CONCLUSION
La crise militaro-politique qui prévaut en Côte
d'Ivoire depuis la fin de la décennie 90 est lourde de
conséquences sur les populations ivoiriennes, l'économie
nationale et les économies de la sous-région ouest-africaine. La
persistance de cette crise a plongé le pays dans une récession
économique sans précédent historique. Le ralentissement
général de l'activité économique s'est
accompagné en permanence de la chute du niveau des investissements
privés et publics, de la raréfaction des financements tant
intérieurs qu'extérieurs, du durcissement de la contrainte
financière de l'Etat préjudiciable au secteur privé, de
l'effondrement de la production de plusieurs branches d'activités jadis
dynamiques, de la destruction, la fermeture et la délocalisation de
plusieurs entreprises nationales, avec pour corollaire la dégradation
continue des conditions de vie des populations. Ces évolutions
défavorables, en dépit des nombreuses potentialités
socioéconomiques du pays, reflètent le caractère
très risqué et hostile de l'environnement des affaires en
Côte d'Ivoire au cours de la dernière décennie.
Cette étude a consisté à déceler
les entraves majeures à l'investissement privé et à
l'entreprenariat en Côte d'Ivoire afin de les utiliser comme principal
support pour la formulation des réformes prioritaires à mener en
vue de garantir une relance optimale de l'économie ivoirienne dans la
période post-crise. Se basant sur l'approche du diagnostic de
croissance, proposée par Ricardo HAUSMANN, Dani RODRIK et Andrés
VELASCO (HRV) en 2005, elle aboutit au résultat selon lequel les niveaux
très bas de l'investissement privé et de l'entreprenariat en
Côte d'Ivoire trouvent leurs explications dans :
- la faiblesse de la capacité d'appropriation
privée, c'est-à-dire l'impossibilité pour les
producteurs de biens et services de bénéficier d'une part
significative des richesses qu'ils créent, en raison des
défaillances des politiques publiques (instabilité sociopolitique
chronique, déficits budgétaires insoutenables, non respect du
droit et des règles en vigueur, mauvaise gouvernance, niveau de
corruption élevé et privatisation informelle des services
publics, forte criminalité, fraude et contrebande liée à
la porosité des frontières, informalité
généralisée) et des déficiences des marchés
(absence d'innovations, accès non effectif aux marchés locaux et
régionaux, défaut de coordination des acteurs) ;
- le coût élevé du financement
intérieur et l'accès limité au crédit
imputables à la faiblesse de l'épargne nationale et à
l'insuffisance de l'intermédiation financière liée aux
risques inhérents aux défaillances des politiques publiques qui
minent la qualité des portefeuilles bancaires et justifient le «
paradoxe » de la surliquidité des banques ivoiriennes et leur
faible contribution au financement de l'économie nationale.
Ces résultats permettent ainsi de comprendre le mauvais
positionnement de la Côte d'Ivoire dans les derniers rapports du Doing
Business de la Banque Mondiale et les résultats de l'enquête du
GTN sur le climat des affaires, au-delà des perceptions qualitatives des
acteurs du secteur privé. Ils confirment surtout l'issue des travaux
préliminaires du GTN et du forum du Doing Business, selon laquelle il
est nécessaire de mettre en place un plan de réformes d'urgence
de l'environnement des affaires en Côte d'Ivoire qui répond aux
impératifs de la relance économique post-crise.
evl.virovl.vl.evvtevl.t des affaires et reLavl.ze
6covl.ovvticit,te post-arise evl. Cate ortvoire
Toutefois, pour que ces réformes soient porteuses de
croissance au sortir de la crise, l'étude préconise de les
adosser aux principales entraves identifiées, c'est-à-dire de
prendre des mesures idoines afin d'améliorer l'appropriation
privée en Côte d'Ivoire et parachever la réforme en cours
du secteur financier, entamée en 2009 suite à l'évaluation
de ce secteur par le FMI et la Banque Mondiale.
Dans cette perspective, des actions cohérentes visant
à remédier aux défaillances des politiques publiques et
à minimiser les déficiences des marchés deviennent
urgentes et prioritaires. Outre l'instauration durable de la paix et la
stabilité sociopolitique en Côte d'Ivoire comme préalable,
ces mesures portent sur la nécessité pour le Gouvernement de
garantir la stabilité du cadre macroéconomique par la poursuite
des mesures d'assainissement des finances publiques. Des actions
appropriées doivent également permettre d'améliorer la
gouvernance économique et politique assortie de la
prévisibilité des politiques et des règles de droit en
vigueur, de faire respecter la force de la loi, de garantir la
sécurité des biens et des personnes et de créer les
conditions d'une économie formelle de marché en Côte
d'Ivoire. Dans la même logique, il revient au secteur privé de
développer et promouvoir la culture d'entreprise orientée vers
l'éthique et le civisme, par l'appropriation des politiques RSE.
Une autre issue importante de cette étude est que la
restauration de la confiance perdue entre les différents acteurs de la
vie économique et sociale du pays passe nécessairement par la
mise sur pied d'un monopole focal de gouvernance à travers la
création d'un comité paritaire Etat/Secteur Privé
impliquant au plus haut niveau l'Administration publique, le secteur
privé et la société civile. En outre, des mesures doivent
être prises pour assurer progressivement la protection et la promotion
des produits locaux en renforçant la lutte contre la fraude.
L'étude suggère également que des réformes
complémentaires soient envisagées pour mettre en place le cadre
réglementaire et institutionnel propice à l'émergence de
financements innovants facilitant l'accès aux capitaux, notamment par
les PME/PMI. D'autre part, l'Etat est invité à développer
des modèles de partenariats publics privés pour la modernisation
et la consolidation des infrastructures physiques et sociales du pays dont la
plupart est restée dans un état de dégradation
avancée, en raison de l'absence d'investissements de maintenance durant
la crise.
La mise en oeuvre de ces réformes suppose un
Gouvernement d'après crise qui sera très engagé en faisant
preuve de cohérence et de profondeur vis-à-vis desdites
réformes. L'ampleur des tâches à exécuter et les
enjeux liés à celles-ci exigent des différents acteurs
nationaux une organisation interne dynamique garantissant l'efficacité
de leurs actions respectives. Aussi, parce que la mise en oeuvre des
réformes proposées s'avère capitale à la survie de
l'économie ivoirienne et partant des économies de la
sous-région ouest-africaine, la mobilisation et la
réactivité des bailleurs de fonds, à travers leur appui
institutionnel et financier, sont-elles vivement souhaitées et
constituent le gage de la réussite des réformes susvisées
qui impliquent une mise à niveau des acteurs et des besoins financiers
importants en Côte d'Ivoire.
Pour tirer avantage de la mondialisation et des nouveaux
enjeux du développement international, la Côte d'Ivoire est
invitée à s'inscrire constamment dans le développement
durable surtout dans le cadre de la gestion de ses ressources naturelles. Elle
doit aussi s'évertuer à pérenniser l'agriculture notamment
d'exportation, à redynamiser l'écotourisme et à
développer la coopération sous-régionale et internationale
pour jouer pleinement son rôle historique de locomotive économique
au sein de la sous-région ouest-africaine.
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