CENTRE D'ETUDES FINANCIERES ECONOMIQUES ET
BANCAIRES
LES DOCKS - ATRIUM 103 10, PLACE DE LA JOLIETTE 13002
MARSEILLE
Master Economie et Développement
International
Spécialité : Maîtrise d'Ouvrage
Publique et Privée OPTION : DEVELOPPEMENT ET FINANCEMENT DU SECTEUR
PRIVE
ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES ET RELANCE
ECONOMIQUE POST-CRISE EN COTE D'IVOIRE
|
Présenté et soutenu par : M. KOUADIO Yao
Mathias (COTE D'IVOIRE)
Directeur de Mémoire : M. Patrick CHOUTEAU
(AFD/CEFEB)
Expert : M. Marc RAFFINOT (UNIVERSITE PARIS
DAUPHINE)
Marseille - Année Universitaire 2010-2011
AGENCE FRANÇAISE DE DEVELOPPEMENT 5, RUE
ROLAND BARTHES 75598 PARIS CEDEX 12
AVANT PROPOS
REMERCIEMENTS.
En permettant l'organisation du Master Professionnel en
Economie et Développement International « Maîtrise d'Ouvrage
Publique et Privée » à l'intention de nombreux cadres
à haut potentiel des pays du Sud, l'Agence Française de
Développement (AFD) prend une avance, à n'en point douter, sur le
rendez-vous historique du décollage économique et social de ces
pays. C'est donc le lieu de témoigner toute ma reconnaissance à
la haute hiérarchie de l'AFD, au Directeur du Centre d'Etudes
Financières, Economiques et Bancaires (CEFEB), Monsieur Gilles
GENRE-GRANDPIERRE, aux Responsables de l'Université d'Auvergne,
aux Responsables de l'option " Développement et financement du secteur
privé ", à tous leurs collègues et partenaires qui ont
assuré le bon déroulement de l'année universitaire
2010-2011.
Pour le mémoire de fin de cycle, nous avons choisi de
porter nos réflexions sur l'environnement des affaires et la relance
économique post-crise en Côte d'Ivoire. Cette problématique
est incontournable tant la levée des obstacles à l'investissement
privé est nécessaire pour impulser une nouvelle dynamique de
croissance à l'économie ivoirienne durement
éprouvée par plus de dix années de crise
militaro-politique. Du reste, la question trouve toute sa plénitude avec
la phrase magique de l'analyse financière de Pierre VERNIMMEN : «
La création de richesse nécessite
des investissements qui doivent être
financés et être suffisamment
rentables ».
« Aucun travail ne s'accomplit dans la
solitude1 », dixit Michel BEAU. La rédaction de ce
mémoire, dans le contexte de l'aggravation de la crise ivoirienne sur la
période, a été rendue possible grâce à
plusieurs contributions. Nous tenons ici à remercier très
sincèrement toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont
permis la réussite de ce travail. Nos remerciements vont à
l'endroit de la haute hiérarchie du Trésor Public de Côte
d'Ivoire, à mes supérieurs hiérarchiques directs Messieurs
HONOZON Faustin et SAVANE Mory,
respectivement Directeur du Trésor et Sous-Directeur des Finances
Extérieures.
Nous réitérons tout particulièrement nos
remerciements à Messieurs Patrick CHOUTEAU et Marc
RAFFINOT pour l'encadrement de qualité, dont nous avons
bénéficié, qui s'est traduit par leur
disponibilité, leur soutien et surtout leurs contributions inestimables.
Ces remerciements vont également à l'endroit de Monsieur
KONAN Hyppolite, Chef de Service des Etudes et Statistiques à
la Direction Nationale de la BCEAO, Madame AKE Epse ACKA Rose
Virginie, Sous-Directeur des Enquêtes et de l'Analyse
Conjoncturelle à la DCPE et Commandant KONAN Djaha
Benoît, Membre de la CENTIF Côte d'Ivoire. Nous ne
saurions oublier notre chère fiancée, KOUAKOU Amoin Bah
Solange pour son soutien permanent, notre famille pour ses constantes
bénédictions et tous les Mastériens de la
4ème promotion pour l'ambiance cordiale qui a
régné durant la formation.
Ce mémoire est dédié à la
Côte d'Ivoire dont nous pensons de ses fils et filles qu'une
réelle prise de conscience, de leurs propres contradictions et du devoir
historique de leur pays dans le processus de développement de l'Afrique,
constituera à coup sûr le socle d'une renaissance
irréversible qui sera bénéfique aux
générations futures du monde entier.
.
1 Cf. Michel Beau, " L'art de la thèse", La
découverte, Paris, 1985, (Page 5).
evl.virovl.vl.evvtevl.t des affaires et reLavl.ze
6covl.ovvticit,te post-arise evl. Cate ortvoire
SOMMAIRE
AVANT PROPOS 1
SOMMAIRE 2
SIGLES ET ABREVIATIONS 4
SYNTHESE 6
INTRODUCTION 8
PREMIERE PARTIE : ETAT DES LIEUX 11
I. CONTEXTE SOCIOECONOMIQUE NATIONAL 11
I.1. Présentation de la Côte d'Ivoire
11
I.1.1. Situation géographique et démographique
11
I.1.2. Politiques macroéconomiques 11
I.1.3. Indicateurs socio-politiques 12
I.2. Cadrage macroéconomique 1995-2009 13
I.2.1. Equilibre ressources-emplois en biens et services 13
I.2.2. Finances publiques 14
I.2.3. Secteur extérieur 15
I.2.4. Secteur monétaire 16
II. IMPORTANCE DU SECTEUR PRIVE DANS L'ECONOMIE IVOIRIENNE 16
II.1. Structure du secteur privé et création
de richesse en Côte d'Ivoire 16
II.1.1. Présentation du secteur privé ivoirien
16
II.1.2. Contributions sectorielles à la création
de richesse nationale 17
II.2. Investissements et financements privés en
Côte d'Ivoire 19
II.2.1. Evolution des taux d'investissements en Côte
d'Ivoire 19
II.2.2. Crédit à l'économie et capitaux
privés étrangers 19
III. CARACTERISTIQUES DE L'ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES EN COTE
D'IVOIRE 21
III.1. Cadre réglementaire et institutionnel des
affaires en Côte d'Ivoire 21
III.1.1. Cadre législatif d'encadrement et de promotion
des investissements en Côte d'Ivoire 21
III.1.2. Cadre institutionnel d'encadrement et de promotion des
investissements en Côte d'Ivoire 22
III.2. Facilité de faire des affaires en Côte
d'Ivoire selon le Doing Business 25
III.2.1. Positionnement global de la Côte d'Ivoire à
partir de 2009 25
III.2.2. Détails des indicateurs Doing Business 2010 pour
la Côte d'Ivoire 26
DEUXIEME PARTIE : CONTRAINTES ET OPPORTUNITES DU SECTEUR
PRIVE EN COTE D'IVOIRE 28
I. CONTRAINTES A L'INVESTISSEMENT PRIVE ET A L'ENTREPRENARIAT EN
COTE D'IVOIRE : LES EVIDENCES DU DIAGNOSTIC DE CROISSANCE 28
I.1. Les rendements des investissements sont-ils faibles en
Côte d'Ivoire ? 30
I.1.1. Analyse du rendement global des investissements en
Côte d'Ivoire 30
I.1.2. Analyse des rendements sociaux des facteurs de production
31
I.1.3. Analyse de la capacité d'appropriation
privée 33
I.2. Le coût du financement privé est-il
élevé en Côte d'Ivoire ? 36
I.2.1. La faible croissance économique en Côte
d'Ivoire est-elle liée à des contraintes de financement interne ?
36
I.2.2. La croissance économique en Côte d'Ivoire
est-elle contrainte par l'insuffisance des financements extérieurs ?
41
II. OPPORTUNITES DU SECTEUR PRIVE IVOIRIEN 42
II.1. Ressources et potentiel existants 43
II.1.1. Un capital naturel varié 43
II.1.2. L'infrastructure physique et sociale en place 43
II.2. Actions engagées en faveur du secteur
privé 44
II.2.1. Les mesures d'assainissement des finances publiques 44
II.2.2. Le programme de lutte contre le racket et les
tracasseries routières 45
II.2.3. La réforme en cours du secteur financier 45
TROISIEME PARTIE : PROPOSITIONS DE REFORMES POUR UNE
RELANCE ECONOMIQUE POST-CRISE OPTIMALE EN COTE D'IVOIRE 46
I. REFORMES EN VUE DE L'AMELIORATION DE L'APPROPRIATION PRIVEE
46
I.1. Remédier aux défaillances des politiques
publiques 46
I.1.1. Assainir le cadre macroéconomique et garantir sa
stabilité 46
I.1.2. Supprimer ou réduire les risques
microéconomiques 47
I.2. Remédier aux défaillances des
marchés 50
I.2.1. Instaurer un cadre permanent de Dialogue Public
Privé 50
I.2.2. Renforcer les mesures de lutte contre la fraude 51
I.2.3. Assurer la protection et la promotion des produits
nationaux 52
II. REFORMES COMPLEMENTAIRES DE L'ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES
53
II.1. Réformer le secteur financier pour faciliter
l'accès au capitaux 53
II.1.1. Parachever la réforme en cours du secteur
financier 53
II.1.2. Faciliter l'accès aux capitaux 54
II.2. Parachever la refonte du Code des investissements
55
II.3. Développer des partenariats publics
privés pour moderniser et consolider les infrastructures physiques
et
sociales 56
III. MESURES D'ACCOMPAGNEMENT 57
III.1. Cadre d'intervention des acteurs nationaux 57
III.1.1. Le rôle des pouvoirs publics 57
III.1.2. Le rôle du secteur privé 57
III.1.3. Le rôle de la société civile et des
populations ivoiriennes 58
III.2. Quel rôle pour les bailleurs de fonds ?
58
III.2.1. L'appui institutionnel des bailleurs de fonds 58
III.2.2. L'appui financier des bailleurs de fonds 59
CONCLUSION 60
ANNEXES 62
BIBLIOGRAPHIE 76
SIGLES ET ABREVIATIONS
ADPIC : Accords sur les aspects des Droits de
Propriété Intellectuelle touchant au Commerce
AFD : Agence Française de
Développement
AID : Association Internationale de
Développement
ANRMP : Autorité Nationale de
Régulation des Marchés Publics
APBEF-CI : Association Professionnelle des
Banques et Etablissements Financiers de Côte d'Ivoire
APD : Aide Publique au Développement
APEX-CI : Association pour la Promotion des
Exportations de Côte d'Ivoire
APSFD-CI : Association Professionnelle des
Systèmes Financiers Décentralisés de Côte
d'Ivoire
BAC : Baccalauréat
BAD : Banque Africaine de
Développement
BCEAO : Banque Centrale des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale
BEP : Brevet d'Etudes Professionnelles
BEPC : Brevet d'Etudes du Premier Cycle
BIDC : Banque d'Investissement et de
Développement de la CEDEAO
BNETD : Bureau National d'Etude Technique et de
Développement
BOAD : Banque Ouest-Africaine de
Développement
BRVM : Bourse Régionale des Valeurs
Mobilières
BT : Brevet de Technicien
BTS : Brevet de Technicien Supérieur
CAP : Certificat d'Aptitude Professionnelle
CCI-CI : Chambre de Commerce et d'Industrie de
Côte d'Ivoire
CDI : Contrat de Développement
Innovation
CEDEAO : Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest
CEFEB : Centre d'Etudes Financières
Economiques et Bancaires
CENTIF : Cellule Nationale de Traitement des
Informations Financières
CEPE : Certificat d'Etudes Primaires
Elémentaires
CEPICI : Centre de Promotion des Investissements
en Côte d'Ivoire
Cf. : Confère ou se référer
à
CGECI : Confédération
Générale des Entreprises de Côte d'Ivoire
CNDP : Comité National de la Dette
Publique
CNLFE : Conseil National de Lutte contre la
Fraude Economique
CNO : Centre - Nord - Ouest
CNSA-GIABA : Comité National de Suivi des
Activités du Groupe Intergouvernemental d'Actions
contre le Blanchiment d'Argent et le financement du terrorisme
en Afrique de l'Ouest
CODESFI : Comité de Développement
du Secteur Financier
CTCFR : Comité Technique de
Contrôle de la Fluidité Routière
CTI : Commission Technique des
Investissements
DCPE : Direction de la Conjoncture et de la
Prévision Economiques
DFI : Development Finance International
DGDI : Don de Gouvernance et
Développement Institutionnel
DSRP : Document de Stratégie de Relance
du développement et de Réduction de la Pauvreté
Etc. : Et cætera
FBCF : Formation Brute de Capital Fixe
FCFA : Franc de la Communauté
Financière Africaine
FEC : Facilité Elargie de
Crédit
FFS-PME : Fonds Francophone de Soutien aux
Petites et Moyennes Entreprises
FIDEN : Fonds Ivoirien pour le
Développement de l'Entreprise Nationale
FIPME : Fédération Ivoirienne des
Petites et Moyennes Entreprises
FMI : Fonds Monétaire International
FNISCI : Fédération Nationale des
Industries et Services de Côte d'Ivoire
GTN : Groupe de Travail National
HRV : Hausmann, Rodrik et Velasco
IDE : Investissements Directs Etrangers
INIE : Institut Ivoirien de l'Entreprise
INS : Institut National de la Statistique
INTERPOL : Organisation Internationale de Police
Criminelle
IPI : Indice de la Production Industrielle
Km : Kilomètre
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economiques
OHADA : Organisation de l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
OIPI : Office Ivoirien de la
Propriété Intellectuelle
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
ONUDI : Organisation des Nations Unies pour le
Développement Industriel
OPCVM : Organismes de Placement Collectif en
Valeurs Mobilières
PARE/PME : Projet d'Appui à la
Revitalisation et à la Gouvernance des Entreprises
PEFA : Public Expenditure and Financial
Accountability
PEMFAR : Public Expenditure Management and
Financial Accountability Review
PIB : Produit Intérieur Brut
PME/PMI : Petites et Moyennes
Entreprises/Petites et Moyennes Industries
PPP : Partenariats Publics Privés
PPTE : Pays Pauvres Très
Endettés
PRC-CPE : Programme de Renforcement des
Capacités en analyse des flux de Capitaux Privés Etrangers
RGPH : Recensement Général de la
Population et de l'Habitation
RMCP : Ratio Marginal Capital-Production
RNB : Revenu National Brut
RSE : Responsabilité Sociétale
d'Entreprise
SFI : Société Financière
Internationale
SIR : Société Ivoirienne de
Raffinage
TOFE : Tableau des Opérations
Financières de l'Etat
UEMOA : Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine
SYNTHESE
Depuis plus d'une décennie, la Côte d'Ivoire,
troisième puissance économique d'Afrique Subsaharienne
derrière l'Afrique du Sud et le Nigéria, pesant environ un tiers
dans le Produit Intérieur Brut (PIB) de l'Union Economique et
Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), est en proie à une grave crise
militaro-politique qu'il est convenu de baptiser « la crise ivoirienne
». Cette phase de turbulence en Côte d'Ivoire a débuté
par un coup d'Etat militaire en décembre 1999 et a atteint son summum en
septembre 2002 avec le déclenchement de la guerre civile qui a
consacré la partition de fait du pays en deux zones : la partie Sud
restée sous contrôle des forces loyalistes au régime de
2000 et une partie de la zone Centre Nord Ouest (CNO), représentant
environ 60% du territoire national, contrôlée par la
rébellion armée. L'implication de la communauté
internationale depuis 2002 a permis de circonscrire le conflit armé mais
la situation s'est récemment aggravée en raison de la crise
née au lendemain du second tour des élections
présidentielles du 28 novembre 2010.
Cette longue crise a bouleversé quasiment tous les
équilibres socio-économiques bâtis durant les quarante
premières années d'indépendance. En particulier, le
secteur privé continue de payer un lourd tribut de la forte
dégradation de l'environnement des affaires qui en a
résulté. En effet, malgré les nombreuses
potentialités socioéconomiques du pays et un contexte
international relativement favorable sur la période, l'économie
nationale s'est retrouvée dans une phase de récession très
prononcée imputable à la chute de l'investissement privé
et de l'entreprenariat à des niveaux très bas. Le retour à
la croissance soutenue qui avait été amorcé en 1995
à la faveur de la dévaluation du FCFA, s'est très vite
estompé dès 2000. Estimé à 5,3% sur la
période 1995-1999, le taux de croissance économique a
été négatif ou nul de 2000 à 2003 avant
d'être positif mais inférieur à la croissance
démographique (3,3%) jusqu'à fin 2008. Quant au taux brut
d'investissement, il est ressorti à 9,8% de 2003 à 2009 contre
20% en Afrique Subsaharienne, soit un déficit d'investissement de plus
de 10 points d'écart. La crise a en outre occasionné la
disparition de la moitié des PME/PMI, des fermetures totales ou
partielles d'unités industrielles et des délocalisations
d'entreprises, avec pour corollaire de nombreuses pertes d'emplois, la
montée du chômage et de la pauvreté.
La présente étude pose donc la
problématique générale de l'assainissement de
l'environnement des affaires en Côte d'Ivoire dans une perspective de
relance économique post-crise, en la recentrant sur les réformes
nécessaires à la levée des contraintes à
l'investissement privé et à l'entreprenariat. Tout en
s'inscrivant dans le cadre des travaux préliminaires menés en
2009 par le Groupe de Travail National (GTN) sur les capitaux privés
étrangers et lors du forum Doing Business 2010 sur les mesures visant le
repositionnement de la Côte d'Ivoire en matière de facilité
de faire des affaires, elle va au-delà des perceptions qualitatives des
acteurs du secteur privé pour proposer un cadre scientifique
cohérent de décisions et d'actions en matière de
réforme de l'environnement des affaires en Côte d'Ivoire.
L'étude se fixe pour objectifs : (i) d'identifier la ou
les deux contraintes principales à l'investissement privé et
à l'entreprenariat ainsi que les opportunités du secteur
privé dans une Côte d'Ivoire post-crise et, sur cette base, (ii)
de proposer au Ministère de l'Economie et des Finances les
réformes prioritaires à opérer par les principaux acteurs
de l'Administration publique, du secteur privé et de la
société civile ivoirienne, en relation avec les partenaires au
développement, en vue de garantir les conditions d'une relance
économique optimale au sortir de la crise.
Pour atteindre ces objectifs, l'approche du diagnostic de
croissance, proposée par Ricardo HAUSMANN, Dani RODRIK et Andrés
VELASCO (HRV) en 2005, a été utilisée et elle est
censée déceler les principales sources de la faiblesse de
l'investissement privé et de l'entreprenariat, à travers l'examen
d'un arbre décisionnel conçu à cet effet. Les analyses
conduisent au résultat fondamental selon lequel les niveaux bas de
l'investissement privé en Côte d'Ivoire au cours des
dernières années sont le fait de deux principaux facteurs,
à savoir :
· la faible capacité d'appropriation
privée, c'est-à-dire l'impossibilité pour les
producteurs de biens et services de bénéficier d'une part
significative des richesses qu'ils créent en raison des
défaillances des politiques publiques (instabilité
sociopolitique chronique, déficits budgétaires insoutenables, non
respect du droit et des règles en vigueur, mauvaise gouvernance, niveau
de corruption élevé et privatisation informelle des services
publics, forte criminalité, fraude et contrebande liée à
la porosité des frontières, informalité
généralisée) et des déficiences des
marchés (absence d'innovations, accès non effectif aux
marchés locaux et régionaux, défaut de coordination des
acteurs) ;
· le coût élevé du
financement intérieur et l'accès limité au
crédit imputables à la faiblesse de l'épargne
nationale et à l'insuffisance de l'intermédiation
financière liée aux risques inhérents aux
défaillances des politiques publiques qui minent la qualité des
portefeuilles bancaires et justifient le « paradoxe » de la
surliquidité des banques ivoiriennes et leur faible contribution au
financement de l'économie nationale.
Le rapport d'étude conclut donc à la
nécessité de la mise en oeuvre d'un plan de réformes
d'urgence de l'environnement des affaires adossées aux facteurs
clés identifiés. Ainsi, outre l'instauration durable de la paix
et la stabilité sociopolitique comme préalable, le Gouvernement
doit garantir la stabilité du cadre macroéconomique par la
poursuite des mesures d'assainissement des finances publiques, améliorer
la gouvernance assortie de la prévisibilité des politiques et des
règles de droit en vigueur, faire respecter la force de la loi, assurer
la sécurité des biens et des personnes et créer les
conditions d'une économie formelle de marché. Le secteur
privé doit développer et promouvoir la culture d'entreprise
orientée vers l'éthique et le civisme, par l'appropriation des
politiques RSE. Par ailleurs, le Gouvernement doit impérativement
parachever la réforme en cours du secteur financier.
La restauration de la confiance perdue entre les
différents acteurs de la vie économique et sociale du pays passe
nécessairement par la mise sur pied d'un monopole focal de gouvernance
à travers la création d'un comité paritaire Etat/Secteur
Privé impliquant au plus haut niveau l'Administration publique, le
secteur privé, la société civile et les partenaires au
développement. Il est préconisé la protection à
terme des produits locaux, leur promotion et le renforcement de la lutte contre
la fraude. Des mesures doivent être prises par l'Etat pour
l'émergence des financements innovants facilitant l'accès des
PME/PMI aux capitaux. En outre, l'Etat doit développer des
modèles de Partenariats Publics Privés (PPP) pour la
modernisation et la consolidation des infrastructures physiques et sociales du
pays.
L'enjeu des réformes proposées suppose un
Gouvernement d'après crise qui sera engagé, faisant preuve de
cohérence et de profondeur. Cela exige aussi une organisation interne
dynamique de la part des acteurs nationaux. Mieux, la mobilisation et la
réactivité des bailleurs de fonds à travers leur appui
institutionnel et financier sont le gage de la réussite de ces
réformes qui impliquent une mise à niveau des acteurs et des
besoins de financement importants en Côte d'Ivoire.
INTRObUCTION
La Côte d'Ivoire est l'un des pays leaders d'Afrique
Subsaharienne, avec un poids prépondérant d'environ 33% dans le
Produit Intérieur Brut (PIB) de l'Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine (UEMOA)2. A l'instar des économies modernes
et pour accompagner efficacement sa politique de développement
économique et social, ce pays a opté dès son accession
à l'indépendance pour le libéralisme économique
afin de bénéficier de la confiance des investisseurs nationaux et
étrangers.
Au coeur de ce choix politique se trouve l'importance
particulière accordée au développement du secteur
privé parce que perçu à la fois comme un vecteur important
de la croissance économique, d'intégration de l'économie
au reste du monde et de réduction de la pauvreté via les emplois
créés et les revenus générés. Ce choix a
d'ailleurs été clairement réaffirmé dans le
Document de Stratégie de Relance du Développement et de
Réduction de la Pauvreté (DSRP), validé en janvier 2009 de
concert avec les partenaires au développement. Les autorités
ivoiriennes y ont retenu, en effet, la promotion du secteur privé comme
moteur de la croissance au titre du principal axe stratégique devant
permettre à la Côte d'Ivoire de se hisser au rang des pays
émergents à l'horizon 2015.
Pour parvenir à cette finalité, il importe que
le secteur privé évolue dans un environnement optimal,
c'est-à-dire que les opérations d'investissement et les
activités consécutives à celles-ci soient entre autres
protégées et organisées par des lois et règlements
crédibles, encadrées par des structures fiables et
financées par des institutions dynamiques relevant aussi bien du
marché monétaire que financier. Cela tient au fait que dans le
système du libéralisme économique, les agents fondent
l'essentiel de leurs décisions sur les signaux qu'ils perçoivent
des pouvoirs publics et du marché.
Or après la stabilité assurée pendant
quarante années d'indépendance et les performances au plan
économique qui avaient contribué à sa bonne
réputation, la Côte d'Ivoire est rentrée depuis la fin de
la décennie 90 dans une phase de turbulence avec l'intervention du coup
d'Etat militaire en décembre 1999 et le déclenchement de la
guerre civile en septembre 2002. La situation s'est aggravée
récemment avec les violentes émeutes postélectorales
survenues au lendemain du second tour des élections
présidentielles du 28 novembre 2010.
Les effets de cette longue crise, marquée notamment
par la partition de fait du pays en deux zones depuis 2002, sont
désastreux sur l'économie nationale : le déficit
budgétaire de l'Etat est prononcé, le taux de croissance de
l'économie est faible et quasiment nul voire négatif, l'indice de
la production industrielle a chuté, le taux de chômage s'est accru
et les indicateurs de développement humain se sont fortement
dégradés.
2 L'UEMOA comprend actuellement huit pays :
Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali,
Niger, Togo et Sénégal. Ces pays partagent une monnaie unique, le
Franc de la Communauté Financière Africaine (FCFA), émise
par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Le FCFA est
arrimé à l'Euro depuis la mise en circulation effective de la
monnaie européenne en 2002 (1 Euro = 655,957 FCFA).
Il résulte de cet environnement
délétère que le développement du secteur
privé se heurte à plusieurs facteurs contraignants tels que la
mauvaise gouvernance, les difficultés d'accès aux sources de
financement, la recrudescence du phénomène de la
contrefaçon et de la contrebande, la concurrence déloyale
imposée par des opérateurs informels de plus en plus nombreux,
l'irrégularité des paiements des fournisseurs de l'Etat,
l'accumulation d'importants arriérés de paiement tant
intérieurs qu'extérieurs par l'Etat et la dégradation des
infrastructures socioéconomiques.
Ces entraves ont été mises en exergue par le
rapport 2010 du forum Doing Business de la Banque Mondiale et l'enquête
relative au climat des affaires et aux flux de capitaux privés
étrangers en Côte d'Ivoire diligentée en mars 2009 par le
Groupe de Travail National (GTN), organe présidé par le
Trésor Public et chargé de conduire le projet régional
BCEAO/BEAC de renforcement des capacités en matière d'analyse des
flux de capitaux privés étrangers.
En somme, les crises militaro-politiques successives qui ont
secoué le pays depuis fin 1999 ont sérieusement compromis la
croissance et l'équilibre de l'économie nationale, en faisant
évoluer le secteur privé dans un environnement très
risqué et non propice aux affaires. Cette situation a
entraîné la fermeture ou la délocalisation de plusieurs
entreprises, l'amenuisement de la production des biens et services, la baisse
du niveau des investissements privés et l'effondrement de la dynamique
de création d'entreprises (entreprenariat).
Face à ce constat préoccupant et conscient du
rôle moteur du secteur privé, surtout dans la relance
économique post-crise, le Ministère de l'Economie et des Finances
a invité les principaux acteurs de l'administration publique, du secteur
privé et de la communauté des partenaires au
développement, à réfléchir sur les mesures
susceptibles d'améliorer l'environnement des affaires en Côte
d'Ivoire et d'accroître le niveau d'afflux de capitaux privés
étrangers. Pour le Ministère de l'Economie et des Finances, le
défi majeur, au sortir de la crise3 et en perspective
à la reprise totale de l'activité économique, demeure le
relèvement du niveau actuel relativement bas de l'investissement
privé et de l'entreprenariat en Côte d'Ivoire.
Dans cette optique, il apparaît judicieux de mener une
réflexion approfondie sur les recommandations de réformes, certes
non exhaustives mais suffisamment longues, faites par les acteurs
susvisés au terme de leurs travaux. L'objectif assigné à
cette démarche est d'arriver à établir, pour le
Gouvernement ivoirien, une matrice de réformes prioritaires en
adéquation avec un diagnostic des principales contraintes à la
croissance économique en Côte d'Ivoire. Ces entraves majeures
à la croissance seront identifiées en appliquant à
l'économie ivoirienne l'approche innovante de l'arbre de décision
proposée par Ricardo HAUSMANN, Dani RODRIK et Andrés VELASCO
(HRV) en 2005 sous l'intitulé « Growth diagnostics
»4.
3 Même si la situation post-crise reste
imprévisible avec la crise post-électorale qui a replongé
le pays dans le chaos depuis fin novembre 2010, le contexte
socio-économique national ne devrait pas s'éloigner de ce qui est
décrit dans cette étude. Sous cette hypothèse, les
conclusions qui en découleront devraient restées valables.
4 L'expression signifie « le diagnostic de
croissance ». Cette approche permet généralement d'expliquer
pourquoi les performances de croissance économique d'un pays en
développement sont décevantes. Elle a été
appliquée notamment au cas du Brésil, du Salvador, de la
République Dominicaine, de la Bolivie, du Maroc et du Bénin.
La question fondamentale est donc de savoir si, en
l'état actuel, l'environnement des affaires est-il en mesure de
favoriser une relance optimale de l'économie ivoirienne dans la
période post-crise ? Outre les opportunités offertes au secteur
privé, quelles sont la ou les deux principales contraintes à
l'investissement privé dans une Côte d'Ivoire post-crise ? Quelles
doivent être alors les réformes prioritaires à
opérer pour lever ces obstacles à la pratique des affaires en
Côte d'Ivoire et insuffler par la même une nouvelle dynamique de
croissance à l'économie nationale ?
Ce sont-là autant de préoccupations auxquelles
cette étude se propose d'apporter une réponse qui permettra
d'approfondir les réflexions préliminaires menées lors des
travaux du GTN et servir de levier pour les politiques d'intervention des
acteurs concernés par les réformes de l'environnement des
affaires répondant à l'impératif de relance
économique postcrise en Côte d'Ivoire.
Les résultats qui en découleront pourront
valablement s'appliquer, dans le cadre des réflexions au sein du
Comité de la Balance des Paiements présidé par le
Trésor Public, au titre des mesures susceptibles de garantir la
viabilité de la balance des paiements de la Côte d'Ivoire,
notamment en ce qui concerne la compétitivité externe des
entreprises ivoiriennes et l'attractivité des capitaux étrangers
pour consolider l'équilibre des comptes extérieurs.
Pour notre analyse, il paraît nécessaire de
présenter, dans une première partie, le contexte national dans
lequel ont évolué l'économie ivoirienne et
singulièrement le secteur privé au cours des dernières
années.
La deuxième partie sera consacrée à
l'examen des forces et faiblesses de l'économie ivoirienne
inhérentes à l'environnement des affaires en vigueur, à
travers l'identification des obstacles les plus contraignants à
l'investissement privé et à la croissance économique ainsi
que des opportunités du secteur privé en Côte d'Ivoire.
Sur cette base, des recommandations pertinentes de
réformes seront envisagées dans la dernière partie, sous
forme d'un cadre logique d'actions hiérarchisées dont les
retombées substantielles et directes sur la croissance devront garantir
une relance optimale de l'économie ivoirienne dans la période
postérieure à la crise.
PREMIERE PARTIE : ETAT DES LIEUX
Cette première partie de l'étude passe en revue
le contexte socioéconomique national dans lequel l'économie
ivoirienne a évolué au cours des dernières années.
Un accent particulier est mis sur le rôle joué par le secteur
privé dans ladite économie ainsi que les caractéristiques
de l'environnement des affaires en Côte d'Ivoire.
I. CONTEXTE SOCIOECONOMIQUE NATIONAL
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