I.2.2. La croissance économique en Côte
d'Ivoire est-elle contrainte par l'insuffisance des financements
extérieurs ?
En dépit d'un risque pays élevé depuis
2000, la Côte d'Ivoire reste une destination privilégiée
des flux de capitaux privés, en particulier les IDE. Entre 1995 et 1999,
la Côte d'Ivoire a reçu environ 5% des flux totaux d'IDE en
direction de l'Afrique Subsaharienne, alors que la part de l'ensemble des pays
de l'UEMOA se situait à 8%.
Quoiqu'en baisse depuis le début de la crise
militaro-politique et largement inférieure aux parts du Nigéria
et de l'Afrique du Sud, la part moyenne des IDE en Côte d'Ivoire reste la
plus élevée dans l'UEMOA sur la période 2000-2009. Cette
part d'environ 2% est très proche des pays de niveau de
développement comparable comme le Ghana et le Cameroun (Graphique 8).
Graphique 8: Parts relatives des pays dans le
total d'IDE reçus par l'Afrique Subsaharienne (%)
Période 1995-1999 Période 2000-2009
25,0%
20,0%
15,0%
10,0%
5,0%
0,0%
25,0%
20,0%
15,0%
10,0%
5,0%
0,0%
ZAF
NGA
UEMOA
CIV
GHA
CMR
MLI
SEN
BEN
NER
BFA
TGO
GNB
Source : Nos calculs à partir des
données de la Banque Mondiale
Il convient aussi de noter que la réglementation des
changes en vigueur dans les pays membres de l'UEMOA18 prescrit une
liberté à l'entrée des flux de capitaux privés
étrangers, laquelle est subordonnée à une simple
déclaration à des fins statistiques aux autorités de
contrôle. Ces textes prévoient également la liberté
du rapatriement des dividendes et du produit de la liquidation partielle ou
totale des investissements étrangers.
La réglementation des changes en vigueur dans l'UEMOA
traduit d'une part, la libéralisation totale des transactions courantes
en adhésion au régime de l'article 8 des statuts du FMI et
d'autre part, une volonté de poursuivre une libéralisation
graduelle des opérations du compte de capital, conformément au
Consensus de Washington. Mais, un contrôle de change existe dans l'Union
à travers une taxe spécifique appliquée sur les transferts
hors de la zone et fixée à 0,3% du montant total du transfert.
D'autre part, l'endettement excessif de la Côte d'Ivoire
a réduit assurément les possibilités des opérateurs
économiques nationaux à recourir aux marchés financiers
internationaux qui exigent généralement l'aval ou la garantie de
l'Etat, à l'exception des filiales de grands groupes internationaux qui
reçoivent généralement cette garantie de la part de leur
maison-mère.
18 Cf. Règlement n° 09/2010/CM/UEMOA du
1er octobre 2010 relatif aux relations financières
extérieures des Etats membres de l'Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine (UEMOA). Il a abrogé le Règlement n°
09/98/CM/UEMOA du 20 décembre 1998.
L'expérience tirée de la période
d'endettement a conduit les autorités ivoiriennes à suspendre,
depuis la deuxième moitié des années 80, toute garantie de
remboursement de l'Etat dans le cadre d'opérations financières
extérieures relevant du secteur privé.
La Côte d'Ivoire a bénéficié d'une
part marginale de l'aide publique au développement (APD) au cours des
dernières années, en raison des ruptures
répétées des relations avec la communauté
financière internationale. Toutefois, l'admission du pays au point de
décision de l'initiative PPTE, en mars 2009, a ouvert de bonnes
perspectives pour un afflux massif d'APD en Côte d'Ivoire pour les
années à venir, surtout dans le cadre de la reconstruction du
pays. Les conditions de l'efficacité de ces flux d'aide devraient
largement dépendre de la qualité des politiques et des
institutions nationales en place au sortir de la crise. De toute
évidence, la croissance économique en Côte d'Ivoire n'est
pas contrainte par les financements extérieurs. Les flux de capitaux
étrangers requièrent ordinairement un environnement interne
favorable et à même d'offrir des retours sur investissements
conséquents.
En résumé, le diagnostic de croissance
(Graphique 5) nous enseigne que l'investissement privé et
l'entreprenariat en Côte d'Ivoire ont régressé à des
niveaux très bas à cause :
- de la faiblesse des rendements de l'activité
économique imputable aussi bien aux défaillances des
politiques publiques (instabilité sociopolitique
chronique, déficits budgétaires insoutenables, non respect du
droit et des règles en vigueur, mauvaise gouvernance, forte corruption
et privatisation informelle des services publics, criminalité due
à la prolifération et circulation illicite d'armes
légères, fraude et contrebande liée à la
porosité des frontières, informalité
généralisée) qu'aux déficiences du
marché (absence d'innovations, accès non effectif
aux marchés locaux et régionaux, défaut de coordination
lié à l'absence d'un cadre de dialogue Public/Privé) ;
- du coût élevé du financement
intérieur et de l'accès limité au crédit imputables
d'une part, à la faiblesse de l'épargne
nationale et d'autre part, à l'insuffisance de
l'intermédiation financière résultant
elle-même des risques inhérents aux défaillances de
politiques publiques qui minent la qualité des portefeuilles bancaires
et justifient le « paradoxe » de la surliquidité des banques
ivoiriennes et leur faible contribution au financement de l'économie
nationale.
L'application de l'approche du diagnostic de croissance
à l'économie ivoirienne a ainsi permis d'identifier deux
contraintes principales à l'investissement privé et à
l'entreprenariat en Côte d'Ivoire, et donc au développement
économique du pays. Malgré tout, l'économie ivoirienne
regorge d'énormes atouts à même de garantir
l'émergence d'un secteur privé dynamique au sortir de la
crise.
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