Koutougou,un terroir Temberma enclavé dans la Kéran( Télécharger le fichier original )par Tchoou Adong NOYOULEWA Université de Lomé - Maà®trise de géographie rurale 2005 |
CONCLUSION GENERALELes deux milliers d'habitants de KOUTOUGOU vivent essentiellement du travail agricole. Plusieurs raisons militent en faveur du développement de cette activité. Il s'agit d'abord d'un climat favorable avec ses éléments qui s'accordent bien avec le type tropical sec. De lui découlent non seulement une végétation de savane arborée facilement exploitable mais davantage des sols diversifiés et riches. Mais le facteur pédologique est aussi lié à la nature de la roche mère qui y est très diversifiée selon que l'on soit sur un versant ou dans la plaine le long de la Kéran. Il résulte de ces conditions naturelles favorables et de l'histoire de ce peuple de braves paysans, dont la taille des exploitations les plus répandues dans la zone étudiée se situe entre 3 et 5 hectares. L'acquisition des ces terres relevant encore des modes traditionnels que sont le don et surtout l'héritage, les conflits liés à la question foncière sont plutôt rares. La société vit alors dans une espèce de solidarité qui trouve ses origines dans une organisation sociale où les vieux sont des repères pour les jeunes alors que la femme est réduite à ses tâches domestiques. L'enfant quant à lui constitue la première richesse et comme tel ne quitte le toit parental qu'après les cérémonies d'initiation. Ce départ conduit les jeunes mâles selon les cas à la fondation d'une famille ou à l'aventure vers le Bénin ou le Nigeria voisins augmentant du coup les disparités remarquées entre les populations masculines et féminines. La cohésion sociale en question est aujourd'hui maintenue par l'organisation du travail dans le terroir de Koutougou. En fait, les jeunes forment des groupes d'entraide alors que les plus vieux font appel à l'invitation. D'autres encore, mais dans une moindre proportion ont recours au salariat agricole qui n'est pourtant pas répandu. Cette organisation de la société tout entière et de ses activités couplée à un respect scrupuleux des itinéraires techniques permet alors au peuple Temberma de développer plusieurs cultures allant des vivriers au coton. Mais ces dernières années, les problèmes de la filière coton dans le monde et au Togo ne sont pas passés sans y laisser des traces. Une démotivation chez les paysans a ainsi entraîné une baisse fulgurante des superficies emblavées et du coup celle de la production. La majorité des paysans consacrent alors toutes les superficies ou presque aux cultures vivrières comme le maïs, le sorgho, le niébé, le fonio.... Et pour arriver à une production efficiente, les paysans pratiquent une agriculture extensive sur brûlis avec une grande préférence à la jachère qui dure plus de 5 ans comme l'indiquent 90,6% de nos enquêtés. De plus la rotation et de l'association des cultures sont des pratiques aussi vielles que ce peuple. Il découle de toutes ces formes d'utilisation du sol, d'importantes productions céréalières. En plus des vivriers et du coton dans une moindre mesure, il faut noter que les Temberma pratiquent un élevage traditionnel avec les bêtes en divagation ou attachées aux piquets. L'artisanat, la pêche et la chasse y existent aussi mais leur pratique est de nos jours de moins en moins répandue. L'ensemble des produits d'élevage et agricole de l'environnement d'étude sont déversés sur le marché béninois à Takonta à défaut de voies de communication pouvant conduire vers les marchés nationaux. C'est ce que nous avons appelé l'enclavement du terroir de Koutougou. Celui-ci se manifeste par un réseau de chemin très lâche et dont les pistes autant rurales que automobiles sont d'une praticabilité saisonnière. A cela s'ajoute une rivière, la Kéran qui reste en crue durant plus de trois mois dans l'année. Ce phénomène a des conséquences multiples autant sur les populations qui y vivent que celles du reste du territoire national togolais. Il s'agit sur le plan moral du développement sur place d'un complexe d'infériorité par rapport aux autres peuples, d'un sentiment fort d'appartenance au territoire béninois sur le plan culturel. C'est ce qui explique même que les échanges transfrontaliers s'intensifient dans la zone. Sur le plan sociologique, on note une organisation du travail par rapport au marché béninois de Takonta, seul lieu d'écoulement des produits agricoles. Quant à la vie sociale, elle souffre de l'enclavement à cause du manque du personnel enseignant refusant de regagner ce poste du fait de son éloignement et faisant baisser les taux de scolarisation, de la faiblesse de la couverture sanitaire comparativement aux autres localités de la région. L'aspect économique des méfaits de l'isolement est illustré par un coût de production très élevé créé par une main d'oeuvre chère et qui se fait rare, des coûts de revient des intrants au-dessus du prix national et celui des outils de travail très élevés. Aussi, les prix de vente imposés sur le marché béninois auquel s'ajoute le prélèvement des taxes de marché abaissent-ils considérablement la marge de bénéfice des paysans. Pour le reste de la population togolaise, c'est un grenier de céréale qui leur reste inaccessible toute l'année alors que pour l'économie nationale, c'est une perte sous deux angles. Sous un premier angle, le manque à gagner est engendré par l'absence d'un marché d'animation hebdomadaire sur place. Sous un autre angle, il est établi que c'est toute une masse monétaire qui est déversée sur les marchés extraterritoriaux par les paysans qui y achètent produits manufacturés, outils de travail, habillement, moyens de transport.... Tout ceci est perçu comme une perte au plan national lorsqu'on y ajoute le fait que les intrants qui servent à la production vivrière proviennent des réserves nationales acquises à des tarifs élevés et subventionnés par le gouvernement togolais. On en conclut donc sur une note d'investissement non rentable à cause du simple fait de l'enclavement. Et pourtant, ce ne sont pas les raisons de justification d'un processus de désenclavement qui manquent. Outre les potentialités agricoles sus mentionnées, la préservation du patrimoine Temberma étant au nombre des priorités des autorités touristiques de notre pays, la rentabilisation des tatas de KOUTOUGOU sera non seulement un atout économique local à l'heure de la communalisation de nos campagnes mais aussi une raison pour mobiliser les populations à leur préservation. A tout considérer, on se rend bien compte que des raisons existent pour qu'un processus de désenclavement de KOUTOUGOU devienne une préoccupation sérieuse. Celui-ci en fait devra s'appuyer sur des potentialités locales existantes. C'est d'abord la disponibilité d'une vallée entre les monts Tamoungou et Takpangou qui permettrait de relier KOUTOUGOU à Kantè par une route de 08 kilomètres ; c'est en tout cas le voeu de 96,7% de nos enquêtés. De plus, le désenclavement de KOUTOUGOU passe aussi par une question d'entretien des infrastructures existantes. Ce sont les ponts sur la Binah et sur la Kéran auxquels on doit ajouter l'amélioration de la qualité de la piste automobile venant de Tchitchira et qui continue vers le Bénin. Par ailleurs, désenclaver c'est aussi prévoir une ouverture de l'espace géographique étudié sur le reste du Togo en matière de réseaux invisibles tels celui de la télévision, de la radio et de la téléphonie rurale. Enfin, l'atout majeur est la population de KOUTOUGOU qui, à partir de son CVD pense du moins dans sa grande majorité pouvoir participer aux efforts qu'exigeront les travaux de désenclavement de leur localité. Certains affirment pouvoir donner une participation financière à hauteur de 1000 francs (76,8%) ou plus (23,2%) alors que d'autres22 pensent se rendre disponibles pour des travaux précis dans le cadre du tracé de la route ou de l'amélioration de celle qui existe. Dans tous les cas, un tel processus engendrera probablement des retombées positives sur toutes les composantes de l'économie togolaise. Les populations de KOUTOUGOU, celles de la région de la Kara et du Togo en tireront profit ; les unes par la vente de leurs produits sur place, les autres par les apports en vivriers. Quant à l'Etat, le désenclavement de cette localité lui éviterait d'investir dans la production de denrées alimentaires qui ne profite à personne si ce n'est aux Béninois et de garantir des revenus à partir des taxes de marchés et celles à prélever sur les produits manufacturés qui y seront vendus. 22 58,5% des restants sont ceux là qui ne peuvent qu'offrir leur main d'oeuvre. C'est en tout cas l'espoir de désenclavement de leur contrée qui fait vivre et travailler encore les habitants de KOUTOUGOU même si cet espoir s'intensifie puis s'exaspère au fil du temps et au rythme des campagnes électorales quand on leur demande de débroussailler la vallée pour que les tracteurs qui doivent arriver très prochainement commencent le travail. 107 ABBI P. (2002) : Contribution à l'étude géomorphologique de l'espace compris entre les préfectures de la Binah, de Doufelgou et de la Kozah (Togo), Mémoire de Maîtrise de Géographie, Université de Lomé, 130 p. + annexes. ABOTCHI T., KLASSOU K. (2002) : Croyances coutumières, pratiques foncières et développement rural dans les préfectures de Haho et du Moyen-Mono in Revue BELGEO (pp. 29 - 43). ABOTCHI T. (1997) : Dynamisme économique et évolution du milieu rural dans l'est de la région des Plateaux au Togo, Thèse de Doctorat, Université de Bordeaux 3, 377 pages. 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