2.2. Composantes de la fertilité en climat
soudano-sahélien.
2.2.1. Le sol.
Les surfaces cultivables représentent 60% environ de la
surface totale. Ce sont en majorité des sols ferrugineux. Du fait de la
dégradation du couvert végétal liée à la
forte densité de population, les sols sont appauvris en matières
organiques. Leur faible teneur en argile et leur composition (kaolinite en
majorité) ne favorisent pas la capacité d'échange
cationique et la capacité de rétention en eau du sol. Leur
fertilité chimique et physique qui dépend comme nous l'avons vu
précédemment du complexe organo-minéral s'en trouve
affectée.
Fertilité chimique des sols.
L'altération pratiquement complète des
minéraux primaires et secondaires réduit dans ce type de sol le
stock d'éléments nutritifs. Le taux de matières organiques
qui est compris entre 0.65% et 1% ne permet pas non plus d'améliorer
significativement cette déficience. La teneur en argile dépasse
rarement 20%. Ce qui signifie qu'une première limite est posée au
stockage des éléments minéraux dans le sol (Haile et al.,
1985). La minéralisation rapide de la matière organique
libère en plus du CO2, une grande quantité d'acides organiques
qui modifient le pH de la solution du sol.
Cela favorise la lixiviation des éléments
échangeables et leur remplacement par de l'aluminium ou des protons.
L'utilisation d'engrais minéraux seuls provoque une modification du pH
des sols qui favorise la mise en place de la toxicité aluminique
(Sedogo, 1993). Les sols présentent également des carences
globales en phosphore et en azote. Des seuils de carence ont été
évalués pour certains éléments nutritifs; ils sont
fixés à 400 ppm pour l'azote et 30 ppm pour le phosphore.
La matière organique apparaît comme un
élément clef du stockage et de la redistribution des
éléments nutritifs. Les différentes formes de
matières organiques permettent également de réguler les
échanges en augmentant la capacité de rétention en eau et
la capacité d'échange cationique du sol (Chen et Avnimelech,
1986). On observe également suite à des apports de
matières organiques une amélioration du pH des sols (Sedogo,
1993). Les substances humiques servent également de réservoir
pour les composés azotés (Pallo, 1992). Lors de la mise en
culture sans apports de complément on observe une diminution du stock de
matière organique (Pieri, 1989).
Il est difficile d'appréhender de façon
rationnelle la fertilité chimique de ces sols sans connaître avec
plus de précision sous quelle forme se trouvent les
éléments nutritifs (Pieri, 1989). Cette lacune est
particulièrement nette dans la maîtrise de la dynamique de l'azote
dans le sol. L'absence d'argiles à forte activité ne permet pas
de comparer directement les analyses de la fertilité chimique de ces
sols avec celles des sols tempérés. La recherche agronomique
s'est orientée en conséquence vers la mesure de bilans
effectués à l'aide d'analyses complémentaires (diagnostic
foliaire) afin de proposer des normes de fertilité adaptées. En
conditions naturelles on observe en quelques années une
régénération du stock organique et de la réserve
minérale des sols, notamment en potassium des sols en friche.
En condition cultivée, la porosité totale est
faible (40%), la porosité structurale très faible, la
capacité d'infiltration est limitée et la tendance à la
compaction et au durcissement pendant la saison sèche (prise en masse )
diminue l'infiltrabilité durant les premiers épisodes pluvieux. A
plus long terme, sous l'impact des gouttes de pluie et en l'absence de
protections mécaniques, on observe la formation de micro-horizons de
surfaces imperméables ou de croûtes structurales (Casenave et
Valentin, 1989).
La croissance racinaire y est difficile en raison de la
structure massive des sols et des déficits hydriques accentués
par des pertes par ruissellement.
En condition naturelle sous couvert forestier, la
fertilité physique du sol en terme d'infiltrabilité, de
stabilité structurale ou de porosité est conservée. La
présence de végétaux ligneux et herbacés et d'une
pédofaune active favorise l'entretien de la porosité du sol et le
maintien du stock de matière organique dans le sol.
Gestion de la fertilité physique et
chimique.
La gestion de la fertilité des sols en zone
soudano-sahélienne doit assurer le contrôle de trois facteurs
principaux. Ces facteurs sont l'acidification des sols, les réserves
minérales et la porosité du sol.
Contrôle de l'acidification des sols.
Le faible pouvoir tampon des sols favorise l'acidification
rapide des sols au cours de la mise en culture sous l'effet de la
libération de protons par l'activité biologique. Cette diminution
du pH est amplifiée par l'utilisation des engrais minéraux sans
compléments organiques.
En conséquence un chaulage est nécessaire (1.5
t/ha). Celui-ci permet non seulement d'augmenter le pH sur un moyen terme mais
également d'engendrer une amélioration des rendements culturaux
(Sedogo, 1993). Une autre façon de contrôler les diminutions de pH
est d'effectuer régulièrement des apports de fumures organiques
(Egoumenides et Oliver, 1985).
Amélioration des réserves minérales.
Les apports peuvent être effectués sous deux
formes organique et minérale. L'apport minéral à raison de
100 kg/ha de NPK et 50 kg/ha d'azote urée doit être
accompagné d'un chaulage tous les dix ans dans les doses
présentées plus haut. Ces apports doivent être
complétés par des apports en fumures organiques.
Maintien des édifices structuraux.
Pour parvenir à éviter la dégradation de
la porosité du sol et stabiliser les édifices structuraux, des
apports organiques de 5 t/ha sont préconisés tous les trois ans.
La pratique du labour notamment en billonnage cloisonné favorise
l'infiltration de l'eau dans le sol et en améliore la porosité en
profondeur (Aliou, 1993).
Du point de vue des rendements cette gestion de la
fertilité permet de passer pour le sorgho, d'une production quasi nulle
après 10 ans (moins de 200 kg/ha de mil) sur des champs non
fertilisés à une production constante de près de 3000
kg/ha pour des champs où une double fertilitsation minérale et
organique est pratiquée (Sedogo, 1993). Dans ce dernier cas, l'apport
organique était de 40 t/ha tous les 2 ans. Le mulch avec ou sans
enfouissement donne des résultats intéressants, mais ce type
d'apport organique ne permet pas de contrôler le pH du sol.
Le climat de la région soudano-sahélienne est
caractérisé par l'alternance entre une longue saison sèche
et une courte saison des pluies. On constate que l'hygrométrie y est
très faible onze mois sur douze mais que l'ensoleillement et les
températures restent fortes toute l'année.
L'évapotranspiration des plantes est donc forte (Aliou, 1993).
Les précipitations.
Les différents domaines climatiques sont d'après le
régime des pluies définis de la façon suivante (Lal,
1987)
Subdivisions climatiques
|
Précipitations (mm)
|
Durée de la saison des pluie (jours)
|
Durée de la période de végétation
(jours)
|
Désert
|
< 100
|
0
|
|
Très aride
|
100-200
|
0-30
|
0
|
Aride
|
200-400
|
60-90
|
1-74
|
Semi-aride
|
400-600
|
90-150
|
75-119
|
Sec subhumide
|
600-800
|
120-150
|
120-179
|
Subhumide
|
800-1200
|
150-210
|
180-209
|
Humide
|
1200-1500
|
240-300
|
210-299
|
Très humide
|
>1500
|
>300
|
>300
|
Le domaine soudano-sahélien est compris dans les
subdivisions climatiques semi-aride et subhumide. La limite d'aridité
pour l'élevage se situe aux environs d'un mois d'humidité. La
limite d'aridité agronomique se situe aux environ de quatre mois
d'humidité et la limite d'humidité des pâtures se situe aux
environs de trois mois arides (Baldy et Stigter, 1993).
A Ouagadougou, les valeurs extrêmes rencontrées
pour la série pluviométrique de 1952 à 1987 sont de 1103
mm pour le maximum et 571 mm pour le minimum (Neuvy, 1991). Selon
l'année le climat sera de type subhumide à sec subhumide et les
mauvaises années la limite d'aridité ne sera pas
dépassée.
Cette pluviométrie se répartit, en principe, en
quatre mois de sécheresse presque totale (de novembre à
février), trois mois de faible pluviosité (octobre, mars et
avril) et cinq mois de pluviosité moyenne à forte (de mai
à septembre). L'intensité des précipitations et
l'alternance de phases d'humectation et de dessication ont également une
influence sur le sol et sa structure.
L'intensité des pluies durant les cinq mois de saison
des pluies est forte et peut atteindre voire dépasser des valeurs de 180
m/h pendant cinq minutes et 120 mm/h pendant une heure (Rodier, 1964; Mietton,
1988: cités par Baldy et Stigter, 1993). Ces intensités
favorisent l'érosion des sols en l'absence de mesures de protection
adaptées. Cette érosion atteint 50 à 500 kg/ha/an sous
savane arborée en fonction des feux de brousse, 1000 à 15000
kg/hect/an sous culture et jusqu'à 25 à 35000 kg/ha/an sur sol nu
(Roose, 1971; Roose, Birot, 1970; Roose, Piot, 1984: cités par Mainguet,
1994). Cette érosion représente respectivement 17% , 25% et 28%
de perte annuelle pour l'azote, le phosphore et le potassium (Van der Pol F,
1991).
On doit également tenir compte de
l'irrégularité spatio-temporelle de ces précipitations
(Alliou, 1993). Il arrive, notamment en début de saison des pluies,
comme ce fut le cas en 1990, qu'après une série de pluies
suffisante pour les semis, une courte période de sept à quinze
jours de sécheresse suffise à détruire les plantules. Ce
type de phénomène, s'il est étendu, peut s'accompagner
d'un recul temporaire du front intertropical (Roose com. pers.). On enregistre
alors une baisse globale de l'humidité atmosphérique, situation
qui renforce le dessèchement du sol et des cultures.
Ainsi, la seule mesure des précipitations annuelles ne
suffit pas à déterminer les conditions climatiques qui ont eu
lieu au cours d'une expérimentation. Pour une même subdivision
climatique, la limite d'aridité agronomique pourra être atteinte
par l'interruption momentanée de la saison des pluies. Cette situation
peut se rencontrer à l'échelle d'un département ou
être étendue à l'ensemble d'une zone climatique. Même
pour les espèces végétales naturelles, on constate
l'incidence de la pluviométrie sur le développement (Fournier,
1991).
L'ensoleillement et les températures.
La durée du jour varie entre 11 et 13 heures. La
productivité primaire journalière est en principe
supérieure dans la zone des savanes à celle de la zone des
forêts humides. La radiation solaire annuelle y est de 30%
supérieure et de 42% durant la période de
végétation. La production journalière de matières
sèches est, dans des conditions hydriques satisfaisantes,
supérieure de 45% pour le maïs, 86% pour le coton, 63% pour le riz
à ces régions plus humides (Kassam et Kowal cités dans
Lal, 1987).
Les températures mensuelles varient de façon
saisonnière avec un maximum durant le mois de mai et un minimum durant
le mois de décembre. L'intensité du rayonnement solaire (env.
2000 joules/cm2/jour) provoque un assèchement en profondeur des sols
durant la saison sèche. Cette situation a pour conséquence de
bloquer les activités biologiques dans le sol. Ce
phénomène s'accompagne d'une baisse de l'hygrométrie en
raison de l'apparition de l'Harmattan, vent sec provenant du désert,
dont l'hygrométrie est comprise entre 10% et 20%.
Le vent.
Les mouvements atmosphériques sont
caractérisés dans notre zone d'étude par la confrontation
entre deux masses d'air, l'une étant constituée d'un air humide
d'origine océanique et l'autre d'un air sec d'origine saharienne. Le
passage d'une dominante à l'autre s'effectue deux fois dans
l'année avec parfois un bref épisode humide dans le courant du
mois de mars. Le vent, surtout durant la saison sèche, est un facteur
d'érosion. Généralement les vents ne sont pas de forte
intensité (3 m/sec) le maximum étant atteint aux environs de
midi. Cependant il arrive en saison sèche (Harmattan) ou en saison
humide (bourrasques qui précèdent les pluies) que leur
intensité favorise un soulèvement de poussières important.
Ces "tempêtes" de poussières, sont constituées de
particules d'une taille comprise entre 0,2 et 50 microns qui peuvent
créer des panaches de plus de 600 km de large sur 2500 km de long.
L'entraînement de particule plus fines (0.06 à 0.08 microns)
s'effectue sur de plus grandes distances (Mainguet, 1994).
D'autre part, l'Harmattan accélère le
dessèchement qui suit la saison des pluies. En une quinzaine de jours,
on peut observer un assèchement complet du sol. Cette modification des
conditions de vie provoque chez les plantes une fermeture journalière
des stomates (D'at de St Foulc J com. pers.). Ceci provoque une augmentation
importante de la température des organes foliaires en raison de
l'intensité du rayonnement solaire et induit dans les cas extrêmes
des dégâts importants sur les végétaux.
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