III/ Résultats et discussion :
3.1- Evaluation du risque encouru par les
présumés intoxiqués au paracétamol
3.1.1- CCM sur gel de silice :
Le chromatogramme de la CCM sur gel de silice effectuée
pour les urines du patient admis au CNT d'Alger, est donné en figure
18.
Nous pouvons y constater, que seulement sur le trajet des deux
spots initialement déposés sur la plaque de gel de silice, qu'il
y a apparition de tâches grisâtres, comme attendu, après
développement et révélation au chlorure ferrique 0,4M.
Témoin Echantillon
Sens de migration
Figure 18 : Chromatogramme de CCM sur gel de
silice des urines du patient admis au CNT d'Alger pour intoxication au
paracétamol.
Les tâches noirâtres correspondent au
paracétamol après réaction avec le chlorure ferrique
0,4M.
Ces tâches sont le produit de la réaction du
paracétamol avec le chlorure ferrique 0,4M. Elles se présentent
à la même hauteur sur la plaque et leurs Rf sont égaux
à 0,26.
Elles ont des intensités de la couleur différentes,
donc des concentrations en paracétamol différentes entre la
solution témoin et l'échantillon. Mais cela ne renseigne pas
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cependant sur la concentration du paracétamol dans les
urines et encore moins sur la dose ingérée ni sur le risque et le
danger encourus par le patient.
Néanmoins, ce résultat atteste ainsi de la
consommation du paracétamol par le patient et confirme les
données anamnestiques préalablement recueillies auprès des
patients euxmêmes ou auprès de leurs proches.
Pour l'évaluation du risque, un dosage du
paracétamol dans le sang est nécessaire.
3.1.2- Dosage spectrophotométrique du
paracétamol dans le sang des patients présumés
intoxiqués au paracétamol :
Le dosage spectrophotométrique du paracétamol a
été effectué et sur le sang du patient admis au CNT
d'Alger que sur le sang du patient admis au pavillon des urgences du CHU de
Tizi-Ouzou.
Nous désignerons par C1, la concentration en
paracétamol dans le sang du patient du CNT, et par C2, la concentration
en paracétamol dans le sang du patient du CHU de TiziOuzou.
Les valeurs des densités optiques mesurées
à 405 nm, correspondantes à chaque concentration en
paracétamol dans chaque prise d'essai (échantillons de sang et
solutions « étalon ») sont données dans le tableau II
ci-dessous :
Tableau II : Résultats des absorbances
mesurées à 405 nm.
|
Gamme étalon
|
Echantillons de sang
|
Concentration (mg/l)
|
0
|
50
|
100
|
200
|
400
|
C1
|
C2
|
Absorbance à 405 nm
|
0
|
0,0431
|
0,1249
|
0,2754
|
0,5049
|
0,7070
|
0,0089
|
La détermination des valeurs des concentrations en
paracétamol C1 et C2 dans les sérums des deux patients
présumés intoxiqués par ce médicament, est
réalisée graphiquement grâce au tracé obtenu en
mettant en abscisses, les concentrations connues des solutions «
étalon », et en ordonnées, les absorbances correspondantes
(Figure 18).
Les valeurs des absorbances mesurées pour chaque
échantillon de sérum des deux patients, sont portés sur
l'axe des ordonnées de ce graphique ci-dessus, et par projection sur la
droite et de celle-ci sur l'axe des abscisses, les concentrations C1 et C2 qui
leur correspondent sont lues directement sur l'axe des abscisses. Elles sont
égales à 554 mg/l pour C1 et à 10 mg/l pour C2, soit en
ìmol/l, 3665 et 66, respectivement.
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Par référence au nomogramme de RUMACK-MATTHEWS
(Figure 11), à 5 heures après ingestion, pour le patient du CNT
d'Alger et à 10 heures après ingestion, pour le patient du CHU de
Tizi-Ouzou, les doses en paracétamol ingérées par le
premier patient sont extrêmement élevées ce qui l'expose
à d'énormes risques et par conséquent il doit être
rapidement mis sous antidote, alors que pour le deuxième patient, les
doses ingérées ne sont pas toxiques voire qu'elles sont
même en deçà du seuil thérapeutique.
Néanmoins, le temps écoulé depuis l'ingestion du
paracétamol est très élevé eu égard à
la demi-vie très courte de ce médicament. En effet, quelque soit
la dose ingérée, le produit est pratiquement totalement
éliminé au bout de 7 fois sa demi-vie plasmatique. Ce qui n'est
pas le cas du NAPQI résultant de son catabolisme. Par conséquent
à ce stade de l'analyse, nous sommes dans l'incapacité d'infirmer
de façon catégorique la possible intoxication de ce patient par
du paracétamol, à moins que son coma à l'arrivée au
pavillon des urgences soit du réellement à l'un ou à tous
les autres médicaments qu'il avait pris concomitamment au
paracétamol.
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
50; 0,0471
100; 0,1279
400; 0,5079
200; 0,2754
0 0; 10; 0,0099
5
Figure 18 : Courbe d'étalonnage du
dosage spectrophotométrique du paracétamol dans le sang des
patients présumés intoxiqués par ce médicament.
Page 36
3.1.3- Conclusion :
Au vu de tous ces résultats ci-dessus, nous concluons
que sur les deux présumés intoxiqués au
paracétamol, un seul (le patient du CNT d'Alger) l'est
véritablement, et coure un grand danger lié à la
présence dans son organisme d'importantes quantités de
paracétamol et de son métabolite toxique, en l'occurrence le
NAPQI, qui attaque le foie. Pour cela, il doit être rapidement mis sous
antidote.
Quant à l'autre (le patient du CHU de Tizi-Ouzou), les
résultats obtenus montrent qu'il n'a pas ingéré de fortes
doses de paracétamol. Néanmoins, lui aussi coure un danger dans
la mesure où le coma dans lequel il est tombé le retentit fort
bien. Ce danger n'est pas lié à son ingestion de
paracétamol mais à une autre cause dont d'autres
médicaments présumés ingérés concomitamment
à de petites doses de paracétamol.
Par ailleurs, nous constatons que le recours à la
chromatographie sur couche mince pour la recherche d'une présence de
paracétamol ou d'un tout autre produit dans l'organisme, est inutile
voire une perte de temps en regard de l'urgence de la situation.
En effet, la simple constatation de visu de la teinte jaune
orangé (Figure 19) du 3-nitro 4-hydroxyacétanilide, produit par
la réaction du paracétamol en milieu acide avec les ions
nitrites, lors du dosage de ce médicament, avant même la lecture
de l'absorbance au spectrophotomètre, suffit et permettrait un gain de
temps dans la mesure où, d'une pierre deux coups, le risque encouru est
évalué au travers de la paracétamolémie,
aussitôt la présence de paracétamol dans l'organisme
révélée.
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(a) (b)
Figure 19 : Photographies montrant la
différence de coloration entre un mélange réactionnel
(milieu acide avec ions nitrites) contenant du paracétamol (b) et
un mélange ne contenant pas (a).
|