ONCLUSION
Une recherche en sciences sociales, aussi nécessaire et
ambitieuse soit elle, peut se résumer à trois composantes
importantes : l'objet, la méthode et l'appareil conceptuel.
Dans cette présente étude, l'objet était
d'analyser les actions menées par l'ANCAR au niveau des organisations de
producteurs afin de déterminer la nature de la logique de son
intervention et sa portée. Autrement dit, il s'agissait de voir si
l'ANCAR est une structure qui s'est inscrite dans la méme perspective
d'encadrement que celles qui l'ont précédé ou bien si elle
a réellement opéré une rupture dans le processus
d'intervention en optant pour la logique d'appui. Comme contribution, cette
étude s'est limitée au cas spécifique d'une seule
organisation de producteurs, le Foyer de Sanar avec comme hypothèse
« L'approche de l'appui-conseil définie par l'ANCAR montrent
qu'elle a rompu avec la « logique d'encadrement »
héritée de l'Etat post colonial en matière de promotion
des organisations de producteurs. Cependant, l'exécution des programmes
par cette approche n'est pas effective auprès des organisations des
producteurs».
En effet, pour honorer cette recherche, nous avons suivi une
démarche qui se révèle être notre
spécialité, c'est à dire la démarche sociologique.
Il nous fallait d'abord faire l'inventaire des théories et des approches
produites sur notre objet. Cet inventaire était axé d'une part,
sur les différentes analyses théoriques de l'action des
organisations et les théories traitant des rapports entre l'Etat et les
paysans et d'autre part, sur l'approche par la gestion de l'interaction
inspirée de la théorie de la Recherche-Action-Formation (RAF).
Nous nous sommes également basés sur les réalités
expérientielles à travers les entretiens menées non
seulement au niveau des agents de l'agence d'intervention, c'est-à-dire
de l'ANCAR, mais aussi chez les producteurs de notre OP d'étude.
Cependant, notre démarche a consisté à situer d'abord
l'émergence des politiques agricoles au Sénégal avant de
centrer toute l'étude sur l'ANCAR et le Foyer de Sanar. Ensuite,
étant donné que les informations recueillies dans cette phase
exploratoire devaient être ponctuelles, nous avons inscrit notre
étude dans une visée à la fois quantitative et qualitative
avec comme outils de collecte le questionnaire et le guide d'entretien. Ces
outils qui, à notre avis, se sont imposés à notre
étude comme moyen de collecte d'informations nécessaires ont
permis d'une part, d'apprécier le contexte de démarrage et le
fonctionnement aussi bien de l'ANCAR que du Foyer de Sanar et d'autre part, de
déterminer plus ou moins la nature de l'intervention et la portée
de la première au niveau de la seconde.
Ainsi au terme de cette étude, nous avons pu constater
que dans le village de Sanar, le regroupement des producteurs au sein d'une
seule structure dans le but d'améliorer leurs conditions de travail n'a
pas été sans difficultés majeures pour les producteurs. En
dépit de l'expérience agricole des uns et des autres, ces
derniers se sont vite confrontés à un bloc structuré de
contraintes qui sont aussi nombreuses que diverses : risque naturels
(instabilité climatique, insectes destructeurs etc.), manque
d'expérience organisationnelle, étroitesse et approvisionnement
des terres exploitées, cherté des coûts de production,
analphabétisme des responsables paysans etc. Et face à cette
situation, l'ANCAR a été ciblé par ces producteurs afin de
jouer un rôle dans le sens de la levée de certaines de ces
contraintes. Sont apport s'est surtout accentué non seulement sur la
formation et l'appui conseil ou technique. C'est d'ailleurs à ce niveau
que nous pouvons jauger l'impact de l'appui de l'ANCAR au niveau des OP. Ainsi,
nous pouvons considérer que notre hypothèse de départ n'a
pas totalement été confirmée par les données de
l'enquête. En effet l'ANCAR n'intervient au niveau des OP qu'à la
demande de ces dernières, c'et à dire lorsque cette
dernière est sollicitée par les producteurs bien qu'il arrive
parfois, ce qui est très rare, que ses agents suscitent une demande
d'intervention. Et méme dans ce cas précis, il faut le
consentement du producteur pour que les agents puissent intervenir. En d'autres
termes, une nouvelle offre constitue une opportunité qui peut ainsi
faire germer une demande de la part des producteurs si le terrain est favorable
(demande suscitée). Dans ces cas, une contrainte de taille majeure se
présente aux cibles de l'Agence. Il s'agit d'un manque de
compétences nécessaires de la part des producteurs pour formuler
des demandes. Si l'on peut ainsi dire, tout producteur qui ne sait pas formuler
une demande d'appui ne pourra pas bénéficier des services de
l'ANCAR puisqu'elle n'intervient qu'après avoir été
interpellée.
Les entretiens et observations nous ont montré que
d'une manière générale, l'ANCAR est censée
effectuer divers appuis (intermédiation, formation, information,
facilitation) au niveau des OP. Ces appuis peuvent être un coup de main
pour remplir un dossier administratif, amorcer une négociation ou encore
maîtriser les techniques d'exploitation. Mais dans le cas de l'OP qui
nous concerne, seuls deux types d'appuis ont été
opérés par l'agence alors que leur relation partenariale date
maintenant de sept (7) ans. Ceci est du à l'incapacité des
membres de cette structures à rédiger des demandes
destinées à l'ANCAR. Mais cette attitude devient en méme
temps un défaut ou un limite pour l'approche de l'ANCAR.
Il importe de signaler qu'au cours des séances de
formation et d'information les relations qui existent entre les agents
formateurs et les producteurs à former sont du type « maître-
élève » et/ou « enseignant-enseigné ».
Aussi, certaines formations dont bénéficient les producteurs sont
confrontées à un problème de suivi au moment de
l'expérimentation dans les parcelles d'exploitation. C'est ce qui
confirme en partie notre hypothèse puisque cette attitude est
spécifique à la logique d'encadrement qui consiste à sous
estimer voire même ignorer les savoirs et savoir-faire des populations
locales. Par ailleurs la grosse difficulté à laquelle les
producteurs du Foyer de Sanar sont confrontés n'a pas encore
été résolue. Il s'agit de la question financière
qui, selon les producteurs est la raison principale de leur partenariat avec
l'ANCAR. Etant donné que l'agence joue également un rôle
d'intermédiaire entre les OP et les bailleurs de fons pour la recherche
de financements, on imagine mal pourquoi le Foyer de Sanar avec qui elle est
partenaire depuis sept ans n'a pas encore obtenu de financements.
Même si notre hypothèse s'est vue en partie
confirmer par les résultats de terrain, il faut souligner que notre
recherche révèle également certaines limites. D'abord, il
y a une difficulté d'ordre méthodologique qui se rapporte
à nos outils de collecte. En effet, le guide d'entretien et le
questionnaire dont nous avons fait usage pour disposer des informations se sont
révélés quelque peu insuffisant concernant certaines
questions. Ensuite des précautions sont à prendre quant à
une tentative de généralisation hâtive des résultats
de cette simple étude portant sur un cas spécifique,
c'est-à-dire à une OP d'un petit village. En effet, la
confirmation de notre hypothèse concernant les diverses
difficultés rencontrées par cette OP et la nature de
l'intervention de l'ANCAR comme relevant d'une logique d'appui n'est qu'un cas
isolé qu'il est d'autant plus judicieux de le prendre comme tel, que
cette thèse n'est guère à l'abris des probables
assouplissements ou même d'infirmation, quand elle sera soumise à
l'épreuve du temps ou à un élargissement du terrain
d'étude.
Aujourd'hui, au niveau de la communauté rurale de
Gandon, il est faut reconnaître qu'on assiste encore à un certain
blocage du processus de responsabilisation des producteurs du fait du retrait
ou du recul des bailleurs de fonds. Car comme le note Sambou Ndiaye :
« Pris au piège de leur propre logique, les
bailleurs de fonds ont réussi à « disqualifier »a
l'État dans le domaine agricole sans pouvoir le remplacer par des
acteurs locaux suffisamment préparés. Ainsi, seule une
redéfinition du cadre institutionnel peut à mrme de sauver ce
processus qui, lorsqu'il est négocié, peut aboutir à des
résultats probants. Dans ce nouveau cadre, tous les acteurs doivent
avoir leur place, y compris l'État et ses services. Des relations non
point tutélaires, mais plutôt de partenariat véritable
doivent y être
envisagées entre acteurs pour faciliter la pleine
participation des intéressés », (S. Ndiaye, 1995-1996
:128).
En même temps, ce nouveau cadre doit statuer sur la
mission dévolue à chaque acteur. Notamment, une reconfiguration
et un redimensionnement des tâches des OP et des structures
d'intervention devront être envisagés en fonction de leur
compétence et de leur niveau d'organisation interne.
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