9-2 Une utilisation alternative de la
dénomination officielle selon les interlocuteurs par les CPIP
Dans une étude, en date de 2008 et concernant la
socialisation professionnelle des CPIP, la tendance observée supra se
confirme mais la référence au nom de travailleur social a
fortement diminué. Cette promotion ayant intégré
l'ÉNAP en 2008, nous constatons qu'en 4 ans, entre 206 et 2010, aucune
évolution significative n'est à noter : « Se
présenter comme conseiller d'insertion et de probation devient moins
fréquent avec le temps, lorsqu'il s'agit pour les élèves
de se présenter professionnellement hors du milieu dans lequel ils
exercent leurs fonctions Après un an de formation à
l'ÉNAP, une baisse conséquente de 15 points puis de 3 points
après les stages, confirme cette évolution, même si les
élèves répondent toujours majoritairement «
conseiller d'insertion et de probation» [GRAS, 2008, p12].
Cette utilisation stratégique du nom de CPIP ou de CIP
est une constante, les appellations alternatives dépendant de
l'interlocuteur et de l'objectif de la communication :
F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté
: « Des fois, je dis que je suis du service
pénitentiaire, sans aller dans les détails quand il faut aller
vite, voilel, quand je dis pas CIP, je dis mon nom et que je suis du service
pénitentiaire de Saint Denis ».
L'utilisation de telle ou telle dénomination varie selon
l'information demandée et l'interlocuteur institutionnel :
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Tout dépend de l'interlocuteur que j'ai, tout dépend
ce que je veux avoir ; je pense que si je cherche à avoir un poids
auprès de mon interlocuteur, je ne vais pas me présenter comme
travailleur social, du fait de l'image des travailleurs sociaux en France, je
vais me présenter comme conseillère d'insertion et de probation
au sein d'un service pénitentiaire ; si je suis dans une relation plus
partenariale avec des gens qui sont eux même des travailleurs sociaux, je
vais me présenter comme travailleur social ; voilà, je fais un
distinguo selon l'interlocuteur que j'ai ».
F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Sincèrement ça dépend, j'essaie vraiment
d'adapter selon les personnes : je dis que je m'occupe de personnes qui sont en
détention ou qui sortent de détention, dans le cadre de
libération conditionnelle ; en général, je prends
l'exemple de la libération conditionnelle parce que ça parle plus
aux gens, ou donc, j'explique aussi que je suis des personnes dans le cadre de
bracelet électronique parce que pareil, j'ai l'impression que ça
leur parle plus que d'autres mesure : la semi-liberté ou d'autres
mesures ».
Cette manière de se présenter varie de
manière plus prononcée lorsque la culture professionnelle
d'origine de la personne est issue des professions du social « canoniques
», comme les assistantes de services social ou les éducateurs
spécialisés. Dans ces situations, l'appui, sur un nom
identifié, reconnu par le grand public et porteur d'une symbolique
forte, reste très utilisé :
F, 46 ans, Assistante de service social, 22
ans d'ancienneté : « Au téléphone, en
fonction de ce que j'ai à demander ou de ce que je souhaite savoir, je
suis AS ou bien CIP ; bon, j'ai intégré le corps des CIP mais
pour les partenaires, je reste AS : par exemple, si j'appelle un service que je
connais et que je sais qu'il peut être méfiant par rapport
à un service judiciaire, par rapport à la fonction que je
représente, et s'il y a des AS, je dis que je suis AS. ça les
mets en confiance, ça leur parle plus ; en fait, c'est pas de l'ironie,
ça les met plus en confiance pour me donner des informations sur la
personne éventuellement, pour avoir un échange de confiance plus
facilement que si je dis que je suis CIP ; peut être que c'est parce que
quand j'ai commencé, je disais AS, déléguée
à la probation ; j'ai toujours dit AS déléguée
à la probation, donc, ça m'est resté, est-ce pour autant
que mes collègues CIP n'arrivent pas à nouer des relations de
confiance avec les AS, je ne sais, connaissant certaines AS dans certains
milieux, je sais qu'elles sont méfiantes vis à vis du milieu
judiciaire, donc, je dis que je suis AS ».
Meme si le degré d'adhésion des assistant(e)s de
service social à une identité professionnelle commune reste
à caractériser et à démontrer, il apparaît
ici que la référence à un cadre éthique commun
facilite la communication et l'échange d'informations sur certaines
situations complexes avec des partenaires extérieurs au service.
Il est possible d'écrire que les assistant(e)s de
services social, par la publication de monographies et par le
développement d'écrits universitaires, ont élaboré
des références communes et un cadre éthique d'action bien
plus conséquent que le groupe professionnel des CPIP. La
thématique de la professionnalisation est, à titre indicatif,
très peu abordée par les travaux d'élèves en
formation initiale à l'ÉNAP, travaux non publiés par
ailleurs et seulement consultables en interne à la
médiathèque de l'ÉNAP à Agen.
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