implique que
l'administration, comme les particuliers, soit aussi soumise aux normes
constitutionnelles. La notion ancienne de la légalité excluait,
tout au moins en théorie, le contrôle des actes de
l'administration tant qu'ils ne violaient pas directement la loi, même si
la violation d'une disposition constitutionnelle pouvait être
invoquée comme moyen d'illégalité au sens large.
La Constitution ne donne aucune définition d'acte
réglementaire. Celui-ci peut être défini comme tout acte
unilatéral pris par l'administration dans ses rapports avec les
administrés. Pris par une autorité publique, un acte
réglementaire a pour finalité de produire des règles
juridiques générales et impersonnelles824(*). Son édiction ne
donne pas lieu à une concertation entre l'administration et les
administrés. Etabli dans ces conditions, un acte réglementaire
poursuit obligatoirement la satisfaction de l'intérêt
général.
Dans la pratique, un acte règlementaire peut se
manifester de deux manières : il peut apparaître sous la
forme d'un acte autonome ou d'un acte subordonné. Le règlement
subordonné complète la loi et en assure l'exécution. Le
règlement autonome est un acte pris par l'exécutif en toute
matière où la Constitution ne donne pas expressément
compétence au législateur. Cet acte intervient dans des
matières autres que ceux qui sont du domaine de la loi825(*). Il importe de souligner,
avec le Professeur Vunduawe te Pemako, que le règlement autonome peut
bien intervenir dans le domaine de la loi, en cas de vide juridique ou avant
l'intervention du législateur. C'est la définition du
règlement autonome au sens doctrinal.826(*)
Par rapport à leurs auteurs, les actes
réglementaires peuvent revêtir plusieurs formes.
Conformément à la Constitution, le Président de la
République statue par ordonnance827(*) et le Premier ministre par décret828(*). Le ministre
national829(*), le
gouverneur de province830(*), le ministre provincial831(*) et le maire832(*) agissent par voie
d'arrêté. Il en ainsi du bourgmestre833(*) et du chef de secteur ou de
chefferie834(*).
Dans l'organisation administrative, l'autorité
compétente peut prendre plusieurs types d'actes réglementaires,
à savoir les règlements d'administration et de police. Tous ces
actes sont soumis au contrôle de légalité devant le juge
administratif.
Il semble que dans l'examen de la conformité à
la Constitution des actes règlementaires, le juge soit invité
à moduler son intervention en fonction de types d'activités
exercées. Nadine La Grance établit à ce sujet deux types
d'activités à partir desquelles, le contrôle peut
être envisagé835(*). Le contrôle peut porter sur les
activités régaliennes du gouvernement ou sur l'intervention de
l'exécutif dans le domaine législatif.
Dans ce dernier cas, l'intervention du juge constitutionnel
apparaît facile et efficace. Il n'en est pas autant pour le premier cas.
Dans celui-ci en effet, le juge doit, selon l'auteur, se montrer prudent pour
éviter de se livrer à ce qu'il appelle
« l'irréductibilité politique »836(*). Il doit, dans une
perspective de l'exercice de sa politique jurisprudentielle, être
réaliste. Le juge ne doit pas chercher à imposer à tout
prix et en toute circonstance le respect de la Constitution837(*).
L'analyse de la Grance est critiquable. Gardien de la
légalité constitutionnelle, le juge constitutionnel est tenu de
s'assurer que, dans l'édiction par les pouvoirs publics des actes
réglementaires, la Constitution est respectée. De ce point de
vue, le juge doit, par ses décisions courageuses et
indépendantes, imposer à tout prix le respect de la
Constitution.
Le contrôle de la constitutionnalité des normes
réglementaires n'avait toujours pas été consacré en
droit constitutionnel congolais. Introduit dans l'actuelle Constitution, il
constitue une innovation importante vers l'encadrement du pouvoir des
gouvernants et permet au juge constitutionnel d'assurer la régulation de
l'activité normative des pouvoirs publics838(*).
Le droit constitutionnel moderne dans son acception d'Etat de
droit constitutionnel permet d'invoquer la violation de la Constitution comme
norme principale tant devant le juge administratif que devant le juge
constitutionnel. Cependant cette dyarchie normative est de nature à
créer un conflit de compétence entre ces deux juges. Et, pour y
remédier, il faut mais il suffit d'indiquer la frontière entre
les types des actes réglementaires susceptibles ou non d'être
contrôlés par le juge constitutionnel.
Il importe de dégager ici les conditions ou mieux le
critère pertinent pour distinguer le règlement susceptible
d'être soumis au juge constitutionnel ou devant le juge administratif, en
l'occurrence le Conseil d'Etat. En effet, il faut que l'acte à censurer
soit un acte réglementaire qui échappe à la
compétence du juge administratif.839(*)
Il faut affirmer que le juge administratif détient une
compétence de principe, en vertu de l'article 155, alinéa
1er, de la Constitution, alors que le juge constitutionnel, sur pied
de la finale de l'alinéa 2 de l'article 162 de le même
Constitution garde une compétence résiduaire. Il est donc
à conclure que le juge constitutionnel reste seul compétent
envers les actes réglementaires ayant toujours échappé au
juge administratif. C'est une implication de la notion d'Etat de droit
constitutionnel énoncée par le constituant : aucun acte ne
doit échapper à la censure du juge, dans l'idée qu'il
doit à tout prix éviter un déni de justice.
Ainsi donc, le juge constitutionnel congolais restera
compétent toutes les fois qu'un acte administratif ne peut être
contrôlé par le juge administratif au motif qu'il serait un acte
de gouvernement. De ce principe, l'on doit donc déduire ce
critère : il doit s'agir d'un règlement dont la censure
n'est pas possible devant le juge administratif. Dans cette hypothèse,
seuls les actes de gouvernement peuvent être visés, tous les
autres étant justiciables devant le Conseil d'Etat.
Ce critère s'appliquera à tous les actes
administratifs réglementaires quelle qu'en soit l'origine.
A. Les règlements des
autorités administratives indépendantes
Le Constituant du 18 février 2006, à la suite de
son homologue de la transition, a établi un certain nombre
d'institutions d'appui à la démocratie qui sont des organismes
publics de nature constitutionnelle chargés de gérer des secteurs
importants de la vie nationale et de contribuer ainsi à la saine
expression de la démocratie dans notre pays. Ces autorités sont
administratives en ce qu'elles gèrent des services publics et à
ce titre, elles disposent du pouvoir réglementaire qui doit être
encadré par le droit et notamment le droit constitutionnel.840(*)
En ce qui concerne les institutions d'appui à la
démocratie, on remarque que, sur cinq que prévoyait la
Constitution de la transition du 4 avril 2003, deux ont été
maintenues dans l'actuelle Constitution. Il s'agit de la Commission
électorale nationale indépendante841(*) et du Conseil
supérieur de l'audiovisuel et de la communication842(*).
1. La Commission
électorale nationale indépendante
Par le caractère hautement politique attaché
à ses décisions, la Commission électorale nationale
indépendante ne pouvait être distraite du contrôle du juge
constitutionnel. Du fait qu'il s'agit d'une autorité administrative
indépendante, ses décisions auraient du être soumises au
contrôle du juge administratif. L'impartialité spéciale
dont doit jouir le juge devant de tels actes milite cependant en faveur du juge
constitutionnel dont la place dans l'architecture juridictionnelle du pays lui
confère une primauté susceptible de le mettre à l'abri de
vaines tentatives d'intimidation.
Du point de vue technique toutefois, un recours en annulation
pour excès de pouvoir est toujours possible contre un règlement
entaché d'illégalité pris par la Commission
électorale nationale indépendante. S'agissant des actes
individuels qu'elle est amenée à prendre, ils demeurent de la
compétence du Conseil d'Etat.
Il faut cependant nuancer cette proposition en affirmant que
s'agissant d'un organisme public personnalisé et dont l'existence est le
fait de la Constitution, il demeure cohérent avec le système
juridique congolais que cet organisme s'occupant du processus électoral
et référendaire soit sous le contrôle du juge
constitutionnel par le biais des décisions qu'elle peut prendre et qui
aboutissent à la compétence du juge constitutionnel. Il faut donc
noter que les actes administratifs réglementaires que pose la Commission
électorale nationale indépendante par leur finalité visent
l'investiture des fonctions politiques de l'Etat et par conséquent,
devraient relever de la compétence du juge constitutionnel.
L'on dirait simplement que la Commission intervient en amont
tandis que la Cour constitutionnelle fonctionne en aval chaque fois qu'il
s'agit du processus électoral et référendaire.
Ainsi, l'alinéa 3 de l'article 211 de la Constitution
en posant que « elle assure la régularité
du processus électoral et référendaire »
indique que cette Commission a des pouvoirs juridiques qui doivent être
encadrés par le droit et sanctionnés par le juge.
A ce jour, la jurisprudence ne recense pas encore un cas d'un
règlement de la Commission électorale nationale
indépendante devant le juge constitutionnel.
2. Le Conseil supérieur
de l'audiovisuel et de la communication
Les développements que nous venons d'articuler au point
précédent sont valables pour ce qui est du conseil
supérieur de l'audiovisuel et de la communication. Il importe seulement
de noter ici que c'est la liberté d'expression qui va de pair avec la
liberté politique qui est spécialement protégée par
le constituant.
En effet, cette institution d'appui à la
démocratie, a la possibilité contentieuse de créer
d'énormes atteintes aux droits fondamentaux liés à la
liberté d'expression et à celle d'opinion. En cela, les deux
libertés fondamentales constituent le socle de la vie
démocratique dont l'usage ne saurait être livré au bon
vouloir d'une commission dont les membres ne dépendent pas directement
du peuple souverain.
L'on peut dire, avec Félix Vunduawe, que cette
institution a la lourde mission d'assurer le respect de l'expression pluraliste
des courants de pensées et d'opinion, spécialement en ce qui
concerne les émissions d'information politique.843(*)
Il est donc cohérent dans le système de justice
constitutionnelle qui est le nôtre que les règlements
émanant de cette autorité soient soumis au double contrôle
de la légalité et de la constitutionnalité.
Ce double contrôle n'existe pas, on le verra, à
l'égard des actes de gouvernement dont la connaissance échappe au
juge administratif.
B. Les actes de
gouvernement
La notion d'actes de gouvernement dont la définition
doctrinale844(*) est
à la base d'une controverse par rapport à la notion d'Etat de
droit constitutionnel845(*) a toujours constitué le bouclier juridique
des incertitudes dans notre droit positif. En effet, notre Cour suprême
de justice a déjà eu à l'appliquer comme stratégie
d'évitement, pour paraphraser Paul Gaspard Ngondankoy846(*), dans l'arrêt
R.A320.847(*)
D'origine jurisprudentielle et doctrinale en droit
comparé français et belge848(*), le concept a, chez-nous, un fondement
législatif en l'article 87, alinéa 3 de la procédure
devant la Cour suprême de justice.849(*) Il s'agit donc de certains actes de
l'Exécutif qui concernent les rapports entre les pouvoirs
constitutionnels ou se situent dans les relations internationales et qui,
à cause de leur caractère hautement politique, échappent
à la censure du juge. 850(*)
Il faut devoir à l'histoire du droit de dire que cette
notion est née dans le giron du Conseil d'Etat
français.851(*)
Les actes de gouvernement sont régis en droit administratif par un
régime juridique spécial qui rend tous recours contentieux
à leur égard irrecevables et impossible toute réparation
de dommages causés à leur suite.852(*) Le recours en
réparation pour préjudice exceptionnel reste seul envisageable
dans cette occurrence.
Il est évident qu'un tel régime heurte de face
les implications de l'Etat de droit constitutionnel853(*). Aussi, est-il admis que les
actes de gouvernement, comme par exemple une ordonnance présidentielle
de dissolution de l'Assemblée nationale ou une ordonnance d'amnistie ou
de nomination d'un premier ministre, devraient aujourd'hui être
attaqués en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle
sans que leur non-censure ne soit invoquée. La seule condition de
pertinence du recours devant être la non-conformité de l'acte
attaqué à la loi fondamentale.854(*)
Il faut tout de suite noter cependant que si le juge
administratif congolais est incompétent pour censurer les actes de
gouvernement, il reste ouverte la possibilité d'une réparation
pour préjudice exceptionnel en vertu de l'article 155, alinéa 3
de la Constitution du 18 février 2006.
Par ailleurs, une ordonnance de ratification d'un
traité international qui ne vérifierait pas les conditions
prévues par la Constitution devrait de même être
contestée devant le juge constitutionnel car, dans tous les cas, un acte
de gouvernement demeure un acte gouvernemental et, à ce titre,
susceptible de contrôle juridictionnel.
Assimiler l'acte de ratification et/ou d'approbation au
traité ou accord international qui en fait l'objet, c'est, à coup
sûr, opérer un revirement dangereux dans la position de la
doctrine ; celle-ci a toujours maintenu la distinction qui a
l'utilité opératoire de permettre un contrôle de
constitutionnalité des actes ayant autorisé ou approuvé
une convention internationale inconstitutionnelle en s'interdisant de juger le
traité ou la convention internationale litigieux. L'on a noté
plus loin que le juge a toujours eu des scrupules lorsqu'il faut
contrôler les actes de haute portée politique, en l'occurrence
ceux susceptibles d'engager la responsabilité internationale de
l'Etat.
En sera-t-il, de même, de règlements des
juridictions ?
C. Les règlements des
cours et tribunaux
Les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire comme ceux de
l'ordre administratif sont généralement autorisés à
prendre de règlements d'ordre intérieur dont la
régularité pouvait et peut être contrôlée par
le juge administratif.855(*)
En effet, en ce qu'ils organisent le service public de la
justice, les règlements d'ordre intérieur des cours et tribunaux
sont purement des actes administratifs pris par les autorités
administratives en vertu du principe de dédoublement fonctionnel et, par
conséquent, ils sont soumis au contrôle du Conseil d'Etat et
d'autres juridictions administratives prévu à l'article 155 de la
Constitution du 18 février 2006 déjà mentionné.
Dans l'histoire constitutionnelle du pays, il y a lieu
d'indiquer que les cours et tribunaux ont été classés
parmi les institutions de la République même si leur
caractère politique n'a été affirmé
malencontreusement que par la Constitution de la transition de 2003.856(*)
Le régime contentieux de règlements d'ordre
intérieur est fixé par la Constitution actuelle qui les soumet au
contrôle du juge administratif, même si avant cette loi
fondamentale, l'on peut raisonnablement affirmer qu'un contrôle
hiérarchique était toujours possible contre tels
règlements.
Mais là il s'agit d'un contrôle administratif et
même politique qui n'est pas du contentieux constitutionnel.
C'est le cas de règlement d'ordre intérieur de
la Cour prévu par les articles 203 et 205 de l'arrêté
d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 aout 1979 portant
règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets.857(*)
Comme dit plus haut, une violation directe de la Constitution
rend le règlement d'ordre intérieur susceptible d'un recours en
annulation pour excès de pouvoir.
Cette affirmation embraie naturellement sur la certitude que
le régime des règlements autonomes est celui de la
constitutionnalité.
D. Le règlement
autonome
Au-delà de la définition doctrinale et technique
du règlement autonome, il importe d'emblée de noter que l'article
128 de la Constitution trace le cadre de cette matière. En effet, les
matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire. Cet énoncé constitutionnel
infère à la notion de la protection du domaine
réglementaire.
Par ailleurs, la loi n'intervenant plus souverainement en
toutes matières, le règlement a une extension plus large que la
loi, comme expression de la volonté générale. Ainsi,
plusieurs matières non attribuées au législateur seront
réglementées par voie de décret du Premier
ministre qui détient le pouvoir réglementaire
général, 858(*)concurremment avec d'autres détenteurs du
même pouvoir que sont : le Chef de l'Etat, pour des
prérogatives lui dévolues par la Constitution859(*)et les Gouverneurs de
Province, pour toutes les matières non dévolues au
législateur national mais relevant de compétences exclusives des
provinces.860(*)
En attribuant le caractère réglementaire aux
matières autres que celles qui sont du domaine de la loi - et non aux
matières autres que celles énumérées par les
articles 122, 123 et 124 de la Constitution-, le constituant a
conféré au système de délimitation des
compétences législatives et réglementaires une souplesse.
Le premier alinéa de la disposition de l'article 128 de la Constitution
définit, par soustraction des matières législatives, un
domaine réglementaire. Mais au titre du pouvoir qualifié
habituellement de pouvoir réglementaire autonome, le domaine est
très restreint :
1. Les matières non attribuées par la
Constitution au pouvoir législatif sont peu nombreuses.
2. Le législateur demeure seul compétent pour
porter atteinte aux principes généraux du droit à valeur
législative.
3. Les matières réglementaires dites autonomes
peuvent être réduites, voire supprimées : ainsi un
abaissement par la loi du seuil des peines pourrait faire disparaitre les
peines de police administrative.
4. Le mécanisme de défense du domaine
réglementaire est facultatif au voeu même de l'alinéa 2 de
l'article 128 de la Constitution. La formulation conditionnelle et facultative
dudit alinéa est de nature à asseoir cette assertion.861(*)
A l'inverse, la compétence réglementaire s'est
considérablement étendue dans les matières
législatives, qu'il s'agisse des matières à règles
de l'article 122 ou des matières à principes fondamentaux de
l'article 123.
En effet, le constituant réserve au législateur
la fixation des règles et laisse en vertu des dispositions
vantées le soin au pouvoir réglementaire d'édicter les
mesures nécessaires pour l'application desdites règles. Il
importe de souligner cependant que quel que soit le contenu des
règlements autonomes, le régime contentieux de ces actes reste
celui des actes administratifs car, comme dit René CHAPUS, le juge
administratif, dans quelques espèces, apprécie la
régularité des actes réglementaires autonomes sans les
rapporter aux articles 34 et 37 (122 et 123 de la Constitution congolaise du 18
février 2006) parce que les dispositions législatives pour
l'application desquelles l'acte a été pris font un écran
à un contrôle de constitutionnalité.862(*)
Le problème de la délégalisation des
textes à caractère de loi se pose en des termes différents
en droit français qui a inspiré l'alinéa
2ème de l'article 128. En effet, au lieu des textes
à forme législative de l'article 37 français,
le constituant congolais a opté pour
l'expression « textes à caractère de
loi ». La synonymie ne peut être établie manifestement
dans ce cas.
Par ailleurs, l'expression française a l'avantage
d'embrasser tous les actes législatifs antérieurs ou
postérieurs à la Constitution intervenus dans le domaine
réglementaire ; en revanche, le syntagme congolais serait à
entendre uniquement des lois formelles et non les actes ayant force de loi. Car
le mot caractère utilisé infère au contenu et non à
la forme.
En conclusion, il est souhaitable que la jurisprudence de la
Cour constitutionnelle fasse pourtant une synonymie entre les deux expressions
pour une meilleure protection constitutionnelle du domaine
réglementaire.
La délégalisation qui concerne les lois
intervenues dans le domaine réglementaire ne peut cependant concerner
les lois référendaires pour la raison idéologique
déjà avancée qu'il s'agit de l'expression directe de la
souveraineté nationale. Dès lors, aucun domaine ne peut
échapper à la toute puissance du souverain.
Sinon, ce serait une contradiction interne dont les termes ne
sauraient être explicatifs. L'incontestabilité de telles lois
évite l'aporie.
Par contre, les lois organiques bien que préalablement
et obligatoirement soumises au contrôle de constitutionnalité,
peuvent être délégalisées si les conditions
prévues par la Constitution venaient à être
réalisées.
En droit français, la question est controversée
tout simplement parce que le contrôle a posteriori ouvert
à tous est inexistant. En outre, seuls soixante députés ou
sénateurs sont admis à contester sur pied de l'article 61 de la
Constitution les lois ordinaires. Ainsi, est-il admis que les lois organiques
ne peuvent être contestées que si elles contiennent des
dispositions de loi ordinaire.863(*)
Nous opinons en guise de conclusion que les lois organiques
tout comme les règlements autonomes devraient être soumis au
contrôle de constitutionnalité tant les termes exprès de
l'article 162 de la Constitution du 18 février 2006 ne semblent
écarter aucune catégorie juridique des actes législatifs
et réglementaires.
Telles sont les normes légales et réglementaires
sur lesquelles s'exerce le contrôle de constitutionnalité mais
celui-ci suppose, il faut le dire, une interprétation de la
Constitution.
§3. Le recours en
interprétation de la Constitution
Un texte n'a de sens que par et dans l'interprétation.
Interpréter un texte, c'est découvrir son sens caché ou
déposé. C'est également choisir entre plusieurs
significations qui lui sont données celle qui se rapproche plus de la
volonté de son auteur. L'interprétation a pour but d'obtenir le
sens du texte ou de délivrer son secret.
Il n'existe pas une théorie constitutionnelle des
sources et techniques d'interprétation des textes. Le recours au droit
commun a permis de retenir qu'il existe une différence entre les
sources, les méthodes et les techniques d'interprétation au
service du juge civil, pénal, administratif ou constitutionnel. En droit
pénal, par exemple, Nyabirungu Mwene Songa distingue
l'interprétation authentique de l'interprétation judiciaire et
doctrinale.864(*)
L'interprétation authentique émane du
législateur et s'impose au juge. Elle peut être contextuelle ou
postérieure au texte. L'interprétation contextuelle est celle qui
est donnée par la loi que l'on interprète. Elle tient compte du
contexte social et politique pendant le quel la loi a été
produite. L'interprétation postérieure survient après la
promulgation de la loi. Elle intervient à l'occasion des
difficultés soulevées par l'application d'une loi.
En ce qui concerne les méthodes
d'interprétation, l'auteur en retient trois :
l'interprétation peut être littérale,
téléologique ou par analogie865(*).
L'interprétation littérale vise à
découvrir le sens et la portée de la loi. L'interprète se
limite aux termes de la loi interprétée, il cherche à
connaître sa lettre.
L'interprétation théologique permet au juge de
dégager le but poursuivi par la loi, la volonté du
législateur. Elle fait prédominer l'esprit sur la lettre de la
loi. Dans la pratique, le juge sera attentif, dans l'étude grammaticale
de la loi, des termes, du temps (présent, passé, futur) et du
mode (indicatif ou impératif) utilisés par le législateur.
Cette technique lui permet de « créer, inventer et choisir
entre plusieurs significations données à la loi, celle qui
paraît réaliste : il détermine librement la
signification d'un texte »866(*).
Pour ce faire, le juge est tenu de se rapprocher des travaux
préparatoires ou du droit comparé. Il est d'ailleurs admis que le
juge recourt à la technique d'interprétation évolutive et
à l'argument « a rubrica »867(*). Cette dernière
technique consiste à découvrir le sens et la portée de la
disposition interprétée par la prise en compte de la place
qu'elle occupe dans l'ensemble du texte. Le juge fera bon usage de besoins
historiques, politiques et sociaux qui ont été à la base
de l'élaboration de la loi.
L'interprétation par analogie permet au juge
constitutionnel d'étendre l'application d'une loi ou une disposition
constitutionnelle à d'autres non expressément prévues mais
qui pourraient présenter une ressemblance avec celles portées
devant lui.
Il s'en suit que la technique d'interprétation se
trouve même au centre de la fonction du juge constitutionnel. Aussi, pour
déclarer qu'une loi est ou non-conforme à la Constitution, le
juge doit-il déterminer avec exactitude le sens de la loi
contestée et la signification correcte du principe constitutionnel qui
aura été violé.
Dans le contentieux constitutionnel, « s'affrontent
trois types d'interprétations de la loi : celle faite par le
législateur, celle donnée par le requérant et
l'interprétation du juge. Pour ce dernier, l'interprétation
consiste en une opération intellectuelle inhérente à sa
fonction et un instrument nécessaire à l'exercice de ses
charges »868(*).
Il faut se garder de considérer que le juge dispose de
toutes les recettes pour découvrir le mystère caché dans
le texte. Ce mystère est, à vrai dire, loin d'être
complètement levé ou vidé par le juge. Le texte reste
à jamais inépuisable par l'interprétation du juge.
Pour tout dire, l'interprétation du juge
constitutionnel ne peut être « qu'un moment de l'histoire du
texte qui continue à vivre et donc à pouvoir être le
support, plus tard, d'autres interprétations »869(*). Il est, en revanche, nous
rappelle Pierre Brunet, une question qui ne dépend pas du contenu mais
de la forme même de la Constitution : exige-t-elle l'emploi de techniques
interprétatives spécifiques ? C'est ce que tendent à
penser beaucoup de constitutionnalistes.
Les arguments en faveur d'une spécificité des
techniques interprétatives sont généralement au nombre de
trois : d'une part, la constitution est composée de principes qui
n'admettent pas une interprétation littérale mais doivent
être interprétés ; d'autre part, les antinomies entre les
principes constitutionnels ne peuvent être résolues à
l'aide des critères classiques mais doivent prendre la forme d'une
pondération, d'un balancement entre principes ; enfin, le juge
constitutionnel se situe à mi-chemin entre le législateur et le
juge ordinaire: il est libre comme peut l'être le législateur mais
cette liberté est encadrée par des exigences prudentielles, ce
qui l'éloigne du juge ordinaire qui, lui, est tenu de se conformer au
modèle de la subsomption.870(*)
Il en résulte que l'intervention du juge doit tenir
compte de l'influence de sa décision sur l'exercice par les autres
organes constitués de leurs prérogatives constitutionnelles. Elle
doit particulièrement tenir compte de la proportionnalité entre
son contrôle et le but recherché par le législateur dans
l'édiction d'une loi.
Ces considérations théoriques nous mènent
à poser finalement le problème que pose l'interprétation
de la Constitution.
A. Position du problème
d'interprétation : conflit politique
D'emblée, il faut remarquer que l'interprétation
de la Constitution, contrairement au contrôle de la
constitutionnalité, est déclenchée à la seule
initiative des autorités politiques. En effet, le constituant n'ouvre la
saisine en cette matière qu'à sept autorités publiques que
sont : le président de la République, le Gouvernement, le
Président du Sénat, le Président de l'Assemblée
nationale, un dixième des membres de chacune des chambres
parlementaires, le Gouverneur de province et le président de
l'Assemblée provinciale.871(*)
L'on peut ensuite observer que l'interprétation en ce
qu'elle met en jeu plusieurs significations du texte fondamental traduit
nécessairement un conflit politique. Le juge qui interprète la
Constitution est ici un arbitre du jeu politique et comme tel son
activité pour juridictionnelle qu'elle est n'en demeure pas moins
politique.
C'est dire que le contentieux de l'interprétation est
toujours et déjà un conflit politique qui n'a pas connu une issue
par les voies politiques ; il est donc le prolongement d'un débat
politique. Il peut être aussi une quête de conformité
juridique d'une démarche politique.
Ainsi, il est utile de noter que le juge constitutionnel, dans
tous les cieux et sous toutes les latitudes, au-delà de son
indépendance organique et fonctionnelle, souvent proclamée avec
emphase comme une sorte d'épouvantail politique, acquiert sa
capacité à gérer le débat politique par son courage
mais aussi paradoxalement par sa mollesse teintée de
subtilité.872(*)
En effet, en se cabrant sur des positions tout juridiques, il
s'attire les foudres de la majorité ou de l'opposition. L'attitude du
juge constitutionnel sera à cet égard comparable à celui
d'un balancier qui scrute les horizons de la politique nationale chaque fois
que se pose un problème.
En effet, la Constitution doit être
protégée à l'aune des intérêts du peuple et
non comme un fétiche pour lequel des sacrifices vains devraient
être voués sans qu'un besoin précis ait été
ressenti par les destinataires de toutes normes.
C'est ici le lieu d'observer que les méthodes ou
techniques d'interprétation jouent le rôle de catalyseur de
l'ordonnancement juridique en ce qu'il conforte l'ordre politique en place.
B. Méthode judiciaire
d'interprétation
L'accomplissement de cette tache exige du juge constitutionnel
le recours à une série de techniques de contrôle. Il
n'existe pas des techniques de contrôle spécifiques à la
disposition du juge constitutionnel.
Que ce soit du point de vue doctrinal ou du point de vue
jurisprudentiel, le droit ne peut tout simplement pas s'enfermer dans une
lecture littérale stricte. Considérer que l'application du droit
doit se faire à la lettre suppose que les textes de droit sont
omniscients et omnipotents et aptes à générer des
solutions évidentes à toutes les configurations des litiges
sociétaux.
Pourtant, dès leur conception même, les textes de
droit s'apparentent à des instruments intrinsèquement lacunaires
en ce sens qu'ils ne peuvent pas offrir une représentation fidèle
de la réalité. Les mots utilisés dans le droit peuvent
eux-mêmes être polysémiques comme le montrent les travaux de
l'herméneutique.
Aucun système juridique au monde ne peut assurer une
prévisibilité normative parfaite. « La quête
d'une prévisibilité totale des normes juridiques est,
à l'instar d'un mirage, idéaliste ». Il ne
faudrait pas s'étonner, dans ces conditions, de voir des juges (et pas
n'importe lesquels) être méfiants à l'égard de la
rigidité du formalisme en droit.
C'est le cas de la Cour Européenne des Droits de
l'homme qui opine dans un attendu d'un arrêt célèbre que
les textes de droit « n'ont pas besoin d'être
prévisibles avec une certitude absolue: l'expérience la
révèle hors d'atteinte. En outre la certitude, bien que
hautement souhaitable, s'accompagne parfois d'une rigidité
excessive; or le droit doit s'adapter aux changements de situation. Aussi
beaucoup de lois se servent-elles, par la force des choses, de
formules plus ou moins vagues dont l'interprétation et l'application
dépendent de la pratique ».873(*)
Nous présenterons d'abord ce que la Constitution
elle-même dit explicitement de l'interprétation,
c'est-à-dire les dispositions concernant l'interprétation d'une
Constitution en tant que norme suprême et le contrôle
juridictionnel de la législation dans une société
démocratique. Quelques solutions du « mystère » du
pouvoir des juges non élus dans une démocratie constitutionnelle
seront brièvement esquissées.
Ensuite la discussion se focalisera sur ce que la Constitution
dit des changements, et d'une approche nouvelle de l'interprétation
législative. Cela conduira à prendre en considération les
différences fondamentales entre l'interprétation
constitutionnelle et législative.
La prochaine question considérée sera celle de
la Déclaration des droits fondamentaux, et celle des dispositions qui
concernent l'interprétation de l'ensemble de la Constitution.
La conclusion offerte est que la méthode «
substantielle » et orientée vers des valeurs, adoptée par
les Cours sud-africaines est la plus valable en principe et en pratique.
Finalement, les implications d'une telle approche pour la structure d'une
analyse constitutionnelle seront examinées. Le préambule de la
Constitution exprime la nécessité de créer « un
nouvel ordre où tous les Congolais auront en commun l'égale
protection des lois.
En effet, la Constitution vise la transition d'une
suprématie parlementaire à une société régie
par les principes de la démocratie constitutionnelle : la
suprématie constitutionnelle signifie que la Constitution fournit
l'étalon de mesure de la validité des produits du processus
législatif ainsi que les actions de la branche exécutive du
gouvernement. Bien que le contrôle judiciaire soit bien connu dans le
droit commun, sa portée a été radicalement étendue
par la Constitution. L'effet combiné des articles 1er et 162
de la Constitution et la texture ouverte du langage constitutionnel rend
possible un contrôle plus large et « politiquement chargé
» des actions législatives et exécutives. Les juges
judiciaires sont chargés de concilier et de résoudre des
confrontations entre droits, valeurs et buts sociaux. Il n'est pas de la
tâche des juges judiciaires de « diviniser » les choix
politiques de la législature et de l'exécutif, mais ils sont
tenus d'exercer le contrôle judiciaire leur incombant afin d'assurer le
respect du schéma constitutionnel par chaque branche du gouvernement.
Tous les juges sont tenus de défendre et de
protéger la Constitution et les droits fondamentaux qu'elle contient.
L'impact de la Constitution sera observé dans toutes nos juridictions
bien qu'avec une différence graduelle entre les Cours supérieures
et les juridictions inférieures. La Cour constitutionnelle est la cour
d'instance finale exerçant sa juridiction dans toutes les affaires
relatives à l'interprétation, la protection et l'application des
dispositions de la Constitution. Ses décisions lient toute personne et
tout organe législatif, exécutif et judiciaire de l'État.
La Cour constitutionnelle en particulier, et le pouvoir
judiciaire en général, sont chargés de la protection des
éléments de notre démocratie constitutionnelle. Le nouveau
rôle des juges judiciaires dans un système de contrôle
basé sur la suprématie de la Constitution peut être sujet
à controverse, mais l'histoire du pays l'exige en tant que remède
contre les défauts du passé.
L'effet de la suprématie de la Constitution est que les
juges judiciaires se voient attribuer un rôle s'étendant bien
au-delà de l'interprétation et de l'application de la
volonté majoritaire - jusqu'à la protection des droits
fondamentaux des individus et des minorités. En déclarant non
constitutionnelles les actions du gouvernement représentatif
(élu, majoritaire et responsable devant les électeurs), le
judiciaire (non élu et non responsable devant les électeurs) agit
comme institution contre-majoritaire. La démocratie constitutionnelle
contient donc une tension entre le « majoritarisme » et le
contrôle judiciaire.
En Afrique du Sud, par exemple, dans son jugement S. v.
Makwanyane sur la constitutionnalité de la peine capitale, P.
Chaskalson eut l'occasion de considérer la relation entre l'opinion
publique et l'interprétation constitutionnelle. Ses remarques nous
donnent une bonne idée de la perception par la Cour constitutionnelle de
son rôle institutionnel ainsi que de la tension entre le «
majoritarisme » et la démocratie constitutionnelle : bien que
l'opinion publique puisse avoir un rapport avec le sujet, elle ne peut pas
être substituée au devoir primordial des cours
d'interpréter la Constitution et de défendre ses dispositions
sans peur ou faveur. Si l'opinion publique était décisive il n'y
aurait eu aucun rôle pour les jugements constitutionnels.
La protection des droits aurait ainsi été
laissée au Parlement qui possède un mandat du peuple et qui est
responsable devant lui de la façon dont le mandat est exercé.
Cela serait un retour à la suprématie parlementaire et un recul
du nouvel ordre établi par la Constitution. Un des soucis de la nouvelle
fonction du contrôle constitutionnel du judiciaire, c'est l'absence de
mécanismes adéquats pour empêcher l'usurpation par le
pouvoir judiciaire du rôle du Parlement.
Il y a un malaise sur la possibilité de l'importation
des valeurs et croyances des juges particuliers dans le processus de
l'interprétation. Une théorie adéquate de
l'interprétation constitutionnelle exige donc plus qu'une collection de
principes et de protocoles de l'interprétation textuelle : elle doit
faire face au dilemme « contre-majoritaire » et elle doit fournir une
justification de l'exercice du pouvoir judiciaire.
Le préambule, en parlant d'un besoin de créer un
nouvel ordre social, un ordre fondé sur l'égalité, la
dignité humaine, les droits fondamentaux et la liberté, donne le
ton à l'ensemble de la Constitution. D'ailleurs, il vise un État
réglé par un constituant, élu par, et représentatif
du peuple.
La Constitution doit prendre en compte son contexte historique
et sa consécration de l'établissement d'une population nationale,
la réconciliation, la réparation et la reconstruction.
L'importance de cette expression des valeurs dans la quête de
l'interprétation de la Constitution doit bel et bien être
reconnue par les juges constitutionnels et judiciaires congolais. L'on peut se
poser la question de savoir s'il existe un principe de présomption de
constitutionnalité attachée à une loi. Pourtant, il n'y a
aucun doute qu'une telle présomption, en tant que principe
interprétatif général, soit applicable, même en
l'absence d'une disposition explicite l'insérant dans la Constitution.
Dans le droit hollandais, un principe relié à la
présomption de constitutionnalité s'exprime dans la maxime
in ambigua voce legis ea potius accipienda est significatio, quae
vitio caret (« dans le cas de l'ambiguïté d'une loi, le
sens/la signification évitant son invalidation doit
préférablement lui être attribué »). Dans la
présente hypothèse, la présomption de
constitutionnalité va un peu plus loin - la condition que les lois
doivent être interprétées comme s'accordant avec la
Constitution, dans la mesure où c'est raisonnablement possible, ne vaut
pas seulement dans le cas de leur ambiguïté.
L'article 152 de la Constitution dispose que les Cours et
tribunaux appliquent les traités et accords internationaux. Ceci
implique qu'ils doivent toujours préférer toute
interprétation conforme au droit international à une
interprétation non-conforme. Cette approche conduit à importer
les normes et les valeurs du droit international au sein même de
l'interprétation des lois nationales.
D'ailleurs, elle invoque un principe similaire à la
présomption de constitutionnalité dans l'interprétation
des lois ordinaires. L'invocation de la présomption de cohérence
avec le droit international illustre d'ailleurs l'importance grandissante du
droit international dans le droit congolais en général, et pas
simplement dans l'aire des droits fondamentaux. Une conséquence de la
présomption de constitutionnalité est que les sens
attribués aux dispositions légales avant l'entrée en
vigueur de la Constitution ne peuvent plus faire autorité.
La même conséquence résulte de la
condition que les lois sont interprétées afin d'être en
cohérence, si possible, avec le droit international. Il y a une
différence importante entre l'interprétation d'une loi à
la lumière de la Constitution et son interprétation à la
lumière du droit international. Si la loi ne peut pas être
interprétée raisonnablement afin de satisfaire aux exigences de
la Constitution, elle doit être déclarée nulle. Lorsqu'il
est impossible d'attribuer raisonnablement à la loi une signification
correspondant au droit international, la loi peut néanmoins rester en
vigueur.
En Afrique du Sud, par exemple, dans le cas de l'Azanian
People's Organisation (AZAPO) v President of the Republic of South
Africa, l'organisation Azapo et les familles des certaines victimes des
atrocités de l'apartheid saisissaient la Cour afin de réclamer
l'annulation de l'article 20, alinéa 7 du Promotion of National
Unity and Reconciliation Act, numéro 34 de 1995 (TRC Act)
au motif qu'il ne se conformait pas à l'article 22 de la
Constitution intérimaire qui consacre le droit de toute personne
à faire trancher les différends justiciables par une cour de
justice, ou, le cas échéant, par un autre organe
indépendant et impartial.
Dans la présentation de leur argument les
requérants avancèrent que le droit international exige que les
responsables de violations graves des droits de l'homme soient poursuivis en
justice et que le droit international était violé par l'article
20, alinéa 7 du TRC Act, qui autorisait une amnistie pour de
telles offenses. La Cour constitutionnelle jugea que l'article en question
avait été autorisé par la Constitution intérimaire
et était, par conséquent, valide. Et elle rejeta l'argument
basé sur le droit international. L'analyse et l'application par la Cour
du droit international public en question furent critiquées d'une
façon sévère et pertinente.
D'une importance identique à celle du droit
international est la référence aux enseignements du droit
étranger. La Constitution congolaise ne fait aucune
référence au droit étranger. Bien que les juges ne soient
pas obligés de prendre en compte le droit étranger, il leur est
permis de le faire sur pied des principes généraux de droit. La
Constitution en posant le principe de la supériorité des
traités sur les lois internes, explicitement, inclut, au sein même
de la Constitution, la présomption que le législateur
n'autoriserait pas des législations en contradiction avec le droit
international.
De plus, cela permet au juge constitutionnel de
considérer le régime des droits fondamentaux tel qu'il a
été développé dans d'autres juridictions d'Afrique,
et au-delà, de prendre en considération le droit des pays dont
les auteurs de la Constitution se sont inspirés en rédigeant les
dispositions de la Déclaration des droits fondamentaux, à savoir
les États-Unis, l'Allemagne et le Canada, la France, la Belgique etc...
Il est bien reconnu dans le monde entier qu'il y a une différence
qualitative remarquable entre l'interprétation de la législation
ordinaire et l'interprétation constitutionnelle.
Par rapport aux autres législations du Parlement, la
Constitution est rédigée dans un style caractérisé
par son amplitude et sa généralité. En tant que telle,
elle mérite donc : « une interprétation
généreuse tout en évitant l'austérité d'un
légalisme rigide... ».
La Cour continue en réaffirmant le caractère de
la Constitution en tant qu'instrument légal écrit incluant
notamment des droits particuliers invocables devant une cour de justice. Tout
en reconnaissant le caractère et l'origine de l'instrument, le langage
utilisé, ainsi que les traditions, usages et coutumes lui donnant sa
signification, doivent cependant être respectés.
Quant à la question concernant les différences
entre le caractère et l'origine d'une Constitution et d'autres lois
« ordinaires », le jugement de la Cour suprême canadienne dans
l'arrêt Hunter et al. v. Southam Inc. procure quelques
indications : tandis qu'une loi, facilement promulguée et
abrogée, définit des droits et des obligations actuels, une
Constitution, en revanche, est promulguée en prenant en compte l'avenir.
Sa fonction est de fournir un cadre continu pour l'exercice légitime du
pouvoir gouvernemental, et lorsqu'elle est couplée d'une
déclaration des droits fondamentaux, d'assurer la protection sans
relâche des droits et libertés individuels. Une fois
promulguée, elle ne peut pas être facilement abrogée ou
amendée.
Elle doit, donc, être capable de développement
dans le temps afin de faire face aux nouveaux besoins sociaux, politiques et
historiques souvent non-imaginés par ses auteurs. Le pouvoir juridique
est le gardien et le garant de la Constitution et doit, dans
l'interprétation de ses dispositions, prendre en compte ces
considérations. Il assure, à toute personne, une zone d'autonomie
que ni l'État ni aucun individu ne peut violer. Il assure aussi aux
particuliers certains droits qu'ils peuvent revendiquer à l'encontre du
gouvernement.
Comprendre le caractère de l'ensemble de la
Constitution et la Déclaration des droits fondamentaux en
particulier, est indispensable pour comprendre la différence essentielle
entre l'interprétation dite « législative » et celle
dite « constitutionnelle ». Dans un système de
suprématie parlementaire, le juge interprétant la loi a pour
tâche de tenter de révéler l'intention du
législateur. Les juges, auxquels il incombe d'interpréter la
Constitution, sont engagés dans une tâche entièrement
différente. Ils tentent de comprendre et de clarifier la façon
dont le gouvernement lui-même est censé fonctionner.
Pour atteindre ces buts, ils ont le cadre entier de la
Constitution complété par la Déclaration des droits
fondamentaux à leur disposition. Leur tâche est de comprendre le
pacte social qui y est inscrit et d'articuler que la démocratie est plus
qu'un fait de majorité - qu'il y a des aires interdites à la
majorité. Ces aires sont les domaines des droits fondamentaux et les
juridictions en sont les gardiennes. En interprétant la Constitution, la
Cour tranche la façon dont un engagement envers les valeurs
fondamentales se traduit et s'applique dans un contexte particulier.
Les différences essentielles entre
l'interprétation des lois et l'interprétation constitutionnelle
sont énumérées par le juge Froneman dans le cas de
Matiso v Commanding Officer, Port Elizabeth Prison, & another4. En
résumé, elles sont les suivantes :
(i) Dans un système de contrôle fondé sur
la suprématie parlementaire il est de bon sens de commencer avec une
recherche de l'intention de la Législature que le juge doit effectuer en
exprimant la volonté législative du Parlement sans poser des
questions de justesse, etc. (en théorie, l'opinion morale du juge ne
vaut rien).
(ii) En revanche, dans un système de contrôle
basé sur la suprématie de la Constitution, cela n'est pas du tout
le cas parce que c'est la Constitution qui est suprême et non pas la
Législature. L'objectif et la méthode sont alors le
contrôle de la législation et des actions administratives par
rapport aux valeurs et principes imposés par la Constitution.
(iii) Cet objectif influe sur la façon dont la
Constitution elle-même, ainsi que la loi particulière dite
non-cohérente avec elles, doivent être interprétées.
Dans le cas de la Constitution, la recherche sera orientée pour
révéler les valeurs fondamentales tandis que
l'interprétation de la législation visera à constater sa
capacité d'une interprétation conforme aux valeurs ou principes
de la Constitution. Existerait-il une différence entre
l'interprétation de la déclaration des droits fondamentaux et le
reste de la Constitution ?
Il s'agit de savoir s'il existe une différence de
principe et la réponse est, bien sûr, négative. Bien que
quelques parties de la Constitution soient plus techniques ou banales que
d'autres, les valeurs constitutionnelles priment, même dans ce cas, toute
autre interprétation possible. D'ailleurs, la Constitution n'est pas un
« texte législatif ». Par conséquent, la
différence n'est qu'une question de degré. Dès lors,
surviennent des théories ou mieux , des méthodes
d'interprétation qu'il importe de passer en revue :
a) L'originalité : la primauté de
l'intention des auteurs du texte constitutionnel
Cette théorie impose de strictes limitations à
l'interprétation permise de la Constitution. Elle vise à
minimiser le pouvoir discrétionnaire du juge. Elle implique un fort
contraste entre la compréhension originelle des rédacteurs du
texte et les valeurs attribuées au texte par les juges. Il y a trois
formes d'objections à la validité de cette théorie : dans
un premier temps, les objections pragmatiques, doutant sérieusement de
la capacité d'établir avec une acceptable mesure d'exactitude
l'intention des rédacteurs ; dans un deuxième temps, les
objections de principe, doutant de l'opportunité de lier des
générations présentes et futures à cette intention.
Les exigences de la contextualité de l'interprétation
constitutionnelle peuvent bel et bien entraîner une déviation de
cette intention afin de rester fidèle aux principes
interprétatifs.
Dans un troisième temps, les objections tenant à
ce que le langage constitutionnel est tellement général, large et
ambigu qu'il est à peu près impossible de décider à
quel niveau de généralité il est nécessaire de
fixer l'intention « originelle ». Plus ce niveau sera
élevé, moins le judiciaire aura la possibilité d'exercer
un rôle indépendant et plus sera limitée la part de
« discrétionnalité » du juge dans la
résolution de la difficulté du « contre-majoritarisme
».
(b) La théorie du « processus politique »
: le contrôle constitutionnel en tant que remède aux
dysfonctionnements dans le processus politique
Selon cette théorie, le contrôle constitutionnel
vise à la protection des intérêts des individus et
groupements qui autrement auraient été exclus du processus
politique parce qu'ils ne sont pas assez puissants pour faire face aux
institutions majoritaires du gouvernement. De ce point de vue, la fonction
judiciaire est le renforcement du processus de représentation
démocratique en fonction de la correction des défauts du
processus démocratique et ainsi le perfectionnement de la
démocratie.
Cette théorie a la vertu de fournir des directions de
principe à l'exercice du contrôle constitutionnel et aussi
d'offrir une base à l'activisme judiciaire comme moyen de renforcement
du processus politique. Néanmoins, il existe deux objections majeures,
l'une liée à l'autre, à cette théorie :
(i) Les instruments constitutionnels font beaucoup plus que
simplement fournir une collection de procédures pour la
régulation du processus démocratique. Par ailleurs, même
les produits d'un processus politique fonctionnant bien seront annulés
comme non-constitutionnels s'ils portent atteinte aux droits fondamentaux.
(ii) La seconde objection est dirigée contre la
prétention à la neutralité de cette théorie. La
théorie distingue, notamment, entre le « processus de
neutralité » dont le renforcement relève de la
compétence institutionnelle du système judiciaire d'une part, et
des jugements matériels des valeurs considérées comme des
usurpations illicites de la prérogative législative d'autre part.
Le processus politique lui-même est basé sur les valeurs
matérielles. On a donc besoin d'une théorie
d'interprétation constitutionnelle plus adéquate qui peut
développer et défendre une conception matérielle de «
la signification » de la démocratie. L'engagement constituant
congolais pour« une société ouverte et démocratique
basée sur la liberté et l'égalité » peut
contribuer au développement et à l'articulation d'une telle
théorie.
Aux États-Unis le professeur Cas Sunstein a
initié une théorie politique d'interprétation basée
sur les demandes d'une « démocratie
délibérative», c'est-à-dire une démocratie
fondée sur l'impératif de fournir un débat et une
justification raisonnée aux décisions et aux jugements. Dans une
telle optique un rôle combatif du judiciaire peut être
justifié en deux circonstances :- lorsque les droits qui sont au
centre du processus démocratique (par exemple, le droit de vote ou la
liberté d'expression) sont violés et qu'il est peu probable que
leur violation relèverait d'une solution politique ; -lorsqu'un groupe
rencontre des entraves à son organisation, ou l'hostilité, ou des
préjugés envahissants.
Pour le Professeur Sunstein, une théorie
démocratique de l'interprétation ne serait capable de
répondre au problème contre-majoritaire que si elle était
soutenue par des valeurs justifiables. Une telle approche reconnaîtrait
que le contrôle constitutionnel est fondamentalement une entreprise
motivée par des valeurs. Nombre de droits sont indispensables à
la démocratie et à la délibération
démocratique et politique. L'autonomie étatique dépend de
l'existence de droits démocratiques protégés. La
Constitution peut ainsi garantir les conditions de la démocratie en
limitant le pouvoir des majorités d'éliminer ces conditions.
(c) L'interprétation fondée sur les valeurs
(constitutionnelles) : la soutenance des droits individuels en vue des
principes constitutionnels
Cette théorie recherche la signification
constitutionnelle en reconnaissant la nature chargée de valeurs du
contrôle constitutionnel et en soutenant que la bonne approche exige des
juges qu'ils retrouvent et expriment les valeurs sous-jacentes aux garanties
constitutionnelles particulières. Cette approche s'applique
particulièrement à la première étape de l'analyse
constitutionnelle où la portée d'un droit constitutionnel doit
être déterminée afin de décider si le comportement
qui fait l'objet de la plainte viole le droit en question. Les valeurs ne sont
pas épuisées à la première étape, mais elles
se font aussi valoir dans l'analyse de la clause de limitation (la
deuxième étape).
Cette approche est également fondée sur une
vision du rôle institutionnel du pouvoir judiciaire et reflète une
réponse particulière au problème contre-majoritaire. Le
judiciaire n'est pas censé faire la politique juridique, mais il doit
plutôt articuler les principes constitutionnels. Les juges peuvent et
doivent, néanmoins, considérer le principe de moralité
politique. Les jugements constitutionnels doivent rapidement reconnaître
les similarités entre l'interprétation fondée sur les
valeurs et la méthode substantielle appliquée au droit
constitutionnel canadien dont les points principaux en sont les suivants :
(i) La signification d'un droit ou d'une liberté
garantie par la Charte (canadienne) doit être trouvée par le biais
de l'analyse de la résolution d'une telle garantie - en d'autres mots,
ce droit doit être compris à la lumière des
intérêts qu'il doit protéger. Cela doit se dérouler
par référence au caractère et aux objectifs plus large de
la Constitution elle-même, au langage choisi pour articuler le droit ou
la liberté, aux origines historiques du concept retranché et, le
cas échéant, par référence à la
signification et l'objectif des autres droits et libertés de la Charte
avec lesquels ils sont associés.
(ii) L'interprétation doit être
généreuse et doit viser à remplir l'objectif d'une
garantie. D'ailleurs elle doit tenter d'assurer le bénéfice le
plus large de la protection de la Charte pour les particuliers.
(iii) En même temps, il est important de ne pas
surétendre la portée du droit ou de la liberté
concernée, mais de se rappeler que la Charte doit être
placée dans son contexte linguistique, philosophique et historique.
La Cour constitutionnelle congolaise doit développer
trois principes de l'interprétation substantielle :
(i) L'interprétation doit prendre en compte qu'il
s'agit du droit de la République démocratique du Congo et non du
droit d'un pays étranger. L'histoire, les traditions, les usages, la
doctrine, et les espoirs sont ceux de la population congolaise. La tâche
est de développer une jurisprudence constitutionnelle propre.
(ii) Bien que l'histoire, la politique, etc. doivent
être prises en compte, elles n'imposent aucune restriction au
développement des droits et des libertés. C'est-à-dire que
l'interprétation substantielle va bien au-delà de la protection
offerte aux droits par la Common Law qui doit, en effet, être
développée en vue de la Constitution. L'interprétation
substantielle est focalisée vers l'avenir et, en tant que telle, elle
doit respecter la Constitution qui représente une rupture
décisive (ou délibérée) avec le passé.
(iii) Bien que l'interprétation substantielle et
l'interprétation généreuse puissent parfois
coïncider, il y a une différence conceptuelle entre les deux. Il
est donc tout à fait possible qu'en certaines circonstances,
l'interprétation substantielle puisse exiger une interprétation
moins généreuse (plus restreinte) afin de dégager la vraie
signification d'un droit ou d'une liberté. Le contexte dans lequel un
droit est invoqué peut être très important pour savoir si
le droit en question doit être construit largement ou étroitement.
L'approche substantielle est par conséquent étroitement
liée à une approche contextuelle.
Dans la pratique, le juge peut être saisi des
cas d'incompétence, de vice de procédure ou de violation de la
Constitution. Il peut être sollicité pour des cas de
détournement de pouvoir. La Cour constitutionnelle peut déclarer
une loi conforme ou non à la Constitution. Elle peut l'invalider en tout
ou en partie.
Toute cette diversité d'intervention du juge
constitutionnel amène à soutenir qu'il existe plusieurs
techniques de contrôle. Celles-ci peuvent être
appréciées du point de vue du type de contrôle
exercé par le juge et des moyens qu'il utilise.874(*)
C. Du point de vue du type de
contrôle
Le contrôle de la constitutionnalité couvre
plusieurs aspects. Deux d'entre eux méritent une étude
approfondie.
Il s'agit du contrôle externe et du contrôle
interne de la constitutionnalité de lois, la distinction entre les deux
contrôles pouvant se situer au niveau de la procédure
d'édiction des actes (contrôle externe) et celui des actes
eux-mêmes (contrôle interne).
1. Le contrôle externe
de la constitutionnalité
Parmi les phénomènes qui peuvent amener le juge
constitutionnel à contrôler la constitutionnalité des lois,
deux peuvent être examinés, à sa voir l'incompétence
du législateur et le vice de forme dans le vote de ladite loi.
a) L'incompétence du
législateur
L'incompétence du législateur peut être
positivement ou négativement875(*) appréhendée. L'incompétence
positive apparaît lorsque le législateur intervient dans le
domaine qui lui est constitutionnellement étranger. Le vote de la loi
relève certes de la compétence du législateur mais il
être exercé dans un cadre autre que celui fixé par la
Constitution. Dans cette hypothèse, l'intervention du législateur
semble se rapprocher du cas-type d'incompétence positive.
La Constitution fait une distinction entre les matières
qui entrent dans la sphère de compétences du législateur
organique et celle du législateur ordinaire. Dans chaque cas, le juge
constitutionnel doit vérifier le respect par le législateur des
dispositions constitutionnelles. Cet exercice peut l'amener à invalider,
pour incompétence, toute loi ou partie de loi ordinaire qui enfreindrait
les dispositions d'une loi organique, voire d'une loi constitutionnelle.
A l'inverse, le juge constitutionnel ne pourra pas censurer
une loi organique qui empiéterait sur le domaine de la compétence
d'une loi ordinaire876(*). Il se limitera à opérer à
l'intérieur de cette loi organique une sorte de reclassement
nécessaire entre les dispositions relevant du domaine organique et
celles du domaine ordinaire. Sa décision aura pour entre autres
conséquences d'inviter le législateur à modifier
« la loi ainsi corrigée ».
L'incompétence positive du législateur
apparaît également lorsque le parlement intervient dans le domaine
réglementaire. A ce sujet, le conseil constitutionnel français
considère que « la présence des dispositions
réglementaires dans une loi ne suffit pas pour déclarer celle-ci
contraire à la Constitution »877(*). Le juge constitutionnel
peut procéder au reclassement nécessaire entre les dispositions
législatives et celles relevant du domaine réglementaire.
L'incompétence négative du parlement peut
résulter du fait que, dans la production législative, le
législateur est resté en deçà de sa
compétence constitutionnelle. Il en est ainsi lorsque le parlement
méconnaît de manière non équivoque ses
compétences.
Cette situation peut amener la Cour constitutionnelle à
censurer les lois votées par le parlement. Par ce contrôle, la
Cour rappelle au législateur d'assumer réellement ses
responsabilités politiques et d'exercer effectivement ses
prérogatives constitutionnelles.
A côté de l'incompétence, le
contrôle externe de la constitutionnalité peut également
s'exercer dans le cadre de vice de procédure.
b) Le vice de
procédure
Le contrôle de la constitutionnalité des lois
conduit le juge constitutionnel à s'assurer qu'une loi votée par
le parlement a ou non été élaborée selon la
procédure fixée par la Constitution. La situation est pareille
lorsque, dans une matière relevant de la compétence d'un
édit provincial, le parlement national s'adjuge le pouvoir
d'élaborer une loi sans un édit d'habilitation. Saisi, le juge
constitutionnel ne vérifie pas seulement l'existence de l'édit
habilitation. Il s'assure que la procédure et les discussions
parlementaires se sont déroulées dans le respect des
règles constitutionnelles.
Le vice de procédure peut être volontaire ou
involontaire. Il ne conduit pas nécessairement à la censure de la
loi878(*). Celle-ci
n'est justifiée que dans la mesure où ce vice a eu une influence
déterminante dans le processus de votation d'une loi. Il est admis que
pour chaque cas d'espèce, le juge vérifie l'influence d'un vice
de procédure sur l'adoption d'une loi. Le contrôle qu'exerce le
juge constitutionnel peut faire accréditer l'idée d'une incursion
dudit juge dans le fonctionnement des chambres. Il porterait atteinte au
principe de séparation des pouvoirs.
Même si la Cour constitutionnelle peut être
amenée à censurer le non respect de la procédure
constitutionnelle en matière de production législative, il lui
est interdit de jouer le rôle du législateur. Son contrôle a
pour but d'inciter « les parlementaires à la discussion,
à l'information et au vote des lois dans le respect des règles
constitutionnellement établies »879(*).
2. Le contrôle interne
de la constitutionnalité
La Cour constitutionnelle exerce le contrôle interne de
la constitutionnalité en cas de la violation de la Constitution ou du
détournement du pouvoir.
a) La violation de la
Constitution
Même si l'incompétence et le vice de
procédure peuvent constituer des cas de violation de la Constitution,
celle-ci peut être également vue sous l'angle des atteintes
portées par une loi aux valeurs et principes consacrés dans la
Constitution. Il en est ainsi de la violation par une loi des droits et des
libertés fondamentales garanties par la Constitution.
Par ce contrôle, la Cour constitutionnelle s'efforcera
de vérifier si le parlement n'a pas, dans l'élaboration des lois,
porté atteinte aux droits et libertés du citoyen. Elle s'assurera
que le législateur n'a pas commis une erreur d'appréciation des
faits (erreurs de fait) et des circonstances (erreurs de droit) sur lesquelles
il a fondé son oeuvre. Cette erreur ne doit pas être volontaire au
point de ressembler à un détournement du pouvoir.
b) Le détournement du
pouvoir
La question du détournement du pouvoir relève en
principe du juge administratif. Il n'empêche qu'appelé à
exercer un contrôle préventif, le juge constitutionnel soit
amené à vérifier que le parlement a bien usé de ses
prérogatives constitutionnelles dans l'élaboration des lois. Il
s'assurera que les lois votées par cette institution l'ont
été dans le but et les limites voulus par la Constitution.
L'acceptation d'un tel contrôle peut faire penser que le
juge constitutionnel est porté vers un glissement dangereux dans la
subjectivité. La démarche pourrait le conduire à
rechercher l'intention réelle du législateur au-delà de
celle exprimée dans la loi.
Une telle technique se heurterait aux difficultés de
tous genres notamment que le contrôle du juge pourrait être
considéré comme une réprimande morale à l'endroit
du parlement. L'usage de tel contrôle est en pratique rare et le juge
doit se montrer prudent pour ne pas être à la base d'un
déséquilibre institutionnel préjudiciable au bon
fonctionnement de l'Etat.
Un autre aspect du contrôle du juge constitutionnel qui
mérite d'être examiné touche à l'étude et
à la portée dudit contrôle par rapport aux moyens
juridiques mis à la disposition dudit juge.
D. Du point de vue des moyens
de contrôle
Dans l'exercice du contrôle de la
constitutionnalité, le juge peut être saisi des cas
d'interprétation des textes. Il s'assurera que son contrôle est
proportionnel au but recherché par le législateur dans
l'élaboration des lois.
L'élaboration d'une loi est le couronnement juridique
d'un processus politique qui associe non seulement les institutions ayant
l'initiative législative (gouvernement et parlement) mais
également la majorité et l'opposition. Elle traduit un certain
coulage juridique des préoccupations et intérêts politiques
divergents. L'exercice impose au législateur le respect de la
Constitution et la procédure prévue par elle.
Dans la pratique, il peut arriver que, dans
l'élaboration d'une loi, le législateur se trompe sur le sens
à donner à un principe constitutionnel. Cette erreur peut donner
lieu à l'intervention du juge. Saisi, le juge peut être
amené à censurer les appréciations législatives qui
lui paraissent erronées. Son intervention ne portera pas sur toutes les
erreurs potentiellement commises par le législateur. Elle ne se limitera
qu'aux erreurs manifestes et excessives. Dans son contrôle, le juge
constitutionnel s'assurera que l'erreur commise est réellement excessive
et porte atteinte à l'intérêt général.
Pour apprécier la constitutionnalité d'un
dispositif législatif contraire à la Constitution, le juge
procèdera à une sorte de mise en « concordance
pratique »880(*).
La méthode lui impose une pondération de tous
les principes constitutionnels en jeu pour atteindre la plus grande
efficacité et assurer l'application correcte de la Constitution. Ainsi,
plus l'atteinte portée à un principe constitutionnel (par une
erreur commise par le législateur) est conséquente, plus le
degré de réalisation d'un autre principe constitutionnel
apparaît important.
Le principe de la proportionnalité permet au juge
constitutionnel de mettre en balance l'intérêt
général poursuivi dans et par la loi et les atteintes
portées à tel ou tel principe constitutionnel. De la balance
réalisée, le juge établit un équilibre entre les
erreurs en présence. Il crée une nouvelle norme, une relation de
préférence conditionnée par l'influence de l'erreur sur le
but poursuivi par la loi. Par rapport au résultat recherché, la
loi sera déclarée ou non conforme à la Constitution.
Cette théorisation, valable dans le système de
justice de type européen, serait-elle d'application devant la Cour
constitutionnelle congolaise de transition ? Le souci du constituant
devrait à cet égard correspondre au voeu que le contenu de la
Constitution soit respecté par tous et même par ceux qui sont
chargés de dire le droit.
Pour conjurer un tel sort qui serait en l'occurrence
très triste, il importe de savoir déjà où l'on en
est.
E. Etat des lieux en RD
Congo
En droit positif congolais il existe, entre autres, un cas
d'interprétation qui mérite d'être souligné. Il
s'agit de la requête introduite par le Chef de l'Etat pour
l'interprétation de la notion juridique d'infraction politique à
l'occasion d'une loi d'amnistie.881(*)
Mais la question la plus importante, dit Paul Gaspard
Ngondankoy, celle qui a fait l'objet de divergences entre la présidence
de la République et le Parlement, concernait plutôt la
définition de la notion d'« infractions politiques », ce dans
la perspective de la libération des présumés assassins du
Président Laurent-Désiré Kabila.
Question toujours discutée en doctrine, et ce quels que
soient les Etats882(*),
elle a été à l'origine d'une divergence politico-juridique
particulièrement passionnée en République
démocratique du Congo.
Aux termes de l'article 2.2 de la loi susdite, objet d'une
vive discussion au sein du Parlement de transition, les infractions politiques
étaient définies comme des « agissements qui portent
atteinte à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, les
actes d'administration et de gestion ou dont le mobile de son auteur ou les
circonstances qui les inspirent revêtent un caractère politique
»883(*).
Elaborée « dans la douleur », cette
définition prêtera, comme il fallait s'y attendre, le flan
à une très profonde divergence.884(*)
Sans rentrer dans les détails de cette affaire, elle
est symptomatique d'un conflit politique entre le pouvoir en place avec les
arriérés du régime AFDL dirigé par
Laurent-Désiré Kabila. Le peu que l'on peut en dire est que la
haute Cour qui faisait oeuvre de juge constitutionnel a émis un avis qui
n'est pas de nature à réunir les suffrages des juristes ni
même de la population.
Il importe d'affirmer que la Cour constitutionnelle
instituée par la constitution du 18 février 2006 rendra
plutôt un arrêt au lieu d'un avis, celui-ci ayant été
l'apanage de la section de législation de la Cour suprême de
justice aujourd'hui maintenue à titre purement transitoire.885(*)
L'on peut donc en guise de conclusion affirmer qu'en
matière d'interprétation de la Constitution, au-delà de ce
cas qui est spécifique à l'interprétation d'un texte
législatif, il y a eu pendant la transition des belligérants un
autre cas886(*) dont les
faits sont ainsi rapportés par Paul Gaspard
Ngondankoy: « A l'approche des premières élections
pluralistes ponctuant le processus de transition démocratique en 2006,
on se trouve encore au début de cette année lorsqu'éclate,
au sein du Mouvement de Libération du Congo (M.L.C.), parti du
Vice-président Jean-Pierre Bemba, une crise politique. Cette crise est
consécutive au limogeage d'Olivier Kamitatu Etsu, Secrétaire
général du parti et Président de l'Assemblée
nationale de transition, et de plusieurs autres de ses « collègues
» du parti. Soupçonnés de liens avec le Président
Joseph Kabila, ces cadres du parti sont accusés de « trahison
» et de « vagabondage politique » ; d'où leur
éviction du parti.
Par la même occasion, le M.L.C. réclame le
remplacement de tous les députés et sénateurs «
traîtres » par un groupe d'autres militants plus fidèles. On
évoque alors la question de leur déchéance et de leur
départ du Parlement de la transition, « selon l'esprit et
la logique tant de la Constitution de la transition que de l'Accord
global et inclusif ».
Devant la « résistance » des
intéressés, qui invoquent à cet égard la même
logique politique et constitutionnelle, le M.L.C. sollicite et obtient du
Président de la République, seul requérant institutionnel
à ce requis, une requête en interprétation des articles de
la Constitution relatifs à l'octroi et à la fin des mandats
parlementaires de la transition, pour « départager » les
points de vue. 887(*)
A la « demande » du Président de la
République, le Procureur général de la République
introduit une requête à la Cour suprême de Justice, par
laquelle il sollicite de la Haute Cour, juge constitutionnel de la transition,
une interprétation des articles 99, 102, 105 et 108 de la Constitution
de la transition, et ce dans les termes suivants : « ...Très
Honorés collègues, écrit le Procureur
général de la République au Premier Président de la
Cour suprême de Justice ; vu les articles 150 alinéa 1er de la
Constitution de la transition et 132 de l'ordonnance-loi n° 82/017 du 31
mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de
justice ; à la demande de Monsieur le Président de la
République démocratique du Congo, formulée dans sa lettre
sans numéro du 06 janvier 2006 qu'il m'a adressée ; j'ai
l'honneur de solliciter de la Cour suprême de Justice, toutes sections
réunies, l'interprétation des articles 99, 102, 105 et 108 de la
Constitution de la transition promulguée le 04 avril 2003.
En l'espèce, le Président de la
République voudrait savoir si, devant les dispositions
constitutionnelles sus-indiquées un membre du Parlement qui n'appartient
plus à une composante ou entité désignées dans
l'Annexe IB de l'Accord Global et inclusif peut continuer ou pas à
siéger comme député ou sénateur, d'une part et
d'autre part, si un membre du bureau de l'une ou l'autre Chambre du Parlement
qui n'appartient plus à une composante ou entité
mentionnée dans l'Annexe IB peut continuer ou pas à siéger
comme député ou sénateur et à exercer ses
fonctions».
En somme, la demande présidentielle consistait à
savoir si « un député, un sénateur ou un membre du
bureau de l'une des Chambres du parlement qui quitte sa composante ou son
entité, peut encore continuer à siéger à ce
Parlement, au sein de l'Assemblée nationale et/ou du Sénat
».
Par sa décision du 24 février 2006, la Cour
suprême de Justice, toutes sections réunies, rend, après
une interprétation constitutionnelle particulièrement
problématique, un arrêt définitif dont un des points du
dispositif était ainsi libellé : « ...dès qu'un
député, un sénateur ou un membre du bureau de l'une de
deux Chambres n'appartient plus à la composante qui l'avait
désigné (lors de la transition), il ne peut plus continuer
à siéger comme député ou sénateur ».
Plus exactement, « La Cour suprême de Justice,
toutes sections réunies, siégeant en matière
d'interprétation de la Constitution de la transition ; le
ministère public entendu ; dit qu'un député ou
sénateur qui n'appartient plus à une composante ou à une
entité mentionnée dans l'Annexe IB de l'Accord global et
inclusif, ou un membre du bureau de l'une ou l'autre Chambre du Parlement qui
n'appartient plus à une composante ou à une entité
mentionnée dans la même Annexe, ne peut continuer à
siéger comme député ou sénateur et à exercer
ses fonctions ».
La Cour, pour fonder sa décision, constate d'abord
« l'absence d'une disposition expresse de la Constitution »
réglant la question des suites à donner à
l'éviction des membres du Parlement de leurs composantes et
entités respectives.
Par la suite, après une interprétation
combinée des articles 100, 101, 106 et 107 de la Constitution avec les
dispositions pertinentes de l'Accord global et inclusif, elle tire la «
conséquence logique » que l'éviction d'un parlementaire
de sa formation politique ne peut laisser subsister son mandat parlementaire
obtenu par suite de cette formation, et cela sans créer un
déséquilibre entre les composantes et entités prenant part
à la gestion de la transition démocratique. »888(*)
Sous l'empire de la Constitution du 18 février 2006, il
ya lieu de citer un autre cas qui n'échappe pas malheureusement aux
critiques déjà formulées à l'endroit de la haute
Cour. Précisons que par rapport aux textes constitutionnels
antérieurs, la Constitution actuelle consacre une large ouverture en
matière de saisine de la Cour constitutionnelle en interprétation
de la Constitution.
Jusqu'à la Constitution de la transition du 4 avril
2003, la Cour suprême de justice ne pouvait être saisie que sur
requête du procureur général de la République
agissant à la demande du président de la République, du
bureau de l'Assemblée nationale ou d'une juridiction de jugement devant
laquelle une exception d'inconstitutionnalité était
soulevée.
Avec la Constitution du 18 février 2006, cette
juridiction connaît des recours en interprétation de la
Constitution sur saisine du président de la République, du
gouvernement, du président du sénat, du président de
l'Assemblée nationale, d'un dixième des membres de chacune des
chambres parlementaires, des gouverneurs de province et des présidents
des Assemblées provinciales889(*).
C'est ainsi que le président de l'Assemblée
nationale a saisi, en date du 18 mai 2007, la Cour suprême de justice en
interprétation de l'article 114 de la Constitution.
Dans son arrêt R.Const 050/TSR du 23 mai 2007890(*) la Cour dit « que
la validation du pouvoir confiée au parlement par article 114 de la
Constitution, concerne la vérification des faits tels que
l'identité des députés nationaux ou des sénateurs
proclamés provisoirement élus et ne vise pas le mandat des
personnes dont la régularité de l'élection a
été constatée par les instances judiciaires dont les
décisions s'imposent à tous ».
Le recours en interprétation de la Constitution suppose
l'existence préalable d'un conflit de compréhension d'une
disposition constitutionnelle. Il est formé par voie de requête
déposée contre récépissé au greffe de la
Cour qui l'enregistre891(*).
Le recours doit être écrit et signé par le
requérant ou son représentant. Il doit en outre mentionner les
dispositions pour lesquelles l'interprétation est
sollicitée892(*).
Une fois saisie, la Cour est tenue de rendre son arrêt dans le
délai de deux mois à compter de sa saisine. Ce délai peut
être ramené à huit jours en cas d'urgence893(*).
Le moins que l'on puisse dire, au-delà de la
stratégie d'instrumentalisation et de contrôle sur commande
politique dénoncée déjà par la doctrine, le
contentieux de l'interprétation n'a pas encore gagné ses lettres
de noblesse en République démocratique du Congo.
Une tentative d'explication qui serait proche de nos
convictions mettrait en avant la jeunesse du juge constitutionnel et son manque
d'expérience évidente pour passer entre les mailles des commandes
politiques parfaitement contraires à la pureté de
l'ordonnancement juridique. Ici, la politique n'est pas encore saisie par le
droit. En est-il de même des contestations électorales et
référendaires ?
§4. Les contestations
électorales et référendaires
Il arrive qu'à la suite des élections, un
candidat, un parti ou un regroupement politique conteste la
régularité du scrutin ou la sincérité des
résultats. La contestation peut porter sur la qualité
d'électeur, les conditions d'éligibilité, les
opérations préparatoires aux élections voire les
opérations électorales proprement dites. Dans tous ces cas, le
juge électoral peut être amené à solutionner un
« conflit politique ». Son intervention dans ce type de
contentieux n'a pas été constante dans l'évolution
constitutionnelle congolaise.
La loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo ne s'est préoccupée que des contestations pouvant survenir
à l'occasion de la vérification des pouvoirs des parlementaires.
Elle attribue cette compétence à la chambre à laquelle
appartient le contestataire894(*). Le texte instaure une sorte de contentieux
politique dans une matière électorale.
La Constitution du 1er août 1964 confie
l'ensemble du contentieux électoral à la Cour
constitutionnelle895(*).
Il en est de même de la Constitution du 24 juin 1967896(*). La loi du 15 août
1974 est restée silencieuse sur le règlement du contentieux
électoral. Celle du 18 février 1978 le confie à la Cour
suprême de justice897(*).
Elaborée dans un contexte particulier marqué par
le dirigisme du Parti-Etat, la loi constitutionnelle du 29 janvier 1988 s'est
nettement démarquée des lois précédentes. Elle
confie au Comité central du Mouvement Populaire de la Révolution
la compétence de connaître du contentieux électoral. Ce
faisant, elle opère le transfert du contentieux électoral d'une
juridiction à un organe politique. C'est, à juste titre, que
Victor Djelo Empenge Osako qualifie ce revirement de vouloir instituer un
« contentieux politique sui generis »898(*).
La suppression du rôle dirigeant du parti par la loi
constitutionnelle du 05 juillet 1990 s'est accompagnée de la restitution
à la Cour suprême de justice de la gestion du contentieux
électoral. Les différents textes constitutionnels qui l'ont suivi
ont réaffirmé le principe. La Constitution du 18 février
2006 n'a pas fait exception. Elle indique que « la Cour
constitutionnelle est juge du contentieux des élections
présidentielles et législatives ainsi que du
référendum »899(*) .
A. Le contentieux
électoral
A ce niveau, l'auteur des présentes lignes renvoie le
lecteur aux développements déjà abondamment faits sur le
contentieux électoral dans les pages précédentes. Sauf
à ajouter qu'il faut faire la distinction entre le caractère
gracieux de la proclamation sans contestation qui aboutit à un
arrêt de donner acte et le contentieux électoral proprement dit
qui aboutit à un arrêt de proclamation du candidat élu
après vérification de la régularité de
l'élection contestée.
Il en est ainsi de l'élection présidentielle
comme des élections législatives nationales.
1. L'élection
présidentielle
Les développements faits ailleurs valent ici et sont
tenus pour textuellement reproduits. L'on peut simplement ajouter que le mandat
présidentiel commence le jour de la proclamation des résultats de
l'élection présidentielle par la Cour constitutionnelle et
s'achève donc cinq années plus tard. L'on peut aussi souligner
que la durée du mandat comme tout délai se comptera de
quantième à quantième c'est-à-dire que le dies a
quo est constitué par le jour de la proclamation par la haute Cour
tandis que le dies ad quem est le dernier jour de la cinquième
année à compter de la proclamation.
2. Les élections
législatives nationales
Ce contentieux a été fort nourri dans la
jurisprudence congolaise même si l'on peut regretter l'usage abusif des
voies de recours extraordinaires propres à la procédure civile et
l'usage fort critiquable des communiqués de presse comme mode de saisine
de la Cour suprême de justice en matière électorale.
L'on peut regretter en outre l'absence en cette occurrence de
délais de saisine scrupuleusement observés ; ceci a
constitué une violation du droit de la défense dont le
caractère constitutionnel a manqué d'être consacré
par la jurisprudence suprême en matière électorale.
900(*)
C'est le lieu de souligner quand même que la Cour
suprême de justice était le juge d'appel des décisions
rendues au premier degré par les Cours d'appel en ce qui concerne les
députés provinciaux.
L'éclatement programmé de la Cour suprême
de justice devrait conduire à confier cette compétence d'appel
à la Cour constitutionnelle de manière expresse. Le défaut
d'une disposition expresse conduira à une impasse, la compétence
étant d'attribution en cette matière comme partout en droit
public.901(*)
Il nous paraît en effet problématique que la loi
électorale en vigueur reste dans l'état actuel de son
écriture en confiant la compétence à la juridiction
d'appel la compétence de statuer sur l'appel formé par une
partie. La Cour constitutionnelle n'est pas techniquement la juridiction
d'appel des arrêts des Cours d'appel. Nous plaidons la compétence
d'appel de cette juridiction pour des raisons dejà
évoquées.
Du même coup, l'on évitera les hésitations
sur la composition de la Cour suprême de justice en cette matière
hautement politique. Désormais, cette matière relèvera de
la seule Cour constitutionnelle. 902(*)
B. Le contentieux
référendaire
Le référendum, au-delà de sa
capacité à oindre l'action politique de la sacralité issue
de la volonté populaire, peut amener les citoyens pris qualitate
qua à en contester les conditions d'organisation et les
résultats. 903(*)
Il s'agit en effet d'un moyen de contrôle qui n'a pas
beaucoup de chances dans la mesure où politiquement, le
référendum jouit d'une présomption de
régularité absolue et juridiquement, est l'expression de
l'exercice de la démocratie directe. Le juge constitutionnel aura
donc tendance à se méfier du référendum et des lois
issues de ce mécanisme. 904(*)
A notre avis, le juge devrait rester libre de contrôler
la régularité formelle de l'organisation et de la
sincérité du vote tout en ayant en perspective la
proportionnalité de la lésion constitutionnelle au
regard du but recherché et des objectifs essentiels de l'Etat de droit.
Cependant, étant donné la dimension
spécifique d'une consultation référendaire, un examen de
la régularité constitutionnelle du texte ne pourrait en fait
être pratiqué qu'avant la consultation car le juge constitutionnel
se déclarera incompétent pour en juger s'agissant d'abord de
l'expression directe de la démocratie et enfin, quant au fond, le peuple
souverain neutralise ainsi par sa manifestation souveraine l'éventuel
vice d'inconstitutionnalité ayant pu affecter la procédure.
En droit français, par exemple, saisi d'un recours en
inconstitutionnalité dirigé contre la loi autorisant la
ratification du traité de Maastricht, le Conseil constitutionnel s'est
déclaré incompétent en considérant
que « au regard de l'équilibre des pouvoirs établi
par la Constitution, les lois que celle-ci a entendu viser dans son article 61
sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles
qui, adoptées par le peuple français à la suite d'un
référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel
au titre de l'article 60, constituent l'expression de la souveraineté
nationale ».905(*)
Il n'en est pas de même lorsque le conflit éclate
entre les organes du pouvoir central de l'Etat.
§5. Les conflits
d'attributions entre pouvoirs exécutif et législatif et entre
l'Etat et les provinces
Dans un Etat de droit, il arrive que le constituant fasse
appel au juge constitutionnel pour trancher un conflit des compétences
entre les institutions politiques. L'étude de l'évolution
politique et constitutionnelle du Congo permet d'affirmer que la question a
toujours préoccupé le constituant.
Première Constitution à avoir pris en charge la
question, la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo a
confié la compétence de trancher sur les conflits d'attribution
à la chambre des conflits de la Cour constitutionnelle906(*). La Constitution du
1er août 1964 ne s'est intéressée que des
conflits d'attribution pouvant naître au sein du gouvernement. En effet,
en cas de conflit entre le premier ministre et les ministres, seul le
président de la République pouvait trancher907(*). Comme on peut bien s'en
apercevoir, cette Constitution a confié à une institution
politique la compétence de trancher les conflits d'attribution.
La Constitution du 24 juin 1967, ses différentes
modifications ainsi que les Constitutions de la transition sont restées
muettes sur la question. La Constitution du 18 février 2006 indique que
la Cour constitutionnelle connaît des conflits de compétences
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu'entre
l'Etat et les provinces908(*).
En matière de conflit d'attribution, les manifestations
du juge constitutionnel peuvent être multiples. Nadine La Grance en voit
trois. Pour elle, le juge constitutionnel peut jouer le rôle soit de
contrepoids, soit d'autolimitation juridique du pouvoir exécutif, soit
d'autolimitation du pôle législatif909(*).
Comme « contre pouvoir », le juge
constitutionnel est tenu de faire respecter l'équilibre constitutionnel
des pouvoirs (exécutif et législatif) mais également
d'arbitrer les conflits ou les relations entre la majorité (le
gouvernement et la majorité parlementaire) et la minorité
(l'opposition).
Dans la pratique, ce juge est souvent saisi à
l'initiative de l'opposition parlementaire contre le développement d'une
législation dont la responsabilité politique incombe au
gouvernement. Cette saisine apparaît comme une arme à la
disposition de l'opposition, ce qui pourra induire de la part de ce juge une
attitude d'autolimitation.
La deuxième manifestation du juge constitutionnel
apparaît au moment où son intervention est
considérée comme « un contrepoids
institutionnel » face à l'affaiblissement politique du
parlement devant la puissance exécutive. Cette puissance s'accommode
facilement avec la quasi-totale irresponsabilité politique et
pénale dont peut bénéficier le président de la
République.
Le juge constitutionnel peut être amené à
faire figure de censeur des actes des autorités politiques. Un tel
contrôle qui se situe entre le droit et la politique peut comporter le
risque de le voir se livrer à un contrôle politique ou
d'opportunité. Il est susceptible de susciter un débat sur la
politisation de l'intervention du juge dans le domaine qui lui serait interdit.
Cette intervention est potentiellement redoutable d'autant que le contenu des
règles à respecter n'est pas toujours pré
déterminé, ce qui peut conduire à l'arbitraire910(*).
Il s'ensuit que bien qu'indispensable pour assurer
l'équilibre institutionnel, l'intervention du juge constitutionnel dans
le domaine politique est diversement appréhendée. Pendant que
certains y voient une garantie dans le règlement des conflits
d'attributions, d'autres considèrent que cette intervention ne doit pas
avoir comme finalité de mettre en péril l'existence des autres
institutions911(*).
Elle ne doit pas constituer un danger pour l'exercice par les
autres pouvoirs de leurs prérogatives constitutionnelles. Le domaine
politique étant celui dans lequel la neutralité est souvent rare,
le juge constitutionnel doit éviter de se livrer à une
juridicisation excessive du jeu politique.
Tout de même, voyons à présent quels sont
les types de conflits qui sont susceptibles de survenir dans l'exercice du
pouvoir dans l'Etat et comment les solutions juridiques peuvent y être
apportées. Commençons par les conflits qui touchent les deux
fonctions majeures de l'Etat.
A. Conflits entre
Exécutif et Législatif dans l'Etat
Les conflits entre ces deux fonctions de l'Etat sont le plus
nuisibles à ce dernier car ils transforment la nature du régime
politique et, avec lui, l'état des libertés publiques dans la
nation.
En effet, le conflit pouvant se résorber au profit de
l'un ou l'autre pouvoir, le régime, quel que soit le prototype
institutionnel institué dans la loi fondamentale, finit par se
transformer en régime d'assemblée ou en une monocratie
présidentielle, tous deux dangereux en fin de comptes pour les
libertés fondamentales et pour la démocratie. Sans être
grand psychologue, l'on sait que les conflits commencent toujours dans les
coeurs des hommes et finissent par être exprimés soit par la
parole soit par l'écrit soit par le geste de sorte que ce que l'on
appelle généralement conflit politique est l'expression d'un
état d'âme non maîtrisé.
Les querelles qui opposent généralement
l'exécutif au législatif peuvent être d'ordre politique
avant de revêtir un costume juridique. Pour revenir au cas pathologique
congolais, il n'est pas vain de retracer la controverse doctrinale liée
à la nature du régime politique qui engendre ou encadre le
conflit politique. Ainsi, à propos du régime parlementaire,
André Hauriou pense notamment qu'il est convenable en occident,
où l'unité nationale est achevée, un accord sur les bases
générales de la politique extérieure et intérieure
réalisé, un rythme de croisière trouvé pour la
croissance économique912(*).
Malgré ces obstacles que nous avons, nous-mêmes,
relevés ailleurs, il convient de nuancer ces affirmations. En effet, le
régime parlementaire est convenable ailleurs qu'en occident (ex.
Israël) et ces conditions ne sont pas cumulatives ; elles peuvent
être alternatives, les unes entraînant les autres. En Afrique
noire précoloniale, les royaumes et empires ont quelques fois
adopté un régime parlementaire, en ce que les ministres du Roi ou
de l'Empereur répondaient de leurs actes devant le conseil des sages qui
était, à tout considérer, une assemblée
parlementaire913(*).
Il est donc excessif de penser que le régime
parlementaire est inconcevable, tout au moins, est-il difficile à
appliquer en Afrique en général et au Congo en particulier pour
les raisons que nous connaissons, tous : exacerbation des luttes tribales
et claniques, et par conséquent, absence de consensus large sur la
société (légitimité) et enfin,
l'inefficacité économique qui en résulte et qui exacerbe,
rétroactivement, les luttes tribales pour la survie.
Par ailleurs, il convient de noter que ces obstacles sont de
taille d'autant plus que beaucoup d'Etats africains étaient
parlementaires en 1960 ; dix ans après, ils sont devenus presque
tous des Etats à gouvernement présidentiel.
La raison de ce revirement nous semble être celle
avancée par Hauriou lorsqu'il écrit que « le
régime parlementaire apparaît souvent compliqué et
fragile : les Africains ne comprennent pas que celui qui détient la
réalité du pouvoir exécutif ne soit pas le premier
personnage de l'Etat»914(*).
Cette assertion est en partie fondée ; cependant,
nous nous devons de dire que même en Grande-Bretagne où ce
régime est né, selon la théorie constitutionnelle
classique occidentale, le peuple anglais a dû mettre des siècles
pour comprendre que le pouvoir exécutif appartenait dorénavant au
Premier ministre venu des Whigs ou des Tories.
La difficulté de compréhension, toutefois,
demeure du fait qu'elle est exacerbée, chez-nous, par l'absence de la
nation, cette force réelle qui eût pu aider nos populations
à comprendre les mécanismes alternatifs du pouvoir. La nuance
s'impose au niveau de micro-nations (tribus et clans) précoloniales
ayant atteint un niveau de développement politique avancé
(royaume ou empire).
Devant cette difficulté extrême : diriger un
Etat sans nation, les dirigeants africains de premières heures (1960)
ont préféré à ce régime, le système
présidentiel. En l'absence de la nation, l'anarchie frappait
à la porte de l'Etat. Le régime de type présidentiel
permet surtout un encadrement plus autoritaire du pays915(*).
Il nous semble opportun de relever que ce régime a
dû gérer des Etats vastes comme les Etats-Unis d'Amérique
sans pour autant que la gestion soit autoritaire.
Le régime présidentiel est finalement la
réponse sociologique (pas très adéquate !) aux
problèmes posés par le parlementarisme irrationnel des
années 1960.
En effet, le régime présidentiel est permissif,
en cas d'absence de nation, d'une dictature civile ou militaire. Ce
régime offre toute sa valeur dans un tout autre cadre. Chez-nous, le
quart de siècle passé nous révèle que le
régime présidentiel n'était qu'une fausse
fenêtre en l'absence de nation, une réponse temporaire et
inadéquate surtout dans un cadre unitaire et monopartite.
Le chef de l'Etat est encore perçu ici comme le fils de
telle tribu ou tel autre clan. Une telle mentalité ne confère ni
légitimité nécessaire ni efficacité indispensable
au système ainsi mis en place. Voilà pourquoi, la tentation
avait été de verser dans une tendance effrénée au
présidentialisme et au monisme politique intégral. Nous n'osons
pas ainsi justifier les écarts rencontrés dans la pratique de ces
gouvernements.
Le Congo, en effet, a déjà essayé ces
deux types de régimes parlementaire et présidentiel. Il reste le
régime semi-présidentiel que le constituant de 2006 semble avoir
adopté.
En effet, outre les obstacles inhérents à
l'anatomie du corps social congolais, il faut ajouter le coût prohibitif
du mimétisme institutionnel tel quel. Mais nos
préférences vont tout droit au régime
semi-présidentiel qui a l'avantage double d'être un moyen terme
entre les deux extrêmes et d'instituer le double contrôle politique
du gouvernement.
Le chef de l'Etat étant élu au suffrage
universel direct comme les membres de l'Assemblée Nationale, il
partagera ainsi l'exercice de la souveraineté nationale avec eux. Ceci
entraîne la conséquence suivante : un double contrôle
politique s'exerce sur le gouvernement d'une part, par le chef de l'Etat et
d'autre part, par l'Assemblée Nationale.
Ce système nous évite les déviations
néfastes de deux premiers qui sont le présidentialisme
(césarisme) et le régime d'assemblée et qui constituent,
au fait, l'un et l'autre, des négations de la démocratie.
Cependant, les trois dernières années ont offert un cas de
conflit politique spécifique entre le Chef de l'Etat et le
Président de l'Assemblée nationale, tous issus d'une même
formation politique. Au-delà des définitions que ce mot peut
recouvrer en doctrine, l'on peut noter déjà que la vie politique
est parsemée des querelles de toute sorte, dont certaines sont
politiques.
1. Les questions
politiques
D'emblée, il sied d'affirmer que tout conflit politique
est avant tout un conflit pour la possession du pouvoir c'est-à-dire le
contrôle des moyens du pouvoir. Ceux-ci sont d'ordre politique,
financier, matériel et humain. C'est ainsi que le transfuge d'un parti
rival qui va dans le camp adverse peut être l'objet d'un conflit
politique916(*). La
répartition des crédits d'un budget national comme c'est le cas
de nos jours peut de même constituer une pomme de discorde.917(*)
C'est autant dire que le conflit politique est une sorte
d'hydre à plusieurs têtes dont on ne peut pas scruter prima
facie les ressorts réels. La seule certitude du conflit politique
est qu'il a sa cause dans l'envie de contrôler le pouvoir politique mais
il emprunte les formes les plus diverses allant des diatribes les plus
violentes aux assassinats en passant par des bouderies et moues de toute sorte.
Il est donc difficile dans une étude consacrée
au contentieux constitutionnel de prévoir tous les conflits politiques
qui prennent entre autres la forme d'un conflit d'attribution du point de vue
juridique.
2. Les conflits
juridiques
L'on peut d'emblée dire que lorsque le conflit
politique a longtemps couvé, il éclate souvent sous la forme d'un
contentieux juridique. Par ailleurs, un conflit de compétence est
toujours et déjà un conflit politique cependant tout conflit
politique n'emprunte pas les allées du droit. La
spécificité du droit constitutionnel moderne toutefois, c'est
entre autres de cristalliser toutes les contestations politiques sous la forme
du droit.
Certains ont conseillé la prudence au juge
constitutionnel mais ils n'ont guère indiqué la mesure de cette
prudence qui est susceptible d'inhiber fort longtemps la justice
constitutionnelle congolaise. Ainsi, l'on ne peut s'empêcher de constater
que le conflit d'attribution cache déjà une discorde politique
qui n'a pas trouvé une issue politique discrète.
Lorsqu'il prend en effet les formes juridiques, le conflit
politique emprunte naturellement les solutions de droit qu'il sied d'analyser
ici très rapidement. Il s'agit de la protection du domaine du
règlement par rapport à la loi, de la dissolution de
l'assemblée nationale ainsi que de la motion de
censure.
En effet, il est vrai que la protection du domaine du
règlement par rapport au domaine de la loi traduit la mutation qui s'est
opérée de l'Etat légal à l'Etat de droit de
même que l'amincissement du domaine de la loi indique l'affaiblissement
progressif du parlement au profit de l'exécutif. Le centre de la
normativité se trouve au sein de l'exécutif et dès lors,
le règlement est protégé contre les assauts
éventuels d'une législation qui interviendrait ainsi d'une
manière sauvage.
A propos, Félix Vunduawe opine que pour protéger
le domaine réservé au pouvoir réglementaire, la
Constitution de la transition du 4 avril 2003, en son article 127, donnait le
droit au gouvernement de soulever l'exception d'irrecevabilité au cours
de la procédure législative.918(*) Sous l'empire de la Constitution en vigueur,
possibilité est donnée au Président de la
République et plus particulièrement au Premier ministre de saisir
la Cour constitutionnelle d'un recours visant à faire déclarer
une loi déjà adoptée mais non encore promulguée,
non conforme à la Constitution.919(*)
Ce conflit juridique traduit, l'on s'en doute, un
émiettement de la majorité parlementaire dans l'hypothèse
du régime politique congolais ou un déplacement de cette
majorité lorsque elle ne coïncide pas avec la majorité
présidentielle. En cas donc de cohabitation des majorités, l'on
peut se rendre compte que l'exception d'irrecevabilité ou le recours
auquel elle peut donner lieu deviennent des armes d'empêchement entre les
mains de l'exécutif.
Il suit de là que tous les actes législatifs
intervenus antérieurement dans le domaine protégé du
règlement peuvent être modifiés par décret du
premier ministre.920(*)
L'autre conséquence non moins importante est que le pouvoir
réglementaire autonome s'exerce indépendamment du pouvoir
législatif et ne peut être limité que par la Constitution
et les principes généraux du droit.921(*)
Dans la mesure où les principes généraux
du droit sont susceptibles d'être modifiés par la loi, il nous
semble plus logique de dire que les règlements autonomes ne se
soumettent qu'à l'autorité de la Constitution.
L'on peut noter aussi que le Président de la
République peut entrer en conflit avec son premier ministre ; ce
conflit se résorbe politiquement par la révocation de ce dernier
dans les formes constitutionnellement fixées.
D'un mot, la règle de solution est différente
lorsqu'il s'agit des matières partiellement réservées au
pouvoir réglementaire, le constituant ayant installé un domaine
de collaboration entre les deux pouvoirs de normativité.
Dans le cas prévu par l'article 123 de la Constitution,
le législateur interviendra dans ces matières mais en fixant les
principes fondamentaux ou en posant des normes de principe. Le pouvoir
réglementaire en revanche édictera des normes dans le cadre
tracé par les principes législatifs et pour en procurer une
exécution aisée.922(*)
La solution juridique ainsi trouvée est susceptible
d'aboutir sur une grave crise institutionnelle car son application stricte est
un indicateur sûr que la majorité parlementaire ne soutient plus
tout à fait son émanation gouvernementale. L'autre solution
juridique est et demeure la dissolution de l'assemblée nationale en cas
de crise persistante entre le gouvernement et l'assemblée nationale.
Aux termes de l'article 148 de la Constitution, le
Président de la République, après consultation du Premier
ministre et des Présidents de deux chambres parlementaires, peut
prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. Il suit de cette
disposition constitutionnelle que le droit de dissoudre appartient
exclusivement au Président de la République qui en dispose donc
de façon régalienne. Il lui appartient cependant de prendre la
mesure de l'acte de dissolution qui demeure néanmoins un acte de haute
portée politique. La consultation de Présidents des chambres
parlementaires aboutit à un avis facultatif ; par contre, la non
consultation de ces deux autorités publiques rend la dissolution
inconstitutionnelle.
Ainsi donc, la Cour constitutionnelle demeure
compétente de statuer sur la dissolution en ce qui concerne sa
validité formelle, le fond c'est-à-dire
l'opportunité étant une question politique laissée
à la discrétion du Président de la République.
Cependant, il est interdit de dissoudre pendant l'année qui suit les
élections, pendant l'état d'urgence ou de siège ou de
guerre, ni pendant l'intérim présidentiel exercé par le
Président du Sénat.923(*)
Il en est de même de la motion de censure qu'exercerait
l'Assemblée nationale à charge du Gouvernement en cas de
désaccord avec ce dernier. En effet, ce mécanisme politique de
contrôle s'exprime par voie d'une résolution qui n'est
pas à confondre avec un acte législatif comme le fait
malheureusement la Cour suprême de justice.924(*)
Au-delà de ce commentaire, il sied de noter que la
motion de censure demeure une arme dissuasive que détient la
majorité parlementaire à l'endroit du gouvernement. La menace de
son utilisation assagit souvent le Gouvernement qui rentre ainsi dans les rangs
de la majorité parlementaire. Cependant, en République
démocratique du Congo, toutes motions de censure déposées
contre le gouvernement ayant jusque là échoué, l'on peut
aisément constater que la discipline partisane entraine une sorte de
caporalisation de la vie politique.
Mais l'explication ultime pourrait être trouvée
dans la conception traditionnelle du chef qu'a la classe politique congolaise
qui le prend en effet pour un pourvoyeur des vivres. La politique s'analyse
alors en une sorte de mangeoire nationale où viendraient s'abreuver les
animaux politiques de tout bord.
Dans une telle conception de la politique saisie comme un
prolongement du tube digestif, il y a fort peu de place pour un nombrilisme qui
conduirait à l'indépendance de l'élu.
Ainsi, la formule constitutionnelle selon laquelle
« le mandat impératif est nul »925(*) rentre dans le cadre
des objets politiquement non identifiés dans la praxis politique
congolaise.
Le dernier événement où les
états-majors des partis politiques, pour faire tomber le
Président de l'Assemblée nationale, ont fait signer avec grand
bruit et à coup d'abattement médiatique officiel, hors parlement,
une motion de destitution à l'encontre de ce dernier, est de nature
à souligner ce caractère alimentaire de la vie politique
congolaise.
Ces trois cas de figure ne retracent pas la totalité
des conflits juridiques qui sont multiples et variés.
C'est le cas de ceux qui peuvent survenir entre l'Etat et ses
entités régionalisées.
B. Conflits entre provinces et
l'Etat
Les contestations faisant partie, on l'a vu, de la vie
politique des nations, il n'est pas exclu que les provinces suscitent des
difficultés avec l'Etat dans le cadre soit politique soit juridique.
Voyons à présent ce qu'il en est des contestations politiques.
1. Les contestations
politiques
A ce jour, la jurisprudence n'indique pas encore une
contestation politique ouverte entre les provinces et l'Etat. Cependant, il
existe une contestation politique larvée entre ces entités, du
moins certaines d'entre elles, avec l'Etat. En effet, certaines provinces dites
privilégiées926(*) réclament l'application directe et
immédiate de l'article 175 alinéa 2 de la constitution qui
dispose que la part des recettes à caractère national
allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue
à la source. 927(*)
En effet, ce débat traduit clairement la
présence des luttes anciennes entre les fédéralistes et
les unitaristes. Cette lutte se traduit dans la Constitution actuelle par un
savant dosage qui donne néanmoins gain de cause aux
fédéralistes même s'ils ont eux aussi perdu la bataille de
la dénomination constitutionnelle.928(*)
Ainsi, il y a une forte résistance due aussi à
l'absence des moyens financiers énormes à l'égard de cette
régionalisation politique pourtant constitutionnellement
consacrée. Les querelles politiques étant nombreuses du fait
même, comme on l'a montré plus haut, qu'elles expriment des
états d'âmes qui sont nécessairement multiples, il convient
de voir comment certaines d'entre elles peuvent être transformées
en questions juridiques et ainsi trouver solution.
2. Les querelles
juridiques
Les questions juridiques entre les provinces et l'Etat sont
essentiellement celles relatives à la répartition des
compétences entre ces deux étages de l'Etat congolais.
D'emblée, l'institution de la Conférence des Gouverneurs de
province par la Constitution est de nature à permettre l'aplanissement
de tout différend politique car elle assure des contacts permanents et
organiques entre l'exécutif national avec les exécutifs
provinciaux.929(*)
De par sa composition et des objectifs qui lui sont
assignés, la Conférence des Gouverneurs est un mécanisme
politique et juridique de résolution des querelles politiques
susceptibles de survenir.
Cependant, en raison du régionalisme politique
adopté par le constituant congolais actuel, les difficultés sont
susceptibles de surgir du fait de la répartition des compétences.
Ainsi, le législateur national n'a qu'à intervenir dans les
matières exclusives et concurrentes.
Si par hasard, il intervient dans une matière exclusive
à la province, il appartiendra à la Cour constitutionnelle de
trancher le conflit après saisine de la province
lésée ; tandis que les juridictions administratives
resteront compétentes pour régler les conflits de
compétence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir
exécutif provincial, par le biais notamment du recours pour excès
de pouvoir.930(*)
Il importe de noter qu'à l'intérieur des
matières, le domaine réglementaire et le domaine de la loi reste
séparés comme au niveau national.931(*)
S'agissant des matières concurrentes, la règle
de solution juridique du différend gît dans l'article 34 de la loi
n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs
à la libre administration des provinces qui dispose clairement que
« tout édit provincial incompatible avec les lois et
règlements d'exécution nationaux est nul et abrogé de
plein droit ». 932(*)
Il s'agit au fait de la reproduction de la norme contenue dans
l'article 205, alinéa 4, de la Constitution. La formulation du dernier
alinéa de l'article 205 susmentionné en posant que « la
législation nationale prime sur l'édit provincial »
semble trancher définitivement toute querelle entre les deux normes de
même nature mais de niveaux différents.933(*)
Il reste qu'en cas de doute, le juge constitutionnel demeure
le seul organe habilité à trancher définitivement. Si des
règles constitutionnelles et légales existent pour régler
les querelles dans le cadre du régionalisme constitutionnel
adopté par la République démocratique du Congo, il semble
que tel n'est pas le cas lorsque le différend oppose les provinces entre
elles.
C. Le cas spécifique
des conflits entre provinces
L'hypothèse ne semble pas avoir été
envisagée par le constituant, cependant, elle est susceptible de
survenir. Il suffit de remarquer enfin que deux ou plusieurs entités
régionalisées peuvent poser des actes juridiques qui
recèlent une contradiction juridique. L'hypothèse est
jusque-là théorique mais elle ne manque pas de
prévisibilité matérielle. Il faut voir d'abord le
problème que pareils actes pourraient poser avant d'étudier la
règle de solution possible.
1. Position du
problème
La loi n°08/012 du 31 juillet 2008 déjà
mentionnée indique par ailleurs que deux ou plusieurs provinces peuvent
contracter des accords de coopération interprovinciale.934(*) Cette formulation
pose-t-elle la question juridique suivant laquelle il n'y aurait que des
accords de coopération entre provinces et non un quelconque acte
juridique de nature provinciale susceptible d'engendrer un conflit entre elles.
En cette occurrence, quel serait le juge compétent ?
2. Règle de
solution
Telle que posée, la question mérite deux niveaux
de réponse.
Au premier niveau, il convient de constater qu'entre les
provinces les accords de coopération interprovinciale sont possibles.
C'est d'ailleurs ce que préconise le constituant actuel lorsqu'il
édicte que deux ou plusieurs provinces peuvent, d'un commun accord,
créer un cadre d'harmonisation et de coordination de leurs politiques
respectives et gérer en commun certains services dont les attributions
portent sur les matières relevant de leurs compétences.935(*)
Dès lors, il importe d'affirmer que la forme de cet
accord entre provinces n'étant pas précisée, il peut bien
intervenir sous la forme d'un arrêté interprovincial
promulgué par les deux gouverneurs soit, s'il s'agit d'une norme
législative, sous la forme d'un édit interprovincial. Il n'est
pas exclu de même que cet accord se forme sous une forme tout à
fait libre et différente de deux premières mentionnées.
Au second niveau, dans les deux premiers cas, il convient de
constater qu'à la fois le juge administratif et le juge constitutionnel
restent compétents pour en connaître.
En effet, s'agissant d'un arrêté interprovincial,
l'article 74 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 rend chaque cour
administrative d'appel compétente pour connaitre des recours en
annulation pour violation de la loi, des édits et des règlements
nationaux formés contre les actes ou décisions des
autorités provinciales ou locales et les organismes placés sous
la tutelle de ces autorités.
Par contre, s'il s'agit d'un édit interprovincial,
l'article 73 de la même loi rend la Cour constitutionnelle seule
compétente pour ce faire.
En revanche, si l'accord n'a pas emprunté les formes
susmentionnées, il faut décider que le juge ordinaire demeure
compétent pour traiter des difficultés d'interprétation
et/ou d'exécution qu'il pourrait entrainer. 936(*)
En effet, il faut, dans l'état actuel de la
législation, songer à rendre le juge administratif
compétent si l'accord est un contrat administratif et confier la
connaissance du litige au juge de droit commun s'il s'agit d'un accord
régi par les règles du droit commun.937(*)
Si les choses semblent faciles pour ce règlement, le
cas de traités internationaux connaît un régime
spécial qu'il sied d'examiner en abordant tant la controverse doctrinale
qui a toujours caractérisé la matière que la règle
de solution adoptée en droit positif congolais.
§6. Le contrôle de
conformité des traités et accords internationaux
Le terme même
de « conformité » pose problème en
doctrine même si un grand maître par ailleurs ancien membre du
Conseil constitutionnel pense qu'il y là des « variations
sémantiques sur le même thème sans portée juridique
véritable ».938(*)
La différence sémantique entre
contrariété et non-conformité traduit une
différence de perspective. Le juge qui dit qu'un texte est conforme ou
non conforme a une approche positive alors que son homologue qui dit le
même texte contraire ou non contraire à la Constitution a une
perception négative qui semble trancher définitivement la
contestation.
Au-delà donc des termes qui pourraient être
synonymes sans être identiques, l'on peut retenir que l'expression de
conformité sied à la terminologie du contrôle à
priori et au vocabulaire du droit international public qui
privilégie celle de compatibilité. Ce débat linguistique
est l'arrière-fond idéologique du sempiternel débat entre
monistes et dualistes, finalement entre constitutionnalistes et
internationalistes.
En effet, pour l'internationaliste, les normes internationales
n'étant pas inférieures aux normes internes, il ne se pose que le
problème de compatibilité entre les normes de deux ordres
différents alors que pour le constitutionnaliste, seule se pose la
question de la conformité des normes même internationales avec la
norme constitutionnelle considérée comme suprême dans
l'ordonnancement juridique unique.
Essayons donc d'épiloguer sur cette controverse dont
l'intérêt théorique est encore évident avant de dire
ce qu'il en est en droit positif congolais.
A. Controverse doctrinale
entre thèses moniste et dualiste
La doctrine fait état, depuis des années, de
cette controverse qui est en fait la position adoptée au regard de la
question de rapports entre les ordres juridiques international et internes. Si
la question de l'existence de deux ordres ne soulève guère de
difficultés particulières tant elle apparait comme une
évidence et s'impose ainsi aux deux camps comme un dogme, la question de
tracer le parallèle entre les deux semble diviser les penseurs.
939(*)
Aussi, traditionnellement, l'on envisageait la question de
rapports entre les deux ordres juridiques du point de vue matériel,
c'est-à-dire de la répartition des matières entre l'ordre
international et l'ordre interne.940(*)
En revanche, l'adoption du critère formel
révèle des différences des règles
d'élaboration et d'entrée en vigueur. Cette approche sous-entend
la problématique de la hiérarchie des normes qui est à la
base de la controverse. Si les normes sont en effet différentes dans
leur élaboration, elles doivent en effet connaître une
hiérarchie pour trouver application lorsqu'elles présentent
parfois quelque contradiction. 941(*)
Certains auteurs ont douté de l'existence d'un ordre
international se fondant ainsi sur les imperfections nombreuses qu'il
recèle et qui l'empêcheraient d'accéder à la
dignité d'ordre juridique. A supposer que ces imperfections arrivent un
jour à disparaître, il se poserait théoriquement la
question de la place d'un ordre juridique international
« mondialisé » auquel se subordonneraient les droits
internes enfin vaincus.
Cette hypothèse n'est pas à évacuer dans
la mesure où depuis deux décennies, le discours de
« globalisation » et de
« mondialisation » semble réveiller le vieux mythe
kantien de la paix perpétuelle qui passerait aussi par un droit mondial.
Les réticences et résistances des Etats constituent-elles
à ce niveau le gage de l'existence d'un droit interne dans le
futur ? Rien n'est moins sûr au regard de l'évolution de la
vie internationale qui indique plutôt une émasculation de la
souveraineté des Etats.942(*)
Derrière donc ce débat théorique, se
profile un combat politique d'une intensité aussi grande que le partage
du monde après Yalta.943(*)
Ainsi pour certains, le droit international est de même
nature que le droit interne ; il n'existerait entre eux qu'une
différence de degré. Les monistes sont donc partisans de
l'idée qu'il ne peut exister qu'un seul droit et l'idée
d'en formuler deux définitions est rejetée avec énergie
par eux.
En revanche, pour les dualistes, deux ordres juridiques sont
parfaitement concevables tant les imperfections du droit international sont
évidentes et même ses différences fondamentales d'avec le
droit interne très patentes. Certains parmi eux, que la doctrine
qualifie d'extrémistes, ont même soutenu que les deux ordres sont
indifférents l'un de l'autre. 944(*)
Comme pour résumer, retenons que la thèse
moniste énonce que le droit international s'applique directement dans
l'ordre juridique des Etats car leurs rapports sont ceux
d'interpénétration rendus possibles par leur appartenance
à un système unique fondé sur l'identité des
sujets(individus) et des sources du droit(un fondement objectif) et non des
procédures mettant en oeuvre la volonté des Etats.
Cette option tranche par sa simplicité car elle
implique que tous les conflits des normes seront désormais
résolus suivant des principes uniques car l'idée même de
« réception formelle » des normes internationales
dans l'ordre interne est non seulement évacuée, mais surtout elle
est tout étrange.
Pour les dualistes en revanche, les conflits entre normes de
droit international et norme de droit interne sont non seulement possibles,
logiques et surmontables, mais aussi et surtout ces normes n'ont pas le
même objet et ne régissent pas les mêmes rapports sociaux.
Il va donc de soi que l'option des dualistes sera que les deux
ordres se communiquent par le biais des procédures qui transforment une
norme d'un ordre donné en une règle d'un autre ordre
déterminé. Du reste, les sujets ne sont pas les mêmes dans
les deux ordres juridiques.945(*)
L'on peut relever avec pertinence qu'il y a pluralité
de systèmes juridiques mais la portée réelle de cette
controverse est que la hiérarchie des normes internes et
internationales se fait souvent au profit de ces dernières. Mais le
constitutionnaliste affirme que la Constitution reste et demeure la norme
suprême à laquelle doivent s'assujettir toutes autres normes
même de droit international.946(*)
Nous souscrivons à cette opinion des
constitutionnalistes qui considèrent à raison qu'une norme de
droit international doit pour son élaboration et son application
vérifier de sa conformité aux règles de treaty-making
power par ailleurs prévues dans la Constitution. Dès lors,
il est logique de considérer que l'Etat ne s'engage internationalement
que parce qu'il est Etat organisé politiquement par le texte fondateur.
Ainsi donc, l'amalgame à mettre dans le même
panier toutes normes de droit interne procède de la volonté
impérialiste de nier la souveraineté des Etats et du coup, leur
existence constitutionnelle. Et sur le chemin de cette négation, l'on
peut entrevoir le bénéficiaire de cette théorie
négationniste de l'Etat.947(*)
Le débat étant circonscrit sur le plan de la
théorie de droit international, il importe maintenant d'en saisir la
portée en droit positif congolais et dans la praxis diplomatique du
pays.
B. Point de vue et pratique
internationale de la République démocratique du Congo
Le pays considère que le traité oblige tous les
organes de l'Etat partie, parce que l'obligation d'exécuter s'impose
à lui dans son ensemble comme sujet de droit international.
D'ailleurs, l'article 27 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités oblige l'Etat à appliquer le traité
même si ce dernier contient des dispositions contraires au droit interne.
En droit international, il a toujours été admis qu'un Etat qui a
valablement contracté des obligations internationales est tenu
d'apporter à sa législation les modifications nécessaires
pour assurer l'exécution des engagements pris.948(*)
Ainsi, il incombe à chaque organe de l'Etat de prendre
des mesures idoines pour procéder à l'application du
traité. Le pouvoir exécutif procédera ainsi à la
promulgation et à la publication, tandis que le pouvoir
législatif s'adonnera à élaborer la législation
nécessaire à l'exécution du traité de même
que les juridictions l'appliqueront dans leur mission de dire le droit.
Trois problèmes juridiques majeurs se posent à
ce niveau : l'introduction des traités dans notre ordre juridique,
le conflit éventuel entre le traité et la loi et enfin, la
compétence du juge devant le traité. Ce trousseau des clés
est digne d'ouvrir une grille de lecture intellectuelle essentielle pour
l'intelligence de la notion de pyramide normative et de la place de certaines
normes dans le contentieux constitutionnel.
Le problème de réception du droit international
renvoie à la question de savoir dans l'Etat quelle est l'autorité
revêtue du pouvoir de sceller le traité de la formule
exécutoire.
L'Etat congolais qui est moniste admet donc que le
traité ne produit pas des effets proprio vigore, comme aux
Etats -Unis d'Amérique selon la jurisprudence Ware versus Hylon.
En 1829, l'arrêt Foster versus Neilson rendu par le Chief
Justice Marshall a persisté dans ce sens en opinant qu'aux «
Etats-Unis il existe un principe différent. Notre constitution
déclare qu'un traité constitue la loi du Pays... »
Au-delà des distinctions fort subtiles de
traités self-executing et non self-executing,
l'introduction du traité en droit congolais suit le système
actuellement en vigueur en France : la ratification(ou la signature pour
les accords en forme simplifiée) suivie de la publication au journal
officiel. Par conséquent, si l'on considère que la publication
rend seulement opposable l'acte juridique, c'est la ratification(ou la
signature de l'accord en forme simplifiée) qui confère au
traité la force obligatoire et exécutoire. Mais, comme on le
voit, la publication est indispensable pour l'application du traité par
les juridictions du Congo. 949(*)
Ajoutons que pendant la colonisation, en vertu de la
spécialité de la loi coloniale prévue à l'article
1er de la Constitution belge, les traités applicables sur
l'ensemble du royaume de Belgique faisaient l'objet d'une double publication.
Ils étaient publiés au Moniteur belge et au Bulletin
Officiel dans la colonie du Congo belge. Et, en 1958, le Bulletin officiel
devint le Moniteur congolais.950(*)
Le deuxième problème juridique relatif à
la place du traité dans l'ordonnancement juridique appelle une
réponse nuancée. En effet, l'obligation d'exécuter le
traité international incombe également au législateur.
951(*)
Le traité peut prévoir des mesures
législatives pour son application, auquel cas elles devront être
prises par le législateur. Il en découle naturellement
l'obligation pour l'Etat partie d'harmoniser sa législation qui serait
en contradiction avec ledit traité.
Cependant, depuis l'avis du 13 mars 1928 dans l'affaire
relative à la compétence des tribunaux de Dantzig, il est reconnu
en droit international que « sont directement applicables dans
l'ordre juridique interne, les dispositions créant des droits et
obligations pour les individus et susceptibles d'être appliquées
par les tribunaux ».952(*)
L'on peut donc conclure qu'à ce niveau l'Etat
législateur est tenu de prendre des actes législatifs pour
rendre applicable le traité auquel l'Etat est partie et selon la
procédure constitutionnelle prévue par le droit interne qui ne
peut cependant être invoquée comme motif légitime pour ne
pas exécuter ses obligations internationales et ce, sous peine d'engager
sa responsabilité internationale.
Quant à la question relative au conflit entre
traité et loi, il sied de noter qu'au-delà de la fameuse
controverse dont l'intérêt a été souligné
plus loin, la République démocratique du Congo fait partie des
Etats qui ont trouvé une solution constitutionnelle à cet
éventuel conflit. En effet, la Constitution du 18 février 2006
maintenant ainsi une tradition assez bien établie et inspirée par
la Constitution française du 4 octobre 1958 pose clairement que
« les traités et accords internationaux
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des
lois, sous réserve pour chaque traité ou accord de son
application par l'autre partie ».953(*)
On notera que ce texte comporte une réserve dite de
réciprocité qui écarte l'application automatique de la
primauté du traité. Mais le contrôle de l'application par
l'autre partie ne peut être fait que par le gouvernement, et lui seul est
en mesure de soulever cette exception devant le juge.
Ensuite, on peut se demander si ce texte a pour effet
d'autoriser le juge à préférer le traité à
la loi postérieure contraire. Cette question, discutée en
doctrine et en jurisprudence françaises, a divisé ces deux
courants de pensée. En raison de la parenté
génétique de la disposition constitutionnelle congolaise avec le
droit français, retenons que là comme ici on se base sur le fait
que le juge n'a pas reçu de la Constitution le pouvoir de
contrôler la constitutionnalité des lois ni la conformité
des lois aux traités. Il est donc fait appel à la solution
traditionnelle de l'égalité de la loi et du traité en
cette occurrence.954(*)
Mais on peut dire aussi que même lorsque la Constitution
règle expressis verbis la question de la primauté du
traité, la loi antérieure au traité n'est pas
nécessairement abrogée ; mais son application est simplement
suspendue dans les dispositions contraires au traité en vigueur ;
de même les dispositions d'une loi postérieure au traité ne
pourraient mettre celui-ci en échec sans engager la
responsabilité de l'Etat.955(*)
S'agissant de l'application des traités par les
juridictions, il convient de noter que la règle constitutionnelle de la
primauté du traité sur la loi résout la question.
Toutefois, il convient de noter que les traités ont toujours fait partie
des actes de gouvernement et comme tels insusceptibles de contrôle devant
le juge administratif.
Le juge judiciaire, en revanche, demeure maître de
l'interprétation du traité, ici interpréter étant
une opération intellectuelle et habituelle du juge consistant à
déterminer le sens exact d'un acte juridique, à en
préciser la portée et à en éclairer les points
obscurs et ambigus. Ainsi l'interprétation judiciaire a-t-elle pris le
pas sur l'interprétation authentique de l'auteur de l'acte dans la
plupart des systèmes nationaux. 956(*)
Interpréter un traité étant une
opération délicate pour le juge qui évite ainsi d'engager
la responsabilité internationale de l'Etat par son oeuvre, la pratique
suivie en République démocratique du Congo est que les juges
s'abstiennent d'interpréter directement le traité et demandent un
avis officiel à l'autorité gouvernementale compétente pour
conduire les relations extérieures et qui a la haute main sur
l'interprétation. 957(*)
Si les choses semblent théoriquement simplement
posées pour ce qui est des traités internationaux, l'on peut
affirmer en résumé que le juge constitutionnel ne dispose pas
directement du pouvoir de contrôler la conformité des
traités à la Constitution cependant par le biais d'une loi
d'application, il demeure compétent pour vérifier la
conformité de celle-ci à la Constitution.
Dans cette hypothèse, le traité joue le
rôle d'écran entre la loi et le texte fondamental.
Même si la loi exécute une volonté
inconstitutionnelle contenue dans un traité, le contrôle reste
ouvert contre la loi pour violation de la constitution car en effet, par ce
biais détourné, le juge interprète le traité et
découvre les vices d'inconstitutionnalité qui l'infectent mais il
ne peut annuler le traité.
En déclarant, comme on le verra plus loin, la loi
d'application non conforme à la Constitution, le juge constitutionnel
oblige le pouvoir exécutif de renégocier le traité ou de
modifier la Constitution ; ce qui mobilise beaucoup trop d'énergies
politiques.
Dans un tel système où chaque ordre de
juridictions peut avoir sa propre vision, il importe qu'une unification de
jurisprudence s'impose de même que les cas de déni de justice
soient évités. L'hypothèse est loin d'être
théorique dans les pays qui ont connu la dualité ou
pluralité des ordres juridictionnels. La République
démocratique du Congo avait jusque là évité cette
question qui a la forme géométrique de la quadrature du cercle.
C'est la sempiternelle question du règlement des juges.
§7. Le règlement
des juges judiciaire et administratif
L'on peut d'emblée affirmer que la notion de
règlement des juges s'inscrit tout naturellement dans la logique de
pluralité de juridictions ou celles de spécialisation des
juridictions. C'est dire que dans le cadre de l'unité des juridictions
stricte comme c'est le cas aux Etats-Unis, il n'est pas envisageable de songer
à une telle notion. Le règlement des juges s'entend, aux dires de
Raymond Guillien et Jean Vincent, d'une procédure par laquelle, lorsque
deux juridictions sont saisies de la même affaire ou de deux affaires
connexes, on peut régler le conflit de compétence.958(*)
Le droit congolais n'étant pas isolé dans le
système romano-germanique dont il est issu, il importe de jeter un
regard croisé dans le pays dominant du système qui est la France
avant de voir ce que traditionnellement aura été la solution
congolaise et de finir par des propositions de lege ferenda.
A. Solution du droit
comparé
La France présente la particularité d'avoir
instauré deux ordres de juridiction. Chacun de ces deux ordres est
coiffé soit par le Conseil d'Etat pour ce qui est des juridictions
administratives soit par la Cour de cassation pour ce qui est des juridictions
judiciaires.
Très vite, il s'est posé la question de la
négation de compétence par l'un et l'autre en même
temps, soit celle de la déclaration de compétence de
tous les deux en même temps entraînant ainsi soit un déni de
justice soit une contrariété des décisions.
Dès lors, la question de règlement de juges
devait être résolue.
Lorsque deux tribunaux se déclarent soit tous les deux
incompétents soit compétents, il y a manifestement conflit de
compétence qui se résout par le biais du règlement des
juges.
Il suffit ici d'indiquer que ce type de conflit, en France,
est de la compétence, soit de la Cour de cassation, soit du Conseil
d'Etat, soit lorsque le conflit concerne ces derniers, du Tribunal des
conflits.
Celui-ci exerce ses compétences de régulateur
des compétences entre les juridictions sans juger du fond sauf exception
exceptionnelle portée par la loi du 20 avril 1922 dont le vote a
été rendu nécessaire pour résoudre un cas concret,
posé par un litige :l'affaire Rosay qui a été,
elle-même, la première application de la loi.959(*) Les détails
techniques sont fournis par la loi indiquée et par la doctrine
française la plus autorisée.960(*)
L'on peut retenir qu'au-delà de sa mission
régulatrice des conflits de compétence entre les deux cours
suprêmes, le Tribunal des conflits tient de la loi une mission de
prévention de conflits.
En effet, le décret du 25 juillet 1960 a ouvert aux
juridictions statuant souverainement, et nommément au Conseil d'Etat et
à la Cour de cassation, le droit de renvoyer au Tribunal des conflits la
résolution des questions de compétence « soulevant une
difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des
autorités administratives et judiciaires ».961(*)
Composé du Ministre de la Justice et d'une composition
paritaire (quatre Conseillers d'Etat et quatre Conseillers à la Cour de
cassation), le Tribunal des conflits semble n'avoir pas produit une
jurisprudence abondante tant sa saisine est aussi rare. Cette formule n'a pas
été celle adoptée par la République
démocratique du Congo.
B. Solution traditionnelle en
République démocratique du Congo
Le droit congolais, dès l'installation de sa Cour
suprême de justice, non seulement adoptait le système
d'unité des juridictions mais également confiait le
règlement des juges à cette haute juridiction. La Cour
suprême de justice a donc traditionnellement rempli les fonctions de
régulatrice des compétences entre les différentes
juridictions qu'elle coiffait par ailleurs.
Dans cette occurrence, il est difficile d'affirmer qu'il
s'agit d'un véritable conflit de compétence des juridictions. La
preuve : c'est que le greffe de la haute Cour n'a enregistré aucune
affaire de règlement des juges.
En revanche, le renvoi de juridiction selon la matière
de chacune des juridictions organisé par la loi autorisait la Cour
suprême de justice de procéder par ce biais audit
règlement.
De même, le pourvoi en cassation surtout dans
l'intérêt de la loi962(*) permettait toujours de corriger une
déclaration simultanée ou alternative de
compétence d'une juridiction ou d'une autre.963(*)
Le futur législateur organique semble avoir
résolument pris une autre option en ce qui est du règlement des
juges rejoignant ainsi le droit français dans la logique mais non dans
la structure et dans le mode de fonctionnement.964(*)
C. Proposition de lege
ferenda
Le futur législateur organique dispose en effet dans
les articles 57 à 60 de son projet que la Cour constitutionnelle ne
statue en cette matière que si un déclinatoire de juridiction a
été soulevé par ou devant la Cour de cassation ou le
Conseil d'Etat.
Les arrêts rendus par l'un ou l'autre doivent être
transmis au Ministre de la Justice, pour information. Ce dernier par ailleurs
dispose du droit de saisir comme toute personne intéressée la
Cour constitutionnelle dans le délai de deux mois suivant la
signification de la décision.
Il peut également le faire motu proprio ou sur
demande de toute personne ayant intérêt. La haute Cour prend
l'avis motivé de chacun de deux ordres de juridictions. Nous approuvons
cette option qui est de nature à trancher définitivement la
querelle relative à la compétence mais en connaissance de
cause.
Par contre, nous ne donnons guère nos suffrages aux
dispositions du projet de l'article 60 dans la mesure où il dispose que
l'arrêt de règlement se limite à indiquer l'ordre de
juridiction compétent sans dire quel tribunal précisément.
De ce point de vue, le texte actuel de la procédure devant la Cour
suprême de justice offre l'avantage de la clarté en disant
simplement que celle-ci désigne la juridiction qui connaîtra de la
cause.965(*)
En raison de l'analphabétisme des usagers de la justice
au Congo et du caractère non obligatoire du ministère d'avocat
devant la Cour constitutionnelle adopté malheureusement jusque
là, il importe que la haute juridiction indique plus
précisément le juge compétent sans se borner à
montrer l'ordre des juridictions compétent. Il s'agit d'une
imprécision légistique du législateur qu'il faut
absolument corriger à cette étape car elle est susceptible
d'engendrer d'autres difficultés de compétence à
l'intérieur de l'ordre des juridictions désigné.966(*)
De même, nous ne comprenons pas pourquoi la juridiction
de l'ordre déclarée compétente serait saisie par la
requête de la partie la plus diligente.
S'agissant d'une procédure de caractère objectif
et instituée dans l'intérêt d'une bonne administration de
la justice, il est tout à fait concevable d'appeler toutes les parties
à cette instance et de rendre ainsi un seul et même arrêt
qui serait alors signifié automatiquement à la juridiction
désignée sans frais ni perte de temps.
La partie la plus diligente au Congo peut être un
vieillard vivant à deux mille kilomètres du siège de la
Cour constitutionnelle et sachant à peine de quoi il retourne. Ceci est
d'autant vrai que le projet in fine affirme que l'arrêt de
règlement du conflit d'attribution lie l'ensemble des ordres
juridictionnels sur l'attribution de la compétence
considérée.
Telle affirmation, l'on s'en doute, n'est juridiquement solide
que si la publicité en est faite. Ainsi, il est également utile
que l'arrêt de règlement non seulement soit signifié
à chacun des ordres des juridictions mais aussi et surtout publié
au journal officiel pour son opposabilité erga omnes.
Ces quelques propositions de lege ferenda sont
l'occasion de suivre la marche de la Cour constitutionnelle surtout lorsqu'elle
exerce des attributions non proprement contentieuses comme la répression
pénale des comportements déviants des plus hauts dirigeants du
pays.
§8. La répression
des infractions politiques dans le chef du Chef de l'Etat
et du Premier
ministre
Il est de plus en plus admis que le régime pénal
des plus autorités du pays soit fixé dans la Constitution. C'est
une tradition en République démocratique du Congo même si
Auguste Mampuya Kanunk'a Tshiabo s'inquiète que le constituant congolais
du 18 février 2006 ait exercé un oeil plus qu'averti sur le Chef
de l'Etat considéré ainsi comme un malpropre.967(*) Il y a, là, la part
du poids de l'histoire récente et la part du droit comparé qui
poussent ainsi le constituant à plus de vigilance.
L'instant du remord étant évanoui, il importe de
s'interroger autour de quatre questions essentielles qui sont autant des clefs
pour une intelligence complète du régime pénal
constitutionnel du chef de l'Etat et du Premier Ministre.
C'est le lieu de signifier que par cet arsenal pénal
constitutionnel, le constituant congolais a fait l'économie des textes
même si cette matière pourrait très bien relever du
législateur même ordinaire.
L'on peut comprendre sa réticence à confier
telle matière au législateur dans le contexte de la transition
d'après Sun City. En effet, il ne serait pas dans les priorités
du Chef de l'Etat ni dans celles du premier Ministre de réglementer leur
régime pénal et carcéral. Qui ferait ceci serait imbu
d'une forte dose de suicide.
Par ailleurs, il est aussi compréhensible que sorti des
sentiers ardus de la dictature, le constituant congolais ait eu à coeur
de tout régir de la vie et de la mort du chef de l'Etat aboutissant
à maints égards à une personnalisation du texte
fondamental dont la survie dépendra de l'épreuve du temps et
surtout de la pratique institutionnelle que le porteur du costume de la
fonction présidentielle pourra instaurer. Du fait de la fonction,
certaines personnes jouissent des immunités.
Le terme « immunité » peut, de manière
générale, être défini comme le droit de
bénéficier d'une dérogation à la loi commune. Elle
pourra être qualifiée de constitutionnelle, lorsqu'elle trouvera
son fondement dans la Constitution.
Les immunités constitutionnelles revêtent, en
principe, deux formes. Il peut s'agir d'immunités de fond, par exemple
au profit des parlementaires pour les opinions ou les votes émis par eux
dans l'exercice de leurs fonctions ou au profit du Chef de l'État pour
les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions.
Il peut s'agir aussi d'immunités de procédure,
qui peuvent elles-mêmes se présenter sous différentes
formes (privilèges de juridiction, garanties procédurales
particulières, etc.).
Les immunités prévues par la Constitution
concernent en général, trois catégories d'organes : le
Chef de l'État, les membres du Gouvernement et les membres du Parlement.
L'approche de droit comparé permet ici de réfléchir sur le
point de savoir si le particularisme inhérent au régime des
immunités et la part de dérogation aux règles de droit
commun qu'il comporte, conservent aujourd'hui des justifications suffisamment
solides.
Il conviendra également de s'interroger sur la
compatibilité des régimes des immunités constitutionnelles
avec les droits fondamentaux garantis par les textes constitutionnels, afin de
vérifier que le régime des immunités ne soit pas une
source d'impunité, allant à l'encontre du principe de
l'égalité de tous devant la loi.
La répression mérite d'être
évaluée pour ses fonctions : catharsis, elle l'est sans doute;
facteur de dissuasion pour l'avenir, elle l'est probablement, encore que la
haine lève les inhibitions qui pourraient résulter d'une sage
peur du juge. Or, loin des terres yougoslaves, à propos desquelles a
été créé le TPIY, et de Rome où a
été adoptée la Convention portant statut de la Cour
Pénale Internationale, d'autres pratiques se sont
développées.
Celles de l'Amérique latine ont tout d'abord
été regardées avec suspicion: un peuple a-t-il le droit de
pardonner à ses bourreaux ? La pratique de l'Afrique du Sud, celle de la
Commission Vérité et Réconciliation, a recueilli plus de
respect. L'idée que le tissu social puisse être reconstruit
à partir d'une élucidation du passé, articulée avec
une certaine sanction, mais ne débouchant pas nécessairement sur
la répression est de plus en plus avancée en post-conflit.
La restauration de l'Etat de droit dans des
sociétés ayant connu de violents conflits (armés ou non
armés) pose de sérieuses difficultés liées à
l'incapacité - fréquente - du système pénal interne
de faire face aux poursuites nécessaires. Les violations massives des
droits fondamentaux de l'individu et les crimes commis durant ces
périodes troublées restent souvent impunies, laissant les
victimes insatisfaites et semant les germes d'un futur conflit.
Que le système judiciaire soit corrompu ou impuissant,
il apparaît de plus en plus nécessaire de se tourner vers de
nouvelles formes de justice qui ne soient pas uniquement rétributives
mais également réhabilitatrices ou «restauratrices ».
La justice transitionnelle vise à apporter une
réponse à ces nouveaux défis à travers la
création de Commissions Vérité et
Réconciliation. Initiées vers le milieu des années
1970 en Afrique, puis développées dans les années 1980 en
Amérique Latine, ces Commissions Vérité et
Réconciliation ont connu un développement remarquable dans les
années 1990 et concernent aujourd'hui, avec plus d'une trentaine
d'expériences, tous les continents de la planète. L'on peut noter
avec plus ou moins de bonheur que le recours à la justice
transitionnelle est une tentative heureuse du peuple à se rendre justice
en tenant compte des impératifs catégoriques de paix et de
réconciliation nationale.
Ce phénomène a dépassé le stade
expérimental pour faire place à un nouveau champ du droit de
transition lequel est en phase d'émergence. L'autre axe de recherche
vise donc à analyser ce phénomène nouveau dans une
perspective comparative et internationale en cherchant notamment à
comprendre l'articulation entre justice pénale nationale et
internationale et justice transitionnelle.
Ce champ d'étude a fait l'objet de recherches dans les
milieux juridiques anglophones mais reste pratiquement inexploré dans le
monde juridique francophone. Le but de la recherche vise non seulement à
faire connaître l'existence de cette nouvelle forme de justice mais
également à rechercher les axes fondamentaux communs aux
différentes expériences mises en place.
Ce sujet n'est pas strictement juridique et fait appel
à une approche multidisciplinaire impliquant notamment des sociologues,
anthropologues, politistes, philosophes...La structuration juridique de cette
forme de justice reste toutefois fondamentale pour assurer son succès et
éviter que ne se reproduisent les erreurs passées. La recherche
se veut donc à la fois théorique et pratique. Elle implique une
réflexion sur le sens de la justice en période de transition.
Elle implique également et impliquera encore des recherches de terrain.
Cette tendance doctrinale devra mobiliser nos meilleures énergies
intellectuelles pour tenter un essai de systématisation théorique
susceptible d'engendrer ou d'asseoir la théorie africaine de la
justice.
Pour comprendre à fond ce régime, voyons
à présent la première question qui est celle relative
à la nature des infractions visées.
A. Problème de la
nature des infractions visées
La lecture des infractions portées par la Constitution
à charge du Président de la République et du premier
Ministre donne à voir que deux catégories d'infractions sont
prévues par la loi fondamentale pour l'occasion transformée en
norme de comportement répressif.
En effet, il y a, d'une part, les infractions purement
politiques, les infractions de droit commun d'autre part ainsi que les
infractions que l'on nommerait mixtes dans la mesure où reliées
aux autorités politiques elles s'agrégeraient pour ainsi dire une
nature politique par accession.
Procédons par l'énumération avant d'en
trouver la justification.
Avec Raphael Nyabirungu Mwene Songa retenons qu'est politique
l'infraction dont l'auteur ou le but recherché est politique.968(*)
Ainsi donc, serait politique par nature une infraction comme
l'attentat à la vie du chef de l'Etat car le but recherché est
manifestement politique : le renversement des institutions politiques. En
effet, l'on ne tue pas un chef de l'Etat pour prendre sa femme ou sa voiture.
Le but recherché est donc un critère d'une simplicité
quasi biblique ; cependant, lors de la commission de tels actes il est
toujours possible que le ou les infracteurs soient des politiques ou de simples
sujets. Le critère de l'auteur de l'infraction proposée par une
certaine doctrine969(*)
n'emporte qu'une approbation mitigée de notre part.
Toutefois au-delà de ces infractions politiques par
nature, il existe le catalogue impressionnant des incriminations prévues
et punies par le livre second du code pénal congolais. Il y faut y
ajouter les autres infractions portées par des lois
complémentaires et particulières. Elles recouvrent la
qualification générique des infractions de droit commun. Il est
possible aussi que les infractions militaires soient en cette occurrence
à mettre sous la catégorie d'infractions de droit commun. En
effet, vis-à-vis des infractions politiques, les infractions militaires
rentrent dans la catégorie de droit commun.
Au-delà de cette summa divisio, il existe ce
que l'on nommerait volontiers les infractions mixtes. Il s'agit, en effet, de
celles que commettrait un auteur non politique dans le champ politique. Il est
entendu que le comptable public qui aide le premier Ministre ou le Chef de
l'Etat à faire des faux en écritures destinées à
justifier des malversations financières faisant l'objet d'une motion de
censure à l'Assemblée nationale, non seulement commet un faux en
écritures publiques de droit commun mais il reste susceptible
d'être poursuivi comme coauteur de l'infraction politique d'atteinte
à la probité.
La question de la nature politique semble avoir quitté
les rivages de la doctrine pour être définitivement
réglé par le constituant. En effet, serait politique l'infraction
qualifiée telle par le constituant au regard des dispositions de
l'article 164 de la Constitution.
Ainsi donc, sont politiques les infractions de haute trahison,
d'outrage au parlement, d'atteinte à l'honneur ou à la
probité et les délits d'initié. Les infractions de droit
commun commises à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions
empruntent cependant la nature politique par accession et rendent leurs auteurs
justiciables devant la Cour constitutionnelle.970(*)
La question qui demeure est que s'agissant des infractions de
droit commun qui serait commises par le chef de l'Etat ou le premier Ministre,
il faudra non seulement les assimiler à des infractions politiques dans
la mesure où elles concernent des institutions ou des autorités
les plus élevées de l'Etat mais surtout se soumettre à la
mise en accusation prévue par l'article 166 de la Constitution.
Par son vote renforcé, et la forme de la
décision qui est une résolution du parlement siégeant en
congrès, la disposition relative à ce mécanisme de
poursuites et de mise en accusation risque d'être longtemps lettre morte.
En effet, ces mécanismes constitutionnels sont ceux qui exigent une
culture politique non partisane pour leur exécution. Comment d'ailleurs
les mettre en mouvement dans un cadre procédural où la poursuite
éventuelle du président de la République est
nécessairement perçue comme une trahison sinon une tentative de
coup d'Etat par le clan opposé à ce dernier ? A cet
égard, le droit constitutionnel pénal congolais risque fort bien
de demeurer un droit de décoration et rejoindre ainsi les institutions
de mimétisme institutionnel qui constituent des fausses fenêtres
dont parle J.-V. Djelo Empenge Osako.
Faute d'étudier les infractions de droit commun qui
font l'objet des développements savants de brillants
pénalistes,971(*)
il est utile d'aborder ici les seules infractions politiques
érigées par le constituant de 2006.
B. Les éléments
constitutifs des infractions constitutionnelles prévues
Ici, l'on va tenter de procéder à la
manière de pénalistes pour ressortir les éléments
matériels avant les éléments intentionnels,
l'élément légal étant le texte constitutionnel.
Ainsi, le constituant incrimine les comportements constitutifs
de haute trahison. Il y a haute trahison lorsque le Président de la
République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque
lui ou le premier Ministre sont reconnus auteurs, coauteurs ou complices de
violations graves et caractérisées des droits de l'homme, de
cession d'une partie du territoire national.
En systématisant, l'on remarque sans peine que les
éléments matériels sont constitués dans la
violation intentionnelle de la Constitution, la violation grave et
caractérisée des droits de l'homme et la cession d'une partie du
territoire national. Chacun de ces trois éléments
matériels appelle un commentaire de notre part.
Si la violation de la Constitution est une affaire de constat
par le juge constitutionnel éventuellement saisi en
interprétation, ou statuant comme juge répressif et se trouvant
là devant une question préalable de savoir s'il y a
violation intentionnelle de la Constitution, cette question sera toujours une
question de fait laissée à la seule appréciation
souveraine du juge constitutionnel.
En effet, à partir de quel élément
peut-on inférer qu'une violation est devenue intentionnelle ? Le
juge scrutera les intentions, à notre avis, en recourant au contexte de
la violation et aux antécédents politiques du pays.
L'écriture constitutionnelle semble inférer que
seul le Président de la République demeure responsable de la
réalisation de la haute trahison par cette modalité de violation
intentionnelle de la Constitution, le premier ministre ne pouvant être
poursuivi que comme auteur, coauteur ou complice de violations graves et
caractérisées de droits de l'homme et de cession d'une partie du
territoire national.
Là aussi, les violations graves et
caractérisées des droits de l'homme sont d'une vacuité
inadmissible dans un texte incriminateur. Les violations de droits de l'homme
deviennent-elles graves et caractérisées lorsqu'elles constituent
des crimes relevant du statut de Rome de la Cour pénale internationale
c'est-à-dire les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité
et le génocide ?
Aliis verbis, qu'est-ce qu'une violation grave et
caractérisée de droits de l'homme ? C'est finalement une
question de fait que devra résoudre le juge constitutionnel
répressif. En revanche, la répétition et l'ampleur
seraient des critères plus ou moins fiables pour indiquer au juge les
caractères grave et caractérisé de la violation
incriminée. Par ailleurs, la constitution prévoyant la cession
d'une partie du territoire national972(*), il faut entendre donc par cet élément
constitutif la seule cession frauduleuse du territoire national.
En second lieu, il y a l'infraction politique d'atteinte
à l'honneur ou à la probité. Cette infraction se
réalise en deux temps : primo, lorsqu'il y a comportement contraire
aux bonnes moeurs ; secundo, lorsque les autorités publiques
visées sont reconnues responsables de malversations, de corruption ou
d'enrichissement illicite.
Ces deux éléments constitutifs posent
problème tant l'énoncé incriminateur est trop
général. En effet, le comportement personnel du chef de l'Etat ou
du premier Ministre doit être contraire aux bonnes moeurs. La notion de
bonnes moeurs est d'une relativité qui est à la fois
contextuelle, historique et géographique. L'incrimination n'étant
pas précise dans son énoncé, elle pose en effet le
problème précis de sa rationalité praxéologique.
Telle disposition perd en efficacité normative tant elle ne règle
pas de manière claire les questions de son contenu.
La seconde modalité de commission de cette infraction
pose problème également car elle postule en effet que les auteurs
présumés doivent avoir été au préalables
convaincus de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite pour
être ensuite poursuivis et jugés pour atteinte à l'honneur.
Telle formulation fait double emploi : un chef de l'Etat
ou un premier Ministre convaincus des infractions visées à
l'alinéa 2 de l'article 165 ne peut plus être chef de l'Etat car
aux termes de l'article 167 alinéa 1er, il aura
été déchu de ses fonctions empêchant ainsi la
réalisation de cette infraction qui exige que son auteur soit chef de
l'Etat ou premier Ministre.973(*)
En troisième lieu, il y a l'infraction de délit
d'initié qui exige les éléments constitutifs
suivants : être Président de la République ou premier
Ministre, effectuer des opérations sur valeurs immobilières ou
sur marchandises à l'égard desquelles l'on possède des
informations privilégiées et tirer profit avant la divulgation
desdites informations au public.
Il en est de même de l'achat des actions ou de la vente
des actions fondés sur des renseignements qui ne seraient jamais
divulgués aux actionnaires. Ces éléments constitutifs
n'appellent guère de commentaire particulier sauf à remarquer
qu'il s'agit de la mise en oeuvre de la disposition de l'article 96 de la
Constitution qui établit une incompatibilité des fonctions
absolue dans le chef du Président de la République974(*) alors que pour le premier
Ministre, une incompatibilité plus ou moins relative est établie
à l'égard de toutes les fonctions à l'exception des
activités agricoles, artisanales, culturelles, d'enseignement et de
recherche. 975(*)
Le constituant ne semble pas permettre que le Chef de l'Etat
surtout ait une quelconque activité professionnelle, même pas une
ferme puisqu'elle constituerait une activité agricole permise uniquement
aux membres du gouvernement.
En quatrième lieu, il y a enfin l'infraction d'outrage
au Parlement. Elle vise les éléments constitutifs suivants :
être premier Ministre, recevoir des questions posées par l'une ou
l'autre chambre du Parlement relativement à l'activité
gouvermentale et ne pas répondre dans un délai de trente jours.
C'est sans commentaire l'infraction la plus caractéristique du droit
constitutionnel congolais car elle vise à obliger le premier ministre
à répondre aux questions des autres représentants de la
Nation.
Curieuse chose, s'il en fut ; car, le premier Ministre
étant l'émanation de la majorité parlementaire, celle-ci
aura du mal à livrer son élu aux gémonies d'une
minorité politique en proie à des fortes frustrations pour
n'avoir pas reçu de réponse dans le délai.
Les éléments intentionnels ainsi que l'on l'a vu
sont de l'ordre du dol spécial. En effet, l'infracteur doit avoir eu
conscience qu'il commet une interdiction comportementale prévue par la
constitution et avoir choisi de le faire quand même. Ce catalogue
d'infractions pose aussi le problème pénal de la sanction
comminée contre les auteurs des faits punissables.
C. Problématique de la
sanction pénale
Le constituant ayant choisi de poser des normes comme
législateur pénal, il eut fallu aller jusqu'au bout de sa logique
en portant des sanctions pénales à chaque incrimination. Il
semble qu'il n'a porté que la seule sanction de déchéance
des fonctions comme peine accessoire à la condamnation. A défaut
des règles plus spéciales, l'on est autorisé à
penser que les autres normes de droit pénal ordinaire jouent ici aussi
en faveur des prévenus de la Cour constitutionnelle. L'on peut observer
déjà que contrairement à l'usage établi les
infractions qui sont portées par la loi fondamentale seront
comminées des peines prévues par une loi organique.
Enfin de comptes, le législateur organise devra
comminer des peines à chacun des comportements incriminés par le
constituant. Le régime pénitentiaire devrait être
également fixé par la même loi pou faire économie de
temps et de texte. La condamnation du Président de la République
ou celle du premier Ministre peut donner lieu à la condamnation des
personnes qui seraient coauteurs ou complices avec ces hauts dirigeants du
pays. Cette condamnation pose une autre problématique qu'il faut
étudier ici.
D. Le privilège de
juridiction et le double degré de juridiction : violation de
l'article 61 de la Constitution ?
Le privilège de juridiction, de tous temps, a
été l'apanage des plus hautes autorités du pays. Il a
été dit et ressassé que ce privilège n'en
était pas un tant le principe demeure l'égalité des
citoyens devant la justice. Il a été également
avancé que ledit privilège était établi pour
protéger le juge contre les influences dont il pourrait être
l'objet de la part des justiciables les plus fortunés ou ceux occupant
les premières places dans la Cité. L'argumentation a fait des
émules et même le constituant semble s'être rangé de
ce coté-là.
La question surgit brusquement lorsque l'on sait que les
arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours
alors que l'article 61 de la Constitution range le droit de recours parmi les
droits indérogeables des citoyens. Il se pose la question
théorique des deux normes constitutionnelles contradictoires.
En d'autres termes, il se posera la question de la
constitutionnalité de la loi organique sur la Cour constitutionnelle
lorsque celle-ci reprenant la disposition constitutionnelle affirmera
écarter le droit de recours contre les arrêts de cette haute
juridiction. Par le biais de la théorie de la loi-écran, la Cour
pourrait très bien décréter l'inconstitutionnalité
de cette disposition légale. Elle aura donc le choix entre
privilégier l'article 61 de la Constitution si elle est progressiste en
matière des droits de l'homme ou plus conservatrice, s'accrocher
à l'article 168 de manière viscérale.
La seconde hypothèse semble plus réaliste car
elle vise à asseoir l'autorité de la Cour constitutionnelle
qu'elle ne saurait raisonnablement saper elle-même. Au demeurant, telle
est la logique d'ensemble du système de justice constitutionnelle
instauré dans le pays et qui est dans le modèle européen
que l'on a vu plus loin.
Le problème ainsi posé se posera chaque fois
qu'un justiciable ordinaire suivra le Chef de l'Etat ou le Premier ministre
devant la Cour constitutionnelle par le mécanisme de la participation
criminelle. Ce pauvre justiciable sera condamné de manière
irrémédiable sans une seule possibilité de recours
pourtant reconnu à tous les autres citoyens. Loin d'être une
question de constitutionnalité, c'est l'égalité des
citoyens devant la justice qui est rompue et qui entraîne une
incohérence systémique.
Il n'est pas exclu de lege ferenda d'observer qu'il
est possible d'organiser à l'intérieur de la Cour
constitutionnelle une chambre d'appel pour concilier l'article 61 et les
dispositions de l'article 168 susmentionné.
Telle formule est en marche devant la justice pénale
internationale.976(*)
Ainsi, si les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont pas
susceptibles de recours devant une autre instance, ils demeurent
néanmoins réformables par elle-même.
La formule consisterait à introduire des recours devant
la Cour siégeant in plenum alors qu'au premier degré,
elle siégerait en formation restreinte. Il s'agit d'une anomalie qu'il
faut extirper du système de justice politique de la République
démocratique du Congo comme celle qui concerne les arrêts de la
haute Cour militaire congolaise.
§9. Le contrôle de
constitutionnalité des arrêts de la Haute Cour militaire :
une anomalie de l'article 83, alinéa 3 du code judiciaire
militaire?
Après avoir posé en son article 76 du code
judicaire militaire de 2002 le principe de la surséance et de renvoi
préjudiciel au profit de la Cour constitutionnelle, le
législateur militaire, comme pris de vertige, crée une situation
insolite en droit congolais : il pose le principe d'un contrôle de
constitutionnalité des arrêts de la Haute Cour militaire. Par
quelle modalité la Cour constitutionnelle se saisirait-elle d'un tel
contrôle ?
Jean-Louis Esambo Kangashe dans sa thèse
défendue devant la faculté de Droit de Panthéon-Sorbonne
opine que « l'analyse approfondie des actes soumis au contrôle
du juge constitutionnel congolais incite à soutenir que ce
contrôle ne s'exerce pas uniquement aux seuls actes obligatoires
énumérés dans la Constitution.
Le constituant et la loi n°023/2002 du 18 novembre 2002
portant code judiciaire militaire élargit l'intervention du juge
constitutionnel à d'autres actes non expressément
déterminés par la Constitution.
Cette thèse est affirmée par la récente
jurisprudence de la Cour suprême de justice laquelle autorise le juge
constitutionnel à contrôler les actes d'assemblée. Le
courage et l'audace du juge constitutionnel congolais l'ont amené
à assurer la suprématie de la règle constitutionnelle sur
toute autre norme ».977(*)
De notre point de vue, il s'agit d'affirmer que l'arrêt
de la Haute Cour Militaire en tant qu'oeuvre juridictionnelle reste soumis
à la voie de recours extraordinaire de cassation conformément
à l'article 153, alinéa 2 in fine de la Constitution du 18
février 2006.
Et en tant que voie de recours, la cassation ouvre sur la
Constitution comme norme de référence pour son
admissibilité. Ainsi, une réconciliation peut être faite
entre l'article 76 du même code judiciaire militaire qui prévoit
la surséance lorsqu'une exception d'inconstitutionnalité a
été soulevée avec le fameux article 83, alinéa 3 du
même code qui cite expressément le contrôle de
constitutionnalité des décisions juridictionnelles.
Cette interprétation nous semble plus cohérente
avec le système de justice constitutionnelle adopté par le
constituant congolais. Au cas contraire, il se créerait à coup
sûr une anomalie dans le système qui ne reconnaît en
principe de compétence au juge constitutionnel que contre les actes
législatifs et réglementaires au voeu du texte constitutionnel
mais qui, par voie d'une loi ordinaire même spéciale comme l'est
le code judicaire militaire, rendrait le même juge compétent
à l'égard des actes juridictionnels que Jean-Louis Esambo
Kangashe qualifie de spéciaux. 978(*)
Enfin des comptes, ce chapitre aura été le plus
long de cette étude tant son caractère hautement technique a
exigé des développements plus étendus. En effet, la
question de la compétence du juge constitutionnel, vue dans les
détails comme nous venons de l'examiner, revient à poser le
problème de la place de ce juge dans le système politique
congolais.
S'il a autant d'attributions constitutionnelles et parfois
même législative, c'est que véritablement le pouvoir
politique congolais a considéré dans son architecture
institutionnelle la centralité du juge constitutionnel qui devra s'il
est efficace occuper les premières marches de l'édifice Etat de
droit. En effet, la disposition de l'article 1er de la Constitution
actuelle du pays semble conforter cette thèse en posant de
manière on ne peut plus volontariste que « la
République démocratique du Congo est, dans ses frontières
du 30 juin 1960, un Etat de droit... »979(*)
Cette proclamation de foi n'aura de pertinence au regard de
l'efficacité du système de justice constitutionnelle mise en
place que grâce au courage des juges, à leur audace quelques fois,
et comme tous les juges constitutionnels souvent, à leur
timidité. Cette marche d'horloge est à la mesure de l'oeuvre
juridictionnelle qui a pour ambition de brider l'un des pouvoirs d'Etat les
plus puissants : le pouvoir exécutif.980(*)
En effet, la transformation des régimes politiques
modernes va dans le sens de la prédominance de
l'exécutif.981(*)
Les lois sont de plus en plus d'origine gouvernementale de sorte que censurer
une loi équivaut à contester le gouvernement qui fait porter
seulement le projet par sa majorité parlementaire. Cette
inféodation du législatif à l'exécutif rend de plus
en plus vitale la présence de l'arbitre constitutionnel du jeu
politique : la Cour constitutionnelle.
Mais pour que le juge lui-même ne devienne un danger
public, une sorte d'automate brisant la beauté du jeu politique ou
imprimant des accélérations indues là où
l'intérêt de l'Etat commanderait une marche plus pesante, il faut
brider l'enthousiasme zélé du juge constitutionnel en enserrant
son activité dans des règles de procédure aussi simples
que claires. C'est ce que nous allons voir au chapitre suivant.
CHAPITRE III :
PROCEDURE DEVANT LE JUGE CONSTITUTIONNEL
La procédure est comme tout juriste le sait la clef de
voute d'un système juridictionnel. En effet, sans procédure
expressément prévue dans la loi, les velléités
dictatoriales qui sommeillent dans chaque juge pourraient bien lui dicter des
énormités. Aussi, le législateur a-t-il
arrêté dans le cadre de ce système une procédure
à suivre tant pour saisir le juge que pour exécuter les
décisions qu'il aura au départ rendues.
Il s'agira donc ici d'étudier dans un premier moment
les recours organisés devant le juge constitutionnel en ce qui est de la
procédure juridictionnelle et dans un second mouvement, les conditions
de recevabilité et de mise en état de la cause devant ce juge.
Voyons dès lors en détail comment s'organise la
saisine du juge constitutionnel dans les différentes matières
dont il doit connaitre en tant qu'il exerce sa fonction juridictionnelle.
Section 1 : LES
RECOURS DEVANT LE JUGE CONSTITUTIONNEL
Le constituant congolais a prévu dans les dispositions
pertinentes982(*) de la
Constitution du 18 février 2006 un certain nombre des compétences
qui nécessitent pour leur exercice par la haute Cour une saisine
particulière. C'est cette saisine que la doctrine qualifie d'ensemble
d'actes de procédure pour porter un litige devant le juge qui fera
l'objet des paragraphes qui suivent. Par ailleurs, chacun de paragraphes
traitera un mode de saisine relatif à une matière de la
compétence de la haute Cour précédemment
étudiée.
Commençons par le noeud gordien du contentieux
constitutionnel qui est le contrôle de constitutionnalité des
lois.
§1. En matière de
contrôle de constitutionnalité des lois
Deux hypothèses sont susceptibles de survenir en cette
matière, soit qu'il s'agit d'une action directe en
inconstitutionnalité, soit qu'il s'agit alors d'un incident
d'inconstitutionnalité soulevé à l'occasion d'une instance
ordinaire devant un juge non constitutionnel. Nous envisageons ici les deux
hypothèses et nous y consacrons deux points suivants.
A. Cas de l'action en inconstitutionnalité
L'hypothèse de l'action en inconstitutionnalité
est couverte par les dispositions de l'article 162, alinéa 2 de la
Constitution. En outre, elle recouvre deux occurrences, celle du contrôle
a priori et celle du contrôle à posteriori.
1. Hypothèse du
contrôle à priori
Le contrôle de constitutionnalité étant
ouvert contre les lois et les règlements dont nous avons parlé au
chapitre précédent, le constituant a réservé
l'initiative du contrôle a priori aux seules autorités publiques,
écartant ainsi les particuliers du cercle des personnes
qualifiées pour saisir le juge constitutionnel. En effet, s'agit des
actes juridiques en chantier, il est plus logique que ce soient les
autorités politiques elles-mêmes au courant de ces textes en
chantier qui soient habilitées à en empêcher la naissance
juridique.
Il en est ainsi des lois organiques qui sont obligatoirement
soumises au contrôle de la Cour constitutionnelle avant leur
promulgation, sur pied de l'article 160 ; alinéa 2 de la
Constitution. La saisine dans cette occurrence est l'oeuvre du Président
de la République auquel le tertio de l'article 124 de la Constitution
confère cette compétence. Lorsqu'il s'agit du règlement
intérieur des chambres parlementaires ou du Congrès, la saisine
revient au Président de la chambre concernée ou, en ce qui est du
congrès, à son Président. Il en est de même des
règlements des autorités administratives indépendantes que
nous avons analysées au chapitre précédent.
Il est également possible au regard de notre
ordonnancement juridique que les lois ordinaires puissent également
faire l'objet d'un contrôle a priori. En effet, aux termes de
l'article 160, alinéa 3 de la Constitution, les lois peuvent être
déférées avant leur promulgation par le Président
de la République, le Premier ministre, le Président de
l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le
dixième des députés ou des sénateurs.
Dans toutes ces occurrences, la saisine appartient aux
autorités politiques qualifiées qui doivent agir par voie de
requête en inconstitutionnalité. Il n'est pas indifférent
de remarquer que cette possibilité d'empêcher la loi de naitre
juridiquement est une arme politique dont la minorité dans les chambres
ne peut s'interdire l'usage. Le droit public congolais connait
déjà un cas qui a malheureusement abouti à une
décision d'irrecevabilité. C'est le RConst 06/TSR du 24 mars
2004.
En date du 11 mars 2004, les honorables députés
Kazadi Nanshabolowa, Jean Mubanga Kabobela, Alphonse Lupumba Kamanda, Bruno
Mukadi et Flory Sekelay ont sollicité l'examen de la conformité
à la Constitution de la Transition de la loi portant organisation et
fonctionnement des partis politiques.
Enrôlée sous R.Const.06/TSR, la requête du
23 décembre 2003 émanant d'une poignée des parlementaires
a donné lieu à un arrêt de principe de la Cour
Suprême de Justice, qu'il convient de commenter avant de donner notre
position.
Le mode de saisine pratiqué par les parlementaires
n'appelle nullement de commentaires particuliers dans la mesure où ils
ont agi par voie de requête prévue à l'article 131 de la
Constitution de la transition.
L'étude de cet arrêt présente
néanmoins un intérêt majeur car il s'agit du premier
antécédent jurisprudentiel du recours formé par les
députés contre une loi dont ils n'ont pu empêcher
l'adoption au niveau de l'Assemblée Nationale.
De ce point de vue, l'on peut apprécier
l'efficacité de ce moyen de contrôle exercé par une
minorité politique pendant la période de transition. La logique
caporaliste des composantes semble émasculer l'efficacité d'une
telle procédure.
Il reste à voir si cette requête a répondu
aux exigences de forme et de fond portées par l'Ordonnance-loi relative
à la procédure devant la Cour suprême de justice.
Dans son arrêt R.CONST. 06/TSR du 24 mars 2004, la Cour
Suprême de Justice relève que « s'agissant de la
recevabilité du recours en appréciation de la conformité
d'une loi à la constitution, l'article 131 de cette loi fondamentale
pose deux conditions aux députés désireux d'engager cette
procédure, à savoir :
a. Le recours doit être formé par un nombre
de députés au moins égal au dixième des membres de
l'Assemblée Nationale
b. Le recours doit être introduit dans le
délai de six jours francs qui suivent son adoption
définitive.
Elle constate en outre que dans l'espèce
examinée, « aucune de ces deux conditions n'a
été respectée » en ce que d'une part,
« le recours du 11 mars a été introduit au-delà
de six jours francs fixés par l'article 131 de la Constitution, et qu'il
a été signé d'autre part par cinq députés
sur les cinq cent que comprend l'Assemblée
Nationale ».
Aussi, la Haute Cour, toutes sections réunies et
siégeant en matière d'appréciation de la conformité
des lois à la constitution, a-t-elle déclaré irrecevable
le recours introduit par les requérants pour non respect des conditions
fixées par l'article 131 de la Constitution du 4 avril 2003.
L'article 131 de la Constitution du 4 avril 2003 dispose que
« la Cour Suprême de Justice peut être saisie d'un
recours visant à faire déclarer une loi non conforme à la
Constitution de la Transition notamment par un nombre de députés
au moins égal au dixième des membres de l'Assemblée
Nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption
définitive ».
De cette disposition, il découle que tout recours
soumis à l'appréciation de la Cour en cette matière, doit
répondre aux trois conditions non alternatives suivantes, à
savoir : la signature du recours par un dixième au moins des
membres de l'Assemblée Nationale ; l'adoption définitive
d'une loi par l'Assemblée Nationale et le respect du délai de six
jours francs courant à partir de l'adoption de loi.
Dans l'espèce examinée, il ressort qu'aucune de
ces conditions n'a été respectée par les
représentants, et que c'est à bon droit que la Cour Suprême
de Justice a décrété l'irrecevabilité de la susdite
requête. 983(*)
L'examen de ce cas nous a permis de relever que dans
l'arrêt R.Const 06/TSR, la Cour Suprême de Justice a
été autant rigoureuse qu'impartiale. Il faut préciser
d'emblée que les notions de courage et de vertu ressortissent du langage
moral. Mais la justice n'est-elle pas finalement une question
éthique ? La symbolique de la justice n'est-elle pas deux plateaux
soutenus au milieu par un glaive, c'est-à-dire le fait et le droit
soutenus par la puissance publique (l'imperium) ? Lorsqu'au mépris
de cette logique de justice le droit est dit, il n'est pas rare de constater
qu'il est contesté et méprisé, à son tour, perdant
ainsi son caractère normatif au seul profit de son apparat
autoritaire.984(*)
Nous ne pouvons pas perdre de vue aussi un aspect pratique
susceptible de constituer une tentative d'explication rationnelle de cet
état de choses.
En effet, il n'est pas inutile de constater que la
quasi-totalité de nos hauts magistrats sont des juristes de haut niveau
oeuvrant depuis vingt-cinq ans, en moyenne, dans le domaine de droit
privé et judiciaire sans avoir eu à trancher des matières
de droit public du reste rares devant les juridictions inférieures dont
ils proviennent.
Nous avons ailleurs dit que ce cas est symptomatique de la
situation politique qui prévalait lors de la transition politique
d'après Sun City. Et c'est le paradoxe de base du contentieux
constitutionnel : les horreurs engendrent le développement de la
justice constitutionnelle. 985(*)
2. Occurrence du
contrôle à posteriori
La survenance de cette occurrence postule que la loi a
été votée et promulguée par le Chef de l'Etat alors
qu'elle est infectée des vices d'inconstitutionnalité. Dans ce
cas, toute personne a le droit de saisine vis-à-vis des lois
déjà étudiées qu'elles soient organiques ou
ordinaires, dans la mesure où elles renferment un vice
d'inconstitutionnalité. 986(*)
Ainsi, il est permis à toute personne de droit public
ou de droit privé, physique ou morale, de saisir le juge par voie de
requête. Signalons que le contrôle a priori qu'une autorité
publique aurait initié devant la haute Cour ne la rend pas inapte
à saisir de nouveau la même juridiction car en effet, la
déclaration de conformité d'une loi organique ne joue pas au
titre d'autorité de la chose jugée. L'explication rationnelle est
qu'agissant sans litige, la Cour constitutionnelle ne fait pas oeuvre
de juge, elle agit en revanche au titre d'autorité constituée
dans un processus législatif prévu par la Constitution.
B. Cas de l'exception
d'inconstitutionnalité
Cette hypothèse est celle prévue par les
dispositions de l'alinéa 3 de l'article 162 de la Constitution. Elle
n'appelle guère de commentaire particulier sauf à remarquer que
la juridiction par devant laquelle est soulevée une exception
d'inconstitutionnalité n'a d'autre ressources juridiques que la
surséance à statuer, toutes affaires cessantes. La question
d'exception concerne une personne qui est partie à un procès et
qui se voit appliquer une loi qu'elle juge inconstitutionnelle.987(*)
C'est ici le lieu de mentionner la problématique
juridique que soulève l'énoncé constitutionnel sur
l'exception d'inconstitutionnalité. En effet, en limitant l'exception
d'inconstitutionnalité à la personne concernée par une
affaire, le constituant semble donc écarter toute intervention
volontaire des tiers.
En d'autres termes, une personne non partie à
l'instance n'a aucune qualité pour soulever cette exception. Or, en
matière civile et administrative, par exemple, l'intervention volontaire
comme la tierce-opposition sont permises de sorte que des tiers plus ou moins
intéressés ont le droit aussi de soulever cette exception.
988(*)
Il ne pourrait en aller autrement dans la mesure où il
n'est pas inutile d'observer que l'exception d'inconstitutionnalité
engendre un contentieux objectif contre la loi ou l'acte réglementaire
dont la nullité est ainsi sollicitée.
Le régime congolais de l'exception
d'inconstitutionnalité qui fonctionne par renvoi préjudiciel
porte une spécificité : non seulement que le texte
trouvé et déclaré inconstitutionnel ne peut être
comme partout ailleurs appliqué à la partie exceptionnelle mais
aussi et surtout le texte constitutionnel postule que la Cour constitutionnelle
statue et rend un arrêt définitif sur cet incident.989(*)
L'on peut de même observer que par la longueur des
délais de prononcé et la chicane parfois non justifiée des
plaideurs, l'on serait amené à considérer l'exception
d'inconstitutionnalité comme une sorte d'arme fatale désorientant
les plaideurs sur le sort de la question principale. Le destin de cette
mécanique procédurale tient sans conteste au respect strict du
délai de trente jours990(*) fixé par le projet de loi
organique.991(*)
Pour résumer, par voie d'exception, la haute Cour est
saisie non d'une requête mais plutôt d'un jugement ou arrêt
avant dire droit ordonnant à la fois la surséance de l'examen de
la question principale et renvoyant la question de constitutionnalité
à la connaissance de la Cour constitutionnelle. 992(*)
§2. En matière
d'interprétation de la Constitution
En cette matière, il a été
déjà dit que seules les autorités politiques
qualifiées par le constituant pouvaient saisir la haute Cour pour
obtenir son interprétation. Sont ainsi seuls qualifiés le
Président de la République, le gouvernement, le Président
du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale, un
dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des
Gouverneurs de province et des Présidents des assemblées
provinciales. L'on note donc une saisine limitée par rapport à
celle qui est largement ouverte en matière de constitutionnalité
des actes législatifs et réglementaires.
L'on peut raisonnablement ajouter à cette liste, les
cours et tribunaux qui peuvent en prenant des décisions avant-dire droit
de renvoi solliciter par là même l'interprétation de la
Constitution comme oeuvre naturelle du juge appelé à appliquer
une norme juridique qui doit échapper à l'ambigüité
et à l'obscurité. Par cette voie incidente, une certitude
s'évince : les juridictions peuvent saisir la Cour
constitutionnelle en interprétation de la Constitution.
L'intérêt de l'interprétation
réside dans le fait évident que les autorités politiques
étant chargées d'appliquer la Constitution sont amenées
à en solliciter l'interprétation en cas d'obscurité ou de
divergence d'opinions. C'est le lieu d'observer que c'est à travers
cette technique d'interprétation que les politiques ont vite fait de
proposer leurs débats à la censure du juge constitutionnel le
transformant du coup en une pièce maîtresse du jeu politique.
Cette situation est à la fois délicate et
resplendissante pour le juge constitutionnel car en effet il prend des couleurs
politiques avec le risque évident de discrédit mais en même
temps sa parole, son obiter dictum revêt la force d'une parole
d'évangile qu'aucun homme politique ne négligerait dans ses
joutes oratoires considérées comme arme du combat politique.
Pendant la transition, de telles divergences ont conduit une de ces
autorités suprêmes à saisir la Cour suprême de
justice faisant alors office de Cour constitutionnelle notamment en
matière d'organisation du pouvoir politique.
A. L'organisation du pouvoir
politique
La jurisprudence congolaise indique que de tels cas ont eu
lieu.993(*) Soulignons
déjà avec Jean-Louis Esambo Kangashe, que « dans un
Etat de droit, la suprématie constitutionnelle suppose
l'élaboration d'un arsenal législatif de contrôle de la
constitutionnalité des actes juridiques des gouvernants. Le principe de
constitutionnelle est contraire à la pratique de duplication
institutionnelle et à d'empiétement des pouvoirs. Elle s'appuie
sur le contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes
ayant valeur de lois mais également sur la conformité à la
Constitution des actes législatifs, administratifs ou
juridictionnels994(*).
Le respect des règles établies par la Constitution y joue le
rôle de premier plan.
Le principe de constitutionnalité implique qu'en vertu
du principe de parallélisme de forme et de procédure, seule une
loi constitutionnelle peut modifier la Constitution995(*). L'existence d'une justice
constitutionnelle dont les décisions obligent les gouvernants et les
gouvernés a fait dire à Louis Favoreu, que « sans la
justice constitutionnelle, la Constitution risque d'apparaître comme un
recueil ou un simple programme politique, à la rigueur moralement
obligatoire »996(*)
L'existence constitutionnelle d'une Cour constitutionnelle
n'est pas à notre avis une condition nécessaire et suffisante
pour que s'impose le principe de constitutionnalité. Ce qui importe,
c'est que la garantie que la suprématie constitutionnelle ne se limite
pas aux seules incantations, aux prières et louanges pour se situer dans
le terrain du concret.
Conçu depuis la fin du XVIIIème
siècle, le principe de constitutionnalité ne s'est
développé que tardivement. En Europe, son affirmation peut
être située à partir de la seconde moitié du
XXème siècle. En Afrique, il ne date pas d'avant les
indépendances et particulièrement avant les années 1990.
Ce retard pourrait se justifier par le caractère quasi permanent du
débat entre défenseurs et adversaires de la
légalité et de la constitutionnalité. En France, on
relève que bien que proclamé dans la Constitution, la
suprématie constitutionnelle a pris du retard pour être
ancrée dans les moeurs politiques997(*). Il y subsistait encore une attache au
légicentrisme qui consacre le règne de la loi placée au
centre de l'ordonnancement juridique.
Cette position a été largement
véhiculée dans beaucoup de pays africains. La République
Démocratique du Congo ne fait pas exception. Dans ce pays, on peut
affirmer qu'avec la concentration des pouvoirs entre les mains du
président de la République, la violation de la Constitution est
devenue la règle et sa protection l'exception. Comme la
probabilité de sanctionner toute violation de la Constitution a
été fortement réduite, la suprématie
constitutionnelle semble avoir emprunté la voie des hypothèses
sinon des hypothèques.
Il s'en suit qu'après une longue période
d'atermoiements, l'idée de renforcer la légalité
constitutionnelle dans la gestion des affaires publiques est apparue avec les
travaux de la conférence nationale souveraine. Celle-ci a levé
l'option de confier à trois juridictions distinctes, les attributions
jusque là exercées par la Cour suprême de justice.
L'option levée par le constituant congolais se justifie
lors de la sortie du peuple d'un moment historique marqué par une
confiscation des libertés individuelles. Le mouvement
constitutionnaliste se caractérise notamment par la limitation du
pouvoir que l'on décèle à l'énumération plus
qu'exhaustive des libertés fondamentales.
La démarche n'a pas abouti immédiatement. La
raison est que les prescriptions constitutionnelles n'ont pas toujours
été respectées. Instituée par la Constitution, la
Cour constitutionnelle doit être en mesure d'assurer et de rassurer la
fonctionnalité d'un Etat soumis au droit. De même, par une
interprétation correcte de la Constitution, la protection des droits de
l'Homme et des libertés publiques ou la résolution de tout litige
né de sa saisine, cette juridiction favorisera l'encadrement du
pouvoir ».998(*)
B. Les droits et
libertés fondamentaux
L'interprétation dont il s'agit à ce point de
l'étude est celle qui consiste en la saisine principale du juge
constitutionnel. Il reste cependant que le juge constitutionnel, du fait que sa
norme de référence essentielle se trouve être la
Constitution ne peut statuer sur les matières de sa compétence
sans procéder ne fut-ce qu'implicitement à
l'interprétation voire à la réinterprétation de la
norme constitutionnelle. Il faut préciser qu'interpréter la
norme, c'est l'appliquer à un cas d'espèce, c'est subsumer le
fait sous une catégorie juridique.
L'on devine en effet l'intérêt sans cesse
croissant que l'interprétation de la norme fondamentale en
matière des libertés publiques peut avoir sur le
développement des libertés fondamentales.
L'on voit du reste de ce point de vue un tâtonnement
jurisprudentiel qui fait dire à certains auteurs que la Cour
suprême de justice fait une valse à plusieurs temps.999(*)
Pou éviter cette valse de mauvais aloi entre une
affirmation des droits du citoyen1000(*) et leur négation sous les formes
d'évitement1001(*) les plus horribles, il importe que le juge recoure
davantage à une interprétation qui prenne en charge les
libertés publiques comme la partie essentielle du droit constitutionnel
qu'il est chargé d'appliquer. Il s'en suit que la technique
d'interprétation se trouve même au centre de la fonction du juge
constitutionnel.
Aussi, pour déclarer qu'une loi est ou non-conforme
à la Constitution, le juge doit-il déterminer avec exactitude le
sens de la loi contestée et la signification correcte du principe
constitutionnel qui aura été violé.
Dans le contentieux constitutionnel, « s'affrontent
trois types d'interprétations de la loi : celle faite par le
législateur, celle donnée par le requérant et
l'interprétation du juge. Pour ce dernier, l'interprétation
consiste en une opération intellectuelle inhérente à sa
fonction et un instrument nécessaire à l'exercice de ses
charges »1002(*).
Il faut se garder de considérer que le juge dispose de
toutes les recettes pour découvrir le mystère caché dans
le texte. Ce mystère est, à vrai dire, loin d'être
complètement levé ou vidé par le juge. Le texte reste
à jamais inépuisable par l'interprétation du juge.
Pour tout dire, l'interprétation du juge
constitutionnel ne peut être « qu'un moment de l'histoire du
texte qui continue à vivre et donc à pouvoir être le
support, plus tard, d'autres interprétations »1003(*).
Le recours à des méthodes spécifiques,
telle celle de l'interprétation neutralisante, voire la
prosopopée, est révélatrice de la sollicitude, et pour
tout dire de pleine réussite du juge constitutionnel.1004(*)
L'interprétation peut ainsi se rapporter aux principes
à valeur constitutionnelle.
C. La place des principes
généraux à valeur constitutionnelle
La problématique s'est posée en droit
français et a donné lieu à une forte
littérature : la place des principes généraux
à valeur constitutionnelle. Cette question est d'intérêt
théorique car elle postule que le juge constitutionnel peut être
amené à établir une hiérarchie entre principes
constitutionnels.
En d'autres termes, existerait-il des principes
généraux à valeur constitutionnelle qui s'imposeraient au
juge même en cas d'autres principes constitutionnels écrits ?
La question est loin d'être théorique parce que finalement elle a
déjà donné lieu à la théorie de la
supraconstitutionnalité.1005(*) Elle se rattache idéologiquement à la
doctrine du droit naturel.
Cette théorie postule en effet que le droit positif
quelle que soit son autorité doit se soumettre au droit naturel saisi
comme un ensemble des valeurs transcendantales et supérieures donc
à la volonté constituante. Ainsi la vie serait supérieure
à tout prescrit constitutionnel dans la mesure où le constituant
ne fait que l'organiser sans jamais la créer.
Dès lors, en cas de conflit entre deux normes à
valeur axiologique différente, il faut trancher en faveur de la norme
qui ressortit de la valeur supérieure. Du point de vue du droit positif,
telle formulation est de nature à poser problème car le juge ne
saurait impunément s'ériger en censeur moral alors qu'aucun
catalogue desdites valeurs transcendantales ne lui est guère
présenté. Il pourrait le créer lui-même avec le
risque que l'étendue et la qualité desdites valeurs
dépendraient largement de la subjectivité du juge lui-même.
L'on ne peut manquer de constater avec amertume que le risque
est immense de quitter l'arbitraire de la majorité politique
pour celui d'une minorité judiciaire.
Aussi, est-il utile que le juge reste soumis aux seules
valeurs consignées dans le texte fondamental avec
l'interprétation que le constituant leur accorde dans les travaux
préparatoires mais sous les lumières bienveillantes d'une
« idée de droit » progressiste.
Disons tout de suite ou rappelons qu'il s'agit là du
vrai rôle de la Haute juridiction. Il serait complètement aberrant
qu'un juge constitutionnel donne l'impression d'inventer un droit au
mépris de toute rationalité, en faisant fi de la Constitution et
de son contenu.
Juge constitutionnel, il porte bien son nom ; il doit veiller
à ce que le législateur tout en exprimant la volonté
générale de la nation, ne le fasse que dans le respect de la
Constitution. Pas plus, d'ailleurs, qu'il ne doit donner l'impression de
régler des litiges à visage juridique sur fond politique, des
litiges voisins de ceux qui opposent des particuliers où une solution du
juste milieu peut les satisfaire pour éviter celle où
apparaissent un vainqueur et un vaincu.
Dans le contentieux constitutionnel ou, si l'on
préfère la justice constitutionnelle, ce ne sont jamais deux
parties en litige, mais il y a toujours, d'un côté, le
législateur et, de l'autre, la Constitution. Le rôle du juge
constitutionnel, c'est de vérifier si le législateur n'a pas
outrepassé les limites tracées par le constituant.
Quelle utilité aurait la constitution si ses principes
n'étaient que des voeux pieux à l'adresse d'un législateur
fort de sa légitimité souveraine ? Là est toute la
philosophie dont se nourrit la loi organique de cette haute instance. Parce
qu'elle intervient pour mettre en application un article de la Constitution,
elle doit, avant sa promulgation, impérativement passer sous l'oeil
vigilant du juge constitutionnel auquel il revient de dire si certaines de ses
dispositions sont ou ne sont pas contraires aux règles, principes et
préceptes contenus dans le texte le plus élevé dans la
hiérarchie juridique, la Charte fondamentale.
En paraphrasant Kelsen, on dira que si la loi est une
création du droit vis-à-vis du règlement, elle se
présente comme une application du droit vis-à-vis de la
Constitution ; de ce fait, la vérification de sa
régularité doit se fonder sur le rapport d'un degré
inférieur à un degré supérieur de l'ordre
juridique.
A la suite du même grand juriste, père fondateur
du contrôle de la constitutionnalité des lois en Europe, on
ajoutera que cette correspondance constitue le fondement de l'existence des
garanties de la Constitution qui sont considérées comme garanties
de la régularité des règles immédiatement
subordonnées à la Constitution, c'est-à-dire,
essentiellement, des garanties de la constitutionnalité des lois.
Constitutionalité ! Voilà le terme magique
auquel il faut restituer l'importance qui est la sienne et reconnaître
l'étendue qui le caractérise ! Signifie-t-il uniquement le
contenu purement formel de la Constitution ou doit-il intégrer tout ce
qui s'y rattache comme principes et règles auxquels le texte
constitutionnel fait référence ?
Notre Constitution, comme du reste la plupart des
constitutions du monde pour ne pas dire toutes, contient un ensemble de
référentiels qui complètent tout ce qu'elle proclame
expressément. Naturellement, ces référentiels varient d'un
pays à un autre.
Ici, cela peut être l'attachement aux droits de
l'homme tels qu'ils sont universellement reconnus, ailleurs, cela peut
être l'attachement aux droits de l'homme et aux principes de la
souveraineté nationale tels qu'ils ont été
définis par la Déclaration de 1789 etc. Ici, l'Etat peut
être laïc, ailleurs, il peut être musulman ou chrétien.
Ici, cela peut être la souscription aux principes, droits et
obligations découlant des chartes des organismes internationaux
dont l'Etat est membre, ailleurs, cela peut être la proclamation
comme particulièrement nécessaires à notre
temps de principes politiques, économiques et sociaux.
Bref, et pour ne pas déborder l'objet de la
présente analyse, dans sa mission, le juge constitutionnel est un
créateur de droits, de normes juridiques et, plus simplement, du droit
à partir de la Constitution et surtout de son esprit et des principes
ainsi que les valeurs dont elle est tissée ou qui coulent des textes
auxquels elle fait référence. La constitutionalité d'un
texte de loi organique ou autre, ne réside pas seulement dans sa
conformité à ce qui est expressément énoncé
dans les seuls articles de la Constitution, mais à ce qui
transparaît au travers de ses dispositions et se manifeste dans la trame
de ses lignes.
Elle s'apprécie au regard de ce qui constitue le bloc
de constitutionnalité.
En droit congolais cependant, il importe de souligner qu'il
n'existe pas de principes généraux à valeur
constitutionnelle, catégorie juridique créée par le
Conseil constitutionnel français pour régler la question du bloc
de constitutionnalité qui se posait en France du fait de l'absence d'une
proclamation des libertés publiques dans le texte même de la
constitution.
Telle n'est pas la situation du droit congolais qui proclame
invariablement le caractère constitutionnel des libertés
fondamentales dans ses textes constitutionnels. La même constance est
observée en matière des traités internationaux.
§3. En matière
de recours en conformité des traités et accords
internationaux
La procédure en matière de saisine du juge en
cas de recherche de conformité d'un traité international ou
même d'un accord sous forme simplifiée est perçue sous
l'angle de la pratique diplomatique alors que la pratique jurisprudentielle est
d'une sécheresse quasi légendaire. L'explication
légendaire est que fort longtemps il a été
décidé que les traités internationaux échappaient
au contrôle du juge avec la conséquence que l'exécutif
à travers les organes habilités à engager l'Etat
vis-à-vis d'autres puissances souveraines reste le seul habilité
non seulement à négocier et à ratifier lesdits accords
mais aussi à les interpréter.
A. Pratique diplomatique de la
République démocratique du Congo
Le droit congolais ne semble guère fourmiller
d'exemples de saisine juridictionnelle en matière de traités
internationaux. La pratique qui s'observe est celle de saisir, de la part du
juge qui traite de la question sollicitant l'application d'un traité
international, le ministère des affaires étrangères en vue
d'obtenir la seule interprétation officielle et authentique de l'Etat
congolais. Les raisons en ont été exposées plus loin.
Cette pratique qui est constante tranche avec l'application
quasi existante des normes internationales par le juge congolais.
B. Pratique jurisprudentielle
La jurisprudence indique un seul cas où le
traité international a été appliqué, donc
interprété par le juge, sans qu'il se soit
référé au ministère des affaires
étrangères. Le juge du tribunal de garnison de Songo Mboyo, dans
la Province de l'Equateur, a appliqué en effet le statut de Rome de la
Cour pénale internationale comme de droit interne conformément
à l'article 153, alinéa 4, de la Constitution.
S'agissant de la Cour constitutionnelle, Marcel Wetsh'Okonda
opine que « il résulte de ce qui précède que,
faute de base juridique, la Cour constitutionnelle est incompétente en
matière de constitutionnalité des conventions internationales
encore qu'elle est habilitée, avant la ratification des conventions
internationales, à la demande du Président de la
République, du Premier ministre, du Président de
l'Assemblée nationale, du Président du Sénat ou d'un
dixième du Sénat, à examiner la conformité à
la constitution desdites conventions.
Dans le cas contraire, la ratification est subordonnée
à une révision préalable de la constitution. Une fois
ratifiées, les conventions internationales en tant que telles
échappent au contrôle de constitutionnalité. Ne peuvent
dès lors être censurés par la cour constitutionnelle que
les actes détachables en l'occurrence le décret de ratification
d'une part et la loi d'autorisation de la ratification d'autre part.
Dans l'hypothèse d'une ratification d'une convention
internationale comportant des dispositions déclarées
inconstitutionnelles en l'absence d'une révision constitutionnelle
préalable, le décret de ratification peut bien être
annulé par la Cour constitutionnelle à la suite d'une
requête en inconstitutionnalité ou simplement
écartée à la suite d'une exception
d'inconstitutionnalité.
La conséquence en est que les conventions en cause ne
pourront recevoir application sur le plan interne, ce qui peut avoir pour effet
d'entraîner la responsabilité internationale de l'Etat. En
revanche, il n'est pas sans intérêt de le souligner, ces
irrégularités qui peuvent entacher la procédure de
ratification des traités internationaux au plan interne n'auront aucun
effet dans l'ordre international1006(*).
Ce raisonnement reste également valable dans le cas
d'une ratification en l'absence d'une habilitation législative ou d'un
référendum constitutionnel lorsque l'une de ces formalités
est requise. Il peut également arriver que la loi d'habilitation en
vertu de laquelle la ratification est intervenue n'ait pas été
adoptée conformément à la procédure parlementaire,
ce qui peut donner lieu à son annulation par la cour constitutionnelle.
Comme dans les autres cas, la ratification peut en souffrir et
l'application des conventions en cause entravée avec toutes les
conséquences qui peuvent en résulter au plan de la
responsabilité internationale de l'Etat1007(*).
En définitive, la Cour constitutionnelle est
incompétente pour connaître de la constitutionnalité des
conventions internationales en tant que telles comme du caractère
self executing des conventions internationales mais elle est
compétente pour connaître, par voie d'action ou d'exception, de la
régularité de la ratification des mêmes conventions
internationales, ce qui revient à un contrôle indirect de la
constitutionnalité des traités internationaux.
Ce contrôle peut porter sur la loi d'autorisation de la
ratification ou le décret de ratification, lesquels sont des actes
détachables soumis au principe de légalité sensu
lata. »1008(*)
Tel n'est pas le cas lors dus scrutin notamment
référendaire.
§4. En matière
de contentieux électoral et référendaire
Le contentieux électoral et référendaire
comme nous l'avons vu plus haut donne lieu à la saisine du juge
constitutionnel pour ce qui est des élections présidentielle et
législatives nationales. La contestation est portée devant le
juge constitutionnel par voie d'une requête initiée par le
candidat à l'élection contestée, son parti politique ou
son regroupement lorsqu'il s'agit d'un scrutin de liste.1009(*)
Le candidat indépendant reste parfaitement libre de
signer sa propre requête sans avoir à recourir aux services
parfois controversés des partis et autres regroupements
politiques.1010(*)
Les arrêts Patcho Panda et Serge Amuri
ont indiqué que le même parti politique pouvait, au gré des
intérêts souvent peu définis au départ de ceux qui
le dirigent, signer des multiples requêtes à introduire devant la
haute Cour entraînant ainsi une cacophonie qui était à la
base du contentieux électoral congolais.1011(*)
La jurisprudence a parfois admis le recours en rectification
d'erreur matérielle, avant de recevoir et de refuser finalement le
recours en tierce-opposition donnant ainsi l'impression bien malheureuse que le
juge constitutionnel de transition n'était pas au fait des questions de
droit qui lui étaient soumises.
Ces arrêts « sur
commande »1012(*) furent néanmoins, au nom de la
sécurité juridique et surtout de la
« jeune »démocratie naissante en République
démocratique du Congo, acceptés par l'Assemblée nationale
non sans quelque amertume justifiée. Mais quels sont objectivement les
conditions de recevabilité que doit réunir une requête
devant le juge constitutionnel ?
Section 2 : LES
CONDITIONS DE RECEVABILITE ET DE MISE EN ETAT DE LA CAUSE
L'étude des conditions de recevabilité et de
mise en état de la cause ainsi introduite par voie de requête est
d'une importance procédurale capitale. En effet, une chose est d'avoir
le droit d'agir, une autre est toutefois le respect de la marche à
suivre pour faire sanctionner la méconnaissance d'une violation de ce
droit. C'est ainsi qu'au-delà de l'affirmation constitutionnelle du
droit de chacun d'agir en inconstitutionnalité contre les actes
législatifs et réglementaires, il doit exister des
mécanismes particuliers pour faire sanctionner judiciairement ledit
droit.1013(*)
En droit judicaire ordinaire, il est reconnu quatre conditions
de recevabilité des actions en justice qui sont : la
qualité, l'intérêt, la cause et l'objet de l'action. Ainsi,
une action qui est la manifestation juridictionnelle d'un droit doit
également être mue par une personne pourvue de la qualité,
de l'intérêt à agir et son action doit absolument porter
à la fois sur un objet licite et posséder une cause
légitime.1014(*) Dès lors, la théorie
générale des actions en justice ne semble guère rencontrer
le prescrit constitutionnel et les conditions de recevabilité des
requêtes prévues par les lois régissant la
matière.1015(*)
C'est ce que nous allons voir en analysant d'abord les
conditions applicables à toutes les requêtes quelle que soit
l'origine de leurs auteurs, ensuite une approche particulière sera
opérée à propos de la requête en contentieux
constitutionnel. Nous clôturerons la section avec une vue d'ensemble de
la matière de mise en état de la cause.
§1. Les conditions
générales de recevabilité de la requête devant le
juge constitutionnel
Ici, il est question d'une sorte de théorie
générale de la recevabilité de la requête devant la
Cour suprême de justice faisant office de Cour constitutionnelle
transitoire.
L'intelligence de cette théorie générale
est utile à la saisie intellectuelle de la suite des questions
procédurales qui émaillent le contentieux constitutionnel. En
effet, bon nombre d'arrêts rendus en matière constitutionnelle ont
consacré l'irrecevabilité des actions donnant ainsi l'impression
- comment ne pas le dire- que la Cour suprême de justice évitait
des questions politiques d'une brulante actualité.
En réalité, la connaissance de cette question
aurait évité aux acteurs politiques, auteurs de saisine souvent
controversée, de recourir aux armes de combat de rue s'ils avaient une
connaissance parfaite de ces conditions. Nul n'est censé ignorer la loi,
dit un adage. Tout le monde aujourd'hui sait comment tout le monde ignore la
loi : celle-ci ou plutôt les nombreuses lois étant devenues
l'affaire des professionnels. Cette introduction nous invite à voir de
près les détails de la question.
A. De la forme de la
demande
Le droit congolais positif se contente d'indiquer la
requête comme mode de saisine du juge constitutionnel. Ainsi, tout autre
exploit de justice qui ne serait pas une requête devra aboutir à
l'irrecevabilité devant la Cour constitutionnelle.1016(*)
En effet, la requête, contrairement à d'autres
exploits saisissant les juridictions en République démocratique
du Congo, a la particularité d'être un acte unilatéral de
la partie adressé à une juridiction pour s'entendre dire droit
sur les prétentions de fait et de droit y formulées.
Ainsi, elle se différencie nettement de l'assignation
qui est entendue comme un acte du greffier, dressé à la demande
d'une partie, adressé à une juridiction et portant des
prétentions contradictoires vis-à-vis d'une autre partie.
1017(*)
Selon l'article 1er de la procédure devant
la Cour Suprême de Justice, celle-ci est saisie par voie de requête
ou de réquisitoire du Ministère Public déposé au
greffe.
La loi impose que la requête introduite soit
signée par un Avocat inscrit au Barreau près la Cour
suprême de justice, sauf en matière administrative ou si elle est
l'oeuvre du Ministère Public. Celle-ci est datée1018(*).
Sans être formaliste, la justice constitutionnelle
gagnerait aussi en clarté en admettant la forme épistolaire comme
étant équipollente à la requête. En effet, le Chef
de l'Etat ou toute autre autorité publique qualifiée par la
constitution peut bien saisir la haute Cour en lui adressant une lettre.
Du reste, il nous parait évident que c'est la forme que
la pratique institutionnelle semble imposer. Celle-ci vaudra donc
requête. De plus, la qualification de requête rejaillit davantage
des mentions qu'elle doit contenir plutôt que de sa dénomination,
du reste, non obligatoire.
B. Des mentions obligatoires
de la requête
La requête doit obligatoirement et, sous peine de
nullité, mentionner : le nom, éventuellement les
prénoms, la qualité et demeure ou siège de la partie
requérante ; l'objet de la demande ; les noms, prénoms,
qualité et demeure ou siège de la partie adverse et ;
l'inventaire des pièces formant le dossier1019(*).
Nous pensons que ces mentions obligatoires seront
d'emblée réintroduites dans la future loi organique relative
à la Cour constitutionnelle car elles procèdent tout
naturellement de la logique judiciaire qu'impose le contentieux
constitutionnel. Comment en effet, introduire un recours constitutionnel sans
indiquer les mentions qui viennent d'être énumérées.
La requête qui contient ces éléments est recevable, de ce
point de vue, mais elle appelle en réponse un mémoire
émanant du défendeur à l'action dont l'étude
s'impose également.
C. Des éléments
du mémoire
Pour être recevable, le mémoire doit être
signé par un Avocat inscrit au Barreau près la Cour Suprême
de Justice, sauf en matière administrative ou s'il émane du
Ministère Public. Ce mémoire est daté et comporte les
mentions ci-après : les noms et prénoms,
éventuellement, la qualité et la demeure ou le siège de la
partie concluante ; les moyens complémentaires à la
requête ou les exceptions et les moyens opposés à la
requête et aux mémoires ; les références du
rôle d'inscription de la cause et ; l'inventaire des pièces
format le dossier au greffe1020(*).
Les éléments du mémoire constituent,
à n'en point douter, le contenu tandis que le mémoire
lui-même joue le rôle de contenant surtout que la procédure
devant la haute Cour est écrite et accessoirement orale. Cette exigence
ressort implicitement de la lecture de l'article 93 de la proposition de loi
organique relative à la Cour constitutionnelle qui pose que le
rapporteur « fixe aux parties des délais pour produire leurs
moyens de défense et ordonne au besoin des
enquêtes ».1021(*)
Il n'est qu'à constater que le futur législateur
a tiré les conséquences juridiques du caractère
contradictoire de la procédure devant la Cour constitutionnelle. Cela
tranche sans conteste avec le caractère quasi mystérieux et don
opaque de l'actuelle procédure devant la Cour suprême de justice
qui ne permet à personne de savoir à quelle étape de la
procédure se trouve sa cause ?
Il est évident que cela est contraire à l'Etat
de droit qui postule une transparence administrative à tous les niveaux.
La justice a certes besoin de discrétion mais elle ne doit pas
fonctionner dans le secret. C'est pour conjurer ce secret digne de la belle
époque des dictatures que l'exigence du nombre des copies s'explique
tant à l'égard des parties qu'à l'égard de la Cour
elle-même.
D. Du nombre des copies et de
l'élection du domicile
Pour être recevable, la requête ou le
mémoire produits devant la Cour suprême de justice doivent
être accompagnés de deux copies signées par l'Avocat ou en
matière administrative, par la partie elle-même, ainsi que
d'autant d'exemplaires qu'il y a des parties désignées à
la décision entreprise1022(*). Les parties doivent, sauf en matière
administrative, dans la requête introductive ou dans le mémoire en
réponse déposé au greffe, faire élection de
domicile au cabinet d'un Avocat à la Cour Suprême de
Justice1023(*).
Cette exigence qui semble être légitime du fait
que les parties aux procédures pendantes devant la haute Cour sont
souvent éloignées du siège de celle-ci dont le ressort est
le territoire national, pose quand même le problème juridique de
sa cohérence avec l'ordre juridique tout en entier.
Les parties au procès d'interprétation de la
Constitution et celles en instance de contrôle de
constitutionnalité des lois tant a priori qu'a
posteriori sont sans conteste des autorités publiques dont
l'élection de domicile nous parait non seulement superflue mais surtout
sujette à caution.
En effet, il est utile d'élire domicile lorsque son
domicile réel est situé loin du lieu où un acte doit
être accompli. Dans le cas qui nous occupe, les autorités
publiques qui sollicitent une interprétation de la Constitution ou un
contrôle de la constitutionnalité des lois ont leur siège
à Kinshasa. Il s'agit, en sus, des institutions politiques que le
Constituant lui-même a logées à Kinshasa à
l'exception des cours et tribunaux qui sont essaimés à travers la
République.
Comment dès lors peuvent-elles élire domicile
encore que techniquement elles se limitent à adresser des requêtes
ou des jugements ou arrêts avant dire droit à la Cour
constitutionnelle, pour ce qui est du contrôle de
constitutionnalité des lois ou d'interprétation de la
Constitution ?
L'argument tranchant est que le Code de la famille qui dispose
sur la matière d'élection de domicile ne concerne que les
personnes physiques, les personnes morales même celles de droit
privé restant régies quant à cette question par le droit
commercial ou la loi sur les associations sans but lucratif qui
réglementent alors leur siège social et non leur domicile entendu
comme le lieu du principal établissement d'une personne et le
siège de ses intérêts essentiels1024(*).
Cette exigence légale nous semble parfaitement
justifiée lorsqu'il s'agit des particuliers et dans les seules
matières où ceux-ci peuvent intervenir. Or, les particuliers sont
loin d'ester en justice en cette matière. Dès lors, il est
excessif, comme le laisse croire le Premier avocat général de la
République Katuala Kaba Kashala que le Président de la
République aurait dû recourir aux services d'un avocat à la
Cour suprême de justice et donc élire domicile au cabinet de ce
dernier pour que sa requête formée sur base de l'article 121
alinéa 2 de la Constitution de la transition soit
reçue.1025(*)
Cette querelle est aujourd'hui éteinte car la nouvelle
Constitution tranche en clarté en donnant le droit de saisine à
« toute personne », y compris le Chef de l'Etat et la
future législation organique relative à cette haute juridiction
ne semble guère faire du ministère de l'avocat à la Cour
suprême de justice une obligation procédurale. En revanche,
l'éclatement de la Cour suprême de justice étant acquise
aux termes de la Constitution, il nous semble dépassé le
problème de l'ordre des avocats à la Cour suprême de
justice qui ne devraient comme de droit exercer de façon monopolistique
que devant la Cour de cassation.
Nous prolongerons la critique au point réservé
à cette formalité procédurale mais à présent
attelons-nous à ce qui est particulier à chacune des demandes
devant la Cour constitutionnelle.
§2. Les conditions
particulières de recevabilité de la requête
Devant le juge constitutionnel, l'initiative de la demande
était reconnue, selon les cas, au Président de la
République, au Bureau du Parlement, aux Cours et Tribunaux, au Procureur
Général de la République, et à titre exceptionnel
selon l'article 131 de la Constitution de la Transition du 04 avril 2003, aux
Parlementaires. La Constitution du 18 février 2006 a innové en
élargissant le cercle des initiatives de saisine aux particuliers. Dans
le détail, voyons ce qu'il en est de chaque participant éventuel
à la procédure.
A. La forme de la
demande
Nous étudierons cette question, eu égard
à chacune des initiatives procédurales prévues par la
Constitution.
1. L'initiative émanant
du Président de la République
Selon les dispositions des articles 131 et 132 de l'ordonnance
- loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure
devant la Cour Suprême de Justice, le Président de la
République peut, lorsqu'il constate, à travers les lois et
règlements intérieurs du Parlement, des dispositions
jugées par lui comme étant inconstitutionnelles, prendre
l'initiative de procéder par voie de recours en appréciation de
la constitutionnalité.
Il en est de même lorsqu'il se décide de
déclencher la procédure d'interprétation de la
constitution. Mais la loi précise qu'il doit, pour cela, adresser une
demande au Procureur Général de la République.
Cette affirmation est contredite de nos jours par le texte
exprès de la Constitution qui donne le droit de saisine au
président de la République sans qu'il doive s'encombrer des
services du Procureur général de la République. La saisine
directe par le chef de l'Etat était déjà valable pendant
la transition. L'on doit donc considérer que les dispositions de la
procédure devant la Cour suprême de justice relatives à la
matière constitutionnelle sont abrogées en ce qu'elles
contredisent les prescrits de la Constitution qui, au demeurant, règle
leur sort juridique aux termes de l'article 221 de la Constitution de 2006.
Toutefois, avant la promulgation d'une loi, la Constitution de
la Transition offrait au Président de la République, lorsque
celle-ci contient des dispositions jugées par lui, comme étant
non conformes à la Constitution, la possibilité de saisir
directement la Cour suprême de justice d'un recours tendant à
faire déclarer celles-ci conformes ou non à la Constitution, et
cela, par voie d'arrêt1026(*). Ici, le législateur congolais semble
s'être aligné sur le constituant français1027(*)
Mais, il convient de relever que, dans ce cas précis,
la requête du Président de la République ne peut se faire
que dans le strict respect de la procédure applicable par devant la Cour
suprême de justice. Est-ce à dire que sa requête doit
être signée par un Avocat exerçant son ministère
près cette Cour ?1028(*)
D'emblée, nous pouvons constater que la Cour
suprême de justice n'a pas adopté le point de vue du Premier
avocat général de la République Katuala Kaba Kashala.
Nous approuvons la Haute Cour sur ce point précis car,
le Président de la République agissant sur pied de l'article 121
de la Constitution de la transition par exemple ne saurait être
valablement soumis au prescrit de l'article 2 de la procédure devant la
Cour suprême de justice.
En vertu de la hiérarchie des sources des normes
juridiques, il est patent que le Constituant disposant que la Cour
suprême de justice est saisie par le Chef de l'Etat, ce dernier qui est
une institution soit obligée de recourir aux services d'un Avocat.
Du reste, il faut combiner cet article 2 de la
procédure devant la Cour suprême de Justice avec les pertinentes
dispositions de l'Ordonnance-loi organique du Barreau pour se convaincre que
les règles qui imposent le recours obligatoire à un avocat
à la Cour suprême de justice ne sont d'application qu'en
matière de cassation. L'extension qui en est faite en toutes autres
matières de la compétence de la Haute Cour nous parait
dénuée de toute base légale. Cette question semble
soulever cependant le problème tranché récemment par la
Haute Cour qui est celle du monopole de représentation des parties par
les avocats près cette Cour1029(*).
Les avocats à la Cour suprême n'ont de monopole
obligatoire de représentation des parties qu'en matière de
cassation aux termes de l'article 103 de l'Ordonnance-loi n°79/028 du 28
septembre 1979 portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs
judiciaires et du corps des mandataires de l'Etat.
A notre avis, la confusion serait partie de
l'interprétation intéressée de l'article 2 du code de
procédure devant la Cour suprême de Justice qui dispose tout
simplement que « la requête introductive doit être
signée par un avocat à la Cour suprême de
justice ». Signer une requête n'emporte aucune
représentation de la partie. La signature de la requête
relève des actes de postulation et non de la comparution des parties qui
pose le problème de la représentation.
S'agissant d'une procédure écrite et sans partie
opposée, nous ne voyons pas pourquoi la représentation de
l'avocat serait indispensable. C'est ainsi, qu'à notre avis, le
débat du monopole brisé ou non des avocats près la Haute
Cour est mal posé par les commentateurs de tout bord de l'arrêt RR
302.
De même, ce débat a l'inconvénient majeur
d'être posé par des protagonistes de l'un ou l'autre barreau qui
semblent s'intéresser à leurs intérêts
professionnels plutôt qu'à une interprétation
désintéressée de la Loi.
2. L'initiative émanant
des bureaux des chambres parlementaires
La Constitution de la Transition indiquait clairement que, le
Bureau de l'Assemblée nationale et celui du Sénat pouvaient,
distinctement, initier un recours en appréciation de la
constitutionnalité des lois et des actes du Président de la
République ayant force de loi, en adressant une demande au Procureur
Général de la République.1030(*)
Cette initiative leur est aussi reconnue dans les mêmes
conditions lorsqu'ils veulent solliciter de la Haute Cour une
interprétation précise d'une disposition
constitutionnelle.1031(*)
La Constitution du 18 février 2006 renforce ce droit de
saisine des bureaux des chambres parlementaires et plus
précisément, désigne les présidents de
l'Assemblée nationale et du Sénat pour agir en justice ès
qualité.1032(*)
En désignant ainsi nommément les
Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, les
bureaux de ces enceintes nationales seraient-ils démunis du pouvoir de
saisir la Cour constitutionnelle ? En matière
d'interprétation de la Constitution, il faut considérer qu'ils
n'ont pas le droit de saisine qu'ils conservent par ailleurs à titre
individuel en matière de contrôle de
constitutionnalité.1033(*)
En est-il de même du gouvernement qui, lui, ne peut agir
que collectivement ?
3. L'initiative du
Gouvernement
L'initiative du gouvernement est une innovation de la
Constitution du 18 février 2006 qui range cette institution dans le
cercle des autorités qualifiées pour agir en
interprétation constitutionnelle.
Cette innovation pose problème dans la mesure où
le chef du gouvernement est démuni pour pouvoir de saisine personnel
alors qu'il est autorisé par la même constitution à agir
qualitate qua en inconstitutionnalité des lois en vertu de
l'article 160, alinéa 4 de la Constitution.
S'agissant donc d'une institution collégiale, le
premier ministre ne saurait agir au titre de chef de gouvernement en
matière d'interprétation de la Constitution sans que la question
soit ainsi posée au conseil des ministres qui opinera sur un
procès-verbal de cette réunion. L'absence de ce
procès-verbal sera de nature à disqualifier la saisine comme
n'étant pas l'initiative du gouvernement.
Cependant, au nom du gouvernement, le premier Ministre et son
ministre de la justice seraient autorisés à signer la
requête introductive d'instance en interprétation. Il est entendu
que ledit procès-verbal pour valoir preuve de ce que le gouvernement a
décidé de saisir la haute Cour doit être produit en
photocopie certifiée conforme à défaut de l'être en
original.1034(*)
4. L'initiative du Procureur
général de la République ou celle du Procureur
général près la Cour constitutionnelle
Le Procureur Général de la République
pouvait, d'office, prendre directement l'initiative de saisir la Haute Cour par
voie de recours en appréciation de la constitutionnalité des
lois, des actes législatifs et des actes du Président de la
République ayant force de loi.
Mais la loi spécifie qu'en matière de recours en
interprétation de la constitution, le Procureur Général de
la République ne peut déclencher cette procédure
qu'à la demande, soit du Président de la République, soit
du Bureau du Parlement, soit encore des Cours et Tribunaux.
Selon Mabanga Monga Mabanga, c'est en vertu des dispositions
de l'article 6, alinéa 1 du code d'Organisation et de Compétence
Judiciaires que le législateur a permis au Procureur
Général de la République de déclencher la
procédure de contrôle de constitutionnalité lorsqu'il
estime que la loi ou l'acte législatif dont lui et ses subalternes sont
appelés à veiller à l'application est entaché
d'inconstitutionnalité1035(*). Cette interprétation de la disposition
légale susévoquée semble recueillir les suffrages d'une
frange de la doctrine.1036(*)
Pour notre part cependant « surveiller
l'exécution des lois » n'est nullement attributif d'une
compétence en cette matière plutôt spéciale. En
effet, la compétence du procureur général de la
République au lieu d'être recherchée dans une disposition
légale par trop générale se trouve confirmée tout
simplement par l'article 131 de la procédure devant la Cour
suprême de justice. L'on peut toutefois en dire que dans un contexte de
monolithisme politique comme celui du texte de 1982, le procureur
général de la République ne pouvait et n'a pu jouer que le
rôle ingrat de surveillant de la légalité mobutiste
c'est-à-dire celui de bras séculier d'une légalité
qu'il fallait protéger de toutes impuretés idéologiques.
Le Procureur Général de la République
disposait aussi de l'initiative de saisir la Cour suprême de justice en
matière de contestation électorale, spécialement en ce qui
concerne l'élection du Président de la République, mais
uniquement en considération des réclamations qui lui sont
adressées et ce, dans le délai de huit jours.
Cette procédure est modifiée heureusement par la
loi électorale en vigueur depuis 2006. Il faut donc considérer
qu'étant en flagrante contradiction avec le libellé précis
du texte constitutionnel, les dispositions de l'ordonnance-loi relative
à la procédure devant la Cour suprême de justice contraires
au texte fondamental ont été abrogées et ne sauraient
être d'application. En conséquence, le procureur
général de la République n'a plus compétence de
saisir le juge constitutionnel qu'en matière répressive et tant
que le Procureur général près la Cour constitutionnelle
n'aura pas été installé.
En revanche, le procureur généra près la
Cour constitutionnelle dispose aux termes de la proposition de loi organique en
chantier des attributions de ministère public près cette haute
juridiction.1037(*) Il
exercera ses attributions devant la Cour constitutionnelle soit par voie d'avis
soit par voie de réquisitoire en matière répressive. Si
les choses semblent réduire les pouvoirs qu'avait jadis le Procureur
général de la République, en raison de la
personnalité étouffante de certains locataires de la fonction, il
n'est pas de même des parlementaires qui subissent depuis la transition
une cure de jouvence.
5. Les parlementaires :
députés et sénateurs
En cas de contestation électorale pour les
élections parlementaires, ou pour les actes d'assemblée refusant
la validation des pouvoirs ou constatant la démission d'office d'un
parlementaire, la loi accorde au parlementaire ou au candidat
lésé la possibilité de saisir directement la Cour
suprême de justice de ses réclamations.1038(*)
Par ailleurs, la Constitution de la Transition
précisait en son article 131 qu'avant la promulgation d'une loi par le
Président de la République, et lorsqu'il existe dans ladite loi
des dispositions jugées non conformes à la Constitution, au moins
le dixième des députés ou le dixième des
sénateurs peuvent saisir la Cour Suprême de Justice, par voie de
requête, en vue de faire déclarer ladite loi non conforme à
la Constitution.
La symbolique de la fraction donne à penser que ce
droit n'est donné qu'à contrecoeur ou, à tout le moins,
avec une arrière-pensée de récupération
politicienne.
En doctrine cependant, l'on peut noter que les recours
constitutionnels ouverts aux députés et sénateurs contre
les actes législatifs visent en réalité à
protéger la minorité parlementaire contre les excès et
l'arbitraire de la majorité politique qui
légifère.1039(*)
Du point de vue politique, si des membres de la
majorité saisissaient le juge constitutionnel pour censurer une loi
à laquelle ils sont théoriquement censés avoir
adhéré, il y aurait indubitablement rupture de confiance dans la
majorité du fait de ce manque de discipline nécessaire à
la survie d'un parti.1040(*)
Cette disposition constitutionnelle déroge au principe
érigé par les articles 131 et 132 du texte sur la
procédure devant la Cour Suprême de Justice et abroge donc
lesdites dispositions légales pour contrariété manifeste,
laquelle subordonne pareille démarche à la requête du
Procureur Général de la République.
C'est dans ce sens que par leur recours daté du 11 mars
2004 et déposé au greffe de la Cour Suprême de Justice, le
12 mars 2004, les honorables députés précités ont
sollicité l'examen de la conformité à la Constitution de
la Transition de la loi portant organisation et fonctionnement des partis
politiques.
L'histoire dira plus tard quelles auront été les
motivations réelles en soutènement du recours ainsi formé.
Le silence qui l'a entouré et le peu d'intérêt que
l'arrêt intervenu en cette cause a suscité en doctrine sont
surprenants.1041(*) Le
juge constitutionnel a décrété l'irrecevabilité du
recours formé par ces députés pour cause d'insuffisance du
quorum exigé par la constitution.
Cette possibilité constitutionnelle n'est pas encore
envisagée par l'opposition politique de sorte que la jurisprudence
congolaise est demeurée nulle en la matière. Ce qui n'est pas du
tout le cas des particuliers, nouvelle catégorie, s'il en est, des
usagers de la justice constitutionnelle.
6. Les
particuliers :
Les particuliers sont des sujets de droit et d'obligations qui
ne ressortent pas du cercle des institutions politiques. Par contre, le terme
« particuliers » doit recouvrer ici tant les personnes
privées que publiques territoriales autres que l'Etat.
a) Personnes physiques
La personne physique, être doué de raison et de
chair, est autorisé aux termes de l'article 162 de la Constitution
à agir en inconstitutionnalité. Ceci n'appelle guère de
commentaire particulier tant il s'agit d'une rhétorique
élémentaire de la science du droit. Cependant, les limites et
exceptions de qualité et de capacité d'exercice que
prévoit le droit civil congolais ou même le droit international
privé congolais devraient sans conteste trouver application devant le
juge constitutionnel.
En somme, il faut être né vivant et
viable1042(*) pour
être une personne physique, congolaise ou étrangère, pour
agir en justice constitutionnelle. C'est légèrement la situation
des personnes morales.1043(*)
b) Personnes morales
Les personnes contrairement aux personnes physiques sont des
êtres de raison et non de chair. Il s'agit des intérêts
juridiquement protégés sous la forme tant des
sociétés, des établissements d'utilité publique ou
même des associations sans but lucratif, pour ce qui est des personnes
morales privées. Elles agiront conformément à leurs
statuts sociaux et aux lois particulières1044(*) qui les régissent
par leurs organes statutaires.
Il y a d'autre part, des personnes morales de droit public
tant territoriales que spécialisées. Ainsi les entreprises
publiques, les établissements publics, les provinces et les
entités administratives territoriales décentralisées sont
des personnes de droit public habilitées à agir devant le juge
constitutionnel. Elles devront agir cependant selon le prescrit du texte de
création ou de la loi qui les organise.1045(*) C'est le même
régime qui s'impose à l'endroit des partis politiques,
catégorie spéciale des personnes morales.
c) Partis politiques
S'agissant des associations des personnes majeures
possédant la nationalité de l'Etat concerné, partageant
une même idéologie politique et concourant à la
conquête démocratique du pouvoir et à sa conservation, les
partis politiques ont par ailleurs une nature hybride. A la fois, associations
de droit privé dans leur création et leur fonctionnement, les
partis politiques empruntent cependant des habits de droit public lorsqu'ils
concourent à l'expression du suffrage populaire. Il s'agit même
d'un statut constitutionnel.1046(*)
Pour agir, l'on déterminera la qualité de la
personne physique habilitée à ester en justice au nom du parti
conformément aux clauses des statuts notariés et
déposés au Ministère de l'intérieur qui aura
à la suite délivré un arrêté
ministériel d'agrément. Il s'agit là de deux conditions
préalables de recevabilité de l'action d'un parti politique en
justice.
En outre, le récépissé
délivré par le Ministère qualifié doit tenir lieu
d'arrêté d'agrément car les lenteurs et les
négligences de l'Administration, de jurisprudence constante, ne
devraient pas nuire à l'administré qui a souscrit aux obligations
qui lui ont été posées.
Si la recevabilité de l'action du parti politique
semble aisée, celle des regroupements politiques pose
problème.
d) Cas spécial des
regroupements politiques
Le regroupement politique est une association pour la plupart
des temps momentanée des partis politiques formée dans le but
d'obtenir les suffrages de la population ou même de partager l'exercice
du pouvoir politique.
Le regroupement politique qui se forme ainsi librement n'est
pas doté de personnalité civile. Cependant, la loi
électorale de 2005 cite parmi les personnes qualifiées pour agir
en contestation électorale cette association momentanée. Si cela
est compréhensible politiquement, la question qui se pose en droit de
savoir si la simple citation dans une disposition légale à
conféré la personnalité civile aux regroupements
politiques.
Nous pensons qu'ils n'ont pas le pouvoir d'ester en justice
sans que la loi ne leur ait accordé la personnalité civile
cependant l'action engagée en leur nom doit l'être ut
singuli par chacun des partis membres du regroupement. Autrement, une
anomalie sera consacrée par notre droit positif qui perdra ainsi sa
cohérence normative nécessaire à l'introduction de la
cause devant le juge constitutionnel.
B. L'introduction de la cause
et la publicité
En matière de recours en annulation et de recours de
pleine juridiction, la loi prévoit qu'au delà des mentions
obligatoires de la requête, celle-ci devra contenir un exposé des
faits et des moyens1047(*). Cette exigence peut être
nécessairement invoquée à l'appui de la requête
saisissant le juge constitutionnel. Il appartient en effet au futur
législateur organique de réintégrer cette disposition dans
la procédure en matière constitutionnelle.
Les moyens dont parle la loi s'entendent des arguments tant de
fait que de droit qu'un plaideur doit articuler à l'étai de sa
demande ou de sa défense. Ceux-ci doivent du reste être
exposés de manière claire pour écarter ainsi l'application
de l'irrecevabilité qu'encourrait une demande obscure ou confuse.
L'obscurité du libellé (obscuri libelli) est
sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande ou par le non
fondement lorsqu'il s'agit d'une défense ainsi mal assurée.
De plus, la future loi organique spécifie que les
requêtes portées au rôle de la Cour seront, à la
diligence du greffier, signifiées dans les quinze jours de leur
réception aux parties en vue de leurs conclusions.1048(*)
La jurisprudence de la Haute Cour arrête, unanimement,
que le dépôt au greffe aux fins de publication ainsi que la
consignation des frais pour ce faire constituent une preuve de la satisfaction
de cette exigence, les négligences et lenteurs de l'Administration ne
pouvant nuire aux particuliers1049(*).
Au titre des mesures complémentaires de
publicité, vu que les arrêts de la Cour constitutionnelle sont
opposables à tous, il est impérieux qu'ils soient publiés
au journal officiel avec en annexe la requête qui a saisi la Cour ainsi
que les autres actes de procédure qui ont été
posés.
Ceci a l'avantage de permettre un contrôle par l'opinion
qui est toujours le soubassement de la transparence démocratique dans
l'Etat de droit que veut la République démocratique du Congo. En
effet, le juge constitutionnel ne doit aucunement être dans l'ombre de la
paperasserie administrative qui lui donnerait faussement l'impression bien
malheureuse qu'elle est une sorte de loge mystique décrétant des
oracles plutôt que des jugements humains. Pour éviter cette
impression, la requête elle-même doit être transparente en
contenant certaines mentions.
C. Les mentions de la
requête introductive d'instance
L'étude des mentions que doit comporter une
requête paraît redondante au regard du point dejà
consacré à cette question. Cependant, il est utile de
repréciser certaines mentions qui ont un intérêt
procédural évident.
1. L'identification de la
partie requérante
La partie requérante devant le juge constitutionnel
doit être identifiée de manière on ne peut plus claire. Une
faille à ce niveau aboutit inévitablement à une
irrecevabilité. C'est ainsi que le requérant indiquera son nom
1050(*)avec tous ses
éléments constitutifs, son domicile1051(*) ou sa
résidence,1052(*) et fournira tous autres éléments
susceptibles de l'identifier sans encombre.
2. L'identification de la
partie adverse
L'identification de la partie défenderesse est une
nécessité. Elle permet de savoir contre quelle institution est
dirigé le recours constitutionnel de sorte que soit signifiée la
requête en vue d'obtenir les conclusions ou le mémoire de cette
partie.
Il est dès lors nécessaire de l'identifier
à son tour. Comme il s'agira toujours d'une autorité publique,
plus précisément d'une institution qui a pris un acte
inconstitutionnel, il suffira d'indiquer la dénomination officielle de
cette autorité, son siège légalement établi et
éventuellement, la personne physique qui est censée avoir
posé l'acte attaqué.
Cette manière d'identifier la partie
défenderesse a l'avantage de faire éviter au requérant le
risque d'une irrecevabilité pour mauvaise direction. Par ailleurs, le
fait de solliciter des choses sur lesquelles le juge constitutionnel ne
possède aucune compétence entrainera, à coup sûr, un
arrêt d'incompétence qui n'empêche guère qu'un autre
juge soit ressaisi.
Il en est de même de l'absence de l'objet clair et
précis qui pourrait entraîner d'autres ennuis procéduraux.
3. L'objet de la
demande
La requête en inconstitutionnalité comme toute
requête devant le juge constitutionnel doit avoir un objet clair et
précis. De la jurisprudence de la Cour suprême de justice, il
appert que des requêtes contenant des objets confus, imprécis ou
tout simplement flous ont été rejetées sans que les juges
aient ressenti la nécessité de se justifier outre
mesure1053(*). En
effet, l'obscurité du libellé entraine inéluctablement
l'irrecevabilité de la requête.
La demande doit être intelligible c'est-à-dire
compréhensible par toute personne de bonne foi et de formation moyenne.
Par ailleurs, le juge doit être mis dans la possibilité de
comprendre ce que demande le requérant et les défenses que le
défendeur oppose. Autrement, les demandes absurdes n'ont de place devant
le juge constitutionnel. La clarté de cette demande dépend aussi
des pièces que le requérant doit annexer à sa
requête.
4. L'inventaire des
pièces formant le dossier
L'inventaire des pièces est une formalité de
transparence judiciaire car il permet à chaque partie au procès
constitutionnel de connaître parfaitement les moyens et les pièces
sur lesquelles chacune des parties élève ses prétentions.
Il est utile de former cet inventaire des pièces
essentielles, celles qui ont un rapport direct et pertinent avec les
articulations de la requête ou du mémoire contenant les
conclusions du défendeur.
En effet, la décision attaquée ne saurait
manquer dans l'inventaire des pièces. Toute autre pièce pouvant
établir la qualité, le domicile et partant identifier la partie
devra être produite aux débats pour assurer non seulement leur
loyauté mais la transparence judiciaire qui est un corollaire du
principe du contradictoire.
L'inventaire des pièces ainsi formé doit
être signé et daté de la main même de la partie qui
le produit et contresigné par le greffier qui le reçoit aux fins
de publication et de signification.1054(*) Cette formalité met effectivement la cause
en l'état de recevoir jugement devant le juge constitutionnel.
§3. La mise en état
de la cause
Lorsque les parties ont ainsi mis la cause en l'état de
recevoir jugement en échangeant les pièces sur lesquelles elles
entendent élever et soutenir leurs prétentions, les débats
oraux doivent avoir lieu pour l'exposé solennel des prétentions.
A. Les débats
judicaires
La question des débats judicaires est d'une importance
capitale. Non seulement qu'il s'agit d'une garantie procédurale
accordée au procès, pour sécuriser le juge, les parties et
même le public qui prend part à l'audience. En effet, de la part
d'un peuple qui fonctionne sur le mode de l'oralité, les débats
judiciaires prennent une dimension spirituelle essentielle.
La parole créatrice et purificatrice de l'Afrique sort
des abysses des nuits de notre histoire pour retrouver ainsi comme par une
sorte d'osmose la vertu purgative que ne possède pas l'écrit. Le
futur législateur organique a sans conteste opté pour un
débat oral. C'est le lieu de critiquer sans ambages une pratique somme
toute de banditisme judiciaire qui consiste à rendre des arrêts
sans entendre les parties sur leurs prétentions en prétextant que
les écritures suffiraient.1055(*)
Telle pratique doit être découragée car
elle laisse au peuple le sentiment d'une oeuvre inachevée et du point de
vue juridique viole sans atermoiement l'article 15 du code de procédure
civile et les dispositions de l'article 14 du pacte international relatif aux
droits civils et politiques qui posent les principes d'un procès
équitable.1056(*)
B. Problématique de la
représentation des parties par les Avocats devant la Cour
constitutionnelle
Le législateur organique à venir a pris l'option
de rendre le ministère de l'avocat facultatif devant la Cour
constitutionnelle. Nous prenons le parti de ceux qui pensent qu'en raison du
caractère très technique que soulève le contentieux
constitutionnel il est nécessaire d'épargner les juges des
verbiages nombreux et imprécis des profanes. S'agissant d'un
débat technique, les profanes ont la vertu pécheresse d'obscurcir
les notions les plus simples.
Aussi, faut-il les écarter de la manière la plus
totale des marches du palais de justice pour n'y laisser que des
initiés. C'est d'ailleurs ce que l'on fait en matière de
cassation. En droit comparé, par exemple au Congo-Brazzaville, la
postulation devant la Cour d'appel est obligatoirement confiée à
l'avocat.1057(*) Cette
tendance doit être encouragée et poursuivie car elle simplifie les
questions de droit et permet ainsi des jugements clairs et transparents.
En effet, les avocats sont classés en ordres
professionnels pour garantir un certain niveau de compétence. Si le
jeune licencié en droit passe par un stage professionnel
préparatoire de plus ou moins quatre ans pour être admis au
tableau de l'ordre devant une Cour d'appel, il est à noter qu'il lui
faut une publication en matière juridique et une ancienneté de
dix ans au moins pour prétendre être admis au barreau près
la Cour suprême de justice siégeant comme Cour de cassation.
A plus forte raison, comment peut-on laisser un
prétoire aussi spécialisé totalement ouvert à des
plaideurs novices ou à des avocats chevronnés mais qui ne
possèdent que des vagues et lointains souvenirs du droit public. La
nécessité se fait sentir de créer à défaut
un barreau des spécialistes devant la Cour constitutionnelle. Il va
d'ailleurs de soi que les conditions de recrutement des juges comme celles du
procureur général mettent la barre assez haut pour que le barreau
qui est le pendant naturel de la justice soit ravalé au niveau de la
simple licence en droit.1058(*)
A défaut de créer un barreau spécifique,
nous pensons qu'il est possible de n'autoriser, comme le prévoyait du
reste le projet de constitution de la Conférence nationale souveraine,
que l'assistance des avocats ayant au moins quinze ans
d'ancienneté.1059(*)
Il n'est pas inutile d'exiger que ces avocats
chevronnés aient un diplôme d'études supérieures en
droit public, ce qui les rendrait plus attentifs aux questions de cette branche
de droit. En plus, le diplôme d'études supérieures aurait
du même coup une autre finalité professionnelle qu'il n'a pas
à ce jour.
En effet, au sortir de la licence, le jeune licencié
frais émoulu de l'université semble garder des souvenirs vagues
et lointains du droit constitutionnel qu'il aura vu en première
année de graduat en droit avant de finir ses études totalement
imbu des connaissances de droit privé.
Cette formation ne garantira pas une bonne qualité de
justice constitutionnelle. Il faut donc une réforme de l'enseignement
universitaire du droit dans le sens d'une synergie avec la demande sociale que
la société présente à l'endroit de
l'université congolaise.
Enfin, il est plus qu'utile qu'un cours de contentieux
constitutionnel à l'instar de celui de contentieux administratif soit
dispensé soit en deuxième licence en droit tout au moins au
niveau du diplôme d'études supérieures pour former de
véritables spécialistes de la question.
La justice spécialisée doit être servie
par des avocats et des juges spécialisés. Cette question
mérite une attention particulière de la part du
législateur car autrement, c'est transposer les tares que l'on
déplore déjà au niveau de la Cour suprême de justice
devant la plus haute juridiction du pays. L'avenir du droit passe par
là. C'est dans l'intérêt bien compris des parties à
l'instance et de la justice. Il reste cependant une question à se
poser : est-il permis à un tiers d'intervenir dans le procès
constitutionnel comme il s'agit d'amicus curiae dans le droit
anglo-saxon ?1060(*)
§4. L'intervention
volontaire des parties à l'instance : la question de
désistement
Cette question d'intervention volontaire à l'instance
constitutionnelle se pose en théorie. Comme on le sait, les arrêts
de la Cour ne permettent pas de tierce-opposition ni toute autre voie de
recours. Or, il peut arriver qu'une personne ait un intérêt
personnel à faire valoir lors du procès qui se déroule
devant la Cour constitutionnelle. Telle personne peut-elle agir par
intervention volontaire ?
Le caractère objectif du contentieux constitutionnel
semble s'opposer prima facie à une telle entreprise car c'est
plutôt l'acte qui est attaqué et non la personne du
défendeur. Le contentieux électoral, par contre, devrait
même permettre une telle approche pour éviter des rallongements
onéreux de la procédure de contestation électorale.
Il serait en effet bon d'appeler à l'instance de
contestation électorale toutes les personnes ayant pris part à
ladite élection dans la circonscription concernée. Il y aurait
ainsi économie de temps et l'avantage d'avoir un seul et même
arrêt opposable à tous.1061(*) En revanche, nous opinons que concernant les autres
types de contentieux constitutionnel, l'intervention volontaire des personnes
ne devrait pas être admise. D'abord, parce que notre système de
justice constitutionnelle par ses modalités d'exercice ne s'adapte
guère à de telles interventions intempestives.
Ensuite, la présence du Procureur
général, garant de l'ordre public et celle de l'institution
auteur de l'acte attaqué sont de nature à garantir les
intérêts généraux de la société. De la
sorte, il n'est pas plausible qu'un tiers excipant d'un intérêt
personnel vienne s'en prévaloir pour empêcher le contrôle de
la loi ni son interprétation qui sont censés être neutres
car effectués dans l'intérêt bien compris de la
société.1062(*)
Au contraire, la question de désistement se pose en
ordre inverse. Pour une raison propre à une partie, il est possible
qu'elle se désiste de sa requête. Quelle doit être
l'attitude du juge constitutionnel ? Ne s'agissant pas d'un
intérêt personnel, la Cour constitutionnelle devra poursuivre
l'instance de contrôle, l'initiative du particulier n'ayant qu'un simple
rôle de déclencher le mécanisme constitutionnel de
contrôle. Permettre le désistement, c'est à coup sûr
rendre disponible l'action en inconstitutionnalité qui, à notre
sens, n'est pas dans le commerce. Tout autre doit être la solution
lorsqu'il s'agit du contentieux électoral ou d'une question qui
entraîne le changement dans le statut personnel d'une partie.1063(*) En effet, dans cette
hypothèse, il s'agit d'une renonciation à un droit subjectif. Les
choses ne sont pas si tranchées en jurisprudence
étrangère1064(*) ni même chez nous.1065(*)
Il est utile de voir dans les détails les effets des
décisions que le juge constitutionnel est appelé à
prendre.
CHAPITRE IV :
LES
EFFETS DES DECISIONS DU JUGE CONSTITUTIONNEL
Parmi les modalités pratiques de l'exécution des
décisions juridictionnelles, il y a lieu d'étudier en
détail et avec minutie, les effets desdites décisions sur les
pouvoirs publics quelles que soient leur nature et la transformation de l'ordre
politique qu'elles impliquent.
En effet, la transformation de l'ordre politique vient du fait
que si le juge constitutionnel par ses décisions les plus courageuses
influe certainement sur l'ordonnancement juridique, cette influence aboutit
presqu'inéluctablement à une transformation de l'ordre politique
qui est ainsi « saisi par le droit ».1066(*)
Il s'agit, à vrai dire, d'une socialisation des
pratiques et des conceptions politiques. L'Etat de droit, vu sous cet angle,
est une question de civilisation finalement. Par ailleurs, le primat de la
Constitution garanti par le juge est l'affirmation d'un principe de
civilisation qui veut simplement dire que ce qui est décidé par
le plus grand nombre doit être respecté par la minorité,
fût-elle celle qui dirige. C'est un renversement des principes
millénaires qui postulent la domination de la minorité sur la
majorité. C'est une restitution du pouvoir au peuple.
Il est utile, à ce niveau, d'analyser en deux moments
les implications théoriques du contrôle de
constitutionnalité lorsqu'il s'exerce avant ou après la
promulgation de la loi. Ce démarquage temporel est une sorte de
summa divisio en matière de contrôle de
constitutionnalité. Qu'il soit exercé avant ou après la
promulgation de la loi, le contrôle a pour but institutionnel de purifier
l'ordonnancement juridique.
Cette vertu purgatoire présente l'avantage certain de
fixer une sorte de ligne rouge aux gouvernants qui sont ainsi tenus de
respecter la Constitution telle qu'exprimée par la bouche du juge
constitutionnel. La Constitution est, de ce point de vue, ce que dit le juge
constitutionnel. Ceci transfigure le visage du juge constitutionnel qui devient
non pas un simple rouage institutionnel, mais surtout un maillon essentiel de
la mécanique de l'Etat de droit. La controverse sur sa
légitimité cesse dès lors qu'elle procède de la
fonction que lui confère le constituant lui-même.
Dans le détail, essayons de voir quelles sont les
implications pratiques des décisions que le juge constitutionnel peut
être amené à prendre.
Section 1 : LE
CONTROLE A PRIORI OU LA CENSURE DES ACTES JURIDIQUES EN CHANTIER
Contrairement au droit français qui n'établit
pas le contenu du rapport de conformité devant s'installer entre la
norme constitutionnelle et la norme contrôlée, le droit congolais
dresse ce rapport tant dans la Constitution que dans le projet de la future loi
organique relative à la Cour constitutionnelle.1067(*)
En effet, la Constitution congolaise a établi la
pyramide normative en son article 153 de sorte que les questions qui se sont
posées en France à l'occasion du bloc de
constitutionnalité ne se dressent pas devant le juge
congolais.1068(*)
Si en France, la notion de Constitution s'est fait enrichir
par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, au Congo la notion a un
contenu plénier qui implique à la fois la déclaration des
droits et libertés et l'organisation du pouvoir politique dans l'Etat.
De la sorte, il demeure essentiel de voir que le juge constitutionnel agit ici
comme l'un des mécanismes constitutionnels de l'élaboration de la
loi. Procédons succinctement à l'étude de chacune des
normes infraconstitutionnelles dont le contrôle s'impose.
§1. Les lois
Il s'agit de se rapporter ici à la définition
formelle et organique que nous avons donnée plus loin. Les lois, en
effet, recouvrent plusieurs formes selon aussi le contenu de la matière
qu'elles régissent.
Le caractère obligatoire du contrôle de ces
normes à ce niveau implique la pratique d'un contrôle à
double détente : une décision de non-conformité
interdit la mise en application de la disposition censurée.
C'est ce que le doyen Vedel exprime en s'interrogeant si le
Conseil constitutionnel est un gardien du droit positif ou le défenseur
de la transcendance des droits de l'homme. Commençons par les lois
constitutionnelles.
A. Les lois
constitutionnelles
La Constitution étant comprise comme la norme
fondamentale à laquelle il ne peut être porté atteinte
impunément, il faut donc considérer qu'il n'est pas logiquement
admissible qu'il y ait des normes supraconstitutionnelles. On chercherait par
ailleurs en vain qui serait l'auteur de pareilles normes. Le rapprochement que
l'on est tenté d'établir entre les principes d'organisation
démocratique communs à plusieurs Etats ou la constatation qu'il y
a des traditions constitutionnelles communes à certains Etats sont des
observations de grand intérêt sur le plan de la science politique
mais n'ont pas de portée normative.1069(*)
En droit positif congolais cependant, l'on peut affirmer que
le contrôle de constitutionnalité reste ouvert lorsqu'une
révision constitutionnelle est susceptible de dépasser les
limites matérielles et temporelles imposées par le constituant du
18 février 2006. En effet, les dispositions des articles 219 et 220 de
la Constitution induisent, à n'en point douter, une double limitation au
pouvoir constituant dérivé. Mais comme l'on sait, le pouvoir
constituant est toujours souverain de sorte que le non respect des formes qu'il
s'est imposées est aussi l'exercice de sa souveraineté.
Il faut donc conclure que le juge constitutionnel peut
être a priori saisi en inconstitutionnalité d'une loi
constitutionnelle en chantier sans que cette possibilité soit
écartée même lorsque la loi ainsi adoptée aura
été promulguée. L'effet de l'arrêt de
non-conformité s'agissant d'une loi constitutionnelle sera sa
non-promulgation.
Mais politiquement, il est utile de remarquer que si le
contrôle d'une loi constitutionnelle d'origine parlementaire reste
possible, celle d'origine référendaire demeure et politiquement
et juridiquement inattaquable s'agissant, on l'a vu, d'une expression directe
de la souveraineté.
B. Les lois organiques
L'obligation qui est faite aux autorités publiques de
saisir le juge constitutionnel avant la promulgation des lois organiques a pour
effet de purifier lesdites lois avant leur insertion dans l'ordonnancement
juridique.
Prenant appui à la Constitution du 18 février
20061070(*) et
à celle de la transition1071(*), le Président de la République a, le
23 août 2006, saisi la Cour suprême de justice pour solliciter
l'examen de la conformité à la Constitution de la
République Démocratique du Congo et à celle de la
transition de la loi organique portant statut des magistrats. Examinant ledit
recours, la Cour a rendu le 08 septembre 2006 l'arrêt
R.Const.36/TSR1072(*)
dans laquelle elle a déclaré ladite loi conforme à la
Constitution.
La non promulgation en cas de contrôle juridictionnel
ayant abouti à la non-conformité est la sanction qui frappe ce
type de lois ; cependant, si malgré cet arrêt de
non-conformité, le Chef de l'Etat promulgue quand même la susdite
loi organique, pour des raisons qui lui seraient propres, il convient
d'observer qu'il commettrait ainsi une violation intentionnelle de la
Constitution1073(*)
qui relève désormais du droit constitutionnel pénal que
l'on a vu plus haut.
C. Les lois ordinaires
Les lois ordinaires, quelle que soit la catégorie
à laquelle elles appartiendraient, restent soumises au contrôle
préalable de constitutionnalité au voeu du constituant. Lorsque
le juge aboutit sur pied de l'article 160, alinéa 3 de la Constitution
à une déclaration de non-conformité, la sanction demeure
la non promulgation. Une seconde lecture au niveau parlementaire peut
également s'ensuivre.
D. Les actes ayant force de
loi
Les actes ayant force de loi, étant par
définition des actes du pouvoir exécutif intervenus dans le champ
législatif, n'échappent pas au contrôle lorsque le
constituant ouvre expressément ce contrôle. En effet, autrement,
il est théoriquement difficile aux autorités habilités
à déclencher le contrôle à priori de savoir qu'un
acte ayant force de loi est en chantier auprès du Chef de l'Etat.
Par ailleurs, si malgré tout, un tel acte était
soumis au contrôle du juge, ce dernier devrait le censurer car, à
notre avis, l'équipollence des actes ayant force de loi avec les lois
formelles commande une telle solution. La solution est différente
lorsqu'il s'agit des actes expressément cités par le
constituant.
§2. Les ordonnances
présidentielles de l'article 145 de la Constitution
Les termes exprès de la disposition constitutionnelle
font de la Cour constitutionnelle un mécanisme de contrôle inclus
dans l'élaboration des ordonnances du Chef de l'Etat. La promulgation
desdites ordonnances sans que la Cour constitutionnelle ne les ait
préalablement contrôlées entraîne à la fois
l'infraction de haute trahison dans le chef du Président de la
République pour violation intentionnelle de la Constitution, mais aussi
et surtout la non-validité de telles ordonnances du point de vue
interne.
§3. Les règlements
intérieurs des assemblées
L'exigence de conformité des règlements des
assemblées parlementaires relève du souci du constituant à
rationaliser le régime parlementaire. Il convient de noter que les
règlements n'ont pas valeur constitutionnelle en eux-mêmes. Si une
disposition réglementaire peut avoir valeur constitutionnelle, c'est au
bénéfice de la disposition constitutionnelle qu'elle reproduit,
ou dont elle assure le prolongement nécessaire, comme pour les lois
organiques.
Le juge doit être, de ce point de vue, d'une
extrême rigueur car, autrement, la suprématie de la Constitution
serait un vain mot ou une lettre morte. Ce contrôle s'exerce à la
fois sur le règlement intérieur de chaque chambre et même
du Congrès.
La non-conformité, on s'en doute, débouche sur
la non-mise en oeuvre, par la Chambre concernée, du règlement
intérieur ainsi censuré. La question ainsi traitée
présente de différences évidentes lorsqu'il s'agit des
actes de droit international dont l'étude s'impose au paragraphe
suivant.
§4. Les traités et
accords internationaux
Marcel Wetsh'Okonda1074(*)a indiqué avec pertinence que « la
République Démocratique du Congo a opté pour le
système du monisme juridique avec primauté du droit
international. Les différentes constitutions qui ont eu à
régir cet Etat comporte une clause aux termes de laquelle une fois
ratifiés conformément aux conditions d'autorisation
parlementaire, de référendum ou de révision
constitutionnelle, selon le cas et publiés au journal officiel, les
traités internationaux font partie intégrante du droit
national1075(*).
Ils occupent dans la hiérarchie des règles
juridiques un rang intermédiaire entre la constitution et les lois
nationales. Il en résulte que leurs règles devraient être
préférées à toutes les lois nationales, peu importe
que celles-ci soient antérieures ou postérieures sous
réserve de leur caractère self executing1076(*).
En revanche, la réciprocité n'est pas de mise
s'agissant des traités relatifs aux droits de l'homme1077(*). Il ne suffit donc pas que
les traités internationaux soient ratifiés pour qu'ils puissent
recevoir une application directe. Encore faut-il que les conditions
susvisées soient réunies. Il n'est pas sans intérêt
de le noter, les constitutions congolaises sont plutôt muettes sur le
rang dans la hiérarchie des règles juridiques congolaises des
coutumes internationales relatives aux droits de l'homme comme sur les
conditions d'application desdites coutumes internationales. Ce qui ne rend pas
facile l'application desdites coutumes internationales.
En tous cas, la République Démocratique du Congo
ne s'est jamais prononcée en la matière et le jour où ils
seront confrontés à ce problème, les juges congolais
n'auront certainement pas la tâche facile.
Tel est également le cas en matière
d'application des traités internationaux dans la mesure où
pendant longtemps l'on a déploré sinon l'absence du moins
l'indigence de la jurisprudence en la matière et que la première
expérience soulève la question des juridictions
compétentes pour procéder à l'examen des conditions
d'application directe des traités internationaux relatifs aux droits de
l'homme, question qui n'a pas manqué de susciter une vive controverse.
Pour les uns, cette compétence est dévolue au
juge du fond tandis que pour les autres, il s'agit là d'une
compétence exclusive du juge constitutionnel »1078(*). Pour étayer cette
thèse, il importe d'examiner chacune des possibilités
institutionnelles qu'emporte la non-conformité du traité à
la constitution.
A. Effet vis-à-vis du
pouvoir constituant
Le pouvoir constituant étant souverain, il est de
principe que l'arrêt d'une juridiction fût-elle la Cour
constitutionnelle ne s'impose pas à lui. Dès lors que la Cour
constitutionnelle est un pouvoir institué, il est juridiquement
impossible qu'il contrôle le constituant.
Cependant, il faut ajouter que le constituant lui-même
s'étant lié lorsqu'il s'agit d'un traité international en
posant qu'il ne peut être ratifié ni approuvé lorsqu'un
arrêt l'a déclaré au préalable non conforme, il lui
reste la possibilité souveraine de réviser la Constitution s'il
entend ne pas engager sa responsabilité internationale. En effet du
point de vue des relations internationales, le droit interne est
considéré comme du pur fait non susceptible d'être
invoqué pour s'exonérer de sa responsabilité
internationale. Si telle est la position à l'égard du pouvoir des
pouvoirs dans l'Etat, la situation est différente vis-à-vis du
pouvoir exécutif.
B. Conséquence à
l'endroit du pouvoir exécutif
La non-conformité prononcée par le juge
constitutionnel est un désaveu de la conduite des relations
internationales par le juge constitutionnel qui joue ici le rôle de la
troisième chambre. En effet, le pouvoir exécutif en l'occurrence
le chef de l`Etat qui détient le treaty making power a
dès lors l'obligation de renégocier le traité avant de le
ratifier. La conséquence est donc hautement politique. Si l'attitude
à ce niveau est politique, elle n'appelle guère de réponse
divergente lorsqu'il s'agit du pouvoir législatif.
C. Attitude du pouvoir
législatif
Le parlement étant l'instance politique par excellence,
son fonctionnement n'est pas indifférent aux fluctuations de la
politique lorsqu'un arrêt de non-conformité est prononcé
par la Cour constitutionnelle. Il demeure alors que le législateur qui
approuve le traité irrégulier est obligé par l'arrêt
de la Cour constitutionnelle à réviser sa position. Pareille loi
d'approbation reste parfaitement attaquable en inconstitutionnalité
même si le traité, lui, ne peut être l'objet d'un
contrôle de constitutionnalité.
Une conséquence politique non négligeable est
qu'en réalité, dans le système parlementaire majoritaire
qui est le nôtre, il est difficile de concevoir une attitude
revêche à la ratification d'un traité par le
Président de la République qui est le chef de la majorité.
L'assemblée aura donc une propension forte à soutenir le
Président de la République dans le duel qui s'engagerait ainsi
avec le juge constitutionnel.
En revanche, la ratification de certains traités
internationaux non self executing exige des lois de mise en
application qui restent soumises au régime juridique déjà
souligné. Si le traité dans ce cas est déclaré non
conforme, sa loi d'approbation ou celle de mise en oeuvre connaissent une non
promulgation par le chef de l'Etat dans les conditions indiquées plus
haut.
Dans le modèle de justice constitutionnelle congolaise,
le contrôle a priori reste une affaire des autorités politiques.
La raison en est bien simple : la non promulgation et la non publication
de la norme contestée empêchent sa connaissance par le commun des
mortels. En outre, n'existant pas encore juridiquement, telle norme n'est pas
susceptible de causer un préjudice aux particuliers car elle n'est pas
encore opposable.
C'est ainsi que le particulier, dans tous les cas, garde la
possibilité majeure d'attaquer la loi après sa promulgation comme
une arme fatale qui vient parfaire le système de justice
constitutionnelle qui cesse ainsi d'être fortement
autocratique1079(*) pour devenir
démocratique.1080(*)
Section 2 : LE
CONTROLE A POSTERIORI OU LA CENSURE DES ACTES JURIDIQUES ACHEVES
La censure de la norme juridique achevée
c'est-à-dire régulièrement insérée dans
l'ordonnancement juridique mais encore infectée par une
inconstitutionnalité est l'archétype même du contrôle
de constitutionnalité. C'est en réalité empêcher
enfin la matérialisation de l'expression législative de la
majorité politique lorsque l'on soupçonne celle-ci de
déviationnisme à l'endroit des valeurs essentielles
proclamées par le constituant. C'est ainsi que l'on peut observer
déjà ici que seul le cas de contrôle positif nous
intéresse. C'est le noeud gordien du contentieux constitutionnel et la
trame de l'Etat de droit moderne.
En effet, le cas de contrôle négatif aboutissant
à un arrêt de conformité est sans intérêt car
il postule que la norme dès le départ était
régulièrement insérée dans l'ordre juridique
congolais. En revanche, tel arrêt joue un rôle de certification ou
mieux d'authentification de la norme juridique qui devient ainsi comme
nimbée d'un halo de sainteté qui la rend inattaquable.
§1. Les cas de
contrôle positif
Par une disposition constitutionnelle qui a une portée
générale, le constituant pose le principe que « tout
acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de
plein droit ».1081(*) Ce principe par son énoncé même
s'appliquera à toutes les normes infraconstitutionnelles
censurées.
A. Les lois
constitutionnelles
Ainsi que nous l'avons relevé, une loi de
révision constitutionnelle peut être inconstitutionnelle si les
règles présidant à la révision même quant au
temps et à la matière n'ont pas été
observées. Le constituant cependant peut toujours renverser la
décision du juge constitutionnel en adoptant la même loi de
façon conforme à la Constitution en ayant au préalable
révisé les dispositions constitutionnelles imposant les limites.
Plus encore, le constituant peut sans réviser ces
limitations recourir à la voie du referendum et empêcher ainsi
définitivement le juge constitutionnel d'examiner la conformité
de cette loi référendaire à la Constitution. Au demeurant,
il faut noter que l'autorité de la chose jugée au constitutionnel
ne joue pas à l'égard du pouvoir constituant qui garde la
latitude de tout faire.
B. Les lois organiques
A l'égard des lois organiques, la nullité
posée par le texte constitutionnel joue comme un couperet et interdit
toute invocation ultérieure devant n'importe quel autre juge, la loi
étant censée être inexistante. Les conséquences de
la nullité absolue et de plein droit qui sont radicales ont
été dans d'autres systèmes de justice constitutionnelle
atténuées soit par la loi soit par le juge auquel la latitude a
été donnée de délimiter les effets de la susdite
nullité au regard des droits subjectifs des particuliers.
On peut voir que la loi organique se caractérise par
un régime juridique présentant des spécificités par
rapport à celui des lois ordinaires. Ce régime juridique est
marqué d'une plus grande solennité par rapport à la loi
ordinaire, solennité qui souligne l'importance des lois organiques
à la fois parce qu'elles sont destinées à appliquer la
Constitution, mais également parce qu'elles sont relatives aux
institutions les plus importantes.
Cela va se traduire d'une part, par des
spécificités dans la procédure et, d'autre part, par des
caractéristiques contentieuses. Jean-Christophe CAR écrivait que
la loi organique n'était au fond qu'une loi ordinaire avec une
procédure spécifique. Ces spécificités se
retrouvent tant au moment de l'adoption que de la modification de la loi
organique. La procédure de l'article 124 est applicable. Toutefois,
faute d'accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être
adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture
qu'à la majorité absolue de ses membres. Les lois organiques ne
peuvent être promulguées qu'après la déclaration par
la Cour constitutionnelle de leur conformité à la Constitution.
Les spécificités relatives à l'adoption de la loi
organique sont donc inscrites à l'article 124 de la Constitution qui,
sur plusieurs points, déroge aux règles procédurales de
droit commun prévues aux articles 145 et suivants de la Constitution qui
restent tout de même applicable : lex speciali lex generali
derogat.
Que ce soit au moment de l'initiative de la loi organique ou
au moment de sa discussion, aucune spécificité, autre que celle
qui pourrait être prévue par les règlements
d'Assemblée ou qui sera la conséquence d'une certaine
solennité, de fait, des questions sur lesquelles portera la loi
organique, n'est identifiable quant au régime de droit commun
appliqué en matière de loi organique. On doit d'ailleurs relever
que si l'on parle beaucoup de projets de lois organiques, il y a aussi la
faculté de déposer des propositions de lois organiques, et qu'en
matière organique le nombre de ces propositions est même plus
important qu'en matière de loi ordinaire.
Tant en ce qui concerne l'initiative que la discussion, comme
en matière de lois ordinaires, le Gouvernement peut faire usage de ces
prérogatives pour limiter notamment le nombre d'amendements. Sinon, la
navette ordinaire est applicable. A ce niveau, aucune différence n'est
décelable par rapport aux lois ordinaires.
Le parlementarisme rationalisé voulu par le constituant
de 2006 a conduit celui-ci à doter le Gouvernement d'un arsenal de
prérogatives, dans le cadre de la procédure législative,
lui permettant d'accélérer la procédure d'adoption d'un
texte et d'avoir une certaine maîtrise de la procédure
législative. Ces techniques facilitent de ce fait l'adoption des
textes.
Il peut sembler curieux de distinguer le régime
d'adoption du régime de modification des lois organiques. Logiquement,
elles sont modifiables dans les mêmes conditions que pour leur adoption :
principe de parallélisme des formes et des procédures. Cependant,
en pratique, ce n'est pas si simple.
Par ailleurs, certaines questions se posent : Comment sait-on
par exemple qu'une loi organique doit être modifiée ? Est-ce
qu'une telle loi peut être modifiée suite à l'adoption
d'un texte autre qu'une révision constitutionnelle ? Nous allons voir
dans quelles conditions une loi organique peut être amenée
à être modifiée à travers la question des
modifications provoquées d'une loi organique, puis nous verrons quelle
procédure doit être suivie pour opérer la modification
d'une loi organique.
Existe-t-il des cas où la modification d'une loi
organique est rendue obligatoire par l'adoption d'un autre texte ? Nous allons
voir trois cas de figures dans lesquels cette question peut se poser :
l'adoption d'une révision constitutionnelle, l'adoption d'une loi
ordinaire, et l'adoption d'un engagement international.
Il arrive parfois que des dispositions constitutionnelles
soient modifiées sans qu'il soit fait allusion dans le texte à la
modification des dispositions organiques d'application : soit par ce que, tout
simplement, les dispositions organiques applicables ne nécessitent pas
une modification car leur rédaction reste applicable en l'état ;
soit parce la modification affecte incidemment le domaine de la loi organique
et suppose la modification de la loi organique sans que ceci soit inscrit dans
le texte constitutionnel : c'est une conséquence nécessaire de la
révision constitutionnelle. Sans modification, la loi organique devient
contraire à la Constitution. Il appartient dès lors au
législateur organique de se saisir de cette question.
Les autres cas de modification provoquée de la loi
organique sont moins évidents.
Il semble a priori curieux qu'une simple loi
ordinaire puisse conduire à la modification d'une loi organique car,
dans notre schéma intellectuel simplificateur, nous supposons que les
lois organiques chapotent les lois ordinaires donc qu'elles les
précèdent et les encadrent. Ce n'est pas aussi simple que
cela.
Il se peut qu'une loi ordinaire entraîne la modification
d'une loi organique car elle affecte indirectement le domaine de la loi
organique. Cela est, par exemple, le cas de la création d'une nouvelle
catégorie de collectivités territoriales ou lorsque la loi
décide de faire changer de catégorie une collectivité
territoriale. Cela peut conduire à un changement de la loi organique
parce que, par exemple, en affectant une collectivité territoriale dans
une autre catégorie, elle change de statut et ce statut doit être
défini par la loi organique.
Il en va de même lorsque la loi ordinaire décide
de modifier une circonscription électorale et que cette modification
entraîne la modification du nombre de députés, relevant de
la compétence de la loi organique au regard de l'article 2 de la
Constitution. Il en va de même en cas de modification du mode de scrutin,
cette modification pouvant avoir des incidences sur le nombre de
députés ou le mode de remplacement de ceux dont le siège
deviendrait vacant.
Il faut bien souligner, cependant, que si cette modification
est pleinement justifiée, il n'y a aucun moyen de contraindre
juridiquement le législateur organique à intervenir. Il n'y a pas
de sanction de l'omission législative. Le juge constitutionnel devra
parfois faire des observations, notamment à la suite des
opérations électorales, dans lesquelles il devra souligner les
lacunes du législateur mais cela ne peut pas aller plus loin. Autre
situation plus complexe encore : la modification entraînée par la
ratification d'un engagement international.
Il s'agit de deux cas de figure différents car
l'entrée en vigueur des engagements internationaux est
subordonnée à l'adoption d'une loi de ratification en vertu de
l'article 216 de la Constitution.
Que se passe-t-il si un engagement international, que la
République démocratique du Congo souhaite ratifier, est contraire
à une loi organique ou intervient dans le domaine de compétence
du législateur organique ? Cela conduit, tout d'abord, à
s'interroger sur la place respective des engagements internationaux et des lois
organiques dans la hiérarchie des normes. La lecture de la Constitution
laisse apparaître une réponse simple : d'après l'article
de la Constitution, si un engagement international est contraire à la
Constitution, après constatation effectuée par la Cour
constitutionnelle, sa ratification ne pourra intervenir qu'après une
révision de la Constitution faisant disparaître cette
contrariété. Il n'est fait, dans cette disposition, aucune
mention à la loi organique.
L'article 215 de la Constitution pose, pour sa part, le
principe de supériorité des engagements internationaux par
rapport aux lois sans distinguer le caractère organique, ordinaire ou
encore référendaire de ces lois.
De ce fait, et sans que les travaux préparatoires
à la Constitution puisse le contredire, le rapport hiérarchique
entre lois organiques et engagements internationaux semble simple : les lois
organiques sont subordonnées aux engagements internationaux qui sont
eux-mêmes subordonnés à la Constitution.
De ce fait, la ratification d'un engagement international qui
serait contraire à une loi organique sera possible sans qu'il soit
nécessaire préalablement de modifier la loi organique. En
revanche, les dispositions de la loi deviendront caduques et il appartiendra au
législateur organique de tirer les conséquences de la
ratification de l'engagement international.
Autre question : si l'engagement international intervient dans
le domaine de la loi organique, cela oblige-t-il à une ratification par
une loi organique afin de respecter les prescriptions de l'article 46 de la
Constitution ?
Le Conseil constitutionnel français a répondu
à ces questions par deux décisions rendues le 30 juin 1993 en se
fondant sur l'interprétation de l'article 53 de la Constitution
française : la décision n° 93-318 DC, Accord avec
la Mongolie et la décision n° 93-319 DC,
Convention internationale sur les risques professionnels
causés par les substances et agents cancérogènes :
« l'article 53 de la Constitution (...) subordonne à une
autorisation donnée par une loi ordinaire la ratification ou
l'approbation » de certains engagements internationaux. Par
conséquent, quelle que soit le domaine affecté par l'engagement
international, la ratification en la forme d'une loi ordinaire suffit. Bien que
cela ne respecte pas le principe de parallélisme des formes et des
procédures : il n'y a aucune obligation de suivre les formes de
l'article 124.
Une seule hypothèse doit être mise à part,
celle où la loi organique reprendrait expressément des
dispositions de la Constitution auquel cas, elle serait « le miroir »
des dispositions constitutionnelles et la modification des dispositions
constitutionnelles nécessaires à la ratification de l'engagement
international devrait entraîner de facto la modification des
dispositions de la loi organique.
A priori, la réponse semble simplissime : une loi
organique ne peut être modifiée que par une autre loi organique
qui aura suivi la procédure de l'article 124 de la Constitution. C'est
du moins ce qu'indique l'article 124 de la Constitution qui dispose : «
Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois
organiques sont votées et modifiées (...) dans les conditions
suivantes ».
En pratique, cela n'est pas si simple, soit que les lois
initialement intervenues dans le domaine organique ne soient pas des lois
organiques ayant suivi la procédure de l'article 124, soit que d'autres
procédures prévues par la Constitution puissent être
utilisées pour modifier une loi organique.
Dans le premier cas, la question qui se posera est de savoir
si le législateur organique peut utiliser la procédure de
l'article 124 pour modifier un acte intervenu dans le domaine de la loi
organique.
Dans le second cas, il s'agira de savoir si la modification
par une autre procédure que celle de l'article 124, d'une part, est
constitutionnellement acceptable et d'autre part, si cette procédure ne
vient pas affaiblir le domaine de la loi organique.
Il s'agit là d'étudier la question de la
modification par le législateur organique d'un acte intervenant dans le
domaine de la loi organique mais n'ayant pas suivi la procédure de
l'article 160. Le législateur organique dispose, d'après la
Constitution, d'un domaine qui lui est réservé. Ce domaine est
défini par les divers articles de la Constitution renvoyant à des
lois organiques.
Est-ce qu'une loi organique adoptée par
référendum ne peut être modifiée que par
référendum? Le Conseil constitutionnel français a
répondu clairement par la négative à cette question dans
une décision n° 76-65 DC du 14 juin 1976 à propos justement
de la Loi organique modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
relative à l'élection du Président de la République
au suffrage universel direct.
Il a estimé que le législateur organique pouvait
suivre la procédure de l'article 46 (notre article 160) pour modifier ce
type de disposition. La loi référendaire, une fois entrée
dans l'ordre juridique, devient semblable aux autres lois et perd son
originalité. Son insertion dans l'ordre juridique dépend de la
matière sur laquelle elle porte et elle n'a pas de régime
juridique spécifique.
Une loi organique peut donc modifier sans contrainte une loi
référendaire qui porterait sur le domaine organique. Mais le
contraire est-il exact ? Cela pose la question de la possibilité de
modification d'une loi organique adoptée selon les formes de l'article
160 par le biais d'une procédure étrangère à cet
article.
Si l'on interprète strictement les dispositions de
l'article 160 qui dispose que « les lois auxquelles la Constitution
confère le caractère de lois organiques sont votées et
modifiées(...) dans les conditions suivantes », on peut
considérer que la procédure de l'article 160 est la seule
procédure constitutionnellement admissible pour modifier une loi
organique. Or, la pratique institutionnelle française, qui est
illustrative à cet égard, a révélé que ce
n'était pas le cas. Il convient ici de distinguer le cas du recours
à des procédures référendaires, de celui du recours
à des procédures délégataires telles que celles de
l'article 16 ou de l'article 38 de la Constitution française.
Dans la Constitution française, et mis à part le
cas des consultations relatives à l'autodétermination des
populations d'outre-mer, il y a eu pendant longtemps deux types de
référendums seulement : le référendum de l'article
11 et celui de l'article 89. Il s'agissait de deux procédures de
référendum pouvant être organisés sur le plan
national et dont le déclenchement appartenait aux seuls pouvoirs publics
: le référendum originellement qualifié de
législatif, prévu à l'article 11 et le
référendum de l'article 89 de la Constitution qui permet
d'adopter une loi de révision de la Constitution. En 2003, sont apparus
les référendums locaux avec la réforme sur la
décentralisation. Ces référendums ne peuvent en aucun cas
toucher au domaine de la loi organique. En 2008, l'article 11 de la
Constitution a été modifié pour introduire à
côté du référendum déclenché par les
pouvoirs publics, un référendum qualifié de
référendum d'initiative partagée. On peut se demander si
une loi organique peut être modifiée par cette nouvelle
procédure non encore entrée en vigueur faute d'adoption de la loi
organique permettant sa mise en oeuvre.
La première question qui se pose est de savoir si
l'article 11 alinéa premier français peut modifier une loi
organique. La réponse est positive d'autant que rien dans l'article 11
ne l'interdit et que, comme nous l'avons déjà souligné, le
champ d'application de l'article 11 couvre le domaine de la loi organique. En
outre, les termes de « projet de loi » ont été
interprétés largement au point de permettre la soumission de
projets de lois constitutionnelles.
Par conséquent, et cela s'est déjà
produit en 1962, la loi référendaire peut modifier la loi
organique d'autant plus que les dispositions à caractère
organique pourront être clairement identifiées par la loi
référendaire elle-même ou par le contenu de cette loi
adoptée par référendum. L'intervention de la loi
référendaire pour modifier une loi organique ne fait pas perdre,
à cette dernière, son qualificatif de loi organique ; la
délimitation des compétences matérielles est
sauvegardée.
En revanche, le recours à la procédure
référendaire pour modifier une loi organique fait perdre à
la loi organique les spécificités de son régime protecteur
définies à l'article 124 de la Constitution. Ainsi, le
Sénat ne pourra pas bénéficier de l'exigence de voter dans
les mêmes termes les textes de loi et ne pourra non plus obliger à
un vote à la majorité absolue en cas de désaccord avec
l'Assemblée nationale.
Surtout, les lois référendaires échappent
au contrôle de constitutionnalité depuis la décision 62-20
DC du 6 novembre 1962 dans laquelle le Conseil constitutionnel français
s'est déclaré incompétent pour contrôler la
constitutionnalité d'une loi adoptée par voie de
référendum. Par conséquent, ces modifications
échappent au contrôle obligatoire et préalable prévu
par la Constitution.
En outre, la loi constitutionnelle n'est pas soumise au
contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel
s'étant déclaré incompétent dans une
décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003. Par conséquent, il
est impossible de faire sanctionner les empiétements du pouvoir
constituant dérivé sur le domaine du législateur
organique.
Concernant, enfin, l'éventuelle utilisation de la
procédure référendaire pour modifier une loi organique.
Nous ne pouvons faire que des suppositions en attendant l'adoption de la loi
organique mais a priori rien n'exclut que cette procédure
puisse être utilisée pour modifier des dispositions organiques. En
outre, ces dispositions bénéficieront du contrôle de
constitutionnalité préalable obligatoire pour ce type de
proposition de référendum introduit à l'article 160 par la
Constitution du 18 février 2006.
Il s'agit de s'interroger ici sur le point de savoir si les
procédures de délégation législative au
bénéfice du pouvoir exécutif peuvent permettre à ce
dernier d'intervenir dans le domaine de la loi organique.
L'habilitation référendaire à intervenir
dans le domaine de la loi organique, donc à modifier une telle loi, est
possible mais pour que les dispositions prises en vertu de cette habilitation
conservent un caractère législatif (organique), la loi
référendaire elle-même devra prévoir leur
ratification.
A priori, le domaine des lois organiques n'est pas exclu du
champ d'application de l'article 145 de la Constitution puisque ce dernier ne
fait pas la distinction entre les matières qui relèveraient de la
loi organique et celles qui relèveraient de la loi ordinaire.
D'ailleurs, pendant la période d'application de l'article 16
équivalent, en France, à notre article 145 susmentionné,
(du 23 avril au 29 septembre 1961), deux décisions ont affecté le
domaine de la loi organique.
La première, du 26 avril 1961, a suspendu le principe
d'inamovibilité des magistrats du siège et la seconde, du 17 juin
1961, a dérogé aux règles de droit commun du statut des
magistrats. Elles concernaient toutes les deux les magistrats en poste en
Algérie. Par ailleurs, le domaine matériel de chaque disposition
est respecté par l'article 16 français- et notre article 145 de
même-, car la répartition des matières prévues par
la Constitution est respectée à l'intérieur de cette
habilitation, comme a pu le constater le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 2
mars 1962, Rubin de Servens.
Les caractéristiques contentieuses de la loi organique
vont nous conduire à aborder deux questions : celle de son régime
contentieux et par là même celle de sa place dans la
hiérarchie des normes. Les lois organiques se caractérisent par
leur soumission obligatoire au contrôle de constitutionnalité et
cela les distingue des lois ordinaires.
Il en découle, a priori, une règle simple :
celle de la subordination de la loi organique à la Constitution.
Cependant, une confusion a pu naître à partir du moment où
certaines dispositions organiques ont pu servir comme normes de
référence du contrôle opéré par le juge
constitutionnel.
L'article 160 de la Constitution congolaise prévoit la
soumission obligatoire de la loi organique au contrôle de
constitutionnalité opéré par le juge constitutionnel. Il
s'agit d'une condition de validité de la loi organique car une loi
organique ne pourra pas entrer en vigueur si elle n'a pas fait l'objet de ce
contrôle. Contrôle obligatoire, ne signifie pas cependant
contrôle automatique. Les lois organiques venant d'être
adoptées par les assemblées seront soumises au juge
constitutionnel.
Il découle de ce caractère obligatoire de la
saisine plusieurs conséquences :
1 - La lettre de transmission du Président de la
République ou du Premier ministre n'est pas argumentée à
la différence des lettres de saisine car, de toute façon, ce
contrôle est exigé par la Constitution. D'ailleurs, le juge
constitutionnel se considère comme naturellement saisi de l'examen de
l'ensemble des dispositions de la loi organique.
2 - Toute autre procédure que celle de l'article 160
pour contrôler la loi organique est irrecevable : ainsi, la
procédure de l'article 160, alinéa 3 ne peut être
utilisée, de même qu'est considérée comme
irrecevable une lettre de saisine des parlementaires qui viendrait appuyer la
lettre de transmission du Premier ministre (Conseil constitutionnel,
décision n°92-305 DC du 21 février 1992, Statut de la
magistrature).
3 - Si le juge constitutionnel relève des
inconstitutionnalités, il pratiquera un contrôle à double
détente, c'est-à-dire que lors de l'examen de la loi organique
modifiée pour tenir compte des inconstitutionnalités
relevées par lui, il vérifiera si ces
inconstitutionnalités ont été purgées.
4 - Le juge constitutionnel s'estimant saisi de l'ensemble des
dispositions de la loi organique, si celle-ci est déclarée
constitutionnelle, l'ensemble de ses dispositions se voient conférer un
brevet de constitutionnalité, donc elles bénéficient a
priori d'une présomption irréfragable de
constitutionnalité.
Ce contrôle obligatoire induit nécessairement la
soumission de toutes les lois organiques à la Constitution.
Il semble aller de soi que les lois organiques sont soumises
à la Constitution car, non seulement le législateur organique ne
dispose pas de « la compétence de la compétence »,
c'est-à-dire qu'une loi organique ne peut intervenir que parce que la
Constitution l'a prévu.
Ensuite, elles font l'objet d'un contrôle obligatoire
dans lequel on vérifie leur conformité à la
Constitution.
Enfin, une loi organique ne pourrait être
considérée comme ayant valeur constitutionnelle qu'autant que
serait emprunté, pour sa modification, la voie de la révision
constitutionnelle.
Nous allons voir deux cas : le premier est celui ou des
dispositions organiques s'imposent aux règlements d'assemblées,
le second où ce sont des dispositions organiques qui s'imposent aux lois
ordinaires.
Dans la mesure où le constituant donne
compétence au législateur organique pour poser des règles
en matière parlementaire, ces dispositions organiques s'imposent aux
règlements d'assemblées et donc, aux résolutions venant
modifier ces règlements.
En revanche, les autres lois organiques et les dispositions
organiques qui ne viennent pas poser de règles en matière
parlementaire en vertu de la Constitution, n'ont pas de raison de s'imposer aux
règlements d'assemblée. C'est à dire que les
assemblées retrouveront une certaine autonomie dans la
détermination du contenu de leur règlement intérieur si
aucune disposition organique ne vient poser de règles.
La seconde question qui se pose est de savoir s'il existe un
rapport de hiérarchie entre lois organiques et lois ordinaires ou un
rapport de réserve de compétence comme il peut exister entre la
loi et le règlement.
Si l'on regarde du côté de la loi de finances,
les dispositions organiques qui s'imposent à elle sont soit des
dispositions qui ont un fondement constitutionnel, soit des dispositions qui
instituent le respect de procédures particulières et dont le
non-respect entraîne indirectement le non-respect de la Constitution.
Par exemple, l'introduction de cavaliers budgétaires
dans la loi de finances est sanctionnée par le juge constitutionnel car
ce sont des dispositions qui n'ont rien à faire dans la loi de
finances.
Au-delà de la théorie des cavaliers, l'on peut
noter que les dispositions de la loi organique n'ont pas pour autant un rang
constitutionnel, sinon il faudrait nécessairement les modifier par la
voie de la révision constitutionnelle. Ce qui n'est pas le cas.
En réalité, et plus généralement,
certaines dispositions organiques ont valeur constitutionnelle car elles
reprennent des dispositions de valeur constitutionnelle de telle sorte que leur
modification doit passer préalablement par une modification de la
Constitution ; d'autres instituent des règles de procédure
obligatoire qui s'imposent aux lois ordinaires, elles sont des normes de
référence mais pas des normes constitutionnelles ; d'autres
encore, sont tout simplement des dispositions organiques et il n'y a pas de
rapport de hiérarchie avec des lois ordinaires mais simplement un
rapport de réserve de compétence.
C. Les lois ordinaires
Les lois ordinaires n'échappent pas au régime de
nullité absolue prévu par le constituant. Cependant, l'on peut
observer que et le constituant et le futur législateur organique
n'organisent cette nullité de plein droit dont les effets sont
dévastateurs du point de vue de la théorie des nullités.
En effet, la nullité agissant toujours ex tunc ou ab
origine, il est possible que l'annulation de la loi ait des effets pervers sur
des tiers bénéficiaires de bonne foi. Si la nullité ne
pose aucun problème pour l'avenir, le passé par contre est
géniteur des droits subjectifs. Dire que ses droits n'ont jamais
existé, c'est à coup sûr créer un désordre
dans l'ordonnancement juridique. En droit comparé, la question a
été résolue par le législateur belge1082(*).
Nous pensons que la formulation de l'ordonnance-loi portant
procédure devant la Cour suprême de justice peut être mise
à profit ici. Il suffit de donner latitude au juge constitutionnel de
préciser l'étendue de la nullité pour en limiter les
effets à l'égard des droits acquis en vertu de la
législation antérieure abrogée.1083(*)
D. Les actes ayant force de
loi
Le régime juridique des actes ayant force de loi est
celui de tout acte législatif. Il est donc demandé au lecteur de
se reporter sur ce qui a été déjà écrit
à propos des actes législatifs. La nullité de plein droit
est donc la sanction de pareil acte quand il ne rencontre pas les
prévisions du constituant. La sanction semble poser problème
lorsqu'il s'agit des actes d'assemblée.
E. Les actes
d'assemblée
Pendant longtemps, l'acte d'assemblée a toujours
échappé au contrôle du juge administratif en vertu de
l'article 87, alinéa 3 de la procédure devant la Cour
suprême de justice. A notre avis, cette prévention du juge
administratif suprême procédait d'une lecture tronquée de
la loi. La disposition légale citée renvoie à la notion
d'acte législatif qui recouvre uniquement les lois et les actes ayant
force de loi.
Les actes d'assemblée étant une catégorie
d'actes parlementaires à part, il est juste effectivement de dire que le
juge administratif est incompétent en ce qui est du contrôle des
actes législatifs. La raison en est bien simple : il ne s'agit pas
d'actes des autorités administratives.
De plus en plus, la jurisprudence découlant de
l'arrêt R.A. 320 du 21 aout 1996 a été consolidée
erronément par le juge constitutionnel qui a considéré
aussi et à tort que les motions de défiance étaient des
actes législatifs relevant de sa compétence de
contrôle.1084(*)
En effet, les motions de défiance comme les résolutions sont des
actes d'assemblée.
Dans l'état actuel de la législation devant la
Cour suprême de justice, il n'y a pas de base légale de
compétence pour la Cour transitoire. Par contre, l'article 144,
alinéa 1er est la seule base pour attaquer un acte
d'assemblée mais uniquement dans la matière
considérée car cette disposition légale pose que
« la Cour connaît aussi, à la requête de
l'intéressé, des recours dirigés contre les actes du
Conseil législatif refusant la validation des pouvoirs ou
constatant la démission d'office d'un de ses
membres ».1085(*)
La question mérite d'être
réglementée car s'il est permis d'examiner la
régularité formelle d'une loi constitutionnelle, nous ne voyons
guère de justifications théoriques solides pour faire
échapper les actes d'assemblée autres que ceux prévus
à l'article 144 de la procédure devant la Cour suprême de
justice de la censure juridictionnelle. En effet, deux arrêts ont
déjà consacré ce contrôle en droit
congolais.1086(*)
C'est le lieu de dire que l'article 74 de la loi n°08/012
du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces pose aujourd'hui autrement la question en
disposant que « la Cour administrative d'appel connait en
premier ressort des recours en annulation pour violation de la loi, des
édits et des règlements nationaux formés contre les actes
ou décisions des autorités provinciales ou locales et les
organismes décentralisés placés sous la tutelle de ces
autorités ».
La lecture de cette disposition légale plus
récente donne à voir qu'elle ouvre le recours en annulation
contre tout acte des autorités provinciales sans distinguer les
autorités administratives de toutes autres. C'est ce qui a fait dire
à la Cour d'appel de Mbandaka, siégeant en matière
administrative, qu'elle était parfaitement compétente pour
statuer sur la régularité d'un acte d'assemblée
provinciale ayant adopté une motion de défiance dans les
conditions qu'elle avait jugé illégales.1087(*)
C'est peut être l'occasion de régir la question
par une disposition légale, par voie mineure de la loi organique en
chantier, claire et digne d'intelligence. De toutes les façons, si les
actes d'assemblée ne sont pas susceptibles de contrôle, il faut le
dire expressément même si, en le disant, le législateur
consacrerait une zone de non droit qui est incompatible avec la notion d'Etat
de droit constitutionnel qui postule le respect par tous des droits et
libertés des citoyens. Si cette notion de l'époque du
légicentrisme est acceptée, il faudra accepter les violations des
droits subjectifs tant qu'elles seraient exprimées politiquement et
juridiquement sous la forme non législative. C'est inadmissible.
La question ainsi posée ne concerne pas les actes
réglementaires.
F. Les actes
réglementaires
Ceux-ci subissent le régime commun de nullité
qui les rapproche du recours en annulation pour excès de pouvoir
législatif. En effet, les actes réglementaires que nous avons
analysés au chapitre second de cette seconde partie en détail
sont susceptibles de contrôle de constitutionnalité. Lorsque
celui-ci est positif c'est-à-dire lorsqu'il aboutit à la
non-conformité, il reste acquis que l'acte ainsi annulé ne porte
plus d'effets en droit. La question des droits acquis se pose mais il
appartient au législateur de régler les effets de la
nullité qui frapperait un tiers bénéficiaire de bonne foi
d'un acte réglementaire annulé de plein droit. Lorsque le juge
s'est ainsi prononcé, il reste que sa décision doit être
exécutée par les destinataires qu'il échet
d'appréhender ici.
§2. L'exécution des
décisions du juge constitutionnel
La question de l'exécution des décisions de la
Cour constitutionnelle est résolue par l'article 168, alinéa 1er
de la Constitution qui dispose que « les arrêts de la Cour
constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours et sont
immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s'imposent
aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles civiles et militaires ainsi qu'aux
particuliers ».1088(*)
Cette disposition constitutionnelle appelle en écho les
dispositions de l'article 62, alinéa 2 de la Constitution
française du 4 octobre 1958 qui pose que « les
décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun
recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les
autorités administratives et juridictionnelles ».1089(*)
La similitude est rompue entre les deux dispositions de deux
ordres juridiques différents car le constituant congolais en faisant une
longue énumération semble vouloir embrasser toutes les
catégories d'individus revêches à l'exécution des
décisions juridictionnelles. Il s'agit de l'apport de
l'expérience congolaise de quarante dernières années.
La disposition congolaise pose en effet deux questions
différentes.
En posant qu'il n'y a point de recours contre les arrêts
de la Cour constitutionnelle, cette disposition tire les conséquences
d'une déclaration d'inconstitutionnalité. La promulgation
étant l'acte qui atteste que la loi a été
régulièrement délibérée et votée et
en ordonne l'exécution, ne peut être considérée
comme une annulation. La compétence de promulgation étant
cependant une compétence liée, l'usage du terme
« annulation » s'est répandu en jurisprudence.
La déclaration d'inconstitutionnalité peut
frapper tout ou partie des dispositions d'une loi. La première
hypothèse se réalise lorsque toutes les dispositions de la loi
sont déclarées inconstitutionnelles, soit quand il y
inséparabilité entre les dispositions non-conformes avec
l'ensemble de la loi.
La promulgation est alors interdite et il n'y a le choix
qu'entre l'abandon du texte, la reprise de la procédure
législative au stade de l'initiative ou la mise en oeuvre de la
révision constitutionnelle, et ce, en cas de contrôle à
priori. S'agissant du contrôle à posteriori, le texte qui a fait
l'objet d'un contrôle positif de constitutionnalité, disparait de
l'ordonnancement juridique sans autre forme de procès.1090(*)
Dans l'hypothèse d'une annulation portant sur certaines
dispositions seulement de la Constitution ou sur celles dont le
caractère séparable est décrété par le juge
constitutionnel, il est admis que le président de la République
peut promulguer la loi soit après amputation des dispositions
déclarées contraires à la Constitution, soit après
substitution à celles-ci de nouvelles dispositions réalisant une
mise en conformité avec la Constitution.
Mais l'amputation des dispositions déclarées
contraires à la constitution ne peut être que provisoire en
attendant la révision de la Constitution ; ce qui permettra de les
réintroduire dans un nouveau texte de loi. Il est donc utile que les
conséquences d'une déclaration d'inconstitutionnalité
partielle soient prévues dans la future loi organique relative à
la Cour constitutionnelle.
Si en droit français, la promulgation de la loi la rend
incontestable, chez-nous la loi reste attaquable pendant six mois de sa
publication au Journal Officiel.1091(*) La conciliation des impératifs de
sécurité juridique et de protection de droits de l'homme a
amené cette formule que nous approuvons.
L'article 168, alinéa 1er de la Constitution
définit, en second lieu, l'autorité de la chose jugée
attachées aux décisions de la Cour constitutionnelle. Cette
autorité a été définie par la doctrine comme
étant une autorité absolue de chose jugée avec effet erga
omnes. 1092(*)
L'autorité de la chose jugée ne joue qu'à
l'égard du texte qui a été soumis au juge constitutionnel.
Par rapport à l'autorité de la chose jugée telle que
définie par l'article 227 du code civil livre III qui dispose que
« l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à
l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose
demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la
même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et
formée par elles et contre elles en la même
qualité » ; 1093(*)ne disparaît que l'exigence d'identité
des parties, le contentieux de la constitutionnalité ayant, comme le
contentieux de la légalité, un caractère objectif.
S'agissant de la matière d'interprétation de la
constitution, il faut opiner que l'interprétation donnée par le
juge constitutionnel fait corps avec la Constitution et les autres pouvoirs
publics d'application violeraient la constitution s'ils ne la respectaient pas.
L'exigence d'identité de cause doit faire admettre que
le juge constitutionnel ne puisse être saisi sur le fondement de
l'article 128 de la Constitution, des dispositions législatives dont il
avait eu déjà à connaître sur le fondement de
l'article 160 de la Constitution. L'autorité de la chose jugée
n'est pas opposable si le texte appliqué n'a pas été
soumis au juge constitutionnel, ou bien si, l'ayant été, il n'a
pas été promulgué à la suite d'une
déclaration de non-conformité de la loi. Si le juge
constitutionnel s'est déjà prononcé sur les dispositions
qui lui sont soumises, l'autorité de la chose jugée s'impose avec
force de vérité légale, mais ne s'applique qu'aux seules
dispositions sur la constitutionnalité desquelles le juge
constitutionnel aura expressément statué.
En droit comparé, l'on observe que l'identité
d'objet est parfois remplacée par l'analogie d'objet : en effet, le
conseil constitutionnel a décidé que « si
l'autorité de chose jugée ne peut être en principe
utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi conçue en
termes distincts, il n'en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi,
bien que rédigées sous une forme différente ont, en
substance, un objet analogue à celui des dispositions
législatives déclarées contraires à la
Constitution ».1094(*)
La théorie de l'autorité de la chose
jugée n'est pas indifférente en matière de contestation
électorale du fait du caractère subjectif de ce contentieux.
En effet, ici, le juge constitutionnel devra dire la
requête irrecevable en tant que les arrêts de la Cour
constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours même si la
tendance affichée est de recevoir les recours en rectification d'erreur
matérielle et ceux en interprétation d'une décision de la
Cour elle-même.
L'on peut légitimement discuter de la
constitutionnalité de tels recours introduits dans une loi organique
qui, elle-même, doit se conformer à la Constitution pour sa
validité.
L'usage d' « aucun »
à côté de recours rend manifestement tout autre recours,
quelle que soit sa légitimité, inconstitutionnel. Et c'est
pourtant l'option qu'a levée le futur législateur
organique.1095(*)
Du reste, comment procéder au caractère
« immédiatement exécutoire » si les recours
en rectification d'erreur matérielle et en interprétation ont
nécessairement pour but de retarder l'exécution du moins jusqu'au
prononcé du nouvel arrêt ? On peut lire :
« Tout acte déclaré non-conformes à la
Constitution est abrogé de plein droit »1096(*) . Toutefois,
l'inconstitutionnalité d'une ou de plusieurs dispositions d'un acte
n'entraîne pas nécessairement l'abrogation de tout l'acte.
L'étendue de l'abrogation est déterminée souverainement
par la Cour suprême de justice.1097(*).
Dans ces conditions, l'abrogation, qui a des effets erga
omnes et ex tunc (pour le présent et l'avenir), n'appelle
pas, en droit congolais, une autre procédure quelconque au sein de
l'Etat. La déclaration du juge constitutionnel suffit. C'est pourquoi le
législateur prévoit, dans ce cas, que l'arrêt de la Cour
suprême de justice, à titre transitoire, soit publié
directement au Journal Officiel1098(*), afin justement d'assurer l'opposabilité
à l'égard de tous alors que, notamment, les arrêts de
la haute juridiction sont publiés dans un bulletin des
arrêts1099(*).
Disons enfin que l'abrogation de l'acte ou de l'une ou
plusieurs de ses dispositions a lieu également en cas
d'interprétation de la Constitution par le juge constitutionnel. La loi
prévoit, en effet, l'arrêt de déclaration
d'inconstitutionnalité. Il suffit que l'acte soit déclaré
inconstitutionnel pour qu'il soit abrogé de plein droit.
L'on peut affirmer que le juge constitutionnel siégeant
en matière d'interprétation crée en effet une norme qui
s'insère dans l'ordonnancement juridique de sorte que la loi qui n'est
pas conforme à cette interprétation encourt l'abrogation de plein
droit posée. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une
abrogation expresse ; il s'agit plutôt d'une abrogation implicite de
plein droit. L'autorité de la chose interprétée par le
juge constitutionnel s'attache ainsi à toute loi postérieure qui
ne serait qu'inconstitutionnelle et donc abrogée avant même
d'exister.
Cette description de l'autorité de la chose
jugée attachée par le constituant lui-même aux
décisions de la Cour constitutionnelle permet de voir à
présent comment cette exécution se déroule à
l'égard des parties au procès constitutionnel avant d'examiner
les mêmes effets à l'égard des tiers et des pouvoirs
publics.
A. A l'égard des
parties
A l'égard des parties à l'instance de
constitutionnalité, il est plus que patent que l'arrêt a
effectivement autorité immédiate de chose jugée.
En effet, dès le prononcé, le ministère public, et
dès la signification de l'arrêt pour ce qui est du
requérant, l'arrêt ainsi rendu est exécutoire sans autre
formalité. L'on peut raisonnablement se poser la question de
l'apposition de la formule exécutoire sur les arrêts de la Cour
constitutionnelle.
En effet, faute d'une disposition légale interdisant
telle apposition sur lesdits arrêts, la formule exécutoire serait
à apposer sur ces décisions même si, il faut le dire, des
termes mêmes de la loi fondamentale il ressort le caractère
exécutoire qui a une source dans la Constitution et de ce fait, pourrait
dispenser le greffier de cette formalité. Mais le Chef de l'Etat
étant le chef de l'Administration, il serait bon que l'ordre
d'exécuter émane de lui par le biais de la formule
exécutoire apposée par un fonctionnaire de l'Etat
régulièrement désigné.
La publication ultérieure au journal officiel de
l'arrêt ne change rien à la force exécutoire de
l'arrêt qui détient cette force de la Constitution de sorte que
l'apposition de la formule exécutoire est manifestement sans objet. A
l'égard des parties, surtout en matière électorale,
l'autorité de la chose jugée agit de façon
péremptoire. En est-il de même des tiers penitus
extranei ?
B. Vis-à-vis des tiers
penitus extranei
La notion de tiers peut paraître étrange
dans un contentieux objectif. Cependant, comment ne pas voir qu'un
étranger qui débarque en République démocratique du
Congo est concerné par l'article 162 de la Constitution qui ouvre la
saisine à toute personne ? Est-ce que le délai de six mois
pour attaquer les actes législatifs publiés qui est
consacré dans le droit public congolais futur s'oppose à
lui ? Généralement, cet étranger pourrait
légitimement faire état de l'ignorance des lois du pays sans que
l'on lui excipe de manière légitime le « nul n'est
censé ignorer la loi » qui fonctionne lorsque le journal
officiel parait régulièrement et dans le pays d'origine de cet
étranger.
Avouons que cette hypothèse est rarissime mais elle
peut se produire.
Il faudra donc décider que vis-à-vis des tiers
penitus extranei, l'arrêt sera non pas immédiatement
exécutoire mais exécutoire dès la publication au journal
officiel. Il s'agit, l'on s'en doute, d'une exigence de l'Etat de droit de
n'appliquer des normes aux particuliers que dans la mesure où ceux-ci
les connaissent. La situation n'est pas la même lorsqu'il s'agit des
pouvoirs publics.
C. A l'endroit des pouvoirs
publics
L'expression « pouvoirs publics » que le
constituant congolais a utilisée est de plus globalisante. En effet, le
terme recouvre une multitude d'autorités publiques allant du Chef de
l'Etat au chef du quartier d'une commune rurale. C'est dire que le constituant
a voulu que toutes les autorités publiques au Congo soient assujetties
aux décisions du juge constitutionnel et malgré ce terme qui est
générique, il a éprouvé la nécessité
de citer les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et
militaires. Nous pensons que le constituant a voulu briser à l'avance
les inerties fonctionnelles qui émanent des catégories qu'il
cite. Comme on le sait depuis la seconde guerre mondiale, en démocratie,
la majorité peut s'abuser ou être abusée1100(*) si elle n'est pas
contrôlée ou encadrée.1101(*)
Il est connu que, de tous les pouvoirs dans l'Etat, ce sont le
législateur et le gouvernement qui sont portés à violer la
Constitution pour la simple raison que ce sont les instances qui sont au fait
de l'action. En effet, il est presque naturel que ceux qui agissent soient
enclins à se donner des libertés avec les normes suprêmes
en ce qui est de l'action quotidienne.
C'est le fondement même du contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo qui
a connu une longue période d'autocratisme dont Paul-Gaspard Ngondankoy
dit que « l'un des travers de cette conception du Pouvoir (...)
réside précisément non seulement dans cette
considération exagérée de la figure du chef, mais surtout
dans la mise au pas de toutes les structures chargées, à un titre
quelconque, du contrôle du Pouvoir ».1102(*)
Une socialisation est donc nécessaire tant à
l'égard des autorités publiques que vis-à-vis des
élites de la Nation pour une culture du droit constitutionnel. Le
tassement du contentieux public provient, aux dires de la doctrine congolaise,
de cet aspect socio-psychologique. Le peuple a appris depuis des lustres
à craindre le chef au point que les actes juridiques sont perçus
comme un prolongement de la personnalité de ce dernier. Attaquer l'acte
du supérieur revient, dans cet environnement, à s'attaquer
à la personne du chef.1103(*)
Par effet d'accoutumance, le chef lui-même subit de la
sorte un feedback amplificateur négatif qui ne lui permet guère
de pousser la population au respect du droit qui commande paradoxalement une
vigilance des actes juridiques posés par les autorités
politiques. Dès lors, la culture du droit passe par une socialisation
des élites dans le cadre d'une culture qui encense les valeurs de l'Etat
de droit. La valeur essentielle dans cette conception et son implication
théorique première sont le culte du droit et la transfiguration
du visage du juge qui apparaît ainsi comme le rouage essentiel de
l'Etat.1104(*)
Et dans ce travail de socialisation, les instances
gouvernementales ont une tâche primordiale.
1. Les autorités
gouvernementales
Il arrive souvent qu'en raison de la nature complexe des
activités du gouvernement, ce dernier soit en effet porté
à violer les droits et libertés garantis par la Constitution au
nom de l'efficacité de son action. Deux approches sont possibles :
un encadrement juridictionnel de ce pouvoir dont cette étude est la
trame essentielle ainsi que l'encadrement politique.
Dans cette perspective, la réclamation de la
démocratie renvoie à la formule développée par
Georges Vedel et reprise par El Hadj M'bodj. D'après cette formule
«l'exercice du pouvoir d'Etat par la majorité est soumis au
contrôle de l'opposition et à l'arbitrage du
peuple»1105(*).
On peut dire qu'à la séparation classique des pouvoirs qu'exige
tout régime démocratique, se substitue, une séparation
politique entre la majorité et l'opposition sous l'arbitrage
cumulé du peuple (par la voie des élections) et du juge
chargé de veiller à la régularité des lois.
La réflexion permet de soutenir que la consolidation de
la démocratie passe par le renforcement de la capacité d'action
des acteurs politiques. Elle conduit à la définition d'un cadre
juridique et politique qui détermine les droits et devoirs de la
majorité et de l'opposition ainsi que leurs rapports respectifs.
La recherche d'un statut de l'opposition est devenue une
préoccupation partagée par les acteurs et partenaires au
développement de l'Afrique. Au cours de la conférence sur
« le bilan de la démocratisation en Afrique »,
organisée à Libreville par l'Assemblée Internationale des
Parlementaires de Langue Française, un plaidoyer a été
fait en faveur de la généralisation d'un statut de l'opposition
en Afrique1106(*). La
réclamation a fini par dépasser le cadre du discours politique
pour s'intégrer dans le domaine des réformes institutionnelles.
L'adoption d'un statut particulier pour l'opposition dont les droits et devoirs
se distillent dans ceux des partis et regroupements politiques
légalement constitués1107(*) devient délicate.
En République Démocratique du Congo, la
reconnaissance des droits et devoirs de l'opposition politique ne semblent pas
avoir préoccupé le constituant. La question n'a pas
été abordée avant l'élaboration de la Constitution
du 18 février 2006. Il n'a pas existé de corps de règles
spécifiques garantissant les droits et les obligations de
l'opposition.
Cette situation a fait dire à Jacques Djoli Eseng'Ekeli
que la problématique de l'opposition au Congo se pose en termes de
transfert du droit et de la démocratie1108(*). Le transfert du droit
dépasse, «celui du texte juridique pour atteindre le transfert des
représentations associées et donc de la démocratie. Or,
ces représentations ne s'exportent pas. Pour tout dire, le droit n'est
pas seulement les textes mais surtout ce qu'en font les
acteurs»1109(*).
Pour matérialiser ce transfert, le constituant a
décidé de consacrer le caractère sacré des droits
et activités de l'opposition politique ainsi que sa lutte pour la
conquête démocratique du pouvoir1110(*).
La loi n°07/008 du 04 décembre 2007 portant statut
de l'opposition politique1111(*)constitue de ce fait « l'aboutissement
d'un consensus politique émergeant de plusieurs luttes pour la
conquête des droits autour des valeurs et principes républicains
qui doivent désormais caractériser le système politique
congolais. Il s'agit notamment du pluralisme politique, de l'alternance
démocratique au pouvoir et la reconnaissance de la
différence»1112(*).
Gage de stabilité politique, l'opposition politique a
le droit de critiquer ouvertement l'action du gouvernement et de contribuer
à l'amélioration de la conduite des affaires de l'Etat1113(*). Elle a
particulièrement droit d'être informée de l'action de
l'Exécutif. L'opposition a également le droit de critiquer ladite
action et, le cas échéant, formuler des contre propositions, sous
réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs.
Il est reconnu à l'opposition le droit de
présider alternativement avec les députés et
sénateurs de la majorité, les travaux des commissions de
contrôle ou d'enquête de l'action de l'Exécutif ou d'en
être rapporteur. L'opposition peut faire inscrire des points à
l'ordre du jour des Assemblées délibérantes1114(*). Le droit à
l'information reconnu à l'opposition politique est garanti sur toutes
les questions importantes de la vie de la Nation1115(*). Les représentants
de l'opposition à différents niveaux ont droit d'être
reçus par les autorités ou leurs représentants, soit
à leur demande, soit à l'initiative de ces
autorités1116(*).
Au-delà de ces affirmations théoriques, il reste
le pouvoir réel de la sanction du non respect par les autorités
gouvernementales des prescrits constitutionnels. La seule garantie est donc
culturelle car la culture du droit opère le transfert dont parle Jacques
DJOLI et constitue ainsi un rempart contre les violations massives de la loi
constitutionnelle.
Les mécanismes du recours constitutionnel comme ceux de
recours en annulation pour excès de pouvoir devant le juge administratif
ne peuvent atteindre leur objectif que lorsqu'ils sont intégrés
dans l'habitus du peuple congolais. Autrement, ils seront de l'ordre du
décorum institutionnel.
Et pourtant, il n'est pas inutile de constater ici que la
violation intentionnelle de la Constitution est une infraction
constitutionnelle susceptible d'entrainer la déchéance du
gouvernement même si le mécanisme procédural de la mise en
accusation des autorités gouvernementales procède d'une
volonté - n'en déplaise à certains- de ne pas poursuivre.
L'hypothèse risque de ne pas être
réalisable tant la composition de la majorité parlementaire fera
que ces autorités ne soient guère dérangées par le
procureur général près la Cour constitutionnelle. Par
ailleurs, la bonne moralité dont doit jouir l'élite politique
reste finalement le seul rempart contre les abus de pouvoir qui peuvent se
rencontrer aussi au sein du pouvoir législatif.
2. Le parlement
Cette instance est depuis le mouvement constitutionnaliste
européen la clef de voute du système politique. Le transfert du
pouvoir d'Etat du monarque vers une assemblée élue a
été l'innovation de ce courant d'idées de la fin du
18ème siècle cependant les affres de deux
dernières grandes guerres en Europe ont indiqué que les
majorités peuvent opprimer.
La théorie rousseauiste de la représentation a
marqué ses limites à l'épreuve de la réalité
de la société. En effet, les expressions législatives de
la majorité politique peuvent aller à l'encontre des valeurs
sociales qui sont véhiculées dans la constitution. En outre,
c'est le lieu de dire que le contrôle de constitutionnalité doit
se concevoir comme un social control car la
Constitution, comme le contrôle qui assure sa protection, est avant tout
un des éléments de la culture d'un peuple.
Il n'est pas possible en réalité que la
constitution soit protégée si d'une part, elle ne contient pas
des valeurs essentielles d'un peuple et d'autre part, elle n'est pas
perçue comme un fait culturel. Le mimétisme qui a
caractérisé le constitutionnalisme africain et congolais est la
preuve de l'inefficacité des mécanismes.1117(*)
Le plaidoyer sera à ce niveau d'ordre
sociologique : non seulement que le peuple doit être
réellement représenté au sein du parlement mais surtout
ses aspirations doivent être prises en charge par le texte fondamental.
La logique poussée au bout conduit inexorablement à la
reconnaissance des tribus comme des sujets de droit capables de s'exprimer et
d'être entendues. A défaut d'un mécanisme d'expression
officiellement installé, elles se comporteront clandestinement mais dans
le sens des intérêts qui ne sont pas toujours ceux de
l'Etat.1118(*)
Voilà pourquoi nous revenons à l'idée
centrale que chaque peuple a non seulement sa Constitution, mais aussi un
corpus des valeurs supérieures auxquelles il croit et qui sont
consignées dans la constitution et pour lesquelles un contrôle
juridictionnel doit être organisé. Les suites de
l'hitlérisme ont produit la valeur
« liberté » au sein de l'Europe de sorte qu'aucune
constitution européenne ne peut être tenue pour telle si elle ne
renferme pas cette valeur. Dès lors, le contrôle constitutionnel
qui en est fait est orienté vers cette valeur suprême de
l'Occident.1119(*)
Ce background idéologique est essentiel pour comprendre
l'utilité opératoire du contrôle juridictionnel des
gouvernants surtout ceux qui possèdent le pouvoir exécutif dans
l'Etat. Il faut cependant dire que les craintes du peuple vis-à-vis des
juridictions sont minces par rapport à celles exprimées à
l'endroit d'autres pouvoirs dans l'Etat.
Toutefois, les violations du droit par les juges touchent,
l'on s'en doute, plus directement les citoyens que les violations, disons,
abstraites de la Constitution par les autres pouvoirs publics.
3. Les juridictions
Lorsqu'un arrêt est rendu sur la non-conformité
d'une loi, il s'impose à toutes les juridictions de la République
de sorte qu'il n'est pas pensable le conflit que l'on a observé ailleurs
entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. L'autorité des
décisions de la Cour constitutionnelle est donc supérieure
à celle attachée aux arrêts du Conseil d'Etat et de la Cour
de cassation. Cette autorité est donc spéciale dans la mesure
où elle s'impose même sur les juridictions suprêmes de deux
ordres de juridiction prévus par la constitution.
Le droit congolais ne dispose nullement d'une
possibilité offerte aux juridictions de contester les décisions
même illégales de la Cour constitutionnelle. Une telle
autorité ne peut être renversée que par la volonté
constituante qui change ainsi le cours jurisprudentiel et lui imprime les
atténuations nécessaires pour assurer le contrôle du
contrôleur.
La question du contrôle du contrôleur est loin
d'être une hypothèse d'école. Aussi est-il bon que le juge
constitutionnel soit à la fois attaché au texte et à la
prudence pour assurer efficacement son rôle de régulateur de la
vie politique. Ce rôle aussi pose le problème en fin des comptes
de la nature de la Cour constitutionnelle dans le paysage institutionnel et
politique d'un pays.
En effet, la Cour est certainement un pouvoir constitué
d'une nature particulière dans la mesure où il faut les
décisions de l'autorité souveraine pour renverser
l'autorité de ses dires pour droit. Une telle place avoisine- on l'a
certes vu plus loin- celle du pouvoir constituant.
Par ailleurs, il n'est aucun doute dans la théorie que
les normes jurisprudentielles d'annulation d'une loi ont au moins la même
nature que celles qu'elles annulent. C'est le principe de l'équivalence
des normes qui s'induit de la théorie de la pyramide normative
kelsenienne.1120(*)
Pour conclure, il est bon de noter que les juridictions par le
biais du recours constitutionnel sont placées sous l'autorité de
la Cour constitutionnelle dont les arrêts s'imposent à elles quel
que soit leur degré dans la pyramide juridictionnelle. Par accoutumance,
disons aussi qu'il est plutôt rare de voir la rébellion
s'installer entre une haute Cour et les juridictions inférieures. La
raison se trouve dans l'esprit somme toute caporaliste qui caractérise
la magistrature de notre pays.
Il s'agit d'étudier, selon une approche de droit
comparé, comment s'opère la réception de la jurisprudence
du juge constitutionnel dans les jurisprudences des juges ordinaires.
L'étude de la réception de la jurisprudence constitutionnelle par
les juridictions ordinaires met, en effet, en lumière la coexistence
inter-systémique du juge constitutionnel et des juridictions de droit
commun en matière de protection des droits fondamentaux.
Si, jusqu'à l'avènement du juge constitutionnel,
le juge ordinaire a été le juge naturel des droits fondamentaux,
aujourd'hui, au sein d'un même ordre juridique, diverses juridictions
suprêmes se partagent ce contentieux avec, pour point commun, la
même difficulté à établir une répartition
claire des compétences.
Dans ce contexte de fractionnement, il est important que le
juge constitutionnel unifie ce contentieux. Toutefois, tant que les
juridictions, avec lesquelles il doit collaborer, restent des juridictions
souveraines, force est de constater qu'aucun mécanisme ne peut
réellement les contraindre à s'aligner sur la jurisprudence
constitutionnelle.
Aussi bien et pour cela, faudra-t-il rechercher si le dialogue
des juges, nécessairement né de cette pluralité de
pôles dialogiques, a pour conséquence, d'une part, d'unifier ou,
au contraire, de disperser le contentieux des droits fondamentaux et, d'autre
part, de renforcer ou d'amoindrir la protection de ces droits.
La question mérite, en effet, d'être
posée, car, à la vérité, si cette multiplication
des juges susceptibles d'intervenir en la matière a été
créée avec la volonté sincère de renforcer la
protection des droits fondamentaux des citoyens, il se peut fort bien qu'elle
produise le résultat inverse, conduisant, à terme, à
affaiblir ce contrôle juridictionnel.
Bien plus, à partir de l'analyse des expériences
française, belge et allemande que nous avons privilégiée,
il sera possible de s'interroger, plus généralement, sur ce que
doit être la fonction même d'une juridiction constitutionnelle.
Que conclure ?
CONCLUSION DE LA SECONDE
PARTIE
L'abord de questions de fondements théoriques du
contrôle juridictionnel des lois et d'autres normes
infralégislatives à l'aune de la Constitution nous a donné
un prétexte pour voir dans la réalité les
mécanismes concrets de l'exercice de la justice constitutionnelle en
République démocratique du Congo.
Il est apparu que les origines de la justice constitutionnelle
se situent historiquement sur le plan du droit positif écrit dans la Loi
fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960. L'on n'a pas
discuté en effet de la présence des éléments
caractéristiques de cette notion dans nos sociétés
traditionnelles précoloniales non pas que cela ne fût pas
intéressant mais plutôt que cela ouvrait largement les
perspectives de l'étude dont le temps nous manquerait probablement.
Par ailleurs, nous avons indiqué que la notion de
justice constitutionnelle a évolué à travers tous les
textes constitutionnels qui ont régi le pays en jouant selon le type de
régime politique en place soit un rôle décoratif soit
enfin un rôle institutionnel de régulation de la vie politique.
L'étude des compétences du juge constitutionnel
a été abondamment déterminante car de notre point de vue
la question ainsi posée est celle de savoir ce que peut le juge de la
Constitution. Il ne s'est pas agi de les énumérer, -ce qui aurait
été simple et pédagogique - il s'est plutôt agi
de les analyser du point de vue critique et sous les lumières de la
praxis jurisprudentielle de dernières années.1121(*)
Cette analyse à la fois exégétique et
jurisprudentielle constitue le soubassement de la technique du droit du
contentieux constitutionnel congolais. La compétence indique
également la procédure à suivre devant le juge
constitutionnel dont les arrêts ne souffrent en principe d'aucun recours.
Nous avons évidemment analysé les outils
conceptuels du travail du juge lorsqu'il interprète la Constitution.
Dans ce rôle de constituant sui generis, la Cour
constitutionnelle demeure « la bouche de la Constitution »
de sorte que les craintes maintes fois exprimées par la doctrine sur le
gouvernement des juges s'avèrent fondées. 1122(*) Qui contrôlera le
contrôleur ?, s'inquiétait inexorablement le très
regretté Professeur Bibombe Muamba à chaque fois que cette
question se posait.1123(*)
Mais les contraintes les plus diverses mais toutes
fondées sur une appréhension des misères que le juge ainsi
investi d'énormes pouvoirs pourrait infliger au politique sont là
pour maintenir la justice constitutionnelle au milieu du village.1124(*) Tout le problème
est de savoir si le village lui-même est bâti au bon endroit.
C'est dire que la querelle a encore de beaux jours devant
elle, même si une vision plus mondialiste tente d'imposer le juge
constitutionnel comme une bonne enseigne sur une bonne bouteille de vin, en
tous cas, comme élément de qualification d'un Etat moderne.
La fréquentabilité de l'Etat est d'ailleurs
à mettre sur le dos de cet habit institutionnel meilleur entre tous.
Cependant, au-delà du décoratif, il y a l'institutionnel qui
commande une cohérence et une rationalité que ne saurait
négliger celui qui est dans le commerce international des
idées.1125(*)
Il est donc vain de tenter d'édulcorer les concepts les plus en vogue au
seul profit de leur apparat. Telles sont les perspectives principales
auxquelles a abouti cette partie de l'étude.
CONCLUSION GENERALE
L'étude des fondements théoriques et des
modalités pratiques de l'exercice de la justice vient à la suite
de la question théorique du constitutionnalisme. En effet, de
manière pragmatique, il s'est agi tout au long de ce travail de voir ce
qui est fondamentalement congolais dans le contentieux tel qu'il est
organisé par le droit positif. Mais au-delà nous ne nous sommes
pas empêché de nous interroger sur la pertinence
épistémologique du choix du cadre conceptuel opéré
par le constituant congolais.
Enfin, le contentieux constitutionnel traduit, comme a pu le
déceler Jean-Louis Esambo Kangashe, une sorte de « respiration
démocratique » dont la garantie réside dans l'exercice
effectif par le juge du contrôle de la constitutionnalité des
actes législatifs ou réglementaires mais également de tout
autre acte contraire à la Constitution.
Instituée par la Constitution, la Cour
constitutionnelle assure la limitation du pouvoir politique, la sauvegarde de
la suprématie constitutionnelle et la protection des droits et
libertés fondamentaux. Sa saisine a été ouverte à
toute personne pour qu'elle ne fonctionne plus dans une léthargie
déconcertante.
Dans la pratique actuelle, on relève que cette
juridiction est encore hésitante pour sanctionner la violation de la
Constitution par les pouvoirs publics. D'où l'impérieuse
nécessité d'appeler cette juridiction à assumer
courageusement et de manière objective ses responsabilités, avant
l'installation de la Cour constitutionnelle.
La question du constitutionnalisme est capitale pour
être laissée aux seuls juristes
« constitutionalistes », aux membres de la Cour
constitutionnelle ou aux acteurs politiques. Il importe de la
décloisonner et de procéder à une sorte de remise à
niveau de son contenu. La démarche commande une socialisation des
gouvernants et des gouvernés aux principes du constitutionnalisme. Elle
consiste à créer une sorte de synergie entre les pouvoirs
publics, la Cour constitutionnelle, les milieux universitaires et associatifs
aux fins de vulgariser et de promouvoir le constitutionnalisme.1126(*)
On observe aujourd'hui que la politique est saisie par le
droit, et il en résulte une « juridicisation » de la
vie politique. Aussi certaines Constitutions font-elles des juridictions
constitutionnelles les organes régulateurs du fonctionnement des
institutions et de l'activité des pouvoirs publics. Les juridictions
constitutionnelles se trouvent ainsi investies d'un rôle de pacification
et d'encadrement de la vie politique qui est, par nature, tumultueuse.
Mais sont-elles en mesure d'assurer pleinement ces
missions ? Les acteurs politiques sont-ils toujours disposés
à se soumettre au droit ? N'y-a-t-il pas là source de
crise ?
En droit, la crise s'analyse comme une situation de trouble ou
de conflit qui, soit affecte le fonctionnement des pouvoirs publics, et il en
va ainsi d'un conflit d'attribution entre les pouvoirs législatif et
exécutif, de la paralysie ou de la démission du gouvernement,
soit nécessite, en raison de sa gravité, des mesures d'exception
comme c'est le cas de l'état de siège, de l'état de
guerre, de l'état d'urgence, de l'état de
nécessité...1127(*)
En politique, la crise révèle la situation dans
laquelle l'ordre social et la légitimité des gouvernants sont
remis en cause par une fraction de la classe politique ou du corps social. Elle
conduit généralement à un conflit ou à un blocage
des institutions. Elle peut également résulter d'une perception
divergente des règles du jeu politique ou de leur défaillance.
En fait, le mot « crise » est perçu
comme un terme de médecine et désigne,
d'après le dictionnaire Littré, un
« changement qui survient dans le cours d'une maladie et s'annonce
par quelques phénomènes particuliers... »1128(*)
Le mot est présent aussi bien dans le langage commun
que dans le langage scientifique. Il n'est donc pas de domaine qui,
aujourd'hui, ne soit hanté par l'idée de crise.
Quel que soit son milieu d'utilisation, ou son objet
d'application, le terme, dont l'étymologie grecque (krisis)
signifie choix, lutte, décision, désigne toute situation de
désordre, de perturbation, de dérangement, de dysfonctionnement
s'introduisant dans un système. Le mot crise invite donc à
l'identification rapide de l'élément perturbateur à fin
d'une décision plus ou moins rapide à prendre sur la solution
à appliquer.
Les juridictions constitutionnelles ont pour mission de
prendre des décisions pour prévenir ou résoudre les crises
relevant de leurs domaines de compétence. Mais quelles sont les crises
relevant de leurs domaines de
compétence ? Les crises qui procèdent des actes
contraires à la Constitution ? Celles impliquant des violations des
droits de l'Homme ? Ou encore celles perturbant le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ou celles portant atteinte à
l'existence ou à l'intégrité des pouvoirs
constitués ou de l'ordre constitutionnel ? Ou, enfin, celles perturbant
le déroulement normal ou faussant les résultats des
élections ? L'une et/ou l'autre, sinon toutes, en fonction des
prescriptions de la Constitution concernée.
La question la plus délicate est soulevée par la
démocratie elle-même. Démocratie implique
nécessairement la reconnaissance et la garantie de toutes les
libertés: liberté de pensée, de parole, d'organisation, de
manifestation, droit de grève et de protestation, etc....
A partir de quand peut-on dire que l'usage de telle ou telle
liberté a donné naissance à une crise? Il y a
nécessairement une question, d'une part, d'intensité et, d'autre
part, d'objectif dans l'appréciation d'une manifestation de
liberté. Le critère d'appréciation paraît être
constitué par l'Etat de Droit: chaque liberté est
déterminée dans sa forme et dans ses objectifs par l'Etat de
Droit et le détournement d'une liberté peut être
constitutif de crise.1129(*)
Or, la démocratie est le régime politique de
gestion des contradictions politiques et sûrement même de
mini-crises quotidiennes. Et c'est là la raison d'être des
juridictions constitutionnelles et de la juridicisation de la vie
politique : ramener, le cas échéant, chaque
institution constitutionnelle, chaque acteur de la vie politique et chaque
citoyen dans la voie prévue par la Constitution.
Dans un Etat de Droit, la loi prévoit les voies et
moyens de droit pour contester et même réduire à
néant la décision d'une autorité politique voire destituer
ladite autorité. Il y a nécessairement crise, lorsqu'il est
recouru, par l'usage d'une liberté ou d'une prérogative
légale quelconque, à une voie non prévue pour la
finalité vers laquelle on l'utilise.
Ainsi, l'on peut distinguer les crises ordinaires
(bénignes ou normales) inhérentes à une démocratie
et les crises graves, celles qui remettent en cause le système. Mais le
passage de l'une à l'autre peut se produire.
Quelle que soit la compétence dévolue par la
Constitution à une juridiction constitutionnelle, une
crise n'ayant manifestement aucun rapport avec les institutions ne peut-elle
pas en fin de compte entraîner des effets relevant de la
compétence du juge constitutionnel?
Par exemple une crise climatique qui entraîne une crise
alimentaire, laquelle provoque une crise sociale qui à son tour
génère une crise politique et institutionnelle. Le juge
constitutionnel peut-il se retrouver ainsi interpellé par une situation
au départ éloignée de la Constitution ?
De même qu'aujourd'hui, la réflexion et l'action
progressent sur l'alerte précoce et la prévention des conflits,
de même la question se pose au sujet de la prévention des crises
par les juridictions constitutionnelles. Celles-ci en ont-elles les
moyens ? A quelles conditions ? Toutes ces questions constituent
autant des manettes pour soulever la question fondamentale qui est celle du
fondement de la justice constitutionnelle en République
démocratique du Congo. De manière triviale, à quoi
sert-elle ?
Nous avons tenté tout au long de ce travail d'indiquer
les fondements théoriques ainsi que les modalités pratiques de
l'exercice de la fonction juridictionnelle constitutionnelle en
République démocratique du Congo. La simple description des
mécanismes nous fonde à dire que la justice constitutionnelle
congolaise est un décalque des justices constitutionnelles
européennes.1130(*)
De ce point de vue, elle est, du moins sur papier, en avance
théorique sur plusieurs modèles du système européen
mais au regard des valeurs et principes que la Constitution doit charrier, il
est utile qu'une dose importante de la coutume saisie ici comme la praxis
millénaire des nos ancêtres soit intégrée dans le
jugement des conflits politiques soumis à la Cour constitutionnelle. La
panoplie des modèles vus plus haut montre, si besoin en était
encore, que chaque peuple a su inventer sa justice
constitutionnelle.1131(*)
Au contraire, l'on doit éviter le reproche que fait
Jean Ziegler lorsqu'il écrit que la plupart des classes dirigeantes de
l'Afrique contemporaine, mises en place, formées et
téléguidées par l'ancien colonisateur, s'efforcent de
suivre à la lettre les recommandations de Jaurès : leurs
modes de pensée, leurs coutumes vestimentaires, alimentaires, sexuelles,
leurs habitudes de consommation, d'habitation, leur langage politique, tout
dénote une furieuse volonté d'imitation, de reproduction des
valeurs de la métropole. Les significations et valeurs autochtones, les
conduites qu'elles génèrent sont mutilées, perverties,
discréditées. La culture traditionnelle est niée,
noyée dans la culture imitative, son oubli organisé1132(*).
Il n y a pas meilleure expression pour parler du
mimétisme institutionnel dont le coût peut aller jusqu'au suicide
culturel, à l'instar de Haïti.
Cette conclusion tient au fait que « dans la plupart
des Etats et sociétés francophones de l'Afrique noire, le
pacte colonial, persiste au-delà de l'accession à
l'indépendance formelle. Ce pacte est d'ordre économique,
politique et surtout : culturel1133(*). Que faire pour briser ce pacte
d'extraversion ?
La réponse semble nous venir de Ziegler lorsqu'il
propose qu'il faille une intelligence créatrice, un courage rare pour
puiser dans l'expérience de son peuple les valeurs, les convictions
nécessaires à la construction d'une nouvelle culture1134(*).
La nôtre ne vient pas d'en haut, elle est plutôt
constituée des compromis multiples que les gens se font sous l'arbre
à palabres. Ainsi, la justice rendue à l'occidentale avec un
vainqueur et un vaincu débouche en Afrique noire au minimum sur une
contestation sourdine ou ouverte que le juge ne sait plus trancher et au
maximum, sur un projet de renversement du pouvoir incarné par le
juge.1135(*)
En Afrique noire, en revanche, l'arbre à palabres
étant l'arbre de tous, il n'est arrivé à personne
l'idée saugrenue de le déraciner ni de contester les
décisions issues finalement de la volonté de tous.1136(*) La question reste
posée comme paradigme d'action et d'efficacité d'une Cour
constitutionnelle congolaise réellement démocratique.1137(*)
En effet, il faut avoir à l'esprit que le
phénomène constitutionnel ainsi que l'observe Jean-Louis
Seurin1138(*) ne
pouvait être isolé du contexte qui l'engendre, de la matrice
sociologique qui le porte et l'enchâsse dans une conception du monde qui
est elle-même le produit d'un peuple toujours et déjà
nécessairement situé historiquement. La refondation de l'Etat de
droit sous cette perspective appelle également la prise en charge de
l'Homo politicus, celui-là même qui est appelé
à gérer ce changement d'une vie misérable vers une vie
plus heureuse.1139(*)
C'est, en d'autres termes, demander à tous et à
chacun de se dépasser. Mais un tel discours (moral) ne saurait
être scientifique. Voilà pourquoi des contrôles politiques
et juridiques prévus par les mécanismes institutionnels que nous
avons préconisés s'imposent pour empêcher que des hommes
politiques, peu scrupuleux, ne se repositionnent en vue de ramasser leurs
savates dans le vomitorium de l'histoire.1140(*)
Sans contrôle donc, une décision, fût-elle
salutaire en principe, risquerait de devenir très vite suicidaire pour
le peuple. La première garantie de ce contrôle réside dans
le système politique qui doit favoriser la participation du
peuple.1141(*)
Il est démontré que les modes de participation
classiques ou plutôt hérités de l'occident ne sont pas
efficaces dans la mesure où le peuple participe aux élections et
autres votations comme à une besogne sans signification mystique
particulière.
En effet, comment dire à un peuple à grande
échelle analphabète que les élections
générales qui ressemblent à des grand-messes dont la
liturgie lui est étrange et étrangère constituent le seul
mode démocratique de sa participation à l'exercice du pouvoir
dans l'Etat ? Nous avons tenté de montrer que d'autres modes
alternatifs de participation sont possibles et même envisageables. Ainsi,
il nous a paru possible la participation des chefs coutumiers à
l'exercice de la justice constitutionnelle dans la mesure où ces
non-élus manifestent encore, l'on s'en doute, une aura incontestable de
représentation séculaire de nos populations au niveau des
structures de base.
En plus, il n'est pas inutile de constater que le choix
levé par le constituant congolais est à maintes reprises
confirmé dans sa structuration de la vie administrative : les
tribus sont reconnues à la fois comme pourvoyeuses de la
nationalité congolaise et matrice sociologique de la coutume comme norme
de droit public. Au demeurant, la géographie politique de notre pays
indique que la République démocratique du Congo demeure encore un
pays rural de sorte qu'il nous semble perturbant que les Congolais
résidant dans nos campagnes et cités ne soient pas suffisamment
représentés dans les structures de la justice des justices.
Voilà les axes de réflexion de la
présente thèse et les perspectives sans doute nombreuses qu'elle
appelle. Il reste à convoquer les autres disciplines scientifiques au
crible de la raison pour tenter une approche plutôt holistique de la
notion d'Etat de droit sous les tropiques.1142(*) Cette tâche, l'on s'en doute, est
au-delà des compétences du juriste, fut-il
constitutionnaliste.1143(*)
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· IMBAMBO la NGANYA (J.-R.), Le contrôle
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démocratique du Congo depuis le 30 juin 1960 à nos jours,
Thèse de doctorat en Droit public, Faculté de Droit,
Université de Kinshasa, 2005.
· DJELO EMPENGE OSAKO, Cours de Droit constitutionnel
et institutions politiques, polycopié, 1er graduat,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 1986-1987.
· DJELO EMPENGE OSAKO, Contribution à
l'étude des tendances unitaristes et fédéralistes dans
l'évolution politique et constitutionnelle du Zaïre,
Thèse de doctorat en Droit public, Université de Liège,
1974.
· DJOLI ESENG'EKELI (J.), Le constitutionnalisme
africain entre la gestion des héritages et l'invention du futur.
L'exemple congolais, Thèse de doctorat en Droit public,
Université Paris I Panthéon Sorbonne, 2003.
· KABANGE (C.), Production de la loi et
restructuration du système juridique congolais. Effets des contacts
eurafricains, Thèse de doctorat en droit, Katholieke Universteit
Leuven, 1971.
· KALAMBAY LUMPUNGU (G.), Méthodes de
recherche et de rédaction de dissertation - mémoire -
thèse en droit, cours polycopié, Université de
Kinshasa, Faculté de Droit, D.E.S. Droit privé et judiciaire,
année académique 2003-2005, 48 pp.
· KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge
constitutionnel et du juge administratif suprême en droit congolais,
Mémoire de D.E.S. en Droit public, Université de Kinshasa,
Faculté de Droit, 2005.
· KAMUKUNY MUKINAY (A.), De l'effectivité du
contrôle des actes des gouvernants en République
démocratique du Congo, Mémoire de D.E.S. en Droit Public,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2003.
· KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à
l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais,
Thèse de doctorat en droit public, Université de Kinshasa,
Faculté de Droit, 28 juillet 2007.
· KILENDA KAKENGI BASILA (J.-P.), Le contrôle
de la légalité des actes du magistrat dans l'administration de la
justice criminelle en RdCongo, Thèse de doctorat en droit,
Katholieke Universiteit Leuven, 2002.
· KITETE KEKUMBA OMOMBO, Autonomie Politique et
Constitutionnelle du Zaïre. Essai de solution à
l'inadéquation institutionnelle du Zaïre, Thèse de
doctorat d'Etat en Droit public, Université de Droit et sciences
sociales de Paris II, 1980.
· KITETE KEKUMBA OMOMBO, Cours de droit
constitutionnel et institutions politiques, 1er graduat,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, année
1986-1987.
· KAYEMBA NTAMBA MBILANJI (A. Joseph) : La
solidarité « Europe-Afrique » et ses
réalités. Analyse des mécanismes juridiques et
économiques de l'Eurafrique et de l'impact de celle-ci au niveau des
constitutions des EAMA, Thèse de doctorat de
spécialité en droit public, Aix-Marseille, 1969.
· LA GRANCE (N.), Le phénomène
majoritaire, fondement de la Vème République,
thèse de doctorat en Droit public, Université de Clermont Ferrand
I, 1986.
· LEMBELEMBE N'KASCHAMA (E.G.), Le contreseing
ministériel et la crise congolaise(Zaïroise) de 1960 à
1965, thèse de doctorat d'Etat en Droit public, Université
de Droit, d'Economie et des Sciences Sociales, Paris II, Panthéon Assas,
1984.
· LIHAU EBUA LIBANA la MOLENGO, Cours de droit
constitutionnel et institutions politiques, Université Nationale du
Zaïre, Campus de Kinshasa, Faculté de Droit, polycopié,
1974-1975.
· MBOKO Dj'ANDIMA, L'Etat de droit constitutionnel en
République démocratique du Congo. Contribution à
l'étude des fondements et conditions de réalisation,
Mémoire de D.E.S. en droit public, Université de Kinshasa,
Faculté de Droit, 2005.
· MWENZE CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et
argumentation, cours polycopié, Facultés catholiques de
Kinshasa, Faculté des communications sociales, coll. cours et dossiers,
n°1, 1997-1998.
· NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (Paul Gaspard), Le
contrôle de constitutionnalité en République
démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice
constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique,
Thèse de doctorat en droit public, Université catholique de
Louvain, 2008.
· NGUYA NDILA (C.), Les conséquences
juridiques de l'indépendance du Congo-Kinshasa sur les engagements
internationaux antérieurs, Thèse de doctorat en droit
public, Université de Paris, 1969.
· OTHENIN-GIRARD (S.), La réserve d'ordre
public en droit international privé suisse. Personnes -Famille
-Successions, Zurich, Schulthess, 1999.
· PAPA OGO SECK, L'idée de nation en Afrique,
Thèse de doctorat en science politique, Université Paris X
Nanterre, 2005 ou
www.memoireonline.com/09/211/m_idee-nation-afrique-noire0.html
consultée le 29 novembre 2006.
· RUEDA (F.), Le contrôle de l'activité
du pouvoir exécutif par le juge constitutionnel. Les exemples
français, allemand et espagnol. Thèse de doctorat en Droit
public, Université des Sciences Sociales de Toulouse, 2000.
· TSHIBANGU KALALA, Les résolutions du Conseil
de sécurité des Nations unies et les destinataires non
étatiques, Thèse de doctorat en droit, Université de
Kinshasa, Faculté de Droit, 7 juillet 2007.
· TSHIBANGU TSHIASU KALALA, Droit civil :
régimes matrimoniaux, successions et libéralités,
2ème édition, Kinshasa, CADICEC, 2006.
· YOKO YAKEMBE (P.), L'UNESCO et le
développement de l'éducation en Afrique noire
indépendante, Thèse de doctorat de spécialité
en droit public, Université de Dijon, 1970.
· VUNDUAWE te PEMAKO, Droit administratif et
institutions administratives, IIIème graduat, Université de
Kinshasa, Faculté de Droit, polycopié, 2002-2003.
· VUNDUAWE te PEMAKO, Le processus de
l'intégration juridique des autorités traditionnelles dans
l'administration moderne de la République du Zaïre (de 1885
à 1972), Thèse de doctorat en droit, Université
catholique de Louvain, 1973.
IV.
COMMUNICATIONS
· BIBOMBE MUAMBA (B.), La nature du régime
politique de la Troisième République, communication faite au
Sénat à l'occasion du séminaire sur les perspectives de la
nouvelle Constitution de la République Démocratique du Congo,
Palais du Peuple, septembre, 2004, pp.1-10.
· BOSHAB MABUDJ (E.), Les enjeux de la Constitution
de la Troisième République, communication faite au
Sénat à l'occasion du séminaire sur les perspectives de la
nouvelle Constitution de la République Démocratique du Congo,
Palais du Peuple, septembre, 2004, pp.1-9.
· ESAMBO KANGASHE (J.L.) Evolution constitutionnelle
de la République Démocratique du Congo, communication faite
au Sénat à l'occasion du séminaire sur les perspectives de
la nouvelle Constitution de la République Démocratique du Congo,
Palais du Peuple, septembre 2004, pp.1-7.
· KABUYA LUMUNA SANDO (C.), Histoire politique du
Congo, communication faite au Sénat à l'occasion du
séminaire sur les perspectives de la nouvelle Constitution de la
République Démocratique du Congo, Palais du Peuple, août,
2004, pp.1-13.
· MAMPUYA KANUNK'A TSHIABO (A.), Nouvelle
Constitution pour le Congo : quel régime politique ?
Communication faite au Sénat à l'occasion du séminaire sur
les perspectives de la nouvelle Constitution de la République
Démocratique du Congo, Palais du Peuple, août, 2004, pp.1-11.
· MBATA MANGU (A.), Constitution sans
Constitutionnalisme, démocraties autoritaires et responsabilités
sociales des intellectuels en Afrique Centrale : quelle voie vers la
renaissance africaine ? CODESRIA, Douala-Cameroun, octobre, 2003,
pp.1-23.
· M'BODJ EL HADJ, Le contexte de l'élaboration
de la Constitution de la transition en République Démocratique du
Congo, communication faite au Sénat à l'occasion du
séminaire sur les perspectives de la nouvelle Constitution de la
République Démocratique du Congo, Palais du Peuple, septembre,
2004, pp.1-7.
· MBUY MBIYE TANAYI, L'état de la justice
congolaise, Discours de rentrée judiciaire 2008, Palais du Peuple,
Kinshasa/Lingwala, Octobre 2008, pp.1-21.
· MPONGO BOKAKO (E.), Les conséquences et
modalités de l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution du
18 février 2006, communication faite à la journée
scientifique sur le sort des institutions de la transition en République
Démocratique du Congo au lendemain du 30 juin 2006, Université de
Kinshasa, juin 2006, pp.1-13.
· NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), De
l'organisation de la Cour constitutionnelle congolaise: le constituant de 2006
induit-il le principe d'une organisation décentralisée de la
nouvelle juridiction constitutionnelle?, communication aux journées
de réflexion sur « la mise en place des ordres juridictionnels
institués par la Constitution du 18 février 2006 »
organisées par le Département de Droit public interne de
l'Université de Kinshasa du 29 au 31 janvier 2009, pp.1-11.
V. TEXTES
OFFICIELS
A. TEXTES CONSTITUTIONNELS
· Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux
structures du Congo, MC, 1ère année,
Léopoldville, n°21 bis du 27-28 mai 1960, pp.353-389 et MB,
27-28 mai 1960.
· Loi fondamentale du 17 juin 1960 relative aux
libertés publiques, MC, 1ère année,
Léopoldville, n°26 du 27 juin 1960.
· Constitution de la République
démocratique du Congo du 1er aout 1964, MC,
5ème année, Léopoldville, numéro
spécial du 1er aout 1964.
· Constitution de la République
démocratique du Congo du 24 juin 1967, MC,
8ème année, Kinshasa, n°14 du 17 juillet
1967.
· Acte constitutionnel harmonisé relatif à
la période de transition du 2 avril 1993, JOZ,
34ème année, Kinshasa, numéro spécial,
avril 1993.
· Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994,
JOZ, 35ème année, Kinshasa, numéro
spécial, avril 1994.
· Décret-loi Constitutionnel n° 003 du 27 mai
1997 portant organisation et exercice du pouvoir en République
Démocratique du Congo, JORDC, 38ème
année, Kinshasa, numéro spécial, mai 1997.
· Constitution de la Transition du 4 avril 2003,
JORDC, numéro spécial, 44ème
année, 5 avril 2003.
· Constitution de la République
démocratique du Congo du 18 février 2006, JORDC,
47ème année, 18 février 2006.
B. TEXTES LEGAUX
· Ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 portant
procédure applicable devant la Cour suprême de justice,
JOZ, 23ème année, Kinshasa, n°7,
1982.
· Ordonnance-loi n°82-020 du 31 mars 1982 portant
code de l'organisation et de la compétence judiciaires, JOZ,
23ème année, Kinshasa, n° 7, 1982.
· Loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation
et fonctionnement des partis politiques, JORDC, n°
spécial, 45ème année, 18 mars 2004.
· La loi n° 04/009 du 5 juin 2004 portant
organisation, fonctionnement et attributions de la Commission Electorale
Indépendante, JORDC, 45ème année,
Kinshasa, numéro spécial, 27 décembre 2004.
· La loi n°04/028 du 24 décembre 2004 portant
identification et enrôlement des électeurs en République
démocratique du Congo, JORDC, 45ème
année, Kinshasa, numéro spécial, 27 décembre
2004.
· Loi n°05/010 du 22 juin 2005 portant organisation
du référendum constitutionnel en République
démocratique du Congo, JORDC, 46ème
année, 1ère partie, numéro spécial,
Kinshasa, 25 juin 2005.
· Loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation
des élections présidentielle, législatives, provinciales,
urbaines, municipales et locales, JORDC, 47ème
année, numéro spécial, Kinshasa, 10 mars 2006.
· La loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006
portant statut des magistrats, JORDC, 47ème année,
Kinshasa, numéro spécial, 25 octobre 2006.
· La loi n°07/008 du 04 décembre 2007 portant
statut de l'opposition politique, JORDC, 48ème
année, Kinshasa, numéro spécial, décembre 2007.
· La loi organique n°08/013 du 5 août 2008
portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, JORDC, 49ème année, Kinshasa,
numéro spécial, 11 aout 2008.
· La loi organique n°08/015 du 7 octobre 2008
portant modalités d'organisation et de fonctionnement de la
conférence des gouverneurs de province, JORDC,
49ème année, numéro spécial,
Kinshasa, 10 octobre 2008.
· La loi organique n°08/016 du 7 octobre 2008
portant composition, organisation et fonctionnement des entités
territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les
provinces, JORDC, 49ème année, numéro
spécial, Kinshasa, 10 octobre 2008.
C. TEXTES REGLEMENTAIRES
· Ordonnance n°07/017 du 3 mai 2007 portant
organisation et fonctionnement du gouvernement, modalités pratiques de
collaboration entre le Président de la République et le
gouvernement ainsi qu'entre les membres du gouvernement, JORDC,
48ème année, Kinshasa, numéro
spécial, mai 2007.
· Ordonnance n°07/018 du 16 mai 2007 fixant les
attributions des ministères, JORDC, 48ème
année, Kinshasa, numéro spécial, mai 2007.
D. JURISPRUDENCE
· CSJ, R.P. 30, 3 mai 1972, B.A.C.S.J., 1973,
p.52.
· CSJ, R.A.266 du 8 janvier 1993, Les anciens membres
effectifs de l'a.s.b.l dénommée « Témoins de
Jéhovah » contre la République du Zaïre,
BACSJ, années 1990 à 1999, Kinshasa, éditions du
service de documentation et d'études du ministère de la justice,
2003, pp.78-82.
· C.E.D.H., Arrêt Burghartz c/ Suisse, 22
février 1994, série A n°280-B, § 28.
· CSJ, R.A. 278 du 21 décembre 1995,
Archidiocèse de Kinshasa contre la République du
Zaïre, BACSJ., 2003, pp.139-142.
· CSJ, Mutiri Muyongo contre HCR-PT, arrêt
RCE 001/96 du 4 février 1997, inédit.
· CSJ, Kalegamire Nyirimigabo contre HCR-PT, RCE
002/97 du 27 février 1998, inédit.
· CSJ, arrêt R. Const. 06/TSR Kazadi Nansha
Bolowa et consorts contre la loi sur les partis politiques du 24 mars
2004, BACSJ, Kinshasa, éditions du service de documentation et
d'études du ministère de la justice, 2003, pp.
· CSJ, La générale libre socialiste,
arrêt RCE 09/05 du 11 janvier 2006, inédit.
· CSJ, Bossasi Epole Bolya Kodya, arrêt du
1er février 2006, inédit.
· C.S.J., R. Const. 28/TSR, Requête en
interprétation des articles 99, 102, 105 et 108 de la Constitution de la
transition, 24 février 2006, six feuillets, inédit.
· CSJ, avis RL 012, Loi portant amnistie pour faits
de guerre, 2006, inédit.
· CSJ, Djuma Anabeku, Arrêt RCDC005/KN du
10 avril 2006, inédit.
· CSJ, La Convention chrétienne pour la
démocratie, Lisanga Bonganga, RCDC 012/KN du 13 avril 2006,
inédit.
· CSJ, Bonioma Kalokola Alou, RCDC 004/KIN du
31 août 2006, inédit.
· CSJ, Kombo Mambu Mingi, RCE PR 001 du 31
août 2006, inédit
· CSJ, Lumbala Mbuyi Joseph, RCE/DN/KIN 024 du 2
novembre 2006, inédit.
· CSJ, P.P.R.D., RCE/DN/KN/067 du 21 octobre
2006, inédit.
· CSJ, Mukungubila Mutombo Paul Joseph, RCE PR
005 du 1er septembre 2006, inédit.
· CSJ, Alliance des démocrates congolais,
RCE PR 002 du 2 septembre 2006, inédit.
· CSJ, Mouvement du 17 mai, M17, RCE PR006 du 4
septembre 2006, inédit.
· CSJ, Rassemblement congolais pour la
démocratie, RCE PR 007 du 4 septembre 2006, inédit.
· CSJ, Parti Démocratie Chrétienne,
RCE PR 008 du 4 septembre 2006, inédit.
· CSJ, Parti Rassemblement pour une nouvelle
société, RCE PR 004 du 4 septembre 2006, inédit.
· CSJ, Fonus, RCE PR 003 du 4 septembre 2006,
inédit.
· CSJ, MLC contre KABILA KABANGE Joseph,
arrêt RCE PR 009 du 27 novembre 2006, inédit.
· CSJ, Proclamation des résultats de
l'élection présidentielle, RE 006 du 27 novembre 2006,
inédit.
· CSJ, CEI contre Union pour la Nation,
RCE/ADP/012 du 9 février 2007, inédit.
· CSJ, CEI contre Union pour la Nation,
RCE/ADP/010 du 9 février 2007, inédit.
· CSJ, MBATSHI BATSHIA et NKUSU KUNZI BIKAWA contre
l'arrêt RCDC 019/020/021/025 du 8 février 2007 de la Cour
d'Appel de Matadi les opposant à FUKA UNZOLA et NE MUANDA NSEMI et le
M.L.C., BACSJ, numéro spécial, contentieux électoraux
2006-2007, Kinshasa, éditions du service de documentation du
Ministère de la justice, 2007, p.381.
· CSJ, arrêt Trésor Kapuku Ngoy contre
Assemblée provinciale du Kasaï Occidental, R.Const 051 du 31
juillet 2007, inédit.
· CSJ, arrêt Célestin Cibalonza
Byatarana contre Assemblée provinciale du Sud-Kivu, R.Const 062 du
27 décembre 2007, inédit.
· CSJ, arrêt José Makila Sumanda contre
Assemblée provinciale de l'Equateur et consorts, R.Const 078 du 19
mai 2009, inédit.
· Cour d'appel d'Elisabethville, 21 mars 1916, Jur.
Col., 1925, p.304.
· Cour d'appel de Léopoldville, 8 septembre 1936,
RJCB, 1937, p.105.
· Cour d'Appel Mbandaka, arrêt José
Makila Sumanda contre Assemblée provinciale de l'Equateur, R.A.059
du 24 avril 2009, inédit.
· C.E. belge, 26 juin 1964, Druet, Recueil Lebon,
n°10.734, p.633 ;
· C.E.belge, 26 juin 1964, Arghiri, Recueil Lebon,
n°10.735, p.633 ;
· C.E.belge, Tshombe, Recueil Lebon,
n°10.736 ; p.633
· C.E.belge, 11 septembre 1964, Debremaeker, Recueil
Lebon, n°10.776, p.701.
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE
2
DEDICACE
3
REMERCIEMENTS
4
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
6
INTRODUCTION GENERALE
9
I. PROLEGOMENES
10
A. Le contentieux constitutionnel est une
partie du droit constitutionnel
10
a. Qu'est-ce le droit
constitutionnel ?
10
b. Qu'est-ce la Constitution ?
14
c. Aperçu des textes constitutionnels
de 1885 à nos jours
23
- Etat Indépendant du Congo
23
- La Constitution belge du 7 février 1831 25
- Les lois fondamentales de 1960
26
- La Constitution du 1er
août 1964 dite de Luluabourg
28
- La Constitution du 24 juin
1967.........................................................................30
- La loi n° 90-002 du 05 juillet
1990
32
- L'Acte constitutionnel de la transition du 09
avril 1994
35
- La Constitution du 18 février 2006
38
B. Contenu et contours du contentieux
constitutionnel
38
a. Définition du contentieux
constitutionnel
39
b. Définition de la juridiction
constitutionnelle
39
c. Distinction du contentieux
constitutionnel d'avec la justice judiciaire
et la justice
politique
42
C. Des fondements théoriques du
contrôle juridictionnel
43
a. La suprématie matérielle de
la Constitution ou le titre juridique
des gouvernants
43
b. La suprématie formelle de la
Constitution : le pouvoir constituant
45
c. La garantie juridictionnelle ou
l'efficacité de la séparation des pouvoirs
46
II. PROBLEMATIQUE
54
III. INTERET ET ACTUALITE DU SUJET
57
IV. INDICATIONS METHODOLOGIQUES
60
V. PLAN SOMMAIRE
65
PARTIE I :
DES FONDEMENTS DE LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE
67
INTRODUCTION
68
CHAPITRE I : LES MODELES DE JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE.
69
Section 1 : LE MODELE AMERICAIN
70
§1. Les Etats-Unis d'Amérique
71
§2. Le Brésil
78
§3. Le Japon
81
§4. L'Israël
84
Section 2 : LE MODELE EUROPEEN
87
§1. France
88
§2. Belgique
103
§3. Allemagne
111
§4. L'exemple récent de la Russie
120
CHAPITRE II : LES TRAITS DU
CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL
125
Section 1 : LES CARACTERISTIQUES DU MODELE
AMERICAIN
125
§1. Le contrôle diffus
125
§2. Le contrôle a posteriori
127
§3. Le contrôle par voie d'exception
129
§4. Le contrôle concret
131
§5. L'autorité relative de la chose
jugée
132
Section 2 : LES CARACTERES DU MODELE
EUROPEEN
134
§1. Le contrôle centralisé
134
§2. Le contrôle a priori
136
§3. Le contrôle par voie d'action
138
§4. Le contrôle abstrait
138
§5. L'autorité absolue de la chose
jugée
141
CHAPITRE III : LES INFLUENCES DE LA
JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
146
Section 1 : L'ORDRE POLITIQUE ET LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE
147
§1. La séparation des pouvoirs ou la
place du juge constitutionnel
148
§2. La protection de la minorité
politique
158
§3. Les droits et libertés
fondamentaux
163
Section 2 : L'ORDRE JURIDIQUE ET LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE
171
§1. La primauté du droit
constitutionnel ou la constitutionnalisation
de toutes les branches du
droit et ses conséquences
173
§2. La sacralité du droit ou la
théologie du droit constitutionnel
176
§3. Le contrôle du juge ou le culte du
droit
180
CHAPITRE IV : QUEL MODELE POUR LA
REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO ?
208
Section 1 : VERS UN MODELE AFRICAIN ?
210
§1. La République sud-africaine
210
§2. Le Sénégal
217
§3. Le Bénin
228
Section 2 : LE MODELE CONGOLAIS A INVENTER
234
§1. L'état des lieux
235
§2. Propositions pour un juge constitutionnel
efficace, efficient et effectif
237
A. Composition
238
B. Statut
244
C. Procédure
248
PARTIE II :
DES MODALITES D'EXERCICE DE LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO
255
INTRODUCTION
256
CHAPITRE I : ORIGINES ET EVOLUTION
HISTORIQUE DE LA NOTION
DE JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU
CONGO
258
Section 1 : CREATION DE LA JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE
260
§1. Création et installation
manquée de la Cour constitutionnelle par
la Loi fondamentale du
19 mai 1960
260
§2. Création de la Cour
constitutionnelle par la Constitution du 1er août 1964
262
§3. La Cour suprême de justice
instituée juge constitutionnel par la Constitution
du 24 juin
1967(Article VII des dispositions transitoires)
266
A. La Cour suprême de justice, juge
constitutionnel provisoire (1968-1974)
267
B. La Cour suprême de justice, juge
constitutionnel définitif (de 1974 à ce jour)
270
C. Le Comité central du Mouvement populaire
de la Révolution, organe
de règlement du contentieux
électoral (1988-1990)
271
Section 2 : DEVELOPPEMENT DE LA NOTION DE
JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE
273
§1. A travers la Loi fondamentale du 19 mai
1960
273
§2. A travers la Constitution dite de
Luluabourg du 1er août 1964
275
§3. A travers la Constitution du 24 juin 1967
et les Actes constitutionnels
de la transition
276
A. De 1990 à 1997 ou la transition
démocratique
277
B. De 1997 à 2006 ou la transition des
belligérants
279
§4. A travers la Constitution du 18
février 2006
283
CHAPITRE II : LA COMPETENCE DU JUGE
CONSTITUTIONNEL
287
Section 1 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIERE
GRACIEUSE
288
§1. La réception du serment
constitutionnel du Président de la République
288
§2. Le constat de la vacance au poste de
Président de la République
292
§3. La proclamation des résultats
électoraux et référendaires
297
A. Cas des résultats électoraux
298
1. Election présidentielle
298
2. Elections législatives :
301
a) Elections législatives
nationales
301
b) Elections législatives
provinciales en cas d'appel
304
B. Cas des résultats
référendaires
304
§4. Le dépôt de la
déclaration du patrimoine familial du Président de la
République
et des membres du gouvernement
306
§5. La déclaration de conformité
des ordonnances de l'article 145 de la Constitution
307
Section 2 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIERE
CONTENTIEUSE
311
§1. Le contrôle de
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi
312
a) Les lois
................................................................................................
313
1.Les lois constitutionnelles
313
2.Les lois organiques
314
3.Les lois adoptées par
référendum ou lois référendaires
316
4.Les lois ordinaires
317
5. Les édits
provinciaux....................................................................................318
b) Les actes ayant force de loi
319
1.Synthèse sur le régime des actes
ayant force de loi
319
2.Application concrète dans la Constitution
du 18 février 2006
322
c) Les actes d'assemblée
324
1. Le règlement intérieur de
l'Assemblée nationale
327
2. Le règlement intérieur du
Sénat
328
3. Le règlement intérieur du
Congrès
328
4. Les résolutions
328
5. Les recommandations
330
6. Les actes d'assemblée provinciale 330
§2. Le contrôle de
constitutionnalité des règlements
331
A. Les règlements des
autorités administratives indépendantes
334
1. La commission électorale nationale
indépendante
335
2. Le conseil supérieur de
l'audiovisuel et de la communication
336
B. Les actes de gouvernement
337
C. Les règlements des cours et
tribunaux
339
D. Le règlement autonome
340
§3. Le recours en interprétation de la
Constitution
342
A. Position du problème
d'interprétation : conflit politique
345
B. Méthode judiciaire
d'interprétation
346
C. Du point de vue du type de
contrôle
357
1. Le contrôle externe de la
constitutionnalité
357
a) L'incompétence du législateur
357
b) Le vice de procédure
359
2. Le contrôle interne de la
constitutionnalité
359
a) La violation de la Constitution
359
b) Le détournement du pouvoir
360
D. Du point de vue des moyens de
contrôle
360
E. Etat des lieux en RD Congo
362
§4. Les contestations électorales et
référendaires
366
A. Le contentieux électoral
367
1. L'élection
présidentielle
368
2. Les élections législatives
nationales
368
B. Le contentieux
référendaire
369
§5. Les conflits d'attributions entre pouvoirs
exécutif et législatif
et entre l'Etat et les
provinces
370
A. Conflits entre Exécutif et
Législatif dans l'Etat
372
1. Les questions politiques
375
2. Les conflits juridiques
376
B. Conflits entre provinces et l'Etat
379
1. Les contestations politiques
379
2. Les querelles juridiques
380
C. Le cas spécifique des conflits
entre provinces
381
1. Position du problème
382
2. Règle de solution
382
§6. Le contrôle de conformité des
traités et accords internationaux
383
A. Controverse doctrinale entre
thèses moniste et dualiste
384
B. Point de vue et pratique internationale
de la République
Démocratique du Congo
387
§7. Le règlement des juges judiciaire
et administratif
391
A. Solution du droit comparé
391
B. Solution traditionnelle en
République démocratique du Congo
392
C. Proposition de lege ferenda
393
§8. La répression des infractions
politiques dans le chef du Chef de l'Etat
et du Premier ministre
395
A. Problème de la nature des
infractions visées
398
B. Les éléments constitutifs
des infractions constitutionnelles prévues
400
C. Problématique de la sanction
pénale
403
D. Le privilège de juridiction et le
double degré de juridiction : violation
de l'article 61 de
la Constitution ?
403
§9. Le contrôle de
constitutionnalité des arrêts de la Haute Cour militaire :
une anomalie de l'article 83, alinéa 3 du code judiciaire
militaire?
405
CHAPITRE III : PROCEDURE DEVANT LE
JUGE CONSTITUTIONNEL
408
Section 1 : LES RECOURS DEVANT LE JUGE
CONSTITUTIONNEL
408
§1. En matière de contrôle de
constitutionnalité des lois
408
A. Cas de l'action en
inconstitutionnalité
409
1. Hypothèse du contrôle
à priori
409
2. Occurrence du contrôle à
posteriori
412
B. Cas de l'exception
d'inconstitutionnalité
413
§2. En matière d'interprétation
de la Constitution
414
A. L'organisation du pouvoir politique
415
B. Les droits et libertés
fondamentaux
417
C. La place des principes
généraux à valeur constitutionnelle
418
§3. En matière de recours en
conformité des traités et accords internationaux
421
A. Pratique diplomatique de la
République démocratique du Congo
421
B. Pratique jurisprudentielle
422
§4. En matière de contentieux
électoral et référendaire
423
Section 2 : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE ET
DE MISE
EN ETAT DE LA CAUSE
424
§1. Les conditions générales de
recevabilité de la requête devant
le juge
constitutionnel
425
A. De la forme de la demande
425
B. Des mentions obligatoires de la
requête
426
C. Des éléments du
mémoire
427
D. Du nombre des copies et de
l'élection du domicile
428
§2. Les conditions particulières de
recevabilité de la requête
429
A. La forme de la demande
429
1. L'initiative émanant du
Président de la République
430
2. L'initiative émanant des bureaux
des chambres parlementaires
432
3. L'initiative du Gouvernement
432
4. L'initiative du Procureur
général de la République ou celle du Procureur
général près la Cour constitutionnelle
433
5. Les parlementaires :
députés et sénateurs
435
6. Les particuliers :
436
a) Personnes physiques
436
b) Personnes morales
437
c) Partis politiques
437
d) Cas spécial des regroupements
politiques
438
B. L'introduction de la cause et la
publicité
438
C. Les mentions de la requête
introductive d'instance
440
1. L'identification de la partie
requérante
440
2. L'identification de la partie adverse
440
3. L'objet de la demande
441
4. L'inventaire des pièces formant le
dossier
441
§3. La mise en état de la cause
442
A. Les débats judicaires
442
B. Problématique de la
représentation des parties par les Avocats
devant la Cour
constitutionnelle
442
§4. L'intervention volontaire des parties
à l'instance : la question de désistement
444
CHAPITRE IV : LES EFFETS DES
DECISIONS DU JUGE CONSTITUTIONNEL
446
Section 1 : LE CONTROLE A PRIORI OU LA CENSURE
DES ACTES
JURIDIQUES EN CHANTIER
447
§1. Les lois
447
A. Les lois constitutionnelles
448
B. Les lois organiques
449
C. Les lois ordinaires
449
D. Les actes ayant force de loi
449
§2. Les ordonnances présidentielles de
l'article 145 de la Constitution
450
§3. Les règlements des
assemblées
450
§4. Les traités et accords
internationaux
451
A. Effet vis-à-vis du pouvoir
constituant
452
B. Conséquence à l'endroit du
pouvoir exécutif
452
C. Attitude du pouvoir législatif
452
Section 2 : LE CONTROLE A POSTERIORI OU LA
CENSURE DES ACTES
JURIDIQUES ACHEVES
453
§1. Les cas de contrôle positif
454
A. Les lois constitutionnelles
454
B. Les lois organiques
454
C. Les lois ordinaires
465
D. Les actes ayant force de loi
465
E. Les actes d'assemblée
465
F. Les actes réglementaires
467
§2. L'exécution des décisions du
juge constitutionnel
467
A. A l'égard des parties
472
B. Vis-à-vis des tiers penitus
extranei
472
C. A l'endroit des pouvoirs publics
473
1. Les autorités gouvernementales
474
2. Le parlement
477
3. Les juridictions
478
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
481
CONCLUSION GENERALE
483
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
490
I. OUVRAGES
490
II. CONTRIBUTIONS ET ARTICLES SCIENTIFIQUES
515
III. COURS, THESES ET MEMOIRES
523
IV. COMMUNICATIONS
526
V. TEXTES OFFICIELS
528
TABLE DES MATIERES
533
* 1 ROUSSEAU (D.), Droit
du contentieux constitutionnel, 6ème édition,
Paris, Montchrestien, 2001, p.474.
* 2 Il s'agit d'un
néologisme que l'on doit à Emmanuel KANT qui devrait
s'écrire correctement nooumène du grec ancien
noumenon qui signifie tout simplement « la
réalité intelligible, objet de la raison, opposée à
la réalité sensible, objet des sens ».
* 3 LALANDE (A.),
Vocabulaire technique et critique de la philosophie,
9ème édition, Paris, PUF, 1962, p.726. Par
phénoménologie, il faut entendre « une étude
descriptive d'un ensemble des phénomènes, tels qu'ils se
manifestent dans le temps ou l'espace, par opposition soit aux lois abstraites
et fixes de ces phénomènes ; soit à des
réalités transcendantes dont ils seraient la manifestation ;
soit à la critique normative de leur
légitimité ».
* 4 PRELOT (M.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
5ème édition, Paris, Dalloz, 1972, p.31,
n° 21.
* 5 Voir CONSTANTINESCO (V.)
et PIERRE-CAPS (S.), Droit constitutionnel, Paris, P.U.F., 2004. Ces
deux auteurs sont dans la mouvance de Marcel Prélot ci-haut
exposée.
* 6 FAVOREU (L.), GAIA (P.),
GHEVONTIAN (R.) et Alii, Droit constitutionnel, 8ème
édition, Paris, Dalloz, 2005, pp.19-24. ; voir aussi TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, pp.1-8.
* 7 NTUMBA-LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa, EUA,
2005, p.8.
* 8 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA
(E.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa, EUA,
2001, p.6.
* 9 CHAMPAGNE (G.),
L'essentiel du droit constitutionnel, 1. Théorie
générale du droit constitutionnel, 4ème
édition, Coll. Les Carrés, Paris, Gualino Editeur, 2004, p.9.
* 10 LACROIX (B.),
« Les fonctions symboliques des constitutions »,
in SEURIN (J.-L.) (sous la direction de), Le constitutionnalisme
aujourd'hui, Paris, Economica, 1984, pp.186-199.
* 11 LENOIR (H.) et MOYRAND
(A.), L'essentiel sur le droit constitutionnel et institutions politiques,
Paris, l'Hermès, 1994, p.5. La définition proposée
par ces auteurs a le mérite cependant d'avoir souligné les deux
angles de vision du droit constitutionnel en dépit de la critique
épistémologique que nous lui opposons ci-dessus.
* 12 PINDI MBENSA KIFU,
Cours d'introduction générale à l'étude du
droit, 1er graduat, 1984-1985, Faculté de droit, UNIKIN,
polycopié, pp. 23-24, inédit. Le professeur cite parmi les
branches du droit imparfait, le droit public interne sans aucune distinction
ainsi que le droit international public.
* 13 Les travaux de
l'école d'Aix dirigés notamment par Louis FAVOREU et son CERJC
sont là pour témoigner en effet de la vitalité de la
question de la justice constitutionnelle au coeur du droit constitutionnel
contemporain. François LUCHAIRE est de la même veine lorsque l'on
lit les nombreux travaux qu'il a publiés à propos de la justice
constitutionnelle.
* 14 . L. FAVOREU et Alii,
op.cit., p.V.
* 15 BURDEAU (G.),
Traité de science politique, 2ème
édition, tome IV, Paris, LGDJ, p.45.
* 16 Lire aussi la
contribution du professeur Joseph PINI : « Qu'est-ce qu'une constitution ?
», in MATHIEU (B.) et alii (sous la direction de), Constitution et
construction européenne, Cahiers constitutionnels de Paris I,
Dalloz, 2006, pp. 13-18
* 17 TROPER (M.), «
Marshall, Kelsen, Barak et le sophisme constitutionnaliste », in
ZOLLER (E.) (sous la direction de), Marbury v. Madison : 1803-2003. Un
dialogue franco-américain, Paris, Dalloz, 2003, p. 215-228.
* 18 NTUMBA-LUABA LUMU
(A.-D.), op.cit., pp. 119-120.
* 19 Article 16 de la
Déclaration de droits de l'homme et du citoyen.
* 20 CHAGNOLLAUD (D.),
Droit constitutionnel contemporain, 4ème
édition, Paris, Armand Colin, 2005, pp.24-26.
* 21 Lire, pour une
recherche approfondie de cette théorie, LORENZ (K.) et POPPER (K.),
L'avenir est ouvert. Entretiens d'Altenberg. Textes du symposium Popper
à Vienne (1985), Paris, Flammarion, 1990, Traduction par J.
Étoré, 175 p. : L'avenir est ouvert. ; LORENZ (K.),
Les fondements de l'éthologie (1978), Paris, Champs Flammarion,
1997, Traduction par J. Étoré, 426 p. : Les fondements de
l'éthologie ; LORENZ (K), Les huit péchés
capitaux de notre civilisation, Paris, Flammarion, 1973, Traduction par
É. de Miribel, 169 p. : Huit péchés capitaux ;
LORENZ (K.), L'envers du miroir. Une histoire naturelle de la
connaissance (1973), Paris, Champs Flammarion, 1975, Traduction par J.
Étoré, 349 p. : L'envers du miroir ; LORENZ (K.),
L'agression. Une histoire naturelle du mal (1963), Paris, Champs
Flammarion, 2006, Traduction de V. Fritsch, 285 p. : Agression ;
LORENZ (K.), « Le tout et la partie dans la société
animale et humaine. Un débat méthodologique » (1950),
in LORENZ (K.), Trois essais sur le comportement animal et humain,
Paris, Seuil, 1970, Traduction par C. et P. Fredet, pp. 73-176. : « Le
tout et la partie ».
* 22 Lire BEISER (F.C.),
Enlightenment, Revolution and Romanticism. The Genesis of Modern German
Political Thought, 1790-1800, Cambridge-Massachusetts, London, Harvard
University Press, 1992, pp. 238-239.
* 23 Voir BÖCKENFORDE
(E.W.), Le droit, l'État et la constitution démocratique.
Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle,
Paris-Bruxelles, LGDJ-Bruylant, Collection La pensée juridique, 2000,
Présentation et traduction par JOUANJOUAN (O.), avec la
collaboration de ZIMMER (W.) et BEAUD (O.), pp. 55-62 ; A. DUFOUR (A.),
Droits de l'Homme, Droit naturel et histoire. Droit, individu et pouvoir, de
l'École du Droit naturel à l'École du Droit
historique, Paris, PUF, Léviathan, 1991, p. 235 notamment.
* 24 CHAGNOLLAUD (D.),
op.cit., p.27.
* 25 TURPIN (D.), op.
.cit, p.74.
* 26 DJOLI ESENG'EKELI
(J.), Le constitutionnalisme africain : Entre la gestion des
héritages et l'invention du futur. Contribution à
l'émergence d'une théorie africaine de l'Etat, Paris,
Connaissances et Savoirs, 2006, p. 492.
* 27 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « L'autorégulation sociale sous l'Afrique noire
postcoloniale. Impuissance du droit, primauté de la parenté et de
la mysticité », Communication au colloque « Droit et
Développement », Kinshasa, Faculté de droit,
Université de Kinshasa, 1981.
* 28 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « L'autorégulation sociale sous l'Afrique noire
postcoloniale. Impuissance du droit, primauté de la parenté et de
la mysticité », Communication au colloque « Droit et
Développement », Kinshasa, Faculté de droit,
Université de Kinshasa, 1981.
* 29 KITETE KEKUMBA OMOMBO,
Cours de droit constitutionnel et institutions politiques,
1er graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 1986-1987,
polycopié, p. 34, inédit.
* 30 Voir MARX (K.) et
ENGELS (F.), Le capital, coll. OEuvres complètes, Moscou,
éditions sociales, 1977, pp. 23-45.
* 31 Idem, p.45.
* 32 FAURE (Y.-A.)
« Les constitutions et l'exercice du pouvoir en Afrique noire.
Pour une lecture différente des textes » in SEURIN
(J.-L.), op. cit, pp. 214-230.
* 33 Idem, p.216.
* 34 Ibidem, p.220.
* 35 Cet adjectif
apparaît, à la Faculté de droit de l'Université de
Kinshasa, sous la plume du Professeur Augustin KITETE KEKUMBA OMOMBO.
Au-delà du caractère métaphysique que l'on s'expliquerait
difficilement dans une définition strictement juridique, nous devons
à cet auteur de souligner déjà à vingt ans
d'écart ce qui est entrain de s'appeler « le droit
constitutionnel théologique ». Le droit constitutionnel
étant un droit de la fondation, la tentation est grande de l'assimiler
à la science de la création qui est la théologie
chrétienne avec son credo d'un Dieu unique, créateur de tout le
cosmos et qui édicte des règles éternelles et
transcendantales. N'est-ce pas là déjà l'émergence
ou la résurgence de l'inconscient du mythe judéo-chrétien
fondateur de l'occident et de son droit, expression de cette cosmogonie ?
* 36 de VILLIERS (M.),
Dictionnaire de droit constitutionnel, 3ème
édition, Paris, Armand Colin, 2001, p.48.
* 37 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, Bruxelles, Larcier,
Kinshasa, Afrique-Editions, 2007, p.184.
* 38 Idem, p.184.
* 39 B.O., 1885,
pp.25-29.
* 40 B.O., 1894,
pp.186-187.
* 41 B.O., 1887,
pp.169-172.
* 42 B.O., 1889,
pp.161-163.
* 43 B.O., 1890,
pp.154-159.
* 44 de SAINT MOULIN (L.),
« Brève histoire des constitutions du
Zaïre », Zaïre-Afrique, Kinshasa,
31ème année, n° 256, p.291.
* 45 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op. cit, p.184.
* 46 CATTIER (F.),
Etude sur la situation de l'Etat indépendant du Congo, Paris,
Bruxelles, Veuve Larcier, 1906, p.323.
* 47 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op. cit, p.187.
* 48 Article
1er, alinéa 4 de la Constitution belge.
* 49 IYELEZA MOJU-MBEY et
Alii, Recueil des textes constitutionnels de la République du
Zaïre du 19 mai 1960 au 28 avril 1991 avec, en annexe, la Charte coloniale
du 18 octobre 1908, Kinshasa, Ise-Consult, 1991, p.23.
* 50 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, Cours des institutions politiques du Zaïre,
polycopié, 2ème graduat, Faculté de
droit, 1987-1988.
* 51 DJELO EMPENGE OSAKO,
L'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire. Le cas
du Zaïre, Louvain-la-Neuve, Ottignies, Le bel élan
éditeur, 1990, p.40.
* 52 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op. cit, p.191.
* 53 DJELO EMPENGE OSAKO,
op. cit, p. 40.
* 54 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op. cit, p.192.
* 55 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, op. cit, p.123 ; voir aussi VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), op.cit., p. 194. Les deux auteurs précités
opinent justement que la Constitution dite de Luluabourg avait, dans sa phase
d'écriture constitutionnelle, été l'oeuvre d'un organe non
prévu par la Loi fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai
1960. Il s'agit, à ce jour, d'un débat dépourvu
d'intérêt scientifique tant l'approbation par referendum semble,
à nos yeux, agir ex tunc.
* 56 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, op. cit, p.194.
* 57 VUNDUAWE te PEMAKO,
A l'ombre du léopard. Vérités sur le régime de
Mobutu Sese Seko, tome I, Bruxelles, éditions Zaïre Libre,
2000, p. 165.
* 58 NGONDANKOY
NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Droit congolais des droits de l'homme,
Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2004, p.70. Voir VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, Bruxelles, Kinshasa,
Larcier, Afrique Editions, 2007 qui consacre de belles pages au recensement de
ces révisions constitutionnelles. C'est le premier travail doctrinal de
systématisation en droit congolais, à notre connaissance.
* 59 DJELO EMPENGE OSAKO,
op. cit. pp.72 et s; KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, op. cit.,
p.158; il semblerait même que le professeur Marcel Antoine LIHAU
aurait opiné dans le sens de deux premiers doctrinaires à lire le
témoignage du professeur Sayeman BULA-BULA, En ce temps-là,
in Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise,
Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Bruxelles, Kinshasa, Bruylant,
Presses de l'Université de Kinshasa, 2006, pp. XXII-XXIII. Evariste
BOSHAB voit dans ce texte une nouvelle Constitution différente de la
Constitution du 24 juin 1967. Lire dans ce sens son article intitulé
« L'état d'urgence et le contrôle de la
constitutionalité des mesures d'urgence dans l'Acte constitutionnel de
la transition zaïroise », Revue de Droit Africain,
n°2, avril 1997, Bruxelles, p.12
* 60 MOBUTU SESE SEKO,
Discours, allocutions et messages, Paris, éditions du Jaguar,
1988, p.
* 61 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, Cours d'institutions politiques du zaïre, p.234.
* 62 MOBUTU SESE SEKO,
Discours, allocutions et messages, tome 3, Paris,
éditions du Jaguar, 1988, pp. 388- 428.
* 63 Article 60 de la
Constitution du 24 juin 1967 telle que révisée le 31
décembre 1980.
* 64 KALUBA DIBWA, Essai
d'évaluation des chances du retour de la démocratie au
Congo-Zaïre, Mémoire de licence, UNIKIN, Faculté de
Droit, 1993, 79 pp.
* 65 MABANGA MONGA MABANGA,
op.cit., p.87.
* 66 MABANGA MONGA MABANGA,
op.cit., p.88
* 67 Idem, eodem
loco.
* 68 Il ne s'agit pas ici
d'analyser le mode d'élaboration et d'écriture de ce texte qui
relève sans conteste des modes autocratiques d'établissement des
constitutions ; cependant, il pose un problème précis dans
la mesure où, quant à son contenu, il ne marque qu'une rupture
timide par rapport au chapitre relatif aux libertés publiques et
même une incohérence fondamentale avec la nature juridique et
politique du régime qu'il institue car l'article 37 de l'Acte
constitutionnel de la transition qu'il entendait ainsi partiellement abroger
fondait tout congolais à s'opposer à un régime issu des
armes. Ceci n'a pas tardé à survenir. Et pourtant cette
disposition est demeurée en vigueur !
* 69 Lire MBOKO DJ'ANDIMA,
L'Etat de droit constitutionnel en République démocratique du
Congo. Contribution à l'étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de DES en Droit public,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2005, p.71.
* 70 Voir JORDC,
39ème année, n°19, 1 octobre 1998, p.6.
* 71 Voir JORDC,
numéro spécial, février 1999, pp.6-7.
* 72 Voir JORDC,
n° spécial, 1er juillet 2000, pp.3-14.
* 73 Pou les détails
sur cette étape historique, lire avec intérêt Recueil
de textes pour le dialogue intercongolais in JORDC,
42ème année, n° spécial, Kinshasa, Mai
2001, 245 pp.
* 74 Lire, pour des plus
amples détails sur les péripéties de cette constitution et
son élaboration, Recueil de textes pour le dialogue intercongolais
in JORDC, 42ème année, n° spécial,
Kinshasa, Mai 2001, 245 pp ; M'BODJ EL HADJ, Le contexte de
l'élaboration de la Constitution de la transition en République
Démocratique du Congo, communication faite au Sénat à
l'occasion du séminaire sur les perspectives de la nouvelle Constitution
de la République Démocratique du Congo, Palais du Peuple,
septembre, 2004, pp.1-7 ;voir aussi ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La
constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du
constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, Thèse
de doctorat en droit public, Université Paris 1 Panthéon
Sorbonne, 17 juin 2009.
* 75 Voy. ESAMBO KANGASHE
(J.-L.), La Constitution congolaise du 18 février 2006 à
l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives,
Thèse de doctorat en droit public, Université de Kinshasa,
Faculté de Droit, Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne,
17 juin 2009, (cotutelle).
* 76 Lire avec
intérêt BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers à
l'épreuve du temps, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007,
338pp.
* 77 Il est certes fort
tentant d'analyser les conflits éventuels que des règles
coutumières inférieures pourraient susciter à l'endroit de
la coutume fondatrice du clan ou de celle de la tribu qui serait ainsi tenue
pour coutume constitutionnelle ; il serait en cette occurrence pensable de
voir comment le contrôle de constitutionnalité des coutumes
s'exerce. Nous avons abandonné cette perspective qui se buttait à
deux obstacles épistémologiques majeurs : ouvrir
indéfiniment le sujet de notre recherche tant par rapport au temps
qu'à l'espace du territoire national et perdre ainsi
inéluctablement le lieu précis du discours qui fonde la
scientificité de la thèse.
* 78 MABANGA MONGA
MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, EUA,
1999, p.7.
* 79 de VILLIERS (M.),
Dictionnaire du droit constitutionnel, 3ème édition,
Paris, Armand Colin, 2001, p. 56, v° contentieux constitutionnel.
* 80 MABANGA MONGA MABANGA,
op. cit, p.11.
* 81 FAVOREU (L.) et Alii,
Droit constitutionnel, 8ème édition, Paris,
Dalloz, 2005, p.199, n°243.
* 82 Idem, op. cit,
p.231, n°315.
* 83 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, coll. Connaissance du droit,
Droit public, Paris, Dalloz, 1996, p.2.
* 84 KELSEN (H.),
«La garantie de la constitution (la justice
constitutionnelle ») in R.D.P., 1928, n°5, pp.198-257.
* 85 EISENMANN (C.), La
justice constitutionnelle et la Haute cour constitutionnelle d'Autriche,
nouvelle édition, Aix- Marseille, PUAM, Paris, Economica, 1986,
p.123.
* 86 Voy CARRE DE MALBERG
(R.), La loi, expression de la volonté générale,
(réimpression), Paris, Economica, 1984, pp. 16-22 et 67.
Contra : VEDEL (G.), Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1949,
p.118 ; ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel,
8ème édition, Paris, LGDJ, 1996, p.112,
n°84.
* 87 Article 61 de la Loi
n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des
partis politiques, JORDC, n° spécial, 18 mars 2004,
p.15.
* 88 Article 40 de la Loi
fondamentale complétée par la loi du 23 septembre 1963 relative
à l'organisation et à la procédure de la Haute Cour de
justice, MC, n°10, 15 mai 1964, pp. 271-273.
* 89 Il suffit de se
rappeler les procès Nguz a Karl i Bond ou des treize parlementaires pour
se convaincre que la justice politique n'a fonctionné que dans son
aspect répressif à l'égard des gouvernés.
* 90 MABANGA MONGA MABANGA,
op. cit, pp.11-12.
* 91 Idem, op. cit,
p. 13.
* 92 DUBOUIS (L.) et
PEISER (G.), Droit public, 16ème édition,
Paris, Dalloz, 2003, p.3.
En ce qu'elle constitue les autorités suprêmes
de l'Etat, la Constitution en constitue, à coup sûr, le titre
juridique en vertu duquel lesdites autorités prétendent
légitimement exercer le pouvoir. Dès lors, il est logique
qu'aucune autorité constituée ne saurait, sauf à avoir des
tendances suicidaires, contester la suprématie du titre qui fonde le
pouvoir exercé. Voilà pourquoi, du point de vue substantiel, les
normes matérielles s'imposeraient plus facilement à ceux qui ont
le pouvoir de vouloir pour la Nation.
* 93 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit, p.92,
n°66.
* 94 Cité par ARDANT
(P.), op. cit, p.93.
* 95 Ibidem
* 96 ALLAND (D.) et RIALS
(S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique,
Paris, Lamy, Quadrige, PUF, 2003, pp. 257-266.
* 97 ROUSSEAU (D.),
« Une résurrection : la notion de
constitution » in RDP, 1990, pp.5-22 ; voir aussi une
application concrète de cette idée dans KAMUKUNY MUKINAY (A.),
Contribution à l'étude de la fraude en droit constitutionnel
congolais, Thèse de doctorat en droit, Université de
Kinshasa, Faculté de Droit, 2007, 585p.
* 98 Ainsi peut-on
apprécier la publication de nombreuses études de sciences
sociales s'intéressant à cette question de l'accès au
droit ; par exemple : BIHR (A.) et PFEFFERKORN (R.), Déchiffrer les
inégalités, Paris, La Découverte, Syros, 1999 ;
CHAZEL (F.) et COMMAILLE (F.), Normes juridiques et régulation
sociale, Paris, LGDJ, 1991 ; Conseil d'État, L'aide
juridictionnelle : pour un meilleur accès au droit et à la
justice, Paris, La Documentation française, 1991 ; DEFFAINS (B.),
« Économie de la Justice », dans Dictionnaire de la
justice, CADIET (L.), (sous la direction de), Paris, PUF, 2004 ; DEFFAINS
(B.) et DORIAT-DUBAN (M.), « Équilibre et régulation du
marché de la justice : délai versus prix »,
Revue économique, n° 5, 2001, pp. 949-974 ; DUBET (F.),
Les inégalité multipliées, Paris, Édition
de l'Aube, 2000 ; INSEE, Données sociales 2002-2003 : la
société française, Paris, Insee, 2002 ; J. FAGET,
« Regard sociologique sur l'accès au droit », dans
L'accès au droit, LEDUT (F.), (sous la direction de), Tours,
Publications de l'Université François Rabelais, 2002 ;
Ministère de la Justice, Annuaire statistique de la Justice
2005, Paris, La Documentation française, 2005 ; ROUET (G.),
Justice et justiciable au 19ème et 20ème siècle,
Paris, Belin, 1999 ; TREVES (R.), Sociologie du droit, Paris, PUF,
1995.
* 99 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques,
16ème édition, Paris, Montchrestien, 1999,
p.172.
* 100 NTUMBA-LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, op.cit,
p.166.
* 101 Voir, dans ce sens,
FATIN-ROUGE STEFANINI (M.), « Justice constitutionnelle, justice
ordinaire, justice supranationale : à qui revient la protection des
droits fondamentaux en Europe ? », (en collaboration avec Laurence Gay)
« II -Le constat du désordre », rapport présenté
lors de la XXe Table Ronde internationale sur la justice constitutionnelle,
Annuaire International de justice constitutionnelle, 2004, pp.
233-244.
* 102 GICQUEL (J.),
op. cit, pp.172-174.
* 103 Un proverbe
français ne dit-il pas que chat échaudé craint l'eau
froide ? Chez nous, en langue lingala, ne dit-on pas que « Moto
basui ye na nyoka abangaka ligorodo ? ». Traduction : Une
personne déjà mordue par un serpent a peur même d'un
crapaud.
* 104 BARAK (A.),
« La révolution constitutionnelle : la protection des
droits fondamentaux » in Pouvoirs, n°72, Paris, 1994,
p.17.
* 105 MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel,
Kinshasa, EUA, 2001, p.105.
* 106 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit,
p.164.
* 107 Cité par
GICQUEL (J.), op. cit, p.174.
* 108 MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (E.), op. cit, p.105.
* 109 LENOIR (H.) et
MOYRAND (A.), Essentiel de droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, L'Hermès, 1994, p.
* 110 GICQUEL (J.),
op.cit., p.175.
* 111 CC, 23 août
1985, Nouvelle Calédonie, p.70.
* 112 MATADI NENGA GAMANDA,
La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique
du Congo, une contribution à une théorie de réforme,
Edition Droit et Idées nouvelles, Kinshasa, 2001, 530p.
* 113 Lire SEURIN (J.-L.),
« Des fonctions politiques des constitutions. Pour une
théorie politique des constitutions », in SEURIN (J.-L.),
(sous la direction de), Le constitutionalisme aujourd'hui, Paris,
Economica, 1984, pp. 35-52.
* 114 Lire NICOLSON (H.),
La monarchie. Du droit divin aux constitutions modernes, Paris, Hachette,
1962.
* 115 GOOSSENS (C.),
préface à DJELO EMPENGE OSAKO (V.), L'impact de la coutume
sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire. Le cas du Zaïre,
Louvain-la-Neuve, Le bel Elan, 1990, pp.7-20.
* 116 BOSHAB (E.),
Pouvoir et droit coutumiers à l'épreuve du temps,
Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007, p.119. Cet auteur fait une
belle démonstration sociologique de l'influence néfaste des
coutumes et souvent du pouvoir coutumier sur l'Etat moderne postcolonial. Il
nous semble cependant qu'il soit fort possible de trouver dans les valeurs
ancestrales certaines qui soient positivables et qui, de ce fait, soient dignes
de figurer au rang des innovations institutionnelles congolaises. La question
est à la fois d'ordre ontologique car il s'agit de parler de
l'être du congolais ; or, cet être collectif est, à nos
yeux, en pleine construction et selon les soubresauts de l'histoire. Ainsi
donc, il est épistémologiquement difficile de le saisir
déjà comme quelque chose d'achevé. Et l'Etat
lui-même aurait-il déjà achevé toutes les mutations
dues aux contorsions de l'histoire ?
* 117 Sayeman BULA-BULA,
« En ce temps-là », in Pour
l'épanouissement de la pensée juridique congolaise, Liber
Amicorum Marcel Antoine Lihau, Bruxelles, Kinshasa, Bruylant, Presses de
l'université de Kinshasa, 2006, p.XXI.
* 118 NDAYWEL e NZIEM
(I.), Histoire générale du Congo. De l'héritage ancien
à la République démocratique, Paris, Kinshasa,
Bruxelles, Agence de la Francophonie, De Boeck et Larcier, Afrique
éditions, 1998, pp.39-75 qui constituent la première partie
consacrée à l'espace, aux hommes et aux structures de la Rd
Congo. Instructif !
* 119 Lire BOSHAB (E.),
Pouvoir et droit coutumiers à l'épreuve du temps,
Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007, 338pp. Cet auteur
perçoit, à notre avis, la bataille que se livrent ces deux
sources normatives mais plaide en fin de compte pour le droit écrit. La
synthèse n'est-elle pas possible ? Le droit écrit occidental
n'est-il pas un mélange subtil des coutumes de l'ancien régime
d'avec les lois de l'Etat postrévolutionnaire ? Et, pourquoi cela
serait-il impossible en Rd Congo ?
* 120 Voir KI-ZERBO (J.),
Histoire de l'Afrique noire d'hier à demain, Paris, Hatier,
1972.
* 121 Lire CHEVALLIER
(J.), L'Etat de droit, 2ème édition, coll.
Clefs, Paris, Montchrestien, 1994, 158pp.
* 122 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, Cours d'institutions politiques du Zaïre,
2ème graduat, Université de Kinshasa,
Faculté de Droit, polycopié, 1987-1988. Cet auteur utilise cette
métaphore à propos du mimétisme institutionnel africain
dont l'efficacité est plus que douteuse.
* 123 DJOLI ESENG'EKELI
(J.), Le constitutionalisme africain. Entre la gestion des héritages
et l'invention du futur, Paris, Connaissances et savoirs, 2006, p.
* 124 MOBUTU SESE SEKO,
Dignité pour l'Afrique. Entretiens avec Jean-Louis Remilleux,
Paris, Albin Michel, 1989, p.85-86.
* 125 KALUBA DIBWA (D.),
La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême
en droit public congolais, Kinshasa, Eucalyptus, 2007 ; voir aussi
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit, Kinshasa, EUA, 1999.
* 126 Cette
problématique qui se situe déjà dans le
« comment » du contrôle implique des sous-entendus
idéologiques essentiels, notamment qu'un juge a le pouvoir et la
légitimité nécessaires pour censurer les actes des
représentants de la Nation ou du peuple. C'est, en d'autres termes,
admettre que la Nation peut se tromper et être corrigée par une
technostructure sans aucune légitimité démocratique mais
détenant du fait de la seule volonté constituante une
légitimité constitutionnelle qui ne peut paraître
finalement que comme une légitimité technique. Il s'agit d'une
véritable révolution dans le système de pensée
politique rousseauiste qui avait depuis le XVIIème siècle
dominé l'Occident.
* 127 Par exemple, les
Constitution de la République du Bénin du 11 décembre
1990, article 122 ; de la République du Burundi du 13 mars 1992,
article 153 ; de la République du Cap-Vert du 14 février
1981 révisée le 4 septembre 1992, article 305 ; de la
République du Congo, article 148 et de la République gabonaise du
26 mars 1991, articles 83 et suivants.
* 128 Etymologiquement,
arbitrari ne signifie-t-il pas juger ? Il est évident
que, de ce point de vue, nous assumons le fait que nous avons jugé et il
ne pouvait en être autrement.
* 129 Lire avec
intérêt l'excellent ouvrage de Marie-Joëlle REDOR, De
l'Etat légal à l'Etat de droit. L'évolution des
conceptions de la doctrine publiciste française 1879-1914, Paris,
Economica, Aix-Marseille, PUAM, 1992. Cet ouvrage issu d'une remarquable
thèse de doctorat en droit public devant la Faculté de Droit de
Paris II Assas est une belle recension de la doctrine publiciste
française sur la notion d'Etat de droit.
* 130 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, 2ème édition, coll.
Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994, p.12. Voy aussi LAVROFF (D.G.),
Les grandes étapes de la pensée politique, Paris,
Dalloz, 1993, 499 pages, spécialement les pages consacrées
à la pensée de Friedrich HAYEK qui élabore le cadre
philosophique géniteur et explicateur de la notion d'Etat de droit dans
une conception libérale (pp.466-490).
* 131 BOSHAB (E.), La
misère de la justice et justice de la misère en République
démocratique du Congo, op.cit., p.1169.
* 132 RONGERE (P.),
Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.18 qui
dit que la méthode est « une procédure
particulière appliquée à l'un ou l'autre des stades de la
recherche ».
* 133 MULUMBATI NGASHA,
Manuel de sociologie générale, Lubumbashi,
éditions Africa, 1980, p. 20 qui définit la technique comme
« un outil à la disposition de la recherche et organisé
par la méthode dans ce but ».
* 134 SHOMBA KINYAMBA
(S.), Méthodologie de la recherche scientifique. Parcours et les
moyens d'y parvenir, Kinshasa, éditions M.E.S., 2005, p.19
* 135 ULPIEN,
Digeste, Livre I, Titre 1, F.R.I., &2 définit le droit
public comme ad statum rei romanae spectat par opposition au droit
privé qui est ad singulorum utilitatem pertinet, cité
par Emile LAMY, Le droit privé. Introduction à l'étude
du Droit écrit et du Droit coutumier zaïrois, Kinshasa, PUZ,
1975, p.57.
* 136 PINTO (R.) et
GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences sociales, Paris,
4ème édition, Dalloz, 1971, p. 289.
* 137 COHENDET (M.-A.),
Droit Public. Méthodes de travail, 3ème
édition, Paris, Montchrestien, 1998, p.13.
* 138 SHOMBA KINYAMBA
(S.), op. cit, p.24.
* 139 GRAWITZ (M.),
Méthodes des sciences sociales, 10ème
édition, Paris, Dalloz, 1996, p.319, n°267.
* 140 PERELMAN (C.),
Logique juridique. Nouvelle rhétorique, 2ème
édition, Paris, Dalloz, 1999, pp.51-96.
* 141 Lire avec
intérêt DREYFUS (S.), La thèse et le mémoire de
doctorat en droit, Paris, Armand Colin, 1971.
* 142 LAMY (E.),
op.cit, p.245 va jusqu'à ériger cette approche en
méthode jurisprudentielle.
* 143 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1998, p.1.
* 144 DAILLIER (P.) et
PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, pp.98-107
ont rédigé de bonnes pages qui font un bel état de ce
débat qui relève en fait de la philosophie du droit mais à
l'occasion de l'étude du fondement du droit international. Tel n'est pas
notre sujet, pour l'instant.
* 145 PESCATORE (P.),
Introduction à la science du droit, Luxembourg, Centre
Universitaire de l'Etat, 1978, pp. 331 et suivantes professe que « la
méthode exégétique est essentiellement historique,
c'est-à-dire, à l'instar du théologien qui recherche
à travers le texte, la volonté divine, le juriste recherche la
volonté du législateur. En effet, par la force des choses, la loi
n'est qu'une expression sommaire et elliptique des volontés du
législateur. Cette intention, on la découvre, en première
ligne, dans l'histoire du texte (c'est-à-dire dans les travaux
préparatoires) et, en seconde ligne, dans l'histoire de l'époque
qui a vu la genèse de la loi ».
* 146 DUGUIT (L.),
Traité de droit constitutionnel, tome I, 3ème
édition, 5 volumes, 1923-1927, réimprimé 1972, p.177.
* 147 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op.cit., p.104.
* 148 CHEROT (Y.),
Livre blanc sur la recherche juridique, Paris, LGDJ, 1996, p.6.
* 149 Ibidem.
* 150 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op.cit., pp.111-116. Pour l'intelligence de l'utilité de
l'approche historique en droit, lire les développements fort
intéressants de CARBASSE (J.-M.), Manuel d'introduction historique
au droit, 2ème édition corrigée, Paris,
PUF, 2004.
* 151 MBOKO Dj'ANDIMA,
L'Etat de droit constitutionnel en République démocratique du
Congo. Contribution à l'étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de D.E.S. en droit public, UNIKIN,
Faculté de Droit, 2005, p.19.
* 152 DELPEREE (F.),
Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris, Bruylant,
LGDJ, 2000, p.40, n°27.
* 153 FUKUYAMA (F.),
La fin de l'histoire ? Commentaire, n°47, automne 1989,
p.459, cité par Claude LECLERCQ, Libertés publiques,
5ème édition, Paris, Litec, 2003, p.1.
* 154 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa,
Editions Universitaires Africaines, 2005, p.12. Voy aussi HEYMANN-DOAT (A.),
Libertés publiques et droits de l'homme, 6ème
édition, Paris, LGDJ, 2000, 304 pp. qui adopte l'approche
jurisprudentielle pour théoriser le droit constitutionnel des
libertés publiques.
* 155 MABANGA MONGA
MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions
Universitaires Africaines, 1999, n'en dénombre que deux en
matière constitutionnelle et trois autres qu'il qualifie de
« jurisprudence constitutionnelle incidente » au point que
son préfacier, le professeur NTUMBA LUABA LUMU, dit ironiquement que
deux hirondelles ne font pas le printemps.
* 156 VIALLET (M.) et MAUS
(D.), Avant-propos in du Bois DE GAUDUSSON (J.), Les constitutions
africaines publiées en langue française, op.cit., p.8.
* 157 ROUSSEAU (R.),
Droit du contentieux constitutionnel, 6ème
édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.94.
* 158 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, 16ème
édition, Paris, Montchrestien, 1999, p.67.
* 159 Voir du BOIS DE
GAUDUSSON (J.), CONAC (G.) et DESOUCHES (C.), Les constitutions africaines
publiées en langue française, tome 1, Paris, La
Documentation française, Bruxelles, Bruylant, 1997, spécialement
pp.62-63 et pp.352-354.
* 160 Dans le cadre des
régimes autoritaires, professait Victor DJELO EMPENGE OSAKO,
l'énoncé souvent spectaculaire des droits et libertés
fondamentales reconnus aux citoyens ressemblait, à ne point s'y
méprendre, à des fausses fenêtres, le système
restant hermétiquement fermé. Par ailleurs, cet
énoncé des principes était destiné à la
consommation extérieure et à l'entretien de son image de marque
vis-à-vis de cet extérieur. En Afrique au demeurant, ces fausses
fenêtres répondaient aussi à la logique de la
conditionnalité juridico-politique des aides au développement
dont lesdits régimes étaient largement tributaires. Voir aussi
HYDEN (G.) et BRATTON (M.), (sous la direction de), Gouverner l'Afrique.
Vers un partage des rôles? Manille, Nouveaux horizons, 1997.
* 161 Il est toujours
possible de douter de l'efficacité d'un tel mécanisme sur la
volonté diabolique du Führer et du IIIème Reich. Mais pour
des raisons de dogmatique juridique, il nous semble pertinent de soulever une
telle hypothèse que l'Histoire ne pourra malheureusement plus
vérifier.
* 162 Voir pour
l'étude détaillée de la question, FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz, 1996, 140 p. Voy
aussi FROMONT (M.), Grands systèmes de droit étrangers,
3ème édition, Paris, Dalloz, 1998 ; DAVID
(R.) et JAUFFRET-SPINOSI (C.) Les grands systèmes de droit
contemporains, 9ème édition, Paris, Dalloz,
1988 ; FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles,
3ème édition, Coll. Que sais-je ? Paris,
PUF, 1996 ; TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF.,
1997.
* 163 FAVOREU (L.),
Droit constitutionnel, op.cit., p.203, n°258.
* 164 Idem, p.204,
n°258.
* 165 GAUDEMET (J.),
Les institutions de l'antiquité, Paris, Sirey, 1967,
p.165 ; ELLUL (J.), Histoire des institutions, Paris, PUF, 1972,
p.112.
* 166 NTUMBA-LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa, EUA,
2005, p.115.
* 167 Constitution des
Etats-Unis d'Amérique, article III, section 1.
* 168 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, op.cit., p.132.
* 169 C'est nous qui
soulignons l'incise « en conformité avec elle ».
* 170 Lire FAVOREU (L.),
op.cit., p.205, n°261.
* 171 HAMILTON (A.),
MADISON (J.) et JAY (J.), Le Fédéraliste, Paris,
Nouveaux horizons, 1954, 223 pp.
* 172 FAVOREU (L.),
op. cit. p. 206.
* 173 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p.642. ; Voy aussi
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel,
6ème édition, Paris, Montchrestien, 2001,
p.15.
* 174 TURPIN (D.), op.
cit, p.135.
* 175 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, op.cit., p. 136.
* 176 Plusieurs articles
ou communications ont été réalisés
également, principalement sur la question : Guy SCOFFONI, «
Convention pour l'avenir de l'Europe et Convention de Philadelphie : la
question du mode de production d'une constitution », Revue des
Affaires européennes, 2003, pp. 683-691 ; « Autonomie
locale et constitution aux Etats-Unis », rapport présenté
à la XXIIe Table ronde internationale sur la justice constitutionnelle,
Annuaire international sur la justice constitutionnelle,
Paris, Aix-en-Provence, Economica-PUAM, 2007 ; « Les valeurs du
fédéralisme », Fédéralisme et territoires
d'Outre-mer, Paris, Economica, 2006 ; « La démocratie participative
aux Etats-Unis », in La démocratie participative,
Colloque organisé par le Centre de droit constitutionnel et
européen de Lyon III, octobre 2005, Paris, L'Harmattan, 2006 ; «
The Protection of Human Rights in France- A Comparative Perspective», in
Human Rights in Asia, Colloque de Hong Kong, Routledge, 2005, pp 65-83
; « Les autorités administratives indépendantes aux
Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni », in Les
autorités administratives indépendantes, Paris,
Editions du Sénat, 2006 ; « Pluriculturalisme et démocratie
constitutionnelle aux Etats-Unis », in L'Etat pluriculturel et les
droits aux différences, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 313-329 ;
« Les juges et la Constitution des Etats-Unis à l'épreuve du
terrorisme international », Etudes en l'honneur de Loïc
Philip, Paris, Economica, 2005, pp. 219 - 236.
* 177 Lire Séverine
NICOT, La sélection des recours par les juridictions
constitutionnelles (étude de droit comparé Allemagne, Espagne,
Etats-Unis), Paris, LGDJ, 2006.
* 178 Voir FROMONT (M.),
La justice constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz, 1996,
pp.12, 28 et s.
* 179 FROMONT (M.), op.
cit, p.29.
* 180 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op.cit, p.3.
* 181 YAMAMOTO (Y.),
« Sur les projets récents de la création d'une cour
constitutionnelle au Japon »,
http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers.ccc9/ccsa.htm
consulté le 27 février 2008, 8 pp.
* 182 Constitution
japonaise, article 78.
* 183 Lire YAMAMOTO (Y.),
op.cit, p.2.
* 184 Idem,
p.4.
* 185 Karel VAN WOLFEREN,
L'énigme de la puissance japonaise, Traduit de l'anglais par
Danièle Laruelle, Paris, Laffont, 1990, pp.225 et s.
* 186 Pour une
étude fouillée des problèmes dus à la
passivité de la Cour suprême nipponne, lire FUKASE(F.) et HIGUCHI
(Y.), Le constitutionnalisme et ses problèmes au Japon, p.298
et s. ; MUTSUO NAKAMURO, « Quarante ans de contrôle de
constitutionnalité des lois », Annuaire international de
justice constitutionnelle, Vol.III, 1987, p.691 et s. ;YASUHIRO
OKUDAIRA, The Constitution an its various influences, in PERCEY
R.LUNEY Jr and KAZUYUKI TAKAHASHI(eds), Japanese Constitutionnal Law,
University of Tokyo Press, 1993, p.20 et s cités par YAMAMOTO (Y.),
op.cit, p.2.
* 187 MOITRY (J.-H.),
« Culture juridique du Japon », in ALLAND(D.) et S.RIALS
(S.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, Lamy,
Quadrige, 2003, p.857.
* 188 Idem, p.860.
* 189 DUHAMEL (O.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Seuil, 2009,
p.319.
* 190 DUHAMEL (O.),
op.cit, p.328.
* 191 Il s'agit de
l'arrêt Bergman de 1969 qui constitue en droit juif moderne la
décision fondatrice du droit constitutionnel de ce pays.
L'énoncé de cette décision paraît
dénué de précision méthodologique mais les
sous-entendus du discours sont d'une clarté diamantine dans la mesure
où ils affirment de façon plutôt audible que seule la
Knesset est souveraine sous l'autorité de la Thora.
* 192 Idem, p.329.
* 193 BARAK (A.),
« La révolution constitutionnelle, la protection des droits
fondamentaux », Mishpat Oumimshal, Revue de la
faculté de droit de l'Université de Haïfa,
n°1,1992,pp.9-35, introduction et traduction par Claude Klein,
Pouvoirs, n°72, Israël, Paris, Seuil, 1995 cité par
Olivier DUHAMEL, Droit constitutionnel...,op.cit, p.331. Consulter
aussi
www.revue-pouvoirs.fr
* 194 Lire KLEIN (C.),
Le Droit israélien, collection Que sais-je ?, n°2512,
Paris, PUF, 1990, 128 pp.
* 195 KLEIN (C.), La
démocratie d'Israël, Paris, Seuil, 1997.
* 196 Lire ROUSSEAU (D.),
La justice constitutionnelle en Europe, coll. Clefs Politique, Paris,
Montchrestien, 1992 qui réserve cependant de larges
développements à la description du modèle autrichien
originel tel qu'importé en France par les brillants travaux de Charles
EISENNMANN.
* 197 L'on peut noter la
présence discrète mais efficace du Professeur Jean-Claude MASCLET
de Paris 1 Panthéon Sorbonne dans les travaux techniques de
préparation de la Constitution congolaise.
* 198 Bien que la justice
constitutionnelle ait existé depuis 1958, il convient de noter que le
Conseil constitutionnel a acquis ses lettres de noblesse à partir de la
fameuse décision du 16 juillet 1971 qui consacre à la fois la
liberté d'association par voie jurisprudentielle et étend de
façon indélébile le bloc de constitutionnalité aux
normes qui, d'ordinaire, n'en faisaient guère partie. Du même
coup, le Conseil a acquis une indépendance intellectuelle d'abord,
ensuite, politique pour constituer finalement l'élément clef de
la Vème République. Voy en ce sens, Louis FAVOREU et Loïc
PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel,
4ème édition, Paris, Sirey, 1986, p.254. Pour ces
auteurs, le Conseil s'y reconnaît un rôle de protecteur des
libertés publiques, consacre la valeur positive et constitutionnelle du
Préambule de la Constitution et des textes auxquels il renvoie et
surtout, renforce considérablement son prestige et son autorité
vis-à-vis du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
* 199 de GUILLENCHMIDT
(M.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Economica, 2005, p.382 ; GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et
institutions politiques, 16ème édition, Paris,
Montchrestien, 1999, p.709. Contra : JANOT (R.) enseigne plutôt que
le Conseil constitutionnel est la reprise et l'amplification assez
considérable du Comité constitutionnel de la constitution de
1946.
* 200 FAVOREU (L.) et
Alii, Droit constitutionnel, op. cit, p.258.
* 201 Ibidem
* 202 FAVOREU (L.) et
Alii, Droit constitutionnel, op. cit, pp. 261-265.
* 203 de GUILLENSCHMIDT
(M.), op. cit, p.382.
* 204 Idem, op. cit,
p.384.
* 205 CC, 6 novembre 1962,
Election du Président de la République, DC 62-20, Rec.27
in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes décisions du conseil
constitutionnel, 4ème édition, Paris, Sirey,
1986, pp.172-183.
* 206 RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), Code constitutionnel, Paris, Litec, 1994, p.440.
* 207 GICQUEL (J.),
op. cit, p.709. Contra : MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa, EUA, 2001,
p. 109. Cet auteur range le Conseil constitutionnel parmi les mécanismes
de contrôle politique, en écrivant « qu'il se rapproche
d'un organe juridictionnel, sa soumission au pouvoir dans la politique lui
confère une coloration politique qu'aura finalement compromis une
expérience qui aurait pu être intéressante ».
Comment, à notre avis, concilier l'opinion du professeur Edouard MPONGO
BOKAKO BAUTOLINGA avec la majorité de la doctrine d'une part, et la
pratique institutionnelle française d'autre part, surtout avec les
désagréments exprimés par les deux bords de la politique
française ? Voy GICQUEL (J.), op. cit, p.709, note 2 en
bas de page qui rapporte les propos de François Mitterrand et ceux de
Philippe Séguin ; ARDANT (P.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, 8ème édition, Paris, LGDJ, 1996,
p.103 va dans le même sens que notre auteur lorsqu'il affirme
qu'à ce niveau, tout est politique.
* 208 RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), op. cit, p.440 ; contra : de GUILLENCHMIDT
(M.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Economica, 2005, p.398.
* 209 Lire avec
intérêt les articles 56 et 57 de la Constitution du 4 octobre 1958
telle que révisée à ce jour in RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), Code constitutionnel, Paris, Litec, 1994,
pp.439-444.
* 210 FAVOREU (L.), La
politique saisie par le droit, Alternance, cohabitations et Conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1998. L'éminent
constitutionnaliste démontre autrement la fusion que Philippe Ardant
tente d'établir entre politique et droit ; de nos jours, la
politique est assujettie au droit tant pour des raisons de décorum
politique aujourd'hui à la mode mais également et surtout pour
des raisons de légitimité démocratique qui passe par la
démocratie constitutionnelle. Le grand prêtre de cette grand-messe
démocratique est le juge constitutionnel, et pour avoir les faveurs de
ce prélat, le gouvernant moderne est au minimum obligé
d'emprunter au moins le langage du droit pour accéder à la
sainteté de ses actes. C'est aussi une affaire de rituel.
* 211 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
8ème édition, Paris, LGDJ, 1996, pp.114-115.
* 212 JAN (P.),
« L'accès au juge constitutionnel : modalités
et procédures », Rapport rédigé pour le
IIème Congrès de l'A.C.C.P.U.F., texte arrêté le
1er février 2000 in
http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/jan2000.htm
consulté le 17 novembre 2006.
* 213 L'ancien
président français Vincent AURIOL, devenu membre du Conseil
constitutionnel, est le promoteur de cette réforme constitutionnelle qui
a été repoussée par les parlementaires presque unanimes
sur cette question. Elle n'est pas d'actualité aujourd'hui.
* 214 Ibidem
* 215 RIGAUX (M.-F.),
La théorie des limites matérielles à l'exercice de la
fonction constituante, Bruxelles, Larcier, 1985.
* 216 VEDEL (G.),
« Schengen et Maastricht », in R.F.D.A., 1992, p.
179 cité par GICQUEL (J.), op. cit, p. 169.
* 217 Voir DC 85-187 du 25
janvier 1985, Rec. 45, Etat d'urgence en Nouvelle Calédonie, in
FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), op. cit, pp.665-675.
* 218 Ce
considérant est ainsi exprimé : « ...si la
régularité au regard de la Constitution des termes de la loi
promulguée peut être utilement contestée à
l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la
complètent ou affectent son domaine, il ne saurait en être
autrement de même lorsqu'il s'agit de la simple mise en application d'une
telle loi... ». Lire FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), op. cit,
ibidem.
* 219 Constitution
française du 4 octobre 1958, article 41.
* 220 Constitution
française du 4 octobre 1958, article 37 alinéa 2.
* 221 Le Conseil n'admet
pas l'intervention des avocats pour représenter les saisissants dans le
cours des affaires qui lui sont soumises. La raison de fond pourrait être
que l'avocat défend l'intérêt de celui ou de ceux qu'il
représente. Or, une loi ne porte nullement, du moins en théorie,
atteinte aux droits des requérants, lesquels n'agissent qu'en tant que
procureurs, dit Pascal JAN, op. cit, p.23.
* 222 RUBBENS (A.), Le
droit judiciaire zaïrois, tome II, Kinshasa, PUZ, 1978, p. 34,
n°38 ; lire aussi la belle thèse de BLOCK (G.), Les fins
de non- recevoir en procédure civile, Paris, Bruxelles, Nice, LGDJ,
Bruylant, université Nice Sophia Antipolis, 2002, 453 pp. pour une belle
recension des causes d'irrecevabilité des actions mues en justice dans
l'irrespect des conditions d'exercice notamment l'intérêt.
* 223 CC, 62-18, 16
janvier 1962, Rec.31, Loi d'orientation agricole, in FAVOREU (L.) et
PHILIP (L.), op. cit, p.158, 1er considérant.
* 224 de VILLIERS (M.),
Dictionnaire de droit constitutionnel, 3ème
édition, paris, Armand Colin, 2001, p.24, v° Cavalier. Lire aussi,
pour des détails sur la question de cavaliers budgétaires, RENOUX
(T.S.) et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op. cit, pp.
982-986 ; J. GICQUEL, op. cit, p.12.
* 225 Les
« cavaliers sociaux » sont donc des dispositions
étrangères par leur contenu à la loi de financement de la
sécurité sociale ; l'expression se retrouve chez FAVOREU
(L.), GAÏA (P.), GHEVONTIAN (R.), MESTRE (J.-L.), O. PFERSMANN (O.), ROUX
(A.) et SCOFFONI (G.), Droit constitutionnel, op. cit, p.730.
* 226 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
8ème édition, Paris, LGDJ, 1996, pp.126-129.
* 227 Idem, p.127.
* 228 CC, Décision
n° 82-143 DC, 30 juillet 1982 in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les
grandes décisions du conseil constitutionnel, op. cit, p.595.
* 229 RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op. cit, p.368.
* 230 ARDANT (P.), op.
cit, p. 127.
* 231 Idem,
p.128 ; voir aussi PORTELLI (H.), Droit constitutionnel,
3ème édition, Paris, Dalloz, pp. 286-287, n°
350
* 232 de GUILLENCHMIDT
(M.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Economica, 2005, p.393.
* 233 CC, Décision
n° 85-196, 85-197 DC, 8 et 23 août 1985, Evolution de la
Nouvelle Calédonie, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), op. cit,
p. 683, considérant 20 aux termes duquel le Conseil constitutionnel
déclare que « l'objet du contrôle de
constitutionnalité est non de gêner ou de retarder l'exercice du
pouvoir législatif, mais d'assurer sa conformité à la
Constitution ».
* 234 PACTET (P.) et
MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), Droit constitutionnel,
24ème édition, Paris, Armand Colin, août
2005, p. 543. Ce terme de « nébuleuse
constitutionnelle » est une expression forgée en
parallèle au « bloc de constitutionnalité »
qui est l'oeuvre du doyen Louis FAVOREU. Il faut reconnaître qu'en
doctrine l'expression de Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN n'a pas
du tout recueilli les suffrages de la majorité des auteurs, sans doute
à cause du présupposé logique qu'elle implique et la
vacuité qu'infère l'imprécision à laquelle fait
écho le vocable.
* 235 ARDANT (P.), op.
cit, p.129.
* 236 de GUILLENCHMIDT
(M.), op. cit, p.398.
* 237 Lire le discours du
Président du Conseil constitutionnel devant la Conférence des
Bâtonniers de France du 20 janvier 2010 sur le site internet du Conseil
constitutionnel :
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mn/discours_intervention
consulté le samedi 13 mars 2010.
* 238 Lire avec
intérêt, du BOIS DE GAUDUSSON (J.), CONAC (G.) et DESOUCHES (C.),
Les constitutions africaines publiées en langue française,
tome 1, Paris, La Documentation française, Bruxelles, Bruylant,
1997 ; lire également sur cette notion de
« suivisme » ou de « remorquisme
constitutionnel », KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à
l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais,
Thèse de doctorat en droit public, Université de Kinshasa,
Faculté de Droit, 2007.
* 239 Depuis le 8 mai
2007, la révision de l'article 142 de la Constitution a changé
l'appellation de la Cour d'arbitrage qui se nomme désormais
« la Cour constitutionnelle ».
* 240 Voir, à titre
illustratif, les écrits révélateurs de J. MARCHAL,
L'Etat libre du Congo : paradis perdu. L'histoire du Congo
1876-1900, 2 volumes, Borgloon, éditions Paula Bellings,
1996 ; aussi, NDAYWEL e NZIEM (I.), Histoire générale du
Congo. De l'héritage ancien à la République
démocratique, Bruxelles, Larcier, 1998.
* 241 Voy BANYAKU LUAPE
EPOTU, Chronologie, Monographie et Documentation sur l'histoire politique
au Congo des années 60 aux années 90, Kinshasa, Compodor,
2000 ; NDAYWEL e NZIEM (I.), Histoire générale du Congo.
De l'héritage ancien à la République démocratique,
Bruxelles, Larcier, 1998. L'état des lieux de nos rapports
étatiques mutuels fait l'objet d'un lourd contentieux à la fois
politique, financier et psychologique qui est souvent vidé par des
accords politiques qui ressemblent plutôt à des pis-aller
qu'à de véritables conventions internationales dont le
caractère licite serait hors d'atteinte tant en droit international
qu'en droits internes belge et congolais. Lire, pour compléter
l'information quant à ce, NGUYA NDILA (C.), Les conséquences
juridiques de l'indépendance du Congo-Kinshasa sur les engagements
internationaux antérieurs, Thèse de doctorat d'Etat en droit
public, Université de Paris, 1969 ; voir aussi MULUMBA LUKOJI,
Succession d'Etats aux droits patrimoniaux. Le cas de l'ex-Congo belge,
Kinshasa, PUZ, 1979, partie II, 272 p. ; LEJEUNE (C.), « Le
contentieux financier belgo-congolais », Revue belge de droit
international, n°5, Bruxelles, 1959, pp.536-337.
* 242 DELPEREE (D.),
« Au nom de la Loi » in J.T., Bruxelles, 1975, p.492.
* 243 ERGEC (R.),
Introduction au droit public, tome 1, Le système
institutionnel, 2ème édition revue et
augmentée, coll. A la rencontre du droit, Bruxelles, Story Scientia,
1994, p.70.
* 244 GANSHOF VAN DER
MEERSCH, Conclusions à Cass. Belge, 27 mai 1971, Pasicrisie, 1971, I,
p.886 et suivantes.
* 245 Lire VANWELKENHUYZEN
(A.), « L'attribution des pouvoirs spéciaux et le
contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois »
in J.T., Bruxelles, 1974, p.602 ; VELU (J.), Droit public, op. cit,
pp. 252 et s.
* 246 ERGEC (R.), op.
cit, p.70, n°202.
* 247 Idem,
p.224, n°526.
* 248 DELVA (J.),
« Profil constitutionnel de la Cour d'arbitrage » in
A.P.T., Bruxelles, 1991, pp.1 et s.
* 249 Loi spéciale
du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, article 42 ; lire aussi
L.FAVOREU, Les cours constitutionnelles, Paris, PUF, 1996,
pp.109-110.
* 250 ERGEC (R.), op.
cit, p.226, n°529.
* 251 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op. cit, pp.110-111. Lire aussi avec
intérêt FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le
monde, Paris, Dalloz, 1996, pp.54, 55, 69 et 71.
* 252 Consulter
http://const-court.be/fr/common/content_home.html
du 4 mars 2008.
* 253 BECKERS (M.),
L'autorité et les effets des arrêts de la Cour d'arbitrage,
Bruxelles, Story Scientia, 1987, p.7.
* 254 COURTOY (C.),
« Intérêt fonctionnel et intérêt statutaire
devant la Cour d'arbitrage », Mélanges offerts à
Jacques Velu, Bruxelles, Bruylant, 1992, tome 1, p.403 cité par
ERGEC (R.), op.cit, p. 229, note 185.
* 255 SUETENS (L.P.) et
LEYSEN (R.), « Les questions préjudicielles : cause
d'insécurité juridique ? » in La
sécurité juridique, Liège, édition du Jeune
Barreau, 1993, p.52 cités par R. ERGEC, op. cit, p.233, note
212.
* 256 ERGEC (R.), op.
cit, p.233.
* 257 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op. cit, p.78.
* 258 DELPEREE (F.),
Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris, Bruylant,
LGDJ, 2000, pp.322-325.
* 259 Lire avec
intérêt et pour prolonger la réflexion sur la Cour
d'arbitrage devenue depuis le 8 mai 2007 la Cour constitutionnelle, DELPEREE
(F.)(sous la direction de), Le recours de particuliers devant le juge
constitutionnel, Actes du colloque de Louvain, Paris, Economica, 1991. Le
même auteur réserve de développements très riches
à la description critique du juge constitutionnel belge dans l'ouvrage
collectif, DELPEREE(F.) et Alii, Regards croisés sur la Cour
d'arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 1995.
* 260 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op. cit, pp.112-113. Il se situe en
effet en 1995.
* 261 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op.cit, p.49. L'exemple allemand a
quelque chose de symbolique et même de symptomatique d'une lutte pour la
démocratie à travers des décennies de dictature parfois
sanglantes mais souvent confinant même à la catastrophe de
l'Holocauste. De ce point de vue, la Cour constitutionnelle se présente
comme un contre-pouvoir constitutionnel dont le fonctionnement rend en revanche
les décisions de cet organe tout au moins constitutionnelles. L'organe
d'annulation, on le sait depuis Hans KELSEN, produit des normes au moins
égales à celles qu'il annule.
* 262 FROMONT (M.) et RIEG
(A.), Introduction au droit allemand, tomes 1 et 2, Paris, Cujas,
1977, 1984 cités par FAVOREU (L.), Les Cours constitutionnelles,
op. cit, p.50.
* 263 Loi fondamentale,
article 94 alinéa 1er.
* 264 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit, p.315.
* 265 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op. cit, p.50.
* 266 Idem, p. 52.
* 267 BEGUIN (J.C.),
Le contrôle de la constitutionnalité des lois en RFA,
Paris, Economica, 1982 cité par FAVOREU (L.), Les Cours
constitutionnelles, op. cit, p. 52.
* 268 Déjà
en 1996, le doyen FAVOREU faisait remarquer que 98% des saisines étaient
examinées par les sections des trois juges. C'est marquer, du point de
vue du volume du travail, le rôle que jouent ces sections au sein de la
Cour.
* 269 GICQUEL (J.),
op. cit, p. 315, note 49.
* 270 Loi fondamentale,
article 18.
* 271 Loi fondamentale,
article 21.
* 272 Loi fondamentale,
article 93, §1, alinéas 3 et 4.
* 273 Loi fondamentale,
article 91, §1, alinéa 1er.
* 274 NTUMBA-LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit, p. 174
range ce contentieux parmi ceux de la compatibilité. Bien que
l'idée soit celle exprimée par cet auteur, il sied d'y voir
l'influence des études de droit international public sur le vocabulaire
du contentieux constitutionnel. Il s'agit tout simplement de la
constitutionnalité des textes.
* 275 FAVOREU (L.),
Les Cours constitutionnelles, op. cit, p. 55 ; voir aussi de
GUILLENCHMIDT (M.), Droit constitutionnel et institutions politiques,
Paris, Economica, 2005, pp.159-160.
* 276 GICQUEL (J.),
op. cit, p.316, 1°. Parlant du traité, cet éminent
constitutionnaliste cite l'affaire du 12 octobre 1993 relative au Traité
de Maastricht.
* 277 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, op.cit, p.276.
* 278 FAVOREU (L.) Les
cours constitutionnelles, op.cit, p.58.
* 279 C'est le
mécanisme bien connu du filtrage des recours même si, ici, il
s'applique à un renvoi de juridiction.
* 280 Idem, p.59.
* 281 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op.cit, p.60.
* 282 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.316.
* 283 Voir article 79 de
la loi sur la Cour constitutionnelle citée par L. FAVOREU, op. cit,
p.61.
* 284 FAVOREU (L.),
op.cit, p.65.
* 285 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel ..., op.cit, p.316, B.
* 286 Lire avec
intérêt les idées essentielles de Louis FAVOREU et de
Michel FROMONT à propos de cette critique dont l'inanité est
aussi proverbiale que ne l'est son énoncé principiel même.
* 287 Voir NTUMBA-LUABA
LUMU (A.-D.), op.cit, p.178, C.
* 288 de GUILLENCHMIDT
(M.), op.cit, p.165, n° 4.2.2.1.
* 289 Lire ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
8ème édition, Paris, LGDJ, 1996, p.354.
* 290 de GUILLENCHMIDT
(M.), op.cit, p.167.
* 291 Ibidem
* 292 Article
128 §1 de la Constitution de 1993.
* 293 Voir le tableau
dressé par FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op.cit,
pp.116-117.
* 294 Voir de
GUILLENCHMIDT (M.), op.cit, p.166.
* 295 GICQUEL (J.),
op.cit, p.345.
* 296 FAVOREU (L.) et
Alii, Droit constitutionnel, 8ème édition, Paris,
Dalloz, 2005, p. 457.
* 297 Lire dans ce sens,
BORELLA, (F.) Etat, pouvoir et société à l'aube du
XXIème siècle, Mélanges, Nancy, Presses
universitaires de Nancy, 1999.
* 298 C'est le fondement de
tout contrôle dans l'Etat qui s'apprécie comme une peur atavique
de l'homme comme les oppressions sans doute nombreuses et les menaces que
l'humanité subit ou inflige à la vie. C'est l'économie
morale dont les fondations peuvent également expliquer l'attrait de
l'humanité vers le contrôle des normes au regard de celle
considérée, du moins en théorie, comme parfaite parce que
fondamentale ou l'oeuvre du plus grand nombre.
* 299 Ici l'expression
« droit constitutionnel » infère aux droits et
libertés garantis aux particuliers par la Constitution américaine
et par la Déclaration des droits. Au-delà des normes
constitutionnelles fondatrices du système politique américain ou
celles relatives au pacte fédéral, les normes de
référence pour le contrôle constitutionnalité sont
souvent celles relatives aux droits de l'homme. La jurisprudence
américaine de la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique
indique cette référence aux droits et libertés individuels
de façon récurrente. Voir PINTO (R.), Jurisprudence
constitutionnelle de la cour suprême des Etats-Unis, Paris, PUF,
1965.
* 300 FROMONT (M.),
op.cit, p.46.
* 301 FROMONT (M.),
op.cit, p.46
* 302 ALLAND (D.) et
RIALS(S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique,
Paris, Lamy, PUF, 2003, pp.270-271.
* 303 Voir FROMONT (M.),
op.cit, 46 ; lire également REYNAUD (P.), « Des
droits de l'homme à l'Etat de droit. Les droits de l'homme et leurs
garanties chez les théoriciens français du droit
public », in Droits, n°2, Paris, PUF, 1985.
* 304 TURPIN (D.),
op.cit, p.642.
* 305 FROMONT (M.),
op.cit, p. 48.
* 306 Ibidem
* 307 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, op.cit, p.645.
* 308 BALLADUR (E.),
Une Ve République plus démocratique, Bibliothèque
d'études doctorales juridiques de la Sorbonne, Paris, 2007, 162 pp.
* 309 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.)(sous la direction), Lexique des termes juridiques,
6ème édition, paris, Dalloz, 1985, p.200
définissant l'exception comme « moyen par lequel le
défendeur demande au juge, soit de refuser d'examiner la
prétention du demandeur parce que l'instance a été mal
engagée(incompétence du tribunal, irrégularité d'un
acte de procédure), soit de surseoir à statuer jusqu'à la
mise en cause d'un garant, l'expiration du délai accordé à
un héritier pour faire inventaire et délibérer.
Dirigée contre la procédure, seulement, l'exception ne constitue
qu'un obstacle temporaire. Après décision sur l'exception, la
procédure reprend son cours devant le même tribunal ou est
recommencée devant lui ou devant un autre ».
* 310 SAINT-BONNET (F.),
« Exception, nécessité, urgence » in ALLAND
(D.) et RIALS (S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture
juridique, Paris, Lamy, Quadrige, PUF, 2003, pp.673-678.
* 311 de VILLIERS (M.),
Dictionnaire du droit constitutionnel, 3ème
édition, Paris, Armand Colin, 2001, p. 106.
* 312 BLOCK (G.), Les
fins de non-recevoir en procédure civile, Paris, Nice, Bruxelles,
LGDJ, Université Nice Sophia Antipolis, Bruylant, 2002, 453 PP. Nous
empruntons cette définition de fin de non-recevoir à cet auteur
et plus précisément dans sa belle thèse publiée et
spécialement à la page 49.
* 313 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.21.
* 314 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques,
6ème édition, Paris, Dalloz, 1985, p. 365.
* 315 Idem, p.365.
* 316 L'expression
« contrôle concret », au-delà de son charme
semble poser le problème de son contenu car il est convenu de voir dans
tout contrôle quelque chose de concret. Y a-t-il un contrôle
réellement abstrait ? dans la mesure où il porte sur une loi
et sur une controverse politique même avant tout litige, ne peut-on pas
déjà y voir, à défaut d'un germe de contestation
judiciaire au moins un pré-litige qui mérite d'être
tranché ? La réflexion mérite d'être
poursuivie. Alec STONE trouve finalement que les cours supérieures ne
résolvent pas tant des cas concrets ou de litiges spécifiques
qu'elles participent aux activités de contrôle social et de
production normative de l'activité du gouvernement. Voir STONE (A.),
« Qu'y a-t-il de concret dans le contrôle abstrait aux
Etats-Unis ? », RFDC, n°34, 1998, p.249.
* 317 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op. cit, p. p.47.
* 318 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, pp.46-47.
* 319 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, 6ème
édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.14. Voyez l'intéressant
article de STONE (A.), « Qu'y a-t-il de concret dans le
contrôle abstrait aux Etats-Unis ? », RFDC,
n°34, 1998, pp.227-250.
* 320 RUBBENS (A.), Le
droit judiciaire zaïrois, Tome II, Kinshasa, PUZ, 1979, p.138.
* 321 KERNALEGUEN (F.),
Institutions judiciaires, 3ème édition,
Paris, Litec, 2003, p.19, n°24.
* 322 Code civil
congolais, article 227 in Les Codes Larcier, Kinshasa, Bruxelles,
Afrique Editions, Larcier, 2003, p.167. Cette disposition est la reproduction
fidèle de l'article 1351 du Code civil français.
* 323 KERNALEGUEN (F.),
Institutions judiciaires, op.cit, p.19.
* 324 Il est utile de
remarquer que l'Amérique qui est pourtant une terre d'asile
féconde pour toutes les populations venues du monde entier n'a pas
encore su secréter un esprit théorique puissant. Si la
technologie y est sans conteste à la pointe des dernières
découvertes, l'analyse théorique et philosophique cependant ne
semble pas avoir acquis les lettres de noblesse que l'on constate en Europe,
terre de philosophes et de penseurs de tout poil. Ceci n'expliquerait-il pas le
succès qu'un Bernard Henri-Levi, par exemple, récolte aux
Etats-unis d'Amérique parmi les intellectuels
médiatiques ?
* 325 KELSEN (H.),
Théorie pure du droit, traduction de Charles EISENMANN, Paris,
Dalloz, 1962, p.299
* 326 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, pp.16-17.
* 327 EISENMANN (C.),
La justice constitutionnelle et la Haute Cour d'Autriche, 1928,
réédité, Paris, Economica, 1986, p.291.
* 328 Idem, p.289.
* 329 FAVOREU, Les
cours constitutionnelles, op.cit, pp.10-16 ; FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, pp. 18-25 ;
* 330 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, pp.69-71.
* 331 Ibidem
* 332 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.71 ; lire aussi
les développements intéressants sur la question de la
compatibilité des engagements internationaux avec la Constitution dans
QUOC DINH (N.)(+), DAILLIER(P.) et PELLET(A.), Droit international public,
7ème édition, Paris, LGDJ, 2002, pp.284-291.
* 333 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Bruxelles, Larcier,
2007, p.215.
* 334 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques,
6ème édition, Paris, Dalloz, 1985, p. 14,
verbo : action en justice.
* 335 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.66.
* 336 Idem, p.67.
S'agissant d'un statut conférant des droits subjectifs à un
individu autorisé dès lors à poser des actes juridiques
prévus par ledit statut, il y a lieu de critiquer le caractère
abstrait du contentieux électoral. Même s'il est objectif en ce
qui concerne le contentieux de maintien des mandats, il ne nous paraît
guère objectif dès lors qu'il concerne des candidats à une
élection ou des titulaires des votes non encore proclamés.
Là, il s'agit, à notre avis, de réclamations des droits
subjectifs en l'occurrence des droits politiques à
l'éligibilité ou à accéder à tel poste
politique constitutionnellement prédéfini.
* 337 RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), Code constitutionnel, Paris, Litec, 1994, pp.323-364
réservent de belles pages à l'analyse notamment de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel français relativement au
partage des compétences entre le domaine de la loi et le domaine
réglementaire. Intéressante gymnastique dont l'exercice sera
abordé à l'occasion de l'étude des modalités
d'exercice de la justice constitutionnelle en République
démocratique du Congo.
* 338 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.68.
* 339 Ibidem. C'est nous
qui soulignons.
* 340 Lire GRUBER (A.),
La décentralisation et les institutions administratives, Paris,
Armand Colin, 1986, pp.263-294.
* 341 FROMONT (M.),
op.cit, p.69.
* 342 Au demeurant, du
point de vue strictement juridique, la loi étant
considérée comme l'expression de l'Etat dans sa configuration
politiquement majoritaire, n'est-il pas, au plan de la recevabilité,
sans intérêt de l'attaquer devant le juge lorsque l'on en est
l'auteur et que donc l'on dispose toujours de la faculté juridique de la
modifier sans s'attirer ni les foudres de l'opposition ni la curiosité
parfois malsaine de l'opinion publique nourrie par des médias souvent
peu tendres à l'égard de ceux qui dirigent ? et, last
but not least, une action en justice même devant les juges acquis
aux opinions de la majorité n'est-elle pas toujours un risque qu'il faut
bien calculer avant de le prendre ?
* 343 FAVOREU (L.) et
RENOUX (T.S.), « Le contrôle de la constitutionnalité
des actes administratifs », in Répertoire Dalloz de
contentieux administratif, Paris, Dalloz, 1991, pp.36-348.
* 344 RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op.cit, p.477.
* 345 Décision
n° 89-258 DC, 8 juillet 1989 in Recueil des décisions du
Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 1989, p.48.
* 346 Décision du
23 octobre 1987, in Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, Paris, Dalloz, 1987, p.55 avec note d'E. PEUCHOT.
* 347 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Kinshasa,
Bruxelles, Afrique éditions, Larcier, 2007, p.81.
* 348 Lire aussi le
Professeur PINDI MBENSA KIFU, Introduction générale à
l'étude de droit privé, Notes de cours, 1er
graduat, 1984-1985, p.44, inédit. Cet auteur, après avoir fait le
distinguo entre droit anglo-saxon et droit romano-germanique, affirme que
même dans les droits non anglo-saxons, la jurisprudence jouit en fait
d'une autorité incontestable aussi bien quand elle interprète le
droit positif que quand elle en comble les lacunes.
* 349 LAMY (E.), Le
droit privé zaïrois, Vol.I., Introduction à
l'étude du droit écrit et du droit coutumier zaïrois,
Kinshasa, PUZ, 1975, p.123.
* 350 Lire
MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), « La notion de jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in LAVROFF (D.G.) et RAMIREZ JIMENEZ (M.), La
pratique constitutionnelle en France et en Espagne de 1958 et 1978 à
1999, Paris, PUF, 2001, p.199.
* 351 Lire FAVOREU (L.) et
RENOUX (T.S.), « Le contrôle de la constitutionnalité
des actes administratifs », op.cit, p.36 et s.
* 352 Lire ROUSSEAU (R.),
Droit du contentieux constitutionnel, 6ème
édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.170.
* 353 L'on peut noter avec
satisfaction que le Tribunal des conflits dans le cas français, par
exemple, a, par décision de principe du 12 janvier 1987,
décidé de se rallier à la position du Conseil
constitutionnel sur la répartition des compétences contentieuses
entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire en matière
financière. Voy 12 janvier 1987, Compagnie des eaux et de l'ozone v.
SA Etablissements Vétillard, RFDA, Paris, 1987, p.287, conclusions
J.MASSOT.
* 354 Lire MBOKO
Dj'ANDIMA, L'Etat de droit constitutionnel en République
démocratique du Congo. Contributions à l'étude de ses
fondements et conditions de réalisation, Mémoire de D.E.S.
en droit public, UNIKIN, Faculté de Droit, 2005, 279 pp.
* 355 LARCIER (F.),
Droit constitutionnel, tome II, Le système constitutionnel, 2.
Les fonctions, Bruxelles, Larcier, 1988, pp.206-207.
* 356 LIHAU EBUA LIBANA la
MOLENGO, Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de
cours, UNAZA, Campus de Kinshasa, 1974, p.122, n°218.
* 357 de VISSCHER (P.),
Droit public, tome II, 2 fascicules, Bruxelles, Cercle de Droit de
Louvain, 1972-1973, pp.3-4.
* 358 Voir CAHEN-PEREIRA
(C.), Grandeur et décadence de l'idée de souveraineté
dans la science juridique. Contribution à l'histoire de la philosophie
du droit, Thèse de doctorat en droit, Toulouse, 1941, p.23
cité par REDOR (M.-J.), De l'Etat légal à l'Etat de
droit. L'évolution de la doctrine publiciste française1879-1914,
Paris, Economica, 1992, p. 156.
* 359 C'est la division ou
la séparation politique des pouvoirs.
* 360 Lire LAVROFF (D.G.),
Les grandes étapes de la pensée politique, Paris,
Dalloz, 1993, pp.205-217.
* 361 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, op.cit,
p.335.
* 362 EISENMANN
(C.), « L'esprit des lois et la séparation des
pouvoirs », Mélanges Raymond Carré de Malberg,
Paris, Sirey, 1933, pp.165-192. L'on peut prolonger la réflexion
critique de cette théorie et ses implications théoriques et
pratiques avec TROPER (M.), La séparation des pouvoirs et l'histoire
constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1980. Cet auteur a
notamment contesté la validité de la conception moniste de la
séparation des pouvoirs qui se résumait en une interdiction de
cumul mais qui ne prescrivait aucun mode particulier de répartition des
pouvoirs, mais qu'en tant que norme de non-concentration, elle autorisait au
moins deux procédés positifs : la spécialisation ou
séparation absolue et la balance des pouvoirs
* 363 Pour continuer le
débat entre ces deux théories, lire l'excellent exposé
qu'en fait Marc LAHMER, « séparation et balance des
pouvoirs », in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (sous la direction de),
Dictionnaire de la culture juridique, op.cit, pp.1406-1411.
* 364 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.461.
* 365 Il s'agit de dire
avec Léon DUGUIT que certaines personnes ont le pouvoir de vouloir pour
la Nation comme si celle-ci se dépouillait définitivement de sa
volonté au profit des représentants devenus mandataires
perpétuels.
* 366 CARRE DE MALBERG
(R.), La loi, expression de la volonté générale,
Paris, Economica, 1984, pp. 66-79.
* 367 Lire ROUSSEAU (D.),
op.cit, pp.470 et s.
* 368 PRELOT (M.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
5ème édition, Paris, Dalloz, 1972, pp.1-34. Cette
expression a été chère également au professeur
Augustin KITETE KEKUMBA OMOMBO, certainement par proximité
académique.
* 369
Société civile par opposition à la société
politique qui est censée détenir et exercer le pouvoir et qu'il
faut contrôler pour qu'enfin de compte le pouvoir au sens de Montesquieu
soit modéré. Le rôle des sociétés
multinationales peut néanmoins relativiser cette affirmation qui est
péremptoire.
* 370 Mot de la mythologie
grecque signifiant la démesure.
* 371 HABERMAS (J.),
Raison et légitimité, Paris, Payot, 1978. La question
que la doctrine ne peut s'empêcher de poser au sujet de la philosophie du
droit constitutionnel moderne est notamment celle de savoir comment la Raison
des Lumières, l'Aufklarung, idéal porteur de
progrès et d'émancipation et régulateur de la
modernité, a pu produire la barbarie, l'aliénation et la
domination. Il s'agit en fait de la critique de la Raison instrumentale
amputée de sa dimension critique qui conduit à l'asservissement
de l'homme, en confondant rationnel et réel, savoir et
vérité.
* 372 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.470.
* 373 Ibidem
* 374 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, Paris, Montchrestien, 2003.
* 375 PEISER (G.),
Droit administratif, Paris, Dalloz, 1988, pp. 4-5.
* 376 JACQUE (J.-P.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2000,
p. 12.
* 377 CHAMPAGNE (G.),
L'essentiel du droit constitutionnel, Paris, 4e
édition, les carrés, Gualino, 204, p. 19.
* 378 FAVOREU (L.), La
politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1998.
* 379 GUILLIEN (R. et
J.VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques,
Paris, Dalloz, 1985, p.312, V° opposition.
* 380 Décision
89-276 du 11 janvier 1990, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes
décisions du Conseil constitutionnel, 9ème
édition, Paris, Dalloz, 1997, p.603.
* 381 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.476.
* 382 ARON (R.),
Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965, p.76.
* 383 DUHAMEL (O.),
Droit constitutionnel, Tome 2. Les démocraties, Paris, Seuil,
2000, p.34.
* 384 Cour
européenne des droits de l'homme, Arrêt Handyside du 7
décembre 1976, Série A, n°24, p.23, paragraphe 49.
* 385 Articles 4 de la
Constitution française du 4 octobre 1958 et 6 alinéa 3 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006.
* 386 ERGEC (R.),
Introduction au droit public, Tome 1, Le système
institutionnel, op.cit, p.45, n°127.
* 387 OLIVA (E.),
Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2000, p.30.
* 388 En Grande Bretagne,
par exemple, l'opposition est respectée au point que son Chef peut
être pris pour une institution à lui tout seul car non seulement
il reçoit une rémunération publique ; il s'assied en
face du premier Ministre à la Chambre des communes ; il inaugure
les questions du mardi et jeudi pour interpeller le premier Ministre ; il
est reçu par les Chefs d'Etat et de gouvernements
étrangers ; il est sollicité par les médias ; il
est même consulté par le premier Ministre sur les grandes
questions de politique étrangère et de défense ; il
dirige enfin le shadow cabinet. Tout ceci garantit une bonne
alternance qui évite l'improvisation dans les affaires publiques.
* 389 FAVOREU (L.),
Les cours constitutionnelles, op.cit, p.66.
* 390 VEDEL (G.),
« le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou
défenseur de la transcendance des droits de l'homme »,
Pouvoirs, 1988, n°45, p.149.
* 391 Le lieu du pouvoir
étant vide en démocratie, de manière inattendue, la
justice constitutionnelle rend visible ce vide en ne rapportant pas la
construction de la norme à un auteur, le peuple, les élus ou les
juges, mais à un espace de délibération qui n'est la
propriété de personne. Lire ROUSSEAU (D.), Droit du
contentieux constitutionnel, op.cit, p.486. Il nous semble que cette
affirmation doctrinale de Rousseau pose le problème de la
supraconstitutionnalité de l'espace de délibération qui
est censé être déjà là au moment de la
fondation puisque la norme n'est même pas attribuée au peuple.
* 392 FROMONT (M.),
op.cit, p.131.
* 393 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, pp.480-486.
* 394 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, pp.5-6.
* 395 FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.129.
* 396 TURPIN (D.),
op.cit, p.6. C'est nous qui soulignons.
* 397 Lire CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, 2ème édition, coll.
Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994. L'auteur démonte avec
ingéniosité les mécanismes opératoires de ce
discours et indique comment la technologie discursive entraîne dans le
champ politique une légitimité technique directement liée
à la démocratie constitutionnelle évacuant de la sorte un
certain nombre d'écueils épistémologiques qui rendaient
peu visible la théorie de la légitimité du juge
constitutionnel. Bref, il est légitime parce qu'il est celui qui
confère le sérieux au discours politique qui a, pour de raisons
d'efficacité, choisi d'emprunter les catégories du discours
juridique réputé sérieux, objectif et neutre.
* 398 Lire BASTIEN (F.),
« Le juge, le droit et la politique : éléments
d'une analyse politiste », R.F.D.C., n°1, 1990, p.49.
* 399 ROUSSEAU (D.),
op.cit, p.482.
* 400 DELPEREE (F.),
Le droit constitutionnel de la Belgique, op.cit, p.192, n°179/
* 401 RIVERO (J.), Les
libertés publiques, Tome 1, Les droits de l'homme, Paris, PUF,
1997, p.21.
* 402 PARDINI (J.-J.),
« Brèves réflexions sur les interactions entre les ordres
juridiques », in BAUDREZ (M.) et Di MANNO (Th.) (sous la
direction de), Liber Amicorum Jean-Claude Escarras, La
communicabilité entre les systèmes juridiques, Bruylant,
Bruxelles, 2005, pp. 131-159.
* 403 COLLIARD (C.-A.),
Libertés publiques, 7ème édition,
Paris, Dalloz, 1989, p.16.
* 404 En ce sens, LEBRETON
(G.), Libertés publiques et droits de l'homme,
4ème édition, Paris, Armand Colin, 1999, p.19.
* 405 KELSEN (H.),
Théorie pure du droit, 2ème édition,
Paris, Dalloz, 1962.
* 406 CARRE de MALBERG
(R.), Contribution à la théorie générale de
l'Etat, Paris, Sirey, 1920-1922 ; IDEM, La loi, expression de la
volonté générale, Paris, Sirey, 1931.
* 407 JEZE (G.),
« Signification juridique des libertés publiques »,
Annuaire de l'Institut de droit public, Paris, 1929, p.162.
* 408 DUEZ (P.)
« Esquisse d'une définition réaliste des droits publics
individuels », Mélanges Carré de Malberg,
Paris, Sirey, 1933, p.111.
* 409 En ce sens, lire
LEBRETON (G.), op.cit, p.21.
* 410 En ce sens, lire
DARBELLAY (J.), La règle juridique. Son fondement moral et social,
Saint-Maurice, éditions de l'oeuvre St Augustin, 1945, 317 pp.
* 411 DUGUIT, (L.)
L'Etat, le droit objectif et la loi positive, 2 volumes, 1901-1903,
cité par LEBRETON (G.), op.cit, p.26.
* 412 Le questionnement
philosophique qui constitue notre critique de la théorie du positivisme
comme cadre épistémologique du droit part de la définition
que la philosophie moderne tente de donner au concept conscience. Celle-ci est
souvent vue comme une intuition qu'a l'esprit de ses actes et de ses
états. Cette définition qui est approximative aux dires de ses
auteurs ne peut satisfaire ni même résoudre l'aporie de tout
à l'heure ; au demeurant, elle suppose, ce qui est à
démontrer, qu'il existe un esprit collectif qui aurait une quelconque
faculté d'intuition ou même de saisir comme sujet et objet au
même moment. Pour prolonger la discussion philosophique, consulter
LALANDE (A.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie,
9ème édition, Paris, PUF, 1962, pp.173-176.
* 413 JACQUE (J.-P.),
Droit constitutionnel et institutions politiques,
4ème édition, Paris, Dalloz, 2000, p.9.
* 414 TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p.7.
* 415 FAVOREU (L.),
« L'apport du conseil constitutionnel, droit de la Constitution, et
constitution du droit », RFDC, n°1, 1990, p.71 et
79.
* 416 Voir l'article 162,
alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006,
JORDC, 47ème année, numéro
spécial, p.56.
* 417 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques,
16ème édition, Paris, Montchrestien, 1999,
p.74.
* 418 Ibidem
* 419 Deux proverbes de la
tradition luba du Kasaï suffisent à indiquer cette nuance : le
premier, Cia dima umue, cia dia banyi (Ce que l'un a cultivé sera
mangé par la multitude) et le second, Bidi muetu ntente, ikala ne ciebe
pebe (Il y a moult richesses chez nous ne doit pas t'empêcher d'avoir tes
biens propres).
La doctrine occidentale a classé, à notre
avis, trop rapidement la société africaine dans la conception
collectiviste sans une approche holistique approfondie notamment philosophique
du muntu. Lire BIMWENYI KWESHI (O.), Discours théologique
négro-africain. Problèmes des fondements, thèse de
doctorat en théologie, Université catholique de Louvain,
Faculté de Théologie, 1977, 796 pp.
* 420 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle
d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la
Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.
* 421 Lire dans le
même sens, MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La mégarde
des modèles de Constitutions euro-occidentales et l'élaboration
d'une Constitution zaïroise de développement véritablement
intériste », Annales de la Faculté de droit,
vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996.
* 422 MUPINGANAYI
KADIAKUIDI, La bonne gouvernance dans une société
démocratique, Cours de DES de droits de l'homme, Chaire UNESCO,
Université de Kinshasa, 2001-2002, inédit.
* 423 L'article 60 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006, JORDC, 47ème
année, numéro spécial, 2006, p.25.
* 424 En ce sens, lire
TORRELLI (M.) et BAUDOUIN (R.), Les droits de l'homme et les
libertés publiques par les textes, Québec, Les presses de
l'université du Québec, 1972, p. XV, note 1.
* 426 Lire de VILLIERS
(M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3ème
édition, Paris, Armand Colin, 2001, pp.99-100, v° Etat.
* 427 Le droit est
l'ensemble des règles de conduite humaine, édictées et
sanctionnées par l'autorité publique et destinée à
faire régner dans les relations sociales la liberté et
l'autorité. Voir aussi PINDI MBENSA KIFU, Cours d'introduction
générale à l'étude du droit, op.cit,
p.15 : « Le droit positif de la société
civile est l'ensemble des règles générales et abstraites
de conduite édictées ou du moins consacrées par
l'autorité publique, sous la sanction de la contrainte publique en vue
de réaliser dans les rapports humains l'ordre le plus favorable au bien
commun ». Au-delà d'énormes difficultés
scientifiques qu'elle présente, cette définition a cependant
l'avantage pédagogique d'être claire.
* 428 CHEVALLIER (J.)
(sous la direction de), Droit et politique, 1993 ; CAILLOSSE
(J.), Introduire au droit, 1993 ; LOSCHAK (D.), Le droit, le
discours du pouvoir, Mélanges Léo Hamon, 1982, p.429
cités par GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions
politiques, op.cit, p.9.
* 429 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, op.cit, pp.63-76.
* 430 Lire FAVOREU (L.),
La politique saisie par le droit, op.cit, p.120.
* 431 AVRIL
(P.), « La constitution : Lazare ou
Janus ? », RDP, 1990, p.949 ; lire
également MATTHIEU (B.) et VERPEAUX (M.) (sous la direction), La
constitutionnalisation des branches du droit, 1998, cités par
GICQUEL (J.), op.cit, p.14.
* 432 MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel,
op.cit, pp.5-6.
* 433 PORTELLI (H.),
Droit constitutionnel, 3ème édition, Paris,
Dalloz, 1999, p.1.
* 434 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
8ème édition, Paris, LGDJ, 1996, p.92,
n°66.
* 435 Lire AMSELEK (P),
« Réflexions critiques autour de la conception kelsenienne de
l'ordre juridique », RDP, n°1, 1978, pp.5-19.,
contra : TROPER (M.), « La pyramide est toujours
débout ! Réponse à Paul AMSELEK »,
RDP, n°2, 1978, pp.1523-1536. Pour un débat semblable en
doctrine congolaise, lire ASSANI MPOYO KALEMA, « Réflexion sur
la leçon publique : Le droit est mort. Vive le droit »,
Revue de droit congolais, 1ère année,
n°002/1999, pp. 34-42. Contra : P.AKELE
ADAU, « Le droit est mort. Vive le droit »,
Congo-Afrique, 39ème année, n°331,
pp.17-38.
* 436 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, op.cit, p.9.
* 437 PACTET (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel,
4ème édition, Paris, Masson, 1978, p.39.
* 438 Ibidem
* 439 FAVOREU (L.), Les
cours constitutionnelles, op.cit, p.46.
* 440 TURPIN (D.),
op.cit, p.7.
* 441 CHAPUS (R.),
Droit administratif général, Tome 1,
15ème édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.4,
2°
* 442 TURPIN (D.),
op.cit, p.7.
* 443 Lire avec
intérêt, CAMY (O.), Droit constitutionnel critique,
Paris, l'Harmattan, 2007, pp.27-111.
* 444 Voir KAMTO (M.),
Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du
constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris,
LGDJ, 1987, pp.428-446.
* 445 Voir TIMBAL (P.-C.)
et CASTADO (A.), Histoire des institutions publiques et des faits sociaux,
9ème édition, Paris, Dalloz, 1993, p.465,
n°1038.
* 446 Voir MATADI NENGA
GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République
démocratique du Congo. Contribution à une théorie de
réforme, Kinshasa, DIN., 2001, p.50.
* 447 GICQUEL (J.),
op.cit, p.315, note (49).
* 448 Voir, JORDC,
47ème année, numéro spécial, p.9,
dernière ligne. L'on peut raisonnablement se poser la question de la
hiérarchie cosmogonique du constituant congolais qui semble placer Dieu
avant la Nation, l'Afrique et le Monde. Une telle conception du cosmos est
conforme à la cosmogonie bantu qui semble postuler l'Etre suprême
avant les Ancêtres qui sont du moins potentiellement compris dans la
Nation au sens d'Ernest RENAN. Comme communauté de destin, du
passé comme du futur, la Nation ne peut être saisie que comme un
être inférieur à la divinité.
* 449 Lire avec
intérêt, NICOLSON (H.), La monarchie. Du droit divin aux
constitutions modernes, Paris, Hachette, 1962, pp.305-327. Cet auteur
montre de manière magistrale que finalement il existe un cordon
ombilical non coupé jusqu'à ce jour entre le sacre de la Reine
d'Angleterre, par exemple, et le symbolisme mystique de la pierre du sacre
royal encastrée sous le trône. Tous les rois anglais se sont assis
sur cette pierre lors de leur sacre. C'est un élément magique qui
ne peut être évacué du droit constitutionnel occidental qui
prétend pourtant à un rationalisme kantien.
* 450 CAMY (O.), Droit
constitutionnel critique, op.cit, p.57.
* 451 Ibidem
* 452 de VILLIERS (M.),
Dictionnaire du droit constitutionnel, op.cit, p.131. Cet auteur opine
que la laïcité dont, paradoxalement, une des plus anciennes
affirmations se trouve dans l'Evangile (« Rendez à
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est
à Dieu » Luc 20 verset 25), est un élément
constitutif de la conception occidentale de l'Etat.
* 453 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, 2ème édition, Paris,
Montchrestien, 1994, p.147.
* 454 Cette
décision a fait l'objet d'un commentaire à la Revue
française de droit constitutionnel par Marthe FATIN-ROUGE STEFANINI et
Wanda MASTOR,"La Cour suprême américaine et la réforme du
financement des campagnes électorales aux Etats-Unis : La
décision McConnell v. FEC du 10 décembre 2003", Revue
française de droit constitutionnel, 2004, n° 59, pp.
473-502.
* 455 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, op.cit, p.151.
* 456 Ibidem
* 457 La différence
sémantique évidente entre l'acculturation et l'inculturation
procède, à n'en point douter, d'un choix qu'il faut faire entre
d'une part, la transposition d'une institution avec les ingrédients
culturels qui l'ont vu naître ou d'autre part, la transplantation de la
même institution acclimatée au sol d'accueil. Le choix
paraît cornélien car il présuppose la fortune de chacune
des formules avant sa concrétisation. Rien d'emblée n'autorise
une telle vision. Il s'agit d'opter et d'assumer le choix ainsi
opéré en le mettant en perspective avec les autres
ingrédients de la culture nationale.
* 458 Lire avec
intérêt, KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle
d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la
Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.
* 459 Voir FAVOREU (L.),
La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1998.
* 460 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, op.cit, p.64 ; voir aussi P. LEGENDRE,
L'amour du censeur. Essai sur l'ordre dogmatique, Paris, Seuil,
1974.
* 461 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, op.cit, p.65.
* 462 Ibidem
* 463 Article 158,
alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006,
JORDC, numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2006,
p.55. Ce texte exige que deux tiers des juges soient des juristes provenant du
barreau, de la magistrature ou de l'enseignement universitaire. Il est la
traduction de la conception que le culte du droit à ce niveau ne peut
être célébré que par des juristes et de très
haut niveau. C'est ce que nous appelons les grands sacrificateurs de temps
nouveaux.
* 464 LEISNER (W.),
« L'Etat de droit : une contradiction »,
Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p.66.
* 465 COMANDUCCI (P.),
Assagi di metaetica due, Giappichelli, 1998, chap. 8, p. 97 s. et
aussi, « Ordre ou norme ? Quelques idées de constitution au XVIIIe
», in TROPER (M.) et JAUME (L.) (sous la direction de), 1789
et l'invention de la constitution, Paris, Bruxelles, LGDJ-Bruylant, 1994,
p. 23 et s.
* 466 KELSEN (H.), La
garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice
constitutionnelle), Paris, Giard, 1928, (et RDP, 1928) p. 8 :
« à travers les multiples transformations qu'elle a
subies, la notion de constitution a conservé un noyau permanent :
l'idée de principe suprême déterminant l'ordre
étatique tout entier et l'essence de la communauté
constituée par cet ordre. De quelque façon qu'on définisse
la Constitution, toujours c'est le fondement de l'État, la base
de l'ordre juridique que l'on prétend saisir (...), c'est un
principe où s'exprime juridiquement l'équilibre des forces
politiques au moment considéré, c'est la norme qui
règle l'élaboration des lois, des normes générales
en exécution desquelles s'exerce l'activité des organes
étatiques (...) ».
* 467 C'est la fameuse
thèse du Besonderesfall de ALEXY (R.), Theorie der
juristischen Argumentation. Die Theorie des rationalen Diskurses als Theorie
der juristischen Begründung, Suhrkamp 1985 réédition
2001 (disponible en anglais: A Theory of Legal Argumentation: The
Theory of Rational Discourse As Theory of Legal Justification
traduction anglaise Ruth ADLER, Neil Maccormick, Oxford UP.,
1989).
* 468 BÖCKENFÖRDE
(E.-W.), « Les méthodes d'interprétation de la Constitution
: un bilan critique », in Le droit, l'État et la Constitution
démocratique, traduction française d'Olivier JOUANJOUAN,
Paris, LGDJ, p. 223-252, ici p. 245. Il y passe en revue la «
méthode herméneutique classique », la méthode «
topique idéalisante », «l'interprétation de la
constitution comme science de la réalité », «
l'interprétation herméneutique-concrétisante de la
constitution ».
* 469 Idem, p.245.
* 470 Pour ce qui concerne
la hiérarchisation des principes, voir RIALS (S.), « Les
incertitudes de la notion de Constitution sous la Ve République »,
RDP, 1984, p. 588-612 et pour les droits fondamentaux, lire FAVOREU
(L.) et PHILIP (P..), Grandes décisions du Conseil
constitutionnel, Paris, Dalloz, 12e éd., 2003, commentaire des
décisions CC 81-132 DC et CC 82-139 DC (nationalisations) ; GOESEL-LE
BIHAN, « Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel :
défense et illustration d'une théorie générale
», RFDC, 45, 2001, p. 67-83
* 471 Pour cette
classification des antinomies, voir ROSS (A.), On Law and Justice,
Londres, Stevens & Sons Ltd, 1958, p. 128 s. et BOBBIO (N.) Teoria
generale del diritto (1960), Turin, Giappichelli, réédition
1993, pp.209-217 et Essais de théorie du droit, traduction M.
Guéret, Paris, LGDJ-Bruylant, chap. 6, p.89 et s.
* 472 MATHIEU (B.) et
VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux,
Paris, LGDJ, 2002. Sur la question plus spécifique des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, lire
CHAMPEIL-DESPLATS (V.), Les principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République. Principes constitutionnels et justification
dans les discours juridiques, Economica-PUAM, p. 204 et s.
* 473 TROPER (M.), «
Marshall, Kelsen, Barak et le sophisme constitutionnaliste », in
ZOLLER (E.) (sous la direction de), Marbury v. Madison : 1803-2003. Un
dialogue franco-américain, Paris, Dalloz, 2003, p. 215-228. Lire
aussi, Décision Marbury v. Madison, in ZOLLER (E.)(sous la
direction de), Les grands arrêts de la Cour suprême des
États-Unis, Paris, PUF, 2000, p. 102.
* 474 De la
démocratie en Amérique, I, 1, ch. VI.
* 475 Ibidem, I, 2, chap.
VII. Il continue : « Les hommes, en se réunissant, ont-ils
changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les
obstacles en devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le
pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne
l'accorderai jamais à plusieurs. »
* 476 La théorie que
Bruce ACKERMAN développe depuis quelques années semble prolonger
l'analyse tocquevillienne. Comme on le sait, Bruce ACKERMAN oppose la
démocratie moniste - dans laquelle la volonté du peuple est
réputée représentée par ceux qui détiennent
le pouvoir législatif (le Congrès et le Président) -
à la démocratie dualiste dans laquelle cette volonté
« est présumée représentée par les
principes de droit suprême qui ont obtenu dans le passé
le consentement du peuple ».
* 477 ACKERMAN (B.), Au
nom du Peuple. Les fondements de la démocratie américaine
(1991), trad. J.-F. SPITZ, Paris, Calmann-Lévy, 1998, v. note p. 37
et 327 ainsi que « La démocratie dualiste », in Le
concept de représentation dans la théorie de
l'État, Paris, P.U. Rouen-LGDJ-Bruylant, 2004.
* 478 PASQUINO (P.), «
La politica limitata. I principi liberal-democratici dello Stato di dirittto il
controllo ddi costituzionalità », Analisi e Diritto, 1996
(187-205), notamment p. 204.
* 479 ROUSSEAU (D.), «
La jurisprudence constitutionnelle : quelle «nécessité
démocratique» ? », in MOLFESSIS et alii
(sous la direction de.), La légitimité de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1999
(363-376), p. 370 : « les citoyens figurent comme
représentés dans les institutions législative et
exécutive et, là est la nouveauté, comme souverain par la
juridiction constitutionnelle ».
* 480 Idem, p.374.
* 481 ROUSSEAU (D.),
article cité, p. 372. Nous soulignons. Ou encore : « Le
Conseil est ainsi l'institution qui réfléchit la structure
dialogique de la représentation politique : il est, pour parler en
termes kantiens, la condition de possibilité de la perception - et de la
réception de cette perception - de la représentation du peuple
comme souverain et des représentants comme délégués
subordonnés. L'apport de la juridiction constitutionnelle, loin de
heurter le principe démocratique de la souveraineté du peuple, en
permet donc la représentation symbolique et pratique. »
* 482 NINO (C.S.), «
Breve nota sulla struttura del ragionamento giuridico », Ragion
Pratica, 1993, 1, p. 32-37.IDEM, « Some Confusions around Kelsen's
Concept of Validity », Archiv für Rechts-und
Sozialphilosophie, 64, 1978 repris in La validez del derecho,
Buenos Aires, Astrea, 1985, réimp. 2000, chap. I. ; IDEM,
Fundamentos de derecho constitucional, op.cit., p. 683 et NINO (C.S.),
« A Philosophical Reconstruction of Judicial Review », op.
cit., p. 299.
* 483 FERRERES COMELLA
(V.), Justicia constitucional y democracia, Madrid, CEC, 1997, p. 139
et p. 180. Clairement prescriptive, la démonstration constitue sans
doute une des plus approfondies sur la question du contrôle de
constitutionnalité en démocratie.
* 484 Sur la
spécificité de la participation du juge constitutionnel
français dans le jeu politique, voir MEUNIER (J.), «Les
décisions du Conseil constitutionnel et le jeu politique »,
Pouvoirs, n°105, 2003, p. 29-40 et, plus
généralement, du même auteur Le pouvoir du Conseil
constitutionnel. Essai d'analyse stratégique, Paris, P.U.
Rouen-LGDJ-Bruylant, 1994.
* 485 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.33.
* 486 NTUMBA LUABA LUMU
(A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa, EUA,
2005, p.116.
* 487 Lire BOSHAB (E.),
Pouvoir et droit coutumiers à l'épreuve du temps,
Louvain-la-neuve, Academia Bruylant, 2007, 338p. L'auteur indique de
façon magistrale comment les pouvoir et droit coutumiers opposent une
résistance aux pouvoir et droit de l'Etat. N'est-ce pas la
résistance des vaincus dont parle Ziegler contre un Etat et son droit
perçus comme les avatars d'une domination extérieure ? Ou,
tout simplement, s'agissant d'une greffe, la durée n'est-elle pas
insuffisante pour que celle-ci prenne sur le corps social congolais ? En
tout cas, la réflexion peut continuer sur ces rivages.
* 488 Lire ROBINSON,
« Constitutional Autochthony in Ghana », Journal of
Commonwealth Political Studies, 1961, n°4, cité par NTUMBA LUABA
LUMU (A.-D.), op.cit, p.117.
* 489 Nous pensons à
la fameuse « Commission Vérité et
Réconciliation » qui a fait ses preuves dans ce pays
africain.
* 490 Lire avec
intérêt l'excellent article de Bruno NEVEU, « Costume
des juristes », Dictionnaire de la culture juridique, Paris,
PUF, Lamy, Quadrige, 2003, pp.309-313.
* 491 Lire FACULTE DE DROIT
DE LA KATHOLIEKE UNIVERSITEIT BRUSSEL, (sous la direction de), Le
langage du droit accessible à tous ?, Actes du colloque tenu
le 17 novembre 1999 à la faculté de Droit de la Katholieke
Universiteit Brussel avec le concours de Recherches et Documentation juridiques
africaines Asbl, Bruxelles, éditions RDJA, 2000, 138 pp.
* 492 YOKO YAKEMBE (P.),
L'UNESCO et le développement de l'éducation en Afrique noire
indépendante, Thèse de doctorat de spécialité
en droit public, Université de Dijon, 1970.
* 493 PHILIPPE (X.),
« La Cour constitutionnelle sud-africaine. Présentation de la
Cour constitutionnelle sud-africaine », Cahiers du Conseil
constitutionnel, n°9, 18 pp in
http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc9/ccsa.htm
consulté le 27 février 2008.
* 494 Ibidem
* 495 Voy article 166 de
la Constitution définitive de 1996.
* 496 Après avoir
passé six ans en Afrique du Sud, participé aux travaux et
débats de l'Assemblée constituante pour aboutir à la
rédaction de la Constitution sud-africaine, et suivi les travaux de la
Commission Vérité et Réconciliation, ce thème est
devenu, depuis 1997, le thème de recherche privilégié du
Professeur Xavier Philippe. Il a donné lieu aux réalisations
suivantes pendant la période de référence : Xavier
Philippe, "La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice ?",
L'Observateur des Nations Unies, septembre 2003 ; " Commission
Vérité et Réconciliation et droit constitutionnel ",
in Rhétoriques et Droits Vérité et
Réconciliation après l'Apartheid, in
«Vérité, Réconciliation et Réparation»,
sous la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P-J Salazar, pp.219-241, Coll. Le Genre
Humain, Seuil, 2004 ; " Plurijuridisme constitutionnel et droits
coutumiers en Afrique du sud ", Association Internationale de
Méthodologie Juridique- 8ème Congrès mondial
Aix-en-Provence - 4 au 6 septembre 2003, RRJ 2004 ; " Le droit,
l'État de droit et les cultures africaines dans la transition
post-apartheid " Revue Projet Mars 2005 ; " Le rôle du
constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit
" Mélanges offerts à Loïc Philip, 2005 ;" La famille dans la
guerre ", Mélanges offerts à F. Ringel, 2006 (à
paraître) ; " The principles of universal jurisdiction and
complementarity: how do the two principles intermesh? ", Revue
Internationale de la Croix Rouge Vol. 88, n°862, 2006 ; " Justice
Transitionnelle et Nations Unies ", L'Observateur des Nations Unies,
Octobre 2006s; " Breaching the Principle of Proportionality between
the Gravity of the Crime and the Weight of the Sanction in Transitional Justice
Systems ", San Remo Institut International de Droit Humanitaire Table Ronde
- 7-9 Sept 2006.
* 497 Voy article 167 de
la Constitution de 1996.
* 498 PHILIPPE (X.),
op. cit, p.5.
* 499 Idem, p.6.
* 500 Il s'agit d'une liste
de 34 principes, nous dit Xavier PHILIPPE, adoptés par les partis
politiques ayant participé aux négociations constitutionnelles
originaires. Avant même que la Constitution intérimaire ne soit
adoptée, les partis s'étaient mis d'accord sur une liste des
principes qu'ils s'étaient engagés à respecter lors de
l'écriture de la Constitution de 1993 mais également lors de
l'élaboration de la Constitution définitive. Afin que cela ne
reste un voeu pieux, la Constitution intérimaire avait confié
à la Cour constitutionnelle le rôle de vérifier le respect
de ces principes fondamentaux (article 74 de la constitution intérimaire
de 1993).
* 501 PHILIPPE (X.),
op.cit, p.6.
* 502 PHILIPPE (X.),
op.cit, p.7.
* 503 Dans le
système de droit de la Cour pénale internationale, l'on peut
noter la présence dans l'arsenal juridique du règlement de la
Cour et du règlement du greffe qui contiennent tous les deux des
dispositions relatives à la procédure devant cette juridiction
internationale. Ces deux instruments internationaux sont ici aussi l'oeuvre des
juges même s'ils ont été adoptés par
l'assemblée des Etats parties.
* 504 En RSA, les avocats
près les Hautes Cours sont des Advocates.
* 505 La décision
National Coalition for Gay and Lesbian Equality v.Minister of Home Affairs
du 2 décembre1999 dans laquelle la Cour a ajouté les termes
« ou de partenaires du même sexe » après les
mots « époux » de façon à supprimer la
discrimination pour l'entrée et le séjour de personnes vivant
avec un résident permanent sud-africain. Voir traduction et commentaire
de cette décision, http :
www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html
* 506 Voir http s:
www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html
* 507 Lire avec fruit,
CHEIKH ANTA DIOP, Nations nègres et culture. De l'antiquité
nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique
noire d'aujourd'hui, tome II, Paris, Présence Africaine, 1979.
* 508 Voir la Loi
n°92-23 du 30 mai 1992, modifiée par la loi organique n°99-71
du 17 février 1999 citée in http :
www.gouv.sn/institutions/conseil_const.html consultée le 27
février 2008.
* 509 Il est donc possible
que le vote se fasse par un siège en nombre pair en cas
d'empêchement temporaire dûment constaté de l'un des membres
ou que le Conseil ne fonctionne plus dès lors que plus d'un membre sont
empêchés.
* 510 Lire à ce
sujet, CAMARA (O.), « La Cour suprême du
Sénégal » in CONAC (G.) (sous la direction de), Les
cours suprêmes en Afrique, Paris, Economica, 1988, p.307.
* 511 Voy MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel,
op.cit, p.238.
* 512 Lire MOUHAMADOU
MOUNIROU SY, La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en
Afrique, L'exemple du Sénégal, Paris, L'Harmattan, 2007, 564
p.
* 513 Là aussi un
fort mimétisme avec le Conseil constitutionnel français est
à remarquer. Se justifierait-il au demeurant par les mêmes raisons
que le constituant français, par ses dix-huit sources, évoque,
soit sa méfiance vis-à-vis du pouvoir judiciaire qu'il a
appelé simplement autorité judiciaire chargée donc
d'appliquer la loi, seule expression légitime de la souveraineté
nationale ? Telle théorie possède-t-elle les mêmes
béquilles en droit sénégalais ? Rien n'est moins
sûr.
* 514 Ces détails
purement techniques indiquent à notre sens que le constituant
sénégalais, a, par le texte organique du Conseil constitutionnel,
voulu et pu limiter les manoeuvres politiciennes en obligeant ainsi les
autorités politiques à signer leur requête
c'est-à-dire à politiquement assumer la responsabilité de
la crise ainsi ouverte. En effet, s'agissant du chef de l'Etat, par exemple,
une requête signée par lui contre une loi signifie qu'il est en
contradiction majeure avec la majorité parlementaire qui l'a
votée. Le Chef de l'Etat sera enclin selon les augures du moment
à plus de circonspection surtout lorsqu'il n'est pas sûr de
renverser la majorité ainsi solidement établie. Par contre, s'il
contredit sa propre majorité par voie de requête, cela veut tout
au moins signifier qu'il a perdu les rênes de celle-ci.
* 515 Pour tous les
détails sur la justice constitutionnelle sénégalaise, lire
avec profit Ibrahima ANNE, « Justice. Une réforme, pour quoi
faire ? », Wal Fadjiri, 6 août 2007.
* 516 Lire avec
intérêt MOUHAMADOU MOUNIROU SY, La protection
constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, L'exemple du
Sénégal, Paris, L'Harmattan, 2007.
* 517 Idem, pp.17-21.
* 518 S'en reporter aux
développements précédents idoines relatifs à la
justice constitutionnelle allemande entre autres et leurs conséquences
sur les droits fondamentaux des citoyens et même des étrangers
vivant en Allemagne. Ce modèle très protecteur semble n'avoir pas
attiré l'attention du constituant sénégalais enclin en
revanche à imiter le modèle jacobin du Conseil constitutionnel
plutôt protecteur de l'autorité que de la liberté. Ce
couple conceptuel « liberté-autorité » a
donné lieu à une littérature juridique et politique
abondante qu'il ne sied guère de développer ici.
* 519 Pour reprendre le
distinguo retenu par JAN, (P.) La saisine du Conseil constitutionnel,
Paris, LGDJ, 1999, p. 343, au vu de la décision 92-312 DC, 2
septembre 1992, Rec. P. 76, du Conseil constitutionnel français.
* 520 Au Burkina Faso
(Constitution de 1991 révisée, art. 154 ; loi organique
n°011-2000/AN du 27 avril 2000, art. 34 à 36), le Conseil
Constitutionnel veille au respect de la procédure de
révision : s'il estime fondée une contestation, le Conseil a
le pouvoir d'arrêter la procédure ou d'annuler la loi de
révision.
* 521 Au Gabon
(Constitution de 1991 révisée, art. 116 ; loi organique
n°9/91 du 26 septembre 1991, art. 57 et 58), la Cour constitutionnelle
émet un avis simple, sans grand intérêt pratique, sur tout
projet ou proposition de révision, quant à la
régularité de la procédure et à sa
compatibilité avec la Constitution dans son ensemble. Au Congo
Brazzaville (Constitution de 2002, art. 186), la Cour Constitutionnelle
émet un « avis de conformité », avant
l'approbation référendaire d'un projet ou d'une
proposition ; cet avis lie le pouvoir de révision.
* 522 VEDEL (G.),
« Schengen et Maastricht », RFDA, 1992, p.
179.
* 523 France, Constitution
de 1793, art. 28.
* 524 France, Conseil
Constitutionnel, décision 2003-469 DC, 26 mars 2003, Rec. p. 293. Voir
les commentaires parus à la RDP, n°3-2003, et à
la RFDC, 2004, n°59.
* 525 Dans sa
décision
du 9 octobre 1998 sur l'affaire n°9/C/98, le Conseil Constitutionnel
se déclare incompétent pour statuer sur une loi de
révision touchant à la rééligibilité
à la Présidence de la République et à la
réglementation de la compétition présidentielle. Il
confirme cette jurisprudence, dans sa
décision
du 18 janvier 2006 sur l'affaire n°3/C/2005, concernant une loi
constitutionnelle prorogeant le mandat des députés
élus.
* 526 Sur ce genre
d'anticipation jurisprudentielle, voir FALL (A.B.), « Le droit
africain a-t-il sa place en droit comparé ? », in Le
devenir du droit comparé en France (Journée d'études
à l'institut de France, 23 juin 2004), J. du Bois de Gaudusson (dir.),
Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2005, p. 168 et s..
* 527 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, 7ième
édit., Paris, Montchrestien, 2006, p. 217.
* 528 Voir SABETE (W.),
Pouvoir de révision constitutionnelle et droits fondamentaux. Etude
des fondements épistémologiques et européens de la limite
matérielle du pouvoir constituant dérivé, Presses
universitaires de Rennes, 2006.
* 529 Voir La
révision de la constitution, (Journées d'études des
20 mars et 16 décembre 1992, Travaux de l'AFDC), Paris, Economica, PUAM,
1993, « Justice constitutionnelle et révision de la
constitution », IXième table ronde internationale
d'Aix-en-Provence, septembre 1994, Annuaire international de justice
constitutionnelle IX-1994, Paris, Economica, 1995, BOISSY (X.), La
séparation des pouvoirs oeuvre jurisprudentielle. Sur la construction de
l'Etat de droit postcommuniste, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 433 et s.,
GOZLER (K.), Le pouvoir de révision constitutionnelle,
Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, KLEIN (C.),
Théorie et pratique du pouvoir constituant, Paris, PUF, 1996,
PAPASAVVAS (S.S.), La justice constitutionnelle à Chypre,
Paris, Economica, PUAM, 1998, p. 155 et s., et PINI (J.), «
La
Cour constitutionnelle autrichienne et les rapports entre juge constitutionnel
et pouvoir constituant », Cahiers du Conseil
Constitutionnel, n°7-1999, p. 47 et s. .
* 530 FAVOREU (L.),
« Le principe de constitutionnalité. Essai de
définition d'après la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in Mélanges Charles Eisenmann,
Paris, Cujas, 1975, p. 37 et suivantes relève que la
« composition du bloc de constitutionnalité varie selon la
nature des actes soumis au contrôle ».
* 531 Voir
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-par-date/1963/63-24-dc/decision-n-63-24-dc-du-20-decembre-1963.6590.html
* 532 BOSHAB (E.), Note
d'observation, Revue de droit africain, Bruxelles, n°26, avril
2003, pp.265-271.
* 533 Elle vient
d'être remplacée au courant du mois de mai 2008 par le
bâtonnier Robert DOSSOU.
* 534 L'usage doctrinal de
deux expressions procède, peut-être, vu les conditions
matérielles de la production constitutionnelle béninoise, d'une
option conceptuelle qui inclut à la fois les considérations du
droit naturel auxquelles ressortit la notion des droits de la personne et
celles du droit positif tant national qu'international auxquelles se rattache
la terminologie de libertés publiques. Là ne gît pas une
innovation du constituant béninois.
* 535Les explications
ci-avant pourraient fonder l'emploi de deux termes dans la mesure où ils
sont englobants et donc protègent mieux les droits humains quelle que
soit leur origine.
* 536 En analysant les
décisions de la Cour constitutionnelle béninoise, Evariste BOSHAB
nous prévient qu'il ne faudrait pas perdre de vue que ce pays se passa
de constitution de 1968 à 1977 et de ce fait, le rigorisme des juges
peut bien s'expliquer. Lire BOSHAB (E.), Note d'observation, Revue de droit
africain, n°12, octobre 1999, Bruxelles, p.583.
* 537 Lire l'article 55 de
la Loi organique.
* 538 Ibidem.
* 539 Il s'agit d'une
affirmation que nous avons trouvée sur le site Wikipedia. Elle a
l'autorité toute relative de la chose écrite par une personne qui
n'a pas révélé son identité.
* 540 En effet, cet auteur
tout en encourageant les efforts de nouvelles cours constitutionnelles
africaines, souligne le danger de passer d'un extrême à l'autre.
Lire BOSHAB (E.), Note d'observation, Revue de droit africain,
Bruxelles, n°12, octobre 1999, p.584.
* 541 Idem, p.584.
* 542 BOSHAB (E.), Note
d'observation, Décision n°98-009 du 16 janvier 1998, Revue de
droit africain, Bruxelles, n°12, octobre 1999, pp. 581-584.
* 543 Analysé avec
brio, en 2004, par Conceptia OUINSOU, la Présidente de la Cour
Constitutionnelle.
* 544 Lire BOLLE (S.),
« Constitution, dis-moi qui est la plus suprême des cours
suprêmes », in La Constitution en Afrique, sur le site web
www.la-constitution-en-afrique.org
consulté le 24 novembre 2009.
* 545 Lire DJOLI
ESENG'EKELI (J.), op.cit, pp.367-392.
* 546 Lire MATADI NENGA
GAMANDA, Le droit à un procès équitable,
Louvain-la-Neuve, Kinshasa, Academia-Bruylant, DIN, 2002. ; BOSHAB
(E.), « La misère de la justice et justice de la misère
en République démocratique du Congo », Revue de la
Recherche Juridique, n° XXIII-74, 23ème
année, 74ème numéro, PUAM., 1998-3, pp.
1163-1184. ; MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La mégarde
des modèles de Constitutions euro-occidentales et l'élaboration
d'une Constitution zaïroise de développement véritablement
intériste », Annales de la Faculté de droit,
vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996. ; MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA,
« Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous
l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 »,
Annales de la Faculté de Droit, vol.XXV, août 1996,
Kinshasa, P.U.Z., pp.321-355. ; D. KALUBA DIBWA, « Le
contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force
de lois en droit positif congolais », Revue du Barreau de
Kinshasa/Gombe, n°02/2006, pp.1-17.
* 547 Bruno MBIANGO KAKESE
NGATSHAN, discours de rentrée judiciaire de la Cour suprême de
justice, année, Bulletin des arrêts de la Cour suprême
de justice, Kinshasa, Service de documentation du Ministère de la
Justice, 200 pp.
* 548 MABANGA MONGA
MABANGA, op.cit, pp.76-79.
* 549 KENGO wa DONDO,
L'évolution jurisprudentielle de la Cour suprême de justice au
Zaïre (1968-1979), Mercuriale du 4 novembre 1978, C.S.J., Imprimerie
Saint Paul, Kinshasa, 1979, p.135.
* 550 MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, « Le contrôle de la constitutionnalité des
lois sous l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril
1994 », Annales de la Faculté de Droit, vol.XXV,
août 1996, Kinshasa, P.U.Z., pp.321-355.
* 551 Lire MABANGA MONGA
MABANGA, op. cit, p.79.
* 552 MATADI NENGA
GAMANDA, op. cit, pp.159-271.
* 553 KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle
d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la
Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.
* 554 Constitution, article
158, alinéa 2, Journal Officiel de la République
démocratique du Congo, JORDC, 47ème année,
numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2006, p.55.
* 555 L'on se souvient que
le contentieux électoral lors des élections
générales de 2006 a pris plus de temps que prévu
entraînant même une contestation parlementaire des arrêts
rendus hors délai, lesquels arrêts n'ont eu la vie sauve que
grâce à la bonne disposition d'esprit du Président de
l'Assemblée nationale.
* 556 Lire article 11 du
projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, p.5.
* 557 Lire l'article
1er de l'Ordonnance-loi n°81-026 du 3 octobre 1981 relative
à la collation des grades académiques aux universités,
JOZ, n°20, 15 octobre 1981, P.13.
* 558 En effet, tant le
statut des magistrats que l'ordonnance-loi organique du Barreau, les deux
textes ont toujours exigé la détention d'une licence en droit
comme condition minimale pour exercer la profession d'avocat ou la
carrière de magistrat. Dès lors, l'on peut convenir que l'on
devient juriste lorsque l'on possède ce parchemin encore qu'il ne
s'agisse là que d'une simple présomption juris tantum
des connaissances en matière de droit.
* 559 Les études de
troisième cycle en droit sont organisées par
l'arrêté départemental n°ESR/BCE /141/79 du 15
octobre 1979 fixant les programmes du diplôme d'études
supérieures en droit. Lire MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET
UNIVERSITAIRE, Programmes des études de troisième cycle,
Kinshasa, Le Bureau des études postuniversitaires du Zaïre
(BEPUZA), 1991, pp.12-14.
* 560 Lire MATADI NENGA
GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République
démocratique du Congo. Contribution à une théorie de
réforme, Kinshasa, DIN, 2001. Cet auteur considère en effet
et à raison que la mauvaise formation de nos magistrats est un obstacle
majeur immédiat à la réforme de la justice ; KALUBA
DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif
suprême en droit public congolais. Lecture critique de certaines
décisions de la Cour suprême de justice d'avant la Constitution du
18 février 2006, Kinshasa, éditions Eucalyptus, 2007.
* 561 C'est peut-être
le lieu de proposer une école de formation du barreau, à l'instar
de l'EFB de Paris qui fonctionne en synergie avec la Faculté de Droit de
Paris et qui assure ainsi une formation professionnelle
spécialisée à ses membres.
* 562 L'article 7 point 2
de l'Ordonnance-loi n°79/028 du 28 septembre 1979 portant organisation du
Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires
de l'Etat dispose tout simplement la licence en droit, JOZ, n°19,
1er octobre 1979, p.4. Cette disposition exige tout simplement
d'être titulaire d'une licence pour accéder à la profession
d'avocat sans que le barreau lui-même comme ailleurs n'organise une
quelconque spécialisation professionnelle qui tiendrait lieu de
diplôme de spécialiste.
* 563 Voy MATADI NENGA
GAMANDA, Le droit à un procès équitable,
Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éditions Droit et idées
nouvelles, Academia Bruylant, 2002, p.33, n°33.
* 564 Lire MUKADI BONYI,
Projet de constitution de la République démocratique du
Congo. Plaidoyer pour une relecture, Kinshasa, C.R.D.S., 2005. L'auteur
formule des observations fort pertinentes sur l'absence quasi miraculeuse de
cette condition de moralité comme si le constituant l'avait
écartée.
* 565La conception
occidentale du pouvoir est généralement présentée
comme étant un cercle, Jacques DJOLI dans sa belle thèse nous dit
plutôt que chez-nous le pouvoir est concentrique. Les petits cercles qui
s'entrelacent font naturellement le lit du pouvoir. Dès lors, la logique
de cette observation sociologique devra se traduire institutionnellement par la
responsabilisation et la prise en charge de communautés de base enfin
réhabilitées par le pouvoir d'Etat.
* 566 Lire les
développements fort utiles de MAPPA (S.), Pouvoirs
traditionnels et pouvoir d'Etat en
Afrique. L'illusion universaliste, Paris, Karthala,
1998 ; MABIKA KALANDA, La remise en
question. Base de la
décolonisation mentale, Bruxelles, Remarques
Africaines, 1969.
* 567 Il est rationnel en
effet que la loi comme expression de la souveraineté nationale tout
comme la justice, expression de cette souveraineté, concernent le plus
grand nombre au lieu de rester cloisonnées dans les alcôves de
quelques résidences cossues de Kinshasa ou de Lubumbashi.
* 568 La pratique de
juges ad hoc désignés par les Etats parties au
procès devant la Cour internationale de justice a donné des bons
résultats parce qu'elle achève de faire participer les Etats
à la fois comme juges et comme parties au procès de sorte qu'il
est exclu qu'un Etat jugé à ce niveau puisse arguer de n'avoir
pas eu à exprimer littéralement ses vues. Chaque Etat a le droit
de se choisir un juge qui porte en fait son point de vue. Dans un cas
récent, cette pratique a donné naissance à une belle
littérature qui deviendra certainement un classique, aux dires de son
préfacier, lire SAYEMAN BULA-BULA, Les immunités
pénales et l'inviolabilité du ministre des Affaires
étrangères en droit international. Principe. Caractères.
Portée. Exceptions. Limites. Sanctions., (Affaire du mandat du 11 avril
2000. RdCongo c. Royaume de Belgique, CIJ, arrêt du 14 février
2002), Kinshasa, PUK, 2004.
* 569 Décision du
14 octobre 2005, Journal Officiel du Burkina Faso, n°50, du 15
décembre 2005.
* 570 Lire article 90 du
Règlement intérieur-cadre révisé en 2009.
* 571 Dans ce sens, lire la
belle thèse de BERNABE (B.), La récusation des juges. Etude
médiévale, moderne et contemporaine, Paris, LGDJ, 2009, 440
pp.
* 572 Projet de loi
organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle,
article 10, p.5.
* 573 Ibidem, p.4, article
1er alinéa 2.
* 574 JORDC,
Numéro spécial, 47ème année,
Première partie, Kinshasa, 25 octobre 2006, p.21, article 90.
* 575 Loi organique
n°08/013 du 5 août 2008 portant organisation et fonctionnement du
conseil supérieur de la magistrature, JORDC, numéro
spécial, 49ème année, première partie,
Kinshasa, 11 août 2008, p.3, article 4.
* 576 Lire pour des
détails fort intéressants, COMITE DE REFLEXION ET DE PROPOSITION
SUR LA MODERNISATION ET LE REEQUILIBRAGE DES INSTITUTIONS DE LA Vème
REPUBLIQUE, Une Vè République plus démocratique,
Bibliothèque d'études doctorales de la Sorbonne, Paris,
2007, p.149, v° Projet d'article 65.
* 577 Article 12,
alinéa 3 in fine.
* 578 Lire les articles 4,
14 et 19 de la loi organique sur le conseil supérieur de la
magistrature, op.cit, pp.3-6.
* 579 Voy article 11
alinéa 2 du projet de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, p.5.
* 580 Voy 24 alinéa
4 du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, p. 8.
* 581 Voy article 162
alinéas 2 et 3 de la Constitution.
* 582 Voy article 54
alinéa 3 du projet de loi portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, p. 13.
* 583 Lire avec
intérêt MATADIWAMBA KAMBA MUTU, « L'originalité
du procès en cassation », Revue juridique Justice, Science
et Paix, n° spécial, Kinshasa, juin 2004,
pp.61-67.
* 584 Ce serait une
occasion pour instituer un barreau spécifique devant cette haute
juridiction susceptible de regrouper les avocats spécialisés en
droit public. Ici, comme condition d'accès, le législateur
exigerait de l'impétrant une ancienneté de dix ans d'inscription
au tableau d'un barreau près la Cour d'appel pour éviter tout
amateurisme et une publication en matière de droit public interne
notamment en matière de droit constitutionnel pour justifier de la
compétence en ce domaine. Une troisième condition essentielle
serait la détention d'un diplôme d'études
supérieures en droit public et ceci, pour stimuler les avocats congolais
à faire des études spécialisées.
* 585 Lire PARDINI (J.-J.),
« La qualification constitutionnelle des faits »,
Mélanges dédiés à la mémoire du
Doyen Favoreu, La justice constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2007.
* 586 Lire l'étude
de Thierry Di MANNO, « Les décisions de constitutionnalité
précaire en Italie et en France », Liber Amicorum Jean-Claude
Escarras, La communicabilité entre les systèmes juridiques,
op.cit, pp. 203-234.
* 587 Lire article 20 du
projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, p.7.
* 588 Lire pour une
théorie systématisée de la notion de justice de palabre
africaine, KABONGO-KANUNDOWI (Mgr E.) et BILOLO MUBABINGE, Conception Bantu
de l'autorité, Munich, Kinshasa, Publications Universitaires
Africaines, 1994 ; BUAKASA TULU KIA MPANSU, L'impensé du
discours. « Kindoki » et « Nkisi » en
pays kongo du Zaïre, 2ème édition revue et
corrigée, Thèse de doctorat en sociologie, Université de
Paris, 1971, (publiée), Kinshasa, Faculté de théologie
catholique, 1980; BOSHAB (E.) , Pouvoir et droit coutumiers à
l'épreuve du temps, Louvain-la-neuve, Academia-Bruylant,
2007 ; MARCOU (J.), Justice constitutionnelle et systèmes
politiques, coll. Politique en plus, Grenoble, PUG, 1997 ; LOKADI
LONGANDJO (R.), Les enjeux et les défis de la transition
démocratique en République démocratique du Congo,
tome 1, Eléments pour une morphologie de la démocratie
congolaise, Kinshasa, éditions COREP, 2005 ; MAPPA (S.),
Pouvoirs traditionnels et pouvoir d'Etat en Afrique. L'illusion
universaliste, Paris, Karthala, 1998.
* 589 Lire van COMPERNOLLE
(J.), « A propos d'une garantie constitutionnelle du procès
équitable : la publicité de la justice » ;
LAVAL (G.) et Alii (sous la direction de), L'humanisme dans la
résolution des conflits, Bruxelles, Larcier, 2007, pp.511-520.
* 590 Constitution de la
République démocratique du Congo, article 21.
* 591 Lire exposé
des motifs du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, p.3.
* 592 Lire KAMTO (M.)
« La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême du
Cameroun » in CONAC (G.) et du bois de GAUDUSSON (J.) (sous la
direction de), Les cours suprêmes en Afrique, Tome III, La
jurisprudence administrative, Paris, Economica, 1988, pp.34 et 52.
* 593 FAVOREU (L.) et
Alii, Droit constitutionnel, op.cit, pp.456-459.
* 594 L'expression ici
employée est empruntée à NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA
(P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en République
démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice
constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique,
Thèse de doctorat en droit public, Université catholique de
Louvain, 2008.
* 595 Il n'est pas vain, en
outre, de montrer que le caractère autocratique appelle presque partout
une justice constitutionnelle propre à endiguer les dérives
dictatoriales du régime une fois que ce dernier s'est
démocratisé. En tous cas, c'est le premier mécanisme
auquel pensent les techniciens du droit lorsqu'il faut installer un Etat de
droit. Pour schématiser, l'Etat de droit est fils de la dictature.
* 596 CARBASSE (J.-M.),
Manuel d'introduction historique au droit, 2ème
édition corrigée, Paris, PUF, 2004, pp. 13-23.
* 597 Lire MABANGA MONGA
MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, E.U.A.,
1999 ; KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du
juge administratif suprême en droit public congolais. Lecture critique de
certaines décisions de la Cour suprême de justice d'avant la
Constitution du 18 février 2006, Kinshasa, éditions
Eucalyptus, 2007 ; VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit
administratif, Bruxelles, Larcier, 2007 ; WETSH'OKONDA KOSO SENGA
(M.), Les perspectives des droits de l'homme dans la constitution
congolaise du 18 février 2006, Kinshasa, Editions de la Campagne
pour les droits de l'Homme au Congo, 2006 ; NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA,
Droit congolais des droits de l'homme, Louvain-la-neuve,
Academia-Bruylant, 2004 ; KILENDA KAKENGI BASILA (J.-P.), Le
contrôle de la légalité des actes du magistrat dans
l'administration de la justice criminelle en RdCongo, Thèse de
doctorat en droit, Katholieke Universteit Leuven, 2002 ; MBOKO Dj'ANDIMA,
L'Etat de droit constitutionnel en République démocratique du
Congo. Contribution à l'étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de D.E.S. en droit public,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2005 ; NGONDANKOY
NKOY ea LOONGYA, Le contrôle de constitutionnalité en
République démocratique du Congo. Etude critique d'un
système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte
tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public,
Université catholique de Louvain, 2008.
* 598 L'on peut se reporter
utilement aux développements que nous consacrons à la Cour
constitutionnelle belge, au paragraphe deuxième de la section seconde du
premier chapitre de la première partie de cette étude. Il s'agit
en effet d'une loi de révision de la constitution belge du 7
février 1831 qui introduisit dans la Constitution un article 107 ter
(actuel article 142). Cet article fut révisé à son tour le
15 juillet 1988 en vue d'étendre les compétences de la Cour
d'arbitrage et d'exiger l'adoption d'une loi spéciale pour régler
sa composition, son fonctionnement et ses compétences.
* 599 Voir M.B., 7
janvier 1989 ; Les codes Larcier belges, tome VI, A. Droit public, 2003,
p.340 ; Complément tome VI, 2004, mis à jour au
1er janvier 2004, p.79.
* 600 Voy en ce sens
DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit,
n°76, pp.96-97.
* 601 Idem, n°75,
p.95.
* 602 Dans la pratique,
note Charles HUBERLANT, les cours et tribunaux ont surtout l'occasion d'user du
pouvoir que leur confère l'article 159 lorsqu'ils sont saisis de
poursuites répressives, d'actions civiles en responsabilité
dirigées contre les personnes de droit public ou de recours
organisés par des lois particulières contre des actes
administratifs déterminés(« Le contrôle des actes
administratifs par les cours et tribunaux en Belgique », Rapports
belges au IXième congrès international de droit comparé,
Bruxelles, 1974, p.466.
* 603 Voir Elisabethville,
21 mars 1916, Jur. Col., 1925, p.304 ; Léopoldville, 8
septembre 1936, RJCB, 1937, p.105 ; Codes Piron et Devos, tome 1,
1960, p.17.
* 604 En ce qui concerne
les édits, la saisine de la chambre de constitutionnalité
n'était pas obligatoire. Le Président du gouvernement provincial
et le Commissaire d'Etat représentant le pouvoir central en province
disposaient, tous les deux, d'une faculté de saisine, au cas par cas.
* 605 Voir article
230, §1 in fine, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
* 606 Voir article 231,
§2, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
* 607 Voir article 232 de
la loi fondamentale du 19 mai 1960.
* 608 Voir article 231,
§3, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
* 609 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.851.
* 610 La commission
constitutionnelle a été mise sur pied par l'ordonnance n°
226 du 29 septembre 1963 clôturant la session parlementaire et instituant
une commission d'élaboration d'un projet de Constitution.
* 611 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, op. cit,
p.101.
* 612 Voy Mémoire
explicatif de la Constitution du 1er août 1964, M.C.,
numéro spécial, 1er août 1964,
pp.117-118.
* 613 Voir M.C.,
n° spécial, 1er août 1964, p.28.
* 614 Voir article 167,
alinéa 1er, 1°, de la Constitution du 1er
août 1964.
* 615 Voir article 167,
alinéas 2,3 et 4, de la Constitution du 1er août
1964.
* 616 Voir article 167,
alinéa 1er, 2°, de la Constitution du 1er
août 1964.
* 617 Aux Etats-Unis
après la seconde guerre mondiale, en France depuis 1971 et en Belgique
depuis la réforme de 1989 ; voy FAVOREU (L.), Les cours
constitutionnelles, op.cit, p.45.
* 618 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, 6ème
édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.69.
* 619 En France
aujourd'hui, 60 députés ou 60 sénateurs peuvent saisir le
Conseil constitutionnel. En Belgique, la Cour constitutionnelle peut être
saisie par toute personne justifiant d'un intérêt ou son avocat
(voir article 142, alinéa 3 de la Constitution belge et 5 de la loi
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage).
* 620 Voy BURDEAU (G.),
HAMON (F.) et TROPER (M.), Droit constitutionnel,
24ème édition, Paris, LGDJ, 1995, p.677.
* 621 R.ERGEC, op.cit,
n°534, p.230 ; Voy aussi DELPEREE (F.), op.cit,
n°93, pp. 111-112 ; UYTTENDAELE (M.), op.cit,
n°471, pp. 484-485.
* 622 Voy GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques,
17ème édition, Paris, Montchrestien, 2001,
pp.718-719 ; PACTET (P.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, 9ème édition, Paris, Masson,
1989, p.464 ; CHANTEBOUT (B.), Droit constitutionnel et science
politique, 15ème édition, Paris, Armand Colin,
1998, pp.600-602.
* 623 Voy Mémoire
explicatif de la Constitution du 1er août 1964, op.cit,
p.119. Relevons par ailleurs que la Cour suprême de justice pouvait
en plus, aux termes de l'article 168, même en l'absence de toute demande
émanant d'un particulier, saisir, motu proprio, la Cour
constitutionnelle d'une demande en appréciation de
constitutionnalité.
* 624 Lire, pour
s'imprégner de ces circonstances, VANDERLINDEN (J.), (sous la direction
de), Du Congo au Zaïre. 1960-1980, Bruxelles, CRISP, s.d:
KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à l'étude de la fraude en
droit constitutionnel congolais, Thèse de doctorat en droit public,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 28 juillet 2007 ;
KITETE KEKUMBA OMOMBO, Autonomie Politique et Constitutionnelle du
Zaïre. Essai de solution à l'inadéquation institutionnelle
du Zaïre, Thèse de doctorat d'Etat en Droit public,
Université de Droit et sciences sociales de Paris I, 1980 ; YOUNG
(C.), Introduction à la politique congolaise, Kinshasa,
Kisangani, Lubumbashi, Bruxelles, CRISP, 1968.
* 625 Des
personnalités comme Marcel Antoine LIHAU, Emile LAMY, Guy BOUCHOMS ou
José Patrick NIMY MAYIDIKA NGIMBI émanaient soit de
l'enseignement universitaire soit du Barreau.
* 626 Voir Proclamation du
Haut-Commandement de l'Armée Nationale Congolaise en date du 24 novembre
1965, M.C., n°spécial, décembre 1965, p.1.
* 627 Voir Mémoire
explicatif de la Constitution du 24 juin 1967, M.C., n°14, 15
juillet 1967, pp.562-563.
* 628 Voir article VII,
alinéa 1er, des dispositions transitoires de la Constitution
du 24 juin 1967.
* 629 Voir article 60 de la
Constitution du 24 juin 1967.
* 630 En effet, le Conseil
de législation n'étant pas retenu parmi les institutions
constitutionnelles, le pays a manqué d'un organisme de consultation en
matière de projets d'actes législatifs et réglementaires.
Alors que l'institution d'un Conseil de législation en 1964 était
justifiée pour deux raisons : d'abord, parce que beaucoup de textes
législatifs ou réglementaires, ainsi qu'il ressort de la
législation édictée depuis 1960, étaient
très mal rédigés, surtout les textes provinciaux ;
ensuite, parce qu'il fallait assurer la coordination des textes afin
d'éviter que la législation ne devienne incohérente et ne
contienne des contradictions. Voy Mémoire explicatif de la Constitution
du 1er août 1964, op.cit, p. 111-112.
* 631 Le mémoire
explicatif qui accompagne la Constitution du 24 juin 1967 n'a en effet rien dit
à ce sujet.
* 632 Voir article
1er de la loi n°72-008 du 3 juillet 1972 portant
révision de l'article 60 de la Constitution ;
Contra : DIBUNDA KABUINJI, Droit judiciaire zaïrois
-série spéciale, tome IV, Procédure devant la
Cour suprême de justice, vol. 3 « Procédure
devant la section administrative devant la Cour suprême de
justice », Kinshasa, éditions CPDZ, 1987, p.4.
* 633 Il s'agit de
l'Ordonnance-loi n°69-2 du 8 janvier 1969 relative à la
procédure devant la Cour suprême de justice, M.C.,
n°2, 15 janvier 1969, pp.58-73.
* 634 Voir article 122,
alinéa 2, de l'ordonnance-loi du 8 janvier 1969 portant procédure
devant la Cour suprême de justice.
* 635 Voir M.C.,
n°14, 15 juillet 1967, p.563.
* 636 Ibidem, p.563.
* 637 Voir les articles
102, alinéa 1er, de l'Acte constitutionnel de la Transition
du 9 avril 1994 ; 150, alinéas 1er et 2, de la
Constitution de la transition du 4 avril 2003.
* 638 Voir JOZ,
n°7, 1er avril 1982, pp.11-27.
* 639 Après avoir
été parti unique et institution suprême de l'Etat depuis le
23 décembre 1970, le MPR fut, le 15 août 1974, devenu
Parti-Etat ; lire utilement VUNDUAWE te PEMAKO (F.), A l'ombre du
Léopard. Vérités sur le régime de Mobutu Sese Seko,
tome I, Bruxelles, éditions Zaïre Libre, 2000, pp.166-183.
* 640 Voy article 103 de la
Constitution de la République du Zaïre, telle que
révisée par la Loi n°82-004 du 31 décembre 1982.
* 641 C'est
l'ordonnance-loi n°87-002 du 10 janvier 1987 portant organisation des
élections des membres du Conseil législatif, des
Assemblées régionales, des Conseils de Ville, des Conseils de
Zone et des Conseils de collectivités, JOZ,
n°spécial, 1987, pp.7-35.
* 642 Voir les articles 60
et 67 de la Constitution du 24 juin 1967, telle que révisée par
la Loi n°80-012 du 15 novembre 1980.
* 643 C'est par la loi
n°88-004 du 27 janvier 1988 portant révision de certaines
dispositions de la Constitution. A partir du 15 août 1974, cette
Constitution fut simplement appelée « Constitution de la
République du Zaïre ».
* 644 On peut lire
utilement LUNDA BULULU (V. de P.), Conduire la première transition
au Congo-Zaïre, collection Mémoires africaines, Paris,
L'Harmattan, 2003, pp.155-158. Cet auteur résume la démarche de
raffinement exquis du monopartisme zaïrois.
* 645 Dès cet
instant, les articles 160, point 3, du Code de l'organisation et de la
compétence judiciaires et, 136 à 143 de la procédure
devant la Cour suprême de justice sont devenus contraires à la
Constitution, donc abrogés en vertu de l'article 1er des
dispositions transitoires de la Constitution.
* 646 Voy VUNDUAWE te
PEMAKO, A l'ombre du Léopard..., op.cit, t.II, pp.282-288.
* 647 Cette disposition
constitutionnelle est ainsi libellée : « Pour autant
qu'ils ne soient pas contraires aux dispositions de la présente
Constitution, les textes législatifs et réglementaires existant
à la date d'entrée en vigueur de la présente Constitution
restent maintenus jusqu'au moment de leur abrogation ». A
contrario : les textes législatifs et réglementaires
contraires sont purement et simplement abrogés.
* 648 Cette
évolution est largement inspirée par le droit français. En
effet, on l'a vu, le Conseil constitutionnel français exerce un
contrôle a priori des lois, contrairement au modèle belge dont le
juge congolais était proche jusque là. Cela est accentué
depuis la Constitution du 18 février 2006 qui ramène finalement
la justice congolaise dans le giron allemand.
* 649 Voir l'article 121,
alinéa 2, de la Constitution de la transition.
* 650 Voir les articles
103, alinéa 2, et 109, alinéa 2, de la Constitution de la
transition.
* 651 Voir article 131 de
la Constitution de la transition
* 652 Lire BOSHAB (E.),
La contractualisation du droit de la fonction publique, op.cit,
p.32 ; Voy notamment, C.E. belge, 26 juin 1964, Druet,
n°10.734, p.633 ; C.E.belge, 26 juin 1964, Arghiri,
n°10.735, p.633 ; C.E.belge, Tshombe,
n°10.736 ; p.633 et C.E.belge, 11 septembre 1964,
Debremaeker, n°10.776, p.701, cités par E.BOSHAB (E.),
La contractualisation de la fonction publique...op.cit, p.32, note
51.
* 653 Lire YOUNG (C.),
Introduction à la politique congolaise, op.cit, p.234.
* 654 Marcel Antoine
LIHAU, auteur majeur du texte de cette constitution, n'est-il pas docteur en
droit de la célèbre université de Louvain ? A ce
titre, il était porteur du droit belge et occidental de façon
plus ou moins inconsciente.
* 655 Voy VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.137.
* 656 MABANGA MONGA
MABANGA, op.cit, p. tente en vain de subsumer cette jurisprudence en
une catégorie nouvelle qu'il qualifie de jurisprudence constitutionnelle
incidente. Le premier arrêt proprement constitutionnel est celui rendu
par la Cour suprême de justice dans l'affaire RCE 001 MUTIRI MUYONGO
contre HCR-PT du 4 février 1996. Un deuxième sous RCE 002 en
cause KALEGAMIRE contre HCR-PT a été rendu plus ou moins un an
plus tard.
* 657 C'est la
période des élections par acclamation dont les justifications
théoriques sont trouvées par les thuriféraires de tout
bord dans l'absence soi disant des contradictions idéologiques au sein
du peuple zaïrois. Lire BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers
à l'épreuve du temps, op.cit, p.283, spécialement la
note 6.
* 658 Lire NTUMBA LUABA
LUMU, Préface à MABANGA MONGA MABANGA, op.cit, p. 5. Le
professeur parle plutôt de misère de la jurisprudence
constitutionnelle et même de béance de la jurisprudence
constitutionnelle principale.
* 659 Voir arrêt
R.A.266 du 8 janvier 1993, Les anciens membres effectifs de l'a.s.b.l
dénommée « Témoins de Jéhovah »
contre la République du Zaïre, Bulletin des arrêts de la
Cour suprême de justice, années 1990 à 1999, Kinshasa,
éditions du service de documentation et d'études du
ministère de la justice, 2003, pp.78-82.
* 660 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO, « Réflexion sur la validité de l'Acte portant
dispositions constitutionnelles relatives à la période de la
transition au regard du compromis politique global et l'arrêt R.A. 266 de
la Cour Suprême de justice », Le Soft de Finance,
n°127, du 30 mars 1993.
* 661 Depuis 1974 en effet,
une catégorie juridique nouvelle a vu le jour et que la doctrine nomme
les lois présidentielles. Ces lois sont en réalité des
actes présidentiels pris en la forme de loi en l'absence du parlement
mis en congé dans le texte constitutionnel même. Dans ces
conditions, la distinction entre le prescrit normatif et le non normatif
émanant de la même autorité devient dans le mental d'un
peuple analphabète assez délétère. Du reste, pour
un peuple qui baigne dans l'oralité, la parole du chef ne vaut-elle pas
loi ?
* 662 Lire article 131 de
l'ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 portant procédure devant
la Cour suprême de justice, JOZ, n°7, 1982 ; lire
aussi KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge
administratif suprême en droit public congolais..., op.cit,
pp.98-99 ; MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, « Le contrôle de la
constitutionnalité des lois sous l'Acte constitutionnel de la Transition
du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit,
vol.XXV, août 1996, Kinshasa, PUZ, pp.321-355 ; KALUBA DIBWA
(D.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois et
des actes ayant force de lois en droit positif congolais », Revue
du Barreau de Kinshasa/Gombe, n°02/2006, pp.1-17.
* 663 Voy en ce sens
E.BOSHAB, « La misère de la justice et justice de la
misère en République démocratique du Congo »
in Revue de la Recherche Juridique, n° XXIII-74,
23ème année, 74ème numéro,
PUAM, 1998-3, pp. 1163-1184 ; MATADI NENGA GAMANDA, « La
question du pouvoir judiciaire en République démocratique du
Congo. Contribution à une théorie de
réforme », Revue de Droit Africain,
n°15, juillet 2000, R.D.J.A. a.s.b.l, Bruxelles, pp.368-377.
* 664 Lire cet accord dans
Congo-Afrique, n°371, XLIIIème année, janvier 2003,
Kinshasa, pp.11-28.
* 665 Lire avec
intérêt, ZEGBE ZEGS (F.), « La répartition
équitable et équilibrée des responsabilités au
regard de la Constitution de la transition et des instruments juridiques
internationaux en matière de droits de l'homme en RDC » in
Congo-Afrique, n° 393, Kinshasa, mars 2005, pp. 135-150.
* 666 Voy KALUBA DIBWA
(D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif
suprême en droit public congolais..., op.cit, pp. 70-81.
* 667 WETSH'OKONDA KOSO
(M.), « L'avis consultatif de la Cour suprême de justice
n° RL 10 du 13 décembre 2005 sur l'infraction politique :
interprétation ou réécriture de la loi ? »
in Les Analyses Juridiques, Lubumbashi, n° 8/2006, janvier-avril,
2006, pp.4-26.
* 668 Lire KALUBA DIBWA
(D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif
suprême en droit public congolais..., op.cit, p. 81. L'arrêt
R. Const. 06/TSR du 24 mars 2004 est l'arrêt fondateur de ce droit de
saisine même si le non respect des exigences de forme n'a pas permis au
juge constitutionnel de trancher la question de constitutionnalité de la
loi sur les partis politiques au fond.
* 669 En effet, Mzee
Laurent Désiré KABILA qui concentre entre ses mains les pouvoirs
constituant, législatif et exécutif se présente comme une
pâle copie du régime mobutien à son apogée de 1974.
Aussi, certainement pour démentir cette ressemblance qui est
préjudiciable à son image, le constituant s'adonna-t-il à
quelques accommodements consistant à donner quelques compétences
à l'Assemblée constituante et législative. Dans les faits,
il demeura législateur ordinaire. Ce que confirma du reste la
révision constitutionnelle du 1er juillet 2000. Voy pour les
détails, JORDC, n° spécial, 42ème
année, Mai 2001, pp.91-101.
* 670 MABI MULUMBA, Les
dérives d'une gestion prédatrice. Le cas du Zaïre devenu
République Démocratique du Congo, Kinshasa, C.R.P., 1998.
* 671 MUKADI BONYI,
« Note d'observation sous décret-loi n°003 du 27 mai 1997
relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
République démocratique du Congo », Revue critique
de Droit du travail et de la sécurité sociale, Kinshasa,
n°02/1997, p.5.
* 672 Lire le texte
publié dans un numéro spécial du Journal officiel de la
République Démocratique du Congo, JORDC,
39ème année, mai 1998, pp. 14-28.
* 673 Le greffe de la Cour
suprême de justice indique plus de deux cents dossiers
enrôlés en matière électorale. C'est le lieu de
déplorer la décision interdisant la vente du Bulletin des
arrêts rendus en matière électorale qui empêche
justement des statistiques fiables.
* 674 Voir Bulletin des
arrêts de la Cour suprême de justice, Années 1990-1999,
éditions du service de documentation et d'études du
ministère de la justice, Kinshasa, 2003, pp.161-162.
* 675 Voir les
développements fort remarquables que consacre à ce
phénomène, FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit,
Alternance, Cohabitations et conseil constitutionnel, Paris, Economica,
1998. Cependant, s'agissant de la République démocratique du
Congo, l'on peut s'interroger si les juges ont toujours présente
à l'esprit cette nécessité de limiter le pouvoir en
élargissant corrélativement l'espace pacifié des droits et
libertés fondamentaux : l'interrogation est capitale mais elle
mérite de développements ailleurs.
* 676 Lire WETSH'OKONDA
KOSO, « La définition des actes législatifs dans
l'arrêt de la Cour suprême de justice R.Const 051TSR du 31 juillet
2007 à l'épreuve de la Constitution du 18 février 2006
», La constitution en Afrique, site web appartenant au professeur
Stéphane BOLLE.
* 677 CHAPUS (R.),
Droit administratif général, 2 tomes,
15ème édition, Paris, Montchrestien, 2001.
* 678 LEWALLE,
Contentieux administratif, coll. de la Faculté de droit de
l'Université de Liège, 2ème édition,
Bruxelles, Larcier, 2002, p.576, n°351. Cet auteur dit qu'aucun prescrit
juridique ne soustrait ces actes du contrôle du juge administratif mais
dans la pratique, le Conseil d'Etat se déclare incompétent en
référence à la notion d'actes de gouvernement qui n'a
dès lors qu'un fondement doctrinal et jurisprudentiel.
* 679 Voy VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.857.
L'auteur fait toutefois une nuance en distinguant le juge administratif du juge
constitutionnel qui n'est pas en principe limité comme l'est le premier.
* 680 Nous faisons
allusion entre autres ici à la définition de notions de
majorités absolue et relative en jurisprudence congolaise à
partir de l'arrêt rendu en appel dans l'affaire concernant
l'élection du Gouverneur de la province du Bas-Congo. Nous y
reviendrons.
* 681 Voir CSJ, Djuma
Anabeku, Arrêt RCDC005/KN du 10 avril 2006, inédit ;
La Convention chrétienne pour la démocratie, Lisanga
Bonganga, RCDC 012/KN du 13 avril 2006, inédit ; Bonioma
Kalokola Alou, RCDC 004/KIN, inédit.
* 682 Voy CSJ, Lumbala
Mbuyi Joseph, RCE/DN/KIN 024 du 2 novembre 2006, inédit ;
P.P.R.D., RCE/DN/KN/067 du 21 octobre 2006, inédit ;
Mouvement du 17 mai, M17, RCE PR006 du 4 septembre deux mille six,
inédit ; Rassemblement congolais pour la démocratie,
RCE PR 007 du 4 septembre 2006, inédit ; Parti
Démocratie Chrétienne, RCE PR 008 du 4 septembre 2006,
inédit ; Mukungubila Mutombo Paul Joseph, RCE PR 005 du
1er septembre 2006, inédit ; Parti Rassemblement
pour une nouvelle société, RCE PR 004 du 4 septembre 2006,
inédit ; Kombo Mambu Mingi, RCE PR 001 du 31 août
2006, inédit ; Alliance des démocrates congolais,
RCE PR 002 du 2 septembre 2006, inédit ; Fonus, RCE
PR 003 du 4 septembre 2006, inédit.
* 683 Voir CSJ, La
générale libre socialiste, arrêt RCE 09/05 du 11
janvier 2006, inédit ; Bossasi Epole Bolya Kodya,
arrêt du 1er février 2006, inédit.
* 684 L'acceptation par la
haute Cour de cette voie de recours tantôt sur pied du code de
procédure civile tantôt sur base de la procédure devant la
Cour suprême de justice révèle, à coup sûr, un
tâtonnement théorique évident sur le fondement légal
de cette voie de recours extraordinaire. Nous y reviendrons en détail au
chapitre III de cette partie.
* 685 Lire BOSHAB (E.),
« Le principe de la séparation des pouvoirs à
l'épreuve de l'interprétation par l'Assemblée nationale
des arrêts de la Cour suprême de justice en matière de
contentieux électoral », in MBATA B. MANGO (sous la direction
de), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte
d'émergence démocratique, Actes des journées
scientifiques de la faculté de Droit de l'Université de Kinshasa
du 18 au 19 juin 2007, PUK, 2007, pp. 27-32.
* 686 Il nous a
été donné de voir que chaque fois que la classe politique
était en ébullition en attente d'une solution juridictionnelle,
le juge s'est retranché derrière la notion de compétence
ratione materiae pour, en fin de comptes, laisser le problème
entier ou en tous cas, à l'avantage du camp qui détient la
réalité du pouvoir.
* 687 Voy LUCHAIRE (F.),
« De la méthode en droit constitutionnel »
in R.D.P., Paris, n° 4, 1981, pp.123-176.
* 688 Lire NGONDANKOY NKOY
ea LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en
République démocratique du Congo. Etude critique d'un
système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte
tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public,
Université catholique de Louvain, 2008.
* 689 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques,
6ème édition, Paris, Dalloz, 1985, p.98
* 690 L'adjectif emprunte
ici son sens étymologique latin : praetor : le juge.
D'où l'adage : De minimis praetor non curat.
* 691 Constitution de la
République démocratique du Congo, article 74, JORDC,
47ème année, numéro spécial, 20
juin 2006, p.19.
* 692 Constitution, article
74, alinéa 2.
* 693 Voy Recueil de textes
pour le dialogue intercongolais, JORDC, 42ème
année, numéro spécial, Mai 2001, pp.5-7.
* 694 Ibidem, p.6.
* 695 Sans doute la haute
Cour fait-elle déjà allusion au serment du 29 mai 1997 recourant
lui aussi aux principes généraux de droit constitutionnel non
élucidés et qui, de ce fait, relèvent d'une
herméneutique ésotérique à laquelle la science du
droit n'est pas malheureusement admise. Et même alors, deux hirondelles
font-elles le printemps ? Surtout qu'ici, il n'y a qu'un
précédent et même pas deux au moment où siège
notre juge.
* 696 Lire l'arrêt
dans, JORDC, numéro spécial, 38ème
année, Kinshasa, 1997, pp.6-13 ; lire aussi les pertinentes
critiques de TEKASALA MAWA, La démocratie étranglée ou
la problématique de la légitimité du pouvoir du chef de
l'Etat et du droit de résistance du peuple en République
démocratique du Congo, Matadi, éditions CEC, 2002,
pp.65-67.
* 697 L'on peut convenir
aisément qu'un arrêt n'a pas pour fonction de présenter des
félicitations du reste ferventes au Chef de l'Etat. Tel arrêt ne
peut s'analyser que comme une sorte d'excès de pouvoir
justifié par une allégeance faite par la haute Cour au nouvel
homme fort. Comment une Cour de justice peut-elle autrement féliciter un
individu qui accède au pouvoir en dehors des schémas juridiques
sans se renier ?
* 698 Lire attentivement
les textes et les références reproduites sous la note 612
ci-dessous.
* 699 MABANGA MONGA
MABANGA, op.cit, p.23.
* 700 Lire article 56
alinéa 6 de la Constitution du 1er août 1964, M.C.,
numéro spécial, 1965 ; article 22 de la Constitution du
24 juin 1967 ; article 32 de la Constitution telle que
révisée par la loi n°74-020 du 15 août 1974 ;
article 39 de la Constitution de la République du Zaïre dans sa
mise à jour du 1er janvier 1983, JO, n°1 du
1er janvier 1983, p. 15 ; article 39 modifié par
l'article 1er de la loi n°90-002 du 5 juillet 1990 portant
révision de certaines dispositions de la Constitution. Tous les textes
de la IIème république prévoient ce serment devant une
haute juridiction avec des compositions qui varient dans le temps. Les deux
textes de transition, en l'occurrence celui contenu dans la loi n°93-001
du 2 avril 1993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à
la période de la transition, JO, 34ème
année, numéro spécial, avril 1993 et celui issu de l'Acte
constitutionnel de la transition, JO, 35ème
année, numéro spécial, avril 1994, ont omis d'indiquer ce
serment pour la simple et bonne raison que ces textes s'appliquent au
Président Mobutu comme partie prenante aux accords politiques ayant
donné lieu à l'écriture constitutionnelle et non à
tout Président de la République. Le serment en cette occurrence
eut été une formalité inadmissible pour une partie aux
accords qui, au demeurant, détenait les rênes du pouvoir.
* 701 Voy article 66
alinéa 1er de la Constitution de la transition.
* 702 Voy article 66
alinéa 2 de la Constitution de la transition.
* 703 Voy article 57
alinéa 1er de la Constitution du 1er août
1964 ; article 23 alinéa 1er de la Constitution du 24
juin 1967.
* 704 Voy article 33
alinéa 1er de la Constitution révisée par la
loi du 15 août 1974.
* 705 Voy article 40 de la
Loi n°80-012 du 25 septembre 1980 portant révision de la
Constitution du 2' juin 1967.
* 706 Lire article 54 de
l'Acte constitutionnel de la transition de 1994.
* 707 Voy article 75 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 708 Voy aussi l'article
76 alinéa 2 de la Constitution.
* 709 Voy article 76
alinéa 3 de la Constitution.
* 710 Lire AVRIL (P.) et
GICQUEL (J.), Lexique. Droit constitutionnel, 7ème
édition, Paris, PUF, 1998, p.54, v° Empêchement.
* 711 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, 6ème
édition, Paris, Dalloz, 1985, p.186, v°
Empêchement.
* 712 Voy article 21
in fine de la Constitution française.
* 713 Voy article 7 de la
Constitution française.
* 714 Voy article 76
alinéa 1er in fine de la Constitution du 18
février 2006.
* 715 Lire RENOUX (T.S.)
et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op.cit, p.250.
* 716 Voir dans ce sens,
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques,
10ème édition, Paris, Montchrestien, p.626,
note 27.
* 717 Voy article 167
alinéa 1er de la Constitution.
* 718 Voy VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.679.
* 719 Lire article 165
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 720 Lire Décision
conjointe n° 001/DC/AN/SEN/05 du 17 juin 2005 portant prolongation de la
durée de la transition et la Décision conjointe n°
002/DC/AN/SEN/05 du 14 décembre 2005 portant prolongation de la
transition.
* 721 Voy RENOUX (Th.S.) et
de VILLIERS (M.), op.cit, p.250.
* 722 Voir les
Déclarations du Conseil constitutionnel français des 28 avril
1969 et 3 avril 1974, Recueil du Conseil constitutionnel, pp.33 et 65
citées par RENOUX (Th. S.) et de VILLIERS (M.), op.cit,
p.249.
* 723 Projet de loi
organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle,
op.cit, p.11.
* 724 Lire dans ce sens et
à propos de ces effets à l'époque antérieure
à la Constitution sous examen, KALUBA DIBWA (D.), « Le
contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force
de lois en droit positif congolais », Revue du Barreau de
Kinshasa/Gombe, n°02/2006, pp.1-17.
* 725 Loi dite
électorale, JORDC, numéro spécial, 10 mars 2006,
colonnes 1-61, ou JORDC, 47ème année,
numéro spécial, 20 juin 2006, p.146.
* 726 Lire CSJ, arrêt
RE 05 du 15 septembre 2006, inédit, p.3.
* 727 Ibidem, p. 5.
* 728 Article 161
alinéa 2 de la Constitution.
* 729 Lire article 223 de
la Constitution.
* 730 Lire articles 155 et
156 du code de l'organisation et de la compétence judiciaires tel qu'il
résulte de l'ordonnance-loi n°82-020 du 31 mars 1982, JOZ,
numéro 7, du 1er avril 1982, pp.39-53.
* 731 Voy article 74
alinéa 8 de la Loi électorale, JORDC,
47ème année, numéro spécial, 20
juin 2008, p.148. C'est nous qui soulignons.
* 732 Voy CSJ, MLC
contre KABILA KABANGE Joseph, arrêt RCE PR 009 du 27 novembre 2006,
inédit.
* 733 Ibidem,
dixième feuillet, inédit.
* 734 Voy RE 006 du 27
novembre 2006, inédit, feuillets troisième et quatrième.
* 735 Lire projet de loi
organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle,
inédit, exposé des motifs, p.3.
* 736 Il est acquis
à ce jour que la tierce-opposition et le recours en rectification
d'erreur matérielle ont été utilisés pendant la
période suivant le contentieux électoral d'après 2006
comme voies de recours contre les arrêts de proclamation de
résultats transformant du même coup ces recours en contestations
électorales.
* 737 Lire article 144 de
la procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ,
n°7, 1er avril 1982.
* 738 Lire CSJ, MUTIRI
MUYONGO contre HCR-PT, arrêt RCE 001/96 du 4 février 1997, in
MABANGA MONGA MABANGA, op.cit, pp.95-104 ; CSJ, KALEGAMIRE
NYIRIMIGABO contre HCR-PT, RCE 002/97 du 27 février 1998,
inédit.
* 739 MABANGA MONGA
MABANGA, op.cit, p.74.
* 740 Voy article 144 de la
procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ,
n°7, 1er avril 1982.
* 741 C'est une
règle de logique formelle que la contradiction suppose l'identité
de quantité et non de qualité des propositions. Lire P. de
COUBERT, La logique formelle, Kinshasa, Département de
l'Education nationale, 1974.
* 742 Voy CSJ, CEI
contre Union pour la Nation, RCE/ADP/012 du 9 février 2007,
inédit.
* 743 Voy CSJ, CEI
contre Union pour la Nation, RCE/ADP/010 du 9 février 2007,
inédit.
* 744 Voy CSJ, MBATSHI
BATSHIA et NKUSU KUNZI BIKAWA contre l'arrêt RCDC 019/020/021/025 du
8 février 2007 de la Cour d'Appel de Matadi les opposant à FUKA
UNZOLA et NE MUANDA NSEMI et le M.L.C., BACSJ, numéro
spécial, contentieux électoraux 2006-2007, Kinshasa,
éditions du service de documentation du Ministère de la justice,
2007, p.381.
* 745 JO,
46ème année, 1ère partie,
numéro spécial, Kinshasa, 25 juin 2005.
* 746 Voy CSJ, RE 04 du 3
février 2006, inédit, p.4.
* 747 Lire article 52
alinéa 1er de la loi n°05/010 du 22 juin 2005 portant
organisation du referendum constitutionnel et 31 de la décision
n°021/CEI/BUR/105 du 1er octobre 2005 de la Commission
Electorale indépendante portant mesures d'application de cette loi,
JORDC, 46ème année, 1ère
partie, numéro spécial, Kinshasa, 25 juin 2005.
* 748 Voy article 99 de la
Constitution, JO, 47ème année, numéro
spécial, Kinshasa, 18 février 2006, pp.34-35.
* 749 Lire article 443 du
code de la famille qui dispose : « ...le terme
ménage désigne les époux, leurs enfants non
mariés à charge ainsi que tous ceux envers qui les époux
sont tenus d'une obligation alimentaire, à condition que ces derniers
demeurent régulièrement dans la maison conjugale et soient
inscrits au livret de ménage », JO, numéro
spécial, 1er août 1987.
* 750 Lire MABIKA KALANDA,
Le code de la famille à l'épreuve de
l'authenticité, Kinshasa, LASK, 1990 ; KABAMBA NKAMANY,
Pouvoirs et idéologies tribales au Zaïre, Paris,
L'harmattan, 1997 ; DIBUNDA KABUINJI, « Le droit coutumier
traditionnel face aux conflits des coutumes et conflits des lois en
République du Zaïre », RJZ, n°
spécial, 50ème année, Kinshasa, 1974,
pp.275-305 ; du bois de GAUDUSSON (J.), « Les constitutions
africaines et le mimétisme » in La création du
droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, pp.309-316 ; DONFACK SOKENG
(L.), « L'édification de l'Etat de droit en Afrique : entre
universalité et spécificité », Revue de
droit africain, n° 28, avril 2003, 7ème
année, Bruxelles, RDJA, 2003, pp. 133-191.
* 751 Lire article 13
alinéa 1er du projet de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, op.cit, p.6.
* 752 Voy article 16,
alinéa 3 de la Constitution française du 4 octobre 1958 ;
lire SOMONIAN-GINESTE (H.), Le droit constitutionnel en schémas,
2ème édition, paris, Ellipses, 2008, p. 380.
* 753 Voy article 145,
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 754 Voy DUVERGER (M.),
Bréviaire de la cohabitation, Paris, Dalloz, 1986, p.65.
* 755 C.E.fr, 2 mars 1962,
Rubin de Servens : Recueil des décisions du Conseil
d'Etat, p.143 ; S.1962, 147, note BOURDONCLE ; D.1962, 109, Chronique
MORANGE ; JCP 62, I, 1711, chronique LAMARQUE ; JCP 62, II, 12613,
conclusions HENRY ; AJDA 1962, p.214, chroniques GALABERT et GENTOT ;
GAJA, p.598 cités par T.S.RENOUX et M.de VILLIERS, Code
constitutionnel, Paris, Litec, 1994, p.275.
* 756 Voy SIMONIAN-GINESTE
(H.), op.cit, pp.254-256.
* 757 Il s'agit,
pensons-nous, de l'apport des juristes français ou francophones, en
l'occurrence les professeurs Jean Claude MASCLET de l'université Paris 1
et El Hadj MBODJ de l'Université Cheik Anta DIOP de Dakar ; lire
pour les détails historiques, ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La
Constitution du 18 février 2006 à l'épreuve du
constitutionnalisme. Perspectives et contraintes pratiques, Thèse
de doctorat en droit public, Université Paris 1 Panthéon
Sorbonne, Faculté de droit, 2009, inédit.
* 758 Aucune disposition
n'interdit en effet de critiquer telles ordonnances devant la Cour
constitutionnelle. C'est même ce que semble impliquer la finale de
l'alinéa 2ème de l'article 162 de la Constitution du
18 février 2006 lorsqu'elle cite expressis verbis acte
législatif ou réglementaire.
* 759 La violation de
délais prévus par la Constitution donnerait lieu à un
véritable contentieux de constitutionnalité tant elle emporte
logiquement celle de la Constitution par des ordonnances qui doivent s'y
conformer quelle que soit leur nature juridique.
* 760 BOSHAB (E.),
« L'état d'urgence et le contrôle de la
constitutionnalité des mesures d'urgence dans l'Acte constitutionnel de
la transition au Zaïre », Revue de droit africain,
n°2, avril 1997, 1ère année, Bruxelles, RDJA,
1997, pp.7-24.
* 761 Lire les
développements consacrés à cette notion dans les
prolégomènes de l'introduction générale de cette
étude, B. Contenu et contours du contentieux constitutionnel : c.
Distinctions du contentieux constitutionnel d'avec la justice judiciaire et la
justice politique, p. 36.
* 762 Lire MPONGO BOKAKO,
« Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous
l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 »,
Annales de la Faculté de Droit, vol.XXV, août 1996,
Kinshasa, PUZ, pp.321-355 ; lire aussi MABANGA MONGA MABANGA, Le
contentieux constitutionnel congolais, op.cit, pp.67-85.
* 763 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.217.
* 764 Idem, pp.217-218.
* 765 Il s'agit de toute
manifestation de volonté émanant de l'exécutif et
destinées à produire, en vertu de la Constitution, ou des
théories des circonstances exceptionnelles, des effets
équipollents à ceux d'une loi.
* 766 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.221.
* 767 Le doyen Georges
VEDEL indiquait cependant fort opportunément que le pouvoir constituant
dérivé était de même nature que celui initial qui
l'institue. Des lors, le contrôle de constitutionnalité des lois
constitutionnelles passait pour fonder ce qu'il a appelé la
mystérieuse supraconstitutionnalité dont le sabordage a
donné de l'eau au moulin du légicentrisme d'avant 1992.
* 768 Lire la
Décision n° 92-312 DC du 22 septembre 1992 ; Voy aussi RENOUX
(T.S.) et de VILLIERS (M.), Le code constitutionnel, op.cit, p.621.
* 769 Lire RIGAUX (M.-F.),
La théorie des limites matérielles à l'exercice de la
fonction constituante, Bruxelles, Larcier, 1985.
* 770 Lire la
Constitution, JORDC, 47ème année,
numéro spécial, pp.74-75.
* 771 Lire article 124 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 772 Ibidem
* 773 Lire article 162 de
la constitution du 18 février 2006.
* 774 CAR (J.-C.), Les
lois organiques de l'article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958,
Thèse de doctorat en droit public, Aix-Marseille III, Janvier
1993.
* 775 RENOUX (T.S.) et de
VILLIERS (M.), op.cit, p.398.
* 776 Lire article 5 de la
Constitution de la République démocratique du Congo, JORDC,
Kinshasa, numéro spécial, 47ème
année, p.11. Pour les développements théoriques et
idéologiques de la notion de souveraineté nationale et/ou
populaire, lire LAVROFF (D.G.), Les étapes de la pensée
politique, op.cit, 455 pp.
* 777 Le postulat se
déduit naturellement de l'implication logique selon laquelle la
Constitution est l'oeuvre du constituant et comme telle elle ne saurait
être l'oeuvre du souverain si elle est susceptible de contrôle par
un organe qu'elle aurait institué.
* 778 Décision
62-20 du 6 décembre 1962, Loi
référendaire, GD n°14 confirmée par celle du 23
septembre 1992, Maastricht III, GD n°45.
* 779 Lire VUNDUAWE TE
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, pp.221-231.
* 780 Voir article 197,
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
* 781 L'on espère
que la Cour ne va pas user de sa stratégie de congélateur qui
confine, à maints égards, à un déni de justice de
la part d'une juridiction constitutionnelle considérée comme le
dernier rempart contre l'arbitraire législatif.
* 782 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit,
pp.231-235.
* 783Lire article 22 de la
Charte coloniale.
* 784 Voy article 95 de la
Constitution du 1er aout 1964.
* 785 Voy article 96 de la
Constitution du 1er aout 1964.
* 786 Lire les articles 52
de la Constitution du 24 juin 1967 ; 48 à 50 et 89 de l'Acte
constitutionnel de la transition ainsi que 119 et 134 à136 de la
Constitution de la transition du 4 avril 2003.
* 787 C'est le
régime de la Constitution du 1er aout 1964.
* 788 C'est le
régime du texte originel de la Constitution du 24 juin 1967.
* 789 C'est le
régime de la Loi fondamentale, de l'Acte constitutionnel de la
transition du 9 avril 1994 ainsi que celui de la Constitution de la transition
de 2003.
* 790 Voy. MBOKO DJ'ANDIMA,
« Les actes ayant force de loi sous l'empire du Décret-loi
constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 », Cahiers Africains
des Droits de l'Homme et de la Démocratie, n°17, Vol. 1,
juillet - septembre 2001, Kinshasa, pp.77-78.
* 791 En ce sens, lire
MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, T.1 : Théorie générale des
institutions politiques de l'Etat, coll. « Droit et
Société », Kinshasa, Editions Universitaires
Africaines, 2001, p.117.
* 792 Voir Les Codes
Larcier R.D.C, T.IV, vol. 1 Droit public, 2003, p.245.
* 793 Lire le point 1
ci-avant.
* 794 Lire articles 129 de
la Constitution.
* 795 Article 129,
alinéa 2 de la Constitution.
* 796 Ibidem. L'on peut
noter cependant que cette disposition déroge à la règle
portée par l'article 142 de la même constitution en vertu de
laquelle la loi entre en vigueur trente jours après sa publication au
journal officiel à moins qu'elle n'en dispose autrement.
* 797 Article 129,
alinéa 4 de la Constitution.
* 798 Article 145 de la
Constitution.
* 799 Lire article 61 de
la Constitution qui énumère sept droits
indérogeables qui constituent une sorte de jus cogens en
droit constitutionnel congolais. La formulation de la disposition
constitutionnelle écarte à coup sûr toute théorie
d'actes de gouvernement qui n'aurait dès lors que le rôle bizarre
d'être un moignon dans une oasis de constitutionnalité.
* 800 CSJ,
Trésor Kapuku Ngoy c/Assemblée provinciale du Kasaï
Occidental, RConst 051/TSR du 31 juillet 2007 ; inédit ; CSJ,
Celestin Cibalonza Byatarana c/ Assemblée provinciale du
Sud-Kivu, RConst 062/TSR du 27 décembre 200, inédit.
* 801 Lire à ce
sujet, F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de droit, ...op.cit. pp.
857-858.
* 802 M. WETSH'OKONDA KOSO
SENGA, « La définition des actes législatifs dans
l'arrêt de la Cour suprême de justice n° R. Const. 51/TSR du
31 juillet 2007 à l'épreuve de la Constitution du 18
février 2006 »Horizons, Revue de Droit et de Science
politique du Graben, n° 5 juin 2008, pp. 18 et 32.
* 803 P. AVRIL et J.
GICQUEL, Lexique... op.cit pp. 80 et 105.
* 804 Voir VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit, ...op.cit. p. 858-859.
* 805 Il s'agit notamment
de la forme républicaine de l'Etat, le principe du suffrage universel,
la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée
des mandats du Président de la République, l'indépendance
du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, les droits et
libertés de la personne humaine ou les prérogatives
constitutionnelles des provinces.
* 806 Notamment les
articles 12, 19.3 et 61.5 qui consacrent l'égalité de tous les
congolais devant la loi et le droit de la défense.
* 807 Nous détenons
une copie certifiée conforme de cet arrêt.
* 808 L'auteur
détient une copie certifiée conforme de cet arrêt.
* 809 L'on peut citer les
arrêts : CSJ, RConst 04/TSR du 3octobre 2003, RConst 043/TSR du 21
décembre 2006, RConst 110/TSR du 5 février 2010, tous
inédits.
* 810 Lire article 112 de
la Constitution.
* 811 Lire l'article 86 du
règlement intérieur de la province de l'Equateur et l'article 41,
alinéa 2 de La loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.
* 812 Article 162,
alinéa 2 de la Constitution.
* 813 Article 119, point 3
de la Constitution du 18 février 2006.
* 814 Article 114,
alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
* 815 R.Const. 061/TSR du
30 novembre 2008, quatrième feuillet.
* 816 Il s'agit des
articles 3.3, 6.7, 17, 38, 40, 42 et 43 qui organisent la procédure de
la proclamation de l'état d'urgence ou de siège, la
déclaration de guerre, la procédure de poursuites et de la mise
en accusation du Président de la République et du Premier
ministre.
* 817 Lire l'article 138 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 818 Lire la note 706 de
la présente dissertation.
* 819 Lire CSJ, Arrêt
RCE001, Mutiri Muyongo contre HCR-PT du 4 février 1996 ;
CSJ, Arrêt RCE 002, Kalegamire contre HCR-PT du 27 mars 1997.
* 820 Lire BOSHAB (E.),
« Le principe de la séparation des pouvoirs à
l'épreuve de l'interprétation des arrêts de la Cour
suprême de Justice par l'Assemblée nationale en matière de
contentieux électoral », in BAKANDEJA wa MPUNGU (G.), MBATA B.
MANGU (A) et KIENGE KIENGE INTUDI (R.) (sous la direction de),
Participation et responsabilité des acteurs politiques dans un
contexte d'émergence démocratique en République
Démocratique du Congo, Kinshasa, PUK, Bibliothèque de la
Faculté de Droit de Université de Kinshasa, 2007,pp. 19-27.
* 821 Lire NGONDANKOY NKOY
ea LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en
République démocratique du Congo. Etude critique d'un
système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte
tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public,
Université catholique de Louvain, 2008, p.478.
* 822 JORDC,
Numéro spécial, 7 septembre 2009, p.23.
* 823 Voir arrêt
Cour d'appel de Mbandaka, R.A. 059 du 24 avril 2009, Affaire Gouverneur
José MAKILA SUMANDA contre Assemblée provinciale de l'Equateur,
inédit.
* 824 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, ....op.cit. p. 303.
* 825 Article 128 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 826 VUNDUAWE te PEAMAKO
(F.), op.cit, p.56.
* 827 Article 72,
alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
* 828 Article 92,
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
* 829 Article 93,
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
* 830 Article 28,
alinéa 6 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces,
Journal Officiel de la République Démocratique du Congo,
numéro spécial du 31 juillet 2008, col. 1- 18.
* 831 Article 29,
alinéa 3 de la susdite loi.
* 832 Article 44 de la loi
organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoires décentralisées et
leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, numéro
spécial du 10 octobre 2008, col. 5-32.
* 833 Article 63 de la
susdite loi.
* 834 Article 89 de la loi
précitée.
* 835 La GRANCE (N.),
Le phénomène majoritaire, fondement de la Vème
République, thèse de doctorat en Droit public,
Université Clermont Ferrand I, 1986, p. 21.
* 836 Opération qui
consiste pour le juge d'entrer en confrontation directe et brutale avec le
pouvoir exécutif dans l'exercice par lui de ses prérogatives
régaliennes. Lire dans ce sens, La GRANCE (N.), Le
phénomène majoritaire .....op.cit. p. 11.
* 837 Cette analyse est
discutable dans la mesure où elle conduit à la remise en question
de l'autorité du juge constitutionnel comme gardien de la Constitution.
* 838 DRAGO (G.),
Contentieux constitutionnel français, Paris, PUF, Coll.
Thémis, 2ème édition, 2006, p. 303.
* 839 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.902.
* 840 Lire GRUBER (A.),
La décentralisation et les institutions administratives, Paris,
Armand Colin, 1986, p.33.
* 841 Article 211 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 842 Article 212 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 843 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.845.
* 844 BOSC (A.), «
Les actes de gouvernement et la théorie des pouvoirs de guerre
», in Revue du droit public, 1926, pp. 186 et s.
* 845 Lire pour de
développements théoriques de cette notion, MBOKO Dj'ANDIMA,
L'Etat de droit constitutionnel en République démocratique du
Congo. Contribution à l'étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de D.E.S. en droit public,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2005.
* 846 NGONDANKOY NKOY ea
LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en
République démocratique du Congo. Etude critique d'un
système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte
tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public,
Université catholique de Louvain, 2008.
* 847 Lire CSJ,
Arrêt Les personnes physiques et morales contre la République du
Zaïre, BACSJ, Kinshasa, Centre d'études et de
documentation du Ministère de le justice, pp. ; lire aussi KALUBA DIBWA
(D.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois et
des actes ayant force de lois en droit positif congolais », Revue
du Barreau de Kinshasa/Gombe, n°02/2006, pp.1-17.
* 848 Lire notamment
CHEVALLIER (J.), L'Etat de droit, 2ème
édition, coll. Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994 ; CHAPUS
(R.), Droit du contentieux administratif, 12ème
édition, Coll. Domat droit public, Paris, Montchrestien, 2006 ;
FAVOREU (L.), « Légalité et
constitutionnalité » in Les cahiers du Conseil
constitutionnel, n°3, Paris, 1997, pp.57-156.
* 849 Voy article 87,
alinéa 3 de l'ordonnance-loi n°82/017 du 31 mars 1982 portant
procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ,
n°7, Kinshasa, 1982.
* 850 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op.cit., p.242.
* 851 DUEZ (P.) Les
actes de gouvernement, Paris, Dalloz, 2006.
* 852 CONAC (G.),
« Le juge et la construction de l'Etat de droit en Afrique
francophone » in L'Etat de droit, Paris, Dalloz, 1996,
pp105-119.
* 853 WETSH'OKONDA KOSO
(M.), « La théorie des actes de gouvernement dans
l'arrêt de la Cour suprême de justice RA 459 et consorts du 26
septembre 2001 sur la révocation de 315 magistrats », Les
Analyses Juridiques, Lubumbashi, n° 5/2005, janvier-avril, 2005,
pp.13-27.
* 854 La violation de la
Constitution, intérêt supérieur et suprême de la
Nation, ne devrait être justifiée logiquement par aucune
théorie empêchant au juge de redresser les torts causés
à l'ordre juridique. C'est la logique de la démocratie
constitutionnelle qui est l'option choisie par le peuple congolais.
* 855 Lire l'article 146
du code de l'organisation et de la compétence judiciaires, JOZ,
n°7, Kinshasa, 1982.
* 856 Lire article de la
Constitution de la transition de 2003.
* 857 Cet
arrêté n'a pas été publié au Journal
Officiel. Lire cependant, Les codes Larcier, Tome 1, Droit civil et
judicaire, Kinshasa, Bruxelles, Afrique Editions et Larcier,
pp.336-358.
* 858 Lire article 92 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 859 Lire l'article 92
de la Constitution du 18 février 2006.
* 860 Lire les articles 28
et 37 de la Loi du 31 juillet 2008 sur les principes fondamentaux relatifs
à la libre administration des provinces, JORDC,
50ème année, Numéro spécial, 7
septembre 2009, pp. 13 et 16
* 861 MOREAU (J.),
Droit administratif, Paris, PUF, 1989, n°79. Cet auteur
préfère parler plutôt des secteurs à dominante
réglementaire.
* 862 CHAPUS (R.),
Droit administratif, Paris, Montchrestien, n° 708-709 ;
VEDEL (G.) et DEVOLVE (P.), Droit administratif, Paris, PUF,
12ème édition, tome 1, p.338-339 ; FAVOREU (L.),
« Les règlements autonomes n'existent pas »,
RFDA, 1987, p.871 et s notamment p.876 et 877 ; FAVOREU (L.) et
RENOUX (T.S.), Le contrôle de la constitutionnalité des actes
administratifs, Paris, Sirey, 1992, n°36 et s.
* 863 CAMBY
(J.P.), « La loi organique dans la Constitution de
1958 », RDP, 1989, p.1401. ; LUCHAIRE (F.), « Les lois
organiques devant le Conseil constitutionnel », RDP, 1992,
p.389 et CAR (J.-C.), Les lois organiques de l'article 46 de la
Constitution du 4 octobre 1958, Thèse de doctorat en droit,
Aix-en-Provence, 1993.
* 864 NYABIRUNGU mwene
SONGA, Traité de droit pénal général
Congolais, Kinshasa, 2ème édition, Editions
Universitaires Africaines, Coll. Droit et Société, 2007, pp.
63-64.
* 865 Idem, pp. 72-75.
* 866 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, ...op.cit., p. 145.
* 867 NYABIRUNGU mwene
SONGA, Traité de droit pénal général,...,
op.cit, p. 81.
* 868 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, ...op.cit., p. 145.
* 869 Idem., p. 147.
* 870 Lire BRUNET (P.),
« Le juge constitutionnel est-il un juge comme les autres ?
Réflexions méthodologiques sur la justice
constitutionnelle », in JOUANJOUAN (O.), CREWE (C.), MAULIN (E.)
et WACHSMANN (P.)(sous la direction de), La notion de justice
constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2005, pp.115-135 qui cite PRIETO SANCHIS
(L.), « Costituzionalismo e positivismo », Analisi e
Diritto, 1996, pp.207-226
* 871 Lire article 161
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 872 Lire BULYGIN (E.),
« An Antinomy in Kelsen's Pure Theory of Law », Ratio Juris,
3, 1990, p. 29-45 repris dans Norme, validità, sistemi
normativi, traduction italienne COMANDUCCU(P.) et GUASTINI(R.),Torino,
Giappichelli, 1995, Chap. XI, p. 189-211 et GUASTINI (R.), « Sur la
validité de la constitution du point de vue du positivisme juridique
», in TROPER (M.) et JAUME(L.) (sous la direction de), op. cit.,
p. 216-225 ; FERRERES COMELLA (V.), Justicia constitucional y
democracia, Madrid, CEC, 1997,p. 139 et p. 180. Sur la
spécificité de la participation du juge constitutionnel
français dans le jeu politique, voir MEUNIER (J.), « Les
décisions du Conseil constitutionnel et le jeu politique »,
Pouvoirs, n°105, 2003, p. 29-40 et, plus
généralement, du même auteur Le pouvoir du Conseil
constitutionnel. Essai d'analyse stratégique, Paris, P.U.
Rouen-LGDJ-Bruylant, 1994.
* 873 Arrêt
Burghartz c/ Suisse, 22 février 1994, série A n°280-B,
§ 28.
* 874 D'où le
phénomène de « suprématie judiciaire » que
connaissent particulièrement bien les Etats-Unis, voir sur ce point
KRAMER (L.), « We the People. Who has the last word on the Constitution?
», Boston Review, February/March 2004 disponible à
l'adresse Internet suivante: bostonreview.net/BR29.1/kramer/html et The
People Themselves: Popular Constitutionalism and Judicial Review, Oxford
UP, 2004.
* 875 Sur la distinction
entre l'incompétence positive et l'incompétence négative
du législateur, nous nous sommes inspiré de la
présentation de Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux...,
op.cit, pp. 137-138.
* 876 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux..., op.cit, pp. 137-140.
* 877 CC 82-143 .D.C,
30 juillet 1982, R.P. 57, cité par ROUSSEAU (D.), Droit du
contentieux constitutionnel, ....op.cit. p. 140.
* 878 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux,..., op.cit., p. 141
* 879 Ibidem.
* 880 RIBES (D.),
« Le réalisme du Conseil constitutionnel », Les
Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 22, Paris, Dalloz, 2007, p.
135.
* 881 Lire CSJ, avis RL
012, inédit.
* 882 On lira, à
titre d'exemple, les controverses rapportées notamment par WAILLEZ (G.),
L'infraction politique en droit positif belge, Bruxelles, Vander
Editeur, 1970, 314 pp., qui fait merveilleusement état de
l'évolution des conceptions jurisprudentielles et doctrinales dans ce
pays, aux dires de Paul Gaspard NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA qui le cite.
* 883 Loi n°05/023 du
19 décembre 2005 portant amnistie pour faits de guerre, infractions
politiques et d'opinion, JORDC., n° spécial, 28
décembre 2005, pp 1-3.
* 884 Lire NGONDANKOY NKOY
ea LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité...,
op.cit, pp.389-400.
* 885 Il faut d'ailleurs
garder à l'esprit que le droit peut habiller élégamment
des pratiques politiques par ailleurs tout à fait « immorales
», de telle sorte que le système juridique garde largement
l'apparence de la cohérence au sens de Kelsen, alors qu'il
s'écarte largement des idées de justice ou de paix que l'on peut
attacher au droit. Voir par exemple : LOSCHAK (D.), « Droit et non-droit
dans les institutions totalitaires. Le droit à l'épreuve du
totalitarisme », in L'Institution, CURAPP, Paris, PUF, 1981, pp.
125-184.
* 886 C.S.J., R. Const.
28/TSR, Requête en interprétation des articles 99, 102, 105 et
108 de la Constitution de la transition, 24 février 2006
(inédit), six feuillets.
* 887 Il y avait en effet
multiplicité des points de vue selon que l'on soutenait Jean-Pierre
BEMBA ou Olivier KAMITATU. A ce jour, l'on peut constater que les dissidents
sont devenus des membres influents du sérail du Président KABILA
comme pour indiquer que le débat juridique joue comme un voile pudique
du vrai combat politique dont les aléas ne sont définitivement
tracés que par l'histoire faite ou à faire.
* 888 Lire NGONDANKOY NKOY
ea LOONGYA (P.G.), op.cit, pp.378-405.
* 889 Article 161
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 890 Article 161
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 891 Article 43,
alinéa 1er de la loi sur la Cour constitutionnelle
* 892 Article 43,
alinéas 2 et 3 de la loi sur la Cour constitutionnelle.
* 893 Article 44,
alinéas 1 et 2 de la loi sur la Cour constitutionnelle.
* 894 Article 54 de la Loi
fondamentale du 19 mai 1960.
* 895 Article 167
alinéas 2, 3 et 4 de la Constitution du 1er août
1964.
* 896 Article 71 de la
Constitution du 24 juin 1964.
* 897 Article 101 de la loi
constitutionnelle du 15 février 1978.
* 898 DJELO EMPENGE OSAKO
(V.), Dette de clarification. Propositions pour parachever la
révision de la Constitution du Zaïre, Louvain-la-Neuve,
Ottignies, Le Bel Elan, 1989, p. 17.
* 899 Article 161,
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
* 900 Nous nuançons
ainsi l'euphorie qu'expriment certains auteurs en marquant une sorte
d'adhésion facile à une jurisprudence qui ne mérite pas
d'être encensée. En outre, telle posture indique une sorte
d'alléluia facile qui n'est pas une vertu scientifique. Lire
contra : KATUALA KABA KASHALA (J.M.), La jurisprudence
électorale congolaise commentée, Kinshasa, 2007,
spécialement sa préface.
* 901 Dans ce sens, on lira
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif,
Kinshasa, Bruxelles, Afrique Editions, Larcier, 2007, p.677, §1.
* 902 Lire article 161,
alinéa 2, de la Constitution du 18 février 2006.
* 903 Cela ressort des
termes « contentieux » utilisé par le
Constituant à la disposition visée soit l'article 161,
alinéa 2.
* 904 Voir les
développements que nous avons faits à propos de la théorie
libérale de la démocratie. Et derrière cette conception,
il y a non seulement des intérêts stratégiques mais aussi
des tactiques que la technologie juridique mise en place a pour fonction de
préserver. La philosophie du droit nous enseigne en effet que les
concepts juridiques ne sont jamais innocents. La sémantique prend ici
les allures d'un choix délibéré dans un sens ou dans un
autre. Mais il s'agit d'une autre question.
* 905 CC, Décision
62-20 DC, 6 novembre 1962, Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, p.27 ; D.1963, 348, note Léo HAMON ;
Grandes décisions du Conseil constitutionnel,
7ème édition, p.179. Lire aussi, spécialement,
CC, 92-313DC, 23 septembre 1992, Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, p.94.
* 906 L'article 232
alinéas 1er et 3 de la Loi fondamentale charge cette chambre
de trancher les conflits de compétence qui peuvent survenir entre le
pouvoir central et le pouvoir provincial d'une part et ceux résultant
des actes du pouvoir exécutif d'autre part.
* 907 Article 62,
alinéa 4 de la Constitution du 1er août 1964.
* 908 Article 161,
alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
* 909 La GRANCE (N.),
Le phénomène majoritaire, op. cit, pp. 24-25.
* 910 La GRANCE (N.),
Le phénomène majoritaire, op. cit,. pp. 24-25. .
* 911 Idem, p. 27.
* 912 HAURIOU (A.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Montchrestien, 1968, p. 570
* 913 CHIZUNGU C.S., La
réhabilitation des traditions politiques précoloniales dans le
droit constitutionnel postcolonial, Mémoire de licence,
Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 1981, pp. 10-29
* 914 HAURIOU (A.)
op.cit., p. 571
* 915 Idem,
op.cit., p. 571.
* 916 Olivier KAMITATU a
été l'objet d'un conflit politique qui a pris la forme d'un
recours en interprétation pour sa résolution entre le MLC et le
parti du président Joseph KABILA.
* 917 Il ya une
requête en inconstitutionnalité déposée à la
Cour suprême de justice depuis 2008 par des citoyens congolais pour la
plupart originaires du Bas -Congo tendant à faire déclarer
inconstitutionnelle la loi de finances de 2008. Le premier Président de
cette haute Cour n'ayant pas fixé cette affaire en
plénière, elle n'a pas connu de suite perdant ainsi tout
intérêt à ce jour. Et pourtant, l'arrêt aurait permis
du point de vue scientifique de fixer les esprits sur l'applicabilité
directe d'une norme constitutionnelle en dehors d'une loi d'application. C'est
donc dommage !
* 918 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.311.
* 919 Voir article 139 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 920 Voir article 92,
alinéa 1er, de la Constitution.
* 921 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), op.cit, p.313.
* 922 Voir article 123 de
la Constitution.
* 923 Lire article 148,
alinéas 1er et 2ème de la Constitution du
18 février 2006.
* 924 CSJ, Arrêt
Kapuku Ngoy Trésor, RConst 051/TSR du 31 juillet 2007,
inédit. Lire aussi, WETSH'OKONDA KOSO SENGA (M.), « La
définition des actes législatifs dans l'arrêt de la Cour
suprême de justice n° R. CONST.51/TSR du 31 juillet 2007 à
l'épreuve de la Constitution du 18 février 2006 »
Horizons, Revue de Droit et de Science politique du Graben, n°5,
juin 2008, pp.12-36.
* 925 Lire article 101,
alinéa 5 de la Constitution du 18 février 2006.
* 926 L'on cite le
Bas-Congo, le Katanga et la Ville de Kinshasa.
* 927 Lire article 175,
alinéa 2, de la Constitution du 18 février 2006.
* 928 BON (P.), «
L'attribution des compétences aux collectivités régionales
et locales et le rôle du juge constitutionnel», rapport introductif
au colloque Autonomie régionale et locale et Constitutions,
Aix-en-Provence, 8 et 9 septembre 2006, Annuaire international de justice
constitutionnelle 2006, Economica et PUAM, 2007, pp. 70-89.
* 929 Voir article 200 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 930 VUNDUAWE te PEMAKO
(F.), op.cit, p.502.
* 931 Lire article 37 de la
loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs
à la libre administration des provinces, JORDC, Kinshasa,
31 juillet 2008, colonne 10.
* 932 Lire article 34,
JORDC, Kinshasa, 31 juillet 2008, colonne 9.
* 933 Dans ce sens, lire
DEAL (E.), « Langue du droit et doctrine : la linguistique juridique,
soutien des influences étrangères doctrinales sur les
constitutions nationales », participation au VIème Congrès
mondial de droit constitutionnel, « Le constitutionnalisme. Les anciens
concepts à l'épreuve de mondes nouveaux », organisé
par l'AIDC (Association Internationale de Droit Constitutionnel), du 12 au 16
janvier 2004 à Santiago du Chili, 20 pp.
* 934 Lire article 40,
alinéa 3, point 2, JORDC, Kinshasa, 31 juillet 2008,
colonne 11.
* 935 Lire article 199 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 936 Il semble même
que ce soit cela l'option levée par le projet de loi sur les
juridictions administratives qui est en processus législatif à
l'Assemblée nationale.
* 937 Code civil, livre
III, tiré du Décret du 10 juillet 1888, Bulletin
officiel, 1888, pp. 109 et s.
* 938 G.VEDEL,
R.D.P., 1989, p.16.
* 939 Lire à propos,
QUOC DINH (N.), P.DAILLIER (P.) et A.PELLET (A.), Droit international
public, Paris, LGDJ, 2002, pp.92-95, n°47 et 48.
* 940 Ibidem
* 941 Voy VALATICOS
(N), « Pluralité des ordres juridiques et unité du
droit international », Mélanges Skubiszewski,
pp.301-322, cité par QUOC DINH (N.), DAILLIER (P.) et PELLET (A.),
op.cit, p.92.
* 942 A voir de
près comment le monde évolue entre l'enlèvement de Noriega
et l'assassinat de Saddam Hussein, il y a lieu de se poser la question de la
légitimité d'un droit mondialisé dont les auteurs, on le
sait, ne pourront être que les détenteurs de la puissance du feu
nucléaire. La détention par ailleurs de ce feu par plusieurs
nations qualifiées du reste de dangereuses pour l'humanité
restera, à notre sens, le seul gage d'une paix non pas
perpétuelle mais durable tant que le règne de la terreur imposera
la paix des braves.
* 943 L'image est assez
forte mais la métaphore a pour but d'indiquer l'importance de l'enjeu
stratégique et politique qui se cache derrière ce débat
doctrinal. En revanche, dans la réalité, les Etats semblent avoir
opté pour des savants dosages très subtils entre ces deux
théories. Il s'agit là du triomphe de la realpolitik
* 944 Lire de BECHILLON
(D.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions
normatives de l'Etat, Paris, Economica, 1996, pp.256-272, 406-499.
* 945 DHOMMAUX (J.),
« Monismes et dualismes en droit international des droits de
l'homme », A.F.D.I., Paris, 1995, pp.447-468.
* 946 SANTULLI (C.), Le
statut international de l'ordre juridique étatique : Etude du
traitement du droit interne par le droit international, Paris, Pedone,
2001, XIV-540 pp., spécialement pp. 256-289.
* 947 Ne perdons pas de vue
que ces théories de droit international ont connu leurs lettres de
noblesse en pleine guerre froide. Le camp soviétique qui incarnait le
côté gauche de l'hémisphère terrestre a toujours
soutenu, et avec raison du point de vue constitutionnel, la primauté de
la volonté des Etats. C'est la thèse du professeur TUNKIN.
* 948 Lire Avis n°170
de la Cour permanente de justice internationale, Affaire de la
compétence des tribunaux de Dantzig, p.32.
* 949 Cette distinction
doctrinale vient du droit américain et semble recouvrer les
prévisions de l'article 215 de la constitution du 18 février 2006
qui distingue les traités et les accords en forme simplifiée.
* 950 Lire VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, pp.129, 249
et 434.
* 951 Voy NGUYA-NDILA
MALENGANA, Cours de droit international public, IIIème graduat,
Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 1983-1984, pp.93 et
s.
* 952 C.P.J.I.,
Série B, n°15, pp.17-18, cité par SMETS (P.F.), Les
traités internationaux devant la section de législation du
Conseil d'Etat, Bruxelles, Bruylant, 1978, pp.110-112.
* 953 Voy article 215 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 954 Voy LUNDA-BULULU,
La conclusion des traités en droit constitutionnel zaïrois.
Etude de droit international et de droit interne, Bruxelles, Bruylant,
1984, pp.231-232.
* 955 Pour prolonger la
réflexion, lire KELSEN (H.), « La transformation du droit
international en droit interne », R.G.D.I.P., 1936 ;
pp.5-49 ; lire aussi, GERVAIS (A.), « Constatations et
réflexions sur l'attitude du juge administratif français à
l'égard du droit international », A.F.D.I., 1965, pp.13-39.
* 956 MOSLER (H.),
« L'application du droit international public par les tribunaux
nationaux », RCADI, 1957, Tome 1, pp.625-711.
* 957 Le droit congolais
n'offre qu'un seul cas tout à fait pionnier qui est celui du jugement
rendu par une juridiction militaire à Songo-Mboyo car cette
décision est la première, à notre connaissance, à
faire application d'un traité international en l'occurrence le Statut de
Rome de la Cour pénale internationale et sans, au demeurant,
s'être référé à l'interprétation
diplomatique du Ministère des affaires étrangères. Si la
règle est une norme de prudence, le juge n'est cependant pas
obligé de suivre ce procédé dans sa mission de dire le
droit.
* 958 GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques,
op.cit, p.381, verbo : règlement de juges.
* 959 POULET-GIBOT LECLERC
(N.), Droit administratif, sources, moyens, contrôles,
3ème édition, Paris, éditions Bréal,
2008, pp.185-187.
* 960 CHAPUS (R.),
Droit administratif général, tome 1, op.cit,
pp.989-1008.
* 961 Idem p.1007.
* 962 Article 36 de la
procédure devant la Cour suprême de justice qui porte ce qui
suit : « Le procureur général de la
République ne peut se pourvoir en toute cause et nonobstant l'expiration
des délais que sur injonction du commissaire d'État à la
Justice ou dans le seul intérêt de la loi. Dans ce dernier cas et,
sous réserve de ce qui est prévu à l'article 50, la
décision de la Cour ne peut ni profiter ni nuire aux parties.
Lorsque le procureur général de la
République se pourvoit sur injonction du commissaire d'État
à la Justice, le greffier notifie ses réquisitions aux parties
qui peuvent se faire représenter à l'instance et y prendre des
conclusions ».
* 963 Article 69 de la
procédure devant la Cour suprême de justice qui
dispose : « Il y a lieu à règlement de juges
lorsque deux ou plusieurs juridictions judiciaires statuant en dernier ressort
se déclarent compétentes pour connaître d'une même
demande mue entre les mêmes parties.
Le règlement de juges peut être demandé
par requête de toutes parties à la cause ou du Ministère
public près l'une des juridictions concernées. La Cour
suprême de justice désigne souverainement la juridiction qui
connaîtra de la cause. »
* 964 Voy projet de loi
organique susmentionnée, p.16.
* 965 Lire article 69
in fine de l'ordonnance-loi n°82/017 du 31 mars 1982 relative
à la procédure devant la Cour suprême de justice.
* 966 C'est l'occasion de
suivre les judicieux conseils de légistique donnés par MUKADI
BONYI, Projet de constitution de la République démocratique
du Congo. Plaidoyer pour une relecture, Kinshasa, C.R.D.S., 2005. En
effet, une aporie linguistique peut mener à une impasse sociale. Ainsi
donc, il est demandé au législateur d'être prévenant
en ce qui est de sa cohérence linguistique et de sa rationalité
à la fois praxéologique, axiologique et normative.
* 967 Lire MAMPUYA
KANUNK'a-TSHIABO (A.), Espoirs et déception de la quête
constitutionnelle congolaise. Clés pour comprendre le processus
constitutionnel du Congo-Kinshasa, Kinshasa, Nancy, AMA.Ed-BNC, 2005.
* 968 NYABIRUNGU MWENE
SONGA, Traité de droit pénal zaïrois, Kinshasa,
éditions DES, 1989, pp.186-188.
* 969 Idem, p.187.
* 970 Lire article 164 de
la Constitution.
* 971 NYABIRUNGU mwene
SONGA, op.cit, 375 pp. ; LUKILA BOLONGO, Droit pénal
spécial, op.cit, 555 pp.
* 972 Lire l'article 214,
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
* 973 Article 167 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 974 Article 96 de la
Constitution.
* 975 Article 97 de la
Constitution.
* 976 Lire notamment le
traité de Rome sur la Cour pénale internationale, Codes
Larcier RDC, tome 2, Matières pénales, Bruxelles, Larcier,
2002.
* 977 ESAMBO KANGASHE
(J.-L.), La constitution du 18 février 2006 à
l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et
perspectives, Thèse de droit public, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, Université de Kinshasa, 17 juin 2009,
p.286.
* 978 Idem, p.286.
* 979 Lire article
1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 980 Lire ESAMBO KANGASHE
(J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 20066 à
l'épreuve du constitutionnalisme, op.cit, p.234 qui va dans ce sens
en opinant que « Ces questions ont fait l'objet d'amples
développements. On insistera sur le contrôle de la
constitutionnalité des lois et l'encadrement juridictionnel du pouvoir.
Bien exercé par la Cour constitutionnelle, le contrôle de la
constitutionnalité des lois pourra jouer un rôle éducatif
dans le chef des gouvernants et des gouvernés. Ceux-ci sont tenus au
respect de la Constitution. Le constituant a fait de la Cour constitutionnelle
le juge pénal du président de la République et du premier
ministre. L'exercice sans entrave de cette compétence est susceptible
d'accréditer l'idée de l'émergence en République
Démocratique du Congo d'une nouvelle branche du droit
constitutionnel : le droit pénal constitutionnel ».
* 981 Dans ce sens, TURPIN
(D.), Droit constitutionnel, op.cit, p.456.
* 982 Lire
spécialement les articles 160 à 167 de la Constitution du 18
février 2006.
* 983 Arrêt
inédit.
* 984 L'autorité
est en effet une des caractéristiques de la loi mais l'adhésion
est une constante dans l'histoire qui fait de la loi une oeuvre commune des
gouvernants et des gouvernés.
* 985 Lire KALUBA DIBWA
(D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif
suprême en droit public congolais, op.cit, Kinshasa, éditions
Eucalyptus, 2007.
* 986 Le terme
« actes législatifs » utilisé à
l'article 162 de la Constitution du 18 février 2006 n'est pas de nature
à introduire des distinctions entre les diverses formes de loi. Il
importe seulement au regard du critère formel qu'il s'agisse d'un acte
législatif, c'est-à-dire d'une manifestation de volonté
législative émanant du législateur, ordinaire ou
d'exception, exprimée dans la forme et dans les conditions
prévues par la Constitution.
* 987 Lire AVRIL (P.) et
GICQUEL (J.), Lexique de droit constitutionnel, 7ème
édition corrigée, Paris, PUF, 1998, p.57, v° Exception
d'inconstitutionnalité.
* 988 Voir articles 80 du
code de procédure civile et 84 de la procédure devant la Cour
suprême de justice.
* 989 Saisie par avant
dire droit, la Cour constitutionnelle rend en effet un arrêt qui sera
définitif sur incident vis-à-vis des parties à l'instance
principale qui aura entretemps été suspendue.
* 990 Lire article 160,
alinéa 4, de la Constitution.
* 991 Lire 50 du projet de
loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, inédit.
* 992 Lire article 162,
alinéa 4, de la Constitution.
* 993 C.S.J., R. Const.
28/TSR, Requête en interprétation des articles 99, 102, 105 et
108 de la Constitution de la transition, 24 février 2006
(inédit), six feuillets. Pour le texte soumis au
contrôle, lire la Loi n° 05/023 du 19 décembre 2005 portant
amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d'opinion, in
JORDC., n° spécial, 28 décembre 2005, pp. 1-3.
* 994 KAMUKUNY MUKINAY
NGAL (A.), De l'effectivité du contrôle, ...op. cit,
p. 9.
* 995 Tel n'a pas
été le cas en République Démocratique du Congo
où le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997
relatif à l'organisation et à l'exercice pouvoir en
République Démocratique du Congo a été
modifié par un texte qui portait initialement l'intitulé de
décret-loi avant d'être publié au Journal Officiel sous la
dénomination du Décret-loi constitutionnel n°074 du 28 mai
1998.Lire dans ce sens, ESAMBO KANGASHE (J.-L.), Le texte de la Constitution de
transition,...op.cit. p. 355.
* 996 FAVOREU (L.) et
Alii, Droit constitutionnel, ...op.cit. p. 142.
* 997 FAVOREU (L.) et
Alii, Droit constitutionnel, ...op.cit. p. 143.
* 998 ESAMBO KANGASHE
(J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 2006 à
l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives,
Thèse de droit public, Université Paris 1 Panthéon
Sorbonne, 17 juin 2009, pp.232-233.
* 999 CSJ, arrêt
Kapuku, R.Const 051 du 31 juillet 2007 ; CSJ, arrêt
Cibalonza, R.Const 062 du 27 décembre 2007, CSJ, arrêt
Makila, mai 2009, inédits.
* 1000 Les deux premiers
arrêts marquent le droit congolais des libertés publiques en
protégeant le droit de la défense tandis que le dernier
arrêt rentre dans la catégorie de ceux que NGONDANKOY ea LOONGHYA
appelle avec raison des arrêts sur commande tant leur qualité
intellectuelle n'inspire guère le respect.
* 1001 La stratégie
d'évitement est celle qui consiste entre autres à déclarer
un recours irrecevable pour ne plus voir le problème juridique qu'il
pose ou plutôt de déclarer tout recours non fondé sans
trouver une base de raisonnement qui soit logique et juridiquement
cohérent.
* 1002 ROUSSEAU (D.),
Droit du contentieux constitutionnel, ...op.cit., p. 145.
* 1003 Idem., p. 147.
* 1004 GICQUEL (J.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.720.
* 1005 Ibidem.
* 1006 LOCHAK (D.),
op.cit, pp.60-63
* 1007 Lire à ce
sujet, CC, 80-116, DC, 17 juillet 1980, Convention franco-allemande d'entraide
judiciaire, BREILLAT (D.), Libertés publiques
et droits de la personne
humaine, Paris, Gualino éditeur,2003, p.172.
* 1008 Lire l'article de
WETSH'OKONDA KOSO SENGA (M.), « La compétence des juridictions
congolaises en matière d'examen des conditions d'application des
traités internationaux relatifs aux droits de l'homme », Revue
du Barreau de Kinshasa/Gombe, n°03/2009, Kinshasa, 2009.
* 1009 C'est le cas en
droit congolais au regard de l'article 73 de la loi dite électorale
susmentionnée.
* 1010 Le cas particuliers
des regroupements politiques sera étudié plus loin.
* 1011 Il est
arrivé qu'une même question de droit ait trouvé une
solution divergente selon la chambre de la Cour suprême de justice qui la
traitait et parfois, chose curieuse, selon les juges d'une même chambre
autrement composés.
* 1012 L'expression est de
Paul-Gaspard NGONDANKOY NKOY ea LOONGHYA dans sa thèse
précitée.
* 1013 Article 162 de la
Constitution.
* 1014 Lire avec profit
RUBBENS (A.), Droit judiciaire privé, Kinshasa, PUZ, 1979.
* 1015 Il s'agit de la loi
portant procédure devant la Cour suprême de justice du 31 mars
1982 déjà citée ainsi que la proposition de loi organique
relative à la Cour constitutionnelle.
* 1016 RUBBENS (A.),
op.cit, p.235.
* 1017 Ibidem
* 1018 Article 3 de la
procédure devant la Cour suprême de justice.
* 1019 Lire l'article 2,
alinéa 3de la procédure devant la Cour suprême de
justice.
* 1020 Article 3de la
procédure devant la Cour suprême de justice.
* 1021 Lire article 93
alinéa 3 de la proposition de loi organique relative à
l'organisation et au fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
* 1022 Article 4 de la
procédure devant la Cour suprême de justice.
* 1023 Article 5 de
l'Ordonnance-loi organisant la procédure devant la Cour suprême de
justice.
* 1024 Code la Famille,
article 161.
* 1025 KATUALA KABA
KASHALA, « Une nouvelle exception à la saisine de la Cour
suprême de justice telle qu'organisée à l'article 2 du Code
de sa procédure » in Revue juridique Justice, Science et Paix,
ibidem, p.10.
* 1026 Article 131
alinéa 1 point 1 de la Constitution du 04 avril 2003, in JORDC,
n° spécial du 5 avril 2003, p.34
* 1027 Lire, pour les
détails, DUBOUIS (L.) et PEISER (G.), Droit Public,
16ème édition, coll. Mémentos, Paris, Dalloz, 2003,
pp.87-89.
* 1028 KATUALA KABA
KASHALA, op.cit., p.8
* 1029 CSJ, 4 mai 2000, RR
302, MINOCONGO Sprl contre SOCIMEX, le Tribunal de Paix de Matadi
et le Procureur Général de la République, Revue
de droit africain, numéro 16, octobre 2000, R.D.J.A., Bruxelles,
pp. 536-551. Lire les commentaires de Maître WASENDA N'SONGO et ceux de
Vincent KANGULUMBA BAMBI MUTANGA et Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI dans la
même Revue.
* 1030 Article 131 de la
Constitution de la transition.
* 1031 Article 150 de la
Constitution de la transition.
* 1032 Article 161,
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 1033 Article 161,
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 1034 C'est la
jurisprudence constante de la Cour suprême de justice qu'il faut
sauvegarder car elle garantit les droits des parties.
* 1035 MABANGA MONGA
MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions
Universitaires Africaines, 1999, p.61.
* 1036 KILALA Pene-AMUNA
(G.), Attributions du ministère public et procédure
pénale, tome 1, Kinshasa, Editions AMUNA, 2006,
pp.82-84.
* 1037 Article 13 de la
proposition de loi organique relative à la Cour constitutionnelle.
* 1038 Lire l'article 144
de la procédure devant la Cour suprême de justice.
* 1039 Lire ERGEC (R.),
Introduction au droit public. Tome 1, le système
institutionnel, 2ème édition, Bruxelles, Story
Scientia, 1994, pp.154 et s.
* 1040 Lire avec
intérêt TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris,
P.U.F., 1997, p.503 sur les développements qu'il fait à propos du
rôle régulateur du Conseil constitutionnel ,
« rôle renforcé avec l'alternance de 1981 en agissant
comme une sorte de frein sur le balancier politique, rappelant à travers
son contrôle dû à l'inflation législative qu'une
certaine continuité constitutionnelle l'emportait sur les
bouleversements partisans, changement de majorité ne signifiant pas
changement de régime » et pendant les cohabitations 1986-1988
et 1993-1995, le Conseil constitutionnel a eu à
« départager plusieurs lectures contradictoires de la
Constitution » ; VELU (J.), Droit public, tome 1,
Le statut des gouvernants(I), Bruxelles, Bruylant, 1986,
pp.211-266.
* 1041 Lire cependant
KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel..., op.cit,
pp.100-118.
* 1042 Code la famille,
article 211.
* 1043 Code de la famille,
article 213.
* 1044 Il s'adit du
décret de 1887 relatif aux sociétés commerciales et de la
loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions
générales applicables aux associations sans but lucratif et aux
établissements d'utilité publique, JORDC,
42ème année, 15 aout 2001.
* 1045 C'est en effet le
droit commun des personnes morales qui postule cette exigence qu'elles ne
peuvent agir que par des personnes physiques attitrées notamment par
l'acte constitutif.
* 1046 Lire article 6 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 1047 Article 76 de la
procédure devant la Cour suprême de justice.
* 1048 Article 91 de la
proposition de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle.
* 1049 CSJ, R.P. 30, 3 mai
1972, in B.A.C.S.J., 1973, p.52. Cet arrêt est reproduit par
l'arrêt RA 278 du 21 décembre 1995, Archidiocèse de
Kinshasa contre la République du Zaïre, BACSJ., 2003,
pp.139-142.
* 1050 Code de la famille,
article 56.
* 1051 Code de la famille,
article 161.
* 1052 Code de la famille,
article 169.
* 1053 Le rigorisme
parfois excessif de la Cour suprême de justice est connu, lire dans ce
sens DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire général
de la jurisprudence de la Cour Suprême de Justice, Kinshasa,
C.P.D.Z., 1990.
* 1054 Voir article 2 de
la procédure devant la Cour suprême de justice.
* 1055 Nous faisons
allusion ici au procès Makila Sumanda, Gouverneur de
l'Equateur, qui a donné lieu à un prononcé sans que les
parties n'aient vidé leurs arguments par écrit ni même
plaidé devant la Cour suprême de justice.
* 1056 Lire dans ce sens,
MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable,
Louvain-la-neuve, Kinshasa, Academia-Bruylant, DIN, 2002.
* 1057 Nous le tenons de
notre propre pratique professionnelle d'avocat international.
* 1058 Tout le monde
déplore la baisse du niveau de cette licence depuis quelques
années. Il serait paradoxal de confier de hautes charges à des
personnes peu qualifiées. C'est le meilleur moyen de discréditer
l'institution.
* 1059 Lire article 138,
alinéa 1er in fine du projet de constitution de la
République fédérale du Congo, Kinshasa, Palais du peuple,
novembre 1992, p.84.
* 1060 Lire à ce
sujet le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui
prévoit notamment l'institution anglo-saxonne d'amicus
curiae.
* 1061 Il est fait
allusion ici à l'empiétement des pouvoirs qui a failli survenir
à l'occasion d'un contentieux électoral long et fastidieux.
L'Assemblée nationale avait du reste failli rejeter les arrêts
intervenus ainsi hors délai.
* 1062 L'on peut cependant
discuter de la notion d'intérêt général dans un Etat
en pleine reconstruction.
* 1063 Ceci procède
de la logique juridique qui veut que nul ne soit privé de son statut
sans être entendu.
* 1064 Lire JAN (P.),
Le procès constitutionnel, Paris, LGDJ, 2001, p. 151 ; CC
88-1073-1085 du 3 octobre 1988, Assemblée nationale, Paris,
circonscription 19, Recueil 142.
* 1065 Le contentieux
électoral a connu des cas de tierce -opposition alors que le contentieux
de constitutionnalité proprement dit n'a pas encore jusque là
connu de cas de tierce-intervention.
* 1066 Lire FAVOREU (L.),
La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1998.
* 1067 Voir article 153,
alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006.
* 1068 Cette disposition
qui, du point de vue de l'argument a rubrica, relève des
juridictions de l'ordre judiciaire doit être tenue pour
générale car l'on ne conçoit guère qu'elle ne
s'applique pas aux juridictions administratives ou même à la Cour
constitutionnelle. Sa portée est donc plus étendue, du point de
vue téléologique.
* 1069 BOULOUIS (J.) et
CHEVALLIER (R.-M.), Grands arrêts de la CJCE,
5ème édition, Paris, Dalloz, 1991, p.91.
* 1070 Article 222 de la
Constitution du 18 février 2006.
* 1071 Article 121 de la
Constitution de la transition du 4 avril 2003.
* 1072 Nous disposons de
la copie de cet arrêt.
* 1073 Voir article 165,
alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
* 1074 Nous le citons in
extenso avec les références qu'il a exploitées.
* 1075 Lire notamment les
articles 214 à 216 de la Constitution du 18 février 2006,
La Constitution de la
République Démocratique du
Congo, Kinshasa, Commission électorale indépendante,
2006, p 9
* 1076 WETSH'OKONDA KOSO
(M.), op.cit, pp 139-169
* 1077 WASCHSMANN (P.),
op.cit, pp 121-123 et 125; Article 60 par. 5 de la Convention
de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, in S.A, La
Commission du droit international et
son oeuvre, 3ème Edition, New York, Nations
Unies, 1982, p 232
* 1078KAMBALE KALUME (P.),
op.cit (cote 11), pp 161-163 cité par
WETSH'OKONDA KOSO (M.), «La compétence des juridictions congolaises
en matière d'examen des conditions d'application des traités
internationaux relatifs aux droits de l'homme », Revue du Barreau de
Kinshasa/Gombe, n°3/2009, pp.102 et s.
* 1079Lire NGONDANKOY NKOY
ea LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en
République démocratique du Congo. Etude critique d'un
système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte
tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public,
Université catholique de Louvain, 2008, 603 pp.
* 1080 Il s'agit d'un voeu
et d'une praxis qui doit suivre.
* 1081 Lire article 168,
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
* 1082 Lire BECKERS (M.),
L'autorité et les effets des arrêts de la Cour d'arbitrage,
Bruxelles, Story Scientia, 1987, p.7.
* 1083 Dans ce sens, voir
TREMEAU (J.), « La confrontation de la loi à la Constitution par le
juge ordinaire. Qu'en pensez-vous ? », (En collaboration avec CARPENTIER
(E.)), Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz,
2006 ; JACQUELOT (F.), « Les droits de la défense »
in RUBI-CAVAGNA (E.) (sous la direction de), Les principes
fondamentaux dans la jurisprudence des juridictions suprêmes,
Université Jean Monnet de Saint-Étienne, octobre 2004, pp.
130-159.
* 1084 Lire CSJ,
arrêts Kapuku Ngoy Trésor, Cibalonza Byatarana
Célestin et Makila Sumanda José respectivement sous
R.Const 051 du 31 juillet 2007, R.Const 062 du 26 décembre 2007 et
R.Const 078 du 4 mai 2009, inédits.
* 1085 Lire article 144 de
l'ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 portant procédure devant
la Cour suprême de justice. C'est nous qui soulignons.
* 1086 Lire CSJ,
arrêt RCE 001, Mutiri Muyongo contre HCR-Pt, du 4 février
1996 et arrêt RCE 002 Kalegamire contre HCR-Pt de 1998.
* 1087 Lire Cour d'Appel
Mbandaka, arrêt José Makila Sumanda contre Assemblée
provinciale de l'Equateur, R.A.059 du 24 avril 2009, inédit.
* 1088 Voir article 168 de
la Constitution du 18 février 2006.
* 1089 Voir article 62 de
la constitution française du 4 octobre 1958 telle que
révisée à nos jours.
* 1090 C'est l'implication
logique, sémantique et juridique des mots nullité de plein
droit utilisés par le constituant congolais.
* 1091 Lire article 49 de
la proposition de loi organique relative à l'organisation et au
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, inédit, p.14.
* 1092 FAVOREU (L.) et
RENOUX (Th. S.), « Le contrôle de la constitutionnalité
des actes administratifs », Répertoire Dalloz du contentieux
administratif, Paris, Dalloz, 1991.
* 1093 Lire article 227 du
code civil congolais livre III, Codes Larcier, Kinshasa, Bruxelles,
Afrique éditions, Larcier, 2001, tome 1, p.161.
* 1094 CC, décision
n°89-258 DC, 8 juillet 1989, Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, p.48. ; JCP 90, II, 21409, note Claude
FRANCK ; AIJC 1989, chronique de Bruno GENEVOIS.
* 1095 Lire l'article 97,
alinéa 3 de la proposition de la loi organique déjà
citée.
* 1096 Voir l'article 134,
alinéa 1er, Ordonnance-loi portant procédure devant la
Cour suprême de justice.
* 1097 Voir l'article 134,
alinéa 2 et 3 du même texte.
* 1098 Voir l'article 135,
du même texte.
* 1099 Voir l'article 28,
in fine, du texte cité ci-dessus.
* 1100 MATHIEU (B.) et
VERPEAUX (M.) (sous la direction de), L'intérêt
général, norme constitutionnelle, Paris, Dalloz, Cahiers
constitutionnels de Paris I, 2007, p.2.
* 1101 Lire BOSHAB (E.),
«République démocratique du Congo: le spectre de la
Constitution virtuelle devant la Commission constitutionnelle», Revue
de droit africain, n° 6, 1998, pp. 139-141; BOSHAB (E.)
« République démocratique du Congo : Etat unitaire
à régionalisation constitutionnelle ou fédéralisme
assourdi », même Revue, n° 7, 1998, pp. 292 et s.
* 1102 NGONDANKOY NKOY ea
LOONGHYA (P.G.), op.cit, thèse précitée, p.15.
* 1103 DJELO EMPENGE
OSAKO, L'impact de la coutume dans l'exercice du pouvoir en Afrique
noire, Louvain-la- Neuve, Le Bel élan, coll. « Esprit libre
», 1990, p. 115. Effectivement, aux termes de l'article 44, alinéa
5, de la Constitution révisée le 15 août 1974 : « Les
Décisions d'Etat (émanant du Bureau Politique) obligeaient, selon
le cas, le Conseil Législatif ou le Conseil Exécutif à
préparer les textes législatifs ou à élaborer les
règlements conformes ». Or l'interdiction du port des cravates
était, une décision du Bureau politique du MPR.-Parti-Etat ! La
décision ne fut cependant pas traduite dans un texte législatif
de caractère pénal. La condamnation du Tribunal de la
sous-région de Ndjili, à cause du « tollé »
qu'il suscita dans les milieux nationaux et internationaux, fut d'ailleurs,
dans la droite logique des sociétés autocratiques, «
désavouée » par le Guide de la Révolution
lui-même lors d'un meeting, mettant du coup le juge d'appel en situation
d'acquitter tous les prévenus !
* 1104 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, 2ème édition, coll.
Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994.
* 1105 EL
HADJ M'BODJ, Les garanties éventuelles du Statut de
l'opposition, ....op.cit, p. 41.
* 1106 Idem, p.30.
* 1107 Ibidem.
* 1108 DJOLI ESENG'EKELI
(J.), Problématique de l'opposition,...op.cit, p.
101.
* 1109 Idem, p.102.
* 1110 Article 8.
* 1111 Journal
Officiel de la République Démocratique du Congo,
numéro spécial du 10 décembre 2007, pp. 1- 10.
* 1112 Exposé des
motifs, p. 2.
* 1113 Journal
Officiel de la République Démocratique du Congo,
numéro spécial du 10 décembre 2007, pp. 2 et 4.
* 1114 Article 8 de la loi
du 4 décembre 2007.
* 1115 Article 9 de la loi
du 4 décembre 2007.
* 1116 Article 10 de la
loi du 4 décembre 2007.
* 1117 Voy KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle
d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la
Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.
* 1118 Dans ce sens, et
avec une belle démonstration, lire E.BOSHAB, Pouvoir et droit
coutumiers à l'épreuve du temps, Louvain-la-Neuve,
Academia-Bruylant, 2007 ; DJOLI ESENG'EKELI (J.), Le
constitutionnalisme africain. Entre la gestion des héritages et
l'invention du futur, Paris, éditions Connaissances et Savoirs,
2006.
* 1119 Lire la convention
européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des peuples de 6
janvier 1950.
* 1120 Lire TROPER
(M.),« Le bon usage des spectres du gouvernement des juges au
gouvernement par les juges », Le nouveau constitutionnalisme,
Mélanges en l'honneur de Gérard CONAC, Paris, Economica,
2001, pp. 49-65 ; HEGEL (G.W.F.), Leçons sur la philosophie de
l'histoire, Paris, Librairie philosophique J.Vrin, 1987.
* 1121 Une étude de
droit du contentieux constitutionnel est essentiellement
exégétique et jurisprudentielle. Il ne peut en être
autrement sauf à faire de la littérature juridique.
* 1122 HAMON (L.), Les
juges de la Loi. Naissance et rôle d'un contre-pouvoir, Paris,
Fayard, 1987.
* 1123 Notamment à
l'occasion des soutenances des thèses et des mémoires en droit
public à l'université de Kinshasa.
* 1124 Lire FROMONT (M.),
op.cit, p.45.
* 1125 Le monde actuel se
caractérise par le fait entre autres que les idées circulent par
internet à une vitesse qui ne permet à plus personne d'ignorer
leur existence ni de cacher les choses les plus ignobles sous sa tente à
l'abri des yeux désormais universels du web.
* 1126ESAMBO KANGASHE
(J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 2006 à
l'épreuve du constitutionnalisme, op.cit, pp.210-311.
* 1127 Dans ce sens,
BOSHAB (E.), « La misère de la justice et justice de la
misère en République démocratique du Congo »,
Revue de la Recherche Juridique, n° XXIII-74,
23ème année, 74ème numéro,
P.U.A.M., 1998-3, pp. 1163-1184.
* 1128 Dictionnaire
Littré 2009.
* 1129 Lire CONSTANTINESCO
(V.) et PIERRE-CAPS (S.), Droit constitutionnel, Coll. Thémis
Droit public, Paris, PUF, 2004, pp. 45-47.
* 1130 Il suffit de
consulter les Constitutions des pays choisis dans cette étude et de les
lire sous la lumière du droit congolais pour faire apparaître le
mimétisme effarent dont il est question plus loin.
* 1131 Dans ce sens, BADIE
(B.), L'Etat importé. L'occidentalisation de l'ordre politique,
Paris, Fayard, 1992.
* 1132 ZIEGLER (J.),
La victoire des vaincus, Paris, Seuil, 1988, p.85.
* 1133 ZIEGLER (J.),
op. cit., p. 89
* 1134 Idem, op.
cit, p. 97
* 1135 Voir KAMTO (M.),
Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du
constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris,
L.G.D.J., 1987.
* 1136 Lire DJOLI
ESENG'EKELI (J.), Le constitutionnalisme africain. Entre la gestion des
héritages et l'invention du futur, Paris, éditions
Connaissances et Savoirs, 2006.
* 1137 BON (P.),
« Observations générales sur la préparation
de la décision du juge constitutionnel »,
Séminaire international sur les modes de décision du juge
constitutionnel, Bruxelles, 6 et 7 décembre 2001, Revue belge de
droit constitutionnel, 2004, pp. 307-316.
* 1138 SEURIN (J.-L.)(sous
la direction de), Le constitutionnalisme aujourd'hui, Paris,
Economica, 1984, rapport introductif.
* 1139 MABI MULUMBA,
Les dérives d'une gestion prédatrice. Le cas du Zaïre
devenu République Démocratique du Congo, Kinshasa, C.R.P.,
1998 ; MAPPA (S.), Pouvoirs traditionnels et Pouvoir d'Etat en
Afrique. L'illusion universaliste, Paris, Karthala, 1998 ; MICHALON
(T.), Quel Etat pour l'Afrique ? , Paris, l'Harmattan, 1984.
* 1140 BAYONA-ba-MEYA,
« Le recours à l'authenticité dans la réforme du
droit au Zaïre » in GONAC (G.) (sous la direction de),
Dynamiques et finalités des droits africains, Actes du colloque
de la Sorbonne, « La vie du droit en Afrique », Paris,
Economica, 1980.
* 1141 NGIRABATWARE
CYUBAHIRO, Héritage colonial, Histoire des ethnies
frontalières du Zaïre : le cas des Hutu et des Tutsi du Kivu.
Du 16ème siècle à 1972, Kinshasa, s.e,
1989 ; NGOMA-BINDA, Une démocratie libérale
communautaire pour la RdCongo et l'Afrique, coll. Points de vue concrets,
Paris, L'harmattan, 2001 ; P. NGOMA-BINDA (sous la direction de),
Justice, démocratie et paix en République démocratique
du Congo, Kinshasa, Publications de l'IFEP, 2000.
* 1142 NGOMA BINDA, Une démocratie
libérale communautaire pour la RdCongo et l'Afrique, Paris, L'Harmattan,
2001 trace des bons sillons pour un modèle de démocratie à
la congolaise qui a été tenté pendant ce que l'on a
appelé le 1 plus 4.
* 1143 Le
spécialiste de questions constitutionnelles devrait cependant avoir une
bonne approche pluridisciplinaire du droit, dans la mesure où le droit
constitutionnel est perçu comme le droit de la fondation,
c'est-à-dire celui qui contient la cosmogonie politique et philosophique
d'un peuple donné.