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Le recours gracieux préalable au Cameroun, trente ans après

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par Grégoire Yves DOUNGUE KAMO
Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2011
  

Disponible en mode multipage

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MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR

UNIVERSITÉ DE DSCHANG

FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

DÉPARTEMENT DE DROIT PUBLIC ET SCIENCE POLITIQUE

 

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN PAIX-TRAVAIL-PATRIE

LE RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE AU CAMEROUN,
TRENTE ANS APRÈS

Thèse en vue de l'obtention du Master Recherche
Option : Droit public

Présentée et soutenue publiquement par
DOUNGUÉ KAMO Grégoire Yves
Sous la direction de
Dr. Célestin SIETCHOUA DJUITCHOKO
Habilité à Diriger les Recherches
Chargé de Cours en Droit public

ANNÉE ACADÉMIQUE 2008-2009

AVERTISSEMENT

L'Université de Dschang n'entend aucunement donner approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Celles-ci doivent être considérées comme propres à son auteur qui en répond.

TABLE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

- ADD : Jugement ou arrêt Avant dire droit

- AJDA : Actualité juridique, Droit administratif

- c/ : Contre

- CAB : Cabinet

- CCA : Conseil du Contentieux Administratif du Cameroun

- CE : Conseil d'État français

- CFJ/CAY : Cour Fédérale de Justice, Chambre Administrative de Yaoundé - CS/CA : Cour Suprême, Chambre Administrative

- CS/AP : Cour Suprême, Assemblée Plénière

- DGSN : Délégation Générale à la Sûreté Nationale

- Dir. : Sous la direction de

- Ed : Édition

- GAJA : Grands arrêts de la jurisprudence administrative

- LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

- MESIRES : Ministère de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la

recherche scientifique

- MFPCE : Ministère de la fonction publique et du contrôle de l'État

- MFPRA : Ministère de la formation professionnelle et de la réforme

administrative

- MINAT : Ministère de l'Administration Territoriale

- MINATD : Ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation - MINDAF : Ministère des affaires foncières

- MINDEF : Ministère de la défense

- MINEFI : Ministère de l'économie et des finances

- MINEFIB : Ministère de l'économie, des finances et du budget

- MINFIB : Ministère des finances et du budget

- MINMEE : Ministère des mines, de l'eau et de l'énergie - MINSANTE : Ministère de la santé publique

- MINUH : Ministère de l'urbanisme et de l'habitat

- MTPS : Ministère du travail et de la prévoyance sociale - OR : Ordonnance de référé

- OSE : Ordonnance de sursis à exécution

- p. : Page

- PCA : Président de la Chambre Administrative

- PDF : Portable Document Format. (Format de document universel) - PM : Premier Ministère

- pp. : Pages

- PR : Présidence de la République

- PUA : Presses Universitaires d'Afrique

- PUAM : Presses Universitaires d'Aix-Marseille

- PUC : Presses Universitaires du Cameroun

- PUF : Presses Universitaires de France

- RCD : Revue camerounaise de droit

- Rec. : Recueil

- RGP : Recours gracieux préalable

- RJA : Revue Juridique Africaine

- T. : Tome

- Vol. : Volume

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE TRANSFORMATION LIMITÉE DES
EXIGENCES DE FORME DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE
.... 14

CHAPITRE-1 : LA RÉAFFIRMATION DU CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC DU RECOURS GRACIEUX 16

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 47

CHAPITRE-2 : L'ATTÉNUATION DE LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 48

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 61

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 62

SECONDE PARTIE : UNE MODIFICATION ATTÉNUÉE DES
EXIGENCES DE FOND DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE
63

CHAPITRE-1 : LA SIMPLIFICATION DES RÈGLES RELATIVES À LA DÉTERMINATION DE L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 65

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 93

CHAPITRE-2 : LA QUASI STABILITÉ DES RÈGLES RELATIVES AUX DÉLAIS DU RECOURS GRACIEUX 95

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 108

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 109

CONCLUSION GÉNÉRALE 111

RÉSUMÉ

Une trentaine d'années après l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 portant organisation de la Cour Suprême, on peut se poser la question de savoir si le recours gracieux préalable à la saisine de la juridiction administrative demeure la même institution qu'elle avait été conçue et appliquée à l'origine.

Aujourd'hui, à l'heure de la transformation de notre société sous l'emprise des libertés et droits de l'homme, il s'avère important de nous demander si le recours gracieux préalable au Cameroun a intégré l'évolution des libertés et des droits de l'homme.

Le recours gracieux préalable est -t-il toujours notamment comme l'écrivait jadis le Professeur KAMTO le « casse- tête du contentieux administratif camerounais » ? Il est donc important de mettre en évidence les différentes transformations que ce recours a connues en l'espace de trente ans.

Cette étude nous permettra de constater que le recours gracieux préalable a évolué tant dans le fond que dans la forme.

Dans le fond, les règles relatives à l'autorité adressataire ont connu une modification significative tandis que celles relatives aux délais n'ont quasiment pas changé.

Sur la forme, le recours gracieux préalable reste un recours précontentieux dont le caractère d'ordre public est menacé par une multitude d'exceptions.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

En contentieux administratif, le recours gracieux est la phase préalable au déclenchement d'une action en justice contre l'Administration. En tant que tel, c'est un acte de procédure qui constitue un pré requis à l'accès à la juridiction administrative. Il a pour but d'inviter l'Administration « selon le cas soit à retirer l'acte administratif contesté, soit à réparer le préjudice que son action ou son inaction a pu causer aux tiers1 ». Ce préalable peut alors bloquer ou au contraire déclencher la phase proprement contentieuse du contentieux administratif2. Les recours gracieux sont des « recours qui sans être nécessairement fondés sur un droit violé sont portés devant l'Administration ellemême et se règlent par une décision administrative »3. Par ailleurs, le fondement du recours gracieux se trouve dans un principe général dégagé par le juge administratif français à savoir « la possibilité pour les autorités administratives d'assurer par une procédure de retrait le contrôle de leurs propres actes4 ». Le requérant informe l'Administration par le recours gracieux préalable de l'imminence d'une action en justice contre elle. Il lui demande le réexamen d'une décision litigieuse faute de quoi cette dernière pourra être éventuellement contrainte par une décision de justice. Le recours gracieux préalable est la survivance de la théorie du Ministre juge en France. Selon cette théorie, le Ministre tranchait en premier ressort le litige et sa décision pouvait être contestée en appel devant le Conseil d' État5 . La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs en son article 17 alinéa 1 dispose : « Le recours devant le tribunal administratif

1 GUIMDO DONGMO (B-R), « Le droit d'accès à la juridiction administrative au Cameroun .Contribution à l'étude d'un droit fondamental», RRJ, n°XXXIII-121 ,2008-1, p.469.

2 KAMTO. (M) « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », in Les Cours suprêmes en Afrique (sous la direction de CONAC (G) et de DUBOIS De GAUDUSSON (J), Paris, Economica, 1988, pp.31-67, notamment p.42.

3 TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, Paris, LGDJ, 21ième Ed, 1988, p. 200.Voir aussi AUBY (J -M) et FRAUMONT (M), Les recours contre les actes administratifs dans les pays de la Communauté Économique Européenne (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas), Paris, Dalloz, 1971, pp.215 et ss.

4 Voir les conclusions du Commissaire du gouvernement Rivet sur l'arrêt Dame Cachet, CE, 3 novembre 1922, p.552 ,GAJA,6ième Ed, 1974, n°170, pp.170 et suivants. Cité par KAMTO (M) « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », Article précité, p.43.

5 TROTABAS (L) et ISOART (P), Ouvrage précité : le Chef de l'État rendait la justice administrative. « Juger était considéré comme administrer». Le Ministre supérieur hiérarchique des services était de droit juge de droit commun en matière administrative : c'était la théorie du Ministre juge qui fut abandonnée en France depuis l'arrêt CADOT de 1889 qui marque la séparation de l'Administration active de la juridiction administrative.

n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité ou l'établissement public en cause ». Cette disposition est novatrice à plusieurs égards par rapport à l'ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême de 19726. Il est toutefois nécessaire de délimiter les cadres conceptuel et méthodologique de notre sujet.

I- Approche conceptuelle du sujet

Il convient de ne pas confondre le recours gracieux avec des recours précontentieux avec lesquels il partage la même finalité qui est celle de requérir de l'Administration qu'elle revienne sur une décision prise auparavant. Nous pouvons évoquer à ce titre le recours hiérarchique, le recours de tutelle, la règle de la décision préalable applicable devant les tribunaux français, le « fiat justicia anglais ». De même nous ferons un distinguo entre les modes alternatifs de règlement des conflits, les recours contentieux et le recours gracieux préalable.

A - Recours gracieux préalable et recours hiérarchique

Le recours hiérarchique contrairement au recours gracieux préalable est adressé non pas à l'autorité auteur de l'acte, mais plutôt à son supérieur hiérarchique7. Le contentieux administratif camerounais laisse quelque place au recours hiérarchique. Un tour d'ensemble de ce contentieux nous permet de remarquer que dans le contentieux fiscal le requérant insatisfait de la décision du Directeur des impôts doit obligatoirement exercer un recours auprès du Ministre des finances. On peut raisonnablement penser qu'il s'agit là d'un recours hiérarchique puisqu'il va sans dire que le Ministre des finances est le supérieur hiérarchique du Directeur des impôts. Aux termes de l'article 321 du Code Général des Impôts, « Lorsque la décision du Directeur des impôts ne donne pas entièrement satisfaction au réclamant, celui-ci doit adresser sa réclamation au

6 L'article 12 paragraphe 1 de cette ordonnance disposait : « Le recours devant la Cour Suprême n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé au Ministre compétent ou à l'autorité statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établissement public en cause ».

7 OWONA (J), Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Paris, EDICEF, 1985, p. 207.

Ministre des finances. La réclamation ainsi présentée doit pour être recevable remplir les conditions suivantes ;...être présentée dans un délai d'un mois à partir de la notification de la décision du Directeur des impôts ou dans les soixante jours de la date de mise au recouvrement du rôle ou de la connaissance certaine de l'imposition8». Le verbe devoir exprimant une obligation, on doit y comprendre qu'il ne s'agit pas d'un recours hiérarchique facultatif. C'est pour cela que le juge administratif a eu à débouter les requérants qui n'avaient pas respecté cette formalité9.

Le recours hiérarchique partage avec le recours gracieux préalable le fait qu'il vise à obtenir un règlement non juridictionnel du litige administratif et contribue ainsi à décongestionner le prétoire administratif. On peut aussi par ailleurs regretter le fait que le législateur camerounais n'ait pas comme ses homologues béninois, burkinabé et marocain10 laissé aux requérants la possibilité de choix entre le recours gracieux et le recours hiérarchique. Au Bénin par exemple, l'article 68 alinéa 2 de l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 dispose : «Avant de se pourvoir contre une décision individuelle, les intéressés doivent présenter un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision ». Il découle de cette disposition qu'au Bénin, le recours gracieux et le recours hiérarchique ont les mêmes finalités. La juridiction administrative a eu à dégager sous l'empire de l'ordonnance de n° 72/06 précitée le lien qui peut exister entre le recours gracieux préalable et le recours hiérarchique11.

8 Code Général des Impôts. Voir jugement n°128/02-03/CS-CA du 24 septembre 2003, Me N'DENGUE Thomas Byll c/ État du Cameroun (MINFIB).

9 Voir jugement n°128/02-03/CS-CA du 24 septembre 2003, Me N'DENGUE Thomas Byll c/ État du Cameroun (MINFIB), jugement précité.

10 Voir ONDOA (M), Le droit de la responsabilité publique dans les États en développement : Contribution à l'étude de l'originalité des droits africains. Thèse Droit, Université de Yaoundé II-SOA, T.1, pp. 83 et ss. Voir aussi ENONE EBOH (T), les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin, Mémoire disponible sur http://www.memoireonline.com 2007.

11 Jugement n°36/04-05/CS-CA du 29 décembre 2004, Crédit Foncier du Cameroun c/ État du Cameroun (MTPS) et MISSOKA Antoine Marie. On peut y relever ce qui suit : « Attendu qu'en droit camerounais, le recours hiérarchique s'identifie au recours gracieux en ce qui concerne la décision de l'inspecteur provincial du travail ».

B- Recours gracieux préalable et recours de tutelle

Le recours de tutelle comme son nom l'indique est adressé à l'autorité assurant la tutelle de l'Administration auteur de l'acte incriminé. Il est l'émanation du pouvoir de tutelle dans l'Administration moderne.

Le pouvoir de tutelle est exercé le plus souvent par le pouvoir central et dans tous les cas au nom du pouvoir central sur une personne morale autre que l' État, qui peut être soit une collectivité locale, un établissement public ou un organisme privé exerçant une mission de droit public12. Il s'agit du pouvoir reconnu à l'autorité de tutelle de provoquer l'annulation, d'approuver, et d'orienter les actes des autorités sous tutelle. Le pouvoir de tutelle entraine dans certains cas la substitution des autorités de tutelle aux autorités locales. Le recours de tutelle joue un grand rôle dans le contrôle administratif et dans les rapports pouvoir central pouvoir infra étatique. Au Cameroun il permet au Gouverneur et au Préfet par exemple d'exercer le contrôle étatique sur les Communes et les Régions, c'est aussi un mécanisme de contrôle des établissements publics. Si par exemple un acte pris par le Recteur de l'Université de Dschang est remis en cause par un étudiant, le recours de tutelle sera adressé au Ministre en charge de l'enseignement supérieur. Enfin, il permet une résolution non juridictionnelle du litige administratif.

Le recours de tutelle a été consacré par le législateur camerounais dans certains contentieux. C'est le cas du décret n°90 / 1464 du 09 novembre 1990 qui prévoyait en son article 31 que « Les actes du Délégué du gouvernement, du Maire ou de l'administrateur municipal peuvent faire l'objet d'un recours gracieux auprès de leur auteur. En cas d'insuccès ou si le magistrat municipal garde le silence pendant un mois, ils sont soumis à l'appréciation du Préfet qui dispose de deux mois pour y donner avis ... ». Ce recours était autant obligatoire

12MOREAU (J), Droit administratif, PUF, Collection droit fondamental, Paris 1989, p.124.

que le recours gracieux préalable et le juge n'hésitait pas à sanctionner sa violation13.

C - Recours gracieux préalable et règle de la décision
préalable

La règle du recours gracieux préalable applicable en droit camerounais du contentieux administratif ne traduit pas la même réalité que celle de la décision préalable applicable en droit français. Il est toutefois important de relever que la règle du recours gracieux préalable est issue de la de la règle de la décision préalable. Ces deux règles partagent également les mêmes finalités à savoir protéger l'Administration, le justiciable et enfin faciliter la tâche du juge en l'informant du contenu de la demande du requérant14.

La règle du RGP est d'application générale. Par application de cette règle, obligation est faite systématiquement à tout requérant, sauf exception, de s'adresser à l'Administration avant de saisir le juge quelle que soit la forme du contentieux en cause. Il n'en va pas ainsi de la règle de la décision préalable française car elle oblige juste le requérant à diriger son recours contre une décision de l'Administration. Il en découle que dans le contentieux de l'annulation pour excès de pouvoir, « cette règle se trouve nécessairement remplie puisque le recours pour excès de pouvoir est un procès fait à un acte15 ». Le requérant n'a plus besoin d'une décision préalable car celle-ci existe déjà et il peut tout simplement l'attaquer. La règle de la décision préalable n'a donc de sens que dans le contentieux de pleine juridiction parce que dans cette hypothèse, l'Administration n'a pu prendre position sur le problème, et il revient au requérant de la provoquer afin de saisir le juge administratif sur les suites à donner à l'affaire16.

13 Jugement n°66/2008/CS-CA du 18 juin 2008, Entreprise des Travaux à Hydraulique et de Génie Civil (ETHYGEC) c/ Communauté urbaine de Yaoundé.

14 DEGUERGUE (M), Procédure administrative contentieuse, Paris Montchrestien, 2003, p.79.

15 DEGUERGUE (M), Ouvrage précité, p.78.

16 Voir JACQUOT (H), Article précité, p.113.

Autrement dit, dans le contentieux de l'excès de pouvoir, la décision préalable est constituée par la décision attaquée elle-même17. Pour le Professeur René CHAPUS, la règle de la décision préalable a deux avantages particuliers. D'une part, elle impose aux requérants de donner la possibilité de leur accorder ce qu'ils réclament, ce qui évitera le procès ; c'est-à-dire qu'elle joue le rôle de « préliminaire de conciliation ». D'autre part, si l'affaire est portée devant le juge administratif, « le litige se trouve concrétisé et délimité par ce qui a été demandé et cela est de nature à faciliter le travail du juge18 ».

Les modes alternatifs de règlement des conflits au rang desquels l'arbitrage19, la transaction administrative20, la conciliation et la médiation poursuivent aussi le même but que le recours gracieux préalable. Il en va de même du « fiat justicia » de l'ancien Cameroun anglophone21. Le RGP se pose en s'opposant aux recours contentieux22.

17DE LAUBADERE (A) ,VENEZIA (J.C) ,GAUDEMET (Y),Traité de droit administratif ,T.1 ,14ième Ed, Paris, LGDJ,1996,1027 p. , p.476.

18 CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien ,7ième Ed, 1998.pp.444 et ss.

19 PATRIKIOS (A), L'arbitrage en matière administrative, Préface de GAUDEMET (Y), T. 189, LGDJ, Paris 1997, 339 p. L'auteur déclare qu'a priori, « l'arbitrage en matière administrative peut apparaitre d'abord au voyageur du droit comme une terre de désespérance». Cependant, il est d'un grand atout pour les administrés et l'Administration. Voir aussi TCHAKOUA (J-M), Les modes alternatifs de règlement des différends, Cours polycopié de Maitrise, Université de Dschang, 2007-2008, p.16.

20 En France le recours à la transaction est prôné par les pouvoirs publics dans certains domaines. Une circulaire du Premier Ministre français du 6 février 1995 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (JO 15 fév. 1995, p. 2518) a encouragé la conclusion des transactions pour une meilleure satisfaction des intérêts publics. Malgré l'intérêt qui s'attache à la transaction et les encouragements de la circulaire du 6 février 1995, le développement projeté du recours à la transaction se traduit aujourd'hui par un relatif échec. Dans son rapport public 2008, le Conseil d' État relève que les Administrations demeurent réticentes face à la solution transactionnelle. Voir aussi Journal officiel de la République française, 18 septembre 2009, Texte 27 sur 106 ; Circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l'exécution des contrats de la commande publique, fichier PDF, 8 p.

Voir aussi BOUSQUET (J-B), « Une circulaire pour favoriser le recours aux transactions administratives ». À propos de la circulaire du 7 septembre 2009, élément précité. Disponible sur le site http://www.lextenso.fr/weblextenso/article/print?id=PA200923605, Petites Affiches, Droit administratif, 26 novembre 2009 n° 236, p.6. Tous droits réservés.

21 NKONGHO (E), « The francophone « recours gracieux » and the Common law « fiat justicia » of the former Federal Republic of Cameroon » , Juridis info n°22, avril-mai-juin1995, pp.87-90.

22 L'article 2, alinéa 3 de la loi de 2006 précitée dispose :

« (3) Le contentieux administratif comprend :

a) les recours en annulation pour excès de pouvoir et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de la légalité. Est constitutif d'excès de pouvoir au sens du présent article :

-le vice de forme ;

-l'incompétence ;

-la violation d'une disposition légale ou réglementaire ;

-le détournement de pouvoir

Pour une bonne compréhension de notre sujet, l'approche méthodologique doit être précisée.

II - Approche méthodologique du sujet

L'approche méthodologique traite des précisions relatives à l'intérêt du sujet, à la problématique, à l'hypothèse de travail, aux méthodes utilisées et enfin au plan du travail.

A - Intérêt du sujet

Le recours gracieux préalable au Cameroun est apparu pour la première fois au lendemain de l'indépendance, notamment l'ordonnance n°61/DF/6 du 4 octobre 196123. Pour le Professeur MESCHERIAKOFF , « ce recours improprement appelé gracieux peut être en fait hiérarchique puisqu'il doit obligatoirement être porté non pas devant l'auteur de la décision contestée, mais devant certaines autorités habilitées à le recevoir :la plupart du temps, les Ministres24 ». Le problème ne se pose plus aujourd'hui en ces termes parce que le RGP est désormais adressé entre autres à l'auteur de l'acte attaqué25.

La règle du recours gracieux préalable a été reprise dans l'ordonnance n°72/6 précitée. Cependant, entre 1961 et 1972, rien ne permet de dire que le recours gracieux préalable au Cameroun est un moyen d'ordre public26, affirme

b) les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif ;

c) les litiges concernant les contrats (à l'exception de ceux conclus même implicitement sous l'empire du droit privé) ou les concessions de service public ;

d) les litiges intéressant le domaine public ;

e)les litiges intéressant les opérations de maintient de l'ordre ».

23 L'article 15 de cette ordonnance dispose « Les recours pour excès de pouvoir devant la Cour Fédérale de Justice contre les actes réglementaires ou les actes administratifs individuels émanant d'autorités fédérales ne sont recevables qu'après l'échec d'un recours gracieux tendant au retrait des dispositions attaquées ».

24 MESCHERIAKOFF (A.S), « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise », RCD n°15 et 16, Série II, 1978, p. 42-55, notamment p.42.

25 Article 17 alinéa 2 de la loi de 2006 précitée.

26Voir JACQUOT (H), Article précité, p.113. L'auteur cite à l'appui de sa position l'arrêt TAGNY Mathieu c/ État du Cameroun Arrêt n°19/CFJ-AP du 16 mars 1967.

M. MESCHERIAKOFF. À la faveur de l'ordonnance de 1972 précitée le juge va reconnaitre le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable. À partir du jugement ITEM Dieudonné, il est désormais établi qu'au Cameroun le recours gracieux préalable est d'ordre public.

Trois décennies après la réaffirmation de la règle recours gracieux par le législateur camerounais et la consécration consécutive de son caractère d'ordre public par la juridiction administrative, on a l'impression que cette institution peine à retrouver ses marques. La règle du recours gracieux préalable n'est pas restée indifférente au temps ou mieux aux évolutions. Nous sommes partis d'un recours, pourrait-t-on dire, simple formalité administrative en passant par un recours doté d'un caractère d'ordre public, pour arriver enfin à un recours dont le caractère d'ordre public est menacé par une multitude d'exceptions27, à telle enseigne que la règle, toute proportion gardée, n'est plus que l'ombre d'ellemême. Autrement dit, de la confirmation du caractère d'ordre public du RGP à la multiplication des exceptions et atténuations à la règle, on a sinon le sentiment, du moins la certitude que la règle du recours gracieux préalable n'est pas restée la même depuis ses origines.

S'il nous est demandé aujourd'hui de faire un exposé sur le régime juridique du recours gracieux préalable comme l'avait si bien fait le Professeur MESCHERIAKOFF, il est évident qu'on n'y trouvera pas exclusivement les mêmes arguments que ceux qui prévalaient en 1978. De nos jours, l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême ont évolué. En bref l'organisation judiciaire n'est plus la même il y' a trente ans28. Il en est de même des attributions de la Chambre administrative de la Cour suprême. Elle n'est plus que juge d'appel et de cassation selon le cas29. Il y a davantage, les règles gouvernant

,

27 Voir KEUTCHA TCHAPNGA (C) et TEUBOU (B), « Réflexions sur l'apport du législateur camerounais à l'évolution de la procédure administrative contentieuse de 1990 à 1997 », Revue Internationale de Droit Africain EDJA n° 45, Avril-mai-juin 2000, pp. 66- 69.

28 ANOUKAHA (F), « La réforme de l'organisation judiciaire au Cameroun », Juridis Périodique n°68, octobre- novembre- décembre 2006, pp.45-56, notamment pp.46-47.

29 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), «Perspectives ouvertes à la juridiction administrative au Cameroun par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 », Annales de

le contentieux administratif ont été considérablement modifiées. Une série lois intervenues dans les années 2000 pour l'essentiel, en application de la loi constitutionnelle du 18 janvier 199630 ont opéré une réforme somme toute significative du contentieux administratif camerounais. La juridiction administrative évoque de nos jours la notion de recours gracieux collectifs, ce qui n'était pas le cas dans les années 70. La preuve en est que les Professeurs KAMTO, JACQUOT, NLEP, MESCHERIAKOFF et bien d'autres n'ont pas fait état des RGP collectifs dans leurs oeuvres. C'est nous semble-t-il une nouveauté dans la jurisprudence administrative camerounaise en matière de recours gracieux préalable.

B - Problématique

Michel BEAUD définit la problématique comme « l'ensemble construit, autour d'une question principale, des hypothèses de recherches et des signes d'analyse qui permettront de traiter le sujet choisi 31». Ainsi, notre sujet pose le problème suivant : que devient le recours gracieux au Cameroun trente ans après ?

C - Hypothèse de la recherche

En réponse à notre problématique, il convient de noter que le recours gracieux préalable au Cameroun trente ans après a connu une profonde mutation, laquelle l'a affecté tant dans son fond que dans sa forme, réserve faite que cette mutation n'a pas la même ampleur de part et d'autre. Ce changement se ressent à

la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T.1, Vol.1, 1997, pp.162-175, notamment p.169.

30Voir loi n°2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des comptes de la Cour Suprême ;

Loi n°2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes. Voir commentaire SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), « La difficile gestation des juridictions inférieures des comptes au Cameroun », Juridis Périodique n°68, octobre-novembredécembre 2006, pp.101-113.

Loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs

31 Cité par MANDENG (D), Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun, Mémoire de DEA, Université de Douala, Année académique 2003-2004,129 p., notamment p.11.

plusieurs niveaux et se répercute sur tous les protagonistes du contentieux administratif, à savoir les administrés, l'Administration et le juge.

D - Méthodes de la recherche

On peut entendre par méthode de recherche la manière dont les chercheurs organisent leur raisonnement pour parvenir à un résultat. La méthode est un moyen et non une fin. C'est un simple instrument qui permet à l'esprit de s'épanouir, à la réflexion de s'élargir et à l'expression de s'éclaircir. 32 Elle est constituée de « l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontre et les vérifie33 ». Il va de soi que la pertinence d'un travail juridique réside dans la pertinence des idées, étant donné que l'objectif du juriste est de démontrer une solution juridique par le droit, avec rigueur et objectivité et non de persuader par l'absurde.34

1 - L'approche fondamentale : le positivisme

Nous nous évertuerons tout au long de ce travail à démontrer que le recours gracieux préalable a connu des mutations qui, bien que relatives restent fondamentales. Nous y parviendrons par le biais d'une approche positiviste, pour l'essentiel basée sur les textes juridiques et la jurisprudence. Nous étudierons la jurisprudence administrative camerounaise prioritairement et nous insisterons sur les décisions de principe. Nous exploiterons aussi les textes juridiques, des anciens aux récents. Cette démarche combinera donc la casuistique et la dogmatique. La dogmatique juridique « consiste pour l'essentiel dans la description, l'interprétation, et la tentative de compléter les règles de droit en comblant les carences de la législation35 »

32COHENDET (M-A), Ouvrage précité, pp.9-11. Voir aussi pour toutes les questions de méthodologie KEUTCHA TCHAPNGA (C), Méthodologie de la recherche, Cours polycopié de Master II recherche, Université de Dschang, 2008-2009 ; ONDOA (M), Théories, méthodologie et épistémologie du Droit, Cours de Master II recherche, Université de Dschang, 2008-2009.

33 GRAWITZ (M), Méthodes en sciences sociales, Paris Dalloz 2001,1019 p., p.351.

34 Sur toute la question, voir COHENDET (M-A), Ouvrage précité, p.29.

35 COHENDET (M-A), Ouvrage précité, p.44.

Il s'avère important de ne pas mêler systématiquement les autres sciences à la science du droit. Cette approche est essentielle car « bien souvent, ce n'est pas la quantité du travail qui fait défaut, mais la méthode36 ». Les positivistes estiment que la recherche juridique repose sur l'exploitation maximale et exclusive du droit en vigueur37. Nous ferrons occasionnellement recours à d'autres approches.

2 - Les approches marginales

L'approche historique est indispensable pour un sujet qui traite du devenir du recours gracieux préalable au Cameroun. Cette approche nous permettra de dire ce qu'était le RGP à l'origine et ce qu'il est aujourd'hui en mettant en évidence la variation de la position du juge sur certaines règles relatives à ce recours précontentieux.

Une incursion dans la sociologie juridique nous permettra de mettre en exergue la relation qui peut exister entre le RGP et certains faits sociaux. Cette approche nous instruira aussi sur les difficultés de mise en oeuvre de certaines règles relatives au recours gracieux au Cameroun, ou sur le bien fondé du recours gracieux pour le requérant compte tenu de sa situation sociale. Les études statistiques relèvent aussi de la sociologie juridique38.

« L'informatique est devenue indispensable (...) pour la recherche (...)39 ». Dans le cadre de notre travail, nous avons également visité des sites internet nous avons recueilli des informations relatives à certaines préoccupations. Le

droit étranger nous a permis de rendre compte de la situation du précontentieux administratif dans certains pays. La science administrative nous aidera notamment à comprendre le comportement de l'Administration par rapport au recours gracieux.

36Ibidem.

37 ONDOA (M), Cours de Master II précité.

38 Voir ONDOA (M), cour précité, voir aussi COHENDET (M-A), Ouvrage précité, p.46.

39 COHENDET (M-A), Ouvrage précité, p.72.

Ces méthodes contribueront à affiner la forme ainsi que le fond de notre travail d'autant plus que nous reconnaissons avec Victor HUGO que « La forme c'est le fond qui remonte à la surface40 ».

E - Plan

La problématique du devenir du recours gracieux préalable au Cameroun sera analysée dans une logique qui nous permettra de mettre en évidence les mutations que ce recours précontentieux a connues. Ainsi, nous retiendrons essentiellement qu'en matière de recours gracieux préalable au Cameroun, il y a d'une part une transformation limitée de ses exigences de forme (Première partie) et d'autre part une modification atténuée de ses exigences de fond (Seconde partie).

40 Cité par COHENDET (M-A), Ouvrage précité.

 

PREMIÈRE PARTIE : UNE
TRANSFORMATION LIMITÉE DES
EXIGENCES DE FORME DU RECOURS
GRACIEUX PRÉALABLE

Le recours précontentieux de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême n'est pas resté entièrement le même une trentaine d'années après. À la vérité, il ne s'affirme plus avec la même rigueur.

Cette situation est naturellement compréhensible car c'est tout à fait normal que le temps influe sur les règles procédure. Cette transformation aurait permis au recours gracieux préalable d'intégrer des situations juridiques nouvellement acquises. Le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable n'a pas échappé aux transformations qu'a connues ce recours au Cameroun. On pourrait même être tenté de dire que la rigueur de la règle du recours gracieux préalable parait aujourd'hui se réduire comme une peau de chagrin. Quelle est donc cette règle contre laquelle se dressent systématiquement une multiplicité d'exceptions à telle point qu'on peut penser que l'exception a pris le dessus sur le principe ?

Seule une réponse nuancée nous permettra de comprendre que malgré les atténuations qu'a subies la règle du recours gracieux préalable (Chapitre 2), son caractère d'ordre public reste affirmé (Chapitre 1).

CHAPITRE-1 : LA RÉAFFIRMATION DU
CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC DU RECOURS

GRACIEUX

« Le recours gracieux est un moyen d'ordre public 41». Le caractère formel de la règle du recours gracieux préalable est resté au delà de toutes les réformes qu'a connues le contentieux administratif au Cameroun. La preuve en est que la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 sur l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs a réitéré cette exigence aux termes des articles 17, 27, 30 et 52 alinéa 3. Il ressort de ces dispositions que le recours gracieux préalable couvre un large champ d'application qui a d'ailleurs reçu une consécration jurisprudentielle.

SECTION-1 : LE CHAMP D'APPLICATION DE LA
RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

Le champ d'application de la règle du recours gracieux préalable est large. Il renvoie à l'ensemble des domaines que couvre le contentieux administratif au Cameroun. En d'autres termes, il s'agit ici plus précisément de faire une analyse approfondie du champ matériel du recours gracieux préalable. L'étude de ce champ nous permettra de mettre en évidence les différentes circonstances d'application du RGP. Pour ce faire, nous regrouperons nos idées autour de trois axes principaux constitués d'abord par l'examen du recours gracieux en matière ordinaire (Paragraphe1). Le recours gracieux préalable en matière d'urgence retiendra ensuite notre attention (Paragraphe 2), et enfin nous examinerons le recours gracieux préalable dans les voies de recours (Paragraphe 3).

41 KAMTO (M), Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, PUC, 1990, p.40.

PARAGRAPHE-1 : LE RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

EN MATIÈRE ORDINAIRE

Le recours gracieux préalable en matière ordinaire n'a pas connu de changement depuis 1972 en ce qui concerne la prescription de son caractère d'ordre public. En effet, ce caractère a pour le moins survécu aux différentes modifications survenues depuis lors. Pour s'en rassurer, il suffit de parcourir la loi de 2006 précitée. Cette loi nous permet de constater que le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable ne souffre d'aucune contestation (A). La rigueur formelle du recours gracieux préalable consacre la possibilité de liaison du contentieux administratif par ce recours précontentieux (B).

A- La rigueur formelle de l'article 17 de la loi de 2006

La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs en son article 17 alinéa 1 dispose :

« Le recours devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité ou l'établissement public en cause ».

Il est semble évident que le recours gracieux préalable garde toute sa place dans l'ordonnancement juridique camerounais et ne saurait même disparaitre. Tout au contraire, il s'impose tant bien que mal. Cette rémanence du recours gracieux préalable peut bien trouver une explication. La première justification trouve son fondement dans le fait que le RGP constitue une sorte de « protection précontentieuse de l'Administration42 ». La seconde justification réside en ceci que le recours gracieux préalable représente un atout non négligeable pour le requérant et le juge.

42 NLEP (R.G), L'Administration publique camerounaise : « contribution à l'étude des systèmes africains d'Administration publique », Paris, LGDJ, 1986, pp 277 et ss.

1-La protection précontentieuse de l'Administration

On ne surprend pas l'Administration en justice ! Le recours gracieux préalable est d ordre public et permet à l'autorité habilitée à le recevoir d'arrêter définitivement la position de l'Administration sur la question litigieuse43. Il s'agit donc de la protection non juridictionnelle de l'Administration. C'est ce qu'a explicitement affirmé la Chambre Administrative de la Cour Suprême dans le jugement n° 65 du 22 avril 1976 EDIMO Jean Charles c/ État du Cameroun. Depuis1988 dans l'affaire BABOULE Pierre c/ État du Cameroun, objet du jugement n°44/CS-CA/87-88 du 28 janvier 1988, la Chambre Administrative de la Cour Suprême déclare que le recours gracieux d'une demande en réparation du préjudice subi par un fonctionnaire illégalement révoqué doit être distinct du recours gracieux attaché au recours en annulation de l'acte révoqué44.

La règle du recours gracieux préalable est d'ordre public. Son absence entraine l'irrecevabilité de la demande en justice. Le juge administratif l'a affirmé à plusieurs occasions notamment dans le jugement ITEM Dieudonné c/ État du Cameroun rendu le 27 avril 1978 ; jugement n°40 ZENGUE NGOULOU Dagobert rendu le 25 mai 1989. Il est donc évident que le recours gracieux préalable concourt à la protection de l'Administration. Toutefois, il faut nuancer pour reconnaitre qu'il ne s'agit pas d'une protection entendue dans un sens strict. Ainsi, selon le Professeur ONDOA Magloire, « la requête administrative préalable ne protègerait l'Administration que d'autant que dans le cadre du contentieux de l'indemnisation par exemple, elle lui éviterait de réparer les préjudices causés45 ». Or tel n'est pas le cas. Nous reconnaissons avec le Professeur François Xavier MBOME que la citation directe contre l'Administration n'est pas possible, -sauf exception- quand il déclare qu' « En droit administratif, il n y a pas d'équivalent de la citation

43KEUTCHA TCHAPNGA (C), Contentieux administratif, Cours de Licence, Université de Dschang, 2006-2007.

44 Voir KAMTO (M), Ouvrage précité, p.41.

45 ONDOA (M), Le droit de la responsabilité publique dans les États en développement, Thèse précitée, p.87.

directe civile »46. L'Administration doit alors être en mesure de se prononcer au préalable sur les griefs formulés contre elle. Le juge et le justiciable tirent aussi du RGP quelques avantages.

2-Le bien fondé du recours gracieux préalable pour le justiciable et le juge

Le requérant bénéficie des garanties non négligeables grâce au recours gracieux préalable. D'abord et surtout, l'issue heureuse du recours gracieux lui permet de faire une économie de temps et de moyens. L'obstacle d'une justice administrative couteuse, tracassière et lente est contourné. Bien plus aucune condition liée à la capacité ni à la qualité, encore moins à l'intérêt n'est exigée devant l'Administration, dans le cadre du recours gracieux par ce qu'elle n'est pas une juridiction, encore que le RGP n'est pas un recours contentieux.

Le recours gracieux permet aussi au recourant de faire une projection sur sa situation juridique future ou éventuelle. La décision administrative peut ainsi permettre au justiciable de faire une prévision sur le dénouement du procès. C'est ici une autre façon de relever qu'une décision motivée de l'Administration sur un RGP peut amener le recourant à comprendre qu'il n'a aucune chance de réussite dans un recours contentieux, du fait notamment de l'inattaquabilité de l'acte litigieux à l'instar d'un acte de gouvernement. Le recours gracieux préalable est d'autant plus important qu'il facilite ou allège le travail des juges.

Pour indispensable que soit le recours gracieux à l'égard de l'Administration, il n'en demeure pas moins vrai que le juge administratif en tire le plus souvent un grand profit. Tant est que le recours gracieux préalable contribue énormément s'il aboutit au décongestionnement du prétoire administratif. Le recours gracieux préalable est susceptible de mettre le juge à l'abri des recours intempestifs et fantaisistes qui pouvaient trouver solution devant l'Administration. Il lui confère ipso facto une disponibilité raisonnable pour administrer la justice administrative. On ne peut saisir la juridiction

46 Voir MBOME (F-X), Note sous jugement n°03/90-91/CS-CA du 21 novembre 1990, AYINA ABE Benoît c/ État du Cameroun, Juridis Périodique n°36, octobre-novembre - décembre-1990, p.37.

administrative que si le contentieux est lié et le recours gracieux participe de cette liaison du contentieux.

B - La liaison du contentieux administratif par le recours gracieux
préalable

Il nous convient d'envisager le bien fondé de l'exigence d'une liaison du contentieux par le RGP avant de dégager les conséquences qui découlent de cette exigence.

1 - La nécessité d'une liaison du contentieux par le recours gracieux

L'exigence d'une liaison du contentieux administratif répond non seulement à une logique d'opportunité, mais aussi de nécessité. Relevons à toutes fins utiles que le contentieux est lié lorsque la seule possibilité de le trancher est le recours au juge. Autrement dit, le contentieux est lié lorsque les parties ne peuvent plus le régler entre elles47, ou bien lorsque toutes les conditions sont réunies pour que la partie diligente saisisse le juge. La liaison du contentieux est une expression plus usitée en contentieux administratif48. Elle se traduit par le fait qu'il existe une décision administrative attaquable.

En France, la décision de rejet d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) assure la liaison du contentieux. Il en est de même au Cameroun en matière de RGP. Ainsi, le rejet du recours gracieux préalable lie le contentieux. Il n'y a donc pas liaison du contentieux quand l'Administration peut encore régler le différend. À la vérité, quand l'exigence de liaison fait défaut, notamment lorsque l'Administration était encore dans les délais pour se prononcer sur le RGP,- ou tout simplement n'a jamais eu connaissance préalable du litige - le recours contentieux fait à l'appui de ce recours gracieux n'a aucune chance d'aboutissement. La nécessité d'une liaison du contentieux par le RGP est

47 Voir ABA'A OYONO (J.C), Pratique des contentieux de Droit public, Cours de Master II recherche, Université de Dschang, 2008-2009.

48 Voir CHAPUS (R), Ouvrage précité, p.445. Voir aussi http : //fr. WIKINEWS.org/WIKI/Droit_ public_ en _France : la_ liaison_ du_ contentiteux_ en_ cours d'instance#colum one.

Voir aussi « Les recours administratifs préalables, Principes générauxs », disponible sur http://bgrondin.perso.infonie.fr/contadm/recours_adm.html.

porteuse des conséquences fondamentales dans la procédure contentieuse. Il est d'ailleurs important que nous analysions de long en large ces conséquences.

2 - Les conséquences de l'exigence d'une liaison du contentieux par le
recours gracieux préalable

La nécessité d'une liaison du contentieux par le RGP entraine le rejet des recours contentieux prématurés, ainsi que celui des recours gracieux mal dirigés. La même exigence est à l'origine de l'irrecevabilité des demandes non soumises au préalable à l'Administration.

a - Le rejet des recours contentieux prématurés

La juridiction administrative camerounaise a toujours de bon droit rejeté les recours contentieux intentés avant l'expiration des délais requis. Il s'agit du temps à l'issue duquel le requérant peut considérer son recours gracieux comme rejeté par l'Administration. Le rejet du RGP peut être selon le cas implicite ou explicite. Le rejet explicite est celui qui émane expressément de l'autorité ayant reçu le recours gracieux. Le caractère explicite tient le plus souvent au fait que le requérant a été informé par une décision administrative du fait qu'il n'a pas été fait droit à sa demande. L'évidence du rejet est telle que seul le juge compétent peut régler le différend.

L'hypothèse du rejet implicite découle de l'article 17 alinéa 2 de la loi n°2006 /022 du 29 décembre 2006. Cet article dispose que constitue le rejet d'un recours gracieux le silence gardé par l'autorité adressataire du recours gracieux pendant un délai de trois mois, consécutif à la demande ou à la réclamation qui lui a été faite49. En cas de demande d'indemnisation, l'Administration dispose après avoir accepté l'indemnisation d'un délai supplémentaire de trois (3) mois pour en proposer le montant. L'inobservation de cette formalité entraine l'irrecevabilité de la demande contentieuse.

49 Voir jugement n°65/04-05/ CS-CA du 23 mars 2005, MINDANG Michel c/ État du Cameroun (MFPCE) où le juge affirme : « Attendu qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972, le silence gardé par l'Administration pendant un délai de trois mois sur une demande ou une réclamation qui lui est adressée constitue un rejet du recours gracieux ».

La juridiction administrative utilise souvent les qualificatifs de « recours prématurés » ou de « recours avortés » pour qualifier ces recours contentieux exercés en violation des délais impartis à l'Administration pour se prononcer sur le recours gracieux préalable. La juridiction administrative camerounaise a affirmé cette exigence dans plusieurs décisions.50 Les recours contentieux prématurés sont sanctionnés au même titre que les recours gracieux mal dirigés.

b- Le rejet des recours gracieux mal dirigés

Plus de trente ans après la consécration du recours gracieux préalable dans l'ordonnancement juridique camerounais, les recours contentieux consécutifs aux recours gracieux préalables mal dirigés connaissent la même sanction que ceux dans lesquels le recourant n'a même pas formé ce recours lorsqu'il était exigé. Cette sanction commune est l'irrecevabilité du recours juridictionnel. Un recours gracieux mal dirigé est celui qui est adressé à une autorité qui n'était pas compétente pour le recevoir.

Les recours gracieux mal dirigés étaient courants avec la désormais abrogée ordonnance du 26 août 1972. Cette situation était en priorité accentuée par l'expression « Ministre compétent » que recelait l'article 12 de ladite ordonnance. Nous reviendrons plus tard sur cet aspect de l'ordonnance de 1972.

Il est de principe qu'un recours mal dirigé équivaut à une absence de recours. Tel a toujours été la position de la juridiction administrative au Cameroun. Dans une décision rendue en 2008 le juge a rejeté un recours contentieux parce que le recours gracieux préalable a été adressé au Ministre de l'Administration territoriale en lieu et place de celui des affaires foncières.51Il en

50 Jugement n°127/04-05/ CS-CA du 22 juillet 2005, DANG Joseph c/ État du Cameroun(DGSN). Dans cette décision, le juge déclare : « Attendu qu'en saisissant la Chambre Administrative sans attendre le rejet de l'autorité saisie de son recours gracieux, le requérant a agit prématurément (...) Qu'il s'en suit que le recours est irrecevable ».

Jugement n°70/2008/ CS-CA du 18 juin 2008, TONYE Jean Alphonse c/ État du Cameroun (MINDEF). Le juge déclare « Qu'en l'espèce, le recourant a déposé son recours gracieux aux services du Ministre délégué à la Présidence chargé de la défense le 09 avril 2002 et devait attendre trois mois, soit jusqu'au 09 septembre pour introduire son recours contentieux ». En le faisant le 23 août son recours était prématuré.

51 Voir jugement n°71/2008/ CS-CA du 18 juin 2008, Dame veuve PENTE née DJABOU Marie c/ État du Cameroun(MINATD).

existe plein d'autres52. Que dire à présent des demandes non soumises à l'Administration, sinon qu'obligation est faite au recourant de ne pas soumettre au juge les chefs de demande qui ne figuraient pas dans le recours gracieux.

c -L'irrecevabilité des demandes non soumises au préalable à
l'Administration

Les demandes nouvelles présentées à l'audience sont irrecevables. Toutefois, lorsqu'elles ont fait l'objet d'un recours gracieux, le tribunal les reçoit et renvoie la cause à une prochaine audience pour conclusion des parties. L'article 52 alinéa 3 de la loi de 2006 précitée qui reprend dans son intégralité l'article 22 alinéa 3 et 4 de la loi abrogée n°75/17 du 08 décembre 197553 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour Suprême en matière administrative, consacre le rejet des demandes non soumises au préalable à l'Administration.

Toute demande en justice doit comporter des conclusions qui comprennent l'objet de la demande. Cet objet est « ce que le justiciable désire obtenir, ce à quoi il sera fait droit dans le dispositif de la décision juridictionnelle54 ». L'objet du RGP ne peut être modifié dans la demande contentieuse. Il doit donc être le même que celui du recours gracieux. La cause du recours gracieux préalable doit aussi être la même que celle du recours contentieux.

52 Jugement n°36/2001-2002/ CS-CA du 27 juin 2002, EMBOLO MVOLA Anne épouse ABESSOLO et Maître Etienne ABESSOLO c/ État du Cameroun (P R).

Voir aussi jugement n°112/02-03/ CS-CA du 03 septembre 2003 ; FOE Théodore c/ État du Cameroun(DGSN) : le requérant a saisi le Secrétaire général de la Présidence au lieu du Délégué général à la sûreté nationale ou le Président de la République.

Voir de même, jugement n°02/2002-2003/ CS-CA du 31 octobre 2002, MENTOKE Fridolin c/ État du Cameroun (DGSN) où le juge déclare que le recours est adressé au Secrétaire général de la Présidence plutôt qu'au Ministre responsable de l'Administration avec laquelle le requérant est en litige (Il n'identifie pas toutefois le Ministre en question).

Voir également jugement n°83/2008/ CS-CA du 18 juin 2008, Syndicat national des professionnels de la comptabilité c/ État du Cameroun MINEFI : Saisine du Premier Ministre au lieu du Ministre de l'économie et des finances.

Jugement n°73/05-06/ CS-CA du 05 avril 2006, Dame veuve ANABA née MEUGUE Juliette c/ État du Cameroun (MINUH) et MBALLA MBOUNOUNG.

53 Article 22 alinéa 3 : « Les demandes nouvelles présentées à l'audience sont irrecevables »

Alinéa 4 : « Toutefois, lorsqu'elles ont fait l'objet d'un recours gracieux, la Chambre les reçoit et renvoie la cause à une prochaine audience pour conclusion des parties ».

54 MOREAU (J) « La cause de la demande en justice dans le contentieux de la responsabilité extra contractuelle », Mélanges STASSINOPOULOS, Paris, LGDJ, 1974 p.77. Cité par GUIMDO DONGMO (B-R), « Le droit d'accès à la juridiction administrative au Cameroun .Contribution à l'étude d'un droit fondamental », Article précité, p.473.

Le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable a généralement conduit la juridiction administrative camerounaise à rejeter les demandes formulées pour la première fois devant elle. Il s'agit en clair ici des questions contentieuses sur lesquelles l'Administration ne s'est pas prononcée. Roger Gabriel NLEP évoque en son temps l'exigence d'une identité d'objet entre le recours gracieux et le recours contentieux55. Cette exigence traduit le fait qu'on ne peut pas demander à l'Administration une chose et devant le juge une autre. « De jure, le recours contentieux doit être le prolongement du recours gracieux dans ses termes. Tout comme l'appel doit être la continuation du recours formé en première instance56 ». Dans le jugement NOUMEN NTCHAO Justin c/ État du Cameroun (MINEFI), objet du jugement n°125/04-05 rendu par la Chambre Administrative de la Cour Suprême le 27 juillet 2005, le juge déclare :

« Attendu en l'espèce que s'il ressort du recours gracieux préalable qu'il a été introduit dans les formes et délais prescrits ci-dessus, ledit préalable ne comporte que la demande d'annulation de l'ordre de recette incriminé à l'exclusivité de sa demande de dommages intérêts (...) Qu'il ya lieu en conséquence de déclarer la seconde demande irrecevable et la première recevable »

Dans une autre espèce rendue le 1er février 2006, le juge relève :

« Attendu qu'en réservant le droit de demander les dommages intérêts sans expressément formuler une demande à cet égard dans ledit recours gracieux, l'intéressé n'a pas satisfait le voeu du texte susvisé57 ».

55 NLEP (R.G), L'Administration publique camerounaise, Ouvrage précité, p.272.

56 NGUEKAM (T. D), Le principe de l'immutabilité de la demande en justice, étude comparée droit public droit privé, Mémoire de maîtrise en Droit public, Université de Yaoundé,1985,pp.26-48.Cité par GUIMDO DONGMO (B-R), Article précité ,p.472.

57 Jugement n°45/2005-2006/ CS-CA du 1er février 2006, FOGANG Moïse c/ État du Cameroun (MINUH) ;

Jugement n°124/2006-2007/ CS-CA du 28 novembre 2007, NGAWOUO c/ État du Cameroun (MINMEE). Dans cette décision, l'objet de la demande dans le recours gracieux préalable est le

Le texte auquel le juge fait allusion n'est rien d'autre que l'article 12 de l'ordonnance de 1972 précitée. On retrouve d'ailleurs cette exigence d'identité d'objet entre le RGP et le recours contentieux dans plusieurs autres décisions58. Dans le jugement n°29/2008/CS-CA du 02 avril 2008, ZONG OKOMO c/ État du Cameroun (SESI), le juge relève : « les demandes de reconstitution de carrière et de paiement en dommages-intérêts sont irrecevables comme n'ayant pas figuré sur le recours gracieux préalable ».

Le rejet des demandes non soumises à l'Administration par le juge est aussi la conséquence logique de la relation d'immutabilité qui existe entre le recours gracieux et le recours contentieux. La règle de l'immutabilité permet au juge de rester dans le cadre de ce qui a été demandé dans le recours gracieux préalable. La juridiction Administrative l'a toujours rappelé aux requérants qui ont semblé l'ignorer. Tel était notamment le cas dans l'affaire BABA YOUSSOUFA c / État du Cameroun, CFJ-AP, arrêt n°9 du 16 octobre 1968. Dans cette affaire le requérant, révoqué du cadre des secrétaires généraux de l'Administration, demandait dans le recours gracieux à être réintégré dans ce cadre alors que devant le juge il exigeait plutôt une intégration dans le corps des administrateurs civils, ce qui n'a pas été admis par le juge. Le même problème s'est posé dans le jugement n°22 du 27 avril 1978, NDJANA Pascal Bether. Dans le recours gracieux, le recourant demandait au Ministre des finances de rectifier l'arrêté autorisant le remboursement des frais médicaux. Par contre, dans sa requête contentieuse, il demande le paiement à lui de la somme de 1578650 FCFA au titre de remboursement des frais médicaux.

reclassement et le rappel. Malheureusement pour le requérant, dans sa requête contentieuse, il demande les dommages intérêts, ce qui entraine l'irrecevabilité de sa demande.

58Jugement n°45/2004-2005/ CS-CA du 05 février 2005, Société NKUITE et Compagnie c/ État du

Cameroun, (MINEFI). Le juge y affirme : « Or attendu non seulement que les requérants n'ont pas établila cessation de leurs activités en 1988 pour prétendre à l'exonération d'impôts correspondant à la

période de ladite cessation, mais le défaut d'identité d'objet du recours gracieux et du recours contentieux et l'absence des paiements affirmés par les intéressés ne permettent pas à cette juridiction de déterminer les impôts dus ou non ».Voir aussi dans le même sens jugement n°49/04-05 / CS-CA du 02 février 2005,BIDJEBELE Joseph c/ État du Cameroun (MFPRA) où le juge reconnait dans un attendu qu'étant donné que le recours gracieux ne contient que la demande de paiement de ses droits, le recours contentieux de BIDJEBELE Joseph doit être déclaré recevable seulement en cette branche ;par conséquent l'annulation de l'arrêté litigieux et la demande de la réintégration subséquente du requérant dans la fonction publique n'ayant pas fait l'objet dudit recours gracieux sont irrecevables .

En France devant le juge administratif, le recourant peut invoquer des moyens nouveaux mais non pas des droits nouveaux. L'arrêt GARNIER du 21 mars 2007 précise que le requérant peut se prévaloir de « tout moyen de droit nouveau, alors même qu'il n'aurait pas été invoqué à l'appui du recours administratif contre la décision initiale, dès lors que ces moyens sont relatifs au même litige que celui dont avait été saisie l'autorité administrative59».

Le recours gracieux préalable en matière ordinaire après une trentaine d'années conserve son caractère obligatoire. Par contre, dans le cadre de l'urgence, la consécration du recours gracieux a connu une évolution relative qu'on ne saurait taire.

PARAGRAPHE-2 : LE RECOURS GRACIEUX EN MATIÈRE

D'URGENCE

Les procédures d'urgence permettent de prendre des mesures conservatoires ou de retarder la prise des effets d'un acte administratif, afin d'éviter qu'un préjudice irréversible ne se produise. Les requêtes soumises au juge administratif mettent en général beaucoup de temps pour aboutir. Ce temps peut même aller au delà d'une décennie. Pour ne pas laisser les personnes victimes des actes administratifs aux abois durant le procès, le législateur camerounais a aménagé à leur bénéfice des procédures d'urgence. Ces procédures correspondent selon la gravité du préjudice éventuel au référé administratif et au sursis à exécution.

Le référé est une procédure d'urgence qui « a pour objet de permettre au Président de la juridiction de prendre, sans toucher au fond du litige, des mesures d'urgence de nature à sauvegarder les intérêts du requérant 60». Par contre, le sursis à exécution est une procédure d'urgence qui vise « la suspension de l'applicabilité d'un acte dans l'attente du jugement à rendre sur sa légalité ; c'est sa

59 "Problèmes de procédure administrative non contentieuse". Table ronde organisée par La Chaire "Mutations de l'Action Publique et du Droit Public", Sciences Po .Contribution de BRISSON (J-F) « les recours administratifs préalables obligatoires en droit public français, alternative au juge ou voie sans issue ? » Contribution_Jean_Francois BRISSON.pdf.

60 JACQUOT (H), Article précité, p.120.

neutralisation pendant le procès dont il fait l'objet, en quelque sorte la « détention provisoire » de l'acte non encore condamné mais déjà inculpé61 ». Nous examinerons successivement le RGP dans le référé administratif (A) et le sursis à exécution (B).

A - L'exigence nouvelle d'un recours gracieux dans le référé
administratif

Une analyse approfondie du référé administratif au Cameroun permet de constater qu'il a connu des mutations significatives en ce qui concerne le recours gracieux préalable. Pour l'essentiel, nous retenons que le législateur de 2006 a remis en cause une opportunité issue de la loi n°75/17 précitée en exigeant formellement un recours gracieux préalable en matière d'urgence.

1 - La remise en cause de l'acquis de 1975

L'article 27 alinéa 1 de la loi n°2006 / 022 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs dispose :

« Dans les cas d'urgence,62 le Président du tribunal ou le magistrat qu'il délègue peut sur requête et si le demandeur justifie de l'introduction d'un recours gracieux, les parties convoquées et après conclusion du ministère public, ordonner, en référé, toutes les mesures utiles, sans faire préjudice au principal ».

C'est tout le contraire de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 précitée qui, reprenant plus ou moins l'article 14 du décret du 19 juin 196463 disposait en son article 122 :

61 PACTEAU (B), Contentieux administratif, Paris, P.U.F, 1989, p.235 .Cité par KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise », Juridis Périodique n°38, avril-mai-juin 1999, p.83.

62 Tel était le cas dans l'affaire NKWENKAM MOLHIE Luc c/CPE de Yaoundé objet de la décision rendue par la Cour Fédérale de Justice en date du 6 janvier 1970.Cité par JACQUOT (H), Article précité, p.121.

63 Dans tout les cas d'urgence et sauf pour les litiges intéressant le maintien de l'ordre, la sécurité et la
tranquillité publiques le Président du tribunal peut sans préjudicier au principal ordonner sur requête toute
mesure utile, notamment les expertises et les descentes sur les lieux (article 14 du décret du 19 juin 1964).

« Dans tous les cas et sauf pour les litiges intéressant le maintien de l'ordre public, la sécurité et la tranquillité publiques, le Président de la Chambre Administrative ou l'Assemblée Plénière, ou le magistrat qu'il délègue peut, après avis conforme du ministère public, ordonner toute mesure nécessaire sans faire préjudice au principal ».

Aucune condition relative à l'exigence d'un recours gracieux préalable n'était donc prévue dans les textes de 1964 et de 1975.

L'interprétation de ce silence amenait logiquement à penser que le recours gracieux préalable n'était pas formellement exigé en matière de référé. La juridiction administrative camerounaise a eu à rendre plusieurs décisions en matière de référé. Souvent elle a exigé le RGP64, ce que d'aucuns ont qualifié d'interprétation négative65. Aussi souvent, elle a fait fi de cette exigence66. Il s'agissait là d'une interprétation positive67.

Il ressort clairement de ces deux dispositions que le législateur de 2006 est resté fidèle à la logique selon laquelle il ne faut pas surprendre l'Administration en justice. Si tel n'était pas le cas, comment comprendre que dans un cas d'urgence et donc nécessitant célérité, la nouvelle loi demande au requérant de justifier d'un recours gracieux, alors que cette justification ne sera pas la moindre

64 Voir ordonnance de référé n°06/du 08 décembre 1998, SOSSO Emmanuel c/Crédit foncier du Cameroun où le juge a conclut à l'irrecevabilité de la requête en référé pour défaut de recours gracieux préalable. (Lire à ce sujet KEUTCHA TCHAPNGA (C), Note sous ordonnance de référé n°06/du 08 décembre 1998, SOSSO Emmanuel c/Crédit foncier du Cameroun, Juridis Périodique n°45, janvierfévrier-mars 2001, pp. 41-45.

65 KEMFOUET KENGNY (E,D), Le référé devant le juge administratif camerounais, Mémoire de maitrise, Université de Dschang, 1997-1998 ,86 p., notamment pp.13-14. Pour l'auteur, l'interprétation négative protège plutôt l'Administration en exigeant des requérant un recours gracieux préalable.

66 Voir GUIMDO DONGMO (B-R), Note sous ordonnance de référé n°13/OR/PCA/90-91 du 25 avril 1991, Journal « Le Messager » c/ État du Cameroun , Juridis Info n° 17, janvier- février-mars 1994,pp.54- 56 .Voir dans le même sens Ordonnance de référé n°41/OR/CAB/PCA/CS/2003-2004 du 07 juillet 2004,Social Democratic Front c/ État du Cameroun(MINATD et MINEFIB) : « Attendu qu'il ne résulte pas de ce texte l'exigence d'un recours gracieux préalable, la juridiction saisie qui est celle du Président statuant en matière d'urgence, laquelle ne saurait s'encombrer des délais relatifs au recours gracieux sans courir le risque de voir la situation de l'une des parties en procès irrémédiablement compromise par l'exécution de l'acte administratif ».

67 KEMFOUET KENGNY (E,D), Mémoire précité, en particulier pp.13-14. Pour l'auteur l'interprétation positive du silence est celle qui privilégie les intérêts des administrés en leur dispensant de l'obligation d'exercer un recours gracieux préalable alors que l'interprétation négative protège plutôt l'Administration en exigeant du requérant un recours gracieux préalable.

des tâches ? On ne peut justifier d'un recours gracieux que si l'on l'a régulièrement formé.

Cette exigence a suscité l'inquiétude de la doctrine,68 étant donné que l'urgence est « l'âme du référé69 ». Le référé est adressé à la Cour par le moyen d'une requête. C'est une procédure qui se veut simple et rapide. Par contre tel n'était pas le cas dans l'affaire SOSSO Emmanuel c/Crédit foncier du Cameroun précitée, objet de l'ordonnance n°6 du 8 décembre 1998. Dans cette espèce, le juge a exigé formellement que la requête en référé soit accompagnée d'un recours gracieux.

Malgré l'indignation de la doctrine,70 le législateur de 2006 ne s'empêchera pas de reprendre ce raisonnement juridique dans l'article 27 précité. Il ne faut pas perdre de vue qu'un même recours gracieux peut valoir tant pour la demande de référé que pour la demande au fond. En d'autres termes un seul acte de procédure peut fédérer le RGP du référé et celui de la demande au fond. Tout compte fait la prescription du recours gracieux en référé remet sérieusement en cause l'urgence.

2 - La dénaturation de l'urgence par l'exigence d'un recours gracieux
préalable en référé

L'exigence d'un recours gracieux préalable dans la loi n°2006 / 022 est de nature à vider la procédure du référé administratif de sa substance. On se demande si le temps que prendra le justiciable pour élaborer un recours gracieux n'est pas largement suffisant pour mettre en péril une situation juridique vulnérable. Le péril est d'autant plus probable que beaucoup de camerounais ne connaissent pas grand-chose du contentieux administratif. Une situation juridique peut se détériorer irrémédiablement pendant que le juge impose au

68KEUTCHA TCHAPNGA (C), «La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun » Article précité, p.29.

69 AUBY (J.M) et DRAGO (R), Traité de contentieux administratif .Cité par JACQUOT (H), « Le contentieux administratif au Cameroun », Article précité p. 121.

70 Voir KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Une délicate révolution dans la procédure administrative contentieuse au Cameroun/ À propos du traitement récent de l'urgence par le juge des référés /Note sous Cour Suprême du Cameroun, ordonnance de référé n°6 du 08 décembre 1998 SOSSO Emmanuel contre Crédit Foncier », Juridis Périodique n°45, janvier-février- mars 2001, pp.41-45, notamment pp.43-44.

requérant de justifier le recours gracieux préalable. C'est donc indubitable que cette exigence dénature l'urgence.

Toutefois il convient de nuancer cette position en relevant que le législateur de 2006 n'exige que l'introduction du RGP. En d'autres termes, il n'impose pas au requérant d'attendre que l'Administration arrête sa position définitive avant de saisir le juge du référé. Il nous semble que le requérant devra simplement présenter au juge le moment opportun une copie dument enregistrée du recours gracieux qu'il a conservé. Le juge s'assure seulement que le requérant a formé un RGP.

Le sursis à exécution quant à lui n'a pas connu ce changement.

B- La survivance du recours gracieux préalable dans le sursis à
exécution

L'article 91 du décret du 4 juin 1959 disposait déjà que le recours contentieux contre une décision administrative n'en suspend pas l'exécution71 . Toutefois, il précisait qu'au cas où cette exécution sera de nature à causer un préjudice irréparable et si la décision attaquée n'intéresse ni le maintien de l'ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publiques, le tribunal pouvait sur conclusion expresse du ministère public et après communication à la partie adverse accorder un sursis ou ordonner que l'exécution n'aura lieu que par provision et moyennant caution. L'article 16 alinéa 1 et 2 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 reprend plus ou moins cette disposition. L'article 17 de cette loi disposait quand à elle que « la demande de sursis peut être formée en même temps que la demande principale et par la même requête ». La loi de 2006 a repris dans son article 30 alinéa 1 et 2 avec certaines réserves72 l'article 16 alinéa 1 et 2 de loi n° 75/17 précitée.

71À l'évidence, on remarque que c'est la force exécutoire de l'acte qui est suspendu et non l'acte strictement entendu.

72 « 1) Le recours contentieux contre un acte administratif n'en suspend pas l'exécution ;

2) Toutefois, si l'exécution est de nature à causer un préjudice irréparable et que la décision attaquée n'intéresse ni l'ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité publique, le Président du tribunal

Dans la loi de 2006 précitée, la requête est plutôt adressée au Président du tribunal administratif. Il découle des dispositions précitées que, lorsque la demande de sursis est formée simultanément avec la demande principale, elle doit être précédée d'un recours gracieux préalable. Il faut cependant relever qu'il s'agit dans ce cas d'un recours gracieux lié tant à la demande de sursis qu'à la demande au fond. Il faut d'ailleurs retenir avec M. ABA'A OYONO que « la formalité précontentieuse qu'est le recours gracieux préalable (...) est valable aussi bien pour le recours visant à régler la question de fond (...) que pour la requête sollicitant du juge la mesure provisoire, pour cause d'urgence contentieuse, à l'instar de la demande de sursis à exécution73 ». La demande de sursis doit donc être formée en même temps ou immédiatement après le dépôt du recours gracieux pour la demande au fond. Nous ne sommes pas sans ignorer que le recourant à l'obligation de saisir le tribunal administratif dans les délais prévus à l'article 1874, sinon l'ordonnance prononçant le sursis exécution deviendra caduque. L'article 30 alinéa 4 de la loi de n°2006/022 précitée ainsi formulé est clair et corrobore notre position.

L'ordonnance de sursis n'est valable au-delà de 60 jours que pour autant qu'un recours gracieux sur la demande principale ait été introduit en même temps que celui de la demande de sursis. En effet le délai de l'article 30 précité est un délai qui court à partir du rejet du recours gracieux. La tradition a donc été suivie par le législateur de 2006. Par le passé, le juge avait souvent admis la recevabilité dune demande de sursis à exécution dans des espèces où le recours contentieux n'était pas précédé d'un recours gracieux préalable75. Il faisait ainsi preuve

administratif peut, après communication à la partie adverse et conclusions du ministère public, ordonner le sursis à exécution ».

73 ABA'A OYONO (J-C), Note sous jugement CS-CA du 07 décembre 2000, MAMA BILOA Sandrine c/Université de N'Gaoundéré, Juridis Périodique n°51, juillet- août-septembre 2002, p.23.

74 « Sous peine de forclusion les recours contre les décisions administratives doivent être introduits dans un délai de soixante jours à compter de la décision de rejet du recours gracieux visé à l'article 17ci- dessous » (article 18 alinéa 1de la loi n°2006/022 précitée).

75 Ordonnance n°38 du 27 juin 1997, DJANBOU Maurice c/SOCADIC ; Ordonnance de sursis n°21/OSE/PCA/ 91-92 du 26 juillet 1992, Dame MAYOUGA Yvonne c/ État du Cameroun (MINSANTE); Ordonnance n°/CS/PCA du 5 octobre 1992 SIGHOKO FOSSI Abraham c/ État du Cameroun (MINSANTE) .Voir KEUTCHA TCHAPNGA (C) et GNIMPIEBA TONNANG (E), Note sous ordonnance n°/CS/PCA du 5 octobre 1992 SIGHOKO FOSSI Abraham c/ État du Cameroun (MINSANTE), Juridis Périodique n°68 octobre-novembre-décembre 2006, pp.115-120.

d'originalité, mais méconnaissait sans doute le caractère d'ordre public de la règle du recours gracieux. Une telle solution était humaniste ; en réalité, elle était moins juridique.

L'existence d'un recours gracieux préalable est une condition incontournable de recevabilité d'une demande de sursis à exécution puisqu'il reste malgré tout « le premier degré de règlement du conflit 76». Il n'est donc pas possible d'avoir gain de cause sur le terrain du sursis à exécution d'une décision administrative si l'on ne justifie pas d'un recours gracieux préalable77. Il est une constance que le recours au fond ne peut pas prospérer si le requérant n'a pas adressé un recours gracieux. Qu'en est-il dans les voies de recours ?

PARAGRAPHE-3 : LE RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

ET LES VOIES DE RECOURS

La règle du recours gracieux préalable est susceptible d'avoir une influence sur les voies de recours. Les voies de recours désignent les moyens ouverts aux requérants pour obtenir un nouveau jugement de leur affaire. Nous nous appesantirons sur celles qui sont plus usitées dans le contentieux administratif camerounais en l'occurrence le pourvoi en appel(A) et accessoirement le pourvoi en cassation (B).

A- Recours gracieux préalable et pourvoi en appel

L'appel78 est la garantie du principe du double degré de juridiction qui « est en passe d'être érigé en droit fondamental de l'homme79 ». C'est une voie de recours de réformation ou d'annulation par laquelle une partie insatisfaite d'un jugement rendu en premier ressort défère ce dernier à une juridiction du degré

76MESCHERIAKOFF (A.S), « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise », Article précité, pp. 42-55.

77 Sur l'ensemble de la question, voir KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise », Article précité, p.86.

78Sur l'appel, voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), L'appel dans le contentieux administratif au Cameroun, Thèse Droit, Université Paul Cézanne Aix - Marseille III, 2001, pp.146-147.

79 ANOUKAHA (F), « La réforme de l'organisation judiciaire au Cameroun », Article précité, p.54.

immédiatement supérieur, ou bien du second degré. L'appel a un effet suspensif et dévolutif. Le juge d'appel statue en droit et en fait.

L'arrêt TAGNY Mathieu représente en matière de recours gracieux dans le pourvoi en appel un arrêt de principe. Cet arrêt a fait jurisprudence et reste même d'actualité trente ans après l'ordonnance de 1972 précitée. Dans cet arrêt le juge a rappelé que le recours gracieux préalable ne peut être intenté qu'une seule fois par procédure.

Les faits de l'espèce TAGNY Mathieu, méritent d'ailleurs d'être rappelés. Le sieur TAGNY Mathieu médecin de son état est incarcéré et détenu à la prison de Yaoundé pour des faits de subversion. Il introduit le 20 juillet 1957 un recours devant le Conseil du Contentieux Administratif. Dans sa requête, il demande la condamnation de l'État à lui payer une somme représentant le montant de la solde durant la période de détention allant du 31 mai 1955 au 6 mars 1956. Il demande subsidiairement que l'État lui accorde une indemnité d'un montant identique en réparation du préjudice que ladite incarcération lui a causé.

Malheureusement pour lui, le Conseil du Contentieux Administratif se déclare incompétent, motif pris du fait que son action est fondée sur une faute liée au fonctionnement des services judiciaires. Insatisfait de ce jugement, il demande son annulation devant le Conseil d'État qui se déclare à son tour incompétent du fait de l'indépendance accordée entre temps au Cameroun francophone en 1960.

Le dossier du sieur TAGNY fut donc renvoyé à la Cour Fédérale de Justice conformément aux accords de coopération judiciaire signés à cette époque entre l'État du Cameroun et la France. Le représentant de l'État soulève devant cette Cour l'irrecevabilité de la demande du sieur TAGNY pour défaut de recours gracieux préalable. Le juge rapporteur lui répliqua qu' « il va de soi que le recours gracieux préalable, lorsqu'il est obligatoire, ne peut être exercé qu'une seule fois dans chaque instance , le plaideur qui l'a introduit préalablement à la saisine du juge administratif de premier degré n'est plus tenu de le répéter pour

cause d'appel, car l'Administration ne peut dire qu'elle a été attraite à son insu 80».

C'est conformément à ces éclairages du juge rapporteur que la juridiction rend sa décision. En effet, le juge déclare recevable le recours du sieur TAGNY, au motif que « cette procédure, qui est antérieure à la saisine du juge administratif et ne peut être intentée qu'une seule fois dans chaque instance, est censée avoir été suivie lorsque, comme en l'espèce, il apparait que l'Administration a pris position sur le fond81 ».

Point n'est donc besoin d'un recours gracieux préalable en appel, étant donné que cette étape qui consacre le principe du double degré de juridiction est couvert par un autre principe qui est celui de l'immutabilité du lige.

Ainsi donc une demande présentée pour la première fois en appel sera déclarée irrecevable non seulement parce que le procès doit rester le même, mais aussi parce que l'Administration n'aura pas arrêté sa position préalablement à cette demande. Le RGP étant d'ordre public, on peut se demander s'il a une influence sur le pourvoi en cassation qui est une autre voie de recours.

B - Recours gracieux préalable et pourvoi en cassation

D'après l'article 116 de la loi n° 2006/022 précitée « Les décisions rendues en premier et dernier ressort par le tribunal administratif sont susceptibles de pourvoi devant la Chambre Administrative dans les formes et délais prévus par les textes fixant l'organisation de la Cour Suprême ».

Sur la question de savoir si la recevabilité des pourvois en cassation82 est soumise à l'exigence d'un recours gracieux préalable, une réponse négative

80 Voir NLEP (R.G), L'Administration publique camerounaise, Ouvrage précité, p.274.

81 Voir MESCHERIAKOFF (A.S), « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise », Article précité, pp.47 et ss. Voir aussi NLEP (R.G), L'Administration publique camerounaise, Ouvrage précité, pp.274 et ss

82 Sur le pourvoi en cassation, voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), « L'autonomie du recours en cassation en contentieux administratif au Cameroun », Juridis Périodique n°82, avril-mai-juin 2010, pp.77-85 (Première partie) et Juridis Périodique n°83, juillet-août-septembre 2010, pp.65-75(Suite et fin).

s'impose naturellement, parce que c'est le même procès soumis au juge de premier degré qui évolue.

Une fois de plus, il est important de rappeler que le recours gracieux préalable n'est formé qu'une seule fois pour une affaire. Le juge de la Haute Cour ne se prononce que sur ce qui à été demandé préalablement à l'Administration. Autrement dit, il n'est lié que par le fait générateur du litige et nous savons que l'issue malheureuse du recours gracieux préalable à l'égard du justiciable lie le contentieux. Bien plus, le juge de la Cour Suprême ne juge qu'en droit et non en fait. Dès lors son souci c'est de s'assurer que les juges inférieurs ont fait une bonne application de la règle de droit.

Toutefois, celui-ci peut évoquer, c'est-à-dire s'étendre sur les questions qui n'ont pas été soulevées par les parties. Cette possibilité ressort des articles 67 alinéa 2 et 104 alinéa 4 de la loi n°2006 /016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême83.

Il faut aussi relever que le juge administratif de cassation ne s'est pas encore prononcé sur une question relative au RGP, mais il s'est déjà déclaré sur la voie de recours ouverte contre une ordonnance de sursis84.

Le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable est l'objet d'une traduction jurisprudentielle abondante.

83 L'article 67 alinéa 2 énonce que « Lorsque la Chambre casse et annule la décision qui lui est déférée, elle évoque et statue si l'affaire est en état d'être jugée au fond. L'affaire est reconnue comme en état d'être jugée au fond lorsque les faits, souverainement constatés et appréciés par les juges de fond permettent d'appliquer la règle de droit appropriée ».

L'article 104 alinéa 4 dispose qu' « en cas de cassation, la Chambre Administrative dispose d'un pouvoir d'évocation lorsque l'affaire est en état d'être jugée au fond ». Lire à cet effet SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Article précité, Première partie, pp.80 et ss.

Les articles ci-dessus sont applicables tant devant la Chambre Administrative que devant la Chambre Judiciaire d'après l'article 104 alinéa 3 de la loi n° 2006/016 précitée.

84 Ordonnance de sursis à exécution n°15/OSE/CS/2009/CS-CA du 30 avril 2009, État du Cameroun (MINCULT) c/La CAMEROON MUSIC CORPORATION (CMC) représentée par Jean Claude LAURENT et Samuel MBENDE. La cour déclare en substance dans cette décision :

« Qu'il résulte (...) que l'ordonnance de sursis à exécution d'un acte administratif est rendu en dernier ressort et qu'à ce titre, elle n'est susceptible que du pourvoi en cassation ». Voir également ordonnance de sursis n°29/OSE/CCA/2009/ CS-CA du 17 juillet 2009, KENMOE Emmanuel c/ État du Cameroun (MINDAF).

SECTION-2 : LA TRADUCTION JURISPRUDENTIELLE

DU CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC

Le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable est toujours entériné de nos jours par la juridiction administrative au Cameroun. C'est du moins ce qui ressort d'une analyse de la jurisprudence constante du juge administratif. Ce caractère est d'autant plus affirmé qu'on peut déjà le considérer comme un acquis dans la jurisprudence administrative camerounaise. Il s'agit de la jurisprudence administrative dominante (Paragraphe 1). Le juge de la Chambre Administrative a nouvellement consacré le rejet systématique des recours gracieux collectifs (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE-1 : LA JURISPRUDENCE CONSTANTE DU

JUGE ADMINISTRATIF

L'arrêt TAGNY Mathieu c/ État du Cameroun précité rendu par l'Assemblée Plénière de la Cour Fédérale de Justice en date du 16 mars 1967 sera à l'origine d'une controverse doctrinale. Le Professeur Henri JACQUOT va s'appuyer sur cet arrêt pour affirmer que cette règle n'est pas d'ordre public85. Cette vision n'est pas partagée par le Professeur Alain Serge MESCHERIAKOFF dans une réflexion menée plus tard sur le recours gracieux préalable86. C'est au courant de l'année 1978 dans l'affaire ITEM Dieudonné c/ État du Cameroun que le juge reconnait formellement au RGP son caractère d'ordre public. Présenté comme un jugement de principe (A), ce jugement a tracé une ligne jurisprudentielle suivie de nos jours (B).

A- L'arrêt de principe

Jadis présenté comme un arrêt de principe, l'arrêt TAGNY Mathieu est devenu chemin faisant un cas marginal pour ce qui est du caractère d'ordre

85 JACQUOT (H), Article précité, p.114.

86Voir MESCHERIAKOFF (A.S), « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise », Article précité, p.47. En effet, l'auteur déclare : «Le juge peut donc soulever d'office ce moyen d'irrecevabilité même si l'Administration ne le fait pas et est disposée de plaider au fond ».

public du recours gracieux préalable. C'est en d'autres termes une jurisprudence qui n'a pas fait long feu.

À la faveur de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 et de certaines affaires célèbres, la juridiction administrative camerounaise a opéré un virement qui fera jurisprudence jusqu'à nos jours. Ce revirement consacra le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable. La jurisprudence TAGNY Mathieu est battue en brèche. L'affaire ITEM Dieudonné c/ État du Cameroun, objet du jugement n°12/CS-CA/77-78 rendu par la Chambre Administrative de la Cour Suprême du Cameroun le 27 avril 1978, consacre le caractère d'ordre public du RGP qui allait subsister jusqu'à nos jours. Ce qui confère à cette décision son pesant d'or se trouve dans l'attendu ainsi rapporté par le Professeur NLEP Roger Gabriel87 :

« Qu'il résulte de ce texte que ce recours, organisé et prévu par une disposition législative spéciale, revêt un caractère obligatoire ; qu'il s'ensuit que l'inobservation des dispositions susvisées, peut être soulevé d'office par le juge ».

Le texte auquel le juge faisait allusion n'était rien d'autre que l'article 12 paragraphe 1 de l'ordonnance n° 72 /6 du 26 août 1972. Depuis ce jugement, le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable est un acquis88 à jamais suivi par la juridiction administrative.

B -La jurisprudence confirmée

Malgré quelques atermoiements, la juridiction administrative au Cameroun a toujours reconnu le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable. Ceci s'est fait à la faveur de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême. Pourtant, « rien dans le texte de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972, pas plus dans ceux qui l'on précédé permet d'affirmer que la règle

87 NLEP (R.G), Ouvrage précité, p.275.

88 Voir MESCHERIAKOFF (A.S), Article précité et KAMTO (M), Ouvrage précité, p.163.

du recours gracieux soit un principe d'ordre public 89». C'était sans doute pour cela que la jurisprudence hésitait à faire de la règle du RGP un moyen d'ordre public. Même la doctrine n'était pas unanime sur la question de savoir si le recours gracieux préalable était un moyen d'ordre public. Autrement dit, il était question de savoir si le juge pouvait même l'invoquer au cas où le représentant de l'Administration s'abstenait de le faire.

Depuis le jugement ITEM Dieudonné précité, la jurisprudence constante de la Chambre Administrative de la Cour Suprême laisse entrevoir l'affirmation du caractère d'ordre public du recours gracieux préalable.

Cette tendance était déjà présente dans les premiers jugements qui ont suivis le jugement ITEM Dieudonné90. C'est ainsi que de nos jours, le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable ne souffre d'aucune contestation, sauf éventuelle exception. Par conséquence, la juridiction administrative invoque d'office la règle du recours gracieux préalable91. Aussi cette juridiction a-t- elle toujours dans sa jurisprudence récente et constante déclaré irrecevables les recours contentieux issus des recours gracieux collectifs.

PARAGRAPHE-2 : LE REJET DES RECOURS GRACIEUX

COLLECTIFS

Le rejet permanent des recours gracieux collectifs par la juridiction administrative camerounaise est une pratique récente. À preuve, on ne trouve trace de cette notion dans les écrits des Professeurs KAMTO, NLEP, MESCHERIAKOFF et JACQUOT. À cet égard, l'irrecevabilité des RGP collectifs nous semble être une innovation de la juridiction administrative. Cette consécration est d'autant plus intéressante qu'elle mérite pour sa bonne

89 NLEP (R.G), Ouvrage précité, p.274.

90 Voir notamment jugement n°14/77-78/CS-CA du 27 avril 1978, ATANGANA ESSOMBA Protais c/ État du Cameroun ; jugement n°30/77-78/CS-CA du 13 juillet 1978, AKA'A Jules c/ État du Cameroun.

Dans l'affaire AKA'A Jules notamment, le juge déclare : « Qu'il importe de rappeler que ces dispositions sont d'ordre public ; qu'en conséquence, leur violation peut être soulevée d'office par le juge ». Cité par NLEP (R.G), Ouvrage précité, p.275 et KAMTO (M), Ouvrage précité, p.151.

91 Voir, GUIMDO DONGMO (B-R), « Le droit d'accès à la juridiction administrative au Cameroun », Article précité, p.470.

compréhension que l'on évoque les motifs d'irrecevabilité des recours gracieux collectifs (B), ensuite que l'on procède à une analyse critique du rejet des RGP collectifs (C). Mais avant cela il est nécessaire de s'appesantir sur l'affirmation récente de la notion de recours gracieux collectif (A).

A- L'affirmation récente de la notion de recours gracieux collectif dans
la jurisprudence administrative

Il est nécessaire d'exposer la consécration en jurisprudence de la notion de recours gracieux collectif (1) préalablement à l'étude d'une espèce rendue à cet effet par le juge administratif (2).

1 - La consécration de la notion de recours gracieux collectif

La notion de recours gracieux collectif est de facture récente dans la jurisprudence administrative camerounaise. C'est dans les années 2000 que la Chambre Administrative de la Cour Suprême rejette certains recours contentieux, motif pris de ce que le recours gracieux formé à l'appui de la requête contentieuse est collectif.

Lorsqu'on parcourt la masse des décisions de rejet des recours gracieux, on relève que c'est tardivement vers 2008 qu'on découvre les premiers jugements de rejet pour recours gracieux collectif. Sous réserve d'inventaire, il nous semble que ce soit là le point de départ du rejet des RGP collectifs.

Dans l'affaire ESSOMBA Apollinaire c/ État du Cameroun (PM), objet du jugement n°47/CS-CA/2008, le juge déclare :

« Qu'il résulte de la lecture combinée des textes de loi susvisés que le recours contentieux fondé sur un recours gracieux collectif est irrecevable ;(...)Qu'en l'espèce, le recours gracieux versé au dossier est collectif comme ayant été fait par le recourant et sept (7) autres ».

Toutefois, relevons que ni la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 ni l'ordonnance de 1972 ne mentionnent expressément la notion de recours

gracieux collectif. Elles ne reconnaissent que les recours contentieux collectifs : c'est donc une invention sinon une déduction du juge. Il est désormais acquis qu'un requérant ne saurait se prévaloir d'un recours gracieux collectif devant la juridiction administrative camerounaise. Tel était le sort du recours contentieux introduit par le sieur CHOUALA Yves Alexandre.

2 - Exposé d'un cas d'espèce : Affaire CHOUALA Yves Alexandre c/État du
Cameroun (PM), jugement n°57/2009/CS-CA du 11 mars 2009

L'article 33 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 dispose :

« Toute requête collective est irrecevable, sauf lorsqu'il s'agit d'un recours dirigé contre un acte indivisible ».

Cette disposition qui reprend mot pour mot l'article 2 de la loi n°75/17 abrogée92 nous renseigne sur le sort réservé aux recours contentieux collectifs devant la juridiction administrative au Cameroun. L'affaire CHOUALA Yves Alexandre c/État du Cameroun (PM), objet du jugement n°57/2009/CS-CA rendu par la Chambre Administrative de la Cour Suprême le 11 mars 2009, nous renseigne sur le rejet des recours gracieux collectifs. Les faits de cette décision sont les suivants.

Après l'obtention d'un diplôme en relations internationales (DESS) et d'un Doctorat de troisième cycle à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), diplôme obtenu après 5 années d'études dans cet établissement qu'il a intégré avec le diplôme de Licence, sieur CHOUALA Yves Alexandre est recruté dans la fonction publique par un décret du Premier Ministre. Il officie comme secrétaire des affaires étrangères en tant que diplomate. Cependant, le sieur CHOUALA estime que son grade ne correspond pas aux diplômes dont il est titulaire. Il fonde ses prétentions sur l'article 10-1 du décret n°75/773 du 18 décembre 1975 portant statut particulier du corps des

92 Cet article dispose : « Toute requête collective est irrecevable, sauf lorsqu'il s'agit d'un recours dirigé contre un acte indivisible ».

fonctionnaires de la diplomatie tel que modifié par le décret n°77/345 du 26 août 1977. Cet article dispose en effet :

« Les conseillers des affaires étrangères sont (...) recrutés sur titre , parmi les candidats titulaires à la fois d' un Doctorat d'État en droit ou en sciences économiques, ou d'un PHD en droit ,en sciences économiques ou en relations internationales, ou d'un diplôme reconnu équivalent à l' un des titres ci-dessus et du diplôme de sortie du cycle A de l'ENAM (section diplomatique) ou de l'une des écoles étrangères ou internationales figurant sur une liste fixée par arrêté présidentiel ».

Fort de cette argumentation, le requérant estime qu'il devrait plutôt être intégré dans le grade de conseiller des affaires étrangères. Il saisit alors le Premier Ministre le 22 janvier 2004 d'un recours gracieux formé par lui et 73 autres collègues. Autrement dit, le recours gracieux préalable était formé collectivement par 74 personnes dont le sieur CHOUALA qui l'avait d'ailleurs signé en 61ième position. À l'expiration du délai imparti au Premier Ministre pour réagir sur le recours gracieux, il saisit la Chambre Administrative de la Cour Suprême d'une requête le 19 mai 2004 afin que celle-ci ordonne son reclassement au grade de conseiller des affaires étrangères.

Malheureusement pour lui, la juridiction administrative déclare son recours contentieux irrecevable parce qu'il était fondé sur un recours gracieux collectif. Le juge déclare à cet effet :

« Attendu qu'il résulte de la lecture combinée des textes de la loi susvisés que le recours contentieux fondé sur un recours gracieux collectif est irrecevable, sauf lorsqu'il s'agit d'un recours contre un acte indivisible, or le reclassement réclamé est un acte individuel(...)

Qu'en l'espèce, le recours gracieux adressé et notifié le 22 janvier 2004 au Premier Ministre par Maître BIYIK Thomas B.P11.27 Yaoundé, à la requête du recourant qui l'a signé en 61ième position avec 73 autres est collectif ».

Cette jurisprudence est également confirmée par plusieurs autres décisions rendues le même mois93. On peut bien se demander quel est le fondement du rejet des recours gracieux collectifs.

B - Les motifs d'irrecevabilité des recours gracieux collectifs

L'intérêt pour agir en justice doit être personnel94 et non collectif, exception faite des actes indivisibles. Nous savons qu'un acte collectif est un « ensemble de décision individuelles solidaires entre elles95 ». On peut distinguer la requête collective personnelle dans le cas où il y a pluralité de requérants et la requête collective réelle quand elle est relative à une pluralité de décisions96.

Il nous semble que ce raisonnement peut valoir pour le recours gracieux collectif. Il va sans dire qu'il est tout à fait possible d'exercer un recours personnel contre un acte collectif divisible.

La différence entre acte collectif et acte indivisible est évidente. Entendu littéralement, un acte indivisible est celui qui pris à l'égard des administrés est telle que ses dispositions ne peuvent être divisées ou séparées les unes des autres. Les actes collectifs bénéficient du principe de l'intangibilité des effets individuels des actes administratifs97. Tant est qu'ils créent des droits et des obligations et donc font grief. Un acte indivisible peut être un acte réglementaire ou non, dont les dispositions forment un bloc indivisible.

Le recours gracieux collectif contre un acte indivisible est recevable puisque dans ce cas, les dispositions contre lesquelles le recours est intenté ne peuvent

93 Jugement n°59/2009 /CS-CA du 11 mars 2009, KOE Jr Jean Patrice c/État du Cameroun (PR) ; jugement n°79/2009 /CS-CA du 25 mars 2009, SANGALE MAGBEKA Jules Alain c/État du Cameroun (PM) ; jugement n°81/2009 /CS-CA du 25 mars 2009, Madame OWONA née MINKUE Laure c/État du Cameroun (PM).

94Voir KAMDEM (J.C), « L'intérêt et la qualité dans la procédure administrative contentieuse », RCD, Série II, n°28, 1984, pp.67 et ss. Voir aussi JACQUOT (H), Article précité, p.116.

95 BOCKEL (A), Droit administratif, Série manuel et traités, NEA, CREDILA Dakar, 1980 p.196.Cité par BILONG (S), Note sous affaire NABION Maurice c/Université de Yaoundé, jugement n°44/92/93/CSCA du 24 juin 1993, Juridis Périodique n°49, janvier-février-mars 2002, p.34.

96 Voir MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », Juridis Périodique n°45, janvier -février - mars 2001, pp.78-86, p.79. L'auteur cite CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Ed Montchrestien, 1982, p.196.

97 BILONG (S), Note précitée, p.34.

être séparées les unes des autres. En France, les recours contre une partie des actes indivisibles sont irrecevables parce qu'ils amèneraient le juge à se prononcer sur l'annulation totale98.

La Chambre Administrative de la Cour Suprême dans sa jurisprudence récente rejette toujours les recours gracieux collectifs dirigés contre les actes divisibles. Dans l'affaire CHOUALA Yves Alexandre c/État du Cameroun précitée, le recours gracieux versé dans la requête est dit collectif parce qu'il est formé par 74 personnes dont le recourant. Ces personnes exigent de l'Administration le reclassement qui n'est rien d'autre qu'un acte individuel, comme le précise fort bien la juridiction administrative.

À toutes fins utiles, relevons que les collectivités, les syndicats99, les associations les sociétés commerciales entre autres peuvent défendre les droits de leurs membres devant la juridiction administrative. Les partis politiques sont souvent admis à exercer des recours collectifs.100

Les groupements régulièrement constitués peuvent ainsi exercer des recours gracieux collectifs en vue d'une éventuelle défense d'un intérêt qui leur est propre en tant qu'intérêt collectif des personnes qu'ils représentent. Les recours gracieux exercés par des personnes morales ne sont pas ipso facto des recours gracieux collectifs. À titre illustratif la Chambre Administrative de la Cour Suprême a eu à se prononcer sur des recours exercés par nombre de ces personnes morales précitées101.

Les recours gracieux collectifs exercés contre les actes divisibles sont systématiquement rejetés par la juridiction administrative. Tel était notamment le

98 Sur la notion d'acte indivisible, voir CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Ouvrage précité, pp.777-780.

99Voir KAMDEM (J.C), Article précité, p.68. Le syndicat agit en vue de la défense de l'intérêt professionnel de ses membres.

100 Voir MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », Article précité.

101 Voir jugement n°130 /05-06/CS-CA du 12 juillet 2006, collectivité MVOG-NKILI c/ État du Cameroun ; jugement n°91/2008/CS-CA du 13 août 2008 , Groupement BABOUANTOU c/ État du Cameroun(MINAT)et Groupement BANGOU, jugement n°83/2008/CS-CA du 18 juin 2008,Syndicat national des professionnels de la comptabilité c/ État du Cameroun (MINEFI) ; Ordonnance de sursis à exécution n°039/OSE/CAB/PCA/CS/ 03-04 du 05 juillet 2004, Association des témoins de Jéhovah c/ État du Cameroun (MINUH).

cas de les affaires MBENOH Joseph et BELL BELL II c/ État du Cameroun (PM), objet du jugement n°84/2008 rendu le 18 juin 2008 par la Chambre Administrative de la Cour Suprême et l'affaire BOLO MBADE Joseph Jérôme c/ État du Cameroun (Ministère de la culture), objet du jugement n°133/2008 rendu le 18 juin 2008. Plusieurs autres décisions s'inscrivent dans la même optique et illustrent per se cette tendance jurisprudentielle102.

Il est sans doute nécessaire de jeter un regard critique sur ce rejet systématique des recours gracieux collectifs par la juridiction administrative camerounaise.

C- Analyse critique du rejet des recours gracieux collectifs

Le rejet des recours gracieux collectifs mérite nécessairement une analyse critique de notre part. Il est important de relever qu'il n'est pas question pour nous de remettre en cause, encore moins d'émettre des jugements de valeur sur des dispositions juridiques. Il est davantage et surtout question pour nous de peser le pour et le contre pour rechercher le juste milieu par le biais d'une analyse essentiellement juridique.

D'un côté, le rejet des recours gracieux collectifs est tout à fait raisonnable d'un point de vue juridique. Elle se déduit sûrement de la condition selon laquelle pour mener une action en justice, on doit se prévaloir d'un intérêt personnel. Autrement dit, selon le juge de la Chambre Administrative, un justiciable ne saurait faire valoir ses droits à la faveur d'un recours gracieux formé avec les autres, ou bien en collectivement. Il va sans dire que le RGP est la préfiguration du recours contentieux.

« Nul ne plaide par procureur ». Ainsi, un justiciable ne peut, dans le seul objectif de faire prévaloir le respect du droit, contester un acte qui ne le concerne pas d'une manière spécifique , alors même que cet acte est clairement illégal. C'est le principe de l'interdiction de l'actio popularis. En France, dans le

102 Voir notamment jugement n°46 /2008/CS-CA du 02 avril 2008, OKONO Jean Gilles c/ État du Cameroun (PM) ; jugement n°45 /CS-CA du 02 avril 2008, NJOCK née ONOMESSENE Brigitte J-F c/ État du Cameroun (PM).

contentieux de la fonction publique, les décisions qui infligent une sanction disciplinaire comme celles qui procèdent à des retenues sur traitement d'agents publics ou refusent le versement à des agents publics de sommes qui leur seraient dues ne peuvent pas être attaquées par un groupement, c'est-à-dire de façon collective. Dans ces hypothèses, il appartient à chacun des intéressés d'introduire lui-même un recours tendant à l'annulation ou à l'indemnisation, à moins que chaque intéressé confie à un tiers un mandat de représentation103.

La juridiction administrative camerounaise ne connaît pas de l'action collective, entendue comme la voie de droit par laquelle un seul justiciable peut, au nom d'une catégorie de personnes dont il se reconnait habilité à porter les intérêts, demander que soit établie par un jugement ayant autorité de chose jugée, la réparation du préjudice ou les droits individuels de tous les membres de cet ensemble alors tiers au procès. L'action collective est une « procédure contentieuse conduisant, à la demande d'un « requérant-pilote » (test claimant dans la terminologie anglo-saxonne) agissant pour le compte d'une catégorie prétendument lésée, au prononcé d'un jugement dont la solution s'applique à tous les justiciables relevant de cette catégorie ».104

D'un autre côté, l'introduction d'actions collectives offre des garanties de protection juridique qui procurent aux citoyens un accès facile et peu couteux à la justice. Autrement dit, les recours collectifs offrent d'ores et déjà des possibilités d'accès à la justice, dans des conditions satisfaisantes, à de nombreux justiciables. Il en résulte une économie de temps et de moyens. Les recours collectifs améliorent l'accès au juge surtout en ce qui concerne les petits litiges, c'est-à-dire ceux impliquant de faible sommes pour les victimes, mais qui risquent d'être au total très coûteux pour le défendeur. L'un des mérites de la class action105 en effet est, en regroupant plusieurs recours dans un seul procès,

103 Voir CASSIA (P), « Vers une action collective en droit administratif ? », RFDA, 2009 p. 657et ss. (Source électronique).

104 Sur toute la question, voir CASSIA (P), Article précité. Voir aussi Voir aussi Mémoire du barreau du Québec à propos du recours collectif en Cour fédérale du Canada (Fichier PDF).

105 C'est le pendant des recours collectifs dans le droit anglo-saxon. Il se traduit littéralement par « action de classe » .Voir CASSIA (P), Article précité.

d'éviter l'encombrement des prétoires et de réaliser des économies d'échelle sur les coûts de procédure.

L'admission des recours gracieux collectifs pourrait aussi éviter l'Administration de se prononcer sur une multitude de dossiers ayant les mêmes causes et les mêmes objets.

Cependant, une systématisation des recours collectif n'est pas sans heurts sur le bon fonctionnement d'une justice administrative qui souffre déjà de plusieurs maux tels que les lenteurs, son caractère inefficace et mystérieux106. Le plus grand risque est celui de l'encombrement du prétoire de la juridiction administrative par un foisonnement des contentieux. En effet, les tribunaux, déjà engorgés, auront à faire face à une surcharge de dossiers compliqués, ce qui entraînera aussi des difficultés matérielles de les traiter. On pourra alors craindre dans cette situation qu'un examen sérieux des demandes fasse défaut.

Est-ce qu'un recours gracieux collectif entraîne automatiquement un recours contentieux collectif ? À cette question, le juge de la Chambre Administrative de la Cour Suprême répond par l'affirmative. Cependant, cela parait critiquable, car il est évident qu'à la suite d'un recours gracieux préalable collectif, on peut normalement former un recours contentieux personnel. Bien plus, la loi n'interdit que les recours contentieux collectifs -Quand ils sont formés contre des actes divisibles - et non les recours gracieux collectifs. C'est ainsi qu'il est logique de penser que la juridiction administrative quand elle rejette les recours contentieux consécutifs aux recours gracieux collectifs procède par déduction. Peut être veut-elle faire preuve d'innovation et d'originalité. Aucune disposition légale n'interdit le recours gracieux collectif. Peut être aussi veut-elle asseoir un droit administratif jurisprudentiel.

Dans l'affaire SANGALE MAGBEKA Jules Alain c/ État du Cameroun (PM), objet du jugement n°79/ CS-CA /2009 du 25 mars 2009, il est certes vrai que le recours gracieux préalable versé dans le dossier du requérant est collectif

106 Voir THIRIEZ (F), « La justice administrative », Petites Affiches, n°76 du 22 juin 1998, p.42.

- et dirigé contre le reclassement qui est un acte divisible -, car ayant été fait par 74 diplômés de l'IRIC. Cependant, il n'en demeure pas moins vrai que le recours contentieux du recourant est personnel. Dans cette perspective, le rejet systématique des recours gracieux collectifs peut être une entrave sérieuse à l'accès au prétoire administratif au Cameroun.

Nous attendrons de connaitre la position de la juridiction administrative d'appel sur cette notion de recours gracieux collectif, au cas où l'une de ces décisions rejetant le RGP collectif lui sera déférée. Aussi reconnaissons-nous avec M.SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin que le juge d'appel n'est pas du tout lié par la solution du juge du premier degré et peut par conséquent, soit l'infirmer, soit la confirmer simplement107.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Ce qui précède conduit à dire que le recours gracieux préalable demeure un moyen d'ordre public dans le contentieux administratif camerounais. Cela est perceptible notamment dans la jurisprudence administrative.

Le législateur et le juge administratif continuent à assortir ce recours des exceptions, qui, ces trente dernières années ont accru en quantité et en qualité

107 Voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Thèse précitée, pp.293 et ss.

CHAPITRE-2 : L'ATTÉNUATION DE LA RÈGLE

DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

L'atténuation de la règle du recours gracieux préalable est bien une évidence dans le contentieux administratif camerounais. Un tour d'ensemble de la jurisprudence administrative et des textes sur le recours gracieux corrobore cette affirmation. Les exceptions qu'on relève de part et d'autre représentent des atténuations à la règle du RGP. Pour tout dire, on observe de nos jours une multiplication des exceptions à la règle du recours gracieux préalable (Section 1). Les exceptions ainsi consacrées sont diversement justifiées (Section 2).

SECTION-1 : LA MULTIPLICATION DES EXCEPTIONS
À LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

Les exceptions à la règle du recours gracieux préalable sont à analyser dans une double perspective. En bref, il existe deux catégories d'exceptions à la règle du recours gracieux préalable : les unes découlent des dispositions légales alors que les autres sont de nature prétorienne. Nous analyserons donc successivement les exceptions légales (Paragraphe 1) et les exceptions jurisprudentielles (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE-1 : LES EXCEPTIONS LÉGALES

Les exceptions légales à la règle du recours gracieux préalable relèvent essentiellement de deux sources. D'une part, elles découlent de certaines lois en matière électorales et en matière de droits et libertés publiques (A). D'autre part, elles sont relatives à la création du Conseil de Discipline Budgétaire et Financier(B).

A- Les exceptions inhérentes aux lois sur les droits et libertés publiques et
aux lois électorales

Nous analyserons successivement les exceptions inhérentes aux lois électorales (1) et les exceptions propres aux lois relatives aux droits et libertés publiques(2).

1 - Les exceptions inhérentes aux lois sur les droits et libertés publiques

Les revendications des années de braise au Cameroun ont favorisé l'adoption d'une série de lois sur les droits fondamentaux et les libertés publiques. Ces lois recèlent pour certaines des dispositions qui dérogent à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 précitée qui était alors applicable. En clair, ces matières108 peuvent donner lieu à des contentieux qui, bien que ressortissant de la juridiction administrative, ne reçoivent pas application de la règle d'ordre public du recours gracieux préalable. En conséquence les recours qui pourraient être formés sur ces matières sont dispensés de recours gracieux préalable.

Parmi ces lois, on peut mentionner en premier lieu la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 sur les partis politiques. Cette loi énonce en son article 8 alinéa 3 que « Par dérogation aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n°72 /6 du 26 août 1972 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, le refus de l'autorisation prévue à l'alinéa 2 ci-dessus est susceptible de recours, sur simple requête devant le Président de la juridiction administrative ».

Le refus d'autorisation d'un parti politique dont fait état l'alinéa 2 de ladite loi doit être motivé et notifié au déposant par tout moyen laissant trace écrite. Il doit être explicite, contrairement à l'autorisation d'un parti politique qui peut être tacite après un silence de trois mois à compter de la date de dépôt du dossier auprès des services du Gouverneur territorialement compétent. Après l'accomplissement de la formalité de publicité de la part du Ministre chargé de

108 Il s'agit des droits fondamentaux de l'homme et les libertés publiques.

l'Administration territoriale109, le refus de l'autorisation de création d'un parti politique peut donner lieu à un recours devant le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême avec dispense du RGP.

Il en est de même des mesures de suspension d'office pour une durée de trois mois de l'activité d'un parti politique responsable de troubles graves à l' ordre public ou qui ne remplit pas les conditions exigées aux articles 5,6,9,10 et 11 de la loi sur les partis politiques110.

Dans le même ordre d'idées, la décision par laquelle le Ministre en charge de l'Administration territoriale dissout un parti politique peut être attaquée devant la Chambre Administrative sans que le plaignant ait formé au préalable un recours gracieux111 .

On mentionnera en second lieu la loi n°90 /053 du 19 décembre 1990 sur les associations. D'après l'article 13 alinéa 3 de cette loi, « Par dérogation à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les actes prévus aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont susceptibles de recours sur simple requête, devant le Président de la juridiction administrative. Ce recours doit intervenir dans un délai de dix (10) jours à compter de la date de notification à personne ou à domicile. Le Président statue par ordonnance dans un délai de dix (10) jours ».

Les actes mentionnés aux alinéas 1et 2 sont les décisions du Ministre de l'Administration territoriale portant suspension ou dissolution d'une association. Ils peuvent ainsi être portés directement devant le Président de la juridiction administrative112 dans un délai de 10 jours.

109 Le Ministre de l'Administration territoriale est exclusivement compétent selon l'article 7 de la loi n°90/056 précitée pour autoriser l'existence légale d'un parti politique.

110 Article 17 alinéa 1 de la loi n°90/056 précitée.

111 Article 18 alinéa 2 de la loi précitée.

112 Voir jugement n°97/2005-2006/CS-CA du 14 juin 2006, Association Commune Internationale des Femmes Messagers du Christ (CIFMC) c/ État du Cameroun (MINAT et Madame LEMOTIO née ELELONGUE NDINE Solange Alvine. Dans ce jugement, le juge déclare : « Attendu qu'il ressort de l'article 13 alinéa 3 de la loi n°90/53 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d'association que par

En troisième lieu, le contentieux de la saisine des journaux est dépourvu de l'exigence d'un recours gracieux préalable. Ceci ressort de l'article 14 de la loi n°90 /052 sur la liberté de Communication sociale dans son ancienne rédaction qui considérait la saisie des journaux comme un cas d'urgence. Cependant, l'article 17 nouveau alinéa 2 de ladite loi issue de la loi n°96/04 du 04 février 1996 portant modification de la loi sur la liberté de communication sociale expose que :

« La décision de saisie ou d'interdiction est susceptible de recours. Dans ce cas, le Directeur de publication saisit le juge compétent en référé d'heure à heure ou suivant les dispositions légales analogues en vigueur dans les provinces du Nord-ouest et du Sud-ouest ».

Il résulte de cette disposition que désormais c'est le juge judiciaire qui est compétent en cas de saisie ou d'interdiction des journaux.

Certaines opérations électorales au Cameroun peuvent aussi donner lieu aux litiges où les requérants n'ont pas besoin de satisfaire l'exigence du recours gracieux préalable.

2- Les exceptions en matière électorale

Il ressort de l'article 33 la loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux113 que tout électeur ou candidat peut demander la nullité les opérations électorales de la Commune devant le juge administratif. Ces contestations sont dispensées de recours gracieux préalable et

dérogation à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972,fixant l'organisation de la Cour Suprême, le recours contre une suspension des activités d'une association se fait par simple requête devant le Président de la juridiction administrative ».

113 Ces articles disposent respectivement :

Article 33 : « Tout électeur et tout candidat a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la Commune devant le juge administratif »

Article 34-1 : « Par dérogation aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les contestations font l'objet d'une simple requête devant la juridiction administrative ».

ne font l'objet que d'une simple requête devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême114.

Cette disposition a été respectée lors des contestations nées des élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun115.

Dans le même ordre d'idées , l'article 26 nouveau alinéa 1 de la loi n° 2006/010 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 92 /002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux expose que la décision d'acceptation ou de rejet d'une liste de candidats peut être portée devant la juridiction administrative compétente par un candidat , un mandataire de la liste , et tout électeur inscrit sur la liste électorale de la Commune concernée. L'article 33 nouveaux quant à lui habilite tout électeur, tout candidat, tout mandataire ou toute personne ayant qualité d'agent du gouvernement pour l'élection, à demander l'annulation des opérations électorales de la Commune concernée devant la juridiction administrative compétente. Plus intéressant est l'article 34 alinéa 1 nouveau qui dispose clairement : « Les contestations font l'objet d'une simple requête et doivent intervenir dans un délai maximum de cinq (05) jours suivant sa saisine ».

Il faut relever d'emblée qu'une infime partie du contentieux électoral ressortit à la compétence de la juridiction administrative à savoir le contentieux né à l'occasion de l'élection des conseillers municipaux116.

114 Voir OLINGA, (A.D) « Contentieux électoral et état de droit au Cameroun », Juridis Périodique n°41, janvier- février- mars 2000, p. 35.Voir aussi KEUTCHA TCHAPNGA (C), Contentieux administratif, Cours précité. Voir aussi ABA'A OYONO (J.C), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse Droit, Université de Nantes, 1994, p.105.

115 Voir MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », Article précité, p.83.

116 Certains litiges relatifs aux élections ont été attribués au Conseil Constitutionnel crée par le titre 7 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. L'article 48 alinéa 1 de cette loi expose que « Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats ». L'alinéa 2 du même article poursuit en ces termes : « En cas de contestation sur la régularité de l'une des élections prévues à l'alinéa (1) ci - dessus, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l'élection dans la circonscription concernée ou toute personne ayant qualité d'agent du gouvernement pour cette élection ».

On peut aussi relever pour le souligner le fait que la loi fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale permettait déjà à toute personne intéressée par les résultats du scrutin de saisir directement le juge compétent117.

La création du Conseil de Discipline Budgétaire et Financier participe aussi de la mise en évidence des exceptions légales à la règle du RGP.

B - La création d'un organisme de contrôle budgétaire et financier : le
Conseil de Discipline Budgétaire et Financier (CDBF)

La création de l'organisme de contrôle budgétaire et financier à savoir le CDBF a justifié dans certaines circonstances la dispense pour le justiciable de saisir préalablement l'Administration avant un éventuel recours devant le juge administratif. Le Conseil de Discipline Budgétaire et Comptable (CDBC) devenu Conseil de Discipline Budgétaire et Financier a une influence remarquable sur la règle du recours gracieux préalable118. Cette influence tient au fait que le texte qui le régit renferme des dispositions qui font exception à l'exigence du recours gracieux préalable.

« Le Conseil de Discipline Budgétaire et Financier statue par décision ». Telle est la disposition de l'article 2 alinéa 3 du décret n°2008/028 du 17 janvier

Le recours devant le Conseil Constitutionnel qui n'est aucunement une juridiction de l'ordre administratif est dispensé de ce fait même du recours gracieux préalable. D'ailleurs, l'article 77 nouveau alinéa 1 de la loi n° 2006/009 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale énonce que « Les contestations ou réclamations sont faites sur simple requête adressée au Conseil Constitutionnel ». Il s'agit des contestations ou réclamations relatives au rejet ou à l'acceptation d'une candidature, des réclamations ou contestations relatives au sigle, à la couleur ou au symbole adopté par un candidat ou une liste. Le délai de recours est de deux (02) jours suivant la publication des candidatures ou la notification de la décision concernée relative à la couleur, au sigle ou au symbole (Article 72 nouveau, alinéa 5 et article 76 nouveau de la loi n° 2006/009 du 29 décembre 2006 précité).

Voir aussi KEMFOUET KENGNY (E.D), Le contentieux des élections présidentielles et législatives au Cameroun et au Gabon, Mémoire de DEA, Université de Dschang, année académique 2000-2001, pp.59-61.

117 MANDENG (D), Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun, Mémoire précité, pp.40 et ss.

118 Voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Note sous jugement n° 14/94-95/CS-CA du 26 janvier 1995, YAP Jean Emile c/ État du Cameroun, Juridis Périodique n°42, avril -mai -juin 2000.

L'article 14 de la loi n°74/18 du 5 décembre 1974 relative à la responsabilité des ordonnateurs et gestionnaires de crédits publics et des entreprises de l'État dispensait les décisions du Conseil de Discipline Budgétaire et Comptable du recours gracieux préalable.

2008 portant organisation du Conseil de Discipline Budgétaire et Financier. La décision du CDBF intervient à la suite d'une instruction minutieuse des affaires dont il est saisi. L'instruction des dossiers soumis à la CDBF est régie par les articles 15 à 17 du décret de 2008 précité. Pour l'essentiel, on retient que le Conseil prend des décisions sur la responsabilité pécuniaire des ordonnateurs. Ceux de ces derniers reconnus coupables de la mauvaise gestion des ressources de l'État sont mis en débet envers le trésor public, à concurrence du montant des sommes distraites du fait de leur mauvaise gestion. Le point saillant de la procédure devant le CDBF c'est le fait que ses décisions sont dispensées de recours gracieux préalable. Cette dispense ressort clairement de l'article 16 alinéa 1 du décret précité119

Certaines exceptions à la règle du recours gracieux préalable au Cameroun ont été consacrées par la juridiction administrative elle même.

PARAGRAPHE- 2 : LES EXCEPTIONS

JURISPRUDENTIELLES

Certaines exceptions à la règle du recours gracieux préalable tirent leur source dans la jurisprudence administrative camerounaise. Pour les besoins de l'analyse, force est de distinguer les exceptions jurisprudentielles relatives à l'urgence (A) et celles propres aux matières ordinaires (B).

A - Les exceptions jurisprudentielles en matière d'urgence

L'affaire DJANBOU Maurice c/SOCADIC120, objet de l'Ordonnance de sursis à exécution n°38 du 27 juin 1997 portant ordonnance de sursis à exécution consacre une jurisprudence emblématique en matière de sursis à exécution. Cette décision est d'autant intéressante que son analyse ne saurait faire économie des faits. En l'espèce, à la requête de sieur DJANBOU Maurice, Maître BIYIK,

119 Article 16. (1) « Les décisions du conseil ne sont pas susceptibles de recours gracieux préalable

(2) Elles peuvent faire l'objet de recours en annulation devant la juridiction administrative compétente, sans que ce recours ne soit suspensif. »

120KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise », Article précité, pp. 87-88.

huissier de justice saisit au domicile, dans les magasins et bureaux de la SOCADIC des effets mobiliers. L'huissier est sur le point de vendre les biens saisis lorsque le procureur de la République lui fait parvenir un message demandant la restitution des biens saisis, à son sens, de manière irrégulière. Prévenu, DJANBOU Maurice introduit devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême une requête tendant à la rétractation du message -porté du procureur de la République doublé d'une demande de sursis à exécution dudit message.

Ce qui nous intéresse prioritairement dans cette décision qui pose plusieurs problèmes,121 c'est que le recours contentieux de sieur DJANBOU n'était pas précédé d'un RGP. Pourtant, il avait été déclaré recevable par le juge administratif du sursis. Cette Ordonnance faisait par conséquent exception à la règle traditionnelle du recours gracieux préalable. Ce qui n'était ni plus ni moins qu'une interprétation particulière de la loi.

On sait d'ailleurs que dans plusieurs autres affaires, toujours relatives au sursis à exécution122, le juge a admis la recevabilité d'un recours contentieux intenté sans que le contentieux ne soit lié. À vrai dire, le juge a fait droit à un recours contentieux prématuré, étant donné que les délais impartis à l'Administration pour se prononcer sur le RGP n'étaient pas arrivés à leurs termes. Ces décisions bien que soucieuses des droits des justiciables, brillent par leur singularité et n'ont pas fait jurisprudence. Elles sont donc restées isolées.

Avec la loi de 2006 précité, le problème ne se posera plus en ces termes, car l'article 18 alinéa 4 dispose sans ambigüité :

« L'ordonnance prononçant le sursis à exécution devient caduque si, à l'expiration du délai prévu à l'article 18 ci-dessus, le tribunal n'est pas saisi de la requête introductive d'instance ».

121 Par exemple celui de la capacité du juge administratif à protéger les droits des particuliers.

122 Ordonnance de référé n°05/CS/PCA du 05 octobre 1992 portant sursis à exécution, affaire SIGHOKO FOSSI Abraham c/ État du Cameroun (MINSANTE) et Ordonnance de sursis à exécution n°21/OSE/PCA /91-92, Dame MAYOUGA Yvonne c/ État du Cameroun (MINSANTE).

Le délai dont fait état l'article 18 est de 60 jours. Cet article est donc clair sur le fait que désormais - en matière de sursis à exécution-, après avoir adressé le recours gracieux à qui de droit, le requérant peut directement saisir le juge de la Chambre Administrative sans attendre les délais du recours contentieux.

Il serait donc bénéfique pour le requérant d'élaborer un recours gracieux qui vaudra tant pour la demande de sursis que pour le recours au fond. Dans ce cas à l'issue de la décision de sursis, il devra tout simplement attendre les délais si tel est le cas pour saisir le juge.

En matière de référé administratif, sous l'empire de l'article 122 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 précitée, il arrivait souvent que le Juge n'exige pas des requérants le RGP. Tel était le cas dans l'Ordonnance de référé n°41/OR/CAB/PCA/CS/2003-2004 du 07 juillet 2004, Social Democratic Front c/ État du Cameroun (MINATD et MINEFIB) précitée où le juge déclare:

« Attendu qu'il ne résulte pas de ce texte l'exigence d'un recours gracieux préalable, la juridiction saisie qui est celle du Président statuant en matière d'urgence, laquelle ne saurait s'encombrer des délais relatifs au recours gracieux sans courir le risque de voir la situation de l'une des parties en procès irrémédiablement compromise par l'exécution de l'acte administratif ».

En matière ordinaire, la juridiction administrative camerounaise s'est aussi montrée révolutionnaire en recevant certains recours contentieux qui n'étaient pas précédés de recours gracieux préalables.

B - Les exceptions jurisprudentielles en matière ordinaire

Il est souvent arrivé que la juridiction administrative camerounaise par sursaut d'orgueil, si on peut le dire ainsi, admette les recours contentieux malgré l'absence du recours gracieux. Concrètement, il s'agit des cas de violation de la

loi par le juge, sauf que, une décision de justice qu'elle soit bonne ou mauvaise n'est pas moins du droit, nous apprend la théorie positiviste.123

L'exemption du RGP dans certaines affaires a par ce fait même permis que l'Administration soit directement attraite en justice sans avoir au préalable arrêté sa position définitive sur la question litigieuse, comme s'il s'agissait d'un simple particulier. Dans l'affaire Dame MBOCKA Jeannette, objet du jugement rendu le 28 décembre 1978, la Chambre Administrative s'est abstenue d'invoquer le caractère d'ordre public du RGP. Son invocation lui aurait permis de rejeter la requête de Dame MBOCKA. En se comportant ainsi, la juridiction administrative a tacitement reconnu la validité du recours de cette dernière en l'absence du recours gracieux préalable.

Dans le même ordre d'idées, la Chambre Administrative a fait droit au recours d'une Dame qui, à la suite d'un accident de circulation causé par un véhicule de l'Administration l'a saisi directement sans recours gracieux préalable. Elle demandait au juge la condamnation de l'État à lui payer des dommages -intérêts124 . Cette jurisprudence date de 1966. Elle nous permet aussi d'affirmer que c'est à la faveur de l'ordonnance de 1972 et de la jurisprudence ITEM Dieudonné de 1978 que la juridiction administrative a reconnu le caractère d'ordre public du RGP125. Pour intéressante qu'elle ait été, la jurisprudence Dame MBOCKA n'a pas prospéré.

La juridiction administrative a d'ailleurs admis qu'un moyen tiré du défaut de RGP ne peut plus être invoqué si le juge judiciaire saisi préalablement à tort s'est déclaré incompétent126.

123 Voir KELSEN (H), Théorie pure de droit, Trad. EISENMANN, Dalloz, Paris 1962, p. 320.

124 Voir arrêt n°32/ CFJ-CAY du 15 novembre 1966, Dame LAMI ABSATOU Bi Mohaman c/ État du Cameroun, Cité par KEUTCHA TCHAPNGA (C), Cours précité et KAMTO (M), Ouvrage précité, p .42.

125 Voir notre analyse supra.

126 Voir jugement n°45/ CS-CA du 25 mai1982, DZIETHAM Pierre C/ État du Cameroun et arrêt confirmatif CS-AP, arrêt n°8/A du 17 novembre 1983, État du Cameroun c/DZIETHAM Pierre. Dans ce jugement, le juge déclare :

« Attendu que la question de savoir si DZIETHAM a formé un recours gracieux est vaine car DZIETHAM a d'abord saisi le juge de l'ordre judiciaire et la procédure devant le tribunal de Grande Instance ne subordonne pas l'action dirigée contre l'État à un recours gracieux préalable »

Il importe à présent pour nous d'envisager les finalités recherchées par l'édiction de ces exceptions. Parler des finalités de ces exceptions revient à dégager leurs justifications.

SECTION-2 : LES JUSTIFICATIONS DES EXCEPTIONS
À LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

Les justifications des exceptions à la règle du recours gracieux préalable au Cameroun sont diverses. La dispense du RGP dans les recours contre les décisions de la CDBF découle sans doute de l'instruction dont les dossiers font l'objet devant cet organisme. Pour le reste, ces justifications peuvent être divisées en deux groupes. Le premier groupe rassemble les justifications découlant de la promotion des droits de l'homme et des libertés publiques (Paragraphe 1), tandis que le second groupe tient à la prise en considération des questions électorales (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE- 1 : LA PROMOTION DES DROITS DE

L'HOMME ET LIBERTÉS PUBLIQUES

La poussée démocratique a sûrement influé de façon positive sur l'orientation du législateur dans les lois du début des années 90. Ces lois renferment dans certaines de leurs dispositions des dérogations à la règle du recours gracieux préalable comme nous avons pu le relever. Le souci de ces lois était entre autres la promotion des droits de l'homme et libertés publiques.

À la faveur de l'ouverture démocratique au Cameroun, plusieurs lois s'inscrivant dans le cadre de la protection et de la promotion des libertés publiques ont été prises. Il s'agit de la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 sur les partis politiques et la loi n°90 /053 du 19 décembre 1990 sur les associations précitées. Ces dérogations importantes participent, à n'en point douter, à l'affermissement des droits de l'homme et libertés fondamentales. Il va de soi qu'à un moment donné, le recours gracieux préalable est apparu comme une arme tracassière entre les mains de l'Administration. En d'autres termes, il était

une sorte de « mouroir » pour les litiges administratifs. Il en résulte que la sanction d'un droit ou d'une liberté publique violée par les agissements de l'Administration pouvait ne pas être assurée parce le requérant s'était trompé par exemple sur la destination du RGP.

Le droit à un procès équitable est au coeur de la doctrine juridique, et cette question préoccupe au plus haut point les avocats et les plaideurs éventuels ainsi que les magistrats. On ne saurait occulter le fait que « le droit à un procès équitable est un élément central et essentiel de l'État de droit »127. S'il se trouve que le justiciable administré est sacrifié du fait du recours gracieux préalable à l'autel de la bureaucratie administrative, cela pose inévitablement un problème de l'égalité des parties en conflits. Lorsque le juge administratif ne parvient pas à protéger les libertés consacrées du fait du RGP, il y a lieu de s'inquiéter.

C'est la raison pour laquelle sur une matière autant sensible que les libertés publiques, le législateur dispense à certains égards les recourant de l'obligation de former un recours gracieux préalable. Le même raisonnement vaut à quelques exceptions près pour certaines branches du contentieux électoral.

PARAGRAPHE-2 : LA PRISE EN CONSIDÉRATION DES

QUESTIONS ÉLECTORALES

Les questions électorales font également partie des questions sensibles dans les démocraties modernes. On a le plus souvent constaté qu'elles sont à l'origine de la plupart des instabilités politiques dans le monde, et surtout en Afrique où les mécanismes de gestion des élections peinent encore à s'imposer.

Il est tout à fait raisonnable que les questions de nature électorales soient traitées avec minutie, sinon avec la plus grande considération. Les contestations de nature électorale doivent donc être examinées en maintenant à l'écart toutes

127NGUELE ABADA (M), « la réception des règles du procès équitable dans le contentieux du droit public», Juridis Périodique n°63, juillet-août-septembre 2005, p.19. L'auteur cite SUDRE (F) qui rappelait fort opportunément que l'essentiel du contentieux français est formé par le « seul droit à un procès équitable » qui selon lui constitue le « noyau dur » , Droit international et européen des droits de l'homme ,PUF, Coll. « Droit fondamental », Paris, 2ième Ed , p.149.

les barrières qui peuvent se révéler tracassières, au rang desquelles le recours gracieux préalable. Le dénouement des litiges électoraux, doit intervenir en temps réel, la célérité y étant de mise. Cet objectif ne sera jamais atteint s'il faut d'abord adresser un recours gracieux préalable à l'Administration, attendre un délai de trois (3) mois au cas où cette dernière ne réagit pas avant de saisir le juge128. Ce temps est largement suffisant pour laisser la place aux manifestations de rue, voire aux remous sociaux susceptibles de mettre à mal la République, ou d'embraser les différents protagonistes.

Une autre justification réside dans le fait que les questions électorales entretiennent des rapports très étroits avec l'urgence129 . « Il importe, pour le Professeur J.C.MASCLET, que le résultat de l'élection soit fixé sans tarder pour que le doute ne subsiste pas sur la qualité de ceux qui ont été légitimement élus, ou pour que ceux qui ont acquis leur élection de manière irrégulière n'exercent pas plus longtemps un mandat usurpé. Le respect du suffrage qui, se confond avec celui de la démocratie, exige donc le redressement rapide des situations anormales130». Il est alors judicieux de les traiter comme des cas d'urgence, et donc avec la plus grande célérité.

Jusqu'à une période récente, la complexité dans la détermination de l'autorité adressataire faisait du RGP, une arme de renforcement de la bureaucratie administrative, ce qui ne fait pas bon ménage avec le contentieux électoral.

128 Article 17 alinéa 2 de la loi n°2006/022 précitée.

129 PONTIER (J-M) soulignait qu'une certaine lenteur est sans doute nécessaire à la sécurité de la justice, mais lorsque les délais passent à plusieurs distances, ce n'est plus acceptable, surtout pour un contentieux aussi urgent que celui des élections. Voir PONTIER (J-M), « Contrôle juridictionnel et nouvelles protections en France », Administration et Administrés en Europe. Annuaire Européen d'Administration publique. Ed. du CNRS.1984, p.47. Cité par MBARGA NYATTE (D), Article précité, p.85.

130 Voir MBARGA NYATTE (D), Article précité, p.85. L'auteur cite MASCLET (J-C), Le droit des élections politiques, Que sais-je ? n°2643, p.97.

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

L'atténuation de la règle du recours gracieux préalable semble de nos jours une évidence. Étant donné qu'il n y a pas de règle sans exception, il n'est pas surprenant que malgré son caractère d'ordre public, le RGP ne soit pas exigé dans certaines matières. Les exceptions relevées autant de nature légale que jurisprudentielle se justifient tant par l'essor des droits et libertés publiques et par l'urgence de certains contentieux à l'instar du contentieux électoral.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Le recours gracieux préalable après trente ans garde son caractère d'ordre public. Ce caractère n'est pas remis en cause par le législateur de 2006. Il prévaut tant dans les procédures ordinaires qu'en matière d'urgence. Le RGP n'est pas exigé dans les voies de recours, notamment le pourvoi en appel et le pourvoi en cassation. Cette situation est due, entre autres, au principe de l'immutabilité du litige. La règle du recours gracieux préalable a plusieurs conséquences. Par son application, les recours gracieux mal dirigés sont rejetés. Les recours contentieux prématurés le sont également ainsi que les demandes non soumises à l'Administration, et dans une certaine mesure les recours gracieux collectifs.

Les exceptions au recours gracieux sont l'oeuvre du législateur aussi bien que du juge. Elles participent, à n'en point douter, à la bonne administration de la justice qui impose que des questions délicates dans les sociétés modernes soient résolues, sinon avec la plus grande célérité, du moins avec promptitude. Elles matérialisent aussi, dans une certaine mesure, la capacité du juge administratif à protéger les droits des administrés face aux prérogatives exorbitantes de l'Administration.

Les exigences de fond du recours gracieux préalable ont relativement muté au fil du temps et s'imposent avec autant de rigueur que les règles de forme.

SECONDE PARTIE : UNE MODIFICATION

ATTÉNUÉE DES EXIGENCES DE FOND DU

RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

Les exigences de fond du recours gracieux préalable ont connu une transformation autant remarquable que relative. Il faut tout simplement reconnaitre que cette modification a le mérite d'avoir apporté une éclaircie dans le régime du recours gracieux. Ceci est d'autant plus évident que les règles du recours gracieux sujettes à problème portaient sur le fond. Ces règles de fond déteignaient aussi souvent sur les règles de forme. En d'autres termes, par application du caractère d'ordre public du recours gracieux préalable, exigence de forme, une bonne partie des recours était rejetée par la juridiction administrative notamment pour absence de recours. Régulièrement, ces rejets étaient dus au fait que les requérant se trompaient sur l'autorité adressataire ou sur les délais du recours gracieux, exigences de fond. C'est dire que les exigences de forme et de fond du RGP sont liées.

Cette transformation est à deux vitesses, en ce sens où elle n'a pas la même ampleur dans les différents aspects de fond du recours gracieux. Pour tout dire, la modification des exigences de fond du recours gracieux préalable laisse apparaitre une simplification des règles relatives à la détermination de l'autorité adressataire (Chapitre 1), et une quasi stabilité des règles relatives aux délais du recours gracieux (Chapitre 2).

CHAPITRE-1 : LA SIMPLIFICATION DES
RÈGLES RELATIVES À LA DÉTERMINATION DE
L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS
GRACIEUX PRÉALABLE

La simplification des règles relatives à la détermination de l'autorité adressataire du recours gracieux est à mettre au crédit de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 précitée. Par le passé, sous l'empire de l'ordonnance du 26 août 1972, il n'était point aisé pour le justiciable d'adresser un recours gracieux auprès de qui de droit, même quand la faute de l'Administration était évidente. Les dispositions légales relatives aux autorités adressataires du recours gracieux étaient pour le moins évanescentes, sinon difficilement saisissables. Cette difficulté nuisait tant au juge, à l'Administration ainsi qu'à l'administré.

La situation s'est désormais clarifiée car à l'issue de la loi de 2006, le recours gracieux préalable est devenu un recours dont l'identification de l'autorité adressataire est simplifiée. Plusieurs hypothèses permettent de mettre en évidence cette simplification. Pour mieux comprendre cette question, il convient d'opérer une distinction entre les principales hypothèses (Section1) et les autres hypothèses (Section 2).

SECTION-1 : LES PRINCIPALES HYPOTHÈSES

L'identification de l'autorité adressataire du RGP lorsque l'État est en cause est une évidence qui ressort de l'article 17 de la loi de 2006 précitée (Paragraphe 1). De même, il est aisé de reconnaitre le destinataire du RGP dans les établissements publics (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE-1 : L' AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU
RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE AU NIVEAU DE
L'ÉTAT

La détermination du destinataire du recours gracieux de l'État par la loi de 2006 sur les tribunaux administratifs précitée a été saluée par la doctrine131. Il était grand temps que le législateur intervienne pour mettre fin à une situation inconfortable qui n'avait que trop duré. Une réforme sur l'autorité compétente pour recevoir le RGP était d'ailleurs « attendue132 ». Désormais, dans l'État l'auteur de l'acte querellé (A) est le destinataire du recours gracieux préalable parce qu'il y a eu abrogation du très controversé « Ministre compétent », adressataire du RGP (B).

A - L'auteur de l'acte querellé, destinataire du recours gracieux

L'autorité adressataire du recours gracieux préalable sera désormais avec l'article 17 alinéa premier de loi de 2006 l'auteur même de l'acte attaqué. La récente loi est sans équivoque à ce sujet. La formule de « Ministre compétent » autant « maladroite » que difficile d'application que l'on retrouvait dans l'ancienne loi133 est dorénavant exclue du domaine du recours gracieux préalable au Cameroun. L'article 17 (1) de la loi de 2006 répond par lui même « aux attentes des justiciables jadis déroutés par l'imprécision et les difficultés jurisprudentielles maintes fois dénoncées 134». Si par exemple c'est le Président de la République qui a pris l'acte querellé on n'aura plus à se démener pour savoir qui sera dans ces conditions le Ministre compétent pour recevoir le RGP. Ce sera désormais lui-même le destinataire du recours gracieux. Il en sera de même si l'acte incriminé est pris par le Délégué générale à la sûreté nationale.

131 KEUTCHA TCHAPNGA (C) « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », Juridis Périodique n° 70, avril-Mai-Juin 2007, pp .24-29, notamment p.28.

132 Ibidem. Voir le titre de l'article, p. 24.

133 Article 12 de l'ordonnance de 1972 précitée.

134 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Article précité, p.28 ; voir aussi KAMTO et NLEP dans leur Ouvrage précité.

Les justiciables vont sûrement grâce à cette réforme accorder plus de crédibilité au contentieux administratif. Les administrés seront plus motivés à défendre leur droits contre l'Administration.

Malgré cette consécration tant attendue de l'auteur de l'acte querellé comme destinataire de RGP lorsque l'État est en cause, il peut tout de même se poser le problème de l'identification dudit auteur. En général, il est très aisé de déterminer l'auteur d'un acte administratif quand ledit acte est signé. Dans ce cas, il est tout à fait clair que l'auteur d'une décision administrative est celui dont la signature est apposée sur la décision. Sur une décision révoquant par exemple un militaire du corps de l'armée, on retrouvera sur ladite décision soit la signature du Ministre en charge des forces armées, soit la signature du Président de la République selon que l'un ou l'autre est compétent.

Il est de jurisprudence constante que la signature est une mention obligatoire pour la validité des actes administratifs. Elle permet de reconnaitre l'auteur de l'acte. Elle assure aussi l'authenticité de l'acte administratif d'où il résulte que son absence fait de l'acte un faux ou un tract. La Chambre Administrative de la Cour Suprême a eu à le rappeler.135Une décision administrative dépourvue de signature est susceptible d'annulation devant le juge administratif, au même titre qu'un acte administratif pris par une autorité incompétente.

On dira désormais qu'une barrière au droit d'accès à la justice administrative est tombée avec la réforme de 2006. Allusion est faite ici à l'abrogation du terme très controversé de « Ministre compétent » de l'ordonnance de 1972 précitée.

135 Jugement n°71/ CS-CA du 28 septembre 2000, NGANG Anatole. Cité par ABA'A OYONO (J-C), Pratique des contentieux de Droit public, Cours précité.

B - L'abrogation de l'expression « Ministre compétent », destinataire
du recours gracieux préalable

Jusqu'à l'ordonnance du 26 août 1972, les recours gracieux préalables ne pouvaient être adressés qu'à une autorité soit désignée par décret en ce qui concerne la République fédérale et les États fédérés, soit statutairement habilitée à représenter la collectivité publique en cause136. Pour la République fédérale, les Ministres de l'Administration territoriale et celui de la fonction publique étaient seuls habilités à recevoir le recours gracieux. Quant aux recours qui concernaient les États fédérés, ils devaient être obligatoirement adressés à leur Premier Ministre respectif137. On remarque alors que l'instruction du recours était fortement centralisée, ce qui constituait déjà un grand problème pour les requérants excentrés.

Une étude statistique menée à la suite des recours gracieux adressés au courant des années 1968, 1969 et 1970 aux autorités fédérales faisait apparaître un pourcentage extrêmement élevé de rejets implicites dont 57,4% en 1968 ; 56,2% en 1969 et 59,2% en 1970138. Il s'agissait selon le Professeur JACQUOT des rejets forcés pour manque de temps nécessaire pour les instruire139.

L'ordonnance de 1972/06 entendait mettre un terme à cette situation. En effet, l'article 12140 disposait que le recours gracieux est adressé au « Ministre compétent ». Il se déduisait du décret 73/51 du 10 février 1973 relatif à la représentation de l'État en justice qu'il s'agissait des Chefs de départements ministériels directement intéressés, c'est-à-dire au Ministre qui assure soit la responsabilité de l'Administration avec laquelle le requérant est en litige, soit la

136 Article 17 de la loi du 14 juin1969 qui reprenait sur ce point les dispositions de l'ordonnance du 4 octobre 1961dont l'article 15, paragraphe 3.

137 JACQUOT (H), « Le contentieux administratif au Cameroun », Article précité, p.114.

138 AMBOMO ONANA (A), Le recours gracieux préalable au Cameroun est-il effacé ? Rapport de Licence, mai 1971.Cité par JACQUOT (H), Article précité, p.114.

139 JACQUOT (H), Article précité, p.114.

140 « Le recours devant la Cour Suprême n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé au Ministre compétent ou à l'autorité statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établissement public en cause ».

tutelle technique des personnes morales de droit public en cause141 . Dans ce cas, le risque était grand que le Ministre compétent ne maîtrise pas les contours de la décision attaquée, ce qui ne pouvait qu'entraîner des rejets implicites. Il faut relever qu'il s'agissait là du Ministre autorité administrative et non de la personne du Ministre nommément désignée ainsi que l'a précisé la Chambre Administrative de la Cour Suprême dans le jugement n°8/CS-CA/87-88 du 29 octobre 1987, MASSO LOBE Jean Charles142.

Les administrés se perdaient fréquemment en conjecture lorsqu'il fallait introduire un recours gracieux préalable auprès de l'Administration. Cela était düà plusieurs facteurs au rang desquels l'ignorance des requérants, la complexité

des textes applicables, et l'organisation administrative du pays143. Cette situation faisait du recours gracieux préalable avant la réforme du contentieux administratif intervenue en 2006 un morceau dur à croquer pour les requérants, ou bien un «un couperet dont les conséquences peuvent être dommageables aux particuliers victimes144 », ou encore « un véritable barrage dans la saisine du juge 145». L'institution du recours gracieux a pour ainsi dire occasionné des égarements tant de la part du juge, de l'Administration que des requérants. L'inconfort juridique en question était imputable, entre autres, à l'expression « Ministre compétent » qu'on retrouvait à l'article 12 de l'ordonnance du 26 août 1972 précitée. Plus grande devenait la difficulté lorsque par exemple dans une affaire, plusieurs Ministres s'avéraient compétents. Le plus dur étant dans ce cas de déterminer lequel de ces Ministres serait habilité au regard de l'article 12 de l'ordonnance de 1972 à recevoir le RGP.

Plusieurs affaires peuvent illustrer cette situation. La plus marquante est le jugement n°24 du 13 juillet 1978 ESSOMBA TONGA Gabriel, rendu par la

141BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de l'État en justice au Cameroun », RCD, Série II, 1984, pp.25-26.Voir aussi KEUTCHA TCHAPNGA (C), Cours de Licence précité.

142 Voir KAMTO (M), Ouvrage précité, p.40.

143 GUIMDO DONGMO (B-R), « Le droit d'accès à la juridiction administrative au Cameroun », Article précité, p.476.

144 Voir NGUELE (M), « La réception des règles du procès équitable dans le contentieux du droit», Article précité, p. 33.

145 Voir FANDIP (O), Les juridictions administratives et le temps; cas du Cameroun et du Gabon, Mémoire de DEA, Université de Dschang, année académique 2006-2007, p.42.

Chambre Administrative de la Cour Suprême. Dans cette affaire, le requérant est candidat malheureux au concours d'inspecteur de la jeunesse et des sports. Indigné par les résultats de ce concours, il saisit le Ministre de la jeunesse et des sports d'un recours gracieux en vue de l'annulation des résultats dudit concours. Déçu par la réponse du Ministre, le plaignant saisit la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Malheureusement, la Cour le déboute de son recours au motif qu'il devait adresser son recours gracieux au Ministre de la fonction publique puisque l'organisation du concours lui revenait146. Ce raisonnement de la juridiction administrative fit un tollé au sein de la doctrine. Le Professeur Henri JACQUOT par exemple avait estimé qu'« il aurait peut- être été plus avisé de décider que pour l' État, les recours gracieux doivent être adressés soit à l'autorité qui a pris la décision contestée ou causé le dommage, soit à son supérieur hiérarchique ».147La loi de 2006 n'est pas loin de cette suggestion.

Cette notion de Ministre compétent recelait également plusieurs autres imprécisions. Qu'adviendrait-il si la décision contestée émanait du Président de la République ou de ses services, ou du Premier Ministre ? Y aurait-il un « Ministre compétent » ? Naturellement, une réponse négative s'impose parce que le Président de la République n'est pas un Chef de département ministériel, le Premier Ministre ne l'est non plus.

Cette situation contribuait à entraver l'expression du droit d'accès à la justice administrative au Cameroun parce qu'elle éloignait les justiciables du prétoire. Le droit d'accès au juge doit être entendu comme « un droit qui permet non seulement de saisir effectivement le juge sans entraves financières ou juridiques excessives, mais encore d'être entendu par ce juge et obtenir un jugement 148 ». Avant la loi n°2006/022 précitée, il n'était pas abusif de relever

146 Voir KAMTO (M), Droit administratif processuel du Cameroun, Ouvrage précité, pp.144-145.

147 JACQUOT (H), « Le contentieux administratif au Cameroun » RCD n°8, juillet - décembre 1975, p.114.

148 GARRIDO (L), Le droit d'accès au juge administratif. Enjeux, progrès et perspectives. Thèse Droit, Université Montesquieu Bordeaux IV, novembre 2005, p .11.

Voir aussi GREWE (C), (dir), « L'accès au juge, le droit processuel d'action » in procédure (s) et effectivité des droits, D'Ambro (D), Benoit Rohmer (F) et GREWE (C), Bruylan, 2003, p.41.

que le RGP constituait une entrave à la justice administrative qui est selon les termes du Professeur KAMTO « l'expression concrète de la protection des citoyens contre les risques d'arbitraire de l'Administration (...) un moyen de défense de l'individu contre les abus du pouvoir, non pas en vue de compromettre l'autorité de celui-ci, mais de lutter contre d'éventuelles dérives despotiques 149».

Au niveau des établissements publics le statu quo a été maintenu, étant donné que le texte y relatif était suffisamment clair et ne nécessitait pas absolument une réforme.

PARAGRAPHE-2 : L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU
RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE DANS LES
ÉTABLISSEMENTS PUBLICS

Relevons d'entrée de jeu qu'en ce qui concerne les établissements publics la loi de 2006 s'inscrit dans la ligne tracée par le législateur de 1972 en ce qui concerne l'autorité adressataire du RGP. En d'autres termes, la loi n°2006/022 précitée n'a rien changé, du moins pour ce qui est de l'autorité adressataire des établissements publics. Cette réalité découle du fait que, comme par le passé, le droit positif camerounais fait de l'autorité statutairement habilitée à représenter l'établissement public en litige la personne compétente pour recevoir le recours

Voir également, FRISSON ROCHE (M.A), « Le droit d'accès à la justice et au droit », Libertés et droits fondamentaux ,12ème Ed, sous la direction de CABRILLAC (R), FRISSON-ROCHE (M.A), th. Revet, Paris, Dalloz, 2006 p.451 et BANDRAC (M), « L'action en justice, droit fondamental », Mélanges Perrot .Dalloz, Paris, 1995, p.1. Cités par GUIMDO DONGMO (B-R), « Le droit d'accès à la juridiction administrative au Cameroun. », Article précité, p.454.

Voir dans le même sens, L'accès à la justice : un droit fondamental /le point de vue de l'avocat, Conférence « Vers un meilleur accès des citoyens à la justice »Bruxelles, 24-26 octobre 2002, Intervention de KARINE (M), Avocat, Conseil des Barreaux de l'Union européenne (CCBE) (fichier PDF).

149 KAMTO (M), Ouvrage précité, p.7.

gracieux préalable (B). Encore est-t-il que le requérant doit pouvoir identifier cette autorité (C). Mais avant cela, nous ferrons une présentation des établissements publics au Cameroun (A).

A- Présentation des établissements publics

Les établissements publics sont régis au Cameroun actuellement par la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic. Cette loi en son article 2 alinéa 3 définit un établissement public administratif150 comme une « personne morale de droit public, dotée de l'autonomie financière et de la personnalité juridique ayant reçu de l'État ou d'une collectivité territoriale décentralisée un patrimoine d'affectation, en vue de réaliser une mission d'intérêt général ou d'assurer une obligation de service public ».

Pour Jacques MOREAU, l'établissement public peut être identifié par la réunion de trois éléments : c'est d'abord une personne morale administrative, ensuite c'est un organisme qui gère un ou plusieurs services publics complémentaires et soumis à la règle de la spécialité. Enfin, l'établissement public est rattaché par divers liens à l'État ou aux collectivités publiques locales151.

Le contrôle de l'État sur les établissements publics revêt la forme de la tutelle. D'après la loi de 1999 précitée, la tutelle est le « pouvoir dont dispose l'État pour définir et orienter la politique du Gouvernement dans le secteur où évolue l'établissement public administratif ou l'entreprise du secteur public ou parapublic en vue de la sauvegarde de l'intérêt général. Elle s'exerce sur le plan

150 Les services publics industriels et commerciaux ainsi que les sociétés parapubliques et les sociétés d'économie mixte ne sont pas des établissements publics au sens de l'article 17 de la loi de 2006 précitée, et par conséquent ne requièrent pas application des règles relatives au RGP. Ils sont justiciables du juge judiciaire. Voir en ce sens jugement n°159/2004-2005/ CS-CA du 27 juillet 2005, Dame AGNOUNG MOUTE Bernadette c/Cameroon Telecommunication (CAMTEL). Voir aussi arrêt n°6/A/ CS-AP du 09 janvier 1975, CDC c/SOCOPAO (Publié par MBOUYOM (F-X), Recueil des grands arrêts de la Jurisprudence Administrative de la Cour Suprême du Cameroun, 1970-1975, T.2, Ed KENKOSON, Yaoundé, pp.144-145.

151 MOREAU (J), Droit administratif, Ouvrage précité, pp.82 et ss.

technique et sur le plan financier par un département ministériel ou par toute autre Administration ou organe désigné dans les statuts ».

Les Universités d'État sont des prototypes d'établissements publics. L'Agence de Régulation des Marchés Publics est aux termes de l'article 2 alinéa 1 de la loi n°2001/048 du 23 février 2001 portant création, organisation et fonctionnement de l'Agence de Régulation des Marchés Publics un établissement public administratif doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle est placée sous la tutelle de la Présidence de la République.

Quant au destinataire du RGP lorsqu'un établissement public est en cause, cette prérogative est reconnue à l'autorité statutairement habilitée à représenter l'établissement en cause.

B - L'autorité statutairement habilitée à représenter l'établissement
public en cause

« Le recours devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité ou l'établissement public en cause » (Article 17 alinéa 1 de la loi de 2006 précitée).

La formulation de cet article ainsi que celle de l'article 12 de l'ordonnance de 1972 abrogée sont sans équivoque à propos de la personne habilitée à recevoir le RGP des établissements publics.

« En tant que personne morale, l'État ne peut intervenir dans une instance judiciaire que par l'intermédiaire de personnes physiques agissant ou répondant en son nom. Il en va de même pour certains services publics nationaux qui, tout

en disposant d'une Administration et des moyens administratifs propres ne sont cependant pas dotés d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État152 ».

L'article 17 de la loi de 2006 ne saurait faire l'objet d'une interprétation hasardeuse en ce qui concerne le destinataire du RGP dans un établissement public. La règle du RGP est incontournable sauf exception. Il va de soi que « l'exercice d'une tutelle administrative ne semble pas modifier cette règle fondamentale 153».

Le mauvais souvenir laissé par le juge de l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême dans l'arrêt GUIFFO Jean-Philippe rendu en 1985154 ne saurait hanter la jurisprudence administrative camerounaise de nos jours. Le juge avait fait une interprétation atypique155 de l'article 12 de l'ordonnance de 1972 en admettant que le Ministre de l'éducation nationale était statutairement habilité à recevoir le RGP dans une affaire mettant en cause l'Université de Yaoundé.

Cette jurisprudence ne saurait prospérer dans la jurisprudence camerounaise. Il va de soi qu'en application de l'article 17 de la loi de 2006 précité, l'auteur de l'acte querellé peut être en même temps la personne habilitée à représenter l'établissement public en cause.

L'affaire GUIFFO Jean-Philippe ressemble à certains égards à l'affaire SOBGUI Gabriel Alexis c/ État du Cameroun (Ministère de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche scientifique (MESIRES) et Université de Yaoundé. Cette affaire est objet du jugement n°106/02-03 /CS-CA

152 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de l'État en justice au Cameroun », Article précité, p.21.

153 OWONA (J), Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Ouvrage précité, p.207.

154 Arrêt n°16/A / CS-AP du 13 juin 1985, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun, arrêt infirmatif du jugement n°40/CS-CA/80-81 du 30 avril 1981, GUIFFO Jean -Philippe c/ État du Cameroun rendu par la Chambre Administrative. (Voir KAMTO (M), Droit administratif processuel de la République du Cameroun, Ouvrage précité, pp.149 et ss.

155À Propos de l'interprétation voir COHENDET (A-M), Ouvrage précité, pp.23-28. L'interprétation faite par la juridiction administrative était nous semble -t-il ni séméiotique, c'est-à-dire basée sur le langage dans lequel est exprimé le texte, ni téléologique ou finaliste c'est-à-dire en fonction de l'objectif visé par la création de ce texte. Cette interprétation était encore moins systémique. Autrement dit, elle ne prenait pas en considération d'autres articles ou éventuellement d'autres règles de droit pour qu'ils s'éclairent les uns les autres. Même fonctionnelle-basée sur l'objectivité-, elle ne l'était pas.

du 27 août 2003156. SOBGUI Gabriel Alexis est enseignant au même titre que GUIFFO Jean-Philippe. Cependant, le dénominateur commun entre ces deux affaires réside moins sur cet aspect fonctionnel que sur le plan processuel. Bien plus, on observe une nuance bien qu'elle soit légère au niveau de cette dernière affaire. Les faits de ce jugement se présentent en ces termes.

Sieur SOBGUI Gabriel Alexis en litige avec l'Université de Yaoundé adresse un recours gracieux préalable au Ministre de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche scientifique en date du 13 novembre 1990. La Chambre Administrative déclare son recours mal dirigé et rejette en conséquence son recours contentieux, motif pris de ce que le RGP du requérant était adressé au Ministre de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche scientifique et non au Chancelier d'Université. En clair, dans cette décision telle que rapportée par M. SIETCHOUA Célestin, la Haute juridiction déclare :

« Attendu cependant que depuis le décret n°73/477du 27 août 1973, l'Université de Yaoundé est placée sous l'autorité d'un Chancelier qui, aux termes de l'article 23 dudit décret est sans nul doute l'autorité habilitée à recevoir le recours gracieux lorsque l'Université est mise en cause, encore qu'il est constant qu'elle est devenue un établissement public doté de la personnalité juridique autonome ».

Par ce raisonnement, le juge de la Chambre Administrative prenait à contre pied son prédécesseur qui, quelques années plutôt, dans l'espèce GUIFFO Jean-Philippe précitée avait fait droit à un recours gracieux préalable adressé au Ministre de l'éducation nationale au lieu du Chancelier d'Université.

La réforme de 2006 somme toute fondamentale ne doit pas être considérée comme une fin en soi pour le recours gracieux préalable au Cameroun, étant donné que la nécessité d'une protection plus accrue des justiciables face à une puissante Administration est toujours d'actualité. C'est pour cela qu'il est

156 Pour une présentation de cette affaire, voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême-Chambre Administrative, Juridis Périodique n°77, janvier-février-mars 2007, pp.56-57.

toujours important que les textes déterminent clairement les autorités habilitées à représenter l'établissement en cause.

C - La détermination de l'autorité statutairement habiitée à

représenter l'établissement public en cause

La détermination de l'autorité statutairement habilitée à représenter l'établissement public en cause est relativement aisée. Le plus souvent, les textes qui régissent l'établissement public en cause désignent formellement la personne qui pourrait éventuellement le représenter en justice en cas de litige. Dans la plupart des cas, c'est le Chef de l'établissement public pour ne pas dire celui qui se trouve à la tête de cet établissement qui est l'autorité adressataire du recours gracieux préalable. Il est vrai que ce dernier peut déléguer ce pouvoir à une autre personne disposant comme lui d'une autorité légitime dans l'établissement à représenter. Le Professeur BIPOUN WOUM écrivait d'ailleurs qu' « une personne publique, l'État par exemple ne peut être représenté que par un individu ou un groupe d'individus ayant la qualité d'autorité administrative 157».

Il peut arriver que le droit applicable à certains établissements publics fasse l'objet d'une interprétation problématique par les différents protagonistes. Ainsi, on peut constater dans l'arrêt de l'Assemblée Plénière GUIFFO Jean-Philippe précitée158, que le requérant par ailleurs enseignant de droit et le juge se sont mépris sur l'interprétation du décret n°73/477du 27 août 1973 qui plaçait l'ancienne Université de Yaoundé sous l'autorité d'un Chancelier distinct du Ministre de l'éducation nationale. Cette méprise tenait au fait d'estimer que le Ministre en charge de l'éducation nationale fût compétent en tant qu'autorité adressataire du recours gracieux préalable. M. SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin dira plus tard que cet arrêt opérait une rupture surprenante d'avec

157 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de l'État en justice au Cameroun », Article précité, p.42.

158 Arrêt n°16/A/CS-AP du 13 juin 1985 GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun précité.

certaines règles les plus solidement établies en matière de recours gracieux préalable159.

Avec la réforme universitaire au Cameroun intervenue en 1993 portée par le décret n°93/027 du 19 janvier 1993 fixant les dispositions applicables aux Universités, le Recteur d'Université est l'autorité statutairement habilitée à représenter cet établissement public en justice, et donc compétent pour recevoir le RGP (article 31 in fine).

En définitive, il faut se référer aux textes qui régissent un établissement public donné pour savoir qui est l'autorité adressataire du recours gracieux préalable dans cet établissement.

Certaines hypothèses sont aussi envisageables dans le cadre de la détermination du destinataire du recours gracieux préalable.

SECTION - 2 : LES AUTRES HYPOTHÈSES

L'examen le plus complet de la question de l'autorité adressataire du recours gracieux nous impose sans doute d'évoquer aussi la situation des contentieux mettant en cause les collectivités territoriales décentralisées (Paragraphe 1). Ensuite, nous analyserons le recours gracieux préalable dans l'administration fiscale (paragraphe 2) et enfin, nous traiterons de l'opportunité de la prescription d'une obligation de transmettre le recours gracieux en cas d'erreur du requérant (paragraphe 3).

159 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Note sous arrêt n°01/A/CS-AP du 25 février 1999 précité, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun du 25 février 1999, Juridis Périodique n°65, Janvier- février- mars 2006, p.40.

PARAGRAPHE -1 : L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU
RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE À L'ÉCHELON DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES

Le contentieux des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun est désormais un contentieux ordinaire. Avec les avancées considérables du processus de décentralisation au Cameroun, on a vu apparaitre de nouvelles règles applicables dans les contentieux impliquant les collectivités territoriales décentralisées. Ces règles ont apporté des innovations au niveau du RGP des collectivités territoriales décentralisées.

Tel n'était pas le cas avant l'intervention des lois de 2004 sur la décentralisation au Cameroun. L'entrée en vigueur de ces lois a simplifié la phase précontentieuse des litiges impliquant les collectivités territoriales. On retient que désormais, la détermination du destinataire du RGP se fera sur la base des règles ordinaires du contentieux administratif (A) et le recours de tutelle jadis accessoire au recours gracieux préalable a été supprimé (B).

A - L'application des règles ordinaires du contentieux administratif

Désormais, avec l'entrée en vigueur des lois de 2004 sur la décentralisation160 , les textes sont désormais clairs en ce qui concerne la phase précontentieuse des litiges impliquant les collectivités territoriales décentralisées au Cameroun. L'article 49 alinéa 1 de la loi d'orientation de la décentralisation précise que le Maire ou le Président du Conseil régional représente la collectivité territoriale en justice. Déjà, l'article 10 de la loi de 1974 portant organisation communale faisait du Maire le représentant de la Commune dans tous les actes de la vie civile, notamment la représentation en justice. Cette loi conférait les mêmes pouvoirs au Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine. Cette compétence leur sera également reconnue par la loi n° 015 du 15 juillet 1987 sur les Communautés urbaines. De son côté, l'article 51 de la loi

160 Loi n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation ; loi n°2004 /018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Communes ; loi n°2004 /019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Régions.

n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation précitée, expose clairement que « les recours dirigés contre les collectivités territoriales obéissent aux règles du contentieux administratif, ou du contentieux de droit commun selon le cas ».

Les règles du contentieux administratif auxquelles renvoie cette disposition, plus particulièrement dans le cadre du recours gracieux préalable, ne sont ni plus ni moins que celles prévues à l'article 17 de la loi de 2006 précitée. Il s'agit en bref de toutes les règles relatives au RGP, que ce soit en matière ordinaire ou en matière d'urgence, sans oublier les textes portant dérogations à la règle du recours gracieux préalable. Cette loi, somme toute révolutionnaire, vient élucider un aspect du contentieux administratif camerounais qui n'était pas des moindres dans l'égarement des justiciables. Autrement dit, le contentieux des collectivités territoriales contribuait avant les lois de 2004 sur la décentralisation à faire du contentieux administratif au Cameroun un contentieux mal connu161.

La notion de représentation n'est pas une inconnue en droit. On en parle en droit public et même davantage en droit privé. Cependant, son usage dans l'un ou l'autre branche du droit ne revêt pas la même signification, loin s'en faut. Dans la compréhension de la notion de représentation, les juristes font recours à celle de mandat entendu comme l'acte par lequel une personne appelée mandataire est chargée de représenter une autre, le mandant pour l'accomplissement d'un ou de plusieurs actes juridiques. Cette définition aux relents conventionnels sied plus au droit privé et ne donne lieu qu'à quelques rares applications en droit public, que ce soit en droit administratif162 comme en droit constitutionnel. On ne saurait concevoir le mandat d'un élu de la nation dans un tel contexte.

Le Professeur Joseph-Marie BIPOUN WOUM dira à cet effet que « les règles de droit constitutionnel propres au mécanisme de la représentation

161 Voir NLEP (R .G), Note sous jugement n°58 / CS-CA du 29 juin 1989, Société RAZEL Cameroun c/ État du Cameroun et Commune rurale de Tiko, RJA, n°1, 1991, pp. 89-92.

162COUDEVILLE (A), « La notion de mandat en droit administratif », AJDA, 1979, n°9, p.10 .Cité par LIMBOUYE YEM (C), Article précité, p.3.

politique s'avèrent immédiatement d'une utilité très secondaire dans le cas présent : l'exercice de la souveraineté au non du peuple et la gestion administrative de l' État ne se rencontrent pratiquement guère et on conçoit difficilement un député à l'Assemblée nationale ou le Président de la République dans l'habit d'un défenseur de la cause de l' État devant les tribunaux163 ».

Les mandats électifs sont dépourvus de lien de subordination entre le mandant, le peuple et le mandataire qui est l'élu. Autrement dit, c'est un mandat indépendant qui ne peut être sanctionné qu'à la faveur de la prochaine élection. C'est le contraire en droit privé où le représenté garde la possibilité d'intervenir lui-même afin de « corriger dans le sens de ses intérêts d'éventuelles carences du représentant ». 164

En droit public, l'utilisation du terme mandat se fait dans un cadre très spécifique. Ce cadre est celui du mandat électif. On peut parler par exemple de mandat parlementaire ou de mandat municipal. Pour ce qui est de la représentativité des collectivités locales, il serait désormais question de « mandat régional », de mandat communal et aussi celui que détient le Délégué du gouvernement. Le recours gracieux préalable destiné à une Commune est adressé au Maire, celui de la Région au Président du Conseil régional, et enfin celui de la Communauté urbaine au Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine. Ces collectivités sont toujours représentées parce que ce ne sont pas des personnes physiques. De ce fait, ils n'existent que par l'intermédiaire des personnes qui les constituent, et pour parler comme le Professeur Léon DUGUIT, on ne peut pas dîner avec une collectivité publique locale puisque c'est une personne morale.

Un autre problème, celui de l'obligation de saisir l'autorité de tutelle en cas d'insuccès du recours gracieux préalable a été résolu par la réforme de 2004.

163 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de l'État en justice au Cameroun », Article précité, p.22.

164 Ibidem.

B- La suppression du recours de tutelle accessoire au recours gracieux
préalable

Avant les lois de 2004, il n'était pas du tout facile pour le requérant de poursuivre une collectivité publique en justice. Le véritable obstacle sur lequel les requérants buttaient se trouvait au niveau du RGP et consistait dans le fait que ces derniers avaient à former un recours gracieux préalable doublé d'un recours de tutelle. On pourrait même estimer à tort ou à raison qu'il s'agissait d'un double recours gracieux. Cette situation résultait de ce qu'après échec du RGP, le requérant devait non pas directement saisir la juridiction administrative, mais s'adresser à l'autorité de tutelle par le truchement d'un recours de tutelle. La décision du Maire sur le recours gracieux était donc insuffisante pour lier le contentieux.

L'article 73 de la loi de 1974 sur l'organisation communale précité dispose à cet effet que « les actes du Maire...peuvent être l'objet d'un recours gracieux auprès de leur auteur. En cas d'insuccès, ils sont soumis à l'appréciation de l'autorité de tutelle ; les délais du recours contentieux ne courant qu'à partir de la date de saisine de cette autorité ».

Plus significativement, l'article 56 de la loi de 1987 sur les Communautés urbaines précitée dispose qu' « aucune action contre la Communauté urbaine n'est recevable si le demandeur n'a pas préalablement adressé à l'autorité de tutelle une requête exposant l'objet et les motifs de sa réclamation dans les délais prévus par la législation en matière de contentieux administratif ».

L'article 31 du décret n°77/91 du 25 mars 1977qui déterminait les pouvoirs de tutelle sur les Communes, les syndicats de Communes et établissements communaux était encore plus explicite quand il énonçait que « les actes du Délégué du Gouvernement, du Maire ou de l'administrateur municipal peuvent faire l'objet d'un recours gracieux auprès de leur auteur. En cas d'insuccès ou si le magistrat municipal garde le silence, pendant un mois, ils sont soumis à l'appréciation du Préfet qui dispose de deux mois pour y donner avis. Le silence

gardé par le Préfet vaut décision implicite de rejet. En cas de recours contentieux les délais courent à partir de la date de notification du rejet explicite ou à partir de la date de rejet implicite165 ».

Ces dispositions témoignent à suffisance de la situation dans laquelle se trouvait le justiciable, quand il avait à exercer un recours en justice contre une collectivité publique. Certaines décisions de justice corroborent cette tendance.

Le jugement n°58/CS-CA du 29 juin 1989, Société RAZEL Cameroun c/ État du Cameroun et Commune rurale de Tiko traite de cette complexité jadis décelée en son temps par NLEP Roger Gabriel.

En effet, à la suite d'une délibération du Conseil municipal de la Commune rurale de Tiko prise en date des 27 et 28 janvier 1984, il est institué une taxe sur le transport des pierres dans le ressort de la Commune. La Société RAZEL qui a pour activité principale la construction et l'entretien des routes, et donc inévitablement utilise les pierres comme matériaux, se trouve dans la posture d'un transporteur occasionnel de pierres, est imposée à la taxe instituée par délibération municipale à la suite d'un commandement du receveur municipal. Insatisfaite de cette mesure, la Société RAZEL saisit le Ministre de l'Administration Territoriale d'un recours gracieux préalable aux fins d'annulation de cette taxe. Le Ministre ne fit pas droit à sa demande, la contraignant à se porter à la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Cette fois, la juridiction administrative déclare son recours irrecevable, le RGP ayant été mal dirigé. On peut d'ailleurs lire en substance dans ce jugement ce qui suit :

« Attendu que dans le cas d'espèce la Société requérante devait adresser son recours gracieux au Maire de la Commune de Tiko, statutairement

165 Voir jugement n°90/2008/CS-CA du 13 août 2008, KWANYA NGANGWA André Richard c/ État du Cameroun (Communauté Urbaine de Douala). La cour affirme :

« Attendu en l'espèce que si le requérant a adressé un recours gracieux au Délégué du Gouvernement de la Communauté Urbaine de Douala conformément à la loi, aucune requête n'a été adressée à l'autorité de tutelle de ladite Communauté Urbaine, en l'occurrence le préfet ».

Ce recours avait sûrement été introduit avant l'intervention des lois de 2004 sur la décentralisation précitée, car le juge de l'espèce faisait encore application de l'ordonnance n°72/06 abrogée.

compétent pour recevoir le recours gracieux et représenter sa collectivité en justice.

Que pour avoir adressé sa requête du 2 janvier 1985 au Ministre de l'Administration Territoriale, la société requérante n'a pas satisfait au voeu de la loi166 ».

Si tant était que le Maire de la Commune poursuivie était le destinataire du recours gracieux préalable, il n'en demeure pas moins vrai que contre sa décision, la société RAZEL devait diriger sa réclamation vers l'autorité de tutelle, encore qu'elle n'a jamais saisi le Maire. M. KAMDEM Jean Claude nous rappelle d'ailleurs que « le Maire seul a qualité pour agir à la place et au nom de la Commune 167». L'affaire Les brasseries du Cameroun S.A, objet du jugement n°6 /CS-CA du 29 novembre 1979 ainsi que l'affaire Entreprise de Travaux à Hydraulique et de Génie Civil (ETHYGEC) c/Communauté urbaine de Yaoundé s'inscrivent dans le même registre 168. Tout se passait comme si la collectivité territoriale était un vrai « incapable169 », insusceptible même de se défendre seule.

Fort heureusement, les lois de 2004 sur la décentralisation qui ont d'ailleurs abrogé les anciens textes sur l'organisation communale170 opèrent une réelle évolution en la matière. À proprement parler, cette évolution tient au fait que ces lois ne font aucunement mention d'un recours de tutelle obligatoire et accessoire au recours gracieux préalable. C'est dire que désormais et à l'issue du RGP, le recourant pourra saisir directement la juridiction administrative sans

166 NLEP (R.G), Note précitée, pp.86-92.

167KAMDEM (J.C), « L'intérêt et la qualité dans la procédure administrative contentieuse », Article précité, p.66.

168 Jugement n°66/2008/ CS-CA du 18 juin 2008 (recours de 90), Entreprise de Travaux à Hydraulique et de Génie Civil (ETHYGEC) c/Communauté urbaine de Yaoundé. Dans ce jugement, la Cour déclare :

« Qu'ainsi, tout recours gracieux dirigé contre un acte du Délégué du gouvernement et qui est adressé à une autorité autre que ledit Délégué en premier lieu, puis au Préfet compétent en cas d'insuccès, est mal dirigé et entraine l'irrecevabilité du recours contentieux dont il sert de support ».

En l'espèce le requérant avait cru à tort que le recours gracieux préalable adressé au Délégué du gouvernement était suffisant pour saisir le juge. Par conséquent, le juge déclare son recours contentieux irrecevable parce que le recours gracieux préalable était mal dirigé.

169 MOMO (B), « Réflexion sur le système communal camerounais : contribution à l'étude de la décentralisation territoriale au Cameroun », Juridis Info n°24, octobre - novembre -Décembre 1995, pp.81-92, notamment p.87.

170 Voir notamment l'article 88 de la loi n° 2004/017 précitée.

avoir à passer par le Préfet ou le Gouverneur selon que l'action est intentée respectivement contre la Commune ou la Communauté urbaine et la Région.

Pour s'en convaincre, il faut se référer à l'article 74 de la loi n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation précitée selon lequel « Toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt pour agir peut contester, devant le juge administratif compétent, un acte visé aux articles 68,69 et 70171, suivant les modalités prévues par la législation régissant la procédure contentieuse, à compter de la date à laquelle l'acte incriminé est devenu exécutoire » .

171 Article 68 (1) : « Les actes pris par les collectivités territoriales sont transmis au représentant de l'État auprès de la collectivité territoriale concernée, lequel en délivre aussitôt accusé de réception.

(2) la preuve de la réception des actes par le représentant de l'État visé à l'alinéa (1) peut être apportée par tout moyen.

(3)Les actes visés à l'alinéa (1) sont exécutoires de plein droit quinze (15) jours après la délivrance de l'accusé de réception, et après leur publication ou leur notification aux intéressés .Ce délai de quinze (15) jours peut être réduit par le représentant de l'État.

(4)Nonobstant les dispositions des alinéas (1) et (2), le représentant de l'État peut, dans le délai de quinze (15) jours à compter de la date de réception, demander une seconde lecture de (s) (l') acte (s) concerné(s). La demande correspondant revêt un caractère suspensif, aussi bien pour l'exécution de l'acte que pour la computation des délais applicables en cas de procédure contentieuse, conformément à la législation en vigueur ».

Article 69- : « Les décisions réglementaires et individuelles prises par le président du Conseil municipal ou le Maire dans le cadre de leur pouvoir de police, les actes de gestion quotidienne sont exécutoires de plein droit dès qu'il est procédé à leur publication ou notification aux intéressés. Ces décisions font l'objet de transmission au représentant de l'État ».

Article 70 - (1) : « Par dérogation aux dispositions des articles 68 et 69, demeurent soumis à l'approbation préalable du représentant de l'État, les actes pris dans les domaines suivants, outre des dispositions spécifiques de la présente loi :

-les budgets initiaux, annexes, les comptes hors budget et les autorisations spéciales de dépenses ; -les emprunts et garanties d'emprunts ;

-les conventions de coopération internationale ;

-les affaires domaniales ;

-les garanties et prises de participation ;

-les conventions relatives à l'exécution et au contrôle des marchés publics, sous réserve des seuils de compétence prévus par la réglementation en vigueur ;

-les délégations de service public au-delà du mandat en cours du Conseil municipal ;

- les recrutements de certains personnels suivant les modalités fixées par voie réglementaire ».

(2) : « Les plans régionaux et communaux de développement et les plans régionaux d'aménagement du territoire sont élaborés en tenant compte, autant que possible, des plans de développement et d'aménagement nationaux.

Ils sont en conséquence, soumis préalablement à leur adoption au représentant de l'État ».

(3) : « Les délibérations et décisions prises en application des dispositions de l'alinéa (1) sont transmises au représentant de l'État, suivant les modalités prévues à l'article 68 (1). L'approbation dudit représentant est réputée tacite lorsqu'elle n'a pas été notifiée à la collectivité territoriale concernée, dans un délai maximal de trente (30) jours à compter de la date de l'accusé de réception, par tout moyen laissant trace écrite ».

(4) : « Le délai prévu à l'alinéa (3) peut être réduit par le représentant de l'État, à la demande du Président du Conseil municipal ou du Maire. Cette demande revêt un caractère suspensif, aussi bien pour l'exécution de l'acte que pour la computation des délais applicables en cas de procédure contentieuse, conformément à la réglementation en vigueur ».

Les actes auxquels renvoient ces articles peuvent, être selon le cas, les actes réglementaires ou les actes individuels. En fin de compte, on constate que le relâchement de la tutelle étatique sur les collectivités territoriales a eu une influence positive sur le précontentieux des collectivités territoriales décentralisées.

Un autre domaine dans lequel le précontentieux a eu du mal à s'asseoir est le contentieux fiscal sur lequel il convient de se pencher avec quelque attention.

PARAGRAPHE-2 : LA DÉTERMINATION DE L'AUTORITÉ
ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX DANS LE
CONTENTIEUX FISCAL

La détermination de l'autorité destinataire du recours gracieux dans le contentieux fiscal n'a pas subi une évolution significative dans la législation fiscale au Cameroun. Le Code Général des Impôts de 2008 qui nous sert de base de travail n'a rien apporté de spécial dans la situation qui prévalait depuis 1972. Deux constances se dégagent de l'examen des textes et de la jurisprudence en matière fiscale, à savoir d'une part que le Ministre des finances est toujours le destinataire du recours gracieux préalable (A), d'autre part que le recours gracieux n'est pas exigé en cas de demande de sursis de paiement (B).

A- Le Ministre des finances, destinataire du recours gracieux

L'Administration fiscale camerounaise fait face au quotidien aux réclamations multiples de la part des contribuables qui espèrent à tort ou à raison bénéficier d'une déduction d'imposition. Le recours gracieux préalable est l'occasion par excellence pour cette Administration de décongestionner le prétoire administratif. Le contentieux fiscal est un autre casse-tête ou pour mieux

dire un terrain glissant172 et redoutable du contentieux administratif. La situation est d'autant plus aggravée que les contribuables sont pour la plupart réfractaires à l'égard du fisc.

L'article 418 du Code Général des Impôts de 2008 dispose :

« Avant d'introduire une instance contre l'Administration tout redevable doit au préalable adresser une requête au Ministre dont relève la Direction des Impôts aux fins de savoir quelle suite peut être donnée à sa déclaration. À défaut de répondre dans les quatre mois qui suivent ou en cas de réponse défavorable, le redevable pourra assigner valablement l'État en justice ».

Pour se rendre compte du fait qu'il s'agit là effectivement du recours gracieux préalable, il faut se référer aux articles L 118173 et L 119 du CGI de 2008 et plus précisément l'article L 119 qui reconnait sans ambigüité que « la réclamation présentée au Ministre [...] tient lieu de recours gracieux préalable ». Selon cette disposition, la réclamation doit, à peine d'irrecevabilité, remplir les conditions ci-dessous :

- être signée du réclamant ;

- être timbrée ;

- être présentée dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision du Directeur Général des Impôts ;

- mentionner la nature de l'impôt, l'exercice d'émission, le numéro de l'article de l'avis de mise en recouvrement et le lieu d'imposition ;

- contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie;

- être appuyée de justificatifs de paiement de la partie non contestée de l'impôt et de 10 % supplémentaires de la partie contestée.

172 Voir dans ce sens jugement n°32/87/88/ CS-CA du 26 novembre 1987, affaire KEMAYOU Pierre c/ État du Cameroun avec observations faites de BOUENDEU (J-D), Juridis info n°2, avril -Mai -Juin 1990, p.53.

173 Article L 118 du Code Général des Impôts de 2008 : « Lorsque la décision du Directeur Général des Impôts ne donne pas satisfaction au demandeur, celui-ci doit adresser sa réclamation au Ministre chargé des Finances dans les conditions fixées à l'article L 119 (nouveau) ci-dessous. Lorsque les arguments du contribuable sont reconnus, le dégrèvement est prononcé par le Ministre chargé des Finances au-dessus de cent millions (100.000.000 F CFA) de francs [...] ». Voir également DOMLASSAK (K.P), « Le contentieux fiscal : procédure normalisée », Juridis info n°7, juillet -août-septembre 1991, pp.49-51.

Il est donc clair qu'en contentieux fiscal, seul la décision du Ministre en charge des finances est susceptible de lier le contentieux, et non celle du Directeur Général des impôts et encore moins celle du Chef de Centre principal des impôts. On pouvait déjà relever dans un jugement de la Chambre Administrative rendu en 2003 :

« Lorsque la décision du Directeur des impôts ne donne pas entièrement satisfaction au réclamant, celui-ci doit adresser sa réclamation au Ministre des finances. La réclamation ainsi présentée doit pour être recevable remplir les conditions suivantes ;...être présentée dans un délai d'un mois à partir de la notification de la décision du Directeur des impôts, ou dans les soixante jours de la date de mise au recouvrement du rôle ou de la connaissance certaine de l'imposition» 174.

Autrement dit, une décision émanant du Directeur Général des Impôts ou du Chef de Centre principal des impôts ne saurait tenir lieu de recours gracieux, au point de justifier un recours devant la juridiction administrative.

On peut se poser des questions sur la nature du recours dirigé contre la décision du Chef de Centre principal des impôts ou le responsable de la structure chargée de la gestion des « grandes entreprises ». S'agit-il d'un précédent recours gracieux préalable ? Sûrement pas, puisque comme nous l'avons mentionné plutôt, en nous appuyant sur le CGI de 2008, c'est la réclamation présentée au Ministre qui tient lieu de recours gracieux préalable.

Mais, s'agit -il alors d'un recours hiérarchique ? On peut le penser, étant donné que le Directeur Général des impôts est le supérieur hiérarchique du Chef de Centre principal des impôts.

Quant au caractère de ce recours vraisemblablement hiérarchique, il ne fait pas de doute qu'il a un caractère obligatoire. Nous sommes confortés dans cette

174 Code Général des Impôts issu de la loi des finances de l'exercice 1979-1980, Voir jugement n°128/02-03/ CS-CA du 24 septembre 2003, Me N'DENGUE Thomas Byll c/ État du Cameroun (MINFIB), jugement précité.

position par l'article L 117 qui utilise le verbe « devoir », lequel ne traduit rien d'autre qu'une obligation175.

Le justiciable peut donc logiquement, en ce qui concerne le contentieux fiscal, se trouver dans une situation où il devra inéluctablement former deux recours administratifs à savoir le recours gracieux préalable et le recours hiérarchique. De telles ambigüités juridiques ne sont pas décelables au niveau du sursis de paiement.

B - L'absence du recours gracieux dans le sursis de paiement en
matière fiscale

Le sursis de paiement concerne exclusivement le contentieux fiscal. Le sursis de paiement apparait surtout et même davantage comme un correctif au principe de l'effet non suspensif des recours. Le sursis de paiement est attaché à la phase administrative du contentieux de l'imposition176.

En fait, le principe de l'effet non suspensif des recours a pour but : « d'éviter la paralysie de l'Administration et le développement des requêtes

175 L'article L 117 du Code Général des Impôts de 2008 énonce que « Lorsque la décision du Chef de Centre Principal des Impôts ou le responsable de la structure chargée de la gestion des « grandes entreprises » ne donne pas entièrement satisfaction au demandeur, celui-ci doit adresser sa réclamation au Directeur Général des Impôts dans un délai de trente (30) jours, lequel dispose d'un délai de soixante 60) jours pour répondre. Le Directeur Général des Impôts peut, lorsque le requérant en a formulé expressément la demande, consulter au préalable la Commission Centrale des impôts sur la réclamation contentieuse dont il est saisi. La Commission ainsi consultée émet un avis motivé sur le dossier qui lui est transmis dans un délai de 30 jours à compter de la date de sa saisine. Ledit avis est notifié au requérant par le Directeur Général des impôts en marge de sa décision. Toutefois, en cas de non-respect par la Commission du délai ci-dessus imparti, le Directeur Général des impôts notifie sa décision au requérant. Mention y est faite de l'absence d'avis de la Commission. La saisine de la Commission Centrale des impôts est suspensive des délais de recours ultérieurs. Lorsque les arguments du contribuable sont reconnus, le dégrèvement est prononcé par le Directeur Général des impôts dans la limite de cent millions (100. 000. 000 F CFA) de francs ».

Sur l'instance non juridictionnelle de règlement des litiges fiscaux, voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Droit et contentieux fiscaux, Cours polycopié de Maîtrise, Université de Dschang, Faculté des sciences juridiques et politiques, 2007-2008, pp.62 et ss.

176 METENBOU (M), « Le sursis de paiement et le sursis à exécution dans le contentieux de l'imposition au Cameroun », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, T.1, Vol. 2, 1997. pp.51-65, plus précisément p.53.

juridictionnelles à caractère dilatoire 177». Le sursis de paiement permet au contribuable en matière d'impôt direct et de taxe sur le chiffre d'affaire, de différer le paiement de la partie des impositions qu'il conteste, en attendant la suite à donner à sa réclamation178.

L'article L 121 du CGI de 2008 dispose :

« Le contribuable qui conteste le bien fondé ou le montant d'une imposition mise à sa charge peut, s'il a expressément formulé la réclamation dans les conditions fixées à l'article L 116 ci-dessus, obtenir le sursis de paiement de la partie contestée desdites impositions, à condition :

- de formuler expressément la demande de sursis de paiement dans ladite réclamation ;

- de préciser le montant ou les bases du dégrèvement qu'il sollicite ;

Toutefois, la demande de sursis de paiement introduite auprès du Directeur général des impôts, doit être appuyée des justificatifs de l'acquittement de 10% du montant des impositions en cause ».

« La réponse motivée de l'Administration est notifiée expressément au contribuable. L'absence de réponse de l'Administration dans un délai de 15 (quinze) jours équivaut à l'acceptation tacite du sursis de paiement dans les conditions prévues au présent article. Le sursis de paiement cesse d'avoir effet à compter de la date de notification de la décision de l'Administration ».

L'article L 123 poursuit en précisant que la décision de l'Administration doit être rendue dans un délai de trois (3) mois partant de la date de réception de la réclamation. Présentée en forme écrite, la décision de l'Administration doit être motivée. Elle est envoyée au contribuable par pli recommandé avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge.

177 GLEZIAL (J.J), « Le sursis à exécution des décisions administratives. Théories et politiques jurisprudentielles », AJDA, septembre 1975, p.381 .Cité par METENBOU (M), Article précité, pp.51- 52.

178 METENBOU (M), Article précité, p.52.

Plus significatif est l'article L 124 d'après lequel « en cas de silence de l'Administration au terme du délai de trois (3) mois ci-dessus visé, le contribuable peut saisir d'office la Chambre Administrative de la Cour Suprême ».

Mais, que faut -il entendre par « saisir d'office la Chambre Administrative » ? Nous estimons humblement que le législateur veut tout simplement dire qu'en cas de silence de l'Administration à l'issue du délai de trois (3) mois à elle imparti, le contribuable peut directement saisir la juridiction administrative sans avoir à former un recours précontentieux et plus précisément le recours gracieux préalable. Autrement dit, le contribuable n'a plus besoin d'informer l'Administration de l'imminence d'une action en justice contre elle.

Il serait plus indiqué que le législateur prescrive une obligation de transmettre à l'égard d'une autorité saisie à tort d'un RGP par le requérant.

PARAGRAPHE- 3 : L'OPPORTUNITÉ DE LA
PRESCRIPTION D'UNE OBLIGATION DE
TRANSMETTRE LE RECOURS GRACIEUX EN CAS
D'ERREUR DU REQUÉRANT

Lorsque le requérant saisit à tort une autorité d'un recours gracieux, il nous vient à l'esprit un double questionnement : conserve - t- il les délais pour saisir l'autorité normalement compétente ? L'autorité saisie à tort ne peut-elle couvrir l'erreur du requérant ?

En effet, lorsqu'un requérant avait saisi à tort une autorité d'un recours gracieux, par exemple une autorité incompétente, la juridiction administrative lui avait toujours refusé le bénéfice d'une prorogation des délais. Elle considère d'ailleurs un recours gracieux mal dirigé comme une absence de recours. Tel

était le cas dans l'affaire ONANA Jacques Didier, objet du jugement n° 6/77-78 du 23 février 1978, ONANA Jacques Didier c/ État du Cameroun 179. Les faits de ce jugement étaient les suivants.

Suite à une plainte déposée auprès de la brigade de Gendarmerie de Manfé par le nommé ONYEBUCHI OKOROENYI pour vol d'une somme de 1 380 000 francs, une perquisition menée par GWANE Emmanuel, alors gendarme à cette Brigade au domicile du nommé ABU Williams sur lequel pesaient de forts soupçons permit de retrouver la totalité de la somme volée. Cependant, il n'était remis au Commandant d'unité qu'une somme de 1 049 000 francs. Il fut alors ouvert une enquête à cet effet. Le gendarme GWANE incriminé accuse son supérieur hiérarchique ONANA Jaques Didier, de lui avoir ordonné de dissimuler une partie de l'argent. Quelques jours plus tard, une information diligentée par le juge d'instruction près le tribunal militaire aux armées de Buéa aboutit à une ordonnance de non-lieu à l'égard du Commandant ONANA Jacques.

Malgré ce non lieu, ONANA Jaques Didier est révoqué de ses fonctions par décision n°0103/MINFA/800 du 10 mars 1969 du Ministre des forces armées. Bien plus, l'affaire est bouclée par un jugement rendu le 19 mars 1969 par le tribunal militaire permanant de Yaoundé qui condamne GWANE Emmanuel à sis mois d'emprisonnement avec sursis.

Insatisfait de ce qu'il considère comme une révocation abusive, ONANA Jaques Didier saisit d'abord le Ministre des forces armées d'un premier recours gracieux le 12 novembre 1969, soit huit mois plus tard, et le Chef de l'État d'un second le 20 avril 1972. Il n'obtint pas gain de cause et saisit la juridiction administrative. Une fois de plus, son recours est rejeté car non seulement les autorités saisies du RGP sont toutes incompétentes, mais aussi parce que ledit recours est forclos.

179 Voir KAMTO (M), Ouvrage précité, pp.142-144.

En application du décret n°64/DE/336 du 10 août 1964, le Ministre Délégué à la Présidence chargé de l'Administration territoriale et de la fonction publique fédérale était seul habilité à recevoir le RGP du requérant. En effet dans cette décision, le juge « déclare le recours irrecevable pour défaut de recours gracieux et tardif ».

Il ressort de l'affaire KALLA EPANYA Jacques c / État du Cameroun, objet du jugement n°34/ CS-CA du 31 mars 1977, qu' « Il n'y a aucune possibilité de prorogation de ces délais lorsque le requérant a saisi à tort une autorité incompétente 180».

Dans une certaine mesure, le requérant de bonne foi est tout simplement victime du manque d'information de l'Administration. Il aurait été préférable que le législateur camerounais à l'instar de son homologue français, institue une obligation de transmettre à la charge de l'autorité indument saisie. En effet, l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative au droit des citoyens dans leur relation avec l'Administration en France, met une obligation de transmettre à la charge de l'autorité qui reçoit par erreur un recours. Cette loi impose à l'autorité saisie à tort d'un recours administratif de le transmettre à qui de droit lorsque les circonstances lui permettent de l'identifier clairement. « Il ne serait pas possible de vous reprocher d'avoir adressé votre recours à la mauvaise personne si tant est qu'avec les précisions contenues dans votre recours, la personne qui en a été destinataire par erreur soit en mesure de retrouver la personne à qui adresser ce recours181 ».

Par application de cette obligation, si le Ministre de la fonction publique et de la réforme administrative reçoit un RGP dirigé contre une décision du Ministre de la santé publique, il devra le transmettre à ce dernier dans la mesure du possible. Dans la même logique, si le Maire est saisi d'un RGP en lieu et place du Délégué du gouvernement, il devra également le transmettre à ce dernier

180 MOMO (B), «Problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T.1, Vol.1, 1997, pp. 136 - 161, notamment, p.140.

181 http://admi.net.jo/20000413/FPPX980029L.html, « Le recours administratif préalable devant l'Administration »

si les circonstances le permettent. Le Professeur KAMTO nous rapporte d'ailleurs que la Chambre Administrative de la Cour Suprême admet la validité d'un recours gracieux adressé à une autorité incompétente, dès lors que ledit recours a été transmis à l'autorité normalement compétente182.

L'obligation de transmettre corrige l'erreur du recourant183et garde intact les délais pour saisir le juge administratif. Cette obligation impose d'une manière ou d'une autre un supplément d'informations à l'Administration dans le processus de prise des décisions. Une décision administrative bien formulée permettrait aux administrés de reconnaître facilement l'auteur de cette décision qui pourrait être le destinataire du recours gracieux en cas de litige.

Une telle exigence en droit administratif camerounais contribuerait à la bonne administration de la justice, et améliorerait qualitativement le recours gracieux préalable au Cameroun. Bien plus, constate-t- on, le risque d'erreur serait contourné autant que faire ce peut, si le législateur camerounais avait comme son homologue béninois prévu en plus du recours gracieux le recours hiérarchique, le requérant gardant la faculté de faire un choix selon les cas.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

La détermination de l'autorité adressataire du recours gracieux préalable enregistre une évolution notoire. Ainsi, trente ans après l'ordonnance de1972, la simplification des règles relatives à la détermination de l'autorité adressataire est nettement perçue tant dans les litiges impliquant l'État central, les établissements publics et les collectivités territoriales décentralisées. Pour sa part, le

182 KAMTO (M), Ouvrage précité, p.40. L'auteur cite l'affaire FOUDA Hubert c/État du Cameroun, objet de l'arrêt n°1/A du 6 décembre 1979 de l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême.

183 Voir aussi CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Ouvrage précité, p.480.

précontentieux de l'administration fiscale suscite encore des interrogations. Au niveau des délais du RGP, on observe en revanche une quasi-stabilité.

CHAPITRE-2 : LA QUASI STABILITÉ DES
RÈGLES RELATIVES AUX DÉLAIS DU RECOURS
GRACIEUX

Le recours gracieux préalable n'échappe pas aux contraintes du temps. Il serait anormal et même injuste qu'après être resté passif à la violation d'un droit par le fait de l'Administration pendant un temps, le justiciable décide d'intenter intempestivement un recours contre elle. Une telle façon de faire contribuerait à fragiliser ou à paralyser l'Administration. Or, pour prévenir cette situation, le législateur a enserré l'exercice du recours gracieux préalable dans des délais stricts. En Droit, quand on traite du délai, « il s'agit de la période, de la durée ou encore de l'espace de temps dans lequel un acte juridique peut valablement être accompli184 ». Le délai le plus long en matière de recours gracieux préalable au Cameroun est de quatre (4) ans. Cette durée nous rappelle celle de la déchéance quadriennale. En règle générale, l'exercice du recours gracieux préalable est enfermé dans des délais fixés par la loi. Par définition, le délai du RGP est la période pendant laquelle un administré peut régulièrement introduire auprès de l'autorité administrative compétente un recours exclusivement dans trois hypothèses : en vue d'obtenir le retrait ou la réformation d'un acte administratif faisant grief ; en vue d'obtenir l'indemnisation en réparation du préjudice subi du fait d'un acte administratif ; en vue enfin d'exiger d'une autorité de prendre un acte s'il s'avère que cette autorité avait compétence liée185.

Ces délais sont restés inchangés dans l'ordonnance du 6 août 1972 comme dans la loi du 29 décembre 2006, sauf en ce qui concerne la demande d'annulation. Ainsi, la permanence des délais du recours gracieux préalable est perceptible au niveau des éléments de détermination des délais (Section 1) et au niveau des modalités de computation desdits délais (Section 2).

184 FANDIP (O), Mémoire précité, p.9.Voir aussi GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 1987, p. 155.Voir aussi le dictionnaire Microsoft Encarta 2009.

185 MOMO (B), «Problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Article précité, p.136.

SECTION-1 : LA PERMANENCE DES ÉLÉMENTS DE

DÉTERMINATION DES DÉLAIS

La permanence des éléments de détermination des délais est l'un des acquis du recours gracieux préalable. Les facteurs de détermination des délais oscillent autour de deux points principaux, à savoir l'objet du litige (Paragraphe 1) et la situation du demandeur (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE-1 : LA DÉTERMINATION DES DÉLAIS

SELON L'OBJET DU LITIGE

En application de l'article 17 alinéa 3(a) de la loi de 2006, « le recours gracieux doit à peine de forclusion être formé :

a-Dans les trois mois de publication ou de notification de la décision attaquée ; b- En cas de demande d'indemnisation, dans les six mois suivant la réalisation du dommage ou sa connaissance ;

c -En cas d'abstention d'une autorité ayant compétence liée dans les quatre ans à partir de la date à laquelle ladite autorité était défaillante ».

Dans le contentieux fiscal, le RGP doit être formé dans les deux mois à compter de la date de notification de la décision du Directeur Général des Impôts.

À l'évidence, les délais pour former le recours gracieux varient selon l'objet du litige. La question litigieuse peut être selon le cas le retrait d'un acte administratif individuel ou réglementaire. Elle peut être l'indemnisation d'un administré victime des agissements de l'Administration ou mieux d'une décision administrative. Enfin, la question litigieuse peut être l'abstention d'une autorité administrative ayant compétence liée.

Le législateur de 2006 se montre moins parcimonieux sur l'édiction des délais que celui de 1972 qui ne prévoyait qu'un délai de deux mois en cas de

demande de retrait d'un acte administratif. Le délai de trois mois nous semble plus raisonnable pour accomplir les actes de procédure précontentieuse.

Le respect des délais apparait comme une « condition impérative de validité du recours gracieux préalable »186. Dans la jurisprudence, le RGP formé au-delà du délai imparti est constamment frappé de forclusion par la Chambre Administrative187. Cependant, il serait d'une grande importance que le législateur fasse de la date une mention obligatoire pour la validité des actes administratifs, ce qui rendrait le décompte des délais plus aisé et pratique.

La détermination des délais du RGP dépend aussi souvent de la situation du demandeur.

PARAGRAPHE-2 : LA DÉTERMINATION DES DÉLAIS

SELON LA SITUATION DU DEMANDEUR

La situation du demandeur est un élément capital dans la détermination des délais du recours gracieux préalable. Nous envisagerons successivement la situation du demandeur en temps normale (A) et celle du demandeur ayant provoqué une décision confirmative d'une autre non encore attaquée (B).

A - Cas du demandeur en situation normale

La situation du demandeur en rapport avec l'objet du litige est un élément de détermination des délais du recours gracieux préalable. De par la situation du requérant, la juridiction administrative appréciera si celui était en état d'introduire son recours gracieux préalable dans les délais prévus par la loi.

186 Ibidem, p. 137.

187 Jugement n°57 /05-06/ CS-CA du 05 avril 2006, ENONCHONG Henry ABI NDIFOR c/État du Cameroun(MINUH) et ayants droit de Gustave KOUAMBO, complété avec :

Jugement n°74/2008/ CS-CA du 18 juin 2008, TONDJA NDJEUDJI René c/ État du Cameroun (MINDAF) ;

Jugement n°41/2005-2006/ CS-CA du 18 janvier 2006, EKOBENA et ONANA MESSINA Marcel c/ État du Cameroun (MINUH) et MBAGOFA et autres ; jugement n°130/05-06/ CS-CA du 27 septembre 2006, Succession EKOBENA FOUDA Jean c/ État du Cameroun (MINUH) et KABAC TJOL Philémon et enfin jugement n°110 /05-06/ CS-CA du 12 juillet 2006, Nouvel office de transit du Cameroun c/CNPS .

De même, la situation du requérant déterminera s'il peut avoir droit à une prorogation des délais. Ni l'ordonnance de 1972 abrogée, ni la loi de 2006 précitée ne recèlent des dispositions particulières relatives à la prise en compte de la situation du demandeur dans la détermination des délais du recours gracieux préalable. Quand une telle question se pose au juge, ce dernier fait recours aux principes généraux de droit applicables en droit public comme en droit privé, de la jurisprudence ainsi que certains textes particuliers tels que nous verrons dans les circonstances de prorogation des délais.

La situation du requérant qui provoque une décision confirmative d'une autre non encore attaquée mérite d'être analysée.

B - Situation du demandeur provoquant une décision confirmative
d'une autre non attaquée

Un autre problème plus spécifique au RGP est la tentation du requérant de penser qu'en multipliant les recours gracieux préalables au cours d'une même procédure, il bénéficiera autant de fois que possible d'une prorogation des délais. Si d'aventure, un justiciable incite une autorité à prendre un acte confirmatif d'un autre non encore attaqué dans l'optique de faire courir de nouveaux délais, ce dernier sera évincé. Tout simplement, il convient de noter que recours gracieux préalable sur recours gracieux préalable ne vaut. La Chambre Administrative de la Cour Suprême est claire sur ce sujet lorsqu'elle affirme :

«Tout plaideur qui provoque une décision confirmative d'une autre non attaquée dans le but de faire courir de nouveaux délais est forclos (...) Considérant qu'il est de jurisprudence constante qu'une décision confirmative des décisions non attaquées dans les délais légaux ne constitue pas une décision nouvelle ouvrant un nouveau délai même lorsque cette décision nouvelle a été prise à la suite d'une instruction nouvelle ».

Le juge condamne selon ses propres termes « la pratique des demandes nouvelles destinées à faire relever les requérants de la forclusion encourue en obtenant avec la complaisance des bureaux des Ministères un nouvel examen de

l'affaire plusieurs années après l'intervention de la décision initiale expresse ou tacite »188.

Autrement dit, si l'Administration revient plus tard sur une décision prise auparavant, les délais du RGP ne courent qu'à partir de la première décision.

En bref, trente ans après l'ordonnance n°72/06, on relève une quasi stabilité des modalités de computation des délais.

SECTION-2 : LA QUASI CONSTANCE DES MODALITÉS
DE COMPUTATION DES DÉLAIS

Les modalités de computation des délais renvoient aux considérations qui gouvernent le décompte des délais. Ces modalités différent selon qu'il s'agisse des délais de principe ou des cas de prorogation des délais. Cette distinction nous conduit à analyser successivement les modalités de computation des délais de principe (Paragraphe 1) et les hypothèses de prorogation des délais (Paragraphe2).

PARAGRAPHE- 1 : LES DÉLAIS DE PRINCIPE DU

RECOURS GRACIEUX

Les délais de principe du RGP sont ceux qu'on retrouve à l'article 17 alinéa 3 (a) de la loi n° 2006/022 précitée. Ces délais requièrent pour leur mise oeuvre des modalités de computation plus ou moins consacrées par les textes et la jurisprudence. Étant donné que le problème relatif à l'acheminement des courriers postaux a eu des incidences sur la détermination des délais du recours gracieux, il apparait important d'aborder dans une approche double les modalités de computation des délais de principe (A) et la situation particulière des courriers postaux. (B)

188 Voir affaire SEBA NDONGO précitée, citée par MOMO (B), Article précité, p.140.

A- Les modalités de computation des délais de principe

En dépit de nombreuses hésitations, la juridiction administrative camerounaise a fini par prendre position sur les modalités de computation des délais. Dans un premier temps, le calcul des délais se faisait de mois en mois ou d'années à années, compte non tenu du nombre de jours qui composent les mois ou les années. Il ressort de l'étude faite par M. MOMO Bernard qu'une analyse des décisions rendues avant 1977 laisse percevoir que la juridiction administrative incluait dans le décompte des délais tant le jour de la réalisation ou de la connaissance du fait dommageable, de publication ou de notification de la décision litigieuse, encore appelé « dies a quo » , que le jour où expire le délai prescrit, c'est-à-dire le « dies à quem ».189

Toutefois, depuis le jugement n°19/CS-CA du 27 avril 1978, NGONGANG Richard c/ État du Cameroun, la juridiction administrative utilise constamment la notion de délais francs. Dans cette affaire, la Chambre Administrative avait estimé que le recours gracieux doit être formé dans les deux mois suivant la décision attaquée. Celle-ci ayant été notifiée le 6 octobre 1969, le requérant avait jusqu'au 7 décembre pour présenter son recours gracieux.

En application de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 et de la loi du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême, le juge adopte un calcul similaire dans l'espèce ESSOMBA TONGA Gabriel c/État du Cameroun précitée. Un recours gracieux est adressé le 4 février 1976. Après le silence de trois mois de l'Administration, le recourant disposait de 60 jours pour saisir la Cour Suprême. « Il s'en suit que ESSOMBA TONGA avait jusqu'au 6 juillet pour instruire son recours », conclut le juge de l'espèce.

Il ne s'agit donc ni plus ni moins que des délais francs sur lesquels la jurisprudence est désormais fixée. À la vérité, il s'agissait d'un retour à une ancienne jurisprudence de plus d'un quart de siècle matérialisée par un arrêt du

189 Arrêt n°173/CFJ-CAY du 08 juin 1971, OWONO ESSONO Benoit c/ État Fédéré du Cameroun Oriental, Recueil MBOUYOM, T.2, pp.327-328. Dans le même sens, Voir jugement n°69/CS-CA du 24 avril 1976, ABENELANG Gustave c/ État du Cameroun .Cité par Momo (B), Article précité, p.136.

Conseil du Contentieux Administratif du 29 novembre 1956 opposant le Sieur EKONG Yves Adolphe au Territoire du Cameroun. Dans cette décision telle que rapportée par M. MOMO Bernard, le Conseil du Contentieux Administratif déclare :

« Considérant qu'au terme d'une jurisprudence bien affirmée du Conseil d' État ,le délai prévu à l'article 11de la loi du 5 août 1881 est un délai franc, c'està-dire qu'il n'est pas tenu compte du « dies a quo » jour où la décision a été notifiée ni du « dies a quem », jour où le délai arrive à expiration...il a été jugé ,en outre, que les mois se comptent de quantième à quantième (...) » .

«Considérant que dans ces conditions, la décision incriminée ayant été notifiée le 16 avril, le recours pouvait être reçu jusqu'au 16 juillet inclus190 ».

Dans une décision rendue en 2004, la Chambre administrative déclare :

« Attendu en l'espèce que le procès verbal de mise en demeure querellé ayant été notifié au sieur ACHENGUI le 14 juin 2000 par exploit du ministère de Maître NGUE Gabriel, huissier de justice, à Yaoundé, le recourant avait jusqu'au 15 août 2000 inclus pour former son recours gracieux préalable » 191 .

La situation du RGP acheminé par courrier postal mérite aussi de retenir notre attention.

B - Les modalités de computation des délais du recours gracieux
préalable acheminé par voie postale

Jusqu'à une date récente, l'acheminement des courriers postaux au Cameroun était un véritable calvaire. Il n'était pas évident que ces courriers arrivent à bon port et en temps normal. La poste était en crise. Les

190 Voir MOMO (B), «Problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Article précité, p.137.

191Jugement n°37/04-05/ CS-CA du 29 décembre 2004, ACHENGUI c/Communauté urbaine de Yaoundé.

dysfonctionnements de la poste avaient suscité plusieurs interrogations.192 Ces dysfonctionnements étaient susceptibles de déteindre sur les actes de procédure expédiés par voie postale.

L'affaire YOUMBI André c/ République Fédérale du Cameroun, objet de l'arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême du Cameroun du 8 novembre 1973, parait révélatrice des conséquences du mauvais fonctionnement de la poste sur les actes de procédure193. Les faits de cet arrêt sont les suivants :

À la faveur d'un concours lancé le 16 septembre 1964 et dont la date de clôture était fixée au 30 septembre de la même année, le requérant expédia son dossier par voie postale. La suite devint problématique, car son dossier était parvenu après la date de clôture. Le juge de la Chambre Administrative était confronté à la difficulté relative à la date qu'il fallait considérer dans la détermination des délais : était- ce celle de la remise du dossier à la poste ou celle de sa réception par le destinataire ? À cette question, la juridiction administrative privilégia l'Administration en affirmant qu'un pli remis à la poste ne devient la propriété du destinataire qu'à la date de réception du pli par ce dernier, et aucunement à celle de son expédition.

Pour M. MOMO Bernard, « Cette solution, sans doute d'origine privatiste (précisément du droit commercial), paraissait trop sévère » 194. C'est sûrement pour remédier à cette situation que l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême dans l'affaire SEBA NDONGO Jean c/ État du Cameroun (DGSN), objet de l'arrêt n°1/A/CS-AP du 27 novembre 1986, va remettre en cause le raisonnement tenu 13 ans plutôt. En effet, la Cour déclare :

« Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure que la requête introductive d'instance de l'intéressé a été expédié le 29 mai 1982 comme en fait

192 Voir à ce sujet KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Les aspects juridiques de la réforme de l'activité postale au Cameroun », Revue EJDA, n°45, avril -mai -juin 2000, pp.43-60, plus précisément pp.45- 46.Voir aussi jugement n°13/CS-CA du 23 novembre 1989, ENYENGUE DIPOKO Bernard c/ État du Cameroun. Dans laquelle le juge a estimé qu'un fonctionnement défectueux des services postaux constitue une faute engageant la responsabilité de l'État.

193Voir recueil MBOUYOM précité, pp.48-51. Voir aussi MOMO (B), Article précité, pp.139 et ss. 194 MOMO (B), Article précité, p.139.

foi le cachet de la poste, donc dans le délai légal ; mais qu'elle n'a été enregistrée que le 14 octobre 1983 sous le n°36 de la Chambre Administrative de la Cour de céans » (...)

« Qu'ainsi SEBA NDONGO Jean ne saurait être tenu pour responsable du retard de sa requête à parvenir au greffe de ladite Chambre ».

Cette solution est d'autant plus juste qu'on ne saurait reprocher au justiciable de bonne foi le mauvais fonctionnement de l'Administration195. Solution valable aussi bien pour le recours gracieux que pour le recours contentieux196, elle rejoint la position du Conseil d' État français qui prend en considération la date à laquelle la demande a été adressée à l'Administration.197

De nos jours, la difficulté relative au retard causé par l'acheminement des courriers postaux apparaîtrait comme une sorte de faux problème. Cela est dû inévitablement à l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication dont la place primordiale de l'internet n'est plus à démontrer. Il ne fait plus de doute aujourd'hui que l'e-mail ou le courrier électronique a considérablement supplanté la lettre postale198 et on peut même se demander s'il ne sonne pas le glas de ce dernier. Tout compte fait, il reste que l'e-mail est rapide, fiable et se trouve progressivement entrain de gagner le coeur des camerounais.

Nous ne sommes pas sans savoir que presque toutes les Administrations camerounaises y compris les établissements publics ainsi que les collectivités territoriales décentralisées ont des sites internet et des boites électroniques grâce auxquelles elles pourront désormais recevoir des correspondances électroniques. La loi de 2006 précitée n'interdit pas d'adresser un RGP par e-mail. Un raisonnement juridique consiste à dire que ce qui n'est pas expressément interdit par la loi est implicitement admis. Toutefois, la juridiction administrative n'a pas

195 Voir les observations de KAMTO (M) à propos de cet arrêt, Juridis info n°2, avril-Mai -Juin 1990, pp.51-52.

196 Sur cette question, voir MOMO (B), Article précité, pp.139 et ss.

197 CE, DELORT, 20 février 1970, Rec., Lebon, p.30, cité par MOMO (B), Article précité, p.140. 198KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Les aspects juridiques de la réforme de l'activité postale au Cameroun », Article précité, p. 59.

encore tranché un litige relatif au RGP formé par e-mail, ceci pour dire que cette question relève encore de la prospective.

La juridiction administrative apprécie désormais les délais du RGP envoyé par voie postale en privilégiant les intérêts des administrés. La même démarche lui serait exigée dans la conception des cas de prorogation des délais du RGP.

PARAGRAPHE-2 : LES CAS DE PROROGATION DES

DÉLAIS

Les délais prévus à l'article 17 alinéa 3 de la loi de 2006 ne sont que des délais de principe. Une bonne administration de la justice impose au juge de prendre en considération des situations juridiques particulières. Tel est le cas des circonstances de prorogation des délais du recours gracieux préalable qui ne sont ni par la loi n°2006/022, ni par l'ordonnance n°72/06 précitées.

Par contre, les hypothèses de prorogation des délais ont été prévues dans certains textes juridiques qui relèvent plus ou moins du contentieux administratif. L'analyse des cas de prorogation des délais requiert d'une part d'évoquer la force majeure et le motif grave (A), d'autre part d'envisager la distance ainsi que l'incidence des dimanches et des jours fériés (B).

A- La force majeure et le motif grave

« Contra non valentem agere non currit». Cette maxime latine exprime une circonstance dans laquelle un recourant devrait bénéficier d'une prorogation des délais pour adresser son recours gracieux préalable. Traduite littéralement, cette maxime veut dire que la prescription ne peut courir contre celui qui se trouve dans l'impossibilité absolue d'exercer ses droits. En d'autres termes, le requérant se trouvant dans une impossibilité insurmontable, imprévisible et irrésistible ne saurait raisonnablement être condamné pour n'avoir pas agi dans les délais. Il peut donc arriver qu'entre le moment de la prise de décision querellée et l'expiration des délais de principe, la victime d'un acte administratif

soit emprisonnée199. Il s'agit là plus précisément d'un cas de motif grave. Il en sera de même par exemple d'un justiciable qui pendant l'écoulement des délais impartis souffrait d'une maladie telle qu'il n'était pas en même d'accomplir les actes de procédure nécessaires. Il peut en être ainsi s'il est établi que l'intéressé souffrait d'une maladie mentale, ou était dans un état comateux. Mais cette hypothèse est plutôt exceptionnelle.

La force majeure est aussi un cas susceptible d'entraîner la prorogation des délais du recours gracieux. Elle peut être le fait d'une catastrophe naturelle ayant endommagé les services administratifs, telle qu'un tremblement de terre ou un tsunami. Pour qu'on parle de force majeure, il faut que trois conditions soient réunies, à savoir l'irrésistibilité, l'imprévisibilité et l'insurmontabilité. Lorsque la force majeure est établie, elle peut entraîner la prorogation des délais. Ne dit-on pas souvent qu'à l'impossible nul n'est tenu ?

Néanmoins, il appartient au juge d'user de sa sagacité pour apprécier la force majeure alléguée, étant donné que ces hypothèses n'ont pas été envisagées par le législateur de 2006.

La force majeure n'est d'ailleurs pas la seule circonstance prorogative des délais à prendre en considération, car la distance ainsi que la prise en compte des jours fériés peuvent également y contribuer.

B - La distance et l'incidence des dimanches et jours fériés

La distance peut aussi constituer un facteur de prorogation des délais dans le contentieux administratif en général, et plus particulièrement en matière de recours gracieux préalable. Il arrive souvent que le requérant se trouve très éloigné de l'autorité habilitée à recevoir le recours gracieux préalable.

199 Voir jugement n°34/CS-CA du 24 avril1980, ESSOUGOU Benoît c/ État du Cameroun ainsi que jugement n°9/ CS-CA du 28 avril 1982, NGANKOU Amos Flaubert c/ État du Cameroun .Cités par MOMO (B), Article précité, p.155.

Ce problème se posait avec acuité sous l'empire de l'ordonnance de 1972. Cela était dû au fait que les recours pour ce qui n'était pas des collectivités territoriales ou des établissements publics dans une certaine mesure étaient adressés selon la loi au « Ministre compétent » qui ne résidait qu'à Yaoundé, siège des institutions du pays. L'enclavement de certaines régions fit en sorte que les actes pris par les autorités officiant dans la capitale n'étaient pas exécutoires le même jour. L'article 3 de la loi n°72/11 du 26 août 1972 relative à la publication des lois, ordonnances, décrets et actes réglementaires dispose d'ailleurs :

« Les lois, les décrets et actes réglementaires publiés au journal officiel sont exécutoires à Yaoundé le jour même de leur publication.

Dans les autres circonscriptions administratives, les lois et actes réglementaires des autorités centrales sont exécutoires le lendemain du jour de l'arrivée du journal officiel au chef-lieu de la circonscription ».

Cet article dispose également que « le jour de l'arrivée du journal officiel est constaté par le Chef de la circonscription administrative ».

On peut donc penser qu'une décision prise par une autorité centrale n'est pas exécutoire dans un département autre que celui du Nfoundi tant qu'elle n'y est pas arrivée. Cette décision ne peut donc être attaquée qu'à partir de la date où elle est devenue exécutoire, et c'est cette date qui doit être prise en compte dans la computation des délais du RGP200.

Le délai de distance varie d'un ou deux jours après la sortie du journal officiel. Cette variation est fonction du lieu où se trouve le requérant par rapport à Yaoundé, étant donné que très souvent, c'est le lieu où il doit déposer son recours gracieux. La loi de 2006 qui attribue compétence à l'auteur de l'acte pour connaitre du recours gracieux préalable contribue, dans une certaine mesure à

200 Sur cette question, voir MBALLA OWONA (R), Les délais de distance en contentieux administratif camerounais, Mémoire de DEA, Université de Douala, année académique 2003-2004,72 p.

remédier à ce problème d'éloignement lorsqu'on sait que les recours gracieux ne seront plus exclusivement adressés au « Ministre compétent ».

Le requérant qui réside à l'étranger bénéficiera aussi du délai de distance prévu par l'article 1033 du Code de Procédure Civile et Commerciale applicable en matière administrative. Dans le jugement OUMAROU Paul c/ État du Cameroun, un acte est pris le 11 novembre 1975. Le délai de deux mois en cas d'annulation expirait en principe le 11 janvier 1976 inclusivement. Étant donné que le sieur OUMAROU Paul résidait hors de Yaoundé, un recours gracieux adressé par ce dernier le 03 mars 1976 avait été considéré par le juge comme valable. On en conclut avec M. MBALLA OWONA Robert qu'il y a eu application en l'espèce des délais de distance. Dans cette décision, la Cour affirme: « Compte tenu des délais de distance, OUMAROU Paul devait considérer son recours rejeté au 10 juin 1976 »201.

Le délai applicable peut être donc majoré d'un délai de distance d'un ou deux mois : il est d'un mois si le requérant est établi en Afrique et de deux mois pour le reste du monde d'après l'article 1033 du Code de Procédure Civile et Commerciale précité. Ce délai de distance permet de compenser la position défavorable du justiciable éloigné202.

Concernant l'incidence des jours fériés, il est à relever que le délai du recours gracieux peut être repoussé au prochain jour ouvrable lorsqu'il expire un jour férié, ou un dimanche. Cette solution nous parait tout à fait logique. Relevons hic et nunc qu'on ne saurait tenir un recourant coupable du fait de n'avoir pas agit un jour non ouvrable. Il va de soit qu'en principe203, les services publics ne reçoivent pas les usagers et sont d'ailleurs fermés les dimanches et les jours fériés. Un délai qui expire un de ces jours ne saurait raisonnablement être

201 Voir dans ce sens jugement n°46 /CS-CA du 30 avril 1981 OUMAROU Paul c/ État du Cameroun. Cité par MBALLA OWONA (R), Mémoire précité, pp.34 et ss.

202 Ibidem, pp.28 et ss.

203 Certains services fonctionnent régulièrement 24h/24 et du premier janvier au 31 décembre de l'année telle que le service public de la défense, du maintien de l'ordre et de la santé.

maintenu quel qu'il soit. C'est ce qui ressort du jugement n°20/CS-CA du 27 janvier 1983, GUEBAMA PELE Pierre c/ État du Cameroun204.

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

Les règles relatives aux délais du recours gracieux n'ont pas été l'objet de réformes significatives. Cette constance se vérifie au double niveau des modalités de computation des délais que dans les circonstances de prorogation desdits délais. Concernant les recours gracieux adressés par voie postale, il n'y a pas pour l'instant de jurisprudence récente en la matière.

204 MOMO (B), Article précité, p.155.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

Au Cameroun, les exigences de fond du recours gracieux préalable ont connu une évolution significative. Cette évolution passe par l'identification de l'autorité destinataire pour arriver à la détermination des délais qui encadrent ce recours. Jadis jonchée d'obstacles205, la détermination de l'autorité adressataire a évolué et est devenu plus simple. Cette évolution dans le droit du contentieux administratif au Cameroun est à mettre de façon magistrale au crédit de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 et du juge administratif lui même. Dans le contentieux des collectivités territoriales décentralisées et le contentieux fiscal, les textes les régissant déterminent les autorités adressataires du recours gracieux préalable. Cette détermination est aujourd'hui bien encadrée dans le contentieux des collectivités locales, avec l'assouplissement de la tutelle étatique, et moins bien dans le contentieux fiscal, du fait d'une batterie de recours administratifs susceptibles d'égarer le requérant.

D'un autre côté, les règles relatives aux délais du recours gracieux n'ont pas enregistré de changement notable. C'est ainsi que les délais du recours gracieux sont restés les mêmes, tant dans le contentieux de l'indemnisation qu'en cas de défaillance d'une autorité ayant compétence liée. Dans le contentieux de l'annulation pour excès de pouvoir, les délais pour exercer le recours gracieux sont passés de deux à trois mois. L'inobservation de ces délais entraine la forclusion, sauf application des cas de prorogations des délais. Par ailleurs, les délais impartis à l'Administration pour réagir sur le recours gracieux n'ont pas changé et leur inobservation rend le recours contentieux prématuré.

Quant à la détermination des délais en cas d'acheminement d'un courrier postal, le problème reste d'actualité car, en l'état actuel du contentieux

205 Voir ABA'A OYONO (J.C), « Chronique du grain de sable dans la fluidité jurisprudentielle à la Chambre Administrative au Cameroun », Juridis Périodique n° 78, avril -mai -juin 2009, pp.62-74.

administratif, on ne peut savoir si le RGP adressé par courrier électronique est recevable.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Trente ans après, le recours gracieux préalable au Cameroun est demeuré un recours précontentieux dont le caractère d'ordre public s'est beaucoup affaibli, avec la multiplication à l'excès des exceptions à la règle du RGP. En d'autres termes, ce recours ne se présente plus de nos jours tel qu'il avait été conçu originellement. Il s'en suit que ce recours a connu de nombreuses mutations au point qu'on serait tenté de dire qu'il n'est plus que l'ombre de luimême.

Par conséquent, s'il fallait réécrire ce régime juridique de nos jours, nous reconnaitrons humblement206 qu'en plus de ce que d'illustres auteurs ont relevé, il reste que les RGP collectifs sont irrecevables devant la juridiction administrative. Nous mentionnerons dans le même sens que le recours gracieux préalable à lui seul suffit pour lier le contentieux dans le cadre du contentieux impliquant les collectivités territoriales décentralisées.

La justice administrative au Cameroun a considérablement évolué. Si les administrés n'obtiennent pas la sanction de leur droit, parce qu'un acte de procédure n'a pas été respecté, ou bien n'a pas été formé en temps réel, c'est le droit207. Toutefois, s'il s'avère le défaut de recours gracieux est dû aux dispositions légales qui ne sont pas suffisamment claires, c'est sûrement une injustice. Désormais, avec l'entrée en vigueur de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 précitée, cette injustice est corrigée : d'où l'importance de l'analyse du devenir du recours gracieux préalable au Cameroun.

Le RGP trente ans après est aussi un recours extirpé des ambigüités textuelles. Il est désormais relativement aisé d'identifier le destinataire d'un recours gracieux préalable tant dans l'État que dans les entités infra étatiques. L'accès au juge administratif n'est pas moins une garantie de l'État de droit, et

206 Voir COHENDET (A-M), Ouvrage précité, p.35. L'auteur affirme : « Il est bien plus dangereux de remettre en cause les idées reçues que de suivre les sentiers battus. Cependant, le risque « vaut la chandelle » car c'est seulement grâce à leur imagination et à leur audace que certains chercheurs ont pu faire progresser la réflexion juridique ».

207 Voir la maxime « Dura lex, sed lex » (La loi est dure mais c'est la loi).

rien ne justifierait que de nos jours, le recours gracieux préalable soit toujours un facteur de renforcement des prérogatives administratives.

Bien que la règle du recours gracieux préalable connaisse aujourd'hui plusieurs exceptions, on ne saurait envisager son éventuelle suppression208. On devrait toujours davantage opérer la redynamisation du RGP209, étant donné que « la réforme est appelée à se reformer de façon permanente et à s'adapter au gré de notre capacité à la digérer210 » L'Administration gagnerait à renforcer ses capacités en matière contentieuse sans toutefois se juridictionaliser, car il faut toujours faire « la part de l'Administration et du juge »211. Peut être que certaines difficultés liées à l'interprétation des textes sur le RGP au Cameroun vont de paire avec le problème de la spécialisation du juge administratif. Ainsi « il va falloir songer à former des magistrats authentiquement administratif (...) le législateur n'a jamais envisagé de confier le droit judiciaire privé aux magistrats administratifs, de même devra -t- il cesser de faire du contentieux administratif la chasse gardée des magistrats judiciaires212 ».

Il était temps que le recours gracieux préalable soit véritablement gracieux et non tortueux. D'ou venait -on qu'au Cameroun un recours qui se veut gracieux par essence tende à devenir la disgrâce du requérant ?

208 En France, un rapport du Conseil d'État sur les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge propose l'extension de la procédure de recours administratif préalable obligatoire dans trois domaines à savoir

- Invalidations de permis de conduire consécutives à la perte de tous les points par leur détenteur ; -Fonction publique ;

-Certaines décisions en matière de droit des étrangers.

Voir en ce sens, Les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge : un mode souple de règlement des conflits, Conférence de presse, mardi 16 septembre 2008. Disponible sur http://WWW.conseil-etat.fr/ce/actual/pdf/rapo_dossier_de_presse. pdf.

209 Par exemple en édictant une obligation de transmettre à l'égard d'une autorité indument saisie dans certaines circonstances. Aussi le législateur devrait envisager la possibilité de former un recours gracieux par courrier électronique, étant donné que nous sommes à l'ère d'internet.

210 Les cahiers de Mutations, n°002, novembre 1998, p.21. (Cité par ABA'A OYONO (J-C), « Un air de printemps dans le droit parlementaire du Cameroun », Juridis Périodique n°54, avril -Mai -Juin 2003, p.34.

211 Voir, BONICHOT (J-C), « Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique ou panacée administrative ? », Mélanges en l'honneur de Daniel LABETOULLE, Dalloz 2007, pp 81 et ss. Cité par Brisson (J.F), Article précité. p.4.

212 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), «Perspectives ouvertes à la juridiction administrative au Cameroun par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 », Article précité, p.173. L'auteur cite aussi KAMDEM (J-C), Contentieux administratif. Cours polycopié de Licence, 3ième année Droit Public, Université de Yaoundé, 1985, p.41.

L'avènement des tribunaux administratifs régionaux encourage à coup sûr les administrés à intenter les recours contre l'Administration pour revendiquer leurs droits. Nous espérons que les différents protagonistes du contentieux administratif camerounais seront à la hauteur de la perche tendue par le législateur de 2006 en matière de recours gracieux préalable au Cameroun. Nous reconnaissons cependant avec Olivier BEAUD que « dans un travail scientifique, la conclusion importe moins que la démonstration y menant ». 213

213 BEAUD (O), La puissance de l'État, 1ère éd., Paris, PUF, 1994, p.14.

LISTE DES ANNEXES

- Annexe I : Jugement n°57/2009/CA/CS du 11 mars 2009, Affaire CHOUALA Yves Alexandre c/ État du Cameroun 116

- Annexe II : Loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs 126

- Annexe III : Extrait de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême ..147

- Annexe IV : Modèle de recours gracieux préalable 148

BIBLIOGRAPHIE I - OUVRAGES

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-KEUTCHA TCHAPNGA (C),

9* « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise », Juridis Périodique n°38, avril-mai-juin 1999, pp.83-92.

10** « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », Juridis Périodique n° 70, avril-mai-juin 2007, pp. 24-29.

11***« Les aspects juridiques de la réforme de l'activité postale au Cameroun », Revue EJDA, n°45, avril -mai -juin 2000, pp.43-60.

12- KEUTCHA TCHAPNGA (C) et TEUBOU (B), « Réflexions sur l'apport du législateur camerounais à l'évolution de la procédure administrative contentieuse de 1990 à 1997 », Revue Internationale de Droit Africain EDJA n° 45, Avril-mai-juin 2000, pp. 61- 75.

13-LIMBOUYE YEM (C), « Le problème de la détermination de l'autorité habilitée à recevoir le recours gracieux préalable lorsque collectivités et établissements publics sont en cause », Lex lata n°14, mai 1995 pp.3-11.

14-MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », Juridis Périodique n°45, janvierfévrier-mars 2001, pp.78-86.

15- METENBOU (M), « Le sursis de paiement et le sursis à exécution dans le contentieux de l'imposition au Cameroun », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, T.1, Vol. 2, 1997. pp.51-65.

16-MESCHERIAKOFF, (A.S), « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise », RCD, n°15et 16, Série II, 1978, pp. 42-55.

-MOMO (B)

17*« Réflexion sur le système communal camerounais : contribution à l'étude de la décentralisation territoriale au Cameroun », Juridis Info n°24, octobre - novembre -Décembre 1995, pp.81-92.

18**«Problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, T.1, Vol.1, 1997, pp. 136 - 161.

19- NGUELE ABADA (M), « La réception des règles du procès équitable dans le contentieux du droit public », Juridis Périodique n°63, juillet-août-septembre 2005, pp.19-33.

20-NKONGHO (E), « The francophone « recours gracieux « and the Common law « fiat justicia « of the former Federal Republic of Cameroon » , Juridis info n°22, avril-mai-juin 1995, pp. 87-90.

21- OLINGA (A.D), « Contentieux électoral et état de droit au Cameroun », Juridis Périodique n°41, janvier-février-mars 2000, pp. 35-52.

-SIETCHOUA DJUITCHOKO (C),

22* « Perspectives ouvertes à la juridiction administrative au Cameroun par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T.1, Vol.1, 1997, pp.162-175.

23**« La difficile gestation des juridictions inférieures des comptes au Cameroun », Juridis Périodique n°68, octobre-novembre-décembre 2006, pp.101-113.

24*** « L'autonomie du recours en cassation en contentieux administratif au Cameroun », Juridis Périodique n°82, avril-mai-juin 2010, pp.77-85(Première partie) et Juridis Périodique n°83, juillet-août-septembre 2010, pp.65-75(Suite et fin).

25 - THIRIEZ (F), « La justice administrative », Petites affiches, n°76 du 22 juin 1998, pp.42-46.

III- THÈSES ET MÉMOIRES
1-THÈSES

1-ABA'A AYONO (J.C), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse Droit, Université de Nantes, 1994, 500 p.

2-ONDOA (M), Le droit de la responsabilité publique dans les États en développement : Contribution à l'étude de l'originalité des droits africains. Thèse Droit, Université de Yaoundé II-SOA, T.1, 1997, 362 p.

3- SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), L'appel dans le contentieux administratif au Cameroun, Thèse Droit, Université Paul Cézanne Aix - Marseille III, 2001, 471 p.

2-MÉMOIRES

1- FANDIP (O), Les juridictions administratives et le temps; cas du Cameroun et du Gabon, Mémoire de DEA, Université de Dschang, année académique 2006- 2007, 163p.

- KEMFOUET KENGNY (E.D),

2 *Le référé devant le juge administratif camerounais, Mémoire de maitrise, Université de Dschang, année académique 1997-1998, 86 p.

3**Le contentieux des élections présidentielles et législatives au Cameroun et au Gabon, Mémoire de DEA, Université de Dschang, année académique 2000-2001, 157p.

4-MBALLA OWONA (R), Les délais de distance en contentieux administratif camerounais, Mémoire de DEA, Université de Douala, année académique 2003- 2004, 72p.

5-MANDENG (D), Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun, Mémoire de DEA, Université de Douala, année académique 2003- 2004 ,129 p.

IV-TEXTES JURIDIQUES

1-Ordonnance n° 61 / OF du 4 octobre 1961 fixant la composition, les conditions de saisine et la procédure de la Cour Fédérale de Justice.

2- Ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême.

3-Ordonnance n° 72/11 du 26 août 1972 relative à la publication des lois, ordonnances, décrets et actes réglementaires.

4- Loi n°74/18 du 5 décembre 1974 relative à la responsabilité des ordonnateurs et gestionnaires de crédits publics et des entreprises de l'État.

5- Loi n° 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême en matière administrative.

6-Loi n° 90/052du 19 décembre 1990 sur la liberté de Communication sociale. 7- Loi n° 90 /053 du 19 décembre 1990 sur les associations.

8- Loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 sur les partis politiques.

9- Loi n° 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale

10- Loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux.

11- Loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic.

12- Loi n°2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des comptes de la Cour Suprême.

13-Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation.

14- Loi n° 2006/009 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale.

15- Loi n° 2006/010 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 92 /002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux.

16-Loi n° 2006/016 du 29 décembre sur l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême

17- Loi n°2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes.

18-Loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

19-Décret n° 2008/028 du 17 janvier 2008 portant organisation du Conseil de Discipline Budgétaire et Financier.

20- Code Général des Impôts de 2008.

21- Code Civil.

22- Code de Procédure Civile et Commerciale.

V - NOTES DE JURISPRUDENCE

1- ABA'A OYONO (J-C), Note sous jugement CS-CA du 07 décembre 2000, MAMA BILOA Sandrine c/Université de N'Gaoundéré, Juridis Périodique n°51, juillet- août-septembre 2002, pp.19-32.

2-GUIMDO DONGMO (B-R), Note sous ordonnance de référé n°13/OR/PCA/90-91 du 25 avril 1991, Journal « Le Messager » c/ État du Cameroun, Juridis Info n° 17, janvier- février-mars 1994, pp.54-56.

3-KAMTO (M), Note sous CS-AP, arrêt n°1/A du 27 novembre 1986, SEBA NDONGO Jean c/ État du Cameroun (D.G.S.N), Juridis info n°2, avril -mai - juin 1990, pp.51-52.

4-KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Une délicate révolution dans la procédure administrative contentieuse au Cameroun / À propos du traitement récent de l'urgence par le juge des référés. Note sous Cour Suprême du Cameroun, ordonnance de référé n°6 du 08 décembre 1998 SOSSO Emmanuel c /Crédit Foncier » Juridis Périodique n°45, janvier-février- mars 2001, pp. 41-45.

5- KEUTCHA TCHAPNGA (C) et GNIMPIEBA TONNANG (E), Note sous SIGHOKO FOSSI Abraham c/ État du Cameroun (MINSANTE) Ordonnance n°/CS/PCA du 5 octobre 1992, Juridis Périodique n°68, octobrenovembre-décembre 2006, pp.115-120.

6-MBOME (F-X), Note sous CS-CA, jugement n°03/90-91 du 21 novembre 1990 AYINA ABE Benoit c/ État du Cameroun, Juridis Périodique n°36, octobre- novembre -décembre 1998, pp.35-40.

7-MBOUENDEU (J-D), Note sous CS-CA, jugement n°32/87-88 du 26 novembre 1987, KEMAYOU Pierre c/ État du Cameroun, Juridis info n°2, avrilmai -juin 1990, p.53.

- NLEP (R.G),

8* Note sous jugement n° 64/CS-CA du 29 juin 1989, MBARGA Damien c/ État du Cameroun, RJA n°1, 1991, pp.83-88.

9** Note sous jugement n°58/CS-CA du 29 juin 1989, Société RAZEL CAMEROUN c/État du Cameroun et Commune rurale de Tiko, RJA n°1, 1991, pp.89-92.

-SIETCHOUA DJUITCHOKO (C),

10* Note sous jugement n° 14/94-95/CS-CA du 26 janvier 1995, YAP Jean Emile c/ État du Cameroun, Juridis Périodique n°42, avril -mai -juin 2000.

11** Note sous GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun, CS-AP arrêt n°01/A du 25 février 1999, Juridis Périodique n°65, janvier- février- mars 2006, pp. 39-49.

12*** Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême-Chambre Administrative, Juridis Périodique n°77, janvier-février-mars 2007, pp.49-57.

VI - COURS

1-ABA'A AYONO (J.C), Pratique des contentieux de Droit public, Cours de Master II recherche, Université de Dschang, FSJP, 2008- 2009.

- KEUTCHA TCHAPNGA (C),

2*Méthodologie de la recherche, Cours polycopié de Master II recherche, Université de Dschang, FSJP, 2008-2009.

3**Contentieux administratif, Cours de Licence, Université de Dschang, FSJP, 2006-2007.

4-ONDOA (M), Théories, méthodologie et épistémologie du Droit, Cours de Master II recherche, Université de Dschang, FSJP, 2008-2009.

- SIETCHOUA DJUITCHOKO (C),

5 *Droit et contentieux fiscaux, Cours polycopié de Maîtrise, Université de Dschang, FSJP, 2007-2008.

6**Droit des nouveaux contrôles administratifs et financiers au Cameroun, Cours polycopié de Master II Recherche, Université de Dschang, FSJP, 2008- 2009.

7-TCHAKOUA (J-M), Les modes alternatifs de règlement des différends, Cours polycopié de Maitrise, Université de Dschang, FSJP, 2007-2008.

VII - DOCUMENTS OU SOURCES ÉLECTRONIQUES

1-BRISSON (J.F), "Problèmes de procédure administrative non contentieuse".
Table ronde organisée par La Chaire "Mutations de l'Action Publique et du Droit
Public
", Sciences Po .Contribution de Jean François BRISSON : «Les recours

administratifs préalables obligatoires en droit public français, alternative au juge ou voie sans issue ? », Contribution_Jean _ François_ BRISSON.PDF, 14 p.

2- Circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l'exécution des contrats de la commande publique en France, fichier PDF ,8 p.

3-CASSIA (P), « Vers une action collective en droit administratif ? » RFDA, 2009, pp. 657et ss.

4-ENONE EBOH (T), Les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin. Disponible sur http://www.memoireonline.com 2007

5- http://admi.net.jo/20000413/FPPX980029L.html, Le recours administratif préalable devant l'Administration.

6- http://WWW.conseil-etat.fr/ce/actual/pdf/rapo_dossier_de_presse. pdf. Les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge : un mode souple de règlement des conflits, Conférence de presse, mardi 16 septembre 2008, 15 p.

7- http : //fr .WIKINEWS.org/WIKI/Droit public_en_ France : La_ liaison_ du_ contentieux en cours d'instance#colum one.

_ _ _

8-BOUSQUET (J-B), « Une circulaire pour favoriser le recours aux
transactions administratives
» (À propos de la circulaire du 7 septembre
2009,).Disponible sur le site

http://www.lextenso.fr/weblextenso/article/print?id=PA200923605 , Petites
affiches, n° 236, 26 novembre 2009 ,4 p.

9-Mémoire du barreau du Québec sur le recours collectif en Cour Fédérale du Canada (Fichier PDF) ,18 p.

10-L'accès a la justice : un droit fondamental /le point de vue de l'avocat. Conférence « Vers un meilleur accès des citoyens à la justice », Bruxelles, 24-26 octobre 2002. Intervention de Madame Karine Métayer, Avocat, Conseil des Barreaux de l'Union européenne (CCBE).Fichier PDF, 4 p.

VIII - RECUEILS DE JURISPRUDENCE

1- MBOME (F-X), Jurisprudence de la Chambre administrative du Cameroun, 341p.

2- MBOUYOM (F-X), Recueil des grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative de la Cour Suprême du Cameroun, 1970-1975, T.2, Ed. KENKOSON, Yaoundé, 370 p.

IX - LEXIQUES ET DICTIONNAIRES

1- GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 1987, 483 p.

2- Dictionnaire Microsoft Encarta 2009.

TABLE DE JURISPRUDENCE

- CE, CADOT, 1889.

- Jugement CCA du 29 novembre 1956 EKONG Yves Adolphe c/ Territoire du Cameroun.

- Arrêt n°32/ CFJ-CAY du 15 novembre 1966, Dame LAMI ABSATOU Bi Mohaman c/ État du Cameroun.

- Arrêt n°19/CFJ-AP du 16 mars 1967, TAGNY Mathieu c/ État du Cameroun.

- Arrêt n°9/ CFJ-AP du 16 octobre 1968, BABA YOUSSOUFA c/ État du Cameroun.

- Arrêt CFJ du 6 janvier 1970, NKWENKAM MOLHIE Luc c/CPE de Yaoundé. - CE, DELORT, 20 février 1970.

- Arrêt n°173/CFJ-CAY du 08 juin 1971, OWONO ESSONO Benoit c/ État Fédéré du Cameroun Oriental.

- Arrêt n°1/A/CS-AP du 8 novembre 1973, YOUMBI André c/ État du Cameroun.

- Jugement n°65/CS-CA du 22 avril 1974, EDIMO Jean Charles c/ État du Cameroun.

- Arrêt n°6/A/CS-AP du 09 janvier 1975, CDC c/SOCOPAO.

- Jugement n°69/CS-CA du 24 avril 1976, ABENELANG Gustave c/ État du Cameroun.

- Jugement n°71/CS-CA du 13 mai 1976, BENE BELLA Lambert c/ État du Cameroun.

- Jugement n°34/CS-CA du 31 mars 1977, KALLA EPANYA Jacques c/ État du Cameroun.

- Jugement n°12/CS-CA du 27 avril 1978, ITEM Dieudonné c/ État du Cameroun.

- Jugement n°14/77-78/CS-CA du 27 avril 1978, ATANGANA ESSOMBA Protais c/ État du Cameroun.

- Jugement n°19/CS-CA du 27 avril 1978, NGONGANG Richard c/ État du Cameroun.

- Jugement n°22/77-78/CS-CA du 27 avril 1978, NDJANA Pascal Bether c/ État du Cameroun.

- Jugement n°24/CS-CA du 13 juillet 1978, ESSOMBA NTONGA Gabriel c/ État du Cameroun.

- Jugement n°30/77-78/CS-CA du 13 juillet 1978, AKA'A Jules c/ État du Cameroun.

- Jugement CS-CA du 28 décembre 1978, Dame MBOCKA Jeannette c/ État du Cameroun.

- Jugement n°01/79-80/CS-CA du 29 novembre 1979, ESSIMI Fabien c/ État du Cameroun.

- Jugement n°6/CS-CA du 29 novembre 1979, Les Brasseries du Cameroun S.A c/ État du Cameroun.

- Arrêt n°1/A/CS-AP du 6 décembre 1979, FOUDA Hubert c/État du Cameroun.

- Jugement n°34/CS-CA du 24 avril 1980, ESSOUGOU Benoît c/ État du Cameroun.

- Jugement n°40/CS-CA du 30 avril 1981, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun.

- Jugement n°46/CS-CA du 30 avril 1981, OUMAROU Paul c/ État du Cameroun.

- Jugement n°9/CS-CA du 28 avril 1982, NGANKOU Amos Flaubert c/ État du Cameroun.

- Jugement n°45/CS-CA du 25 mai1982, DZIETHAM Pierre c/ État du Cameroun.

- Jugement n°1/CS-CA du 29 novembre 1982, ESSIMI Fabien c/ État du Cameroun.

- Arrêt n°8/A/CS-AP du 17 novembre 1983, État du Cameroun c/DZIETHAM Pierre.

- Jugement n°70/84-85/CS-CA du 25 octobre 1984, SEBA NDONGO Jean c/ État du Cameroun (DGSN).

- Arrêt n°16/A/CS-AP du 13 juin 1985, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun.

- Arrêt n°1/CS-AP/ du 27 novembre 1986, SEBA NDONGO Jean c/ État du Cameroun 1986.

- Jugement n°32/87-88/CS-CA du 26 novembre 1987, KEMAYOU Pierre c/ État du Cameroun.

- Jugement n°8/87-88/CS-CA du 29 octobre 1987, MASSO LOBE Jean Charles c/ État du Cameroun.

- Jugement n°44/87-88/CS-CA du 28 janvier 1988, BABOULE Pierre c/ État du Cameroun.

- Jugement n°40/CS-CA du 25 mai 1989, ZENGUE NGOULOU Dagobert c/ État du Cameroun.

- Jugement n°58/CS-CA du 29 juin 1989, Société RAZEL Cameroun c/ État du Cameroun et Commune rurale de Tiko.

- Jugement n°64/CS-CA du 29 juin 1989, MBARGA Damien c/ État du Cameroun.

- Jugement n°13/CS-CA du 23 novembre 1989, ENYENGUE DIPOKO Bernard c/ État du Cameroun.

- Jugement n°03/90-91/CS-CA du 21 novembre 1990, AYINA ABE Benoît c/ État du Cameroun.

- Ordonnance de référé n°13/OR/PCA/90-91 du 25 avril 1991, Journal « Le Messager » c/État du Cameroun.

- Ordonnance de sursis n°21/OSE/PCA/ 91-92 du 26 juillet 1992, Dame MAYOUGA Yvonne c/ État du Cameroun (MINSANTE).

- Ordonnance de sursis n°05/CS/PCA du 5 octobre 1992, SIGHOKO FOSSI Abraham c/ État du Cameroun (MINSANTE).

- Jugement n° 19 /ADD/CS-CA du 31 décembre 1992, EFFOUDOU Camille c/ État du Cameroun.

- Jugement n°44/92-93/CS-CA du 24 juin 1993, NABION Maurice c/Université de Yaoundé.

- Jugement n°36/93-94/CS-CA du 31 mars 1994, Société MOORE PARAGON c/ État du Cameroun.

- Jugement n° 14/94-95/CS-CA du 26 janvier 1995, YAP Jean Emile c/ État du Cameroun.

- Ordonnance de sursis du 27 juin 1997, DJANBOU Maurice c/SOCADIC.

- Ordonnance de référé n°06/du 08 décembre 1998, SOSSO Emmanuel c/Crédit foncier du Cameroun.

- Arrêt n°01/A/CS-AP du 25 février 1999, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun.

- Jugement n°71/CS-CA du 28 septembre 2000, NGANG Anatole c/ État du Cameroun.

- Jugement CS-CA du 07 décembre 2000, MAMA BILOA Sandrine c/Université de N'Gaoundéré.

- Jugement n°36/2001-2002/CS-CA du 27 juin 2002, EMBOLO MVOLA Anne épouse ABESSOLO et Maître Etienne ABESSOLO c/ État du Cameroun (P R).

- Jugement n°02/2002-2003/CS-CA du 31 octobre 2002, MENTOKE Fridolin c/ État du Cameroun (DGSN).

-- Jugement n°106/02-03/CS-CA du 27 août 2003, SOBGUI Gabriel Alexis c/ État du Cameroun (MESIRES) et Université de Yaoundé.

- Jugement n°112/02-03/CS-CA du 03 septembre 2003, FOE Théodore c/ État du Cameroun(DGSN).

- Jugement n°128/02-03/CS-CA du 24 septembre 2003, Me N'DENGUE Thomas Byll c/ État du Cameroun (MINFIB).

- Jugement n°5/CS-CA du 29 octobre 2003, NZEUSSEU Christophe c/ État du Cameroun (DGSN).

- Ordonnance de sursis à exécution n°039/OSE/CAB/PCA/CS/ 03-04 du 05 juillet 2004, Association des Témoins de Jéhovah c/ État du Cameroun (MINUH).

- Ordonnance de référé n°41/OR/CAB/PCA/CS/2003-2004 du 07 juillet 2004, Social Democratic Front c/ État du Cameroun (MINATD et MINEFIB).

- Jugement n°36/04-05/CS-CA du 29 décembre 2004, Crédit foncier du Cameroun c/ État du Cameroun(MTPS) et MISSOKA Antoine Marie.

- Jugement n°37/04-05/CS-CA du 29 décembre 2004, ACHENGUI c/Communauté urbaine de Yaoundé.

- Jugement n°49/04-05/CS-CA du 02 février 2005, BIDJEBELE Joseph c/ État du Cameroun (MFPRA).

- Jugement n°45/2004-2005/CS-CA du 05 février 2005, Société NKUITE et Compagnie c/ État du Cameroun, (MINEFI).

- Jugement n°65/04-05/CS-CA du 23 mars 2005, MINDANG Michel c/ État du Cameroun (MFPCE).

- Jugement n°127/04-05/CS-CA du 22 juillet 2005, DANG Joseph c/ État du Cameroun(DGSN).

- Jugement n°125/04-05/CS-CA du 27 juillet 2005, NOUMEN NTCHAO Justin c/ État du Cameroun (MINEFI).

-Jugement n°159/2004-2005/CS-CA du 27 juillet 2005, Dame AGNOUNG MOUTE Bernadette c/Cameroon Télécommunications.

- Jugement n°41/2005-2006/CS-CA du 18 janvier 2006, EKOBENA et ONANA MESSINA Marcel c/ État du Cameroun (MINUH) et MBAGOFA et autres.

- Jugement n°45/2005-2006/CS-CA du 1er février 2006, FOGANG Moïse c/ État du Cameroun (MINUH).

- Jugement n°57 /05-06/CS-CA du 05 avril 2006, ENONCHONG Henry ABI NDIFOR c/ État du Cameroun(MINUH) et ayants droit de Gustave KOUAMBO.

- Jugement n°73/05-06/CS-CA du 05 avril 2006, Dame veuve ANABA née MEUGUE Juliette c/ État du Cameroun (MINUH) et MBALLA MBOUNOUNG.

- Jugement n°97/2005-2006/CS-CA du 14 juin 2006, Association Commune Internationale des Femmes Messagers du Christ (CIFMC) c/ État du Cameroun (MINAT) et Madame LEMOTIO née ELELONGUE NDINE Solange Alvine.

- Jugement n°110 /05-06/CS-CA du 12 juillet 2006, Nouvel office de transit du Cameroun c/CNPS.

- Jugement n°130 /05-06/CS-CA du 12 juillet 2006, Collectivité Mvog-Nkili c/ État du Cameroun.

- Jugement n°130/04-05/CS-CA du 27 septembre 2006, Succession EKOBENA FOUDA Jean c/ État du Cameroun (MINUH) et KABAC TJOL Philémon.

- Jugement n°124/2006-2007/CS-CA du 28 novembre 2007, NGAWOUO c/ État du Cameroun (MINMEE).

- Jugement n°29/2008/CS-CA du 02 avril 2008, ZONG OKOMO c/ État du Cameroun (SESI).

- Jugement n°45 /2008/CS-CA du 02 avril 2008, NJOCK née ONOMESSENE Brigitte J-F c/ État du Cameroun (PM).

- Jugement n°46 /2008 /CS-CA du 02 avril 2008, OKONO Jean Gilles c/ État du Cameroun (PM).

- Jugement n°47/2008/CS-CA du 02 avril 2008, ESSOMBA Apollinaire c/ État du Cameroun (PM).

- Jugement n°66/2008 /CS-CA du 18 juin 2008, Entreprise des Travaux à Hydraulique et de Génie Civil (ETHYGEC) c/ Communauté urbaine de Yaoundé.

- Jugement°70/2008/CS-CA du 18 juin 2008, TONYE Jean Alphonse c/ État du Cameroun (MINDEF).

- Jugement n°71/2008/CS-CA du 18 juin 2008, Dame veuve PENTE née DJABOU Marie c/ État du Cameroun(MINATD).

- Jugement n°74/2008/CS-CA du 18 juin 2008, TONDJA NDJEUDJI René c/ État du Cameroun (MINDAF).

- Jugement n°83/2008/CS-CA du 18 juin 2008, Syndicat national des professionnels de la comptabilité c/ État du Cameroun (MINEFI).

- Jugement n°84/2008/CS-CA du 18 juin 2008, MBENOH Joseph et BELL BELL II c/ État du Cameroun (PM).

- Jugement n°133/2008/CS-CA du 18 juin 2008, BOLO MBADE Joseph Jérôme c/ État du Cameroun (Ministère de la culture).

- Jugement n°90/2008/CS-CA du 13 août 2008, KWANYA NGANGWA André Richard c/ État du Cameroun (Communauté Urbaine de Douala).

- Jugement n°91/2008/CS-CA du 13 août 2008, Groupement Babouantou c/ État du Cameroun(MINAT) et Groupement Bangou.

- Jugement n°57/2009/CS-CA du 11 mars 2009, CHOUALA Yves Alexandre c/État du Cameroun (PM).

- Jugement n°59/2009/CS-CA du 11 mars 2009, KOE Jr Jean Patrice c/État du Cameroun (PR).

- Jugement n°79/2009/CS-CA du 25 mars 2009, SANGALE MAGBEKA Jules Alain c/État du Cameroun (PM).

- Jugement n°81/2009/CS-CA du 25 mars 2009, Madame OWONA Née MINKUE Laure c/État du Cameroun (PM).

- Ordonnance de sursis à exécution n°15/OSE/CS/2009/CS-CA du 30 avril 2009, État du Cameroun (MINCULT) c/ La CAMEROON MUSIC CORPORATION (CMC).

- Ordonnance de sursis n°29/OSE/CCA/2009/ CS-CA du 17 juillet 2009, KENMOE Emmanuel c/ État du Cameroun (MINDAF).

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT i

TABLE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ii

SOMMAIRE iv

RÉSUMÉ v

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE TRANSFORMATION LIMITÉE DES
EXIGENCES DE FORME DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE
.... 14

CHAPITRE-1 : LA RÉAFFIRMATION DU CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC DU RECOURS GRACIEUX 16

SECTION-1 : LE CHAMP D'APPLICATION DE LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 16

PARAGRAPHE-1 : LE RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE EN MATIÈRE ORDINAIRE 17

A- La rigueur formelle de l'article 17 de la loi de 2006 17

1-La protection précontentieuse de l'Administration 18

2-Le bien fondé du recours gracieux préalable pour le justiciable et le juge 19

B - La liaison du contentieux administratif par le recours gracieux prealable 20

1 - La nécessité d'une liaison du contentieux par le recours gracieux 20

2 - Les conséquences de l'exigence d'une liaison du contentieux par le recours gracieux préalable 21

a- Le rejet des recours contentieux prématurés 21

b- Le rejet des recours gracieux mal dirigés 22

c -L'irrecevabilité des demandes non soumises au préalable a l'Administration 23

PARAGRAPHE-2 : LE RECOURS GRACIEUX EN MATIÈRE D'URGENCE 26

A- L'exigence nouvelle d'un recours gracieux dans le référé administratif

27

1 - La remise en cause de l'acquis de 1975 27

2 - La dénaturation de l'urgence par l'exigence d'un recours gracieux préalable en référé 29

B- La survivance du recours gracieux préalable dans le sursis à execution

30

PARAGRAPHE-3 : LE RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE ET LES VOIES DE RECOURS 32

A- Recours gracieux préalable et pourvoi en appel 32

B - Recours gracieux préalable et pourvoi en cassation 34

SECTION-2 : LA TRADUCTION JURISPRUDENTIELLE DU CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC 36

PARAGRAPHE-1 : LA JURISPRUDENCE CONSTANTE DU JUGE ADMINISTRATIF 36

A- L'arrêt de principe 36

B -La jurisprudence confirmée 37

PARAGRAPHE-2 : LE REJET DES RECOURS GRACIEUX

COLLECTIFS 38

A- L'affirmation récente de la notion de recours gracieux collectif dans la jurisprudence administrative 39

1 - la consécration de la notion de recours gracieux collectif 39

2 - Exposé d'un cas d'espèce : Affaire CHOUALA Yves Alexandre c/État du Cameroun (PM), jugement n°57/2009/CS-CA du 11 mars 2009 40

B - Les motifs d'irrecevabilité des recours gracieux collectifs 42

C- Analyse critique du rejet des recours gracieux collectifs 44

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 47

CHAPITRE-2 : L'ATTÉNUATION DE LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 48

SECTION-1 : LA MULTIPLICATION DES EXCEPTIONS À LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 48

PARAGRAPHE-1 : LES EXCEPTIONS LÉGALES 48

A- Les exceptions inhérentes aux lois sur les droits et libertés publiques et aux lois électorales 49

1 - Les exceptions inhérentes aux lois sur les droits et libertés publiques 49

2- les exceptions en matière électorale 51

B - La création d'un organisme de controle budgétaire et financier : le Conseil de Discipline Budgétaire et Financier (CDBF) 53

PARAGRAPHE- 2 : LES EXCEPTIONS JURISPRUDENTIELLES 54

A - Les exceptions jurisprudentielles en matière d'urgence 54

B - Les exceptions jurisprudentielles en matière ordinaire 56

SECTION-2 : LES JUSTIFICATIONS DES EXCEPTIONS À LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 58

PARAGRAPHE- 1 : LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET LIBERTÉS PUBLIQUES 58

PARAGRAPHE-2 : LA PRISE EN CONSIDÉRATION DES QUESTIONS ÉLECTORALES 59

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 61

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 62

SECONDE PARTIE : UNE MODIFICATION ATTÉNUÉE DES
EXIGENCES DE FOND DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE
63

CHAPITRE-1 : LA SIMPLIFICATION DES RÈGLES RELATIVES À LA DÉTERMINATION DE L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE 65

SECTION-1 : LES PRINCIPALES HYPOTHÈSES 65

PARAGRAPHE-1 : L' AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE AU NIVEAU DE L'ÉTAT 66

A - L'auteur de l'acte querellé, destinataire du recours gracieux 66

B - L'abrogation de l'expression « Ministre compétent », destinataire du recours gracieux préalable 68

PARAGRAPHE-2 : L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE DANS LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS 71

A- Présentation des établissements publics 72

B - L'autorité statutairement habilitée à représenter l'établissement public en cause 73

C - La détermination de l'autorité statutairement habilitée à representer l'établissement public en cause 76

SECTION - 2 : LES AUTRES HYPOTHÈSES 77

PARAGRAPHE -1 : L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE À L'ÉCHELON DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES 78

A - L'application des règles ordinaires du contentieux administratif ... 78

B- La suppression du recours de tutelle accessoire au recours gracieux préalable 81

PARAGRAPHE-2 : LA DÉTERMINATION DE L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX DANS LE CONTENTIEUX FISCAL 85

A- Le Ministre des finances, destinataire du recours gracieux 85

B - L'absence du recours gracieux dans le sursis de paiement en matière fiscale 88

PARAGRAPHE- 3 : L'OPPORTUNITÉ DE LA PRESCRIPTION D'UNE OBLIGATION DE TRANSMETTRE LE RECOURS GRACIEUX EN CAS D'ERREUR DU REQUÉRANT 90

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 93

CHAPITRE-2 : LA QUASI STABILITÉ DES RÈGLES RELATIVES AUX DÉLAIS DU RECOURS GRACIEUX 95

SECTION-1 : LA PERMANENCE DES ÉLÉMENTS DE DÉTERMINATION DES DÉLAIS 96

PARAGRAPHE-1 : LA DÉTERMINATION DES DÉLAIS SELON L'OBJET DU LITIGE 96

PARAGRAPHE-2 : LA DÉTERMINATION DES DÉLAIS SELON LA SITUATION DU DEMANDEUR 97

A - Cas du demandeur en situation normale 97

B - Situation du demandeur provoquant une décision confirmative d'une autre non attaquée 98

SECTION-2 : LA QUASI CONSTANCE DES MODALITÉS DE COMPUTATION DES DÉLAIS 99

PARAGRAPHE- 1 : LES DÉLAIS DE PRINCIPE DU RECOURS GRACIEUX 99

A- Les modalités de computation des délais de principe 100

B - Les modalités de computation des délais du recours gracieux préalable acheminé par voie postale 101

PARAGRAPHE-2 : LES CAS DE PROROGATION DES DÉLAIS 104

A- La force majeure et le motif grave 104

B - La distance et l'incidence des dimanches et jours feriés 105

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 108

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 109

CONCLUSION GÉNÉRALE 111

LISTE DES ANNEXES 115

BIBLIOGRAPHIE 150

I - OUVRAGES 150

II-ARTICLES DE DOCTRINE 151

III- THÈSES ET MÉMOIRES 153

1-THÈSES 153

2-MÉMOIRES 154

IV-TEXTES JURIDIQUES 154

V - NOTES DE JURISPRUDENCE 156

VI - COURS 157

VII - DOCUMENTS OU SOURCES ÉLECTRONIQUES 157

VIII - RECUEILS DE JURISPRUDENCE 158

IX - LEXIQUES ET DICTIONNAIRES 159

TABLE DE JURISPRUDENCE 159






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo