Chapitre 3. Les techniques culturales et la gestion de
la fertilité.
En raison de l'augmentation démographique, les
techniques traditionnelles de gestion de la fertilité ne peuvent
être perpétuées. Pour la même raison, la gestion
foncière de l'espace rural est rendue plus difficile.
L'équipement rural occupe une place importante dans les programmes de
développement. La construction de barrages de dimensions variables et
d'ouvrages anti-érosifs réclame une définition des projets
adaptée à chaque situation. Il ne semble pas qu'il existe de
solutions "miracles" mais plutôt des solutions cohérentes
définies à la fois par les techniciens et les futurs usagers.
3.1. Présentation générale des
techniques culturales.
La gestion traditionnelle de la fertilité des sols
consiste à observer des temps de jachère importants (7 à
20 ans) qui permettent une régénération naturelle des
sols. Le défrichement s'effectue par essartage. Les arbres fruitiers
notamment le Karité sont laissés en place.
Les cultures sont effectuées en semis direct dans des
poquets et le contrôle des adventices est assuré par un sarclage
qui permet également l'élimination des croûtes
superficielles (Casenave et Valentin, 1989). Si le temps de jachère est
respecté, la régénération du stock de
matières organiques humifiées s'effectue totalement. Les
rendements obtenus durant les trois premières années après
la remise en culture sont élevés (Chabalier cité par
Piéri, 1989). Malheureusement la densité de population
empêche ce type de pratique. Le couvert végétal subit en
conséquence la forte influence de l'homme en raison des pratiques
culturales (défrichement, feu, élevage) ou simplement par son
utilisation directe comme source de combustible (déboisement). On
observe une transformation de la composition floristique des zones ainsi
modifiées. Cette situation est considérée comme l'une des
causes majeures de la tendance à la dégradation des sols
(Mainguet, 1994) et correspond à une modification rapide de la nature
des apports biochimiques dont dépend le turn-over. La dégradation
des sols peut alors conduire à des surfaces stériles tels les
Zippélés (Kaboré, 1994).
Cependant, cette technique traditionnelle n'est mise en
pratique que sur les champs de brousse qui occupent les surfaces les plus
importantes. C'est pour cette raison qu'elle est la plus fréquemment
présentée et critiquée.
L'apparition de possibilités d'effectuer des cultures
toute l'année, le développement des méthodes de gestion
rationnelles de la matière organique (compostage) et les
difficultés de mise en oeuvre des ouvrages anti-érosifs ont
permis de mieux comprendre l'organisation d'un village.
3.1.1. Le terroir villageois.
Le terroir villageois se décompose en deux zones
cultivées caractérisées par le degré
d'intensification des cultures ( Berton, 1988). La taille moyenne des
exploitations est de 3.5 ha. Selon la proximité ou la situation
topographique, le mode de gestion de la fertilité des sols est
différent.
- zones de culture intensives (jardins et champs de cases). -
zones de cultures extensives (champs de brousse).
Il faut ajouter à ces zones, les zones de cheminement,
de friches, les "bois sacrés". Ainsi, sur un terroir villageois tout
l'espace est utilisé soit sous forme d'espaces mis en culture, soit sous
forme de jachères ou de zones de parcours. Les bas-fonds ont, suivant
les villages, une attribution variable comme zone de parcours, lieu
d'abreuvement du bétail, champs de culture de sécurité,
zone de riziculture ou de jardinage.
Les outils de culture sont principalement des houes de type
traditionnel (Daba) et des machettes.
Le développement de la pratique du labour ou de
techniques plus lourdes (billonnage cloisonné) s'observe surtout dans le
sud du pays. Malgré la volonté d'établir un droit foncier
d'origine étatique, les règles coutumières sont
généralement les plus respectées. Elles se basent sur le
principe (en pays Mossi) que la terre appartient à celui qui la
travaille. Trois modes d'acquisition de la terre sont observés, soit par
héritage, soit par dons temporaires ou acquisitions "de fait". Un chef
de terre se charge de la distribution des terres. Ce droit foncier aux
règles variables se heurte dans son application à la pression
démographique. Il en résulte un morcellement parcellaire de plus
en plus important qui diminue progressivement l'espace cultivable familial. Il
impose également des contraintes qui touchent autant les nouveaux
arrivants que les natifs du village. Ces contraintes ont une incidence sur le
mode de gestion de la fertilité car elles concernent directement la
responsabilité du cultivateur vis-à-vis de la terre. Les terres
les plus éloignées du village seront attribuées aux
nouveaux arrivants. Ils les exploiteront de façon extensive, afin
d'occuper le maximum de surface. Ils y gagneront un droit d'usage sur les
surfaces ainsi conquises. Car l'octroi d'un droit d'usage d'un champ de brousse
est temporaire. Si l'agriculteur à qui l'on a
«prêté» le champ pratique une fertilisation et
améliore ainsi le rendement de sa terre, il prend le risque de se voir
retirer un droit d'usage au bénéfice d'une autre personne (Faho,
1995). Il a donc intérêt à disposer du maximum de surface
pour compenser l'absence de fertilisation.
Pour les membres de la communauté, l'obligation de
participer aux travaux collectifs des champs de la "grande famille", parfois
dénommés les "champs du père", contribue à diminuer
l'intérêt direct de celui qui cultive ces parcelles. Le
bénéfice de la récolte de ce type de parcelle est
géré par le chef de famille. En conséquence la motivation
de ceux qui sont obligés d'effectuer les travaux culturaux sera faible
et le champ mal entretenu voire abandonné.
Ces considérations générales nous
montrent la complexité de l'interprétation exacte des raisons de
la baisse de fertilité d'un champ. Les techniques culturales ne sont que
le reflet des inerties provoquées par les problèmes d'ordre
sociologique. Les champs de case dont la propriété est clairement
définie sont l'objet d'une attention particulière. Leur
proximité permet une gestion de la fertilité par le biais de
techniques variables (fertilisant organique d'origine animale, cendres et
autres déchets liés à l'activité humaine,
protection contre l'érosion par protection végétale)qui
permet d'obtenir de bons rendements. Mais leur surface est limitée. Le
droit de pacage est également source de conflit inter-communautaire mais
également de lutte de pouvoir à l'intérieur du village.
Un cas particulier est constitué par les
itinéraires qui conduisent à l'aménagement des
bas-fonds. Généralement les sols de bas-fonds
présentent des caractéristiques minérales (présence
d'argiles
gonflantes) qui les rendent plus résistants à la
mise en culture. Ils sont traditionnellement utilisés pour les cultures
de sécurité qui permettent d'assurer l'alimentation de la
communauté lors des sécheresses les plus fortes.
L'aménagement des bas-fonds (construction d'ouvrages permettant la
rétention temporaire ou permanente de l'eau) induit une modification des
habitudes et change le statut foncier de la zone concernée. Les
possibilités d'irriguer obligent les acteurs économiques à
définir au préalable le mode de répartition des terres
afin de garantir la réalisation des objectifs d'un projet à cette
échelle.
Plus le peuplement est important, plus les aménagements
effectués risquent d'être abandonnés pour des raisons
purement foncières (Berton, 1988). Mais dans la mesure où les
questions foncières sont résolues, on observe très
rapidement l'adoption de techniques de cultures" modernes".
|