CNAM
Conservatoire National des arts et
métiers
Chaire de travail social
et Intervention Sociale
Master de recherche Travail social, action sociale et
société
De la réinsertion à la
prévention de la récidive : quel
processus de professionnalisation pour les
Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation
?
Année :
2011
Yann COUZIGOU
Remerciements
Je tiens à remercier chaleureusement Monsieur
MALOCHET pour sa disponibilité, son attention exigeante et ses
précieux conseils méthodologiques sans lesquels ce travail
n'aurait pas vu le jour.
Je tiens à saluer mes collègues qui ont
accepté de répondre à mes questions ainsi que les
organisations rencontrées qui ont éclairé mon
propos.
Je remercie particulièrement Jean-Claude pour son
infinie patience, son soutien, sa compréhension et ses précieuses
corrections.
Enfin je tiens à saluer mes amis qui m'ont soutenu et
compris dans cette aventure humaine et intellectuelle malgré mon manque
de disponibilité pendant deux ans.
Sigles et abréviations
AP Administration Pénitentiaire
ARSE Assignation à Résidence sous
Surveillance Electronique
ARSEM Assignation à Résidence sous
Surveillance Electronique Mobile
AFC Association Française de
Criminologie
CFDT-Interco Confédération
Française Démocratique du Travail-Interco
CIP Conseiller d'Insertion et de Probation
CPIP Conseiller Pénitentiaire d'Insertion
et de Probation
DAP Direction de l'Administration
Pénitentiaire
ÉNAP École Nationale
d'Administration Pénitentiaire
JAP Juge de l'Application des Peines
PPSMJ Personnes Placées Sous Main de
Justice
PPR Programme de Prévention de la
Récidive
PSE Placement sous Surveillance Electronique
PSEM Placement sous Surveillance Electronique
Mobile
SEFIP Surveillance Electronique Fin de Peine
SNEPAP FSU Syndicat National de l'Ensemble des
Personnels de l'Administration
Pénitentiaire- Fédération Syndicale
Unitaire
SPIP Service Pénitentiaire d'Insertion et
de Probation
UGSP-CGT Union Générale des
Services Pénitentiaires- Confédérations
Générale
du Travail
Sommaire
Remerciements 3
Sigles et abréviations 4
Sommaire 5
Introduction générale 7
Première partie : Les CPIP dans un contexte
d'évolutions politiques, législatives et institutionnelles
constantes 24
Introduction de la première partie 26
Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de
remise en cause du travail social 27
Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales
en profondes mutations 32
Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires
d'Insertion et de Probation 38
Chapitre 4 : Genèse d'un changement de nom 46
Conclusion de la première partie 53
Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces
évolutions 55
Introduction de la deuxième partie 57
Chapitre 5 : Une organisation des services profondément
modifiée 58
Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces
évolutions porté par l'Administration Pénitentiaire
65
Conclusion de la deuxième partie 75
Troisième partie : Des pratiques professionnelles en
mutation 77
Introduction de la troisième partie 79
Chapitre 7 : Savoirs d'action et autonomie professionnelle 80
Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs
émergeants 87
Conclusion de la troisième partie 98
Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ?
100
Introduction de la quatrième partie 102
Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP 103
Chapitre10 : Une socialisation professionnelle
problématique 110
Conclusion de la quatrième partie 125
Conclusion générale 128
Tables des matières 136
Bibliographie 139
Annexe 1 : L'échantillon 150
Annexe 2 : La grille d'entretien 154
Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite
160
Annexe 4 : Le statut des CPIP 165
Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire
169
Annexe 6 : Les programmes de prévention de la
récidive 178
Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP 184
Introduction générale
La question de départ
Les Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation
(SPIP) prennent en charge l'ensemble des mesures de justice en milieu
fermé, c'est-à-dire en détention, comme en milieu ouvert :
les peines alternatives à l'incarcération, les
aménagements de peine, les contrôles judiciaires et depuis peu,
les mesures de süreté. Ces services, dépendant de
l'Administration Pénitentiaire, ont été récemment
médiatisés lors de l'affaire dite « de
Pornic»1, en janvier 2011 : une jeune femme y a
été sauvagement assassinée par une personne, placée
sous main de justice et récemment sortie de détention sans suivi
effectif par le SPIP à l'extérieur. Les médias nationaux
ont largement relayé les difficultés rencontrées par ces
services face à la surcharge de mesures engendrées par les
différentes politiques pénales passées et
présentes. La mise en cause publique par le Gouvernement de l'action des
Juges d'Application des Peines de la juridiction nantaise et des Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (CPIP) a créé
un mouvement2, unique à ce jour, de l'ensemble des personnels
de justice, des magistrats aux agents administratifs, mouvement qui s'est
poursuivi dans les SPIP une partie de l'année 2011. Ce fait divers a
surtout, à notre sens, confirmé de manière criante le
manque de visibilité de l'action des SPIP aux yeux du grand public,
malgré leur rôle charnière au sein de la Justice
Pénale, rôle réaffirmé par la loi
Pénitentiaire du 24 novembre 2009.
1
« Tony Meilhon, avait été condamné
à 6 mois de prison ferme et à 18 mois de « sursis avec mise
à l'épreuve » pour « outrage à magistrat »
à l'audience. Ce multirécidiviste de 31 ans avait
déjà accumulé 13 condamnations, dont une pour le viol d'un
codétenu. Mais le SPIP de Nantes n'a pas affecté cette mesure de
mise à l'épreuve non prioritaire pour ses services. Sorti de
prison en février 2010, il n'avait jamais été
convoqué. Le suivi médical, que lui avait imposé le juge,
n'a donc jamais été mis en place non plus. Côté
policier, l'homme, sans adresse fixe, n'avait pas répondu aux
convocations pour son identification au fichier des délinquants sexuels,
et il avait été simplement inscrit au fichier des personnes
recherchées ». Source Le Figaro consultable
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-
20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.php
2
« C'est de Nantes qu'est partie la révolte,
après des propos de Nicolas Sarkozy, le 3 février à
Orléans, promettant des sanctions à l'encontre des responsables
de "dysfonctionnements graves" des services de police et de justice dans le
suivi du meurtrier présumé de Laëtitia Perrais à
Pornic (Loire-Atlantique). Les magistrats n'ont pas supporté cette mise
en cause avant même que soient connus les résultats des
inspections en cours et alors qu'ils tirent, depuis des années, la
sonnette d'alarme quant au manque de moyens de la justice ». Source Le
Point consultable au
http://www.lepoint.fr/societe/lesmagistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763
23.php
Cette Loi, intégrant en partie les recommandations
édictées par les Règles Pénitentiaires
Européennes3, consacre le principe du caractère
exceptionnel de l'emprisonnement, le déploiement massif de la
surveillance électronique, et des aménagements de peine et la
généralisation des programmes de prévention de la
récidive. Elle s'inscrit dans la continuité de réformes
d'envergure comme la juridictionnalisation de l'Application des Peines en 2004,
la mise en oeuvre des peines planchers en 2007 et la création de
nouvelles mesures de süreté en 2008. Les missions d'accompagnement
social des CPIP sont amenées à être confiées
à d'autres professionnels et leurs missions recentrées sur la
prévention de la récidive, sur la base d'un diagnostic à
visée criminologique et de méthodologies d'interventions
nouvelles : les programmes de prévention de la récidive. En 2008,
un mouvement social4 avait cristallisé un malaise latent des
CIP, face aux prémisses de ces évolutions majeures, et
entraîné une revalorisation indiciaire accompagnée d'un
changement de nom.
Depuis le 1er janvier 2011, les Conseillers
d'Insertion et de Probation s'appellent désormais Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation.
De surcroît, les SPIP n'ont jamais été
confrontés à un nombre aussi conséquent de personnes
à suivre. Au 1er juillet 2011, la France comptait 73 320
personnes sous écrou, dont 64 726 détenus, contre 49 718 et 49
342 dix ans plus tôt (soit + 47,5 % et + 31,2 %). Au 1er juin
2011, il n'y a jamais eu autant de détenus dans les prisons
françaises (64 971). Au total, les CPIP sont au contact, au
1er janvier 2011, de 239 997 personnes condamnées à
des mesures de justice.
Les mesures, en milieu ouvert, sont en constante augmentation
depuis 1999. Au 1er janvier 2011, 173 022 personnes étaient suivies en
milieu ouvert contre 123 492 en 2005, soit une augmentation de
28,6%.5
3 « Adoptées pour la première fois en 1973,
révisées en 1987, puis en 2006, les règles
pénitentiaires européennes
visent à harmoniser les politiques
pénitentiaires des États membres du Conseil de l'Europe et
à faire adopter des pratiques et des normes communes. Ces 108
règles portent à la fois sur les droits fondamentaux des
personnes détenues, le régime de détention, la
santé, l'ordre et la sécurité des établissements
pénitentiaires, le personnel de l'administration pénitentiaire,
l'inspection et le contrôle des prisons ». Source Site du
Ministère de la Justice
http://www.justice.gouv.fr/europe-etinternational-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/
4 Voir Annexe 4 p 165
5 Chiffres clés de l'Administration Pénitentiaire,
site du Ministère de la Justice -
http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/
Ce sont ces fonctionnaires du Ministère de la Justice
que nous avons choisis d'étudier, du fait de notre accès
privilégié aux SPIP en tant que Conseiller Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation, en poste au Service Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation de la Seine-Saint Denis. Nous nous proposons, ici,
de mettre en perspective les évolutions des missions des CPIP en regard
avec les évolutions institutionnelles concernant les SPIP. Comment
documenter les tensions et paradoxes traversant la filière Insertion et
Probation de l'Administration Pénitentiaire ? Comment analyser ce
passage, en une dizaine d'années, d'un travail social
pénitentiaire datant de la création des Juges de l'Application
des Peines en 1958, à un traitement pénal d'inspiration
criminologique ? Qu'est-ce qu'être Conseiller Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation aujourd'hui dans un contexte d'évolutions
institutionnelles constantes depuis la création des SPIP en 1999 ?
Revue de littérature
L'Administration Pénitentiaire a principalement
été étudiée par le prisme emblématique de la
prison, sous l'angle de la place qu'elle occupe dans la société,
mais aussi de l'influence sur les trajectoires des détenus qu'elle
exerce, ou bien les stratégies développées par ceux-ci
pour s'adapter à l'univers carcéral.
Les concepts fondamentaux d'institution totale, « un
lieu de résidence et de travail oil un grand nombre d'individus,
placés dans la même situation, coupés du monde
extérieur pour une période relativement longue, mènent
ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et
minutieusement réglées». [GOFFMAN, 1961] et de «
gouvernementalité » [FOUCAULT, 1975] consistant, pour
l'État, à « exercer par rapport aux habitants, aux
richesses, aux comportements de tous et de chacun, une forme de surveillance,
de contrôle tout aussi attentive que celle du père de famille sur
la maison et sur les biens » [DIMIER, 2010] ont irrigué des
générations de travaux sociologiques en France.
Ils concernent notamment des récits de «
carrières » de délinquants incarcérés en
maison d'arrêt [CHANTRAINE, 2004] ou bien les interactions entre la
prison et l'extérieur, dans une perspective d'écologie sociale
[MARCHETTI, COMBESSIE, 1996], [FAUGERON, CHAUVENET, COMBESSIE, 1996],
[COMBESSIE, 2001].
La généralisation de la surveillance
électronique est, toutefois, venue peu à peu brouiller
les frontières entre milieu ouvert et milieu fermé et
élargir les études au champ de la probation.
Qu'elle soit fixe ou mobile, la surveillance
électronique initie un mouvement de privatisation de l'espace public et
de publicisation de l'espace privé qui interpelle les chercheurs. Cette
délimitation plus floue entre le milieu ouvert et le milieu
fermé, les a conduits à porter leur attention sur les personnels
mettant en oeuvre ces mesures de surveillance électronique, de
manière périphérique [FENECH, 2005] [CARDET, 2004] [RAZAC,
2010]. De même, lorsque des études abordent l'action des
personnels pénitentiaires (Surveillants, Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation, administratifs, fonctions
d'encadrements), elles concernent en premier lieu des thématiques
transversales comme la santé [FERNANDEZ, 2010], le travail [MARCHETTI,
1997] ou bien les liens familiaux [RICORDEAU, 2005] entre autres nombreux
travaux.
Il existait toutefois une littérature concernant les
surveillants pénitentiaires en France antérieure à la
surveillance électronique. L'activité des surveillants est ainsi
analysée dans sa double situation de soumission vis-à-vis de la
hiérarchie et de domination vis-à-vis de la population
pénale [CASADAMONT, 1984].
Suite à des mouvements sociaux importants dans les
années 1990, les contradictions multiples des missions des surveillants
pénitentiaires entre sécurité interne,
sécurité externe, obligation légale de moyen et obligation
pratique de résultats, logique bureaucratique et logique du maintien de
l'ordre, sont analysées [CHAUVENET, ORLIC, BENGUIGUI, 1994]. La
construction d'une identité professionnelle spécifique [LHUILIER,
AYMARD, 1997] et la constitution d'une conscience collective paradoxale
[MONTANDON, CRETTAZ, 1981] sont traitées. L'étude de la
socialisation professionnelle des surveillants, et notamment du décalage
entre une politique institutionnelle qui érige leur professionnalisation
en « objectif indiscuté » et une organisation dont le
fonctionnement promeut un « professionnalisme déviant
» [MALOCHET, 2007, p33] est abordée. Dans cette étude,
la question de la formation initiale des surveillants à l'École
Nationale d'Administration Pénitentiaire est centrale.
Il est abondamment décrit «
l'ambiguïté de la « professionnalisation »
revendiquée dans le discours institutionnel. Il ne s'agit pas tant de
promouvoir les surveillants comme groupe professionnel autonome, mais
plutôt de mobiliser les professionnels et de normaliser leur
activité pour satisfaire à un impératif de
sécurité. Dans ce cas, la « professionnalisation » ne
doit donc pas s'analyser comme un processus menant à la constitution
d'un monopole professionnel. Loin d'être le prélude à une
autonomie accrue, le discours institutionnel sur la professionnalisation
masque, au contraire, la volonté de renforcer le contrôle sur les
professionnels » [MALOCHET, 2007 p108].
Les travaux concernant uniquement les Conseillers d'Insertion
et de Probation sont nettement plus rares et tous issus de commandes
institutionnelles. L'identité professionnelle des CIP est ainsi
analysée en référence à une circulaire6
définissant les modalités d'un travail social
pénitentiaire aujourd'hui caduques [LHUILLIER, 2006]. Dans cette
étude, inscrite dans une approche théorique psychosociale, il
apparaît que 60% des personnes ayant répondu au questionnaire dans
le rapport, n'utilisent pas le terme de CIP mais majoritairement celui de
travailleur social. Mais certains « souhaitent affirmer une
identité spécifique de CIP, et prennent le temps d'expliquer,
militant pour une visibilité du métier en externe ... certains
vont expliquer inlassablement ce qu'est un CIP, ce qu'il fait ».
[LHUILLIER, 2006, p81]. Une autre commande institutionnelle emprunte aux
travaux sur la socialisation professionnelle des surveillants pour analyser
celle de la douzième promotion des Conseillers d'Insertion et de
Probation.
On observe, chez ces Conseillers Pénitentiaires
d'Insertion et de Probation en formation initiale, « une tendance
à se replier vers le cadre juridique de leur intervention,
l'exécution de la peine (58%). En supposant que ce constat
résulte d'un recrutement massif d'élèves issus de la
filière juridique, on peut également penser que c'est parce que
la réinsertion est difficilement mesurable pour des élèves
en attente de repères, qu'elle n'est pas, dans le cadre d'une initiation
professionnelle, un pilier auquel ils peuvent se raccrocher pour asseoir leur
construction identitaire » [GRAS, 2008, p39].
6 Voir infra p43
Problématique et hypothèse
Nous proposons, dans notre étude, de mettre en dialogue
la volonté de professionnalisation des personnels affichée par
l'Administration pénitentiaire, avec les évolutions
institutionnelles et structurelles des SPIP, et les représentations des
CPIP sur leurs pratiques. Dans quelle mesure les évolutions des missions
des Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation depuis 1999
ont-elles fait émerger chez les CPIP de nouvelles
professionnalités inscrites dans un processus de professionnalisation
cohérent ?
En effet, les études suscitées, portant sur les
personnels pénitentiaires, sont fréquemment construites autour
des notions d'identité professionnelle et de socialisation
professionnelle, notions connexes au concept de professionnalisation. La
professionnalisation désigne ce mouvement par lequel un groupe
professionnel exprime un désir de reconnaissance dont le sens est
donné par le modèle professionnel en tant « qu'ensemble
de représentations sociales des rôles et de l'organisation des
professions (~) qui justifient le monopole des professions établies sur
une sphère d'activité comme condition de la compétence
technique et du respect de règles morales dans l'exercice des
activités présentées comme au service de
l'intérêt général » [CHAPOULIE,
1973, p86-114]. Dans cette quête de reconnaissance sociale, les
travailleurs vont donc construire progressivement une argumentation tendant
à démontrer que la production du service, à laquelle ils
contribuent, requiert la mobilisation de véritables professionnels.
Les notions de profession et de professionnalisation
s'inscrivent difficilement dans la réalité socio-politique
française alors qu'elles renvoient à une réalité
historique apparue au XVIIème siècle dans les pays de tradition
protestante et à un type particulier de stratification sociale qui situe
les professions, et plus largement les activités intellectuelles, au
sommet de la hiérarchie sociale. En effet, il existe en France une
polysémie du terme profession qui peut être une «
déclaration comme vocation professionnelle, une fonction et une position
professionnelles, un métier et une spécialisation professionnelle
et un emploi au sein d'une classification professionnelle » [DUBAR,
TRIPIER, 2005, p6].
Deux principaux courants se sont longtemps opposés dans le
champ théorique de la sociologie des professions.
Ainsi, le courant fonctionnaliste [PARSONS, 1939] [PARSONS,
1955] [GOODE, 1957] [WILENSKY, 1964], qui prend ses sources aux
États-Unis dans les années 40-50, « a longtemps
entretenu cette mystique des professions nourrissant l'idée d'une
autorité et d'une légitimité données d'avance,
indépendamment de leur mise à l'épreuve dans des
situations de travail concrètes.» [DEMAZIERE, GADEA, 2009,
p21]. En effet, selon ce courant, il existe des caractéristiques propres
aux professions, que d'autres activités rémunérées
ou non, réunies sous le vocable « occupations », ne
possèdent pas.
Avec quelques nuances, selon les auteurs, la
référence à « un savoir spécialisé
et appliqué, acquis au terme d'une longue formation supérieure
» [LE BIANIC, 2005, p57] est le coeur de cette sociologie des
professions américaines. Ainsi, les professions sont
naturalisées, essentialisées et leurs activités prennent
un certain nombre de traits spécifiques.
Cette approche naturaliste des professions, qui les fige dans
une fonction sociale déterminée, va être, très vite,
remise en question et critiquée par la sociologie interactionniste des
professions qui démontre le caractère construit et constamment
négocié des savoirs mobilisés par les groupes
professionnels. Pour les auteurs interactionnistes, [HUGHES, 1952] [ABBOT,
1988] [BUCHER, STRAUSS, 1992] « les groupes professionnels ne sont pas
des professions séparées, unifiées, établies et
objectives, ce sont des processus historiques, de segmentation incessante, de
compétition entre segments, de professionnalisation de certains segments
et de déprofessionnalisation d'autres segments, de restructuration
périodiques sous l'effet des mouvements du capital, des politiques des
états ou bien des actions collectives de ses membres» [DUBAR,
2003, p 58].
Ainsi, « tout collectif exerçant une
activité, un métier, un emploi est conduit à stabiliser
son domaine, son territoire, sa définition, en obtenant des partenaires
une autorisation spécifique. Lorsqu'un groupe y parvient, il devient, au
moins pour un temps, une profession » [DUBAR, TRIPIER, 2005,
p101].
Analyser un processus de professionnalisation en France, c'est
donc surmonter cette opposition initiale en empruntant à la fois
à la sociologie du travail, à la sociologie des professions et
à la sociologie des organisations [FREIDSON, 2001] [EVETTS, 2003]
[CHAMPY, 2011].
Hughes, dès 1952, en réponse aux émules
fonctionnalistes de Parsons, avait ainsi critiqué radicalement
l'approche fonctionnaliste. Selon son point de vue, analyser toutes les
activités de travail selon le double point de vue de l'interaction et de
la biographie implique que cellesci ont toutes une égale dignité
et un égal intérêt sociologique: on parle alors de
«groupes professionnels» et non de professions. Nous emploierons donc
ce terme dans l'ensemble de notre étude.
Nous émettons l'hypothèse qu'il existe des
professionnalités propres au CPIP entre savoirs d'actions
bureaucratisés et savoirs experts pouvant leur permettre de
co-construire le contenu de leurs missions avec l'Administration
Pénitentiaire en tant que groupe professionnel homogène.
L'exploration dynamique d'un éventuel processus de professionnalisation
des CPIP en cours s'appuiera sur la description des évolutions
institutionnelles impactant le groupe professionnel des CPIP, les traductions
structurelles des ces évolutions dans la pratique professionnelle des
CPIP au sens large, la place dans la division de travail des CPIP entre
exécution et expertise et enfin la capacité de ce groupe
professionnel à argumenter sur leur savoir-faire avec leur
Administration.
L'enquête
Pour tenter de saisir les nouvelles dynamiques au sein du
groupe professionnel des CPIP, il nous a fallu lever différents
obstacles méthodologiques. Ce groupe professionnel est
caractérisé par une grande diversité de lieux de pratique
- milieu ouvert et milieu fermé - avec des modalités
d'intervention très spécifiques selon la taille des services et
les régions d'exercice (disparités entre la Province et la
région parisienne sur le nombre de dossiers affectés notamment)
et ce, dans le cadre du milieu fermé : Établissements pour Peine
ou bien Maison d'Arrêt, Centres pour Peines Aménagées,
Centre de Semi Liberté, quartiers de Semi Liberté, Centre
National d'Observation de Fresnes. De plus, certains services sont
organisés en pôles dédiés à des types de
mesures : pôle aménagement de peine, pôle TIG, pôle
PPR, pôles suivi renforcés, pôles suivi espacés,
pôle Palais pour les permanences d'orientation pénales avant la
condamnation des personnes.
Pour des raisons de moyens, il ne nous a pas été
possible d'analyser chacune de ces organisations spécifiques pour
chacune des mesures suivies par le SPIP.
La démarche ethnographique d'immersion dans un contexte
spécifique de travail et l'observation systématique des
interactions entre acteurs de l'exécution des peines - JAP, Parquet,
greffiers, agents administratifs, surveillants PSE ou en détention et
personnes placées sous main de justice -, n'a donc pas été
utilisée dans notre recherche.
De nombreuses mesures restant quasiment inchangées dans
les textes depuis 1999, comme le travail d'intérêt
général ou bien le sursis avec mise à l'épreuve,
nous les avons exclues de notre propos.
Si des changements dans les pratiques les concernant sont
certains, ils nécessitent une analyse systématique beaucoup plus
fine que l'approche adoptée. Ils constituent de fait un sujet de
recherche en soit pouvant mobiliser d'autres corpus théoriques.
Nous avons ainsi décidé d'observer plus
particulièrement les mesures mises en avant par l'Administration
Centrale et pouvant concerner à la fois le milieu ouvert, et à la
fois le milieu fermé, afin de saisir au mieux la dynamique interne au
sein du groupe professionnel des CPIP. Le placement sous surveillance
électronique est au coeur de l'action des SPIP depuis 2005, avec des
évolutions législatives importantes et notables, entre 2005 et
2010, tant dans le champ post-sentenciel que dans le cadre de
l'exécution d'une fin de peine, ou bien encore comme peine
complémentaire, comme nous le verrons ultérieurement. Les
Programmes de Prévention de la Récidive sont mis en avant depuis
2008 avec une mise en place très récente dans les services.
Ce sont ces deux mesures qui sont au coeur du mandat
décerné par le législateur aux CPIP avec la loi
Pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ce sont donc ces deux types de
mesures qui seront ici analysées, car cristallisant au mieux les
évolutions des missions des CPIP depuis 1999. Cette approche nous a
conduits à interroger, sur la base d'entretiens semi-directifs, les
agents du SPIP 93 impliqués dans la pratique de ces mesures. Il nous a
semblé, en complément, nécessaire d'interroger des
personnes ayant connu des socialisations professionnelles différentes,
pour percevoir ce qui a changé dans leurs pratiques et leurs
représentations du métier par rapport à la mise en oeuvre
de nouvelles mesures souhaitées par l'Administration
Pénitentiaire et le législateur.
La confrontation avec de jeunes professionnels et celle avec
des personnes ayant connu les Comités de Probation et d'Assistance aux
Libérés, permettra de repérer les différences et
les concordances en terme de pratiques professionnelles et de
représentations sur celles-ci. Qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce
qui demeure en termes de pratiques et de représentations du
métier, dans les évolutions des missions des CPIP ?
L'échantillon7
constitué
Nous avons interrogé, sur la base d'entretiens
semi-directifs, 15 agents du SPIP 93 impliqués dans la pratique des PSE
et du PPR, avec des anciennetés dans l'Administration
Pénitentiaire très diverses. Deux entretiens de contrôle
ont été réalisés en dehors du SPIP 93 afin de
vérifier que les convergences et divergences de points de vue ne
relèvent pas d'organisations de services propres au SPIP 93.
Ces entretiens ont été réalisés au
SPIP de Paris et au SPIP des Hauts de Seine, suite à une sollicitation
par mail à l'ensemble des CPIP de l'Île-de-France, sollicitation
qui n'a abouti qu'à ces deux réponses.
Trois des entretiens ont dû être interrompus pour
des contingences professionnelles et ont donc eu lieu en deux parties. Ils ont
été partiellement retranscrits en raison de diversions sur
l'organisation interne du SPIP 93 principalement. Ce biais
méthodologique a eu un impact sur les entretiens effectués sur le
pôle aménagement de peine où nous exerçons
actuellement. En effet, nous pratiquons le placement sous surveillance
électronique nous-mêmes. Dans certains entretiens, les questions
pratiques, concernant cette mesure, ont parfois été
remplacées par des diversions sur l'organisation du service
appauvrissant notre recueil de données. Notre position de
collègue a donc influé sur la passation des entretiens sur ces
questions d'organisation de service exclusivement. Les questions posées
sont restées les mêmes concernant les PPR et le PSE à
l'exception des entretiens abordant la criminologie, de nature plus
exploratoire autour d'un méme sujet, l'apparition de la criminologie
dans les missions des CPIP. Le thème principal d'investigation
était alors l'apparition de la criminologie dans les missions des
CPIP.
7 Voir Annexe 1 p 150
Nous avons tenté d'identifier les
représentations, sur les évolutions des missions d'une part et
les modifications dans l'exercice quotidien du métier d'autre part :
quelles pratiques professionnelles sont stabilisées, quelles figures
émergent et quelles pratiques disparaissent ?
La confrontation avec les représentations des acteurs
sur les mesures de PSE et de PPR nous permettra d'évaluer les tensions,
consensus et facteurs structurants du groupe professionnel étudié
dans la pratique de ces mesures récentes.
Les questions posées sont restées les
mémes, incluses dans un guide d'entretien8 afin de lisser les
réponses et de repérer les éléments redondants dans
les discours et les éléments singuliers illustrant de
manière plus forte les mouvements internes à ce groupe
professionnel. Tous ont été retranscrits de manière
ciblée sur des thèmes sélectionnés.
Pour appréhender les modes de relais avec
l'Administration Centrale, nous avons interrogé en parallèle les
représentants syndicaux des deux organisations les plus
représentatives du groupe professionnel des CPIP : le SNEPAP -FSU
9 et l'UGSP-CGT10, et un ancien Président de
l'Association Française de Criminologie11.
8 Voir Annexe 2 p 154
9 Le SNEPAP-FSU (Syndicat de L'Ensemble des personnels
de l'Administration Pénitentiaire)
revendique une spécificité pénitentiaire
de ces missions et la distinction d'avec les travailleurs sociaux Parmi les
CIP, le SNEPAP représente 36,6% des suffrages. Parmi les personnels de
direction, le SNEPAP recueille 62,5 % des suffrages. Ces chiffres sont extraits
du bilan social 2009 de l'Administration Pénitentiaire consultable au
http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696
10 L' UGSP-CGT (Union Générale des
Services Pénitentiaires) défend le caractère social des
missions des
CIP et un rapprochement avec les travailleurs sociaux
diplômés d'Etat. Chez les CIP la CGT a recueilli lors du scrutin
du 27 mars 2007 46,7 % des suffrages. Parmi les personnels de direction, la CGT
représente 13,1%. Ces chiffres sont extraits du bilan social 2009 de
l'Administration Pénitentiaire consultable au :
http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.phprubrique=2084&ssrubrique=7696
11 « L'Association Française de Criminologie a pour
objectif de rapprocher les chercheurs et enseignants
de toutes disciplines, les praticiens de toutes professions -
mais aussi les personnes morales - dont les activités ont à voir,
de près ou de loin, avec le « phénomène
criminel », la manière dont il est défini
et contrôlé. Elle a été créée le 9
octobre 1965. Se rattachant à la tradition des sociétés
savantes, l'association cherche à innover en intégrant dans ses
rangs des étudiants, des professionnels de tous âges, mais aussi
des citoyens qui veulent participer au débat démocratique sur ces
questions. Association indépendante, l'AFC vit principalement des
cotisations de ses adhérents. » Source : Site de l'Association
consultable au
http://www.afc-
assoc.org/?q=node/9
Malgré nos multiples sollicitations, nous n'avons pas
pu interroger de responsable de la CFDT-Interco, troisième organisation
syndicale siégeant en Comité Technique Paritaire Central.
Ces entretiens des représentants syndicaux ont permis,
en parallèle, de repérer ce qui fait consensus et ce qui diverge
dans l'analyse des différentes évolutions des missions des
CPIP.
Ils ont été réalisés au
siège de la centrale syndicale pour l'UGSP-CGT à Montreuil sous
bois, au SPIP 75 pour le SNEPAP-FSU et au domicile de l'interviewé
concernant l'AFC.
Ainsi la dimension dialectique et rhétorique du
processus de professionnalisation sera également abordée dans
notre étude.
Ces entretiens ont été réalisés
entre janvier 2009 et juillet 2010 et ont duré entre 35 minutes et 1
heure et 33 minutes concernant les CPIP, et entre 1 heure et 1 heure et 21
minutes pour les organisations syndicales. Ils ont eu lieu, pour les 15 CPIP du
SPIP93, dans les locaux du SPIP, soit dans notre bureau, soit dans celui de la
personne interrogée, soit en salle de réunion. Ils ont
été enregistrés systématiquement avec l'accord des
personnes.
Nous avons complété ces entretiens par l'analyse
de données secondaires « grises », issues de différents
documents internes à l'Administration Pénitentiaire et des
principaux textes juridiques : Lois Pénitentiaires, Décrets
statutaires, Circulaires, Rapports de la Cour des Comptes, encadrant
l'activité des SPIP. La confrontation de ces textes avec les
représentations des acteurs nous permettra de nous situer dans une
perspective historique.
L'échantillon ainsi constitué se présente
comme suit :
Lieu
|
Sexe - Statut - Age
|
Date de l'entretien
|
Ancienneté dans l'AP
|
Durée de l'entretien
|
SPIP93
|
H CPIP 55 ans
|
12/01/2009,
|
27 ans
|
35 min
|
SPIP93
|
F CPIP 29 ans
|
01/02/2009
|
2 ans
|
45 min
|
Domicile personnel
|
H 57 ans Ancien Président AFC
|
29/04/2009
|
|
1h
|
CGT3
|
H CPIP Secrétaire National 31 ans
|
12/04/2010
|
4 ans
|
1h
|
|
|
|
|
|
SPIP93
|
F CPIP 52 ans
|
16/04/2010
|
19 ans comme As 10 ans comme CPIP
|
35 min
|
SPIP93
|
F 29 ans CPIP
|
19/04/2010
|
3 ans
|
45 min
|
SPIP 93
|
H 27 ans CPIP
|
27/04/2010
|
2 ans
|
35 min
|
SNEPAP SPIP75
|
F CPIP 34ans Secrétaire Nationale
|
29/04/2010
|
8 ans
|
1h19 min
|
SPIP93
|
H 35 ans CPIP
|
30/04/2010
|
3 ans
|
45 min
|
SPIP93
|
F 32 ans AS
|
05/05/2010
|
5 ans
|
57 min
|
SPIP93
|
F 40 ans CPIP
|
07/05/2010
|
9 ans
|
1h
|
SPIP93
|
F 29 ans CPIP
|
18/05/2010
|
3 ans
|
51 min
|
SPIP93
|
F 39 ans
|
18/05/2010
|
12 ans
|
1h18 min
|
SPIP93
|
F 54 ans CPIP
|
26/05/2010
|
20 ans comme AS 12 ans comme CPIP
|
1h13 min
|
SPIP93
|
H 30 ans CPIP
|
28/05/2010
|
3 ans
|
1h17 min
|
SPIP93
|
F 33 ans CPIP
|
29/05/2010
|
3 ans
|
36 min
|
SPIP93
|
F 46 ans AS
|
07/06/2010
|
22 ans
|
1h21 min
|
SPIP93
|
F 42 ans CPIP
|
11/06/2010
|
2 ans
|
57 min
|
SPIP75
|
F 49 ans
|
01/07/2010
|
28 ans
|
1h04 min
|
SPIP92
|
H 51 ans
|
01/07/2010
|
25 ans
|
1h11 min
|
Le plan
Notre propos s'articulera en quatre parties et 10 chapitres.
La Loi pénitentiaire du 25 novembre 2009 consacre les
aménagements de peine et les programmes de prévention de la
récidive comme principaux outils de la lutte contre la récidive
sur fond de critique générale du travail social et de changement
latent de logique pénale. Ce sont les CPIP, un groupe professionnel
majoritairement féminin et diplômé en Droit, qui mettent en
oeuvre ces orientations de l'Administration Pénitentiaire. Ce groupe
professionnel a changé de nom et de grille indiciaire suite à un
mouvement social inédit en 2008 (Première Partie).
Ces évolutions ont des traductions structurelles
à l'échelle des SPIP entre 1999 et 2011. Le discours
institutionnel, tenu par l'Administration Pénitentiaire, s'appuie sur
les notions d'expertise, d'autonomie fonctionnelle des services et sur une
revalorisation indiciaire.
Nombre de propos indiquent pourtant que le métier de
CPIP s'est considérablement bureaucratisé alors qu'un premier
clivage générationnel sur la pérennité de la
hiérarchie et l'utilisation de l'informatique s'est créé
(Deuxième partie).
Il existe un mouvement concomitant entre l'acquisition de
nouvelles connaissances théoriques avec la pratique des programmes de
prévention de la récidive et une systématisation du PSE.
Le monopole de l'instruction des placements sous surveillance
électronique et les savoirs d'actions y afférant sont, de
surcroît, partagés avec les surveillants pénitentiaires.
Une analyse collégiale des situations entre pairs est
induite par la pratique des programmes de prévention de la
récidive confortant leur monopole dans cette pratique, malgré des
savoirs théoriques non spécifiques (Troisième Partie).
Nous monterons enfin que, du fait de leurs modes de
socialisation professionnelle très divers et de leurs motivations
différentes à entrer dans le groupe professionnel, les CPIP ne
sont pas un groupe professionnel homogène. Un clivage
générationnel s'est créé venant interférer
et amplifier d'autres antagonismes sur la conception du métier. Des
professionnalités stabilisées depuis plus de 50 ans, à
savoir, l'aide à la décision judiciaire et le suivi de mesures de
justice, ne sont pas pour autant relayés par les organisations
syndicales. (Quatrième Partie)
3 UP IqU1SCIHe1: 1 es 1iS(3 3 115Cns 1Kn 1hRntexte
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politiques, législatives et institutionnelles
constantes
Introduction de la première partie
Dans cette partie, nous décrirons dans quel contexte
ont été créés les SPIP en 1999 afin de situer
l'action singulière des Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et
de Probation dans leur environnement politique et institutionnel. Nous
exposerons également les caractéristiques
sociodémographiques de ce groupe professionnel.
Les Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation
ont ainsi été créés en 1999 alors qu'était
initiée une forte critique du travail social depuis les années 70
(Chapitre 1).
En parallèle, la dangerosité est devenue
progressivement un objet de débat public dans les pays
occidentalisés au cours des années 90. De nombreuses lois ont
été votées en France depuis 2002 pour lutter contre la
récidive des infractions à caractère sexuel tandis que
s'opérait, avec la nouvelle pénologie, un changement profond de
rationalité pénale dans les pays anglo-saxons depuis les
années 80 (Chapitre 2).
Les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de
Probation de l'Administration Pénitentiaire sont les acteurs de ces
évolutions au quotidien et ont vu leur coeur de métier
profondément modifié depuis 1999. Ainsi, la Loi
pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre l'utilisation massive du
placement sous surveillance électronique, le développement des
programmes de prévention de la récidive et la création de
nouvelles méthodes de travail. (Chapitre3).
C'est une circulaire de mars 2008 qui a posé les bases
de ces évolutions, contestées partiellement lors d'un mouvement
social inédit où les syndicats se sont réunis pour
défendre une revalorisation indiciaire. En découleront un
changement de nom associé à une nouvelle grille indiciaire et une
nouvelle définition des missions des SPIP (Chapitre4).
Chapitre 1 : La création des SPIP dans un
contexte de remise en cause du travail social
Depuis une trentaine d'année, le travail social est
remis en question sous la double contrainte du new public management et des
politiques de décentralisation (1-1). C'est dans ce contexte de remise
en cause du travail social qu'ont été créés les
SPIP en 1999 (1-2).
1-1 Un travail social contesté
1-1-1 Le new public management
Né dans les années 80 dans les pays
anglo-saxons, le new public management concerne un certain nombre de logiques
gestionnaires issues du secteur privé. Les anciennes formes de gestion
des administrations sont considérées comme obsolètes. Dans
une société post industrielle caractérisée par la
globalisation et une économie des savoirs, il existe un décalage
trop important entre la bureaucratie, ses règles et ses
procédures, et la société actuelle [OSBORNE, GAEBLER,
1993]. Cette doctrine du new public management décompose le secteur
public en unités stratégiques organisées par produit
« manageable » [HOOD, 1995]. Une compétition est
introduite « entre organisations publiques mais aussi entre
organisations publiques et privées » [GANGLOFF, 2009].
La crise de l'État Providence, dans un grand nombre de
pays, légitime ces nouvelles perspectives managériales,
malgré des tensions fortes : « l'opposition entre
l'utilitarisme de la stratégie et du marketing et un certain
égalitarisme démocratique apparaît alors flagrante »
[GILBERT, 2004]. Ce bouleversement idéologique s'est
appliqué au cours des années 90 à l'hôpital puis
à l'ensemble du secteur sanitaire et social en France.
1-1-2 Un morcellement du secteur social initié par la
culture du contrat
En trois décennies, les travailleurs sociaux sont
passés d'une pratique et d'une culture communes à un morcellement
des acteurs du social dû à rationalisation des pratiques dans une
logique gestionnaire qui contribue à les transformer en «
intervenants du singulier » [ION, 2006], face à un public
fragilisé par la pauvreté de masse.
On observe un glissement terminologique avec
l'émergence de termes comme « intervention sociale " ou «
intervenants sociaux », la notion d'intervenant marquant une
indétermination, une forme de fin du processus de professionnalisation
car ce terme englobe les professionnels et les bénévoles ou bien
des professions en contacts de publics spécifiques qui ont grandement
évolués avec le chômage de masse.
Le processus de reconnaissance du travail social est apparu
dans le contexte des « trente glorieuses " où des modalités
de rapports entre l'usager et le travailleur social se sont mises en place, ont
été transmises par les IRTS et ont permis une
professionnalisation des pratiques adaptées à des publics
ciblés (toxicomanes, sans domiciles fixes par exemple). Ce lien entre
usagers et travail social est grandement complexifié : aujourd'hui,
architectes, urbanistes, économistes, géographes, sociologues
apportent d'autres références et d'autres rapports au temps et au
politique que les travailleurs sociaux « traditionnels ".
Ainsi les formateurs du GRETA, ou bien de l'AFPA ou bien les
agents du Pôle Emploi, mais également tous les acteurs de la
Politique de la Ville et des politiques transversales de lutte contre
l'exclusion, peuvent développer des aptitudes traditionnellement
utilisées par les travailleurs sociaux. Le développement de la
pauvreté de masse a, de surcroît, remis au goût du jour le
bénévolat avec les militants des restos du coeur ou d'autres
organisations caritatives, ou bien les semi-professionnels des fondations, par
exemple. Il existe, ainsi, une mise en cause des Travailleurs Sociaux qui
vient, dans un premier temps, de leur mise en concurrence avec les
bénévoles ou les semi-professionnels mais, également, de
la nécessité pour tous les métiers de contact, dans les
zones difficiles notamment, d'utiliser des techniques d'entretien dans le face
à face avec l'usager.
Le pilotage des nouveaux dispositifs qui ont accompagné
les lois de décentralisation a nécessité le recrutement de
cadres qui viennent des sciences de l'administration et de la gestion.
Une première scission s'est opérée entre
les personnes en contact avec le public : « le front " et les personnes
assurant la gestion des équipes de travailleurs sociaux : «
l'arrière " [ION, 2006] et ceux pilotant les dispositifs des politiques
transversales. Il y a eu division du travail des travailleurs sociaux et
apparition de nouveaux objectifs avec une nécessité de rendu
compte et d'un suivi financier de chacune des actions collectives
engagées par les services.
Le public a subi, lui aussi, des évolutions dues
à la dégradation de la situation économique et les
travailleurs pauvres constituent, par exemple, un public pour lequel les
dispositifs classiques ne trouvent plus de réponses
prédéterminées. C'est cette nouvelle singularité
des publics qui a permis le développement en parallèle et la
résurgence du bénévolat dans l'action sociale et du
parcellement des professions d'aides à la personne et d'aide sociale
dans les structures associatives, par exemple à visée caritatives
[ION, 2006].
Ces éléments contribuent à
l'émiettement des métiers du social et à une perte de
reconnaissance des travailleurs sociaux, notamment dans leur formation
initiale.
1-1-3 Le modèle libéral et la figure du
manager et du médiateur : les emblèmes du travail social
professionnalisé depuis 30 ans
Le courant néo-libéral se défini comme
l'apparition dans les politiques publiques locales, du développement
d'une économie marchande des services jusqu'au sein du secteur social et
médico-social. La loi du 2 janvier 2002, avec notamment la
démarche qualité et les différents
référentiels et labellisations y afférant, constitue les
prémisses d'une nouvelle idéologie gestionnaire, une «
gouvernance, extraordinaire maquillage à l'anglo-saxonne des nouveaux
rapports de pouvoirs ». |CHAUVIERE, 2004, p130]. Un basculement s'est
opéré des valeurs éthiques, non marchandes et
républicaines, vers les valeurs marchandes telles que
l'individualisation de la consommation de service, la concurrence, la
flexibilité, la solvabilité. Le social est ainsi rattrapé
par l'économique et devient, à son tour, marchandise et
« les capacités analytiques et défensives du secteur
social lui-même sont en recul ». [CHAUVIERE, 2004, p135].
On passe de l'idéal de la solidarité nationale
à l'idéal du social rentable (accès aux services à
la personne, au bien-être). Le modèle entrepreneurial s'impose
avec l'État comme partenaire, parmi d'autres, rendant « floues
les limites entre l'Action Sociale et l'économie de service »
[CHAUVIERE, 2004, p208]. C'est la fin du «champ unifié
de l'Action Sociale » [CHAUVIERE, 2004, p212].
La culture du contrat imprègne les services sociaux :
management par objectif, contrats de plans, contrats de villes ou de pays, et
pénètre les pratiques sociales de type « clinique ».
Cette logique ne « fonctionne pas avec les enfants,
le fou, le malade ou le détenu notamment, tout comme les personnes
tenues à l'écart de la société contractuelle »
[CHAUVIERE, 2004, p212]. Ces populations tendant à etre
gérées par la puissance publique plus qu'à etre «
travaillées par le social » pour retrouver une place dans la
société.
Selon l'auteur, Il s'agit plutôt de préserver la
gestion de la paix civile par tous les moyens classiques d'un côté
et, de l'autre, de promouvoir une économie des services sociaux sans
s'obliger nécessairement au bonheur de tous, c'est-à-dire
« en renonçant à la conception de l'intér~t
général et de l'intégration » [CHAUVIERE, 2004,
p.237].
Cette position est nuancée par d'autres auteurs pour
lesquels c'est au dispositif de formation initial et continue des travailleurs
sociaux de s'adapter à cette nouvelle donne. Il se dessine ainsi
« une mutation dans les pratiques de formation : il ne s'agit plus de
seulement traiter la formation des travailleurs sociaux du point de vue des
pratiques pédagogiques4 mais de repenser le mandat qui est confié
aux professionnels de la formation » [JAEGER, 2007, p3].
1-2 La création des SPIP en 1999
Les SPIP ont été créés par le
décret n°99-276 du 3 avril 1999. Leurs missions sont
définies aux articles D.573 à D.575 du code de procédure
pénale. Elles s'articulent autour de trois axes : l'insertion des
personnes placées sous main de justice, l'aide à la
décision judiciaire dans un souci d'individualisation de la peine, et le
suivi, le contrôle des obligations des mesures alternatives à
l'incarcération (sursis avec mise à l'épreuve, travail
d'intéret général, travail non
rémunéré) et des aménagements de peine
(libération conditionnelle, placement à l'extérieur,
semi-liberté). Chaque département compte un Service
Pénitentiaire d'Insertion et de Probation, ce qui représente 103
structures sur le Territoire National. Il existe parfois plusieurs antennes
dans chaque département. Une antenne peut être mixte,
c'est-à-dire dédiée à la fois au milieu ouvert et
à la fois au milieu fermé. Il en existe 139 en France. Elles
peuvent aussi être consacrées uniquement au milieu ouvert dans le
ressort de juridiction où il n'y a pas de prisons soit 46 antennes. Il
existe enfin 21 départements qui, à l'inverse, ont plusieurs
établissements pénitentiaires sur leur juridiction de ressort.
La taille des SPIP est très disparate : 10 ont moins de
10 agents, la moitié ont entre 10 et 30 agents, et 5 ont plus de 90
agents (SPIP de Paris, du Pas de Calais, de l'Essonne, des
Bouches-du-Rhône et du Nord).
Les SPIP occupent 8% des crédits consommés par
le programme 107 « Administration Pénitentiaire» soit 190 M E
sur 2,4 Mds E [COUR DES COMPTES, 2010, p106].
Les SPIP sont issus de la fusion des deux services
pénitentiaires qui étaient alors en charge de l'insertion. Il
s'agit des comités de probation et d'aide aux libérés
(CPAL) prenant en charge les condamnés libres, et des services
socio-éducatifs des établissements pénitentiaires
s'occupant, eux, des détenus.
Cette réforme prend appui sur un rapport de
l'Inspection Générale de 1983 qui soulignait l'aggravation de la
situation économique et sociale des personnes concernées,
l'augmentation de la population carcérale, l'augmentation et la
diversification des mesures judiciaires. L'objectif était la «
clarification des responsabilités administratives et judiciaires dans
l'organisation et le fonctionnement des services » [ÉNAP,
2005, p1].
La publication d'un rapport sur le fonctionnement du milieu
ouvert en janvier 1981 (rapport de la commission sur la méthodologie de
prise en charge des condamnés en milieu ouvert, DAP 1981) avait
débouché sur un décret du 14 mars 1986 réformant
les comités de probation et d'assistance aux libérés. Une
note du 29 octobre 1992 demandait une évaluation du fonctionnement des
CPAL à l'inspection des services judiciaires. Le rapport demandé
sera rendu un an plus tard, le 9 novembre 1993. Plusieurs constats
étaient posés, notamment sur la diversification des mesures en
milieu ouvert et notamment « la création du TIG et celle des
modes de saisine par les différents magistrats » [POUPONNOT,
2006, p23] et l'augmentation importante des interventions des CPAL (+460%
depuis 1970) [POUPONNOT, 2006, idem].
Ce rapport montrait la nécessité de créer
un interlocuteur unique vis-à-vis des partenaires dans le champ de
l'insertion afin de mieux articuler la mission de réinsertion, alors
dévolue aux SPIP avec les politiques publiques en matière
d'action sociale et d'assurer ainsi une meilleure lisibilité de l'action
de l'Administration Pénitentiaire auprès des partenaires
institutionnels et associatifs.
Ainsi, les SPIP ont vocation à s'inscrire dans la
départementalisation de l'Action Sociale et de l'Action Publique. Ils
répondent à une demande institutionnelle de clarification des
missions des CPAL et des services éducatifs en détention.
L'évaluation de l'activité des SPIP est un enjeu central pour
l'Administration Pénitentiaire au moment de leur création.
Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques
pénales en profondes mutations
Alors que la départementalisation des SPIP est
actée, des évolutions législatives majeures les affectent.
Ces évolutions sont fondées sur la notion de dangerosité
pénale, réactivée par des faits divers médiatiques
(2-1). Conjointement, les droits des personnes placées sous main de
justice sont renforcés par la juridictionnalisation de l'Application des
Peines et le renforcement des aménagements de peine, comme le placement
sous surveillance électronique (2-2).
2-1 La construction politique de l'objet «
dangerosité »
2-1-1 Un changement de finalité des politiques
pénales dans les pays anglo-saxons
Au sein de l'OCDE, on assiste à un essoufflement des
finalités sociales de la justice pénale. Dans les années
70, les politiques répressives néo-libérale du « law
and order » dans les pays anglo-saxons ont engendré un recours
massif à l'incarcération aux États-Unis avec une
augmentation de 320% du nombre de détenus entre ces années 70 et
les années 2000. En proportion, on incarcère 20 fois plus aux
États-Unis que dans les autres pays de l'OCDE12. La
traditionnelle recherche des causes sociales de la délinquance et le
traitement correctif des délinquants sont concurrencés par de
nouvelles finalités comme la régulation du risque de
délinquance et la protection de la société par le
contrôle des personnes dangereuses.
12 Organisation de coopération et de
développement économiques
Apparaît ici une notion de « gouvernance du crime
» [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p 13] où le but n'est pas de
répondre à des déviances individuelles ou à des
problèmes sociaux mais de réguler les niveaux de déviance
et de rendre le crime tolérable par une gestion systémique et une
efficacité procédurale et organisationnelle de la
prévention et de la répression. La prison est destinée
à contrôler les délinquants les plus dangereux sans
objectif particulier de réinsertion.
L'intervention des professionnels consiste à
déterminer si la personne, placée sous main de justice, a un
degré de risque lui permettant de bénéficier par exemple
d'un aménagement de peine.
Cette nouvelle pénologie [FEELEY, SIMON, 1992]
désigne ainsi le « passage d'une pénologie axée
sur l'individu, sa punition ou bien son traitement à une
pénologie axée sur la gestion de groupes à risques, leur
surveillance et leur contrôle afin de réguler les niveaux d'une
délinquance considérée comme normale »
[DELANNOY-BRABANT L., 2008].
On passe d'un modèle réhabilitatif à une
gestion stratégique et administrative de populations à risques :
les discours et pratiques sont « outillés par le calcul du
risque » et traduisent « l'avènement progressif d'une
rationalité pénale, non plus orientée vers les individus
et leur transformation, mais vers la gestion efficace de populations
collectives » [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p13].
2-1-2 En France, une succession de textes destinés
à sanctionner plus sévèrement la récidive
Suite à des faits divers fortement
médiatisés en France, le pouvoir politique s'est saisi de la
question de la récidive des infracteurs et a inscrit, à l'agenda
parlementaire, le vote de lois à un rythme accru depuis 2005. Ainsi,
avec la Loi du 12 décembre 2005 sur la récidive des infractions
pénales, le législateur a introduit de façon explicite la
notion de réitération d'infractions pénales «
lorsqu'une personne a déjà été condamnée
définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle
infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive
légale.
Les peines prononcées pour l'infraction commise en
réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans
possibilité de confusion avec les peines définitivement
prononcées lors de la condamnation
précédente.»13.
13 Article 132- 16-7 du Code Pénal
Ainsi, la commission de nouvelles infractions pèse plus
lourdement dans le prononcé de la peine pour une personne
déjà condamnée. La loi du 5 mars 2007 sur la
prévention de la délinquance réforme l'ordonnance de 1945
sur l'enfance délinquante en alourdissant la justice des mineurs.
L'article 8 de cette loi encourage le partage des informations entre les
professionnels de l'action sociale et les maires et présidents de
Conseils généraux La loi créé un «stage de
sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants». Il
s'agit là d'une mesure alternative aux poursuites.
Elle oblige les personnes inscrites au Fichier judiciaire
automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et punies de crimes ou de
délits pour lesquels au moins 10 ans d'emprisonnement ont
été requis, de se présenter, non plus tous les six mois,
mais tous les mois auprès de leur commissariat afin de justifier de leur
domicile14. La loi renforçant la lutte contre la
récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007, crée
des peines minimales en cas de récidive, dites peines-planchers ;
l'exclusion possible de l'excuse de minorité pour les
récidivistes de plus de 16 ans ; et l'injonction de soins notamment pour
les auteurs d'agressions sexuelles. Les peines-planchers concernent toutes les
personnes répondant d'une infraction passible de trois ans ou plus de
réclusion de détention ou d'emprisonnement
15. Les juges ont la possibilité de déroger
à ces seuils, mais dans des cas limités, sur la base d'une
enquête de personnalité.
14 Art 42 et 760-53-5 du CPP
15 Il s'agit de : cinq ans pour un crime punissable de quinze ans
de réclusion ou de détention, sept ans pour un crime
punissable de vingt ans de réclusion ou de
détention, dix ans pour un crime punissable de trente ans de
réclusion ou de détention, quinze ans pour un crime punissable de
réclusion ou de détention à perpétuité. Pour
les délits, les peines-planchers sont d'un an pour un délit
punissable de trois ans d'emprisonnement, deux ans pour un délit
punissable de cinq ans d'emprisonnement et trois ans pour un délit
punissable de sept ans d'emprisonnement, et quatre ans pour un délit
punissable de dix ans d'emprisonnement.
En parallèle, de nombreux rapports
parlementaires16 soulignent les difficultés d'application de
ces lois sur le terrain par les Juges d'Application des Peines, les SPIP et les
établissements pénitentiaires et la difficulté
rencontrée dans la prise en charge médicale et socio-judiciaire
de personnes condamnées souffrant de pathologies graves pouvant
entraîner des passages à l'acte violents.
Ces rapports n'ont pas été suivis d'effet et le
Conseil Supérieur de la Magistrature remarque que « la lutte
efficace contre la récidive nécessite une stabilité
législative » et que « l'appropriation des
réformes par les juridictions et leur partenaires suppose qu'elles
s'inscrivent dans la longue durée, ce qui n'est plus le cas, avec la
succession trop rapide de textes ».17
2-2 La juridictionnalisation de l'application des
peines et le développement massif des aménagements de peine.
2-2-1 La juridictionnalisation de l'application des
peines
Avec la loi sur la présomption d'innocence du 15 juin
2000, la détention provisoire a été réformée
et la libération conditionnelle et l'application des peines ont
été modifiées en profondeur.
16 - 2003 Groupe de travail mandaté par les mêmes
ministères sur la « santé mentale des personnes
détenues : comment améliorer et articuler les dispositifs de
prise en charge sanitaire et pénitentiaire ? »,
- 2004 Mission d'information n°1718 de l'Assemblée
Nationale sur le traitement de la récidive des infractions
pénales »
- 2005 Commission Santé Justice présidée
par Jean François Burgelin, Procureur général près
la Cour de Cassation
- 2006 Mission sur la dangerosité et la prise en charge
des individus dangereux confiés à Jean Paul Garraud
député
- 2006 Mission d'information sur les délinquants
dangereux atteints de troubles mentaux conduite par Philippe Goujon,
député
- 2007 Commission d'analyse et de suivi de la récidive
- 2008 Rapport de M LAMANDA remis au Président de la
République le 30 mai 2008 « Amoindrir les risques de
récidive criminelle des condamnés dangereux ».
- 2010 rapport d'information n°1811 de l'Assemblée
Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann « Juger et
soigner : lutter contre les pathologies et addictions à l'origine de la
récidive »
- 2011 Rapport n° 3177 de l'Assemblée Nationale de M
Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann sur les carences de
l'exécution des peines et l'évaluation du logiciel
Cassiopée.
17
Avis de la commission plénière du Conseil
Supérieure de la Magistrature remis le 21/03/2011 au Président de
la
République
Cette loi a fait des différentes modalités
d'application des peines, qui n'étaient jusque-là que des mesures
d'administration judiciaire non susceptibles d'appel, des véritables
décisions juridictionnelles prises après un débat
contradictoire, au cours duquel le détenu peut se faire assister d'un
avocat, et susceptibles d'appel devant la Chambre des appels correctionnels.
S'agissant plus particulièrement de la
libération conditionnelle, le législateur a étendu la
compétence du juge de l'application des peines qui peut désormais
accorder cette mesure aux personnes condamnées à dix ans
d'emprisonnement ou ayant une peine restant à subir inférieure
à trois ans. Les demandes des autres détenus sont, elles,
examinées par une juridiction régionale de la libération
conditionnelle, présidée par un Président de Chambre ou un
Conseiller de Cour d'appel et composée de deux juges de l'application
des peines. L'intervention du Garde des Sceaux, compétent
jusque-là à l'égard des détenus condamnés
à plus de cinq ans d'emprisonnement, est supprimée. Les
critères d'octroi de la libération conditionnelle ont
été élargis.
Le décret du 30 décembre 2000, relatif à
l'application des peines, a précisé les modalités
d'application de ces dispositions, créant notamment la tenue des
débats contradictoires au sein des établissements
pénitentiaires.
La Loi Perben II du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la
justice aux évolutions de la criminalité poursuit cette
juridictionnalisation en introduisant dans le Code de procédure
pénale un livre cinquième, intitulé « des
procédures d'exécution », relatif à
l'exécution des peines.
L'article 712-13 du nouveau code de procédure
pénale précise que l'appel des jugements concernant l'Application
des Peines est porté devant la Chambre de l'application des peines de la
Cour d'appel, composée d'un président, de deux conseillers
assesseurs, d'un responsable d'une association de réinsertion des
condamnés et d'un responsable d'une association d'aide aux victimes. Au
niveau de chaque Cour d'Appel, est ainsi créée une Chambre
spécialisée dans le domaine de l'Application des Peines.
Cette loi a créé l'article 131-5-1 du Code de
procédure pénale qui définit la mesure de stage de
citoyenneté comme peine alternative à la prison :
«Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la
juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le
condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les
modalités, la durée et le contenu sont fixés par
décret en Conseil d'état et qui a pour objet de lui rappeler les
valeurs républicaines de tolérance et de respect de la
dignité humaine sur lesquelles est fondée la
société. La juridiction précise si ce stage, dont le
coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la
troisième classe, doit être effectué aux frais du
condamné».
2-2-2 Le placement sous surveillance électronique,
mesure phare des aménagements de peine depuis 2002
Les aménagements de peine les plus anciens sont la
libération conditionnelle, créée en 1885 et la
semi-liberté. L'article 65 de la Loi Pénitentiaire du 24 novembre
2009 consacre les aménagements de peine comme clé de voute de la
politique pénale d'exécution des peines.
Un rapport, remis le 23 avril 2003 au Ministère de la
Justice par le Député Jean-Luc Warsmann, préconisait de
redonner de la crédibilité et de l'effectivité aux
sanctions non privatives de liberté considérant « qu'il
est incontestable que les magistrats se détournent de ces mesures,
n'ayant plus confiance dans leur application et préfèrent ainsi,
en correctionnelle, recourir à la prison ferme plutôt qu'à
un travail d'intér~t général ou un sursis avec mise
à l'épreuve, dont l'application est
défaillante»18.
Depuis le 1er janvier 2002, les aménagements de peine
ont progressé de 94,2%. Le nombre de placements sous surveillance
électronique a quintuplé en 8 ans.
L'aménagement de peine actuellement le plus utilisé
est donc le placement sous surveillance électronique.
18 Rapport « Les peines alternatives à la
détention, les modalités d'exécution des courtes peines,
la
préparation des détenus à la sortie de
prison : rapport de la mission parlementaire » auprès de Dominique
Perben, Garde des sceaux, Ministre de la justice, confiée à
Jean-Luc Warsmann, Député des Ardennes qui part du constat selon
lequel les décisions de justice, au vu du fonctionnement de la
chaîne pénale, ne sont généralement pas
exécutées en temps réel. Ces délais
d'exécution s'expliquent notamment par le manque d'informatisation du
système judiciaire et rendent souvent l'application des peines
inefficace, voire impossible. Pour remédier à cette situation,
l'auteur présente 87 propositions regroupées autour de trois
priorités d'action. Il s'agit tout d'abord de redonner de la
crédibilité et de l'effectivité aux sanctions non
privatives de liberté. Les courtes peines de prison doivent, quant
à elles, être exécutées de manière juste et
adaptée. Enfin, la troisième priorité est de
réduire le nombre de sorties sèches de prison pour lutter contre
la récidive.
Il s'agit d'une modalité d'aménagement de peine
qui s'effectue au domicile de la personne placée, avec interdiction pour
elle de s'en absenter pendant des plages horaires précisées par
une ordonnance du Juge de l'application des peines ou bien du Juge
d'instruction. Un bracelet est posé, généralement à
la cheville de la personne condamnée, au sein de l'Établissement
Pénitentiaire du ressort de la juridiction : il vaut pour
écrou.
Un boîtier est installé au domicile de la
personne qui envoie des informations au bracelet afin de le détecter
à des horaires fixés par le Juge. La personne est ainsi tenue de
rester à son domicile à des horaires précis. Toute
violation de ces horaires peut entraîner une révocation de la
mesure et une exécution de la peine en la forme ordinaire,
c'est-à-dire en détention classique.
Depuis 2006, le nombre de placements sous surveillance
électronique a doublé, passant de 5562 en 2006 à 11 259 en
2008.19 Le PSE représente 40% des aménagements de
peine actuellement.
Ce sont donc les SPIP qui absorbent et appliquent ces
évolutions majeures que sont la pression médiatique et
institutionnelle concernant les faits de récidive criminels, d'une part,
et l'instruction et le suivi de nouvelles mesures concernant la surveillance
électronique, d'autre part.
Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation
Après avoir dessiné les grandes lignes des
évolutions législatives impactant les SPIP et le changement de
rationalité pénale les fondant, nous décrirons le groupe
professionnel des CPIP en le situant dans la filière insertion et
probation de l'Administration Pénitentiaire (3-1).
Nous décrirons plus en détails la formation
initiale des CPIP (3-2) et les caractéristiques
sociodémographiques de ce groupe professionnel (3-3), dont le coeur de
métier a évolué profondément (3-4).
19Chiffres clés de l'Administration
Pénitentiaire consultables au
http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion10036/les-chiffres-clefs-10041/
3-1 Une filière insertion et probation en
constante augmentation entre 2004 et 2010
Les personnels d'insertion et de probation sont au nombre de
3828 en 2009 [COUR DES COMPTES, 2010 p154]. Ils représentent 11,6% des
personnels de l'Administration Pénitentiaire. Parmi eux, on compte 2639
Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation, 287 assistantes
de service social, 166 Chefs de services d'insertion et de probation et 207
Directeurs d'Insertion et de Probation. L'ensemble de ces personnels est
fonctionnaire et formé à l'ÉNAP20. Les
personnels d'insertion et de probation sont passés de 901 à 2514
entre 1990 et 2007, soit une augmentation de +179%.
Depuis la 7ème promotion, la courbe relative
aux effectifs d'élèves recrutés indique une très
nette croissance avec pour la 12ème promotion, un effectif quasiment
triplé. «Cette massification du recrutement peut s'expliquer en
premier lieu par l'importance donnée à la mission de
réinsertion et à l'intér1t porté aux mesures
d'aménagement de peine » [Direction de l'Administration
Pénitentiaire, Bureau RH3, mars 2007, p6.]
3-2 La formation initiale des Conseillers
Pénitentiaire d'Insertion et de Probation
L'entrée en formation de la première promotion
de CIP date de 1995. Le concours de CIP est ouvert aux titulaires d'un BAC+2,
aux mères possédant au moins 3 enfants et aux fonctionnaires
justifiant d'au moins 4 ans d'ancienneté. Ils sont formés
à l'ÉNAP située à Agen comme tous les autres corps
de métiers de l'Administration Pénitentiaire.
La durée de la formation initiale, préalable
à la titularisation dans le corps des
Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation de
l'Administration Pénitentiaire est fixée à deux ans.
Elle comprend une première année passée
en qualité d'élève Conseiller Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation et une seconde année en qualité de
stagiaire.
Toutefois, les candidats reçus au concours, titulaires
du diplôme d'État d'éducateur spécialisé ou
d'assistant du service social, nommés directement conseillers
pénitentiaires d'insertion et de probation de 2e classe stagiaires,
reçoivent une formation adaptée à leur profil
professionnel au cours de leur année de stage.
20 École Nationale d'Administration
Pénitentiaire
Les conditions de titularisation et d'obtention du Certificat
d'aptitude aux fonctions de Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de
Probation sont identiques pour tous les Conseillers Pénitentiaires
d'Insertion et de Probation stagiaires.
Depuis la parution en novembre 2006 de l'arrêté
instituant la pré-affectation, la deuxième année de stage
se déroule sur le lieu futur de la titularisation. Les CPIP stagiaires
sont déjà affectés sur leur poste en milieu ouvert ou en
milieu fermé. Cette réforme, contestée sera reconduite
pour la seizième promotion en 2011.
3-3 Les CPIP, un groupe professionnel majoritairement
féminin, fortement diplômé, principalement en droit.
3-3-1 Une proportion de femme importante et une moyenne
d'ge constante
Avant 1995, année d'entrée en formation de la
première promotion de CIP, les hommes éducateurs étaient
aussi nombreux, et même parfois plus, que les femmes.
On constate un retournement très net de cette tendance
avec une proportion de femmes en moyenne deux fois plus importante que celle
des hommes, avec une accentuation de cet écart dans la 12ème
promotion où elles sont 3 fois plus nombreuses et représentent
77% de l'effectif.21
3-3-2 Un niveau de qualification élevéLe
recrutement s'opère largement au dessus du niveau requis. Les
données recensées depuis
la première promotion indiquent en effet que la
catégorie des BAC+2 est loin d'être la plus représentative,
les CIP recrutés possédant le plus souvent au moins un BAC+4. De
plus, cet écart entre le niveau requis et le niveau réel tend
à s'accentuer pour les dernières promotions.
La douzième promotion voit, par exemple, 95% des
effectifs ayant un niveau d'étude supérieur ou égal
à BAC+3 et 33% avec un BAC+5. Parmi ces élèves, 61% ont
suivi des études de droit et 91% ont déjà eu une
expérience professionnelle.
21 Informations consultables sur au
http://www.enap.justice.fr/eleves/index.php
Pour la CIP 13, 70% des élèves ont un BAC+3 et
30% ont un BAC+5, 84%des élèves ont déjà
travaillé, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences
sociales et 9% de l'économie et de la gestion. 73% ont
déclaré avoir passé d'autres concours. Par rapport
à la promotion précédente, on constate que la proportion
d'internes à doublé (18% contre 8%).
Concernant la quatorzième promotion, quasiment 40% des
élèves sont titulaires d'un diplôme de niveau BAC+5. Ils
n'étaient que 30% dans la 13ème promotion, proportion
déjà considérable pour un concours ouvert aux titulaires
d'un BAC+2.
Les femmes sont toujours plus diplômées que les
hommes. Elles sont 42% à avoir un BAC+5 contre 32% des hommes. La
très grande majorité des élèves est
diplômée dans les domaines du droit et des sciences politiques
(66%) et des sciences humaines (17%). Les 6% d'élèves bacheliers
ont été recrutés par concours interne. La plupart d'entre
eux étaient surveillants.
La proportion d'élèves recrutés par
concours interne augmente significativement. Ils sont 32% à avoir
intégré la formation selon ce mode de sélection.
3-3-3 Une majorité de juristes
Depuis la 8ème promotion de CIP, deux-tiers des
élèves recrutés ont suivi des études de droit. Pour
la CIP 12, 61% ont suivi des études de droit et 91% ont
déjà eu une expérience professionnelle. S'agissant de la
CIP 13, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences sociales et
9% de l'économie et de la gestion. 73% ont déclaré avoir
passé d'autres concours. Cette tendance se poursuit avec la CIP 14
où la très grande majorité des élèves est
diplômée dans les domaines du droit et des sciences politiques
(66%) et des sciences humaines (17%). La tendance s'infléchit
légèrement avec la CIP 15 avec 50% relevant du domaine du droit
et de la science politique et 20%, des sciences humaines et sociales.
On compte également, dans des proportions très
inférieures, des élèves issus des filières «
commerce, gestion » (8%), « sciences, mathématiques,
informatique » (4%), « secrétariat » (4%) ou encore
« enseignement » (3%) dans cette promotion plus
hétéroclite.
3-3-4 Une forte volatilité des promotions à
10 ans
Entre 1995 et 2006, on constate 103 radiations des cadres dont
23% vers l'Éducation Nationale, 22% vers la Protection Judiciaire de la
Jeunesse, 20% vers la Fonction Publique Territoriale ou un autre
Ministère en qualité de rédacteur, secrétaire ou
attaché, 8% vers les IRA, 6% vers l'ENM ou l'École des Greffes,
8% vers la Police ou les Douanes.
Les CPIP sont donc rarement radiés pour exercer leur
métier de personnel socio-éducatif au sein d'une autre fonction
publique ou une association.
Parmi les mouvements de mobilité professionnelle des
personnels des promotions entre 1995 et 1999 et ce jusqu'au 1er
janvier 2006, on constate que 14% des personnels sont partis dont 1/3 pour
passer des concours de Directeurs de Service, 19% sont à temps partiels
et 7,5% sont partis provisoirement. Depuis la promotion 2001, la proportion des
départs avant trois ans oscille entre 4% et 10%.
Si ce rythme se maintient, on pourrait atteindre au bout de 10
ans un taux de départ de 20% alors que les générations de
1990-1994 avaient un taux de 5% en moyenne et de 12% pour les promotions
1995-2000 [Direction de l'Administration Pénitentiaire, Bureau RH3,
2007, p6]. Parmi les 172 départs volontaires observés entre 1995
et 2007, on dénombre 56 démissions et 116 radiations des cadres
d'emploi des personnels d'insertion et de probation. Sur les fonctions
exercées, connues pour 97 personnes, près d'un quart occupent les
fonctions d'attachés d'administration, 17% sont devenus Directeurs au
sein de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 18% occupent
des fonctions de professeurs ou de Conseillers principaux d'Éducation.
Seuls 7% occupent des fonctions de travailleurs sociaux.
3-4 De nouvelles méthodologies de travail
3-4-1 Un changement de coeur de métier
C'est par un décret du 21 septembre 1993 qu'est
créée l'appellation Conseiller d'Insertion et de Probation. La
loi pénitentiaire n°87-432, relative au service public
pénitentiaire de 1987 dispose à l'Art 1er :
«Le service public pénitentiaire participe à
l'exécution des décisions et sentences pénales et au
maintien de la sécurité publique. Il favorise la
réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par
l'autorité judiciaire. Il est organisé de manière à
assurer l'individualisation des peines»
Dans une décision du 20 janvier 1994, le Conseil
constitutionnel a précisé que l'exécution des peines
privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a
été conçue, « non seulement pour protéger
la société et assurer la punition du condamné, mais aussi
pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son
éventuelle réinsertion ».
Dans cette perspective, il était écrit, dans
cette circulaire du 11 novembre 2000 22 «Le travail social
à l'administration penitentiaire presente une specificite qui se
caracterise essentiellement par : - le cadre legal dans lequel interviennent
les travailleurs sociaux : l'execution des decisions judiciaires penales
restrictives ou privatives de liberte ; - une action particulière
à mettre en oeuvre : celle d'aider les personnes à surmonter les
difficultés auxquelles elles sont confrontees, de favoriser leur
insertion ou leur reinsertion sans recidive dans la vie sociale, en prenant en
compte leur realite sociale, economique ainsi que leurs difficultes
personnelles, familiales.»
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 modifie
clairement le métier de CIP en disposant art 713 : « Le service
public pénitentiaire participe à la préparation et
à l'exécution des decisions privatives de liberte et de certaines
decisions restrictives de liberte. Il contribue à la reinsertion des
personnes placees sous main de justice, à la prevention de la recidive
et à la securite publique». L'item prévention de la
récidive fait ici son apparition au même niveau que la
réinsertion et la mission de garde et de contrôle.
Cette notion de prévention de la récidive, qui
vient se substituer à l'aide à la réinsertion sociale des
personnes placées sous main de justice, a fait son apparition dès
la création d'une hiérarchie par le décret n°
2005-445 du 6 mai 2005 relatif au statut particulier du personnel d'insertion
et de probation de l'Administration Pénitentiaire, disposant que les
personnels d'insertion et de probation « concourent, compte tenu de
leurs connaissances en criminologie et de leurs compétences en
matière d'exécution des peines, à la préparation
des décisions de justice à caractère penal et en assurent
le suivi et le contrôle ».
Une priorité est de surcroît donnée aux
aménagements de peine fortement développés depuis 2004, en
détachant progressivement ceux-ci de leur finalité d'insertion
pour les Personnes Placées Sous Main de Justice. « Dans le
cadre de leur mission de prevention de la recidive, les personnels d'insertion
et de probation jouent, par leur savoir-faire en matière de prise en
charge des PPSMJ et d'évaluation des problématiques
individuelles, un rôle essentiel en matière d'aide à la
décision judiciaire.
22
Circulaire relative aux méthodes d'intervention des
travailleurs sociaux des Services Pénitentiaires
d'Insertion et de Probation AP 2000-07 PMJ2/21-11-2000 NOR/:
JUSE0040086C
Ils réalisent des enquêtes relatives à
la situation matérielle, familiale et sociale des PPSMJ afin
d'individualiser les mesures et les peines chaque fois que cela est
possible.
Les personnels d'insertion et de probation doivent ainsi
étudier, avec les PPSMJ, les modalités de déroulement de
leur peine afin de proposer aux autorités judiciaires les
aménagements appropriés au regard de leur situation pénale
et sociale. »
3-4-2 Les programmes de prévention de la
récidive
Le Ministère de la Justice a décidé, en
mars 2008, de redéfinir les missions des SPIP en les centrant sur la
prévention de la récidive.
La circulaire de mars 200823 accentue ainsi le
recentrage des missions des CIP vers la prévention de la récidive
en instituant les Programmes de Prévention de la Récidive comme
nouvelle modalité de prise en charge des personnes placées sous
main de justice :
« Concernant l'aspect criminologique, la prise en
charge doit ~tre fortement orientée sur le passage à l'acte, le
repérage et le traitement des facteurs de risque de récidive et
les intérits de la victime ».
Elle vise à définir la prévention de la
récidive comme principale finalité de l'action des SPIP. Elle
précise que cette finalité nécessite la mise en oeuvre de
méthodes d'intervention centrées sur la personne placée
sous main de justice. Elle indique que la prise en charge des PPSMJ repose
dorénavant sur une prise en charge aussi bien collective
qu'individuelle.
Ainsi, la prise en charge doit etre fortement orientée
vers le passage à l'acte, le repérage et le traitement des
facteurs de risque de récidive et les intérests de la victime.
Les personnels d'insertion et de probation construisent,
développent et animent des programmes sous forme de groupes de paroles
qui s'inscrivent dans le parcours d'exécution des peines, tant en milieu
fermé qu'en milieu ouvert.
23 Circulaire de la DAP n° 113/PMJ1 du
19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes
d'intervention des services pénitentiaires d'insertion et
de probation NOR JUSK0840001C
L'Administration Pénitentiaire suit ainsi textuellement
la préconisation REC(2000) 22 du Comité des Ministres du Conseil
de l'Europe concernant l'amélioration de la mise en oeuvre des
règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées
dans la communauté et qui préconise l'instauration de «
programmes d'intervention qui consistent à apprendre aux
délinquants à réfléchir aux conséquences de
leur conduite criminelle, à les amener à mieux se connaître
et à mieux se contrôler, à reconnaître et à
éviter les situations qui précèdent le passage à
l'acte et à leur donner la possibilité de mettre en pratique des
comportements pro sociaux. »
Ces programmes ont été
expérimentés à partir de juillet 2007. Ils consistent
à réunir, pendant plusieurs séances, un groupe de
condamnés présentant une problématique commune,
liée au type de délit commis, pour les faire
réfléchir sur les conséquences de leur conduite, les
amener à mieux se connaître et leur donner ainsi les moyens
d'éviter la réitération des faits. Les thématiques
portent sur les infractions de nature sexuelle, les violences conjugales et
familiales, la délinquance routière et le passage à l'acte
lié à une addiction. Ces PPR sont inspirés des programmes
mis en place au Canada dans les années 1990. Ils ont été
expérimentés en juillet 2007 et en 2008, et 50 projets ont
été lancés [COUR DES COMPTES 2010 p112]. Des sessions de
formation continue sont proposées à l'ÉNAP depuis janvier
2009.
3-4-3 Le diagnostic à visée
criminologique
Le diagnostic à visée criminologique devient le
coeur de métier des CPIP. Il est « rédigé
exclusivement par les personnels d'insertion et de probation et correspond
à la définition la plus exacte possible de la situation et de la
personnalité de l'intéressé à un moment
donné.
Le diagnostic se met en oeuvre dès le premier
entretien (accueil arrivant, début de prise en charge) et il est
actualisé durant le parcours d'exécution de peine ou de mesure.
» [Mémo SPIP n°14, 18 mai 2010].
Le métier de CPIP, fondé sur la
prévention de récidive, doit désormais s'exercer dans le
champ pénal et criminologique, permettant une évaluation
criminologique des PPSMJ dans l'objectif d'une meilleure individualisation de
la prise en charge des profils.
La DAP a initié, à partir de 2010, dans un chantier
devant aboutir à la mise en place d'une méthodologie commune et
homogène, le « diagnostic à visée criminologique
(DAVC) ».
Cet outil, module de l'application APPI24,
permettra d'établir un diagnostic répondant à des items
précis appréhendant le parcours et la situation des PPSMJ sous
tous les angles, démarche au cours de laquelle il s'en déduira la
nature de sa prise en charge.
Ce vaste chantier est en phase d'expérimentation dans
onze sites pilotes depuis avril 2010 avec l'objectif d'assurer une meilleure
continuité de suivi, notamment s'agissant de personnes condamnées
à des peines mixtes. Le suivi individuel des personnes placées
sous main de justice devra s'appuyer dorénavant sur l'analyse du profil
criminologique des personnes concernées et sur des pratiques
professionnelles tenant compte des personnalités rencontrées. Une
nouvelle organisation des SPIP25, fondée sur la mise en place
d'équipes pluridisciplinaires et sur une adaptation des modalités
de prise en charge, selon une typologie précise, est souhaitée
par l'Administration Centrale.
A ce jour, ces évolutions ne sont pas encore à
l'oeuvre sur l'ensemble des SPIP mais évaluées dans des sites
pilotes.
Ainsi, le groupe professionnel des CPIP, majoritairement
féminin et diplômé en droit est appelé à
exercer de nouvelles missions qui l'éloignent du travail social
pénitentiaire, tel que défini à la création des
SPIP en 1999.
Chapitre 4 : Genèse d'un changement de nom
Le groupe professionnel des Conseiller d'Insertion et de
Probation a changé de nom fin décembre 2010 pour devenir
Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation. Cette
évolution a fait suite à un mouvement social
d'envergure26, survenu en 2008 à la suite de la publication
du volet indemnitaire et statutaire d'une circulaire de mars 2008 (4-1).
Un rapport de force s'est établi entre les personnels et
la Direction de l'Administration Pénitentiaire (4-2).
24 Le logiciel APPI (Application des Peines Probation Insertion)
est un outil informatique commun au service de
l'application des peines et au service pénitentiaire
d'insertion et de probation, qui permet la gestion des mesures dont ils ont la
charge. Son utilisation donne accès à une information sur la mise
à exécution des sanctions prononcées. Circulaire relative
aux aménagements de peine et aux alternatives a l'incarcération
CRIM 2006-09 E3/27-04-2006 NOR : JUSD0630051C Alternative à
l'incarcération Aménagement de peine Application des peines
Exécution des peines Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 Loi n°
2005-1549 du 12 décembre 2005 Décret n° 2004-1364 du 13
décembre 2004.
25 Voir en Annexe 3 p 160
26 Voir en Annexe 4 p 165
L'intersyndicale s'est fissurée et une phase de
négociation s'en est ensuivie (4-3) aboutissant à une nouvelle
grille indiciaire et à cette nouvelle dénomination de CPIP
(4-4).
4-1 Une circulaire décriée
La circulaire de mars 2008 indique que le corps d'encadrement
verra sa grille indiciaire valorisée pour la troisième fois en
cinq ans alors que le statut des CIP n'a pas été revisité
depuis le classement sur la grille indiciaire intermédiaire dite
CII27 depuis 1977.
La formation initiale est portée à un an, contre
deux ans auparavant, et une prime, modulable en fonction de la façon de
servir de l'agent, vient remplacer les primes identiques pour tous les
personnels quelques soient leurs notations individuelles. Le 29 avril 2008,
à l'appel de deux organisations syndicales (UGSP-CGT et SNEPAP-FSU), des
assemblées générales se tiennent dans les SPIP de
l'ensemble du territoire.
Les Assemblées générales ont pour objet
de permettre aux personnels des SPIP de se positionner concernant le projet de
réforme statutaire que leur propose l'Administration
Pénitentiaire. Dans la majorité des AG, les personnels se
prononcent contre la réforme proposée.
Les Conseillers d'Insertion et de Probation, privés du
droit de grève28, et les Assistant(e)s de Service Social,
décident d'entamer une mobilisation pour exprimer le rejet de cette
réforme, et revendiquer l'accès à la catégorie A et
une revalorisation indiciaire immédiate.
27 Les décrets du 25 janvier 1994 mettent en
oeuvre la réforme de la catégorie B, prévue par le
protocole
du 9 février 1990, pour les personnels infirmiers, de
rééducation ou médico-techniques de la fonction publique
hospitalière. La circulaire du 4 mai 1994 met en oeuvre cette
réforme dite "Classement indiciaire intermédiaire", ainsi que la
reprise d'ancienneté prévue par le décret du 10 mars 1993.
Les CIP font partie de cette catégorie indiciaire depuis 1993.
28
Décret n°66-874 du 21 novembre 1966
portant règlement d'administration publique relatif au statut
spécial des fonctionnaires des services
déconcentrés de l'administration pénitentiaire Les
personnels de direction, de surveillance, d'administration et d'intendance,
éducatif et de probation, technique et de formation professionnelle des
services déconcentrés de l'administration pénitentiaire
constituent des corps régis par le statut particulier de ces personnels.
L'article 80 Modifié par Loi n°92-125 du 6 février 1992 -
art. 3 (V) JORF 8 février 1992 : dispose «Les fonctionnaires
des services extérieurs de l'administration pénitentiaire doivent
s'abstenir en public qu'ils soient ou non en service, de tout acte ou propos de
nature à déconsidérer le corps auquel ils appartiennent ou
à troubler l'ordre public.»
Les personnels des Services Pénitentiaires d'Insertion
et de Probation optent pour des modalités d'actions diverses, qui
s'apparentent à une grève du zèle (boycott du logiciel
dédié, des interventions, des déplacements). Un
communiqué intersyndical SNEPAP-FSU / UGSPCGT, en date du 19 mai 2008,
fait état de l'extension du mouvement. Plus de la moitié des SPIP
se sont alors déclarés en mouvement. L'intersyndicale appelle
à des manifestations régionales le 26 mai et à une
manifestation nationale le 5 juin. Les organisations syndicales demandent aussi
une audience auprès du Directeur de l'Administration
Pénitentiaire, ainsi que la levée des sanctions qui ont
frappé quelques agents.
Le 26 mai 2008, alors que la mobilisation concerne plus de 80%
des services, des rassemblements se tiennent à Paris, Marseille, Nantes,
Lyon et Strasbourg.
Le 28 mai, le Directeur de l'Administration
Pénitentiaire reçoit les délégués du
SNEPAP-FSU et de l'UGSP-CGT. Le communiqué intersyndical précise
que : « Le Directeur de l'Administration pénitentiaire a dans
le mrme temps indiqué vouloir reprendre la discussion sur l'ensemble des
thématiques relatives au SPIP»
C'est dans ce cadre que Madame Trabut a été
nommée par le Garde des Sceaux pour conduire « une mission
d'écoute et de proposition » qui devra porter sur les missions,
l'encadrement et les questions statutaires et indemnitaires. Les organisations
syndicales indiquent que la réponse de l'Administration
Pénitentiaire ne convient pas aux personnels en mouvement.
Ils appellent les assemblées générales
locales à se prononcer sur les suites à donner au mouvement, qui
entre alors dans son deuxième mois d'existence. Le 5 juin, plus de 1000
travailleurs sociaux répondent à l'appel de l'intersyndicale
SNEPAP-FSU et UGSP-CGT, rejoints par la CFDT-Interco, pour une manifestation
nationale à Paris.
Une large couverture médiatique (dépêche
AFP, articles dans le Figaro, Le Monde et Libération) fait état
de cette mobilisation d'une ampleur conséquente. Les organisations
syndicales appellent à poursuivre le mouvement et à mettre en
oeuvre de nouvelles modalités d'actions. Le même jour, M. Lamanda,
premier Président de la Cour de Cassation, remet un rapport concernant
la lutte contre la récidive au Président de la
République.
Il indique, dans une de ses 23 propositions, qu'il serait
souhaitable « d'augmenter les effectifs des Services Pénitentiaires
d'Insertion et de Probation » (proposition 17).
4-2 Les premières réponses de
l'Administration Pénitentiaire : un abandon de toutes
références au caractère social des missions des CIP
Le 26 mai 2008, le Directeur de l'Administration
Pénitentiaire reconnaît que la réponse que l'administration
pénitentiaire a apporté aux services pénitentiaires
d'insertion et de probation « n`a pas été jugée
pertinente » [Point d'information SPIP du 28/05/2008].
Il missionne Mme TRABUT, Inspectrice des services judiciaires
le 26 mai pour « entendre les personnels et prendre connaissance des
modalités de fonctionnements des services. » [Point
d'information SPIP du 28/05/2008].
Des lettres d'informations régulières sont
envoyées aux DSPIP à compter du 28/05/2008, date de la
dernière rencontre bilatérale avec les syndicats majoritaires
UGSP-CGT et SNEPAPFSU, afin de rendre compte de l'avancée de la mission
de Mme Trabut. Une réunion aura lieu le 17 juin 2008 avec les deux
principaux syndicats où quatre thèmes seront abordés :
l'amélioration concrète du fonctionnement des services, une
réflexion sur les perspectives-métiers devant conduire à
un ajustement des projets statutaires et indemnitaires, l'adaptation de la
formation initiale et continue, et des propositions d'adaptation et de
management des services.
Un comité de pilotage est lancé le 30 juin avec
pour objectif la mise en oeuvre effective de ces propositions en
décembre 2008-janvier 2009. Le diagnostic de Mme TRABUT arrive à
son terme le 3 juillet 2008. Elle prend la tête du comité de
pilotage des 5 groupes chargés de formuler des propositions sur les
thèmes suscités. Un cinquième thème est
ajouté : l'accompagnement de la mise en oeuvre de la Loi
Pénitentiaire.
Madame Isabelle GORCE, consjller référendaire
à la Cour de Cassation, est chargée du groupe « perspective
métiers ». Elle était anciennement sous directrice des
Personnes placées sous main de justice à la DAP, lors de la
création des SPIP. En août 2008, Mme TRABUT publie le rapport de
la mission d'expertise et de proposition sur les SPIP, à la suite de la
visite de 11 SPIP du 29/05/2008 au 28/06/2008, complétée en
juillet par des entretiens avec des chefs d'établissements et des
responsables de département Insertion et Probation dans les Directions
Interrégionales des Services Pénitentiaires d'Insertion et de
Probation.
Elle relève dans ce rapport des « maladresses
de management et de communication dans le projet de réforme statutaire
non expliqué et des déceptions suite à l'annonce de
l'année des SPIP en 2007 » [TRABUT p5]. Du côté
de la hiérarchie, elle note «une crise de reconnaissance des
SPIP » dûe aux « changements profonds qui touchent le
travail et à l'empilement des réformes sans priorisation ni
méthode » [TRABUT, Idem]. Les magistrats insistent dans ce
rapport sur « la nécessité de reconnaître le
travail des SPIP mieux qu'il ne l'est aujourd'hui. » [TRABUT, p5].
Mme TRABUT situe sa réflexion sur la
nécessité de trancher entre la filière
sécurité et la filière sociale afin de « tirer
les arguments en faveur d'une amélioration statutaire, juste et
nécessaire compte tenu des choix de politique publique »
[TRABUT p6].
Le Directeur de l'Administration Pénitentiaire indique
que « les fonctions d'insertion et de probation ne peuvent ~tre mises
en oeuvre (~) qu'avec le concours de partenaires extérieurs ».
Ainsi, l'objectif d'insertion à l'origine des SPIP est
potentiellement confié « aux personnes de droit public et
privé sans lesquelles l'insertion des personnes placées sous main
de justice ne pourrait s'effectuer » [Note DAP du 9 septembre
2008].
4-3 Une phase de négociation bilatérales
entre le SNEPAP-FSU et l'Administration Pénitentiaire
Le 21 octobre 2008, suite aux résultats des travaux des
5 groupes, Monsieur D'HARCOURT indique que « la formation des CIP sera
revue pour prendre en compte ces évolutions. Elle visera à former
des professionnels développant une expertise criminologique,
c'est-à-dire avec des capacités d'évaluation permettant de
construire et d'animer des parcours, en vue de prévenir la
récidive » [Mémo SPIP du 21 octobre 2008].
Le 2 mars 2009, la DAP propose aux syndicats, pour
l'évolution statutaire des CIP, un coeur de métier
spécifique basé sur la prévention de la récidive,
une action sur le passage à l'acte et l'aménagement des peines
où « l'action des SPIP est clairement positionnée au
sein de la filière pénitentiaire et clairement sur le champ
pénal et criminologique» [Mémo SPIP n° 9 2 mars
2009]. Le protocole validant ce choix est signé le 9 juillet 2009 par le
SNEPAP-FSU, syndicat minoritaire. L'UGSP-CGT et la CFDT-Interco refusent de
signer ce protocole.
Le texte confirme que le métier de CIP, fondé sur
la prévention de la récidive, s'exercera désormais dans le
champ pénal et criminologique.
Les 300 assistant(e)s de service sociaux de la filière
insertion et probation pourront alors choisir d'intégrer le corps des
CIP ou de rester dans le champ du travail social. Suivront 8 réunions
bilatérales SNEPAP/DAP pour discuter de l'évolution de la grille
indiciaire des CIP et la durée de la carrière. Le principe d'une
surindiciarisation équivalente à celle des lieutenants et
capitaines pénitentiaires est acté.
4-4 Deux décrets statutaires et indiciaires29
créent les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de
Probation.
Les deux corps créés sont ceux des «
Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (CPIP) » et
des « Directeurs Pénitentiaires d'Insertion et de Probation »
(DPIP). Le statut d'emploi mis en place est celui des « Directeurs
Fonctionnels des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation
» (DFSPIP).
L'écriture de l'article 1 du nouveau statut des CPIP a
connu plusieurs modifications sous l'influence de l'UGSP-CGT, entre autre. En
effet, le projet initial de réécriture des missions
évacuait toute référence à la
réinsertion.
Alors que des «connaissances en
criminologie» et une «expertise en exécution de
peine» étaient privilégiées, la rédaction
initiale du décret a été modifiée, pour laisser
place à une formulation de compromis :
«Art. 1er - (...) Les conseillers
pénitentiaires d'insertion et de probation exercent les attributions qui
leur sont conférées par les lois et règlements pour
l'application des régimes d'exécution des décisions de
justice et sentences pénales. Ils interviennent dans le cadre des
mesures alternatives aux poursuites pénales, restrictives ou privatives
de liberté.
29 Le corps de CPIP comporte deux grades : un grade de CPIP
classe normale qui comporte douze échelons, et un
grade de CPIP hors classe qui comporte huit échelons
(plus l'échelon d'élève). La grille définitive du
corps de CPIP consacre une revalorisation indiciaire conséquente par
rapport à la grille des CIP actuelle. L'amélioration n'est
cependant pas linéaire. En fonction des périodes de la
carrière, elle peut aller de 2 à 74 points d'indice. Elle est
notamment intéressante en tout début et en toute fin de
carrière. En dehors de ces périodes, la durée de
carrière est rallongée de 3 années par rapport à
l'actuelle (de 23 à 26 ans à partir de la titularisation). Il
sera donc plus long d'atteindre l'indice sommital. Cette durée de
carrière est largement supérieure à celle des lieutenants/
capitaines (17 ans), mais inférieure à la durée de
carrière prévue pour les futurs CII (34 ans). Au 1er janvier
2011, l'ensemble des CIP, ainsi que les agents en détachement dans le
corps des CIP, basculent sur la première grille transitoire du corps de
CPIP. En fonction des échelons, ils gardent le bénéfice de
tout ou partie de l'ancienneté acquise. Chaque 1er janvier des quatre
années suivantes, l'ensemble du corps bascule sur une nouvelle grille,
où chaque échelon est réévalué de quelques
points.
Sur saisine des autorites judiciaires, ils concourent
à la preparation des decisions de justice à caractère
pénal. Ils assurent le suivi de l'exécution des peines et
veillent au respect des obligations judiciaires dans un objectif de prevention
de la recidive et de reinsertion.
Compte tenu de leur expertise en matière
d'exécution de peine et d'accompagnement socioeducatif, de leurs
connaissances en criminologie et selon les besoins particuliers des
personnes confiees, ils concourent à la preparation et à la
mise en oeuvre des mesures d'insertion et des dispositifs de prevention de la
recidive prevus par les lois et règlements.
Ils participent à la politique d'individualisation
des peines par le developpement des alternatives à
l'incarcération et des aménagements de peine dans les conditions
prevues par le code de procedure penale. Ils oeuvrent plus
particulièrement au travail sur le sens de la peine, afin de concourir
au maintien ou à la restauration de l'autonomie et à la
responsabilisation des personnes suivies ».
Ainsi, le groupe professionnel des CPIP a changé de nom
et une revalorisation indiciaire a fait suite à un mouvement social
important en 2008. De nouvelles méthodes de travail sont initiées
comme les programmes de prévention de la récidive et le
diagnostic à visée criminologique. Les tensions exprimées
lors du mouvement social de 2008 indiquent que des courants antagonistes
traversent le groupe professionnel des CPIP concernant les missions de ce
groupe et leurs finalités. Les problématiques indiciaires et
statutaires ne peuvent suffire à les éclairer et à les
comprendre en notre sens.
Conclusion de la première partie
Entre 1999 et 2010, une succession de lois ont modifié
en profondeur l'action des SPIP et le droit de l'exécution des peines.
Le placement sous surveillance électronique s'est imposé comme la
mesure la plus reconnue de l'Administration Pénitentiaire, avec
l'incarcération classique, malgré un développement des
mesures suivies en milieu ouvert. Cette mesure est massivement utilisée
depuis 2005. Les programmes de prévention de la récidive sont mis
en oeuvre depuis 2007 et la Loi pénitentiaire du 25 novembre 2009
consacre le diagnostic à visée criminologique comme coeur de
métier pour les CPIP, sous fond de critique générale du
travail social et de changement latent de logique pénale. Ces
évolutions constantes ont modifié en profondeur l'organisation
des SPIP et la définition de leurs missions. Les CPIP sont les acteurs
de ces changements institutionnels.
Majoritairement féminin et diplômé en
droit, ce groupe professionnel a connu des recrutements croissants entre 2004
et 2010. Un mouvement social important est venu traduire les tensions le
traversant en 2008 sur des problématiques statutaires, seules
susceptibles de fédérer les syndicats. On retrouve le même
phénomène chez les surveillants pénitentiaires :
« On peut en outre noter que cette conception de la
professionnalisation se révèle assez réductrice. De la
part des organisations de surveillants, elle conduit bien souvent à
« la fermeture et [au] "protectionnisme" des acquis »
[GIACOPELLI, 1993, p. 303] les syndicats jouant un rôle
"exclusif" réducteur. Divisées, les organisations syndicales de
surveillants peuvent être promptes à se rassembler sur les
problèmes catégoriels tournant autour de quelques axes faciles
à identifier : statut = droits, carrières,
rémunérations ; conditions de travail = effectifs, durée
du travail. » [GIACOPELLI, 1993, p. 308)]. Ce mouvement n'est-il pas
également l'expression d'antagonismes et de paradoxes au sein du groupe
professionnel des CPIP, au-delà de ces sujets de revendication
spécifiques ?
Nous nous proposons ici d'aborder la professionnalisation des
CPIP d'une manière moins étroite, en analysant la dynamique
interne du groupe professionnel des CPIP depuis 1999, au coeur de ces
évolutions profondes. Qu'est ce qu'être Conseiller
Pénitentiaire d'Insertion et de Probation dans ce contexte
d'évolutions institutionnelles ?
Deuxième partie : Les traductions structurelles
de ces
évolutions
Introduction de la deuxième partie
Notre propos ici sera d'essayer de cerner ce qui concerne
l'ensemble des CPIP et les caractères concourant à leur
unité en tant que groupe professionnel. Ainsi, selon la tradition
fonctionnaliste de la sociologie des professions, le passage d'une occupation
à une profession suit des étapes successives30. Ces
étapes seraient irréductibles ce qui accorderait pleinement le
statut de professions aux médecins, aux juristes, aux
ingénieurs et au professorat universitaire [PARSONS, 1939].
Cette approche a été abandonnée dans les
années 60 aux États-Unis et n'a jamais connu d'écho en
France en raison du contexte particulier explicité en introduction
générale. Elle nous semble toutefois susceptible d'ordonner et de
rendre intelligibles dans un premier temps les évolutions des SPIP avec
toutes les nuances et amendements qui s'imposent aux regards des connaissances
actuelles.
Nous analyserons ainsi quelles sont les expressions
concrètes pour les CPIP à l'échelle des services des
évolutions institutionnelles depuis 1999 (Chapitre 5).
Nous tenterons, avec cette première grille de lecture,
de confronter les représentations des CPIP sur ces évolutions et
de les articuler avec les souhaits de l'Administration Pénitentiaire et
leurs dimensions dialectique et rhétorique. L'autonomie du groupe
professionnel et son expertise seront ainsi analysées (Chapitre 6).
30 Il s'agit de l'exercice de l'activité à plein
temps, de la mise en place d'un cursus de formation universitaire de haut
niveau, d'une association professionnelle au niveau national,
d'une délégation du «sale boulot» à des
subordonnés, de l'existence d'un conflit
intergénérationnel au sein de la profession, entre les plus
âgés déjà installés, et les jeunes qui
cherchent à améliorer le statut collectif de l'occupation, de
l'établissement d'une concurrence entre la nouvelle profession et des
occupations voisines, et enfin de la recherche d'une protection légale
et de la mise en place d'un code de déontologie.
Chapitre 5 : Une organisation des services
profondément modifiée
La création des SPIP a provoqué une modification
profonde de l'organisation des CPAL et des services éducatifs en
détention. Ainsi, la création d'une hiérarchie (5-1) a
instauré une distance avec les magistrats et les acteurs de la
prévention de la récidive sur le département (5-2) et
favorisé le développement de l'écrit (5-3).
5-1 La création d'une hiérarchie dans les
SPIP
Les SPIP étaient placés sous l'autorité
hiérarchique d'un Directeur de SPIP, nommé DSPIP, et agissant
sous l'autorité hiérarchique du Directeur Interrégional
des Services Pénitentiaires avant la création des DFSPIP. Le
décret du 12 septembre 1972 avait créé les Chefs de
Service de Probation, leurs rôles consistant à «
coordonner et contrôler l'action des agents et adjoints de probation et,
s'il y a lieu, celle des délégués bénévoles
» [POUPONNOT, 2006, p11].
Une réforme statutaire d'envergure est portée
par le décret n°2005-448 du 6 mai 2005 relatif au statut d'emploi
de Directeur des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation. Il
crée le corps des Directeurs d'Insertion et de Probation, modifié
par les décrets n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 et
n°2007-653 du 30 avril 2007, portant statut particulier des Directeurs des
Services d'Insertion et de Probation. Ils sont placés sous
l'autorité des Directeurs de SPIP. Les Directeurs d'insertion et de
probation (DIP) assurent l'encadrement des SPIP. Ils peuvent se voir confier
des missions d'études, de coordination, de contrôle et de
conception à l'Administration Centrale, dans les Directions
Interrégionales des Services Pénitentiaires(DISP) et à
l'École Nationale d'Administration Pénitentiaire. Ils peuvent
exercer des fonctions de direction dans les centres pour peines
aménagées et les centres de semiliberté.
Ils peuvent être adjoints des directeurs de SPIP. A la
suite de la réforme statutaire de 2005 qui a créé le corps
des Directeurs d'Insertion et de Probation, la fonction d'encadrement des SPIP
s'est renforcée. En mai 2008, on comptait 84 DSPIP, 109 DIP et 136 Chefs
d'insertion et de probation pour 3500 agents, soit un taux d'encadrement de 9,4
agents par personnel de direction. [COUR DES COMPTES, 2010, p105]
Ce double niveau de hiérarchie depuis 2005 et la
partition des missions entre Directeurs et Chefs de service sont mal compris
par les CPIP dans leur grande majorité, quelque soit leur
ancienneté dans la fonction :
Pour certains, la méthode de recrutement
différencie les CSIP des DIP alors que pour d'autres, l'absence de
clarification des missions vient de la création récente de la
fonction de DIP :
F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté :
« Je vois pas à quoi ça sert, j'ai vraiment pas bien
compris, je comprends pas ; moi je trouve que c'était pas mal d'avoir un
directeur, une directrice et des chefs de service ; moi je comprends pas la
différence entre un DIP et un chef de service, voilà ; sauf, que
maintenant, il y a un examen, enfin, c'est un concours un peu plus,
voilà ; moi, qu'ils me clarifient les missions des DIP ; moi, quand il y
a un DIP et un chef de service, je vois pas bien la différence
».
F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté
: « Je trouve que c'est un peu flou, la différence entre les
chefs de service et les DIP, enfin, on a pas vraiment encore de recul ; j'ai
l'impression que ça commence à se mettre en place, j'ai
l'impression que, personne ne connaît ; j'ai l'impression que c'est pas
encore clairement défini et que personne ne fait clairement la
différence entre
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Aucune personne interrogée à ce sujet n'a
relevé connaître des différences marquées de
missions entre CSIP et DPIP. L'Administration, lors de la réforme
statutaire, a acté cette absence de clarification des missions en
portant à extinction le corps des CSIP. Ceux-ci n'ont pas pour autant
disparu suite à cette réforme et seront amenés à
intégrer le corps des DIP de manière progressive entre 2011 et
201531. Le corps des CSIP étant donc amené à
disparaître en 2015, cela clarifiera probablement l'organisation des
services.
5-2 Une perte de reconnaissance sur le terrain comme
acteurs de la prévention de la récidive
La création d'une hiérarchie avec deux niveaux
de responsabilité au sein des SPIP, couplée avec le
déménagement hors des TGI, a introduit une contrainte là
où les rapports étaient autrefois directs avec les acteurs de la
Politique de la Ville, les Juges de l'Application des Peines et les partenaires
du SPIP en milieu ouvert :
31 Décrets statutaires et indiciaires
publiés au Journal Officiel du 28 décembre 2010
H, 53 ans, CPIP, 27 ans d'ancienneté :
« Il y avait des injonctions paradoxales ; on me disait : « il
faut trouver des postes de travail d'intér~t général parce
qu'on en manque, mais vous n'avez pas le droit de discuter directement avec des
Adjoints au Maire des chefs de ceci cela », parce que là, ce sont
que des chefs qui rencontrent des chefs ; il y avait pas une pratique
libérale de cette administration mais, au contraire, une pratique,
comment dirais-je, administrative, bureaucratique. »
De fait, la volonté initiale de rapprocher le service
des partenaires par une sectorisation géographique a
été contrariée par cette hiérarchisation, selon les
CPIP ayant connu les CPAL :
H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté :
« Je l'ai vécu comme un appauvrissement du
métier, parce qu'avant, on faisait sans ; par exemple les JAP, s'ils
avaient une réunion où ils ne pouvaient pas aller, ils nous
disaient d'y aller, on était délégués du JAP, on se
retrouvait avec des élus et tout ça, et c'était
très intéressant. Aujourd'hui, c'est tout un aspect du travail
qu'on ne fait plus, que la hiérarchie s'est approprié, pour nous,
c'est un appauvrissement des tâches, et la hiérarchie ne souhaite
pas non plus qu'on rencontre les élus ; si tu travailles sur une ville,
le DIP, il va rencontrer le maire : tu vas pas avec lui, donc, c'est un vrai
appauvrissement, même les comités locaux de prévention de
la délinquance, on sait même pas ce qui s'y est dit. Parfois, on a
un compte rendu, mais pratiquement, on est privé de dessert. Donc, on
est écartés de toutes ces tâches qui étaient
très intéressantes et faisaient de nous des acteurs de la vie des
Communes très impliqués ; donc du coup, on est plus en retrait,
on est moins impliqués dans la vie d'une Commune ».
Cette coupure d'avec le terrain est plus vivement ressentie
par les personnels ayant connu un mode d'organisation précédent
l'arrivée de cette hiérarchie. Les arguments invoqués
couvrent autant l'organisation pratique et quotidienne du service qu'un
problème de reconnaissance d'ordre social :
F, 46 ans, Assistante sociale, 22 ans
d'ancienneté : « J'ai trouvé dommage qu'on soit
obligé de quitter le tribunal ; je pensais qu'on aurait maintenu les
contacts avec les magistrats, parce que ça facilitait vraiment le
travail d'être sur place, j'en parle avec nostalgie ; mais on a beaucoup
perdu, c'était vraiment autre chose ; pour moi, on travaillait dans de
meilleures conditions, c'est plus facile d'être sur place pour aller
chercher un jugement sur intérêt civil ; c'est quand même
avant la juridictionnalisation, on allait voir les juges, c'est sûr, ils
révoquaient moins, pour certains pas du tout ; on faisait pas les
rapports tout le temps,
On parlait des situations avec les gars, je me souviens
d'avoir accompagné des gars qui avait des problèmes avec les
droits de visite et d'hébergement avec leurs gamins qu'ils ne voyaient
pas au tribunal des affaires familiales, on connaissait les parquetiers, on
connaissait les greffiers, on était connus et identifiés alors
effectivement, à une époque, on était aussi taillable et
corvéables à merci ».
La reconnaissance sociale des CPIP, en tant qu'acteurs de la
lutte contre la délinquance au niveau départemental, est ainsi
obérée. C'est le SPIP en tant que service qui est
représenté par l'intermédiaire de l'échelon
hiérarchique sans que le contenu précis des missions des agents
au quotidien soit forcément connu par les partenaires. Cela est
potentiellement vecteur de tensions entre agents ayant connus les CPAL et les
CSIP ou les DPIP :
H, 53 ans, CPIP, 27 ans d'ancienneté
: « Ça faisait plutôt penser
à une organisation, une odeur de type soviétique, sans
connotation personnelle sur ; mais ce qu'on a reproché aux
systèmes centralisés, c'est-à-dire tout passe par la
hiérarchie mais, c'est tellement lourd, rien ne fonctionne, ça
manque de souplesse et tout ; et en mrme temps qu'on fait du management, on
fait le contraire du management, parce que le management c'est quand mrme,
avoir, mettre les subalternes sous son aile, en disant : « on fait partie
du même bateau » ; on donne l'illusion que, et pour faire illusion,
il faut bien donner quelques petits bouts d'os à ronger et donc on leur
donne des miettes de pouvoirs, des illusions d'autonomie et de maîtrise.
Pour nous, c'est un management centralisé, c'est-à-dire le
contraire du management parce que le management c'est quand mrme horizontal
»
Ainsi, la hiérarchie est perçue comme un outil
de contrôle de l'activité des SPIP et non pas comme un appui
technique auprès des partenaires.
C'est l'Administration Pénitentiaire qui viendrait
étendre son action au-delà des établissements
pénitentiaires jusqu'aux CPAL, autrefois sous l'autorité des
Juges d'Application des Peines :
F, 49 ans, Assistante sociale, 28 ans
d'ancienneté : « C'est que le fonctionnement du
service s'est hiérarchisé, organisé ; c'est la prise en
main par l'Administration pénitentiaire des comités de probation,
puisque comme, je te le disais à l'instant, l'Administration
pénitentiaire était éloignée de mon lieu de travail
; nous on travaillait dans un environnement judiciaire, on se voyait
très peu avec le milieu fermé ; historiquement, il y avait la
prison et le tribunal, 1999, c'était renforcer l'identité
administrative des services d'ailleurs ;
On a vu l'AP remettre la main sur ses personnels, en nous
demandant de quitter les tribunaux, ce qui a été un grand choc,
d'ailleurs, les magistrats s'y étaient opposés et on y a
probablement beaucoup perdu, parce que donc, on a vu se figer au fil des
années une hiérarchie, autant de corps qui nous ont
éloigné des tribunaux, qui nous ont privé du contact avec
les magistrats, et donc, évidemment on y a beaucoup perdu, parce qu'on a
vite compris que ces corps voulaient nous priver des contacts avec les
magistrats. »
La place de la hiérarchie dans les SPIP n'a donc pas
été complètement intégrée par les CPIP.
Cette difficulté de reconnaissance est déjà ancienne
« Enfin, il faut relever la faiblesse de la fonction d'encadrement au
sein des SPIP : Au-delà du problème des effectifs, la
difficulté tient à l'absence de perspective réelle
d'évolution pour ceux des travailleurs sociaux qui ont accepté de
devenir directeur départemental ou adjoint. La faible
attractivité du statut des chefs de services d'insertion et de probation
(CSIP) au regard des responsabilités qui leur incombent a
été à l'origine d'importantes difficultés de
recrutement » [COUR DES COMPTES, 2006, p 96].
Des difficulté similaires sont rencontrées au
sein de la Protection Judiciaire de la Jeunesse pour des raisons
différentes : « nous soulignerons que ce sont la
rationalisation de l'Action Publique et la montée des politiques de
répression de la délinquance qui font de la fonction de direction
le point de cristallisation des tensions internes à la PJJ
[DUGUÉ, MALOCHET in LE BIANIC, VION, 2008, p51].
Le caractère récent de la création des
DPIP ne permet pas encore d'effectuer un lien certain entre les
difficultés rencontrées par les DPIP et celles rencontrées
par les Directeurs PJJ et mériteraient d'être analysées en
propre dans une étude ultérieure concernant les fonctions
d'encadrement dans les services du Ministère de la Justice.
5-3 Le déménagement hors des SPIP et le
développement de l'écrit
A partir de 2001, les SPIP ont quitté les Tribunaux de
Grande Instance pour intégrer leurs locaux propres. Les relations
autrefois hiérarchiques entre les agents et les JAP sont, de fait,
médiatisées par les DIP ou les CSIP, qui valident les rapports
des CPIP, et par l'utilisation du logiciel APPI32.
Le travail au quotidien des CPIP se trouve profondément
modifié par un développement constant de l'écrit
professionnel aux dépends de relations personnalisées avec les
magistrats.
F, 54 ans, CPIP, 14 ans d'ancienneté :
« On fait plus d'écrits qu'avant ; on allait voir les JAP et
ça se réglait sans rapports et maintenant, quand on leur
téléphone, et c'est difficile de leur parler, ils nous prennent
parfois pour des larbins ».
L'éloignement géographique d'avec les Juges
d'Application des Peines et l'utilisation d'APPI rend nécessaire
l'utilisation de l'écrit pour transmettre les informations concernant
les personnes placées sous main de justice :
F, 49 ans, Assistante sociale, 28 ans
d'ancienneté : (( C'est clair que
la hiérarchie des SPIP ne souhaite pas qu'il y ait des relations
privilégiées entre les CIP et les magistrat ; comme on les voit
plus, comme on échange plus de vive voix, il faut écrire,
compenser, ils veulent légitimement savoir ce qu'il se passe et il faut
nourrir la machine de rapports semestriels ».
Cette évolution conduit les CIP à écrire
pour des demandes autrefois gérées oralement avec les juges
d'Application des Peines.
Ce rapport permanent avec l'écrit semble peser plus
fortement sur les personnes ayant connu les CPAL que sur les promotions de CPIP
ayant suivi la réforme des SPIP en 1999.
32 Le logiciel APPI (Application des
Peines-Probations-Insertion) est un outil informatique commun au service de
l'application des peines et au service pénitentiaire
d'insertion et de probation, qui permet la gestion des mesures dont ils ont la
charge. Son utilisation donne accès à une information sur la mise
à exécution des sanctions prononcées. Circulaire relative
aux aménagements de peine et aux alternatives à
l'incarcération CRIM 2006-09 E3/27-04-2006 NOR : JUSD0630051C
Alternative à l'incarcération Aménagement de peine
Application des peines Exécution des peines Loi n° 2004-204 du 9
mars 2004 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 Décret
n° 2004-1364 du 13 décembre 2004.
F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans
d'ancienneté : « Je pense que l'écrit
effectivement ça s'est développé parce qu'on s'est
éloigné des magistrats, et là où on pouvait
communiquer finalement simplement en étant dans le même couloir en
passant la porte des magistrats qui étaient très accessibles
l'éloignement nous à obligé à écrire,
à communiquer, moi, je pense que c'est ça qui a changé la
donne, on avait un seul dossier, et le juge pouvait aller à tout moment
le consulter, aujourd'hui il y a deux dossiers et il faut alimenter celui des
juges par des écrits ».
F 46 ans, Assistante de service social, 22 ans
d'expérience : « Dans la pratique, ça a mis le
rendu compte, le fait de devoir rendre des comptes, partout : écrire
l'éloignement des tribunaux, les différentes instances, les
débats contradictoires, les remises de peines supplémentaires,
les commission d'application des peines ; on est arrivé à un
travail beaucoup plus administratif ; ça nous a obligé, oui,
ça a modifié la pratique, ça l'a rendue beaucoup plus
administrative, en fait. »
F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans
d'ancienneté : « Il n'y avait pas de rapports
semestriels, le juge demandait un rapport s'il était conformé que
la personne passait à l'audience ; on avait besoin d'étayer si on
avait besoin de demander une autorisation de déplacement, si on devait
dire que la personne ne s'inquiète pas du tout de son obligation de
dédommager et on trouvait qu'elle y mettait toute la mauvaise
volonté du monde ; il fallait faire un rapport, on donnait les
justificatifs au juge et on parlait de la situation. »
La dimension cognitive de ce passage de la culture de l'oral
à l'écrit est très renseignée dans d'autres
études sur les évolutions de l'action sociale. [CHAUVIERE, 2004]
[ION, 2006]. Il existe de fait une dimension de contrôle de
l'activité de l'agent dans l'émission de ces rapports mais
également une acculturation progressive à l'usage de l'outil
informatique, acculturation effectuée chez les CPIP arrivés
après 2004 et la juridictionnalisation de l'Application des Peines.
H 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté :
« Il y a un aspect positif, pratique, il y a une
transmission rapide d'information mais la machine est gourmande, il faut
l'alimenter ; tout ça, ça prend beaucoup de temps. On est aussi
affichés, potentiellement mis au pilori, c'est le côté un
peu pervers d'APPI ; le problème majeur, c'est la lourdeur des
écrits, effectivement si on répond de manière très
rigoureuse à la commande institutionnelle, si on rédige les
rapports semestriels, les rapports de ci, de ça,
on est transformé en opérateur de saisie et
on voit des collègues qui, finalement, essaient de répondre
à cette commande pour ne pas être en défaut et qui oublient
finalement de rencontrer les personnes ; certes les cases sont remplies mais
les informations que l'on y trouve sont superficielles ».
Ainsi, la réponse aux attentes institutionnelles semble
isoler le CPIP dans une logique de justification de son activité par
l'écrit, sans reconnaissance extérieure de son action.
La multiplication des rapports et des comptes rendus peut
devenir toutefois tellement importante qu'elle justifie en elle-même
l'activité des CPIP au quotidien.
H, 31 ans, UGSP-CGT, 4 ans
d'ancienneté : « Il faut améliorer la
lisibilité, la transparence de notre activité ; il faut pouvoir
justifier notre activité, et ces arguments à consonance positives
servent à justifier un travail de plus en plus contraignant, oft on a de
moins en moins d'autonomie, oft on est submergé par la paperasserie et
oft justifier de ton activité professionnelle prend une part de ton
travail non négligeable. »
Cela tendrait à infléchir leur intervention vers
« un travail de plus en plus formaté par le
développement d'outils informatiques Ils (les agents) doivent respecter,
sous peine d'rtre sanctionnés, les encodages prévus par la base
de données qu'ils sont censés alimenter » [SLINGENEYER,
2007, p 15].
Ainsi, la création d'une hiérarchie semble
éloigner les CPIP des contacts institutionnels sur le département
et substitue, au contact direct avec les magistrats, la rédaction de
rapports écrits de plus en plus nombreux. Le double échelon
hiérarchique CSIP/DIP, appelé à disparaître en 2015,
n'a jamais été reconnu par les CPIP comme pertinent surtout par
les personnels ayant le plus d'ancienneté au sein de l'Administration
Pénitentiaire.
Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces
évolutions porté par l'Administration Pénitentiaire
Une évolution aussi rapide des finalités des
missions des CPIP a nécessairement due être explicitée,
présentée aux acteurs, et mérite d'être mise en
regard avec le discours institutionnel accompagnant ces changements
profonds.
Nous monterons ici que l'Administration Pénitentiaire a
ainsi développé une argumentation reposant sur les notions
d'autonomie fonctionnelle (6-1) et d'expertise (6-2), actée par une
revalorisation indiciaire survenue fin 2010 (6-3).
6-1 L'autonomie
Les Comités de Probation et d'Assistance aux
Libérés (CPAL) étaient, avant 2001, installés au
sein des Tribunaux de Grande Instance de chaque juridiction. Les
déménagements des SPIP dans leurs locaux propres ont
marqué l'apparition d'une hiérarchie autrefois constituée
par les JAP en milieu ouvert et par les chefs d'établissement en milieu
fermé.
Le rapprochement territorial d'avec les acteurs du droit
commun en matière d'insertion est alors souhaité :
F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté
: « L'idée, c'est de dire que le travail des SPIP se
situe en total lien avec les politiques publiques de droit commun et donc sur
un ancrage territorial, le département qui correspond à une
identité administrative, donc l'existence et la création d'un
partenariat avec les différents acteurs. L'idée, c'est que le
service est le même dedans dehors ; enfin, l'idée qui a
été portée à ce moment là, parce que c'est
pas exactement la cas ; mais l'idée c'est que les missions des SPIP,
pour le SNEPAP ne sont pas fondamentalement différentes, qu'on soit en
milieu ouvert ou en milieu fermé ; l'idée, c'est d'assurer une
continuité d'action parce que le boulot du SPIP est quand même
principalement orienté vers l'extérieur; le travail que se passe
à l'intérieur n'est pas un boulot de gestion de la
détention, le SPIP doit être totalement tourné vers
l'extérieur et notamment que le partenariat développé en
milieu ouvert doit être le même que celui développé
en milieu fermé ; les problématiques sont les mêmes et
l'objectif est bien de préparer la sortie des personnes, donc
d'être dans une logique un peu similaire et un peu identique
».
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Après, c'est pas une création ex nihilo, puisque
existaient les CPAL depuis 1958, les comités d'assistance et d'aide aux
libérés, la création en 1999 est dans la continuité
de ces comités, même s'il y a des différences de taille,
puisque le SPIP est sorti du giron, pas du Ministère de la Justice mais
en tout cas de l'autorité judiciaire ; je pense que c'est une
extrêmement bonne chose qu'un service pénitentiaire soit
créé et qu'il ne soit plus sous l'autorité des magistrats
parce que ça permet de pas avoir un seul commanditaire, pas un seul juge
et parti ; voilà, comme dans un jugement dans un tribunal, et qu'on se
retrouve avec, il y un magistrat instructeur qui est en charge, par exemple
d'un
amenagement de peine, et c'est pas lui qui va être
decideur du debut jusqu'à la fin de la proposition, à
l'acceptation de la direction dans laquelle aller. Le SPIP, de ce fait
là; est autonome, autant que faire se peut, en tout cas le fait de le
creer et qu'il ne soit plus sous l'hegemonie du pouvoir judiciaire ; je trouve
que, voilà, ça offre un contre pouvoir et une proposition et une
richesse qui me semble importantes».
Il semble donc que l'autonomie des SPIP vis-à-vis des
magistrats et des chefs d'établissement soit reconnue par les CPIP ayant
une expérience plus récente. Cette notion d'autonomie, comme
indice de professionnalisation, reste cependant à relativiser.
En effet, selon Catherine PARADEISE, «l'autonomie
n'est ni nécessaire, ni specifique aux professions etablies : il faut
toujours une loi, un jugement pour construire la delegation de puissance
publique qui fonde l'autonomie professionnelle» [LE BIANIC, VION,
2008, p289]. Ainsi FREIDSON, analysant plus particulièrement les
relations entre l'État et les professions, sur la base de ses propres
recherches sur les médecins, conçoit que cette autonomie ne va
pas de soi : elle est en quelque sorte « concédée » par
l'État qui délègue à une profession le monopole de
la définition légitime d'un secteur de la vie sociale.
Le professionnalisme ne peut donc exister que s'il est
adossé à un système sociopolitique plus large qui lui
permet de s'épanouir. Une profession, bien qu'autonome sur le plan de
ses actes techniques, ne l'est pas dans la définition de ses
orientations socio-économiques : «Alors que les professions,
contrairement à d'autres activités, contrôlent leur propre
travail et peuvent donc être considerees autonomes dans la division du
travail et dans leurs marches, du travail, elles dépendent du pouvoir
coercitif de l'État qui soutient cette autonomie. Elles sont autonomes
dans leur propre domaine economique mais pas dans la societe dans son ensemble
car elles dépendent de l'État qui leur délègue du
pouvoir » [FREIDSON, 2001, p133].
De fait, les SPIP dépendent des politiques
pénales et des décisions des magistrats pour mettre en oeuvre les
mesures de justice et gérer les flux de mesures prises en charge. Cette
rhétorique de l'autonomie fonctionnelle trouve là une limite
importante, même si elle trouve un écho chez une majorité
de « jeunes » CPIP interrogés :
F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté :
« J'ai eu une courte expérience des SPIP au TGI, quand
j'étais élève et stagiaire dans le Val d'Oise et mon
premier poste, c'était à Meaux ; c'est pareil, on est
resté un certain temps, les locaux étaient exigus et puis, on est
parti, et c'était très bien comme ça, c'était
beaucoup mieux ; parce qu'avoir le juge en permanence, là, au bout du
couloir, alors, il y avait une proximité : c'est vrai, on pouvait le
voir si on avait un souci, tout ça mais c'est vrai que c'était
pas gérable, on comprenait rien : la salle d'attente c'était la
même pour le juge que pour le SPIP, c'était le même couloir,
on avait les bureaux à côté, le secrétariat du SPIP
et le secrétariat du JAP se partageaient le même, c'est vrai que
c'était vraiment beaucoup plus rapide, mais bon, moi, je
préfère qu'il y ait une séparation physique parce que j'ai
l'impression que les juges n'avaient pas lâché l'affaire, quelque
part, le truc d'être nos supérieurs hiérarchiques, et
ça, j'aimais pas du tout ».
F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans
d'ancienneté : « L'idée, c'est
que le service est une entité autonome, bien évidemment en lien
avec les autres et notamment en lien avec le judiciaire ; ça, c'est
complètement évident, mais il doit définir sa façon
de faire de manière propre, sa compétence de manière
propre, son identité de manière propre et non pas sur
autorisation ou sur instruction, ou sur directive d'une instance autre qui est
le magistrat. »
Il s'agit, là, d'un deuxième clivage
générationnel entre les CPIP qui perçoivent la
création des SPIP comme garants de l'indépendance des CPIP
vis-à-vis des magistrats, et ceux percevant la hiérarchie comme
une entrave à leur autonomie dans les contacts avec les partenaires,
notamment.
6-2 L'expertise
Comme nous l'avons vu précédemment, selon les
auteurs fonctionnalistes, la référence à « un
savoir spécialisé et appliqué, acquis au terme d'une
longue formation supérieure » [LE BIANIC, 2005, p57] est le
coeur de tout processus de professionnalisation. Ce savoir semble être
appuyé sur un corpus théorique, la criminologie, selon
l'Administration Pénitentiaire.
Mais la criminologie fait débat en France au-delà
de l'Administration Pénitentiaire.
H, 55 ans, AFC : « C'est une
façon de dire, pour moi, que cette question de la criminologie n'est pas
une question purement d'actualité ; vous avez un fond de débat,
de discussion, de conflits de toutes sortes de choses autour de cet objet
criminologique en France, sachant que ça ne se passe pas du tout du tout
de la même manière pour toutes sortes de raison ailleurs
passé les frontières, c'est plus du tout le meme problème
».
Ce qui constitue une forme de nouveauté, c'est
l'apparition, dans l'actualité, de la notion de dangerosité,
exploitée médiatiquement depuis 2002 :
H, 55 ans, AFC : « L'introduction
dans les débats, dans la question pénale de la dangerosité
; alors qui dit dangerosité dit nécessité effectivement de
la diagnostiquer, de la définir, d'essayer d'imaginer des traitements
pour s'en protéger etc. etc., et là, apparaît cette figure
qui n'existe pas en France, du criminologue, hein ; le criminologue va etre
l'homme de la situation, c'est à dire le spécialiste de la
dangerosité : c'est comme ça que, quasiment, vous
prenez le rapport du premier président de la cour de
cassation,
Monsieur Lamanda. Assez rapidement, vous vous rendez
compte que pour lui, criminologie, quasiment, d'abord, ça se
réduit à la psycho criminologie ; en gros, Lamanda, si je
caricature un peu, c'est cette équation : criminologie=psycho,
criminologie=question de la dangerosité ».
La résistance principale à l'émergence de
la criminologie provient de la difficulté rencontrée par la
communauté scientifique française à dépasser les
clivages entre disciplines scientifiques, pour analyser des
phénomènes complexes comme le phénomène
criminel.
Les principales critiques insistent sur le caractère
artificiel de la pluridisciplinarité, affichée dans les exemples
belges ou canadiens d'écoles de criminologie : « Ce n'est pas
parce qu'ils sont des chercheurs en criminologie qu'ils peuvent former des
« criminologues » mais le contraire : c'est parce qu'ils doivent
former des personnes qui auront le titre professionnel de
« criminologues » qu'ils sont amenés
à cohabiter vaille que vaille sous le label de la
« criminologie », malgré leurs
irréductibles oppositions paradigmatiques. Sitôt l'enjeu de la
formation professionnelle disparu, la plupart des « criminologues »
québécois redeviennent des psychologues, des sociologues, des
juristes, des historiens, etc. » [MUCCHIELLI, 2010].
De fait, cette notion de pluridisciplinarité est au
coeur de l'approche criminologique défendue par l'Administration
Pénitentiaire :
H, 55 ans, AFC : « La criminologie,
c'est souvent, on définit ça comme ça, comme une sorte de
lieu de confluence d'un certain nombre de disciplines qui, par elles memes,
sont constituées, bon alors, pour simplifier les choses, on peut
considérer, j'avais donné l'image du tétraèdre,
c'est-à-dire que la criminologie se définit avant tout comme un
champ ; c'est-à-dire que la criminologie va etre l'ensemble, peut etre
définie comme l'ensemble des démarches scientifiques permettant
d'étudier le phénomène criminel ».
Pour autant, la référence au caractère
« scientifique » de l'approche criminologique peut-être un
vecteur de professionnalisation, selon certains acteurs, comme rempart contre
l'arbitraire des décisions politiques :
F, 29 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté
: « Donc, je pense vraiment à l'inverse que la crim inologie,
la discipline, sérieuse et universitaire, avec des vrais gens, des
chercheurs qui sont payés à ça,... qui ont les
compétences pour faire ça, c'est le seul moyen de se
protéger en disant : mais votre truc, là, votre idée de
créer encore une infraction pour les bandes de jeunes, ça va se
retourner contre vous, ça va avoir exactement l'effet inverse, vous
faîtes des conneries. Vous faîtes des conneries parce qu'un
criminologue, euh, moi je pense c'est la seule qui puisse tenir, quoi, et qui
puisse, étant donné qu'elle est censé etre objective, dire
à n'importe quel gouvernement : Ce que vous faîtes, là,
c'est de la merde, là, précisément, ce que vous vous
voulez sortir comme loi, c'est de la merde, ça va se retourner, à
l'inverse de ce que vous voulez ; ça n'a pas de sens, voire ça
devient dangereux ».
La formation en criminologie doit venir appuyer, en formation
continue, une pratique de terrain.
H, 55 ans, AFC : « En formation
initiale, ce qui me paraît tellement important, c'est d'avoir une base
solide dans une discipline de référence et puis d'apprendre un
métier, les premiers éléments d'un métier, bon,
alors que la criminologie, effectivement, comme a priori elle doit s'appuyer
sur plusieurs disciplines et une pratique, elle s'adresse plus à
quelqu'un qui est déjà intégré à un terrain,
etc. ; donc, pour moi, c'est l'approche de trois coeurs de discipline avec des
spécialistes de chacune de ces disciplines qui sont ouverts aux autres
et combiné avec, à la fois, une approche de type universitaire
qui s'appuie aussi sur des enseignements
qui sont donnés par des praticiens, par des CIP, par
des juges de l'application des peines expérimentés, par des
magistrats, etc... Pour moi une formation à la criminologie, c'est
ça ».
L'expertise souhaitée par l'Administration est
initiée, en formation continue, après une formation initiale
assurée par l'ENAP. Or, l'enseignement en criminologie, en formation
initiale, est assuré seulement depuis 2004 et la huitième
promotion de CIP :
« Cette nouvelle définition des missions
implique que les conseillers doivent s'appuyer sur « leurs connaissances
en criminologie ». Or, en 2008, la plupart d'entre eux découvrent
qu'ils possèdent de telles compétences. En 2003 encore, la
formation initiale de la 8e promotion de conseillers d'insertion et
de probation à l'École nationale d'administration
pénitentiaire (ÉNAP) ne prévoit pas de cours de
criminologie » .Il faut attendre le décret du 6 mai 2005 pour que
la prévention de la récidive apparaisse dans les finalités
de la formation de la 12e promotion (2007-2009). Cela signifie que
lorsque ce décret évoque les « connaissances en criminologie
» des conseillers, une telle formation n'existe pas encore.
Il convient donc de se demander de quelles connaissances
et de quelles compétences criminologiques il est aujourd'hui question
dans les métiers de la probation. » [RAZAC, 2011].
Cette école inclut en formation initiale des
enseignements concernant les PPR seulement depuis 2009. Cela peut expliquer la
forte défiance de tous les CPIP interrogés, par rapport à
cette approche criminologique en termes d'identité professionnelle qui
sera analysée infra. La criminologie est perçue par une seule
personne interrogée comme une protection contre l'abandon des missions
sociales des CIP et, à terme, l'externalisation totale des missions
d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire.
F, 29 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté
: « Moi, je suis convaincue que la criminologie est un
de seuls moyens qu'on aura de sauver notre métier, c'est-à-dire
que c'est à travers, enfin la criminologie, ça a l'avantage
d'être une discipline, c'est-à-dire, en soit, elle est neutre
».
Le caractère objectif de ce nouveau champ de
compétence est envisagé comme une garantie contre l'arbitraire
émanant du politique notamment, et de l'utilisation à des fins
idéologiques de l'outil criminologique : de même, la criminologie
n'est pas perçue comme dangereuse, c'est seulement le politique qui peut
en faire une utilisation pernicieuse ou dévoyée :
F, 29 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté
: « La criminologie, ça permet donc de rendre neutre
certains constats, certaines études, au mieux d'objectiver des
données pour qu'elles soient détachées de la question du
politique et qu'on puisse prendre des décisions qui soient, non pas dans
un sens ou dans un autre politiquement, mais qui soient dans le bon sens pour
améliorer les choses et les questions qu'on se pose.
Et je pense que s'il y avait des criminologues et des
experts criminologues sans lesquels on pourrait pas faire passer nos projets de
lois, y aurait tout un tas de trucs qui ne seraient jamais passés. Je
pense que la criminologie sera une des solutions pour protéger notre
métier et faire que ça ne penche pas trop du mauvais
côté et qu'on soit pas, et qu'on devienne pas des
espèces de pseudos flics surveillants ».
Le caractère récent de cette
référence institutionnelle à la criminologie (mention
d'expertise en criminologie dans le décret du 6 mai 2005,
développement des PPR en formation initiale depuis 2009) sur fond de
volonté politique de développer l'enseignement en
criminologie33, (création d'une chaire de criminologie au
CNAM 34), n'a pas de relais constitués dans la
communauté scientifique qui puisse permettre aux SPIP de
développer à ce jour un discours expert inscrit dans un savoir en
lien avec l'Université.35
La dimension rhétorique du discours de l'Administration
Pénitentiaire trouve là une forte limite pour les agents
interrogés dans notre enquête qui n'ont pas intégré
ses arguments, à l'exception d'une seule personne.
33 Proposition 23 du Rapport LAMANDA consultable au
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000332/0000.pdf
34 La création d'une chaire de Criminologie au
CNAM attribuée à Alain Bauer en janvier 2009,
consultant en sécurité, entres autres titres,
suscite inquiétude et critiques dans le milieu de la recherche et au
CNAM même. Une pétition contre cette nomination circule sur
internet consultable au
http://sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2317
35 «
Développer la « criminologie » à
l'université ?*] Quant à l'idée de développer dans
les Universités une nouvelle
discipline qui s'appellerait « criminologie », qu'en
penser ? La criminologie s'est développée comme discipline
universitaire dans un certain nombre de pays mais selon des modalités
très différentes. Aux Etats-Unis, il s'agit de
départements de sciences sociales. Comme le disait un
célèbre sociologue du crime, la sociologie est ma discipline et
la criminologie mon champ d'étude. En Europe, au contraire, il s'agit
généralement de sections de facultés de droit. Encore
faut-il distinguer les pays de Common Law où les écoles de droit
ont une conception du droit assez faiblement normative pour accueillir des
secteurs de recherche empirique et les pays romano-germaniques où la
tradition de droit légiféré durcit la conception normative
du droit et rend toujours difficile la coexistence avec des recherches
empiriques. Il faudrait encore distinguer les pays (comme l'Allemagne, l'Italie
ou l'Espagne) où le pénal constitue un secteur important et
autonome du droit public de ceux comme la France où il est réduit
à une portion congrue du droit privé. En France, le
développement de l'enseignement universitaire de la criminologie s'est
borné pour l'essentiel à des instituts de criminologie des
facultés de droit, dispensant le plus souvent un enseignement marginal
par rapport aux diplômes réguliers. » Extrait de la
pétition consultable au
http://www.mouvements.info/Pas-de-nouvelle-criminologie-au.html
Ce constat n'a aucune prétention statistique et est propre
à notre terrain d'enquête. Il mériterait d'être
confirmé ou infirmé à une échelle beaucoup plus
large.
6-3 La revalorisation indiciaire, une stratégie
de distinction avec les assistant(e)s de service social?
La circulaire de mai 2008 confirme que le métier de
CIP, fondé sur la prévention de la récidive, s'exercera
désormais dans le champ pénal et criminologique. Les 300
assistant(e)s de service social de la filière insertion et probation
pourront alors choisir d'intégrer le corps des CIP ou de rester dans le
champ du travail social. L'abandon du terme - travailleur social - dans les
missions des CPIP et des références à l'insertion des
personnes placées sous main de justice, a été l'enjeu
principal de cette revalorisation indiciaire comme vu
précédemment.
Les actuels assistant(e)s de service social (ASS),
présents dans les SPIP, occupent les mêmes fonctions que les CIP.
Pour autant, leur statut particulier et leur rémunération
diffèrent. Ainsi, ne sont-ils pas soumis au statut spécial. De
même, leur régime indemnitaire spécifique entraîne,
à échelon égal, une rémunération
supérieure à celle d'un CIP.
A l'inverse, ces montants indemnitaires ne sont pas
intégrés dans le calcul des droits à la retraite,
contrairement à l'indemnité de sujétion spéciale
pour les CIP. « En ce qui concerne plus particulièrement les
assistants sociaux qui, aujourd'hui, exercent les mrmes missions que les CIP,
deux options leur seront offertes :
- soit ils préfèrent rester dans le champ
du travail social et, dans ce cas, les agents restent sur leur statut
d'assistant de service social. Les ASS détachés dans le
corps des CIP, choisissant cette option, devront mettre fin à leur
détachement, au plus tard le jour précédant
l'entrée en vigueur du statut du nouveau corps
- soit ils souhaitent s'orienter vers le travail
d'insertion orienté sur le champ du pénal et de la criminologie
et dans ce cas, ils optent pour l'intégration dans le nouveau
corps.
Cette intégration nécessite, au
préalable, un détachement dans le corps des CIP, qui
s'éteindra à l'issue de l'intégration des personnels dans
le nouveau corps, soit le 31.12.2013. » 36.
36
Protocole du 9 juillet 2009 -- p. 4) La situation des
conseillers techniques de service social (CTSS) fera l'objet d'un
traitement spécifique. » (Mémo SPIP
n°13)
Ces orientations de l'Administration Centrale
inquiétaient déjà les travailleurs sociaux de
l'Administration Pénitentiaire en 2004/2005 : «
L'insécurité tient encore à la confrontation à
l'énigmatique projet institutionnel : l'incohérence
perçue des réformes, des décisions (exemple : favoriser
l'absorption du corps des assistantes sociales dans celui ces CIP et,
parallèlement, recruter un nombre important d'assistantes sociales,
modifier le profil des reçus aux concours - essentiellement des «
juristes » - sans que ce changement soit présenté comme le
fruit d'une décision et soit expliqué par une redéfinition
des missions» [LHUILIER, 2006, p77]. Cette séparation d'avec
les assistants de service social est confirmée par les projets de
l'Administration Pénitentiaire concernant la pluridisciplinarité
au sein des SPIP. 37
Cette stratégie de distinction, de
différenciation des CPIP d'avec les assistantes de services sociales,
marque possiblement la fin de l'idéal réhabilitatif des missions
des CPIP, anciennement travailleurs sociaux dans la circulaire de 2000. Une
analogie existe, selon nous, avec la volonté qu'ont eu les
infirmières aux États-Unis de déléguer certaines
tâches jugées peu gratifiantes aux aide soignantes [HUGHES, 1952].
Lorsqu'une profession était amenée à
déléguer des tches, c'était souvent des tches que celle-ci
jugeait accessoires.
Par « dirty work », Hughes entend les tches qui se
situent en bas de l'échelle des valeurs sociales parmi toutes les
tâches à accomplir dans un métier donné, qui sont
jugées serviles, fastidieuses voire dégradantes et ne procurent
aucun prestige social, exposant ceux qui les réalisent au mépris
des autres. Aussi se pose la question de la volonté de l'Administration
de délégation du sale boulot (ou « dirty work ») d'aide
à l'insertion sociale des personnes placées sous main de justice
aux assistantes de service social dans cette terminologie spécifique.
Ainsi, la notion d'autonomie fonctionnelle des SPIP rencontre
une adhésion chez les CPIP ayant intégré l'Administration
Pénitentiaire il y a moins de dix ans. Cependant, le rapport au statut
d'expert en criminologie reste entièrement à construire et ne
repose actuellement que sur des bases rhétoriques et argumentatives, ne
rencontrant pas ou peu d'adhésion dans notre échantillon. La
scission et la distinction entre Assistant(e)s de Service Social et CPIP au
sein des SPIP est souhaitée par l'Administration Pénitentiaire et
une partie des personnes interrogées dans une volonté de «
clarification » des missions des CPIP.
37 Voir Annexe 7 p 184
Conclusion de la deuxième partie
Ainsi, l'écrit s'est fortement développé
depuis 1999 avec l'utilisation du logiciel APPI. Nombre de propos indiquent que
le métier de CPIP s'est considérablement bureaucratisé du
fait d'une perte de reconnaissance comme acteur de la prévention de la
récidive, en lien avec les partenaires sur un secteur d'une part, et de
l'éloignement d'avec les Juges d'Application des Peines, d'autre part.
Ces professionnalités auraient été « captées
» par une hiérarchie encore en quête de
légitimité. Dans le même temps, le discours institutionnel,
tenu par l'Administration Pénitentiaire s'appuie sur les notions
d'expertise, d'autonomie fonctionnelle des services et sur une revalorisation
indiciaire. On observe un premier clivage générationnel sur la
pérennité de la hiérarchie et l'utilisation de
l'informatique, notamment.
Il nous semble, à présent, nécessaire de
compléter cette première approche qui nous renseigne plus sur une
volonté de professionnalisation des CPIP par l'Administration que sur
l'effectivité de celle-ci dans les pratiques des CPIP au quotidien.
Quels sont les actes posés et les savoirs utilisés au quotidien
par ce groupe professionnel qui les distingueraient des activités «
occupationnelles » d'autres groupes professionnels ? En quoi le fait de
conserver une clinique, issue du social, remettrait en question un savoir
spécialisé, spécifique propre au CPIP ? Quels sont les
processus à l'oeuvre sur le terrain dans l'exercice des mesures
plébiscitées par l'Administration Pénitentiaire et quels
types de savoirs sont mobilisés par les CPIP pour les mettre en oeuvre
?
Troisième partie : Des pratiques
professionnelles en mutation
Introduction de la troisième partie
Une approche monographique de la mise en oeuvre du placement
sous surveillance électronique et des programmes de prévention de
la récidive par les CPIP viendra ici appuyer et compléter
l'analyse précédente des évolutions structurelles des SPIP
et leurs conséquences sur l'activité quotidienne des CPIP.
En effet, le constat, décrit
précédemment, d'une bureaucratisation de la pratique des CPIP ne
renseigne pas sur la nature des savoirs mobilisés et les actes
professionnels posés par ceux-ci au quotidien. Nous concentrerons en
conséquence notre propos sur la pratique professionnelle des CPIP,
notamment sur l'articulation entre savoirs mobilisés et monopole des
CPIP sur ses pratiques.
En réaction à l'approche fonctionnaliste, la
sociologie interactionniste des professions avait ainsi montré le
caractère construit et constamment négocié des savoirs
mobilisés par les groupes professionnels. Un apport majeur de ce courant
a été d'ouvrir la voie à une étude des professions
«plus respectueuse de la diversité des pratiques»
[DEMAZIERE, GADEA, 2009, p153]. Les auteurs néo wéberiens de la
sociologie interactionniste des professions se montrent ainsi essentiellement
intéressés par la mise en évidence d'un «
idéal-type » des professions dont les deux
éléments-clés seraient la maîtrise d'un savoir
ésotérique acquis au terme d'une longue formation et l'autonomie,
c'est-à-dire la capacité du groupe à définir
lui-même les conditions d'exercice et de contrôle de son
travail.
Nous inscrirons notre propos dans cette approche en tentant
d'identifier les savoirs et pratiques mis en oeuvre dans l'exercice de ces
mesures pouvant s'intégrer dans un processus de professionnalisation.
Nous montrerons que l'autonomie de décision des CPIP est partiellement
préservée, tant dans la pratique des PPR que dans celle du
placement sous surveillance électronique avec des situations de monopole
d'exercice de ces mesures différentes (Chapitre 7). Une clinique
particulière émerge malgré la disparition de certaines
professionnalités (Chapitre 8).
Chapitre 7 : Savoirs d'action et autonomie
professionnelle
L'instruction du placement sous surveillance
électronique n'est pas spécifiquement enseignée en
formation initiale. Aussi les CPIP se sont constitués une pratique par
l'expérience (7-1). Cette méthode d'apprentissage a
également été importante dans la mise en oeuvre des
programmes de prévention de la récidive avec le soutien de
professionnels extérieurs (7-2).
7-1 Des savoirs d'action pour le PSE
Il existe, depuis 2005, une réelle expérience
des CPIP par rapport aux conditions d'exécution de cette mesure issue de
savoirs de nature empiriques pour la plupart. En effet, il n'existe pas de
formation spécifique à la pratique du placement sous surveillance
électronique en formation initiale pour les CPIP :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Je fais appel à l'expérience au niveau de la vie de la
personne ; je vois déjà s'il y a quand même une certaine
routine sachant qu'au delà de 6 mois, ça devient quand même
extrêmement compliqué, je regarde si la peine est longue
».
F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté :
« Je sais pas, j'ai pas été formée aux
aménagements de peine, en tout cas, à l'ENAP, rien ; je fais
appel un peu à des connaissances juridiques, voilà, je regarde,
j'essaie d'avoir une maîtrise sur la situation de la personne, je sais
pas comment t'expliquer, quelque part te dire, celui ci, pas sentir parce que
c'est pas euh, il tiendra le coup ; c'est quand je fais le point, je fais
l'entretien et puis je me dit : tiens celui ci, il a le profil pour un PSE,
pourquoi pas, je sais pas, à quelles connaissances, les connaissances
juridiques ; ça, c'est certain, je fais appel à des connaissance
juridiques, après, est-ce qu'on fait appel à des connaissances,
ce qu'on appelle sociologiques, je sais pas, je sais pas comment t'expliquer,
on a aussi, on se dit, cette personnalité, voilà ! Peut
être le PSE, ça semble plus adapté, c'est mieux,
peut-être des connaissances psychologiques. Et puis il y a de l'ordre du
ressenti et puis y en a qui sont clairs dans leurs discours, hein,
voilà, c'est des peines qui datent de longtemps : ils ont un travail,
une famille, ils font leur PSE tranquillement et on n'entend plus parler d'eux
et généralement, on n'entends plus parler d'eux quoi
».
Cette connaissance objective des conditions à remplir
pour que la mesure se déroule correctement s'appuie plus sur
l'expérience de chaque CPIP que sur des enseignements
spécifiques. La pratique du placement sous surveillance
électronique nécessite une analyse spécifique de la
situation de la personne condamnée.
C'est partiellement au CPIP de le proposer ou non au Juge de
l'Application des peines, sans qu'il existe de réelle
homogénéisation dans les pratiques :
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« C'est-à-dire qu'on voit de plus en
plus les magistrats prescrire de plus en plus les PSE directement ; en aucun
cas, je considère qu'ils ont à prescrire quoi que ce soit,
même s'ils le font, je le traite comme un 723-15 classique mais je sens
la pression, je me donne complètement le choix de le prescrire ou de ne
pas le prescrire, je sens la pression du service de l'application de peines
».
Cette fonction de proposition au Juge, exercée
exclusivement par les CPIP, peut ainsi être un marqueur de leur
professionnalisme :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté
: « J'essaie de savoir si c'est quelqu'un qui a une certaine
maturité, quelqu'un qui n'est pas influencé, si c'est quelqu'un
de très fragile qui va se laisser embarquer par les amis, si c'est
quelqu'un qui a une vie de famille et dont la famille est très en
attente, s'il y a un peu de rancoeur vis à vis de
l'incarcération, si c'est une sortie de détention en PSE et que
la famille est en très en attente et compte beaucoup sur cette personne
et espère qu'il va pouvoir aller chercher les enfants à
l'école, qu'il va pouvoir faire les courses, qu'il va pouvoir reprendre
toute la vie qu'il avait auparavant ; j'essaie de calmer quand même les
choses parce qu'on sait que les horaires ne permettent pas cela malheureusement
».
Il existe donc un savoir empirique, non formalisé, un
savoir d'action dont les CPIP sont détenteurs qui marque une forme
d'autonomie professionnelle qui « s'impose lorsque les prestations ne
peuvent pas être standardisées » [LE BIANIC, VION, 2008,
idem]. Ces savoirs spécifiques se retrouvent dans d'autres corps, au
sein de la fonction publique, comme les policiers ou bien les enseignants
étudiés et « relèvent pour les
intéressés de la compétence accumulée au fil
d'événements qui constituent autant de précédents
dont l'évaluation permet l'élaboration progressive d'un savoir
opératoire efficace » [MONJARDET,1996, p49] ou «
résultante de l'acquisition de savoirs et d'aptitude pratiquement
requises par les situations professionnelles » [DUBAR, TRIPIER, 2005,
p160].
La non formalisation de ces savoirs est une constante chez les
CPIP qui travaillent majoritairement de manière individuelle, sans
espace d'échange sur les pratiques concernant le placement sous
surveillance électronique. Il n'est pas possible, toutefois, de
généraliser ce constat à l'ensemble des SPIP, notre
étude portant sur une seul SPIP.
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté
: « Je pense, pour le coup, c'est là oil ça
peut paraître curieux, mais il n'y a pas de règles, enfin, y a pas
de règles du tout, c'est moi qui ait décidé de mes
critères et qui, lors de l'instruction d'un PSE, décide ou non de
mettre un avis favorable ou pas : c'est mes critères et mon expertise.
Par exemple, pour moi, un des critères pour le PSE, il y a le travail.
Pour moi, c'est une mesure qui est adaptée à quelqu'un qui a des
horaires, il me semble, qui sont dus à son travail auquel on peut
ajouter, selon sa situation familiale, un certains nombre d'heures pour
s'occuper de sa famille ; pour moi, un des critères déterminants,
c'est ça, mais je m'aperçois que chez d'autres collègues,
c'est pas un critère déterminant, et pour les magistrats,
ça ne l'est plus du tout ».
De fait, le placement sous surveillance électronique
nécessite des connaissances spécifiques, apprises sur les lieux
de stage plutôt que lors de la formation initiale, qui sont d'ordre
techniques, mais appliquées à des situations individuelles. Il
s'agit de connaître le dispositif technique afin de poser les questions
nécessaires au placé éventuel mais aussi d'analyser la
situation personnelle de la personne placée sous main de justice,
analyse de nature principalement expérentielle :
H, 27ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Il faut savoir comment ça fonctionne techniquement, savoir
les contres indications, même s'il y en a de moins en moins, sans rentrer
dans les détails, mais déjà, voilà, sur un plan
technique, il faut avoir quand même une connaissance un peu du dispositif
; après sur la personne, il peut y avoir effectivement aussi des contres
indications familiales, professionnelles, selon la nature du délit,
selon le contexte conjugal, c'est vrai que c'est pas toujours approprié
et selon la situation professionnelle, c'est pas toujours approprié
».
La pratique du placement sous surveillance électronique
nécessite donc un savoir spécialisé «
incorporé et impossible à décrire complètement
parce qu'il a une composante élevée de structures inconscientes
nécessaires pour gérer la complexité de l'action
» [LE BOTERF, 2003].
Ce savoir est détenu par les seuls CPIP qui ont le
monopole de l'exercice de cette mesure. Selon Magali SARFATI LARSON, la
professionnalisation suppose une fermeture sociale du marché,
c'est-à-dire « un monopole légal de certaines personnes
sur certaines activités couplé à un savoir légitime
acquis, sans lequel l'exercice professionnel serait impossible et qui implique
une fermeture culturelle de certains groupes professionnels à ceux qui
ne peuvent faire le preuve de la possession de ce savoir » [DUBAR,
TRIPIER, 2005, p122].
Ainsi, les principaux représentants du courant
néo-weberien insistent sur « le lien entre un savoir expert et
l'établissement par un groupe social de « chasses gardées
» (exclusionary shelters) sur un marché » [LE BIANIC,
2005, p47] et concentrent leur propos sur l'établissement ou non d'un
monopole sur une activité donnée, dans un marché
donné.
Dans cette acception, les CPIP étant les seuls à
exercer une activité non formalisable -- la proposition
d'un placement sous surveillance électronique au juge de l'application
des peines d'une manière légitime (le mandat judiciaire) -, il
est concevable de voir, dans le placement sous surveillance
électronique, comme un facteur de professionnalisation des CPIP.
7-2 Une autonomie dans la mise en oeuvre des programmes
de prévention de la récidive
La mise en oeuvre des PPR s'est effectuée
progressivement, service par service, en laissant une grande autonomie d'action
locale afin de mettre en oeuvre les directives de l'Administration
Centrale.38 Parmi les neuf personnes interrogées, on note une
proportion d'assistantes de service social, ou d'anciennes assistantes sociales
devenues CPIP, nettement plus importante que dans le groupe professionnel des
CPIP dans leur ensemble (44% contre 9%). Nous ne pouvons savoir si ce fait
notable se vérifie à l'échelle de tous les SPIP.
38 Voir Annexe 6 p178
Le principe de ces groupes de paroles est de s'appuyer sur la
dynamique de groupe pour aborder des thématiques parfois laissées
de côté en entretien individuel :
F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans
d'ancienneté : « On leur demande de raconter leur vie
sur une espèce de frise chronologique, on leur demande de nous parler de
5 ou 6 événements marquants de leur vie, positifs et
négatifs, et de nous dire s'il y avait des choses exceptionnelles au
niveau de leur famille ou dans leur vie pour leur montrer que certains
événements de leur vie ont permis le passage à l'acte et
de fait c'est vrai.
On pensait faire une séance là-dessus, voire
une séance et demi ; et on a fait avec 8 personnes et on va faire une
troisième séance tellement ils ont des choses à dire ;
donc, les séances, on les construit et on les adapte selon le groupe,
son rythme propre ».
Il existe ainsi une autonomie dans la conception des
séances, leur enchaînement et leur organisation. Les groupes de
paroles, analysés dans notre étude, concernent les hommes
violents et les agresseurs sexuels, des thématiques nécessitant
le soutien et l'appui technique de psychologues. Cette autonomie d'action dans
la conception des séances nécessite donc des apports
extérieurs, ce qui nuance fortement leur indépendance
vis-à-vis d'autres professionnels.
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Déjà, on a recruté un superviseur, puisqu'il
faut un superviseur extérieur à l'administration
pénitentiaire, on a recruté une psychologue qui a une grande
expérience de l'AP puisqu'elle a travaillé en SMPR39 :
elle a fait elle même des groupes de paroles en maison d'arrêt,
donc elle connaissait vraiment les directives de la DAP ; elle savait ce qu'on
attendait en fait d'elle ; donc, on a commencé à travailler avec
elle sur ma mise en place des groupes, sur les thèmes des
séances, ensuite une fois qu'on a eu ces journées de travail avec
elle, on a arrêté des dates de début et de fin de groupe ;
donc on s'est beaucoup appuyé sur ce qui a été fait avant,
sachant qu'on allait faire un groupe de 8 séances espacées de
trois semaines, ces séances auraient lieu le jeudi de 14h à 15h30
; on a vraiment défini les modalités du groupe de parole, le
nombre de participants : donc, là, on s'est fixé sur 10 à
12 personnes et on fixé le début du recrutement des participants
».
39 Le Service Médico-Psychologique
Régional ou secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire est
un
service en charge de. la prévention de La
crise suicidaire, des conduites de dépendance avec ou sans produit
incLuant La prescription de traitements de substitution et des soins aux
auteurs de vioLences sexueLLes en détention.
Le choix de cet apport extérieur s'est fait de
surcroît en collaboration avec les CPIP et la hiérarchie sur
recommandation de l'Administration Centrale :
F, 32 ans, Assistante sociale, 5 ans
d'ancienneté : « Au début oui, au
départ, ce qu'on a travaillé avec la psychologue, selon quels
critères on va intégrer les probationnaires dans le groupe, le
contenu des séances et les horaires ; sauf, qu'au moment oft on est
passé à la phase de présentation aux collègues, la
direction a déjà pris la décision par rapport à
ça, qui n'est pas forcément la décision qu'on avait
travaillé, donc on nous a laissé l'illusion qu'on pouvait prendre
nos décisions, ce qui est assez frustrant dans le travail de ce projet
».
Ce concept d'autonomie est au centre de l'analyse de Freidson,
qui interroge plus particulièrement les relations entre l'État et
les professions. Selon lui, « une sociologie des professions
doit se construire loin des fonctionnalités multiples et ambivalentes,
telles que le support ou la résistance à la pression du capital
ou de l'Etat » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p130]. Il distingue deux
niveaux d'autonomie professionnelle.
Il reconnaît tout d'abord, sur la base de ses propres
recherches sur les médecins, que les professions sont autonomes dans
l'organisation technique de leur travail et dans la construction de leurs
marchés du travail. Mais le professionnalisme ne peut exister que s'il
est adossé à un système socio-politique plus large qui lui
permet de s'épanouir. Une profession, bien qu'autonome sur le plan de
ses actes techniques, ne l'est pas dans la définition de ses
orientations socio-économiques : « Alors que les professions,
contrairement à d'autres activités, contrôlent leur propre
travail et peuvent donc être considérées autonomes dans la
division du travail et dans leurs marchés du travail, elles
dépendent du pouvoir coercitif de l'État qui soutient cette
autonomie. Elles sont autonomes dans leur propre domaine économique mais
pas dans la société dans son ensemble car elles dépendent
de l'État qui leur délègue du pouvoir »
[FREIDSON, 2001, p133]. De fait, l'autonomie dans la définition du
contenu des séances et dans le choix des modalités de supervision
de celles-ci répond à une commande explicite de
l'administration.
La pratique des programmes de prévention de la
récidive nécessite de surcroît l'acquisition de nouvelles
connaissances acquises par la formation continue. En effet, cette
modalité de suivi a été généralisée
à la suite d'expérimentations à partir de 2007 et
n'apparaît en formation continue à l'ÉNAP que depuis
janvier 2009.
H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« La formation à l'ENAP est sur une semaine, les participants
sont exclusivement des CIP et il y avait un chef de service ; c'est de la
psychologie sociale et de la psychologie cognitive et comportementaliste, des
apports théoriques sur la dynamique de groupe, des techniques, des mises
en situation, ils mixent tout.
Voilà comment ça se passe dans un groupe, des
mises en situation avec des observateurs et à
la fin, le prof donne sa valeur ajoutée. Le groupe
était composé de CIP qui faisaient déjà sur
.
Une pratique aussi récente ne peut donc etre un
élément central de l'identité professionnelle des CPIP en
notre sens. Cependant, il faut noter que ces programmes de prévention de
la récidive ont été pratiqués depuis une quinzaine
d'année, notamment au SPIP d'Angouleme. La mise en place concrète
de ces programmes de prévention de la récidive s'est depuis
réalisée service par service sur l'ensemble des SPIP depuis
2009.
Cependant, il est possible d'écrire que l'application
au niveau local de ces programmes s'est appuyée sur l'expérience
de SPIP l'ayant pratiqué auparavant et sur celle des IRTS40
ou des psychologues cliniciens qui pratiquent depuis des années la
technique des groupes de parole. II est donc impossible, à ce niveau de
notre réflexion, de prétendre à une
généralisation, dans les propos recueillis dans le contexte
particulier de notre lieu d'enquete. Nous nous concentrerons donc sur
l'articulation entre savoirs nouveaux et savoirs anciens dans la mise en
pratique des programmes de prévention de la récidive.
Les CPIP développent donc une expérience
importante dans la pratique des PSE et s'appuient sur l'expérience
d'autres services et d'autres corps professionnels dans la mise en oeuvre des
programmes de prévention de la récidive. Cela crée un
corpus de connaissances, non formalisées, qui seraient susceptibles
d'être enseignées en formation initiale ou bien partagées
dans l'ensemble des SPIP. C'est donc principalement dans l'adaptation des
textes sur le terrain que réside leur autonomie d'action dans un cadre
législatif très contraint.
40 Instituts Régionaux du Travail Social
Chapitre 8 : Des professionnalités et des
savoirs émergeants
L'autonomie, dans la proposition auprès des JAP et la
mise en oeuvre des placements sous surveillance électronique, est
à nuancer car son usage devient de plus en plus courant avec une forte
pression institutionnelle pour développer cette mesure (8-1). L'analyse
collégiale des situations, induites par les programmes de
prévention de récidive, est une avancée vers un
contrôle entre pairs et un échange sur les pratiques (8-2). En
parallèle, les visites à domicile dans le cadre de l'instruction
des PSE sont devenues plus rares (8-3). Alors que le suivi des mesures de PSE
se fait avec l'appui des surveillants pénitentiaires (8-4).
8-1 Une systématisation de la surveillance
électronique depuis 2009
Le placement sous surveillance électronique est
fortement développé par l'Administration Pénitentiaire
depuis 2002 comme explicité supra. Avec la loi pénitentiaire de
2009, il s'est étendu aux fins de peine, pour les détenus
auxquels il reste moins de quatre mois de détention à effectuer,
comme modalité d'exécution de peine avec la SEFIP41 et
comme alternative à la détention provisoire ou au contrôle
judiciaire avec l'ARSE42.
41 L'article 84 de la loi pénitentiaire prévoit la
généralisation du placement sous surveillance électronique
en «fin de
peine» pour toutes les personnes
incarcérées ne remplissant pas les conditions pour
bénéficier d'un aménagement de peine classique. Ce sont
des personnes dont le reliquat de peine est inférieur à 4 mois et
initialement condamnées à une peine inférieure ou
égale à 5 ans. Sauf impossibilité matérielle, refus
du détenu, risque de récidive, incompatibilité entre la
personnalité de la personne condamnée et la nature même de
la mesure, cette mesure de PSE deviendra ainsi une modalité
d'exécution de la peine comme une autre. Une expérimentation de
ce PSE fin de peine a eu lieu entre octobre 2008 et janvier 2009. Il
apparaît que sur 1347 dossiers répondant aux conditions juridiques
d'éligibilité, 15,3% ont finalement abouti à une mesure de
PSE. Pour la première fois, il s'agit de dire que l'exécution de
la fin d'une peine d'emprisonnement se fait sous une autre modalité que
celle de l'enfermement en établissement pénitentiaire classique.
Autrement dit, la sortie sous PSE n'est pas conçue comme un
aménagement de peine venant valider la présentation d'un projet
voire venant récompenser un comportement positif. Il s'agit bien d'une
modalité classique d'exécution dans un objectif de
progressivité de la peine, rebaptisée pour l'occasion
Surveillance Électronique de Fin de Peine (SEFIP).
42 Conformément aux dispositions de l'article 142-8, qui
renvoie aux articles 139, 140, 141-2 et 141-3 sur le contrôle
judiciaire, les obligations de l'ARSE peuvent être
modifiées et la mainlevée de la mesure peut être
ordonnée à tout moment par le juge d'instruction ; en cas de
violation de ses obligations, la personne sous ARSE peut faire l'objet d'un
mandat d'arrêt ou d'amener et être placée en
détention provisoire ; en cas de révocation de la mesure, la
durée cumulée de la détention peut excéder de
quatre mois celle prévue par les articles 145-1 et 145-2. D'une
manière générale, l'article 142-12 prévoit que les
juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure
alternative à la détention provisoire, une assignation à
résidence avec surveillance électronique dans les cas où
elles peuvent prononcer un contrôle judiciaire (notamment dans le cas
prévu par l'article 397-3 en matière de comparution
immédiate) et que l'ARSE peut être levée, maintenue,
modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et
de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle
judiciaire. L'article 93 de la loi pénitentiaire a par ailleurs
complété les différentes dispositions du code de
procédure pénale prévoyant la possibilité de
placement sous contrôle judiciaire afin qu'elles visent également
le placement sous ARSE.
L'ARSE peut être renouvelée pour une même
durée de six mois à trois reprises, la durée totale de la
mesure ne pouvant dépasser deux ans. Chaque renouvellement exige la
tenue d'un débat contradictoire. Il est par ailleurs prévu par
l'article 142- 9 qu'avec l'accord préalable du juge d'instruction, les
horaires de présence au domicile ou dans les lieux d'assignation
peuvent, lorsqu'il s'agit de modifications favorables à la personne mise
en examen ne touchant pas à l'équilibre de la mesure de
contrôle, être modifiés par le Chef d'établissement
pénitentiaire ou le Directeur du Service Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation qui en informe le juge d'instruction.
L'ARSE consiste à imposer à la personne mise en
examen l'obligation de demeurer à son domicile ou dans une
résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des
libertés et de la détention, et de ne s'en absenter qu'aux
conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat. Afin
de contrôler à distance le respect de cette obligation, celle-ci
est exécutée sous le régime du placement sous surveillance
électronique prévu par l'article 723-8 du code de
procédure pénale.
La personne peut, en outre, être astreinte aux obligations
et interdictions du contrôle judiciaire prévues par l'article 138
du Code de Procédure Pénale.
Cela a des conséquences sur la mise en oeuvre pratique
des PSE pour les CPIP. En effet, cette pratique, en se simplifiant, a aussi
accentué la rapidité de la réponse attendue et la
quantité d'écrits professionnels (demande de changements
d'horaires, demandes d'aménagement de peine, permissions de sortie) :
F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans
d'ancienneté : « Compte tenu des différentes
réformes, moi, j'ai le sentiment qu'on fait de la gestion de stock, de
la gestion de flux et qu'on s'attache moins, qu'on a moins de temps pour faire
de l'individualisation de la peine, voilà ; la question du
contrôle, enfin l'idée du contrôle et de l'accompagnement
socio-éducatif, c'est ce qu'on fait encore un peu, mais le fondement,
ça reste toujours du contrôle social, même si c'est du
contrôle à travers une mesure de justice ».
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Car pour eux, c'est la mesure phare, c'est la mesure qui coûte
moins d'argent qu'une incarcération, moins d'argent qu'une
semi-liberté et que les parquets semblent extrêmement ravis de
cette mesure, ce critère qui pour moi, me semblait important, il vole
complètement en éclat ; et comme y a pas de discussion, il n'y a
pas eu établissement d'un corpus de critères d'évaluation,
et c'est le propre de toute de l'administration pénitentiaire je pense ;
moi je suis bien d'accord que la grande mode, c'est le déclenchement de
la LOLF, et puis dans tous les secteurs de la recherche, ça se fait,
c'est évaluer ; à chaque fois que c'est de l'argent public qui
est mis sur un projet, il doit être évalué».
La proposition d'une SEFIP est systématisée car
seul le parquet peut refuser le bracelet aux détenus. Le CPIP instruit
mais ne propose plus. Il est, de fait, placé dans une situation
d'exécutant, du fait de la distinction minime entre aménagement
de peine et exécution de peine introduite par la Loi
Pénitentiaire.
Aussi, le placement sous surveillance électronique
devient une modalité d'exécution de peine, dissociée de
toute notion de projet le justifiant en termes de réinsertion sociale
:
F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté :
« On est dans des reponses immediates, ça va trop vite ; let ,
je suis en milieu ferme, je dois repondre essentiellement et des permissions de
sorties, et des amenagements de peine ; y a pas vraiment de suivi social entre
guillemets ; tu fais le quartier arrivants, effectivement, tu joins les
familles et après, il n'y a plus rien, et après, tu te focalises
sur la sortie, quoi, tout ce qui est la preparation de la sortie, donc t'as pas
vraiment le temps ; let, tu reçois des personnes, on doit mettre en
place des mesures, ça va trop vite ».
F, 54 ans, Assistante sociale, 20 ans comme assistante
sociale, 14 ans comme CPIP : « Il y a une proposition
endemique du PSE mais ça demande de la preparation en amont, faut que la
famille soit prête ; toute la famille vit la condamnation, donc,
ça doit être prepare, sinon, ça marche pas ».
Il apparaît que la frontière entre rôle de
proposition et fonction d'exécution soit ainsi rendue poreuse du fait de
l'utilisation massive du placement sous surveillance électronique pour
des fins différentes. Ce caractère mal défini des missions
semble également affecter d'autres groupes professionnels. S'agissant
des Conseillers Principaux d'Éducation de catégorie A, il est
constaté « des activités multiples allant de
l'exécution à la conception, des contours flous de
l'activité... ne permettant pas que s'organise une forme de
marché professionnel interne sur le modèle enseignant~ et rendant
à nouveau possible une captation pour des tiches administratives »
[DEMAZIERE, GADEA, 2009, p156]. Un mouvement similaire semble advenir dans
le cas des CPIP, la mise en oeuvre du placement sous surveillance
électronique étant normalisée et
accélérée :
H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté
: « J'ai l'impression qu'on va vers une
simplification des tâches ; on a le sentiment qu'on va vers la mise en
place de fiches, qu'on aura plus qu'et mettre des croix dans les cases : je
vois ça au niveau de la maison d'arrêt. Quand on fait les
arrivants, il y a recours et des questionnaires oil les questions ont ete
pensees pour nous.
Ça ne me paraît pas très complique de le
faire, pas besoin d'être CIP, suffit de savoir lire et ecrire. Je pense
que la matière grise sera reservee et la hierarchie pour concevoir
».
H, 27ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté
: « Ben, ça s'est beaucoup simplifié,
vu le changement de matériel Là, ça devient très
basique, il y a deux ou trois questions techniques à poser, après
bien stir le diagnostic de la situation ; mais si, au terme de l'entretien,
j'arrive à la conclusion que c'est le plus approprié, et bien il
y a quelques questions techniques à se poser, j'évalue si
nécessaire de se rendre au domicile ; donc, c'est y aller pour des cas
très particuliers ; quand même, il y a une situation familiale un
peu compliquée, mais bon, c'est de plus en plus rare et sinon, j'essaie
de voir sur un plan médical si c'est adapté ; après, c'est
la transmission, la finition du rapport au chef de service qui transmet au
service de l'application des peines ».
Ce rabattement progressif vers des fonctions
d'exécution concernant la mise en oeuvre des placements sous
surveillance électronique est donc un obstacle au processus de
professionnalisation des CPIP et les inscrit dans une pratique de type
actuariel. Nous entendons par actuariat l'ensemble des techniques qui
« permettent aux décideurs pénaux de rendre compte de
leur action facilement, sans mettre en danger le système pénal
». Ces techniques « sont simples puisqu'elles ne
nécessitent pas de clinicien qualifié, mais se réduisent
à l'application directe d'une équation aux données
» [SLINGENEYER, 2007, p17]. Dans le cas des CPIP, il s'agit de
s'assurer que techniquement, la pose du bracelet électronique est
possible, indépendamment de la situation sociale et pénale de la
personne. Ainsi, c'est seulement dans la proposition du placement sous
surveillance électronique aux Juges de l'Application des Peines que les
CPIP gardent leur spécificité et leur magistère sur
l'évaluation de la situation sociale et pénale de leur public.
8-2 Un espace de réflexion collective en
construction
Les CPIP, du fait du développement de l'écrit,
sont accoutumés à travailler seuls face à leurs publics,
du fait également de l'importance du rendu compte de leur
activité au quotidien comme décrit plus haut. La pratique des
programmes de prévention de la récidive marque une rupture avec
cette évolution. Cet échange sur les situations entre CPIP rompt
leur isolement et peut apporter un étayage dans leurs pratiques
personnelles :
H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté
: « Les formations qu'on a suivies, ça nous remettait vraiment
en question, parce que c'était une formation oft on était en
groupe, on a pas du tout l'habitude, on doit tenir compte des autres. Moi,
j'avais une pratique plutôt très individualiste de mon
métier. Donc, ça a vraiment modifié mes prises en charge,
et puis tout ce qu'on a appris sur autrui, ses capacités de
défense par exemple.
Tous les processus psychiques qui se mettent en place pour
éviter de se confronter à ce qui était trop douloureux, je
le voyais avant mais j'étais pas capable de l'analyser avec autant de
lucidité ; le fait aussi qu'il faille prendre un peu de temps, c'est pas
du gaspillage ».
F, 29 ans, CPIP, 3 ans
d'ancienneté : « Ça
nous pose beaucoup de questionnements sur nous, déjà, notre
propre aptitude à travailler en groupe, parce qu'on a travaillé
très longtemps avec d'autres collègue ; donc, déjà
ça, on a pas l'habitude, on est quand même souvent dans nos
bureaux, avec nos suivis.
Même si on échange avec nos collègues
de bureau, on travaille quand même tout seul sur nos dossiers ;
là, il a quand même fallu admettre qu'on pouvait travailler en
groupe, admettre qu'on avait des failles, des points faibles, des points forts,
et voilà qu'il fallait admettre tout ça».
La pratique des Programmes de Prévention de la
Récidive réintroduit le débat entre pairs et le travail
collectif d'échange sur les situations qui n'avaient plus lieux depuis
des années. Il est possible de parler de pratiques de nature
prudentielle en construction.
Ces pratiques prudentielles concernent « le fait de
traiter de problèmes singuliers et complexes et, partant, de devoir
faire face à une irréductible incertitude quant au
déroulement du travail sur ces problèmes ou ces situations, le
fait de devoir se livrer à des conjectures sur les cas traités et
à des délibérations sur les fins de l'activité,
pour pouvoir mener à bien le travail dans ces situations d'incertitudes,
le fait enfin que les savoirs et les savoirs-faire mis en oeuvre ne soient pas
formalisables » [CHAMPY, 2011, p149].
Cet échange entre pairs, depuis 2007 et la
généralisation des PPR, s'appuie sur des connaissances
théoriques nouvelles enseignées en formation continue et qui
viennent compléter ou appuyer des savoirs de nature empiriques. Ces
savoirs sont issus du contact répété avec une population
particulière que ne rencontrent pas d'autres professionnels du social
:
F, 46 ans, Assistante de service social , 22 ans
d'ancienneté : « On a quand
même une réflexion plus élaborée qu'une assistante
sociale de secteur, qu'un éducateur qui travaille avec des personnes
handicapées, sur le passage à l'acte, les raisons du passage
à l'acte ; même si on a pas eu de formation, on a quand même
des apports théoriques, même intuitifs.
A force de travailler avec les gens, on sait quelles sont
les carences et les manques qui peuvent conduire au passage à l'acte et
quelqu'un qui n'est pas professionnel du secteur aurait plus de mal à
l'appréhender. On apprend dans ce métier à ne pas juger,
à amener les gens à travailler sur leur passage à l'acte,
à les interroger là dessus, déni ou pas déni,
à travailler leur sentiment de culpabilité s'il y en a un, mais
on doit quand même essayer de ne pas être dans le jugement ; et
ça, ça s'apprend de manière empirique mais aussi par la
formation continue et initiale ».
H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Alors, c'est présenté comme un groupe de parole, comme
un espace dirigé, préparé, où un certain nombre de
thèmes sont abordés dans le but de ne pas recommencer, de faire
autrement, de comprendre ce qui s'est passé ; c'est pas
présenté comme un programme de prévention de la
récidive, donc on s'est pas mis des bâtons dans les roues, donc,
on part sur l'adhésion de la personne puisqu'il y a des choses qui vont
être dîtes ; ça demande de l'honnêteté, on
donne de soi, donc présenté comme ça, en insistant bien
sur le côté éducatif, non thérapeutique, on est pas
des psychologues vulgairement, c'est le groupe qui fera tout, il n'y aura pas
de « valeur ajoutée » par les animateurs, pour parler
vulgairement ».
De nouvelles professionnalités émergent,
complémentaires de celles de travailleur social ou de contrôleur
judiciaire, qui déplacent les perceptions des CPIP sur leur travail et
leur relation avec les personnes placées sous main de justice vers une
autre clinique, de nouvelles méthodes de travail :
F, 52 ans, CPIP, 19 ans d'expérience comme AS,
10 ans dans l'Administration Pénitentiaire : «
Je pense que ça nous ramène vers l'éducatif,
car je pense de plus en plus on est amené à faire du
contrôle ; les mesures que l'on a, c'est de plus en plus des mesures de
contrôle ; au CSL43, on arrête pas de contrôler ce
qu'il travaille, et ce qu'il suit : ses soins et le côté social,
bon, il y est de moins en moins ; bien sûr, on a des entretiens
éducatifs par moment ; par moment, on parle des faits, mais il y arrive
quand même quelquefois qu'on en parle, mais pas trop. Là, dans les
PPR, on est en plein dans nos missions plus éducatives ; je trouve plus
que ça les amène à comprendre ce qu'ils on fait, ça
les amène à réfléchir, je pense que ça les
fait bouger, certaines ; enfin, on en est à la quatrième
séance mais c'est ce qu'ils nous disent, c'est ce qu'ils nous renvoient,
et on en fait une toute les trois semaines ».
43 Centre de Semi -Liberté
F, 39 ans, CPIP, 12 ans
d'ancienneté : « On a eu plusieurs
reunions, comment gerer les conflits, faire attention à bien faire
circuler la parole, pleins de choses concrètes, c'etait très
professionnel ; et puis on a eu des seances avec Sylvie Brochet qui nous a fait
des seances d'animation de groupes de parole, mais de manière
différente, plutôt portées vers le domaine du
comportementalisme ; alors que l'IRTS, c'etait anime par une formatrice qui
avait plutôt tendance, qui etait portee sur la psychanalyse, le
psychisme, l'inconscient ;
on a eu deux façons differentes de proceder ; moi,
ça m'a beaucoup ouvert de perspectives, j'ai une plus-value au niveau de
mon travail individuel dans es entretiens, je ne travaille plus de la
même manière, je suis beaucoup plus receptive à ce que me
dit autrui, ça a beaucoup change ».
F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans
d'ancienneté : « Il faut avoir des connaissances plus
ou moins importantes, des savoirs sur les donnees psychologiques cliniques et
psychiatriques concernant les delinquants sexuels, notamment pour eviter les
pervers dans le choix qu'on peut faire pour constituer des groupes de paroles,
les manipulateurs, c'est pas du tout compatible avec un groupe de parole
à visee criminologique comme le nôtre ».
A une connaissance particulière d'un public
spécifique, viennent s'ajouter de nouvelles connaissances empruntant
à la psychologie clinique et aux techniques d'entretiens de groupe
enseignées par les Instituts Régionaux du Travail Social. La
professionnalisation se nourrit ainsi « du croisement de savoirs
nouveaux et permet en consequence de revendiquer une plus grande
opposabilité à l'égard de l'action publique, mais sans
jamais atteindre l'autorité des professions liberales »
[CHAUVIERE, 2004, p114]. Les professions constituent « une
espèce particulière, dans la mesure où le savoir sur
lequel elles s'appuient est de nature essentiellement theorique et ne peut
être routinise » [LE BIANIC, 2005, p36]. Dans cette acception,
la pratique exclusive d'un groupe de parole, portant soit sur les auteurs de
violence conjugale, soit sur les agresseurs sexuels, nécessite de
véritables professionnels. Cependant, l'appui sur des praticiens
extérieurs et la faible durée de la formation interne à la
pratique des programmes de prévention de la récidive nuancent
fortement ce propos.
8-3 Des visites à domicile plus rares
Depuis 1999, un certain nombre de mesures ou d'actes
professionnels ont progressivement été confiés au secteur
associatif (contrôle judiciaire et permanences d'orientation
pénale).
Les visites au domicile des futurs placés sous
surveillance électronique, de systématiques, sont devenues
marginales, tout comme les accompagnements de personnes placées sous
main de justice dans leurs démarches de réinsertion. Ces actes
professionnels sont au coeur de l'identité professionnelle historique
des assistant(e)s de service social qui ont construit leur identité
autour de la visite sociale.
C'est autour de cette pratique que se sont
créés, en 1923, les bureaux d'hygiène sociale et
l'utilisation par des pionnières des ressources sociales et
financières des différents réseaux de notables,
confessionnels ou militants.
Les assistant(e)s de service social ont donc été
historiquement « en position favorable pour peser assez directement
dans la définition pratique, autant que théorique des objets de
leur intervention, et partant, de leur métier » [CHAUVIERE,
2004, p91]. Nous avons ici concentré notre analyse sur les propos de
CPIP pratiquant le PSE.
De systématiques, les visites à domicile sont
devenues marginales, avec la simplification des conditions techniques,
éloignant encore plus les CPIP de pratiques relevant du social
historique appuyé sur la visite à domicile :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Il y a un gros travail avec la famille qui passe par une
enquête à domicile, pour respecter aussi ces
particularités-là, pour s'assurer que la personne qui
héberge est au courant de la demande, sait dans quelle condition elle
accueille la personne, notamment si c'est une jeune mère de famillek
».
H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans
d'ancienneté : « Il faut reconnaître qu'il y a
un certain nombre de pratiques qui ont aussi disparu, il faut citer le cas des
contrôles judiciaires, des permanences d'orientation pénales qui
sont beaucoup plus du ressort du privé que du SPIP ; et les visites
à domicile par exemple, comme la permission de sortie accompagnée
qui elles aussi, ont disparu ; et depuis 1999, il y a eu quand même je
dirai, et à la fois, du fait de l'évolution des politiques
pénales et du fait de la juridictionnalisation de l'application des
peines, et à la fois quand même du fait de la volonté assez
affirmée de l'administration pénitentiaire de bureaucratiser
notre métier ».
H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté :
« Il y avait un peu plus de visites à domicile, un peu plus
oui, d'accompagnement dans les structures pour des personnes qui se
déplacent difficilement, ou il y a des crises de panique ; il y avait
plus de démarches éducatives et sociales ».
Le recentrage vers le champ judiciaire des missions des CPIP
est rendu nécessaire par la complexité des évolutions
juridiques concernant l'application des peines depuis 1999, selon
l'Administration Pénitentiaire. La succession de textes juridiques et de
réformes semble, en effet, nécessiter l'appui de personnels ayant
une bonne culture juridique.
H, 30 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Le CIP doit en (champ judiciaire) avoir une compréhension
efficace, comme on est une force de proposition, il faut en comprendre les
rouages, les différentes personnes compétentes, parce que du
coup, on se fait conseiller juridique pour les mesures qu'on couvre
».
Cependant, cette technicité juridique ne peut être
dissociée d'une connaissance de la personne et de son inscription dans
des politiques de droit commun :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Pour moi, c'est le côté bonne
connaissance de l'articulation avec le droit commun, c'est travailler le lien
social sous ses différents aspects, puisque notre mission, c'est
prévenir la récidive, et je trouve que ça prend de moins
en moins de place, et c'est dommage, compte tenu de notre organisation ; il y a
un moment où tu as la personne et des situations beaucoup trop
compliquées et je veux dire, il manque du temps et plusieurs regards
pour vraiment travailler le lien social ».
C'est cette collégialité dans l'analyse des
pratiques qui constituerait une amorce de contrôle entre pairs, indice de
professionnalisation que nous n'avons partiellement observé sur notre
terrain.
8-4 Un monopole partagé avec les surveillants
pénitentiaires dans le suivi des PSE
Depuis début 2010, environ 35 agents du personnel de
surveillance, en charge du PSE, ne sont plus rattachés à une
maison d'arrêt mais à un SPIP. Ce transfert géographique
vise à réunir la gestion socio-éducative et la gestion
technique du PSE en un même endroit. Cette expérimentation («
surveillant chargé du PSE en SPIP ») est partie intégrante
d'une expérimentation plus large, celle de la segmentation.
Dans les 11 sites concernés, le modèle du
cabinet croissance44 prévoit une réorganisation du
SPIP en 5 « segments », et un transfert d'une partie des suivis vers
le personnel de surveillance.
44 Voir Annexe 7 p184
Ghaque Direction Interégionale, ainsi que la Mission
Outre-mer, fonctionne à présent avec un pôle centralisateur
24h/24. Seize postes ont été créés à cette
fin à la DAP qui estime qu'un pôle centralisateur peut fonctionner
avec 8 agents.
De plus, 46 postes PSE ont été ouverts dans les
SPIP en 2010. En plus des 55 SPIP qui seront donc
concernés cette année, le reste des services devrait être
pourvu en 2011.
La DAP annonce que chacun de ces postes fera l'objet d'une
compensation pour les établissements. Les agents déjà en
charge du PSE seront prioritaires pour ces postes. Gette cohabitation
récente des CPIP et des surveillants PSE en milieu ouvert dans la mise
en oeuvre d'une méme mesure, le placement sous surveillance
électronique, tend à rapprocher progressivement les SPIP des
établissements pénitentiaires :
Ainsi, progressivement, les SPIP tendent à devenir des
établissements pénitentiaires, même si l'installation de
greffes au sein des SPIP n'est pas actée actuellement. Gela confirme que
les métiers de CPIP et de surveillants sont destinés à se
compléter et à s'articuler de manière plus
formalisée :
F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans
d'ancienneté : « Globalement, l'AP a mis la main sur
ses agents, on peut le dire, et puis la culture pénitentiaire, celle
qu'on trouvait dans les prisons, s'impose dans le milieu ouvert, avec, par
exemple, la question de la sécurité qui était
évidement présente en prison ; c'est éminemment culturel,
en milieu ouvert ça n'existait pas, je persiste à dire qu'il y a
peu de problèmes, les problèmes de sécurité sont
extrêmement rares ; au fil des années, à partir de fait
divers, on a construit l'objet insécurité dans les services
»
F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans
d'ancienneté : « Moi, je parlerai de
pression, moi, je sens plus la pression pénitentiaire ; moi, ce qui me
parait le plus proche de moi, c'est le champs pénitentiaire, même
si je ne travaille pas en milieu fermé, parce que du fait de la
réforme de la départementalisation, il y a quand même une
administration pénitentiaire qu'on sent plus proche, et la direction
régionale, les modifications, enfin, les réformes ; ensuite, le
champs judiciaire me semble s'être éloigné de moi, puisque
c'est vrai que pendant longtemps, j'ai travaillé au tribunal, c'est vrai
que par exemple, à une époque, je connaissais tous les
magistrats, les greffiers, donc, pour moi le champs judiciaire s'est un peu
éloigné pour que se rapproche le champs pénitentiaire ; le
champ social s'est éloigné aussi, autant il y avait une forme
avant, autant aujourd'hui, j'ai l'impression que les formes du champs social
sont en train de devenir de plus en plus floues, parce qu'en fait, on a pas le
temps de faire vraiment un travail social correct ».
Cette nouvelle
complémentarité/compétition entre surveillants et CPIP
mériterait une étude spécifique, avec un peu plus de recul
sur la mise en oeuvre de cette réforme dans la perspective de «
l'écologie des professions », initiée par Abbott. Cet auteur
accorde aux conflits de juridiction, survenant entre professions sur un
même lieu de travail, une place centrale. Toute profession est en lutte
pour « la maîtrise de territoires ou de domaines
réservés (juridictions) au sein de la division du travail
» [ABBOT, 1988]. Il nous semble que les interactions entre
surveillants, affectés dans les SPIP et CPIP, sont de nature à se
compléter mais aussi à se concurrencer sur des dimensions comme
le rendu compte des incidents ou le suivi administratif des mesures à
déléguer à l'un ou à l'autre de ces groupes
professionnels.
Cette congruence des missions entre CPIP et surveillants dans
les fonctions administratives de surveillance est partiellement actée
par le nouveau projet d'organisation de service des SPIP qui suggère un
suivi administratif des personnes placées sous main de justice ne
présentant pas de dangerosité et ne nécessitant pas
d'intervention du SPIP en matière d'orientation vers des partenaires
extérieurs par les surveillants pénitentiaires. Ainsi, de la
proposition d'un placement sous surveillance électronique aux Juges
d'Application des Peines à l'instruction et au suivi de cette mesure,
les CPIP mobilisent des savoirs d'action non formalisés. Une
systématisation de la surveillance électronique tend cependant
à réduire leur autonomie d'analyse de la situation des personnes
placées sous main de justice. En parallèle, les CPIP
redécouvrent l'analyse collégiale des situations prises en charge
par les services avec la pratique très récente à
l'échelle de tous les services des programmes de prévention de la
récidive. Leur formation initiale n'intégrant cette mesure que
depuis 2009, elle ne peut constituer en l'état une pratique centrale
fondant l'identité de ce groupe professionnel. Les visites à
domicile se raréfiant, de nouvelles professionnalités
émergent entre surveillance, technicité juridique et
connaissances spécifiques sur les infractions commises par les
publics.
Conclusion de la troisième partie
Nous avons montré ici que les CPIP étaient en
situation de monopole dans l'instruction et le suivi du placement sous
surveillance électronique jusqu'à l'entrée des
surveillants dans les SPIP. Cette position de monopole des CPIP est, de fait,
un indice de professionnalisation non négligeable. Par ailleurs, les
savoirs utilisés pour l'instruction des programmes de prévention
de la récidive ne sont pas spécifiques mais facilitent l'analyse
commune des situations par les CPIP et une forme de contrôle entre pairs,
autre indice de professionnalisation à prendre en compte.
Cependant, l'opposabilité de ces savoirs n'est pas
acquise et des conflits de juridictions peuvent subvenir avec les surveillants,
installés dans les SPIP depuis avril 2010, du fait de la
systématisation de la surveillance électronique dans certains cas
spécifiques. Cette systématisation est une forme de «
routinisation » de l'instruction de cette mesure vient faire obstacle au
parcours vers une professionnalisation entrevue précédemment. Il
existe donc un mouvement concomitant entre l'acquisition de nouvelles
connaissances théoriques avec la pratique des programmes de
prévention de la récidive et une systématisation du PSE
renvoyant les CPIP vers une place d'exécutant dans la division du
travail au sein des SPIP, associé à une perte d'autonomie. Cette
situation contrastée semble infirmer l'hypothèse de l'existence
d'un corpus stabilisé de connaissances pouvant permettre au groupe
professionnel des CPIP de formaliser ces connaissances, de les transmettre et,
partant, de les faire reconnaître.
En effet, la professionnalisation peut également
être envisagée comme le « résultat d'un travail de
construction de la compétence [s'appuyant sur] une activité
d'argumentation auprès de divers publics ~ communauté culturelle,
praticiens, publics scientifiques, usagers, État » [PARADEISE,
1985, p18 In MALOCHET, 2007, p62].
Aussi, quel discours les CPIP tiennent-ils sur ses mutations
dans leurs pratiques ? Sont-ils réellement en mesure de définir
le contenu de leurs missions, en s'appuyant sur les savoirs décrits
précédemment en tant que groupe professionnel construit et
organisé ? Comment s'effectue cette articulation entre savoirs et
discours au sein du groupe professionnel des CPIP?
Quatrième Partie : Un groupe professionnel
invisible ?
Introduction de la quatrième partie
Un groupe professionnel est en mesure de défendre son
monopole sur son activité et son autonomie s'il développe une
argumentation auprès des pouvoirs publics et de son public, tendant
à les convaincre de son expertise. Il existe ainsi une dimension
dialectique et rhétorique essentielle dans tout processus de
professionnalisation.
Les notions d'expertise et de savoirs mobilisés des
CPIP, décrites précédemment, doivent ainsi être
intégrées à « un ensemble de disposition et de
stratégies visant à faire qu'une activité nouvelle
parvienne à la symbolique qui lui permet de prendre place dans la
division du travail » [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p244] pour
s'insérer dans un processus de professionnalisation abouti. Nous
montrerons dans cette partie que cette dimension symbolique n'a pas
émergé concernant le groupe professionnel des CPIP.
En effet, l'adhésion au nom de CIP puis de CPIP ne
s'est jamais vraiment opérée, en raison d'une forte segmentation
professionnelle mais également d'un manque de reconnaissance du groupe
professionnel (Chapitre 9). Cela est partiellement la conséquence d'une
socialisation professionnelle problématique car différente selon
les générations, et d'une mise progressive en compétition
avec les surveillants pénitentiaires sur l'instruction des placements
sous surveillances électroniques associée à une partition
d'avec les assistants de service social (Chapitre 10).
Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP
Nous monterons, ici, que faire connaître l'action des
SPIP et leur métier est délicat pour le groupe professionnel des
CPIP. Méconnus par le grand public, nous verrons que les CPIP
n'adhèrent pas dans leur majorité à leur nouveau nom
(9-1). L'ancienne dénomination, Conseiller d'Insertion et de Probation,
était déjà auparavant, utilisée ou non selon les
interlocuteurs (9-2), contribuant à rendre moins lisible leur
métier auprès des partenaires et des médias (9-3).
9-1 Une polysémie dans la désignation des
CPIP déjà ancienne
La nouvelle dénomination de CPIP, apportée par
l'Administration Pénitentiaire au groupe professionnel des CIP à
la fin de l'année 2010, ne rencontre pas d'adhésion pour une
grande majorité des CPIP interrogés. Ce constat pourrait se
justifier par le caractère récent de cette évolution, mais
cette difficulté de reconnaissance et de projection, dans un nom
désignant l'ensemble du groupe professionnel, est beaucoup plus
ancienne.
En effet, si le rôle dans la chaîne pénale
des CPIP est resté stable, la dénomination utilisée pour
qualifier le groupe professionnel est fortement polysémique, et ce
depuis l'origine de la création du Juge de l'Application des Peines :
H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans
d'ancienneté : « Ça a évolué,
puisqu'il y a beaucoup de gens qui sont rentrés en tant
qu'éducateurs, soit en tant que délégué à la
probation, soit en tant qu'agent de probation, soit en tant que conseiller
d'insertion et de probation, soit en tant qu'assistante sociale ; il fut un
temps oil il y avait en milieu ouvert 5 corps et dénominations qui
cohabitaient, ce qui est assez incroyable et remarquable ».
F, 52 ans, CPIP, 19 ans d'expérience comme AS,
10 ans d'ancienneté : « C'est pareil, il y en a qui
disait éducateur, délégué à la probation,
assistante sociale, agent de probation : il y avait tout ça qui
cohabitait. Ça faisait qu'il y avait beaucoup moins d'unité dans
les pratiques, parce que chaque juge avait ses travailleurs sociaux, chaque
travailleur social avait l'habitude de son juge, donc, l'idée des
secteurs géographiques ; on devait être ou 5 ou 6
délégués à la probation sur 18 avec un chef de
service pour animer un peu l'équipe qui avait un petit peu pour objectif
d'unifier les pratiques, mais à l'époque, on travaillait
beaucoup, moins que maintenant, c'est incontestable ».
Le fait de regrouper ces différentes appellations en
une seule aurait pu être une étape dans le processus de
professionnalisation de ce groupe professionnel et lui donner une forme
d'uniformité.
Cependant, alors que la première promotion de CIP a
été titularisée en 2001, il apparaissait
déjà, que 60% des personnes n'utilisaient pas le terme de CIP
mais majoritairement celui de travailleur social (précisant ou non
qu'ils relèvent de l'Administration Pénitentiaire), lors d'une
étude réalisée en 2004/2005 [LHUILLIER, 2006, p 81].
« Si je dis CIP, personne ne sait ce que c'est », « L'image
des CIP c'est le néant, comment faire valoir notre identité
à l'extérieur ? », « C'est injuste, ma famille ne
comprend pas ce que je fais ici ; à la télé, la
réinsertion, c'est les JAP ou les surveillants ».
Alors s'identifier à d'autres, plus visibles, est une
des stratégies utilisées : « Moi je dis éduc
à l'administration pénitentiaire», «Je dis éduc
ou TS si je ne veux pas qu'ils sachent que je suis pénitentiaire car
travailleur social, ça veut tout dire et rien dire». Rester
dans le flou est une autre stratégie pour les CIP comme « Je
dis que je suis fonctionnaire de justice » voire «
fonctionnaire» [LHUILLIER, 2006, idem].
Il semble donc que cette distance, au nom d'une
majorité de CPIP, soit un phénomène ancré depuis la
création des SPIP sans évolution notable en termes
d'adhésion depuis 1999, meme pour les personnels titularisés
après 2006. Le changement de nom, survenu fin 2010, vient ainsi
accentuer ce manque d'adhésion initial :
H, 27 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Je vois pas l'intérêt, vu qu'on est déjà
conseiller d'insertion et de probation de l'administration
pénitentiaire, de rajouter pénitentiaire dans le sigle d'origine,
je vois pas l'intérêt ; simplement, le fait de changer de nom,
ça va juste faire encore baisser notre visibilité, la
visibilité de nos fonctions et de notre travail et il va falloir encore
expliquer, réexpliquer et je pense que ça va plus créer
une confusion qu'autre chose ».
Il semble, qu'indépendamment du nom, c'est surtout
l'activité des SPIP et des CPIP qui est totalement méconnue.
Pour certains, la connaissance de l'activité par le
grand public entraînerait par la suite une adhésion au nom :
H, 35 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Ouais pff, de toute façon, on est pas connu du tout, donc,
j'ai envie de dire, on peut prendre tous les noms qu'on veut, ça
changerait pas grand chose, alors pour moi, l'important, au delà du nom,
c'est surtout de médiatiser un petit plus notre travail, de montrer que
les personnes ne sont pas dehors comme ça, sans contrôle social,
sans qu'il se passe rien que l'État met aussi des moyens, pas
forcément assez pour ce public-là ; et surtout faire en sorte
qu'il y ait une vraie trajectoire. Après sur le terme, le fait qu'il y
ait pénitentiaire, c'est assez normal, vu qu'on y travaille, quand
même, après, c'est peut être le mot conseiller qui me
paraît bizarre, effectivement, même si je vois pas trop ce qu'on
pourrait y mettre d'autre, alors conseiller d'insertion, pourquoi pas, mais
c'est un métier qui existe déjà, mais conseiller de
probation c'est un peu toujours bizarre ».
Le vocable « pénitentiaire » marque pour
d'autres la porosité plus grande entre le milieu ouvert et le milieu
fermé, acté par l'instruction des aménagements de peine en
milieu ouvert ou bien l'arrivée de surveillants pénitentiaires
dans les SPIP depuis 2010 :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Je vois pas trop l'intérêt de ce changement de nom, si,
ça rajoute au cadre, mais ça enlève encore au travailleur
social le fait qu'il y ait pénitentiaire dans notre dénomination
mais concrètement, moi ça change rien à ma façon de
travailler au quotidien ».
F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« J'en pense rien, je vois pas très bien ce que ça
apporte, ce que ça change, de toute façon, les gens ne nous
connaissent pas, alors, que ce soit l'un ou l'autre, ça complexifie les
choses mais ça nous remet dans un cadre pénitentiaire, ça
replace notre profession dans un cadre pénitentiaire ».
Aucune étude antérieure à celle de 2008
ne vient chiffrer et détailler dans quelle mesure le nom de CIP n'a
jamais été intégré par le groupe professionnel. Le
constat, fait dans notre étude, n'est pas étayé à
une échelle statistique pouvant permettre de généraliser
notre propos.
Le groupe professionnel semble toutefois pâtir de cette
forte polysémie dans la description de leurs missions et de leur place
au sein de l'Administration Pénitentiaire.
La référence à une identité,
à un nom, a pourtant une importance non négligeable dans la
construction de la légitimité professionnelle d'un groupe
professionnel et d'une symbolique susceptible de s'imposer dans le débat
public.
En effet, la principale ressource des professions dans le
processus de professionnalisation « réside dans la
rhétorique, le travail de construction sociale qu'elles sont capables
d'opérer, et non dans l'efficacité réelle des savoirs
qu'elles mobilisent Un voile d'idéologie s'interpose entre les
professions et leur public » [LE BIANIC, 2003, p53].
Cette polysémie est donc, à notre sens, un
obstacle à la professionnalisation du groupe professionnel des CPIP :
« la marque minimale d'existence de groupes professionnels
réside dans leur nom, qui est l'indice d'un certain degré de
spécialisation et de division du travail » [DEMAZIERE, GADEA,
2009, p 440].
9-2 Une utilisation alternative de la
dénomination officielle selon les interlocuteurs par les CPIP
Dans une étude, en date de 2008 et concernant la
socialisation professionnelle des CPIP, la tendance observée supra se
confirme mais la référence au nom de travailleur social a
fortement diminué. Cette promotion ayant intégré
l'ÉNAP en 2008, nous constatons qu'en 4 ans, entre 206 et 2010, aucune
évolution significative n'est à noter : « Se
présenter comme conseiller d'insertion et de probation devient moins
fréquent avec le temps, lorsqu'il s'agit pour les élèves
de se présenter professionnellement hors du milieu dans lequel ils
exercent leurs fonctions Après un an de formation à
l'ÉNAP, une baisse conséquente de 15 points puis de 3 points
après les stages, confirme cette évolution, même si les
élèves répondent toujours majoritairement «
conseiller d'insertion et de probation» [GRAS, 2008, p12].
Cette utilisation stratégique du nom de CPIP ou de CIP
est une constante, les appellations alternatives dépendant de
l'interlocuteur et de l'objectif de la communication :
F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté
: « Des fois, je dis que je suis du service
pénitentiaire, sans aller dans les détails quand il faut aller
vite, voilel, quand je dis pas CIP, je dis mon nom et que je suis du service
pénitentiaire de Saint Denis ».
L'utilisation de telle ou telle dénomination varie selon
l'information demandée et l'interlocuteur institutionnel :
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Tout dépend de l'interlocuteur que j'ai, tout dépend
ce que je veux avoir ; je pense que si je cherche à avoir un poids
auprès de mon interlocuteur, je ne vais pas me présenter comme
travailleur social, du fait de l'image des travailleurs sociaux en France, je
vais me présenter comme conseillère d'insertion et de probation
au sein d'un service pénitentiaire ; si je suis dans une relation plus
partenariale avec des gens qui sont eux même des travailleurs sociaux, je
vais me présenter comme travailleur social ; voilà, je fais un
distinguo selon l'interlocuteur que j'ai ».
F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Sincèrement ça dépend, j'essaie vraiment
d'adapter selon les personnes : je dis que je m'occupe de personnes qui sont en
détention ou qui sortent de détention, dans le cadre de
libération conditionnelle ; en général, je prends
l'exemple de la libération conditionnelle parce que ça parle plus
aux gens, ou donc, j'explique aussi que je suis des personnes dans le cadre de
bracelet électronique parce que pareil, j'ai l'impression que ça
leur parle plus que d'autres mesure : la semi-liberté ou d'autres
mesures ».
Cette manière de se présenter varie de
manière plus prononcée lorsque la culture professionnelle
d'origine de la personne est issue des professions du social « canoniques
», comme les assistantes de services social ou les éducateurs
spécialisés. Dans ces situations, l'appui, sur un nom
identifié, reconnu par le grand public et porteur d'une symbolique
forte, reste très utilisé :
F, 46 ans, Assistante de service social, 22
ans d'ancienneté : « Au téléphone, en
fonction de ce que j'ai à demander ou de ce que je souhaite savoir, je
suis AS ou bien CIP ; bon, j'ai intégré le corps des CIP mais
pour les partenaires, je reste AS : par exemple, si j'appelle un service que je
connais et que je sais qu'il peut être méfiant par rapport
à un service judiciaire, par rapport à la fonction que je
représente, et s'il y a des AS, je dis que je suis AS. ça les
mets en confiance, ça leur parle plus ; en fait, c'est pas de l'ironie,
ça les met plus en confiance pour me donner des informations sur la
personne éventuellement, pour avoir un échange de confiance plus
facilement que si je dis que je suis CIP ; peut être que c'est parce que
quand j'ai commencé, je disais AS, déléguée
à la probation ; j'ai toujours dit AS déléguée
à la probation, donc, ça m'est resté, est-ce pour autant
que mes collègues CIP n'arrivent pas à nouer des relations de
confiance avec les AS, je ne sais, connaissant certaines AS dans certains
milieux, je sais qu'elles sont méfiantes vis à vis du milieu
judiciaire, donc, je dis que je suis AS ».
Meme si le degré d'adhésion des assistant(e)s de
service social à une identité professionnelle commune reste
à caractériser et à démontrer, il apparaît
ici que la référence à un cadre éthique commun
facilite la communication et l'échange d'informations sur certaines
situations complexes avec des partenaires extérieurs au service.
Il est possible d'écrire que les assistant(e)s de
services social, par la publication de monographies et par le
développement d'écrits universitaires, ont élaboré
des références communes et un cadre éthique d'action bien
plus conséquent que le groupe professionnel des CPIP. La
thématique de la professionnalisation est, à titre indicatif,
très peu abordée par les travaux d'élèves en
formation initiale à l'ÉNAP, travaux non publiés par
ailleurs et seulement consultables en interne à la
médiathèque de l'ÉNAP à Agen.
9-3 Un déficit de représentation et
d'image
La professionnalisation est envisagée par certains
auteurs comme un mécanisme général de mise en mouvement de
nombreux corps professionnels, dans une visée de reconnaissance sociale.
Dans cette optique, on utilise le terme de professionnalisation toutes les fois
où la reconnaissance institutionnelle d'une « occupation »
est visée. De ce point de vue, professionnaliser revient à
permettre à des individus « d'avoir prise sur leur
environnement en les dotant d'une compétence complexe faite à la
fois de connaissances théoriques, d'un équipement cognitif et
d'un équipement socio-affectif ». [GADREY, 1997].
L'utilisation d'un nom, investi et reconnu socialement, est un
élément majeur de cet équipement socio-affectif.
Cette utilisation alternative du nom de CIP semble avoir
contribué à les rendre invisibles dans l'espace public,
paradoxalement en partie du fait de la non utilisation du nom « Conseiller
d'Insertion de et de Probation ».
Les auteurs interactionnistes de la sociologie des professions
placent, au coeur de leur analyse, les questions des savoirs et des pratiques
de l'expertise et de sa légitimité symbolique, autant et parfois
plus que celle du pouvoir, du monopole économique ou du conflit
social.
Cette construction sociale s'opère à deux
niveaux « au fil de la trajectoire biographique de l'individu,
amené à intérioriser progressivement les normes d'un
groupe de pairs et dans la situation d'interaction entre le professionnel et
son « client ». [LE BIANIC, 2005, p42].
La non identification des CPIP par les partenaires
institutionnels est peut être aussi une conséquence de cette
polysémie entretenue par les acteurs eux-mêmes :
F, 39 ans, CPIP, 12 ans
d'ancienneté : « Moi, je connais personne qui
connaissent les CIP, je sais pas si on est vraiment connus, je ne sais pas
quelle image on a, on est pas une profession sur laquelle il y a un focus, sur
lequel il y a des debats ou des emissions ; pour moi, c'est dû au
caractère hybride de la profession : on est, d'un côte dans le
domaine penitentiaire, fonctionnaire, avec une image de contrôle, de
preparation à la decision des magistrats, et d'un autre côte,
c'est aussi à la fois pour certains être travailleurs social
à fond, être assistante sociale ; pour moi, ça m'arrive de
travailler plus sur ce qui ne va pas chez les gens, leur ressenti, leur
comportement ».
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté
: « C'est une profession qui est toute petite,
même si les effectifs ont ete doubles, neanmoins, on manque cruellement
d'identite ; j'en avais trouve une en travaillant en milieu ferme, les gens
comprennent ce que c'est, c'est plus complique en milieu ouvert ; moi, je pense
que l'image, elle decoule de ça ou elle est absente, il y a une
meconnaissance fondamentale de notre profession : un, parce qu'on est peu
nombreux, et deux parce qu'on manque d'identite collective ; je pense que la
mise en place de pratiques communes, c'est la première base et
l'établissement d'une hiérarchie, ce sont des
éléments qui peuvent nous permettre une identite et du coup,
d'avoir une reelle image, car personne ne sait ce qu'on fait ».
Pour la sociologie française du travail, la
professionnalisation désigne le mouvement par lequel un groupe
professionnel exprime un désir de reconnaissance, dont le sens est
donné par le modèle professionnel en tant « qu'ensemble
de representations sociales des rôles et de l'organisation des
professions (k) qui justifient le monopole des professions établies sur
une sphère d'activite comme condition de la competence technique et du
respect de règles morales dans l'exercice des activites presentees comme
au service de l'interêt general » [CHAPOULIE, 1973,
p86-114].
Dans cette quête de reconnaissance sociale, les
travailleurs vont donc construire progressivement une argumentation tendant
à démontrer que la production du service à laquelle ils
contribuent requiert la mobilisation de véritables professionnels.
Il apparaît de manière assez constante que ce
travail de construction argumentative n'a pas été
opéré par le groupe professionnel des CPIP.
F, 29 ans, CPIP, 3 ans
d'ancienneté : « On n'a pas beaucoup d'image, je
trouve, pour le citoyen lambda, on n'existe pas : il y a les juges, les
visiteurs de prison, les aumôniers en prison, et les CIP, ils n'existent
pas et pourtant, on a un rôle primordial ».
La non-utilisation du nom des CIP, et à fortiori des
CPIP, est, en notre sens, un obstacle important à la non reconnaissance
sociale de l'activité des SPIP qui est un fait majeur exprimé
dans la totalité des entretiens. Par analogie avec les professions du
social en quête de professionnalisation, il semblerait que les CPIP
n'aient pas atteint le premier stade des débats qui ont traversé
le monde des professionnels du social, à savoir le débat
identariste, c'est-àdire « un débat sur les implicites
du métier, initié par une vive critique externe, minoritairement
relayé en interne, mais qui serait assez vite intériorisée
par les professionnels concernés » [CHAUVIERE, 2004].
Ainsi, les CPIP sont autant acteurs de leur manque de
visibilité auprès du grand public que victimes de celle-ci, selon
nous. La manière individuelle et circonstanciée qu'ils ont de se
présenter les affaiblit dans leur pouvoir d'interpellation du grand
public et de l'Administration Pénitentiaire, marquant des divisions
déjà anciennes entre affiliation, soit aux services
pénitentiaires, soit aux professions du social. Il serait toutefois
utile de comprendre pourquoi l'accent est si peu souvent porté sur
l'action des SPIP dans les médias, en comparaison avec les surveillants
pénitentiaires ou bien les Juges d'Application des Peines, à
l'exception notable de la période de l'Affaire Pornic, de
janvier-février 2011. Nous ne sommes pas en mesure de savoir si le
récent changement de nom a accentué le constat effectué
ici, ou non. Chacun de ces aspects peut faire l'objet d'une étude
spécifique en propre, qui ne rentrerait pas pleinement dans le propos
développé ici.
Chapitre10 : Une socialisation professionnelle
problématique
Nous verrons, ici, qu'au clivage générationnel,
décrit précédemment et concernant le rapport à la
hiérarchie, vient s'ajouter un déclin du modèle
vocationnel à l'entrée dans le métier (10-1). De promotion
en promotion, les conditions de stage et de titularisation varient, ce qui ne
contribue pas à l'unité du groupe professionnel (10-2).
Cependant, la segmentation de ce groupe professionnel est plus ancienne et
porte sur le contenu même des missions (10-3).
Ces différentes strates et tensions sont
accentuées par des relais syndicaux qui défendent auprès
de l'Administration Pénitentiaire des conceptions du métier ne
relayant pas totalement les professionnalités les plus
stabilisées depuis la création des SPIP (10-4).
10-1 Un abandon progressif du modèle
vocationnel
Il apparaît également nettement que les missions
de réinsertion étaient au coeur de la pratique professionnelle et
étaient à l'origine des vocations pour le métier
d'éducateur de l'Administration Pénitentiaire ou de
délégué à la probation :
H, 53 ans, CPIP, 27 ans d'ancienneté
: « Notre travail, c'était essayer de donner quelques
atouts aux personnes qui nous étaient confiées pour essayer de
faire en sorte qu'elles ne se noient pas dans une situation sociale qui, dans
un premier temps, les faisaient réagir de manière frontale, comme
ça, dans l'opposition avec la police, avec la récidive, ou de
manière déjà un peu auto destructrice, en prenant de la
drogue ou tout autre produit. Enfin, qui était une manière
réactionnelle de fonctionner, liée entre autre à l'age et
essayer de leur donner, de les aider à trouver quelques atouts pour ne
pas se noyer complètement ».
H, 51 ans, CPIP, 25 ans d'ancienneté :
« Ce métier, il y a celui tel que je me le représentais
en entrant, et puis il y a le métier qu'on a fait en 20 ans, mais disons
que pour moi, ce métier, c'est une incarnation de l'État
Providence pour permettre aux gens qui sont en difficulté d'insertion de
raccrocher les wagons parce qu'on est en contact avec les personnes, la
partie
de la population française qui est dans la plus
grande difficulté, on travaille avec de gens
pauvres et évidemment des gens qui sont, non
seulement, pauvres économiquement mais qui ont souffert de mille
et une difficultés ; ce n'est pas une caricature de le
dire, donc, je me vis comme une sorte de sauveteur, c'est le SAMU
social, dans la chaîne pénale ; c'est le rôle que j'ai envie
de jouer, on est dans ce circuit là les premiers à manifester de
l'attention et de l'humanité aux gens qui sont pris dans ce type de
procédure et pour moi c'est important ».
Comme nous l'avons vu précédemment, cette
représentation du métier comme essentiellement un métier
d'aide qui se rapprocherait du travail social n'est plus portée par
l'Administration Pénitentiaire depuis la circulaire de mars 2008,
circulaire qui ne fait plus mention explicite aux missions relevant du travail
social inscrits dans la circulaire de 2000. Il apparaît aussi que, sur
nos 17 entretiens, neuf personnes ont passé d'autres concours, trois
personnes seulement n'ont passé que le concours de CIP soit une
proportion très faible (17,64%).
Les assistantes de service social ont, elles, passé un
concours spécifique pour intégrer l'Administration
Pénitentiaire, ce qui conforte l'hypothèse d'une vocation pour
intégrer cette administration. Il semble donc que les motivations pour
entrer dans l'Administration Pénitentiaire ne relèvent pas de la
vocation mais d'autres choix rationnels pour beaucoup de CPIP :
F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté
: « Je pense qu'aujourd'hui, il y a pas mal de gens qui passe
pas mal de concours en espérant en avoir un, et en soit, ça se
comprend, mais du coup, pas en se disant moi, je veux être ça, et
donc je vais passer le concours ; c'est un peu une autre logique, maintenant
j'ai tel niveau d'étude, maintenant, j'ai envie de travailler, je vais
passer tel ou tel concours qui sont un peu sur la même forme, en
espérant en avoir un ; on peut pas dire qu'ils aient la vocation, ils
arrivent dans la pénitentiaire comme ils seraient arrivé dans les
douanes ; après, il y a en un certain nombre qui le passent avec une
vocation quasi-militante, qui se sont intéressés à la
question de la prison, surtout, parce que souvent de l'extérieur, on
connaît plus la prison et ceux qui arrivent dans une disposition un peu
militante, parfois un peu utopique : je vais sauver le monde, je vais
être du bon côté. Donc, il n'y a pas
d'homogénéité ».
Quand la vocation est présente pour intégrer
l'Administration Pénitentiaire, c'est toujours en lien avec la notion
d'insertion des publics, qu'elle soit couplée à la probation ou
non :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« J'ai eu du mal à intégrer le nom de conseiller
d'insertion et de probation, je me le suis approprié, puisque moi je
suis arrivée sur une période où le contrôle et la
probation étaient clairement instaurés ; enfin bon,
j'étais déjà l'un des volets de la profession
puisqu'avant, on appelait ça éducateurs ; moi, je vois bien, avec
mes collègues plus anciens, que la probation n'était qu'une
petite partie, finalement, du boulot alors que pour moi, c'est vraiment deux
aspects. Moi, c'est pour ça que j'ai fait ce travail là, pour
l'insertion et pour la probation, et je vois pas ce que pénitentiaire
vient faire là puisque, quand je présente mes missions, je
rappelle bien pour quelle administration je travaille, je pense qu'il n'y a pas
de doutes vis à vis des personnes qu'on a en face, si on arrive à
se situer».
Nous avons pu observer que, parmi les 8 personnes ayant plus
de 10 ans d'expérience au sein de l'Administration Pénitentiaire
de notre échantillon, 5 étaient des assistantes sociales ce qui
laisse penser qu'avec le temps, une forme de fracture
générationnelle se forme entre les personnes restées par
vocation dans une éthique proche du service social et une
génération pour qui l'entrée dans l'Administration
Pénitentiaire s'intègre dans une stratégie professionnelle
différente. Cela mériterait une étude plus poussée
sur la base de données statistiques plus larges et
étayées.
Une autre fracture se crée entre les personnes qui sont
surdiplômées par rapport au niveau requis pour passer le concours
et les autres :
F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Je trouve qu'on sent de grosses disparités entre les
personnes qui ont dix ans d'expérience et, on va dire, celles qui sont
arrivées récemment sur le terrain ; je trouve que les personnes
qui sont là depuis pas mal d'années ont une fibre sociale
beaucoup plus développée que celles qui sont arrivées
récemment sur le terrain ; je dis pas qu'on a pas de fibre sociale, mais
je veux dire quand même, voilà : je pense que la plupart des gens
qui sont recrutés sont bac+4, je pense déjà que ça
joue, je pense que beaucoup de gens qui sont là depuis quelques
années, ils ont passé ce concours par hasard, j'ai pas
l'impression qu'ils ont passé le concours par vocation, donc,
effectivement, je trouve qu'il y a des disparités quoi dans la
façon de voir les choses et puis peut être aussi des
disparités générationnelles tout simplement
».
A titre indicatif, deux personnes seulement sur les sept dans
notre échantillon, ayant plus de dix ans d'expérience, sont
titulaires d'un diplôme de niveau bac +4, ce qui semble indiquer une
évaporation importante des profils les plus diplômés,
chiffre à confirmer à une échelle plus étendue
toutefois.
10-2 Quatre modes de socialisation professionnelle
depuis 2001
La formation initiale des CPIP se déroule à
l'ÉNAP45 à Agen depuis 2000. Auparavant, la formation
se déroulait à Fleury-Mérogis pour les éducateurs
de l'Administration pénitentiaire et les délégués
à la probation.
45 « D'abord nommée EFPAP (École de Formation
des Personnels de l'Administration Pénitentiaire), installée
dans
des Villages Vacances Famille en Alsace (à Albé,
puis à Obernai), l'école devient ensuite l'EAP (École
d'Administration Pénitentiaire) en occupant à partir de 1965 des
locaux d'un ancien centre de jeunes détenus construit sur le site de
Plessis-leComte, à Fleury-Mérogis, dans l'Essonne. Elle est enfin
rebaptisée ENAP (École Nationale d'Administration
Pénitentiaire) suite à un arrêté du 20 juillet 1977
régissant l'organisation et le fonctionnement de l'établissement.
Le 20 septembre 1994, le comité interministériel pour
l'aménagement du territoire (CIAT) décide la
délocalisation de l'école à Agen. Cette mutation
géographique, qui s'inscrit dans un contexte général de
modernisation du service public pénitentiaire, s'accompagne d'une
Les promotions de CIP ont connu quatre modes de socialisation
professionnelle depuis 2001. En effet, le principe de l'alternance, entre un ou
plusieurs lieux de stages et l'ÉNAP, a été
abandonné à partir de la douzième promotion de CIP.
Auparavant, un CIP stagiaire était affecté sur plusieurs lieux de
stages différents (milieu ouvert et milieu fermé), en alternance
avec des cycles de trois semaines à l'ÉNAP (CIP1 à CIP 8).
Un lieu de stage unique a été proposé sur les deux ans de
formation pour de la huitième promotion de CIP à la
dixième.
Nous entendons socialisation professionnelle comme «
la manière dont les groupes professionnels se transforment suite
à l'arrivée de nouvelles recrues et, réciproquement, sur
la façon dont ces dernières s'engagent dans un processus
subjectif d'adaptation à leur nouvel univers de travail »
[MALOCHET, 2005, p23] ou comme « le processus par lequel on
devient membre d'un métier et plus généralement d'un
groupe professionnel » [BENGUIGUI, GUILBAUD, MALOCHET, 2008, p7].
Les CIP de la onzième et douzième promotion ont
été affectés sur un lieu unique de stage pendant les deux
années de formation. Sur la base des notes obtenues lors de la
validation des contrôles continus et des notes de stages, un classement
final était constitué, permettant la titularisation des CIP sur
le lieu de leur choix, selon leur classement.
A compter de la CIP 12 et jusqu'à la quinzième
promotion de CIP, le principe de la préaffectation a été
mis en place. Il s'agit d'affecter en stage de deuxième année un
CIP sur le lieu de sa future titularisation, avec une alternance de cours,
très réduite à 15 jours par an, à l'ÉNAP.
Cette modalité de socialisation professionnelle a été
fortement critiquée et serait abandonnée pour la seizième
promotion sans que nous ayons confirmation de cette information.
réorganisation structurelle et pédagogique de
l'ENAP mise en oeuvre en 1999. L'arreté du 22 janvier 1998 modifiant
l'organisation et le fonctionnement de l'école définis en 1977
dessine les prémices de cette réorganisation. L'ENAP est
administrée par un conseil d'administration et dirigée par un
directeur qui est nommé par décret sur proposition du garde des
Sceaux, ministre de la justice, pour une durée de trois ans
renouvelable. Le décret.du 26 décembre 2000, relatif
à l'École nationale d'administration pénitent ai re,
érige l'ENAP en établissement public de l'Etat à
caractère administratif, doté de la personnalité morale et
de l'autonomie financière. Il est placé sous la tutelle du Garde
des Sceaux, Ministre de la justice.
Conformément à l'article 2 de ce même
décret, l'ENAP a pour mission la formation initiale et continue des
fonctionnaires et agents publics occupant un emploi dans l'administration
pénitentiaire la réalisation de travaux de recherches et
d'études et leur diffusion la mise en oeuvre d'actions de partenariats
avec des institutions d'enseignement et de recherche françaises et
étrangères ».
Source : site intranet ENAP consultable au
http://www.enap.justice.fr/ecole/index.php
H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté
: « C'est surtout ça qui est
important, la transmission, qui est aujourd'hui beaucoup plus difficile et
abâtardie puisque, de fait, la première année, c'est
quasiment que de la théorie et la deuxième année, le
stagiaire se trouve en position de titulaire, quasi immédiatement,
beaucoup moins en position d'apprentissage finalement ; et la finalité,
c'est plus apprendre, mais prendre vite des dossiers et puis si possible, le
plus rapidement possible, on est dans des attentes productivistes vachement
plus importantes qu'auparavant où on était dans un système
d'apprentissage qui devait nous amener à pouvoir ensuite prendre des
dossiers ».
F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté :
« Quand j'étais à l'ÉNAP, ben moi, j'ai bien
aimé, je dois bien être la seule ; mais la première
année à l'ÉNAP, on avait beaucoup de cours
théoriques et puis beaucoup de stages à l'extérieur : 7 ou
8 stages en extérieur, par exemple au Conseil Général,
assez intense, puis après, plusieurs stages dans plein de lieux
différents ; et en deuxième année, un lieu d'affectation,
où on était mi-milieu fermé mi-milieu ouvert, on avait un
mémoire et un projet d'action collective à mettre en place, on
m'a jamais parlé des PPR. Il y avait de la sociologie, de la
psychiatrie, de la psychologie. Moi, je comprends pas cette histoire de
pré-titularisation ».
Ainsi, une personne issue de la troisième promotion des
CIP, aura effectué deux ans en alternance sur trois types
d'établissements pénitentiaires différents. Un CIP de la
dixième promotion aura connu un seul lieu de stage en deux ans de
formation, avec une mixité, milieu ouvert - milieu fermée,
assurée.
Un CIP issu de la onzième promotion n'aura connu que
deux lieux de stages, sur deux ans en alternance :
F, 29 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« La version que j'avais de la formation, c'était deux
années de formation en alternance entre les cours à l'ÉNAP
et les lieux de stage ; donc, moi, la formation que j'ai eue n'est plus
similaire à celle qu'il y a aujourd'hui, donc, pour ce système de
deux ans en réelle alternance : en général trois semaines
à l'ÉNAP et un mois et demi en stage, je trouvais ça
très positif, même si c'était long et l'ÉNAP, loin,
de pouvoir voir comment ça se passe sur le terrain et de pouvoir
échanger avec les autres stagiaires, de pouvoir parler des
difficultés qu'on pouvait rencontrer ».
Enfin, un CIP, issu de la douzième promotion, ne
connaîtra qu'un seul lieu de stage sans alternance, milieu fermé -
milieu ouvert, et avec une quinzaine de jours de retour de pratiques entre
pairs. Ces espaces d'échanges pendant la formation ont donc
été fortement réduits entre 2006 et 2011, et la culture de
la mixité, milieu ouvert - milieu fermé, s'est aussi
érodée. Cela n'est pas sans conséquence sur la
transmission des valeurs propres au groupe professionnel des CPIP et
crée des différences générationnelles au sein de
personnes d'ages similaires mais ayant connu un mode de socialisation
professionnelle différent :
H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans d'ancienneté
: « Ça a abouti à des choses bizarres, parce
que l'intérêt qui était reconnu d'un système de
formation comme auparavant, c'était l'acquisition d'une culture
professionnelle qui s'acquérait justement avec ce mécanisme
d'acquisition théoriques d'enseignement sur le site de l'ÉNAP :
deux stages en établissements en service pénitentiaire
d'insertion et de probation en fonction des années ; parfois
c'était sur plusieurs sites différents. Il fut un temps où
il y avait un stage en maison centrale, un stage en établissement pour
peine et un stage en maison d'arrêt et un stage en milieu ouvert, donc,
ça, ça s'est perdu~et permettre ainsi d'avoir un retour, un
apprentissage d'une culture professionnelle, parce que c'est pas simplement une
accumulation de gestes professionnels, de savoirs théoriques, de
données techniques sur les aménagements de peine et leurs
délais, c'est aussi, à un moment donné, partager une
identité professionnelle commune, partager une manière de
travailler mais aussi une façon d'envisager le métier, une
certaine conception de notre place, de nôtre rôle et de notre
positionnement par rapport à la personne ».
Le contenu méme de la formation privilégie les
cours de droit de l'exécution des peines, les règles
pénitentiaires européennes, l'histoire de l'Administration
Pénitentiaire et laisse à des intervenants extérieurs les
cours relatifs aux techniques d'entretiens et au partenariat institutionnel
avec les structures du social, cela sous la forme d'introductions
générales :
F, 39 ans, CPIP, 12 ans d'ancienneté :
'' Mais les cours que j'ai eus à
l'ÉNAP, concrètement, ne m'ont pas apporté grand chose,
pas de formation dans le champ social, très peu de formation en
psychologie, en psychopathologie ni même en criminologie ; on a eu de
toutes petites introductions qui étaient très
intéressantes mais qui auraient pu être développées,
donc, la formation théorique à l'ÉNAP, il y aurait
beaucoup de choses à améliorer ».
H, 35 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté
: « Depuis que je suis titulaire et que je vois les autres personnes
en stage, je me rends compte que c'est exactement pareil, voir pire. Je sais
pas, c'est comme s'il y avait une volonté de réduire notre
métier ; quand même, j'ai l'impression, c'est ce que je disais
tout et l'heure, que la formation m'avait permis certaines choses parce qu'on
avait tout un tas de cours connexes : ça nous permettait, au fur et et
mesure de la pratique, de les relier, de les remettre tous ensemble et
d'améliorer notre pratique professionnelle, et tous ces fameux cours
connexes, let, ont tendance et disparaître, la formation a tendance et se
réduire, autour des lois, des articles du code pénal, tout ce qui
est juridique ».
Il ressortait déjà, en 2006, que le mode de
recrutement des CIP favorisait les profils de juristes au détriment des
profils issus des sciences sociales :
« Depuis la création du corps des CIP, le
mode de recrutement a favorisé le nombre de candidats de formation
juridique, d'une part au travers d'une culture universitaire favorisant le
recours et l'accès aux concours de la fonction publique, d'autre part du
fait que les deux administrations - le Ministère de la Justice et
l'Administration pénitentiaire - attirent les juristes de
formation.
- Un temps de formation juridique très important
à l'ENAP venant renforcer la culture universitaire des juristes
(notamment sur l'exécution des peines) et, en corollaire, la moindre
formation en « travail social » tel que défini par les
IRTS.
- Les nombreuses réformes de ces dernières
années, en particulier celles ayant pour conséquences une
augmentation très sensible du nombre d'alternatives à
l'incarcération et le suivi des personnes concernées,
renforçant ainsi les activités de contrôle et de probation
». [LHUILLIER, 2006, p91].
Un processus similaire existe chez les surveillants,
« la fusion des deux pôles - sciences humaines et droit -,
intervenue fin 2002, s'est soldée par la disparition presque totale des
enseignements de sciences humaines et un maintien du volume horaire total par
le gonflement des cours consacrés à l'« insertion » De
tout cela, se dégage le constat que la dimension sécuritaire a
progressivement fait pièce aux orientations initiales en matière
de formation ». [MALOCHET, 2007, p105].
Aucun des axes majeurs de la Loi pénitentiaire de 2009,
à savoir les aménagements de peine et les programmes de
prévention de la récidive, ne fait l'objet d'enseignements
spécifiques et les premières sessions de formation sur
l'animation de groupe de parole n'apparaissent qu'en janvier 2009.
Il est déjà reproché, en 2004/2005,
à la formation initiale des CIP, des manques concernant surtout
« les droits sociaux, les actions partenariales, les techniques
d'entretien, la criminologie, la psychopathologie » [LHUILLIER, 2006,
p25].
Cette appréhension, plutôt négative, de la
formation initiale est une constante chez les personnes interrogées mais
ne constitue pas un obstacle à l'acquisition ultérieure d'un
véritable professionnalisme par la pratique en tant que jeune titulaire,
étayage qui s'effectue couramment.
F, 33 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« C
choses, mais on apprend pas l'essentiel quoi finalement :
par exemple, on a pas de cours sur les aménagements de peine, sur les
mesures concrètes, non, c'est pas assez concret ; j'ai
appris sur le terrain, mais avec le recul, j'ai l'impression
de ne pas avoir appris quoique ce
soit, je suis peut être un peu dure, mais, j'ai
l'imp ression de pas en avoir appris grand chose.
Et puis j'ai trouvé que c'est un peu long,
c'était deux ans à l'époque où je l'ai fait,
ça nécessitait pas deux ans, moi je trouve ».
C'est, selon nous, la transmission de valeurs professionnelles et
de perceptions partagées du rôle d'un CPIP qui se trouve
altérée par ces modes différents de socialisation
professionnelle.
La construction de l'identité professionnelle semble
s'effectuer de manière individuelle et non collective :
F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans d'ancienneté
: « C'est qu'on est pas confronté, en
arrivant à l'école, à une
professionnalisation qui est que, c'est pas ce qu'on pensait mais on devient !
Pour moi, la question des missions des CIP n'est pas très claire ;
déjà, c'est difficile de savoir comment former les gens si on
connaît pas leur boulot, j'exagère un peu mais je pense que
l'idée de préciser quelles sont les missions du CIP, et à
l'intérieur du SPIP, quelles sont les missions des CIP, ça permet
de déterminer davantage, sur quel statut professionnel il est,
de quelles compétences il a besoin, donc
d'organiser une formation en fonction de ça et quelque part on arrive
avec une idée de ce que peut être le métier et on endosse
un costume, on devient CIP, on n'est pas CIP : on le devient, alors
qu'actuellement on se le crée individuellement, ce costume
».
F, 42 ans, CPIP, 2 ans d'ancienneté :
« Je trouve que la formation est telle que l'on repart chacun avec des
bribes de choses, et qu'on construit chacun dans son coin, en s'appuyant sur
ses référents de stage, sur des lectures et sur quelques cours ;
et chacun, et c'est pour ça qu'il n'y a pas
d'homogénéité du tout, à mon sens, chacun construit
son métier et son identité alors qu'on a une formation commune
dans une même école : y en pas trois écoles, alors qu'il
serait assez aisé que le temps de la formation puisse permettre de
construire ce fond commun sur lequel on appuie nos pratiques ».
Sur le chemin de la professionnalisation, l'enjeu culturel de
transmissions de « formes historiques d'accomplissement de soi, des
cadres d'identification subjective et d'expression de valeurs d'ordre
éthique ayant des significations culturelles » [PAGANINI,
2009] est très partiellement rempli.
Il existe, de surcroît, une multiplicité de
cadres d'exercices entre le milieu ouvert et le milieu fermé, les
grandes équipes structurées en pôle
spécialisés, mesure par mesure, et les petits services sur le
territoire français de moins de 10 CIP. Cela ne contribue pas à
l'unité du groupe professionnel, au-delà de la socialisation
professionnelle initiale, vécue de manière individuelle dans la
transmission des savoirs.
10-3 Une forte segmentation professionnelle
Le corps des CIP a été fondé sur
l'idée implicite qu'un seul métier permet de répondre
à l'ensemble des missions réglementaires des services
pénitentiaires d'insertion et de probation. Deux rapports
préconisent une redéfinition des missions des CIP : celui de la
Cour des Comptes « Garde et réinsertion, la gestion des prisons
», rendu public en janvier 2006 et celui de l'Inspection
Générale des Services Judiciaires, du mois d'aoft 2006 : «
Le fonctionnement des Services Pénitentiaires d'Insertion et de
Probation ».
Les CIP « doivent être tout à la fois un
agent de probation chargé du contrôle du respect des obligations,
un assistant social en charge de la réinsertion, un psychologue capable
de faire réfléchir un délinquant sur les raisons de son
passage à l'acte, un criminologue capable d'évaluer les risques
de récidive de celui-ci, un éducateur à même de lui
inculquer les valeurs
qui lui font défaut et un animateur chargé
de la gestion d'un réseau de partenaires » [IGS, 2006,
p53].
En 2004/2005, les orientations de l'Administration Centrale
inquiétaient les « travailleurs sociaux de l'Administration
Pénitentiaire », selon la terminologie du rapport : «
L'insécurité tient encore à la confrontation à
l'énigmatique projet institutionnel : l'incohérence perçue
des réformes, des décisions - exemple : favoriser l'absorption du
corps des assistantes sociales dans celui ces CIP et, parallèlement,
recruter un nombre important d'assistantes sociales - , modifier le profil des
reçus aux concours - essentiellement des « juristes » - sans
que ce changement soit présenté comme le fruit d'une
décision et soit expliqué par une redéfinition des
missions » [LHUILIER, 2006, p 77].
Il existe, de fait, une tension et un clivage net au sein des
CIP entre ceux qui considèrent que la mesure de justice n'est qu'un
moyen pour entrer en relation avec la personne suivie et l'accompagner sur les
voies d'un changement personnel et social, et ceux qui considèrent que
l'exécution de la mesure de justice est première, qu'elle fait
sens en soi, qu'elle oblige d'abord au travail sur le passage à l'acte
et, accessoirement ou de façon complémentaire, au
règlement des questions sociales.
F, 49 ans, Assistante de service social, 28 ans
d'ancienneté : « J'ai envie de dire qu'il y a
plusieurs lignes de fractures. autrefois, il y avait une ligne de fracture
entre AS et éduc pénitentiaire, mais je pense plus du tout que ce
soit d'actualité ; depuis le mouvement social, il y a une grosse ligne
de fracture entre ceux qui se déclarent travailleurs sociaux et les
autres, qui souhaitent en sortir ».
F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté
: « Et puis cet amalgame, assistante sociale, CIP,
travailleur social, ces termes qui ne donnent véritablement pas de
repères ; pour moi, c'est un terme trop généraliste :
l'éducateur de rue, c'est un travailleur social, enfin, je veux dire que
chacun a sa spécificité, moi, j'ai envie de montrer cette
spécificité justement et travailleur social, c'est pas une
spécificité, je suis désolé, pas dans ce type de
métier ».
Cette opposition s'exprime au sein des CPIP eux-mêmes,
et entre CPIP et Assistantes de Service Social au sein des services. Il existe
en effet une stratégie de distinction d'avec les CPIP qui s'opère
lors de certains contacts professionnels chez les titulaires d'un diplôme
d'État :
F, 46 ans, Assistante de service social , 22 ans
d'ancienneté : « Moi, je sais pertinemment, par
expérience, ça m'est arrivée de dire au
téléphone que j'étais déléguée
à la probation face à une AS et de sentir qu'elle se refermait,
et de rajouter, d'expliquer mon rôle en le présentant un peu comme
une avocate auprès des personnes placées sous main de justice et
puis je disais qu'il faut quand même que je vous dise que je suis AS de
formation et que ce que vous pouvez me dire, je le dirai pas forcément
au magistrat ; mais je le tournerai peut être d'une autre façon,
ou on se met d'accord sur la manière dont je le dis au magistrat parce
que ça peut être intéressant et important pour la personne
que vous connaissez sous un autre angle et que moi je connais malheureusement
sous cet angle là~ en expliquant tout ça en tant qu'AS à
une autre AS, il y avait un échange, parce que les AS sont très
jalouses de leur secret professionnel, de leurs prérogatives ; il faut
savoir que j'ai été formée en tant qu'AS, il y avait un
code de déontologie des AS, et les AS formées comme moi
étaient très jalouses, et vigilantes de ce secret professionnel,
de respecter ça ».
Ces différents groupes constituent « des
coalitions se développant et prospérant en s'opposant à
d'autres Nous désignerons segments pour désigner ces groupements
qui émergent à l'intérieur des professions »
[BUCHER, STRAUSS, 1992, p68].
Une nouvelle fois, l'existence de ces segments ne contribue
pas à l'unité du groupe professionnel : «La segmentation
soulignée repose essentiellement sur le rappel de l'existence de deux
corps, les CIP et les assistants de service social, développant des
stratégies de différenciation, de deux lieux d'exercice, le
milieu ouvert et le milieu fermé, de deux cadres institutionnels, la
Justice et l'administration pénitentiaire. D'où une
hétérogénéité, voire des contradictions
entre les demandes et les stratégies des différents partenaires
de l'activité des travailleurs sociaux» [LHUILLIER, 2006, p
90]. Il est ainsi possible d'écrire que cette segmentation s'est
accentuée et cristallisée depuis 2004/2005.
10-4 Des pratiques en manque de relais
Il apparaît que, bien que fortement segmenté, le
groupe professionnel des CPIP pratiquent, quelque soient les mesures pries en
charge, deux types d'actions.
Ainsi, l'aide à la décision judiciaire par
l'évaluation d'une situation globale dans le cadre de la
prévention de la récidive et le suivi des mesures de justices
décidées par les magistrats mandants qui constituent autant de
professionnalités.
En France, la notion de professionnalité est
utilisée, au milieu des années quatre-vingts, dans un contexte
socio-économique et organisationnel en mutation.
La professionnalité se définit comme «
la capacité à mettre en oeuvre une expertise complexe
encadrée par un système de références normatives
sinon axiologique » [ABALLEA, BRAEMS, 2002]. Elle est «
porteuse des interrogations sur la qualification, sur les transformations des
modèles d'organisation productive et de relations professionnelles et
sur les professions ». [PAGNANI, 2009]. Cette professionnalité
s'appuie sur des connaissances situées, d'une part et théoriques,
d'autre part :
F, 40 ans, CPIP, 9 ans d'ancienneté :
« Faut quand même que tu saches un minimum écrire, que tu
saches un minimum réfléchir, que tu aies un minimum de
connaissances, au niveau juridique, au niveau sociologique et au niveau
psychologique ; voilà, en gros pour moi, c'est
sur les écrits, parce que c'est important, parce que
les magistrats se plaignent des écrits, ils
attendent que les écrits soient clairs,
professionnels, pas subjectifs, pas dans les truc, psychologiques, un truc
précis clair, une aide à la décision judiciaire, vraiment,
et je pense qu'on peut pas acquérir ces compétences comme
ça ».
Dans le processus de professionnalisation, les travailleurs
jouent un rôle essentiel dans la construction de leur activité et
de la reconnaissance sociale de leur métier, au travers des
organisations dont ils se dotent. Ainsi, l'émergence de
représentants institutionnels d'un corps de professionnels, comme
interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics,
représente un indicateur de professionnalisation du secteur
considéré. En effet, « la force de l'identité
collective se repère, pour un métier, à la puissance
corporative » [ZARCA, 1988, p247].
Les principaux syndicats, l'UGSP-CGT Pénitentiaire et
le SNEPAP-FSU, relaient, de manière très différente,
l'aide à la décision judiciaire et le suivi des mesures de
justice, professionnalité stabilisée, depuis 1958, avec la
création des juges de l'Application des Peines.
L'accent est porté sur l'identité
professionnelle de travailleurs sociaux par l'UGSP-CGT, avec une volonté
de création d'un diplôme d'État et d'une reconnaissance des
CPIP comme travailleur social. Cette logique de la qualification valorise les
titres, les connaissances formelles (codifiées et transmissibles), la
revendication d'autonomie et les distinctions statutaires.
H, 31 ans, CPIP, UGSP-CGT, 4 ans
d'ancienneté : « Quelque chose qui semblait encore
fédérateur et qui est battu en brèche par l'administration
pénitentiaire, c'est l'identité de travailleur social, qui
pouvait faire sens autour d'une acception large mais porteuse de sens de nos
missions et de notre identité professionnelle ; le problème,
c'est que l'administration pénitentiaire n'a pas cultivé cette
identité-là ; bien au contraire, elle a été
à rebours de cette identité, elle n'a laissé aucune place,
hors champs syndical, aux professionnels pour construire, pour trouver des
espaces, pour réfléchir sur leurs identités ; et c'est
ça qui est compliqué, c'est-à-dire que l'administration
pénitentiaire, l'évolution réglementaire,
l'évolution des textes qui concernent notre existence a, elle,
clairement marqué un évolution par rapport à nos missions
; au départ effectivement, les éducateurs, on sait bien à
quoi ça correspond, éducateur de prison, c'est quelque chose qui
est plus facilement identifiable en terme d'identité, en tout cas on
peut le supposer et puis on va basculer vers CPIP qui n'a pas de
référence ».
F, 46 ans, Assistante de service social, 22 ans
d'ancienneté : « Les CIP dans l'institution
pénitentiaire, les CIP, c'est un peu faire le tampon, c'est un peu la
même chose, c'est un peu faire le tampon entre le tribunal, entre la
norme que représente le tribunal, ça permet de formaliser et
d'expliquer, de formaliser et de défendre la situation des gens pour
leur permettre que la sanction judiciaire soit la mieux vécue possible,
la moins dure possible, toujours dans une idée de régulation
sociale, mais c'est aussi, donc, finalement aussi, évidemment, et bien
on est là pour faire du contrôle de mesures judiciaires, et on est
là pour de l'accompagnement socio-éducatif ».
La notion de responsabilité face à la personne,
de travail sur le passage à l'acte chez les délinquants, et de
déontologie professionnelle, est mise en avant par le SNEPAP-FSU. Cette
logique de la compétence valorise, elle, l'expérience,
l'apprentissage « sur le tas » et une reconnaissance interne et
externe par des connaissances en criminologie :
F, 34 ans, CPIP, SNEPAP-FSU, 8 ans
d'ancienneté : « C'est l'idée, bien
évidemment, de dire qu'il n'y a pas de travail éducatif avec la
personne sans rentrer en contact avec elle, donc, avoir une certaine
déontologie, une certaine capacité d'écoute, une certaine
façon d'envisager les entretiens en rapport avec le non jugement,
même une capacité compassionnelle, vraiment une capacité de
se mettre à la place de l'autre pour être vraiment en
capacité de rentrer en contact avec lui ; et vraiment d'essayer
d'envisager avec elle les possibilités de changer ces comportements par
rapport à cette norme qui est la loi ».
H, 35 ans, CPIP, 3 ans d'ancienneté :
« Il faut penser qu'on va mettre un avis qui va, si
le juge l'accepte, potentiellement assigner la personne à
résidence ; donc, ce qu'on est tenu de savoir faire, c'est est-ce que le
climat au domicile est compatible avec cette assignation ? C'est la base de la
base du début, c'est le coeur essentiel de la mesure ».
Ces deux logiques segmentent en profondeur tous les corps
intermédiaires de la fonction publique où se côtoient ceux
pour qui « le titre initial constitue la référence
identitaire principale » et ceux pour qui « les
expériences et apprentissages en cours de carrière constituent
les ressources identitaires essentielles » [DUBAR, TRIPIER, 2005,
p161].
Au-delà du contenu propre de la formation initiale des
CPIP, qui ne sera pas analysé en propre ici, il semble donc que la
transmission d'un éthos professionnel commun soit altérée
par la diversité des expériences de formation et par la
diversité des motivations initiales à exercer le métier.
Cette première ligne de tension est construite elle-même sur une
autre ligne d'opposition plus ancienne, entre les agents se réclamant du
travail social et ceux se définissant autrement. Le corporatisme des CIP
ne peut se construire sans une segmentation
très forte, plus portée sur la dimension
symbolique de l'exercice du métier et sur
l'identitéprofessionnelle, que sur la défense de
professionnalités stabilisées et reconnues par tous
comme l'aide à la décision judiciaire,
pleinement inscrite dans le mandat de ce groupe professionnel.
Ainsi, « Parler de la professionnalité, c'est
d'une certaine façon, mettre en évidence ce processus de
déprofessionnalisation des professions établies et de
professionnalisation d'un certain nombre d'activités salariées ou
encore d'atteinte au statut et à l'autonomie des quasi-professions
» [JOBERT, 1987]. Ces mouvements entre Assistant(e)s de Service
Social, surveillants et CPIP, au sein des SPIP, mériteraient une
étude approfondie.
Conclusion de la quatrième partie
Nous avons montré ici que les CPIP, du fait de leurs
modes de socialisation professionnelle très divers et de leurs
motivations différentes à entrer dans le groupe professionnel,
n'étaient pas un groupe professionnel homogène. Un clivage
générationnel s'est créé et des
professionnalités stabilisées depuis plus de 50 ans, à
savoir, l'aide à la décision judiciaire et le suivi de mesures de
justice, ne sont pas relayées par les organisations syndicales.
Celles-ci défendent des logiques de professionnalisation
différentes, l'une articulée sur la qualification et la
reconnaissance d'un statut de travailleur social à part entière
et l'autre appuyée sur une reconnaissance d'une déontologie et de
pratiques spécifiques à l'Administration Pénitentiaire.
Cette dernière demande est partiellement acceptée par
l'Administration puisque l'ensemble des personnels pénitentiaires est
soumis à un code de déontologie46 depuis
l'entrée en vigueur de la Loi Pénitentiaire du 24/11/2009.
Cependant, le caractère non spécifique au groupe
professionnel des CPIP de ce code, qui s'applique à l'ensemble des
personnels de l'Administration- administratifs comme de surveillance- ne peut
constituer un indice de professionnalisation pertinent. En effet, la notion de
contrôle entre pairs et de régulation propre au groupe
professionnel des CPIP, n'est pas couplée avec ce code de
déontologie.
46
« Le service public pénitentiaire participe
à l'exécution des décisions pénales. Il contribue
à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui
sont confiées par l'autorité judiciaire, à la
prévention de la récidive et à la sécurité
publique dans le respect des intérêts de la société,
des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est
organisé de manière à assurer l'individualisation et
l'aménagement des peines des personnes condamnées.
L'administration pénitentiaire concourt, par sa participation à
la garde et à la réinsertion des personnes qui lui sont
confiées par l'autorité judiciaire, à la garantie des
libertés et à la défense des institutions de la
République, au maintien de l'ordre public et de la
sécurité intérieure et à la protection des
personnes et des biens. L'administration pénitentiaire s'acquitte de ses
missions dans le respect de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales, et des lois et règlements. Les valeurs de
l'administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la
juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat
judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle
de droit. Le présent code de déontologie s'applique : 1°
Dans les conditions déterminées au titre II, aux personnels,
fonctionnaires et agents non titulaires, de l'administration
pénitentiaire tels que définis à l'article 11 de la loi
susvisée du 24 novembre 2009, dans le respect des règles les
régissant ; 2° Dans les mêmes conditions, à
l'exclusion des articles 8, 14, 26 et 29, aux membres de la réserve
civile pénitentiaire instituée par l'article 17 de la loi
précitée du 24 novembre 2009, qui sont assimilés aux
personnels pénitentiaires pour ce qui est des règles
pénitentiaires auxquels ils sont soumis ; 3° Dans les conditions
déterminées au titre III, aux personnes physiques et aux agents
des personnes morales de droit public ou privé, concourant au service
public pénitentiaire en vertu d'une habilitation ou d'un
agrément. Le présent code de déontologie est remis
individuellement à chacun de ses destinataires par l'administration
pénitentiaire, et affiché dans les établissements et
services pénitentiaires. Cet affichage est réalisé de
telle façon que le code de déontologie soit également
porté à la connaissance des personnes placées sous main de
justice. Tout manquement aux devoirs définis par le présent code
expose son auteur à une sanction disciplinaire ou au retrait, dans les
conditions fixées par le code de procédure pénale, du
titre en vertu duquel il intervient au sein des services de l'administration
pénitentiaire, sans préjudice, le cas échéant, des
peines prévues par la loi pénale. » Décret n°
2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du
service public pénitentiaire Voir également Annexe 5 p169.
Il est, selon nous, difficile d'arguer de ce code dans le
cadre du processus de professionnalisation des CPIP. Il est ainsi possible
d'écrire que l'édiction de ce code est un élément
supplémentaire dans la rhétorique de la professionnalisation
employée par l'Administration Pénitentiaire vis-à-vis des
SPIP décrite précédemment.
Conclusion générale
Les principaux résultats
Dans notre étude, nous avons tenté d'analyser le
lien entre les représentations des CPIP sur leurs pratiques, et les
évolutions des SPIP depuis 1999. Le niveau d'analyse choisi est
médian entre la sociologie des professions, pour rendre compte de
l'évolution des missions des CPIP sur 10 ans dans une perspective
socio-historique, et la sociologie du travail, pour évaluer ce qui est
fait concrètement par les CIP dans une approche monographique. Notre
étude, du fait de la diversité des lieux d'exercice et de la
disparité entre la Région parisienne et les autres
régions, ne peut prétendre à une quelconque valeur
statistique. Il s'agit, ici, d'une description ordonnée de la dynamique
interne du groupe professionnel des CPIP en un lieu déterminé, le
SPIP 93. Cette analyse concerne les deux mesures actuellement mises en avant
par l'Administration Pénitentiaire, à savoir le placement sous
surveillance électronique et les programmes de prévention de la
récidive.
Tout emploi (occupation) entraîne une
revendication, de la part de chacun, d'être autorisé (license)
à exercer certaines activités que d'autres ne pourront pas
exercer, à s'assurer d'une certaine sécurité d'emploi en
limitant la concurrence [HUGHES, 1952]. Une fois cette autorisation acquise,
chacun cherche à revendiquer une mission (mandate), de
manière à
« fixer ce que doit ~tre la conduite
spécifique des autres à l'égard des domaines
concernés par son travail » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p98]. Dans
cette terminologie, nous avons ainsi constaté, qu'entre 2008 et 2011, le
mandat des CPIP a évolué de la réinsertion des personnes
placées sous main de justice à la prévention de la
récidive.
Être CPIP aujourd'hui, dans ce contexte
d'évolution, c'est être une jeune femme diplômée en
Droit, au moins jusqu'au Master1, ayant passé ce concours avec d'autres,
dans une stratégie professionnelle axée prioritairement sur la
sécurité de l'emploi. C'est encore appartenir à un groupe
professionnel parcouru par différentes tensions concomitantes et
cumulatives, selon la date d'entrée dans l'Administration
Pénitentiaire. Tout d'abord, une fracture générationnelle
existe entre ceux qui ont connu un exercice professionnel, construit sur le
rapport direct et oral avec les Juges d'Application des peines sans la
médiation d'une hiérarchie, et les autres.
Existe également une fracture vocationnelle entre ceux
qui sont rentrés dans l'Administration par vocation, et notamment les
Assistant(e)s de Service Social, entré(e)s sur concours
spécifiques au Ministère de la Justice et les personnes, juristes
pour la plupart, ayant passé d'autres concours. Enfin, nous constatons
une fracture éthique entre ceux qui se considèrent comme
travailleur social et ceux affirmant une identité autre, avec une
minorité se considérant comme des « criminologues ». De
surcroît, les modes de socialisation professionnelle et les
modalités de la formation initiale ont été modifiés
quatre fois depuis 2001, ajoutant encore à l'éclatement de ce
groupe professionnel profondément divisé.
Nous avons mis en évidence un processus de
professionnalisation contrasté. Ainsi, il existe un indice de
professionnalisation en termes de monopole d'instruction de la mesure de
placement sous surveillance électronique, de la proposition au magistrat
au suivi de la mesure par les CPIP. Ces derniers s'appuient sur des savoirs
d'actions non formalisés pour analyser la situation de la personne
placée sous main de justice dans son contexte social et juridique,
savoirs qu'ils sont encore les seuls à détenir.
Parallèlement, des conflits de juridictions sont possibles entre
surveillants pénitentiaires et CPIP dans l'exercice du placement sous
surveillance électronique. En effet, à terme, ce sont les
surveillants qui rédigeront certains rapports aux magistrats tandis que
les CPIP ont perdu leur force de proposition auprès des magistrats avec
la systématisation de la surveillance électronique actée
par la Loi Pénitentiaire du 25 novembre 2009. Leur autonomie dans
l'instruction de cette mesure est donc à nuancer, méme si des
marges de manoeuvres conséquentes existent dans l'exécution des
instructions dans toute administration.
L'instruction des programmes de prévention de la
récidive crée une forme de contrôle entre pairs, et
d'analyse collégiale des situations des personnes placées sous
main de justice, autre indice de professionnalisation. Cependant, les savoirs
mobilisés ne sont pas spécifiques à l'Administration
Pénitentiaire et s'appuient sur un corpus théorique issu de la
psychologie cognitivo-comportementale et des techniques d'animation de groupe
apprises au sein des Instituts Régionaux du Travail Social. Ces
techniques ne sont enseignées en formation initiale que depuis janvier
2009 et sont pratiquées par d'autres groupes professionnels qui en ont
la maîtrise depuis des années. Elles constituent cependant le
« coeur de métier » souhaité par l'Administration
pénitentiaire depuis 2008.
Enfin, nous avons mis en évidence un groupe
professionnel sans visibilité pour le grand public et sans réelle
reconnaissance sociale. En effet, aucune publication ou monographie ne vient
éclairer des professionnalités datant pourtant de 1958 et la
création des Juges de l'Application des Peines, autre que les commandes
institutionnelles de la DAP et les travaux des élèves CPIP en
formation initiale à l'ÉNAP.
Il n'existe pas d'accès à une dimension
symbolique identifiable susceptible de permettre une défense des
intérêts du groupe professionnel des CPIP. En effet, nous n'avons
pas rencontréde concordance entre la rhétorique de la
professionnalisation portée par l'Administration,
articulée sur l'autonomie fonctionnelle des services et
une expertise souhaitée en criminologie, et les représentations
des acteurs sur le terrain. Ce constat reste à vérifier à
une échelle statistique beaucoup plus large.
Il n'existe pas plus de relais entre les
représentations des CPIP sur leurs pratiques professionnelles et les
syndicats majoritaires qui défendent des logiques de
professionnalisation différentes : une logique de qualification pour la
CGT pénitentiaire et une logique de compétence pour le
SNEPAP-FSU. L'aide à la décision judicaire et le monopole du
contact avec un public particulier ne sont pas relayés par des
publications universitaires ou bien par une communication adaptée au
grand public, et cela depuis la création des SPIP.
Nous avons identifié une volonté de
différenciation/partition des CPIP d'avec les Assistant(e)s de Service
Social, parfois même par ceux précisément qui se
réclament du travail social. Ces mêmes assistant(e)s,
recruté(e)s massivement en 2005 suite à la volonté de
développer les aménagements de peine, sont, à
présent, sommé(e)s de choisir leur corps d'appartenance, CPIP ou
ASS. Le caractère « éducatif » des nouvelles missions
des CPIP est ainsi mis en avant pour séparer l'insertion de la
prévention de la récidive. Sous le vocable «
multidisciplinarité », on rencontre une volonté
institutionnelle de séparer nettement les CPIP des Assistant(e)s de
Service Social, autrefois intégré(e)s au corps des CPIP. Et de
favoriser un rapprochement entre surveillants pénitentiaires et CPIP
dans l'instruction du placement sous surveillance électronique en
particulier.
Perspectives intellectuelles
Il existe donc en germe un véritable travail de
construction théorique, appuyé sur la promotion de la
criminologie, et rhétorique, construit sur la notion de
pluridisciplinarité, pour créer un nouveau « coeur de
métier » pour les CPIP et proposer, en moins de deux ans, une
identité professionnelle nouvelle pour un groupe professionnel qui a 53
ans d'histoire.
Ce travail de construction, au sein de l'Administration
Pénitentiaire, accompagne, en notre sens, des évolutions latentes
du travail social où « la logique du devoir remplace la logique
de la dette. L'assistance n'est plus le geste de la société,
incarnée par l'État, vers le « citoyen malheureux »,a
selon la belle expression de la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen, désormais « l'individu », « l'usager »,
doivent apporter la preuve de leur désir et de leur volonté de
s'insérer dans la société » [AUTES, 2004, p289].
Pour les CPIP, cela se traduit par la « subordination de la notion
d'insertion qui reposait sur une responsabilité collective à la
notion de récidive qui repose sur une responsabilité individuelle
» [RAZAC, 2011].
La notion de traitement pénal, induite par les
programmes de prévention de la récidive, « flirte de
plus en plus avec des prises en charge de type sanitaire ou
thérapeutique, d'un autre clité le développement social,
nom contemporain de l'action collective, se rapproche de plus en plus du
traitement sécuritaire de la question sociale » [AUTES, 2004,
p291].
Pour les CPIP, cela se traduit par « une
individualisation basée sur les risques portés par les individus
dans une perspective de traitement plutlit que sur leur demande dans une
perspective d'accès aux droits (en particulier aux protections
collectives) » [RAZAC, 2011].
Le secteur sanitaire et social voit son mandat modifié
et « réduit au strict minimum. Conséquence de la
procéduralisation du droit et des mesures, le travail social se
résume à du traitement de dossiers et à la gestion de
dispositifs Une logique de construction de l'offre domine sur une logique de
réponse à la demande » [AUTES, 2004, p292].
Peut-on dire que la référence à la
criminologie participe d'une telle « construction de l'offre » pour
l'Administration pénitentiaire ? Comment interpréter ces
déplacements des sphères d'intervention des CPIP, des
assistant(e)s sociales et des surveillants pénitentiaires autour de la
notion de dangerosité ?
De quelle manière renseignent-ils sur la relation entre
Travail social et Administration pénitentiaire ? Comment la notion de
dangerosité a-t-elle créé ces nouvelles catégories
de pensées chez les acteurs de l'exécution des peines ?
Ces questions ouvrent des perspectives intellectuelles qui
compléteraient opportunément les constats décrits dans
notre étude. Il s'agirait d'inscrire notre propos dans les champs
théoriques de la communication institutionnelle et de la sociologie de
l'Action Publique afin de prolonger notre travail dans une visée
explicative complémentaire, et ce, en explorant de quelle manière
s'est opéré le processus de construction rhétorique autour
de la promotion, en interne, de la criminologie. Comment s'est
déroulée l'abandon de la terminologie « travailleurs sociaux
de l'Administration pénitentiaire » entre la première
mention d'expertise en criminologie, dans le décret du 6 mai 2005
créant les DIP, et la circulaire de mars 2008 ? Dans quelle mesure
peut-on dire que l'invisibilité du groupe professionnel des CPIP est un
facteur essentiel qui est partie prenante de cette évolution très
rapide du mandat des CPIP ?
Autant de questions qui permettent d'ouvrir ce travail de
recherche à de nouveaux champs de réflexion, suivant, par
là, les transformations d'un métier en lien direct avec
l'évolution du Système Pénitentiaire en particulier .mais
peut être aussi avec certaines rationalités traversant le secteur
sanitaire et social dans son ensemble.
Tables des matières
Remerciements 3
Sigles et abréviations 4
Sommaire 5
Introduction générale 7
La question de départ 9
Revue de littérature 11
Problématique et hypothèse 14
L'enquête 16
L'échantillon constitué 18
Le plan 21
Première partie : Les CPIP dans un contexte
d'évolutions politiques, législatives et institutionnelles
constantes 24
Introduction de la première partie 26
Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de
remise en cause du travail social 27
1-1 Un travail social contesté 27
1-2 La création des SPIP en 1999 30
Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales
en profondes mutations 32
2-1 La construction politique de l'objet «
dangerosité » 32
2-2 La juridictionnalisation de l'application des peines et le
développement massif des aménagements de peine. 35
Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires
d'Insertion et de Probation 38
3-1 Une filière insertion et probation en constante
augmentation entre 2004 et 2010 39
3-2 La formation initiale des Conseillers Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation 39
3-3 Les CPIP, un groupe professionnel majoritairement
féminin, fortement diplômé, principalement en droit. 40
3-4 De nouvelles méthodologies de travail 42
Chapitre 4 : Genèse d'un changement de nom 46
4-1 Une circulaire décriée 47
4-2 Les premières réponses de l'Administration
Pénitentiaire : un abandon de toutes références
au caractère social des missions des CIP 49
4-3 Une phase de négociation bilatérales entre le
SNEPAP-FSU et l'Administration Pénitentiaire
50
4-4 Deux décrets statutaires et indiciaires créent
les Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation. 51
Conclusion de la première partie 53
Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces
évolutions 55
Introduction de la deuxième partie 57
Chapitre 5 : Une organisation des services profondément
modifiée 58
5-1 La création d'une hiérarchie dans les SPIP
58
5-2 Une perte de reconnaissance sur le terrain comme acteurs de
la prévention de la récidive 59
5-3 Le déménagement hors des SPIP et le
développement de l'écrit 63
Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces
évolutions porté par l'Administration Pénitentiaire
65
6-1 L'autonomie 66
6-2 L'expertise 68
6-3 La revalorisation indiciaire, une stratégie de
distinction avec les assistant(e)s de service social? 73
Conclusion de la deuxième partie 75
Troisième partie : Des pratiques professionnelles en
mutation 77
Introduction de la troisième partie 79
Chapitre 7 : Savoirs d'action et autonomie professionnelle 80
7-1 Des savoirs d'action pour le PSE 80
7-2 Une autonomie dans la mise en oeuvre des programmes de
prévention de la récidive 83
Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs
émergeants 87
8-1 Une systématisation de la surveillance
électronique depuis 2009 87
8-2 Un espace de réflexion collective en construction
90
8-3 Des visites à domicile plus rares 93
8-4 Un monopole partagé avec les surveillants
pénitentiaires dans le suivi des PSE 95
Conclusion de la troisième partie 98
Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ?
100
Introduction de la quatrième partie 102
Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP 103
9-1 Une polysémie dans la désignation des CPIP
déjà ancienne 103
9-2 Une utilisation alternative de la dénomination
officielle selon les interlocuteurs par les CPIP
106
9-3 Un déficit de représentation et d'image 108
Chapitre10 : Une socialisation professionnelle
problématique 110
10-1 Un abandon progressif du modèle vocationnel 111
10-2 Quatre modes de socialisation professionnelle depuis 2001
113
10-3 Une forte segmentation professionnelle 119
10-4 Des pratiques en manque de relais 121
Conclusion de la quatrième partie 125
Conclusion générale 128
Les principaux résultats 130
Perspectives intellectuelles 133
Tables des matières 136
Bibliographie 139
Annexe 1 : L'échantillon 150
Annexe 2 : La grille d'entretien 154
Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite
160
Annexe 4 : Le statut des CPIP 165
Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire
169
Annexe 6 : Les programmes de prévention de la
récidive 178
Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP 184
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Annexe 1 : L'échantillon
Entretiens au sein du SPIP93 : n =15
Entretien
|
Sexe âge
|
Ancienneté
|
Expérience professionnelle
|
Diplôme
|
Concours passés
|
Date et durée
|
E1
|
H, 53ans
|
27 ans
|
|
Licence d'histoire
|
|
12/01/2009, 35 minutes
|
E2
|
F 29 ans
|
2 ans
|
|
Maîtrise de droit
|
ENM
|
01/02/2009, 45 minutes
|
E3
|
F 52 ans,
|
10 ans
|
19 ans d'expérience comme AS,
|
Assistante sociale,
|
concours spécifique assistante sociale
|
16/04/2010, 35 minutes
|
E4
|
F 29 ans
|
3 ans
|
Aide ménagère pour des personnes
âgées,
|
DEUG de droit
|
|
19/04/2010, 45 minutes
|
E5
|
H 27ans
|
2 ans
|
Expérience comme éducateur,
|
Licence d'Histoire
|
|
27/04/2010, 35 minutes
|
E6
|
H 35ans
|
3 ans
|
Commerce ambulant et banque
|
DEUG de droit et BTS commerce
|
Secrétaire administratif, concours CIP raté une
fois
|
30/04/2010, 45minutes
|
E7
|
F 32 ans
|
5 ans
|
Deux
ans d'expérience comme Assistante sociale
|
Assistante sociale
|
Concours spécifique assistante sociale
|
05/05/2010, 57 minutes
|
E8
|
F 40 ans
|
9 ans
|
|
Maîtrise de géographie,
|
Deux concours de secrétaires administratifs
|
07/05/2010,
1h00
|
E9
|
F 29 ans
|
3 ans
|
|
Maîtrise de Droit
|
ENM, greffe, greffier en
chef, Conseiller d'Education Principal,
|
18/05/2010, 51 minutes
|
E10
|
F 39 ans,
|
12 ans d'expérience,
|
Enseignante
|
Licence d'Histoire
|
|
18/05/2010,
1h18 minutes
|
E11
|
F 54 ans,
|
14 ans
|
20 ans comme Assistante sociale
|
Assistante sociale
|
Concours
spécifique assistante sociale
|
26/05/2010,
1h13 minutes
|
E12
|
H ,30 ans,
|
3 ans
|
|
Masters2 droit des collectivités
|
Attaché d'administration scolaire
et universitaire, Educateur spécialisé
|
28/05/2010 ? 1H17 minutes
|
E13
|
F 33 ans,
|
trois ans
|
|
Maîtrise de droit,
|
Concours de greffier en chef et de greffe
|
29/05/2010, 36 minutes
|
E14
|
F 46 ans,
|
22 ans d'expérience
|
|
Assistante de service social
|
Concours spécifique assistante sociale
|
07/06/2010,
1h21 minutes
|
E15
|
F 42 ans, deux ans d'expérience
|
2 ans
|
Journaliste
|
Masters2 d'histoire, contemporaine
|
Concours directrice PJJ
|
11/06/2010, 57 minutes
|
Entretien hors du SPIP93 n=2
Entretien
|
Sexe âge
|
Ancienneté
|
Expérience professionnelle
|
Diplôme
|
Concours passés
|
Date et durée
|
E16
|
H 51 ans,
|
25 ans
|
|
Deug d'Histoire
|
|
01/07/2010,1h11
|
E17
|
F, 49 ans,
|
28 ans
|
|
Diplôme d'Assistance de service social
|
Concours spécifique assistante sociale
|
01/07/2010,1h04
|
Entretiens Organisations syndicales et Associations n=
3
Entretien
|
Sexe âge
|
Ancienneté
|
Date et durée
|
CGT
|
H, 31 ans
|
4
|
12/04/2010, 1h
|
SNEPAP
|
F, 34 ans
|
8
|
29/04/2010/,1h19
|
AFC
|
H, 55ans
|
|
29/04/2009 ,1h
|
Annexe 2 : La grille d'entretien
Le rapport au métier
Etes-vous
Quel est votre âge : ~~.
Si dans une conversation, on vous demande votre métier,
que répondez vous ?
Auprès de vos partenaires, comment vous présentez
vous ?
Quelle est le fondement et l'utilité sociale de votre
métier selon vous ?
Son principal objectif ?
Parmi l'ensemble de vos tâches, quelles sont celles que
vous appréciez le plus ?
Parmi l'ensemble de vos tâches, quelles sont celles que
vous appréciez le moins ?
Les évolutions des missions
Selon vous comment a évolué vos missions depuis
votre entrée à l'AP ?
Indiquez le type d'impact, négatif ou positif ou
inexistant, que chacune des réformes suivantes ont pu avoir sur vos
pratiques professionnelles
en 1999
Création des SPIP
Déménagement des SPIP hors des TGI ?
Juridictionnalisation de l'application des peines ?
Loi d'Orientation pour les Lois de Finances ?
Création du corps des DIP ?
Votre métier s'est il complexifié depuis votre
arrivée dans l'AP ?
De quelle manière ?
Le métier de TSAP se situe au confluent de plusieurs
champs.
Indique quel est ton sentiment d'appaienance à chacun de
ces champs. -le champ judiciaire
- le champ pénitentiaire
- le champ du travail social
- le champ criminologique
Le rapport à la nouvelle mesure et les
compétences développées
Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du
PSE/PSEM /PPR?
Quand vous a-t-on confié cette mesure pour la
première fois ?
Qu'en avez-vous pensé ?
Dans votre service, y a t-il eu des réunions pour
préparer cette mesure ?
Quelles sont les partenaires impliqués dans cette mesure
?
Qu'est t'on tenu de savoir pour effectuer cette mission ?
Quelles compétences nécessite elle ?
Comment présentez vous la mesure aux personnes
concernées ?
Comment la mettez -vous en oeuvre concrètement ?
Combien d'entretiens ?
Quels types d'écrits ?
Des réunions avec les partenaires ?
Avez vous appris quelque-chose de nouveau dans cette pratique
?
Où avez-vous appris cela ?
Comment les avez-vous acquises ?
Des évolutions depuis la création de cette mesure
?
Quelle est selon vous la spécificité de cette
mesure par rapport à d'autres ? Pensez-vous avoir une certaine
liberté pour mettre en oeuvre cette mesure ? Pensez-vous que les CIP
sont les seuls à pouvoir la mettre en oeuvre ?
La socialisation professionnelle
En dehors de l'administration pénitentiaire, des
expériences professionnelles?
- Vous avez intégré l'Administration
Pénitentiaire depuis quand ?
- Simultanément au concours de travailleur social à
l'Administration Pénitentiaire, en avezvous passé d'autres ?
- Si oui, combien ?
Lesquels ?
- De quel diplôme êtes-vous titulaire (diplôme
le plus élevé) ?
- Depuis combien d'années êtes-vous travailleur
social à l'Administration Pénitentiaire (temps de formation ENAP
compris) ?
- Depuis combien d'années êtes-vous dans le poste
que vous occupez actuellement ?
- Quel est le nombre total de vos années
d'expérience comme travailleur social ?
Que pensez-vous que l'image des travailleurs sociaux de l'AP ?
Auprès du grand public ?
Auprès des JAP ?
Auprès des partenaires du SPIP ?
Que pensez-vous du changement récent de nom pour les CIP
?
Du code de déontologie prévu dans la loi
pénitentiaire ?
De la formation initiale des CIP ?
La formation que vous avez suivi à l'ENAP est-elle en
adéquation avec les pratiques rencontrées sur le terrain ?
Peut on dire que les CIP forment un corps homogène ?
Pourquoi oui ? Pourquoi non ?
Dans 10 ans vous voyez-vous toujours à l'AP ?
Que pensez vous des perspectives d'évolutions au sen de
l'AP ?
Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse
écrite
Annexe 4 : Le statut des CPIP
Annexe 5 : Le Code de déontologie
pénitentiaire
Annexe 6 : Les programmes de prévention de la
récidive
Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des
SPIP
CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers). .
Chaire de travail social
|
COUZIGOU
|
Yann
|
2011
|
Master de recherche « Travail social, action sociale et
société »
|
De la réinsertion à la prévention de
la récidive : quel processus de professionnalisation pour
les
|
Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de
Probation ?
|
RESUME :
|
Entre 1999 et 2011, une succession de textes ont modifié
en profondeur l'action des Services
|
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation et le droit de
l'exécution des peines. Les Conseillers
|
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation sont les
acteurs de ces changements institutionnels.
|
Notre travail consiste en une description ordonnée de la
dynamique interne de ce groupe
|
professionnel à travers la pratique du placement sous
surveillance électronique et des programmes
|
de prévention de la récidive. Il s'appuie sur une
quinzaine d'entretiens sur le SPIP 93, un entretien
|
au SPIP 92 et un entretien au SPIP 75 complétés par
une analyse de la littérature « grise »de
|
l'Administration Pénitentiaire et trois entretiens avec
les principales instances représentatives.
|
Qu'est ce qu'être CPIP dans ce contexte d'évolutions
institutionnelles constantes ? Nombre de
|
propos indiquent que le métier de CPIP s'est
considérablement bureaucratisé. Des professionnalités
|
auraient été « captées » par une
hiérarchie encore en quête de légitimité.
|
Pourtant, des professionnalités stabilisées depuis
plus de 50 ans, a savoir, l'aide a la décision
|
judiciaire et le suivi de mesures de justice, ne sont pas
relayées par les organisations syndicales.
|
Celles-ci défendent des logiques de professionnalisation
différentes, l'une articulée sur la
|
qualification et la reconnaissance d'un statut de travailleur
social a part entière et l'autre appuyée
|
sur une reconnaissance d'une déontologie et de pratiques
spécifiques a l'Administration
|
Pénitentiaire. Dans le même temps, le discours
institutionnel tenu par l'Administration Pénitentiaire
|
s'appuie sur les notions d'expertise, d'autonomie fonctionnelle
des services et sur une
|
revalorisation indiciaire. Nous mettons ainsi en évidence
un processus de professionnalisation
|
fortement contrasté et un groupe professionnel
profondément divisé, en partie en raison de
|
modalités de socialisation professionnelles
différentes
|
MOTS CLES : Professionnalisation,
Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation,
|
Administration Pénitentiaire, Placement sous
Surveillance Electronique, Programmes de
|
Prévention de la Récidive, expertise,
savoirs d'action
|
192 pages
|
|