b) Des inconnues concernant l'industrie maritime
En premier lieu, de l'avis des observateurs, le transport
maritime est un secteur oi le conservatisme est la norme102.
Le marché de la construction de navires
n'échappe pas a la règle. De sa capacité d'adaptation aux
nouvelles exigences imposées par les navires verts dépendra en
grande partie la normalisation de la production de navires plus respectueux de
l'environnement.
La préférence des chantiers navals pour la
production en série implique une aversion pour le surmesure, aversion
qui se traduit par une inflation parfois significative du prix des navires
sortant des schémas standardisés103.
En outre, les efforts financiers consentis par les
constructeurs de moteurs diesel pour s'adapter a la nouvelle législation
sur la pollution de l'air a considérablement amoindri leur
appétence pour la réflexion sur les projets destinés
à améliorer la performance environnementale des
navires104.
La volatilité des prix des navires neufs (voir
Illustrations ci-dessous) est une caractéristique du marché de la
construction, notamment du fait que ce dernier est en étroite relation
avec les trois autres marchés du shipping, à savoir celui du
transport maritime ainsi que ceux du fret et de la
démolition105.
102 Terry Macalister, An industry that is slow to go
green, Tradewinds, 29 septembre 2010.
103 Charles R. Cushing, The Ship Acquisition Process,
Séminaire donné à la World Maritime University, Août
2011.
104 AEA Energy and Environment, Greenhouse gas emissions from
shipping: trends, projections and abatements, September 2008.
105 Cours d'économie du transport maritime, Elisabeth
Gouvernal, 2010.
Figure 13 : Evolution des prix des navires-citerne
(2010-2012)
Source : Fearnley Finans Shipping AS, Shipping report
2011
Figure 14 : Evolution des prix des vraquiers
(2010-2012)
Source : Fearnley Finans Shipping AS, Shipping report
2011
Cette volatilité des prix, qui peut atteindre des
proportions relativement importantes d'un mois a l'autre pourrait dissuader les
armateurs de se tourner vers des navires verts -plus chers- en cas de forte
croissance des prix.
En effet, les armateurs désireux d'accroître leur
tonnage mais dont la situation financière ne permet pas de supporter un
surcoût a l'achat -en plus d'une hausse des prix- se tourneront vers des
navires standards dont les coûts d'exploitation seront pourtant plus
importants.
L'arbitrage se fera ici au profit de la rentabilité
immédiate au détriment d'une rentabilité future plus
importante et échelonnée dans le temps.
En second lieu, la course au gigantisme observée ces
dernières années au sein du transport maritime a eu des effets
bénéfiques sur la réduction des émissions du
secteur.
L'augmentation de la taille des navires, qui a permis de
réaliser des économies d'échelle en abaissant le
coût du transport à la tonne-kilomètre, est en outre a
l'origine d'une baisse des émissions. En effet, les gros navires
nécessitent proportionnellement moins d'énergie pour se mouvoir
sur l'eau ; leur consommation de fioul -et partant leur niveau
d'émissions- est proportionnellement moins important que celui des
navires de taille inférieure106.
Le travail d'optimisation de l'hydrodynamisme de la coque des
navires implique parfois une modification des proportions physiques (longueur,
largeur, tirant d'eau) des navires, rendant leur accostage à quai
impossible compte tenu de la configuration actuelle des ports.
Ainsi, la réalisation du potentiel de réduction
des émissions par un travail sur le design des navires est fortement
conditionnée a l'adaptation de certaines infrastructures portuaires
aujourd'hui incapables d'accueillir de tels navires107.
106 Ibid.
107 Ibid.
Se pose également ici la question de la
répartition de ces coûts d'aménagement entre les
différents acteurs du secteur. Ce problème d'infrastructures
portuaires vient également limiter l'« effet de cascade
»108 que l'on peut observer dans un secteur comme celui du
conteneur. Or, en améliorant la profitabilité de certaines routes
maritimes du fait de leur exploitation par des navires capables de
réaliser des économies d'échelle, cet effet offre aux
armateurs une marge financière qui peut leur permettre à terme de
réfléchir à de nouveaux navires plus compétitifs
tant du point de vue économique qu'environnemental.
Compte tenu de toutes les incertitudes qui grèvent les
financements maritimes, il est dès lors permis de se demander si la
finance s'engagera pleinement dans de tels financements.
108 L'effet de cascade est un phénomène qui se
manifeste avec l'arrivée de navires toujours plus gros sur les grandes
routes maritimes, qui poussent les navires qui les précédaient
vers d'autres routes moins fréquentées dont ils viennent
renforcer la capacité de transport. Les navires
précédemment en service sur ces routes sont à leur tour
affectés à des lignes moins fréquentées et ainsi de
suite.
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