3.3.2- La question de la scolarisation face à
l'enclavement
Comme nous l'avions présenté plus haut, le taux
de scolarisation à KOUTOUGOU est l'un des plus faibles de la
région (58% de nos enquêtés ne sont pas instruits). Ce fait
est intimement lié au phénomène de l'enclavement. En
effet, sur les sept enseignants du primaire mutés par la Direction
Régionale des Enseignements Primaire et Secondaire, ces quatre
dernières années, seuls deux y sont restés et y exercent
encore. Les autres se sont allés le plus souvent après un
séjour qui se limite à la reconnaissance du poste de travail. La
raison évoquée pour justifier ces départs est l'isolement
du milieu. Pour les deux restants qui ne cachent pas leur désir de
partir vers d'autres cieux, les difficultés ne manquent pas.
Difficultés de toucher leurs soldes surtout en saison des pluies,
difficulté de participer aux réunions et aux séances de
formation ainsi que de s'approvisionner en outils et autres matériels
didactiques comme la craie, les bics, crayons...
Le manque de bancs et de locaux en bon état a
incité la construction pour cette année à Koutougou d'un
bâtiment de trois classes financé par le Projet BID-EDUCATION
2002. Pour y apporter les tables bancs afin de permettre une bonne
rentrée scolaire 2005-2006, le véhicule a dû faire le
détour en empruntant le trajet suivant : Kara - Kantè (48km) -
Nadoba (73km) - Boukoumbé au Bénin (93 km) - Koussoukoungou au
Bénin (123 km) avant d'entamer le sentier vers KOUTOUGOU soit au total
153 kilomètres au lieu d'emprunter un trajet normal allant de Kara
à Niamtougou puis Koutougou soit une cinquantaine de kilomètres.
Seulement, là encore, les bancs ont dû être
abandonnés en pleine brousse à Koutamagou-Bénin à
environ 15 kilomètres de leur destination finale à cause du
mauvais état de cette piste. Il appartient donc aux paysans d'organiser
le reste du transport.
Comparativement à leurs frères de Nadoba
où il existe trois écoles d'enseignement primaire et un
collège d'enseignement secondaire, les habitants de KOUTOUGOU vivent
dans
le pire dénuement réconforté par l'existence
l'autre côté d'un réseau d'électrification à
partir de la ville béninoise de Boukoumbé.
Toutes ces réalités couplées de la
difficulté que les jeunes qui réussissent au CEPD doivent aller
continuer leurs études soit à Kantè soit à Nadoba,
démotivent parents et apprenants en matière de scolarisation. Sa
faiblesse se combine aux autres facteurs pour assombrir davantage la situation
des infrastructures socio collectives de la localité et affaiblir
davantage leur niveau de fréquentation.
En somme, la pauvreté du réseau de chemin et le
mauvais état des ponts contraignent les habitants de KOUTOUGOU à
vivre dans un isolement qui est source de contraintes d'ordre social et
économique et dont les caractéristiques essentielles sont le
coût de production élevé, des prix de vente
dérisoires, une couverture sanitaire presque inexistante et un taux de
scolarisation très faible. Tous ces faits développent chez ce
peuple des sentiments divers ainsi que des complexes nuisibles non seulement
à son intégration au tissu commercial national mais davantage sur
un tout autre plan au contexte d'unité nationale. On citera simplement
le fait que les habitants de notre zone d'étude ne peuvent s'informer
sur ce qui se passe dans leur pays à défaut de pouvoir capter des
stations de radios nationales. C'est ce que nous avons appelé les
contraintes morales et culturelles de l'enclavement.
On voit donc que la vie à KOUTOUGOU n'est nullement chose
facile. Mais on se demande ce qui retient encore ce peuple de cultivateurs dans
ce coin du Togo ?
La vie des Temberma et leur bonheur aujourd'hui est le fruit
d'un espoir de sortir un jour de cette situation que MERLIN P. (1991, page 37)
qualifiait de frein pour le développement du monde rural quand il disait
que « le retard de l'Afrique subsaharienne sur les autres continents en
matière agricole comme dans bien d'autres domaines est le fruit de
l'isolement ». Y a-t-il donc des raisons pour désenclaver le
terroir de Koutougou ? Comment doit-on s'y prendre ? D'ailleurs, qui doit
désenclaver et que peut-on faire en attendant un quelconque processus de
désenclavement ?
En tout état de cause, il se dégage une
nécessité de désenclaver KOUTOUGOU, mais celui-ci doit
partir de certaines potentialités locales et de quelques raisons
valables pour le justifier.
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