Les effets du système de protection sociale sur la réalisation des Objectifs du Millénaire de Développement(OMD):le cas de la Tunisie( Télécharger le fichier original )par Ezzeddine MBAREK Université deTunis - Master 2010 |
2.3 Les effets des programmes de protection sociale sur la pauvretéL'évolution du niveau de vie de la population tunisienne se matérialise par le changement temporel du confort relatif en biens durables et des moyens d'existence, de loisirs, etc. et qui rend la vie plus facile qu'auparavant pour un grand nombre de ménages. En effet, 21,3% de ménages ont au moins une voiture en 2008, 95,4% disposent d'un téléviseur en 2008 contre seulement 92,4% en 2005, 75,4% de ménages ont une parabole en 2008 pour 55,4% en 2005, l'ordinateur existe chez 11,8% de familles et l'Internet est utilisé par 11,5% de ménages. Si on analyse la pauvreté sous un angle plus large et pas purement monétaire, on peut penser au vu des améliorations des conditions de vie de la population que la pauvreté extrême est presque inexistante en Tunisie, malgré que les statistiques de la Banque Mondiale attestent un taux de pauvreté monétaire pour un seuil de 1,25 $ par jour de 0,5% et 3,01% pour un seuil de 2$ en 2000. Concernant la répartition du revenu, on constate que depuis 1990 les parts des pauvres et des riches restent inchangées mais inégalitaires. En effet, la part des revenus détenus par les 10% plus élevés est de 31,6% en 2008 alors que la part des revenus des 20% les plus pauvres ne dépasse pas les 6%. Tableau 36 : Mesure de la pauvreté selon la Banque Mondiale :
Source : Banque Mondiale Tableau 37 : Evolution du niveau de vie des ménages en %
Source : enquête consommation- budget 2005, INS. Les dépenses moyennes annuelles par habitant sont plus importantes en milieu urbain qu'en milieu rural (presque le double) ce qui montre qu'il y ait toujours des inégalités en défaveur du monde rural au niveau de la répartition des revenus. Tableau 38 : Evolution des dépenses moyennes annuelles par habitant en dinars selon le milieu :
Source : enquête consommation- budget 2005, INS. Graphique 17 : évolution des dépenses moyennes annuelles par personne en Dinars Les ménages consacrent une part moins importante au poste alimentations passant de 40,0% en 1990 à 34,8% en 2005 en migrant vers des dépenses de types `nobles' comme les télécommunications (part passant de 0,5% en 1990 à 3,7% en 2008), l'hygiène et soins (part passant de 8,7% en 1990 à 10,3% en 2008) et les transports (part passant de 7,7% en 1990 à 10,7% en 2008). Ce changement d'habitude dénote une amélioration du bien être social de la population en moyenne marquant un passage des dépenses de base à une structure des dépenses complémentaires. Tableau 39 : Evolution de la structure des dépenses en % (1990-2005) :
Source : Enquête consommation- budget 2005, INS. Graphique 18 : Structure des dépenses en 2005 : Graphique 19 : Structure des dépenses en 1990 : Le profil des dépenses entre les deux milieux atteste que les ruraux consomment plus encore des produits de base que les urbains et surtout en matière d'alimentation. Pour les autres postes sauf `'le logement'' où les habitants des villes dépensent une part plus importante de leur budget que les habitants du rural, on assiste à une similitude de comportement. Tableau 40 : Structure des dépenses moyennes annuelles par habitant selon les types de dépenses et le milieu en 2005 :
Source : enquête consommation- budget 2005, INS. Graphique 20 : répartition des dépenses par postes en milieu urbain en 2005 Graphique 21 : Répartition des dépenses par poste en milieu rural en 2005 Selon la nouvelle méthodologie établie par l'INS en 2005 qui a remplacé l'ancien système de calcul de 1980 critiqué surtout par la Banque Mondiale (BM) car les résultats montrent à l'époque que la pauvreté était plutôt urbain et non rural ce qui s'avère par la suite une hypothèse irréaliste (choix de l'échantillon, panier des biens, année de base, etc.) , le seuil de pauvreté monétaire est alors de 400 Dinars par an et par personne à l'échelle nationale soit 1,095 Dinars environ par jour. Le seuil de pauvreté est fixé pour les grandes villes à un niveau de 489 Dinars, pour les autres villes urbaines (429 Dinars) et les régions rurales (378 Dinars). Ce qui donne une pauvreté plutôt rurale (7,1%) contre 1,9% pour l'urbain. Pour comparaison, selon le Rapport Annuel de la Banque Centrale de Tunisie (BCT, 2008, p. 175), un Dollar Américain valait 1,32981 Dinars tunisiens en d'autres termes un Dinar s'échangeait contre 0,7519 Dollars Américains. Donc, le seuil journalier sera de 0,8233 Dollars Américains inférieur au seuil de un Dollar préconisé par la Banque Mondiale poussé ultérieurement à 1,25 $, 1,5$ ou encore 2$. De ce fait, pour le seuil de un $ Américain, le seuil annuel par personne sera d'environ 485 Dinars ce qui fait augmenter le taux de pauvreté d'un niveau supérieur à 3,8 % observé sans dépasser 7,7%. Pour le cas de 2$ Américains, le seuil sera de 760 Dinars environ, Il sera donc supérieur à 11,5% et inférieur à 19,5%. La répartition des dépenses (de même pour le revenu qui est corrélé positivement avec les dépenses) est inégalitaire vu que 31% des mois favorisés partagent seulement 11% des dépendes totales alors que 7,4% des plus riches accaparent 27,1% du total des dépenses. Tableau 41 : Répartition de la population selon la tranche de dépenses en % :
Source : Enquête consommation- budget 2005, INS. Graphique 22 : Répartition de la population par tranche de dépenses en 2005 Source : Institut National de la Statistique La pauvreté tend actuellement à dépasser la vision purement monétaire (besoins essentiels de la vie) en s'enrichissant davantage par les nouvelles notions de capacité de se mêler dans la société et de s'intégrer activement et positivement. Les conditions de vie mesurées par les biens, le confort matériel et sentimental jouent aussi d'une manière importante dans la vie des mortels et leur manque constitue alors une pauvreté au même titre que la pauvreté alimentaire. La société avance et progresse et les besoins des personnes aussi. Ce qui est actuellement non nécessaire, le deviendra demain sans aucun doute ce qui affirme un glissement vers le haut du taux de pauvreté. Rien n'est immuable, définitif et parfait. Tableau 42 : taille des ménages et équipements :
Source : Institut National de la Statistique Les minima sociaux : La création des minima sociaux a eu pour objectif d'apporter des ressources à des personnes en état de vulnérabilité: - c'est le cas du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) et du Salaire Minimum Agricole (SMAG) qui sont réévalués chaque année et qui constituent une référence pour plusieurs prestations; - c'est le cas des personnes n'ayant pas cotisé suffisamment pour pouvoir bénéficier des prestations de la part des régimes de sécurité sociale et qui ont droit à une allocation de vieillesse égale à 50% du SMIG (2400 heures par an) ; - la pension dans la sécurité sociale ne peut être inférieure au Minimum Garanti (MG) qui est égal au deux tiers du SMIG correspondant à une période d'activité de 2400 heures par an. La Tunisie ne dispose pas d'un système d'indemnisation (allocation de chômage) pour les actifs demandeurs d'emploi. Il y a seulement une indemnisation temporaire pour les travailleurs qui sont licenciés pour des causes économique et technologique. La CNSS offre également des salaires de remplacement pour les travailleurs en congé de maladie du secteur privé et ce pour une période donnée alors que dans le secteur public c'est l'employeur qui s'en charge de payer le salaire en cas de maladie. L'employé dépassant une période de six mois sera mis en congé de maladie de longue durée pour un maximum de cinq ans (plein salaire pour les trois premières années et demi salaire pour les deux années restantes), s'il ne revient pas au travail il sera mis en retraite pour cause d'invalidité. Il est important de rappeler que les minima sociaux sont souvent les derniers filets de sécurité, mais ils ne permettent pas un niveau de vie qui favorise pleinement l'épanouissement de la personne en lui offrant des conditions de vie convenable compte tenu d'un changement au niveau des besoins essentiels dans la société, d'une vision plus large de la notion de pauvreté intégrant d'autres éléments dépassant le revenu et l'augmentation des prix. Aide aux salariés ayant perdu à titre temporaire leur emploi : L'aide est accordé par la CNSS aux salariés du secteur non agricole ayant perdu leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté, sans bénéficier d'une réparation et leur entreprise se trouvent en cessation s'activité pour des raisons économiques ou technologiques ou en fermeture inopinée. De même, la CNSS prend en charge les indemnités et les droits légaux dus aux travailleurs salariés immatriculés à la caisse du régime des salariés non agricoles (SNA) ayant perdu leur emploi dont l'entreprise est cessation de paiement pour cause de faillite, fermeture définitive ou en état de liquidation judiciaire en vertu d'une décision judiciaire. Tableau 43 : Les minima sociaux :
Source : Institut National de la Statistique(INS),2008, www.ins.nat.tn) Selon FELTESSE, P. (2009), Sans l'existence du système de sécurité sociale, un grand nombre de personnes ne pourraient pas constituer de l'épargne par manque de prévoyance ou de payer une couverture maladie pour se soigner convenablement et au moment des risques se trouvent dans une obligation de s'endetter ou de recourir à l'assistance publique et à la charité. L'objectif premier da la sécurité sociale est de compenser le risque et d'éviter de tomber dans la pauvreté et la précarité dans les moments difficiles de la vie d'un grand nombre de travailleurs et leur famille à travers un système de solidarité entre les malades et les biens portants et les basses et les hautes échelles du salariat. La sécurité sociale a pour fonction : -d'assurer les travailleurs et leur famille contre certains risques occasionnant une perte de salaire comme le chômage, l'incapacité de travailler, le décès, etc. -d'octroyer des indemnités permettant de prendre un congé en cas de maternité, maladie, etc. -de verser une pension de retraite, de veuvage ou d'orphelin en cas de vieillissement et du décès. -de rembourser des frais de soins ou de couvrir les dépenses de soins des actifs et de leurs membres de familles. -de contribuer en partie au financement de certaines charges scolaires à l'égard des allocations familiales. -de contribuer à la politique sociale du gouvernement en finançant certains projets sociaux comme les familles nécessiteuses, les handicapés et les personnes âgées sans soutien de familial ou d'accorder des crédits aux affiliés ou encore de financer directement le budget de la santé publique. C'est grâce à un financement solidaire que la sécurité sociale couvre les différents risques encourus par les travailleurs, de ce fait, elle joue un rôle préventif de la pauvreté tandis que l'assistance sociale reste une opération résiduelle. Il est alors essentiel que le seul remède efficace dans une telle situation c'est d'améliorer la couverture sociale pour atteindre l'ensemble des actifs occupés, d'encourager les programmes incitant à la création de l'emploi décent et permanent car l'emploi constitue la meilleure solution à la pauvreté, à la réduction des inégalités et la marginalisation. L'aide sociale ira alors pour ceux qui ne peuvent pas travailler comme les handicapés, les invalides et les personnes âgées sans soutien familial. Le grand handicap pour à court et à moyen terme pour la Tunisie c'est le chômage des jeunes qui devient préoccupant avec le chômage des diplômés de l'enseignement supérieur (19%). L'aide temporaire pour cette catégorie de chômeurs de luxe et les programmes d'insertion à la vie professionnelle qui semble inefficace en partie puisque le taux de chômage reste encore élevé (14,2%) et le taux d'insérés reste en deçà des souhaits, laisse penser à créer une caisse de chômage à l'instar des pays développés. Le plus étonnant et paradoxal c'est que la croissance économique enregistre des taux élevés pour une longue période ce qui suppose un grand volume d'emplois crées et un taux de chômage plus faible. Il faut peut-être analyser de près la répartition sectorielle des investissements ou l'inadéquation entre la formation diplômante ou professionnelle sur le marché du travail pour pouvoir localiser le mal et ceci n'entre pas dans le cadre de cette étude. |
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