6-3 La revalorisation indiciaire, une stratégie
de distinction avec les assistant(e)s de service social?
La circulaire de mai 2008 confirme que le métier de
CIP, fondé sur la prévention de la récidive, s'exercera
désormais dans le champ pénal et criminologique. Les 300
assistant(e)s de service social de la filière insertion et probation
pourront alors choisir d'intégrer le corps des CIP ou de rester dans le
champ du travail social. L'abandon du terme - travailleur social - dans les
missions des CPIP et des références à l'insertion des
personnes placées sous main de justice, a été l'enjeu
principal de cette revalorisation indiciaire comme vu
précédemment.
Les actuels assistant(e)s de service social (ASS),
présents dans les SPIP, occupent les mêmes fonctions que les CIP.
Pour autant, leur statut particulier et leur rémunération
diffèrent. Ainsi, ne sont-ils pas soumis au statut spécial. De
même, leur régime indemnitaire spécifique entraîne,
à échelon égal, une rémunération
supérieure à celle d'un CIP.
A l'inverse, ces montants indemnitaires ne sont pas
intégrés dans le calcul des droits à la retraite,
contrairement à l'indemnité de sujétion spéciale
pour les CIP. « En ce qui concerne plus particulièrement les
assistants sociaux qui, aujourd'hui, exercent les mrmes missions que les CIP,
deux options leur seront offertes :
- soit ils préfèrent rester dans le champ
du travail social et, dans ce cas, les agents restent sur leur statut
d'assistant de service social. Les ASS détachés dans le
corps des CIP, choisissant cette option, devront mettre fin à leur
détachement, au plus tard le jour précédent
l'entrée en vigueur du statut du nouveau corps
- soit ils souhaitent s'orienter vers le travail
d'insertion orienté sur le champ du pénal et de la criminologie
et dans ce cas, ils optent pour l'intégration dans le nouveau
corps.
Cette intégration nécessite, au
préalable, un détachement dans le corps des CIP, qui
s'éteindra à l'issue de l'intégration des personnels dans
le nouveau corps, soit le 31.12.2013. » 36.
36
Protocole du 9 juillet 2009 -- p. 4) La situation des
conseillers techniques de service social (CTSS) fera l'objet d'un
traitement spécifique. » (Mémo SPIP
n°13)
Ces orientations de l'Administration Centrale
inquiétaient déjà les travailleurs sociaux de
l'Administration Pénitentiaire en 2004/2005 : «
L'insécurité tient encore à la confrontation à
l'énigmatique projet institutionnel : l'incohérence
perçue des réformes, des décisions (exemple : favoriser
l'absorption du corps des assistantes sociales dans celui ces CIP et,
parallèlement, recruter un nombre important d'assistantes sociales,
modifier le profil des reçus aux concours - essentiellement des «
juristes » - sans que ce changement soit présenté comme le
fruit d'une décision et soit expliqué par une redéfinition
des missions» [LHUILIER, 2006, p77]. Cette séparation d'avec
les assistants de service social est confirmée par les projets de
l'Administration Pénitentiaire concernant la pluridisciplinarité
au sein des SPIP. 37
Cette stratégie de distinction, de
différenciation des CPIP d'avec les assistantes de services sociales,
marque possiblement la fin de l'idéal réhabilitatif des missions
des CPIP, anciennement travailleurs sociaux dans la circulaire de 2000. Une
analogie existe, selon nous, avec la volonté qu'ont eu les
infirmières aux États-Unis de déléguer certaines
tâches jugées peu gratifiantes aux aide soignantes [HUGHES, 1952].
Lorsqu'une profession était amenée à
déléguer des tches, c'était souvent des tches que celle-ci
jugeait accessoires.
Par « dirty work », Hughes entend les tches qui se
situent en bas de l'échelle des valeurs sociales parmi toutes les
tâches à accomplir dans un métier donné, qui sont
jugées serviles, fastidieuses voire dégradantes et ne procurent
aucun prestige social, exposant ceux qui les réalisent au mépris
des autres. Aussi se pose la question de la volonté de l'Administration
de délégation du sale boulot (ou « dirty work ») d'aide
à l'insertion sociale des personnes placées sous main de justice
aux assistantes de service social dans cette terminologie spécifique.
Ainsi, la notion d'autonomie fonctionnelle des SPIP rencontre
une adhésion chez les CPIP ayant intégré l'Administration
Pénitentiaire il y a moins de dix ans. Cependant, le rapport au statut
d'expert en criminologie reste entièrement à construire et ne
repose actuellement que sur des bases rhétoriques et argumentatives, ne
rencontrant pas ou peu d'adhésion dans notre échantillon. La
scission et la distinction entre Assistant(e)s de Service Social et CPIP au
sein des SPIP est souhaitée par l'Administration Pénitentiaire et
une partie des personnes interrogées dans une volonté de «
clarification » des missions des CPIP.
37 Voir Annexe 7 p 184
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