VIII. mites de la régulation privée par
les entreprises et les associations
Pour les néolibéraux, la responsabilité
sociale des entreprises (RSE) consiste-t-elle simplement à donner des
repères éthiques aux acteurs du marché, afin de ne pas
laisser croître l'intervention et les règles des pouvoirs publics
? Pour les partisans de la "social-démocratie", notamment, serait-ce
plutôt la mise en oeuvre de moyens d'actions, de repères plus
précis ou de nouvelles instances de régulation publique visant un
développement de l'économie respectueuse de la dimension sociale
et de l'éthique ? La RSE véhicule une vision très
normative de l'économie, dans la mesure où elle suppose que les
entreprises ont un devoir de responsabilité morale. Or, pour les
partisans les plus radicaux de l'Etat libéral tel Milton Friedman,
l'entreprise ne devrait être responsable que devant ses actionnaires.
Pour certains libéraux plus modérés, la mise en oeuvre de
certaines règles sociales est un minimum nécessaire à la
pérennité à long terme du système capitaliste.
La notion de responsabilité sociale d'entreprise
(l'éthique d'entreprise) se fonde sur l'hypothèse que la
dynamique interne, la régulation par les acteurs privés, si elle
est suffisamment développée, peut supplanter la dynamique
externe, la régulation publique (le respect des valeurs et des normes
par la loi) (Capron, 2000). Les partisans de l'Etat social, de la
régulation à dominante publique n'adhérent pas à
cette approche. Ils estiment que, bien que la RSE puisse être
bénéfique, il paraît très insuffisant de laisser,
à la seule responsabilité des entreprises, la résolution
des problèmes sociaux. En effet, il est indispensable, selon eux, qu'un
acteur indépendant et disposant de la capacité de sanction
puissent en limiter les infractions.
Dans cette perspective, l'idée d'une RSE peut
s'avérer néfaste, dans la mesure où elle véhicule
l'idée qu'une autorégulation des acteurs économiques
privés est possible, dans le domaine des droits sociaux. Or, nous
verrons par la suite que les tentatives actuelles d'autorégulation, via
les codes de conduite, dans le domaine des normes fondamentales du travail,
s'avèrent relativement inopérantes.
Les ONG, qui s'intéressent à la question
éthique et équitable, l'envisagent en développant en
priorité la régulation des normes sociales par le public, en la
démocratisant. A travers les différents instruments de
contrôle citoyen de l'économie qui sont qualifiés aussi
d'instruments d'éthique, les ONG entendent mettre en oeuvre
concrètement ce qui reste un idéal ou des discours volontairement
vagues, sur la régulation des normes sociales, au plan international
notamment. Mais, dans la mesure où les codes de conduite et labels
relèvent d'une régulation par les acteurs privés, les ONG
qui les utilisent pourraient échouer et participer finalement à
une orientation opposée à leur but initial.
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