II. L'apport de l'analyse des représentations
21. Le rôle des représentations dans
l'appropriation du développement durable
La vitesse à laquelle des nouvelles
réglementations vont être appliquées et surtout constituer
un nouveau référentiel ne dépend pas seulement de leur
« justesse » ou de leur légitimité mais aussi de la
façon dont les différents acteurs vont se les représenter
à la fois comme guide d'action et comme référence.
Ces comportements dépendent à la fois de la
situation des agents mais surtout des représentations qu'ils se font de
la réglementation et de leur place dans la nouvelle situation.
D'où la nécessite pour comprendre la vitesse d'acceptation et de
mise en place du Développement Durable, d'étudier les
représentations que les acteurs se font du Développement Durable
et de son application. Nous faisons l'hypothèse que l'analyse des
représentations nous permettra d'explorer les relations et les tensions
au sein du système de régulation et les conditions d'adaptation
de la gouvernance aux nouveaux enjeux du développement durable. A
priori, ces relations et tensions s'expriment à tous les niveaux, elles
sont multiples et d'origines variées et complexes. L'hypothèse
issue de notre expérience et des observations de terrain est que la
mise en place du
Développement Durable, comme nouveau
référentiel de gouvernance locale, suppose un changement des
représentations et des pratiques des acteurs à propos de leur
métier et de leur place, ce qui nécessite des changements
organisationnels et l'élaboration collective d'une définition du
développement durable ainsi que d'une stratégie quant aux
modalités de son appropriation et de son intégration dans les
pratiques.
Les représentations sont définies comme «
des formes de connaissance, socialement élaborées et
partagées, ayant une visée pratique et concourrant à la
construction d'une réalité commune à un ensemble social
» (Jodelet, 1989). Il s'agit d'une forme de savoir pratique de sens
commun qui permet aux acteurs d'agir en fonction de la vision qu'ils se font du
monde. Elles sont constituées d'opinions, d'informations, de croyances,
d'images... c'est-à- dire un assemblage de références
sémantiques et cognitives activées dans un contexte, selon les
finalités et les intérêts des acteurs sociaux qui s'en
servent pour communiquer, comprendre, et maîtriser l'environnement. Les
représentations sociales, élaborées par des individus,
sont partagées par des groupes plus ou moins vastes pour lesquelles
elles assurent une cohésion identitaire collective. Elles constituent
des systèmes de compréhension et d'interprétation de
l'environnement social et d'évaluation des comportements qui
définit des modèles d'action de référence.
On s'intéresse en particulier ici à la
façon dont le développement durable peut permettre de faire
évoluer l'inscription territoriale et sociale du secteur aquacole dans
les territoires qu'il exploite. Ce processus d'appropriation local et
territorial du développement durable nécessite des dispositifs
spécifiques de traduction, d'intéressement et d'enrôlement
des acteurs qui conduisent à rechercher des cohérences entre
leurs logiques et leurs temporalités. Il s'agit comme l'énonce
Jodelet (1989) « de faire du neuf avec de l'ancien »,
c'est-à-dire que le processus d'évolution des
représentations nécessaire à cette convergence entre les
acteurs suppose d'abord une phase de déconstruction préalable. La
figure suivante résume ainsi le processus en quatre grandes
étapes qui génèrent des questions de recherche
spécifiques à chacune des étapes.
Ce cadre d'approche permet d'étudier
précisément les facteurs déterminants du processus
d'appropriation du développement durable au travers de cinq
entrées complémentaires :
1.- Les spécificité de l'objet : ce n'est pas la
nature de l'objet qui en fait un objet de représentation mais
plutôt son statut social. Ainsi dans notre cas l'aquaculture et le
développement durable sont des objets de représentation car ils
font l'objet de controverses, de luttes de pouvoir et d'un travail de
redéfinition...
2.- Les caractéristiques du groupe : il faut en
étudier la composition, le mode de fonctionnement collectif et de
communication car les représentations sociales sont des connaissances
produites collectivement et contextualisées.
3.- L'absence d'orthodoxie : ce n'est pas un individu mais le
collectif qui fabrique la représentation par un processus complexe qui
est constitué des controverses, de conflits...
4.- Les enjeux : quels sont les enjeux identitaire et de
cohésion associés à l'aquaculture et au
développement durable de ce secteur et des territoires où il est
implanté ?
5.- La dynamique sociale (interne et externe) : quelles sont
les interactions avec les autres groupes ? Et comment sont structurés
les réseaux sociaux ?
|