Le développement des approches comportementales et de la neuroéconomie : quelles conséquences pour le développement de la recherche en finance d'entreprise ?( Télécharger le fichier original )par Lionel Tolle Université de Bourgogne - Master Sciences du Management, Option Recherche en Sciences de Gestion 2005 |
Introduction : Intérets & ContexteEn finance d'entreprise, nous observons une multitude de théories qui ne semblent pas correspondre à la réalité. A titre d'exemple, Modigliani et Miller (1963) suggèrent une structure optimale de capital avec 100% d'endettement au vu de l'économie d'impôt généré (tax shield). Pourquoi ? Tout simplement, à force de simplification du comportement de l'individu voire d'éviction du rôle de l'homme dans les prises de décisions, ces théories sont trop normalisées pour prétendre à une validation empirique. En effet, toute décision - en finance d'entreprise - est prise par un individu (le responsable ou le dirigeant) ou par un collège d'individus « approprié ». Par exemple, au sein de la Gouvernance d'Entreprise, ce collège peut être le conseil d'administration... Dans ces conditions, différents biais comportementaux influencent mutuellement les divers agents : . Leurs schémas cognitifs et affectifs propres (état psychologique) . Leurs interactions avec différents réseaux (effets de socialisation / effet de groupe) D'ailleurs, toute décision d'un individu est un arbitrage au sein même de son comportement. Le comportement est donc un élément essentiel dans la compréhension de la prise de décision. Même si l'analyse du comportement est l'apanage principal des disciplines anthropologiques et des sciences humaines, telles que la psychologie, la sociologie, cette étude est aussi de plus en plus considérée dans le domaine de l'économie lorsque les économistes souhaitent comprendre les mécanismes décisionnels des agents et rendre plus réaliste les hypothèses auxiliaires des théories économiques. En fait, le développement des approches comportementales, dont les neurosciences, en économie (Behavioral Economics), s'inspirant des domaines de la psychologie et de la sociologie, est disparate. Actuellement, la finance de marché (Behavioral Market) est plus propice à cette avancée thématique (Barberis et Thaler, 2002, p59-60) que la finance d'entreprise (Behavioral Corporate Finance), surtout pour les études empiriques évènementielles. En effet, les hypothèses d'efficience du marché et de rationalité de ses agents sont mises à mal, principalement par l'étude des anomalies des cours boursiers (Glaser et al., 2003). De plus, la finance d'entreprise comportementale s'appuie en grande majorité sur les recherches comportementales effectuées dans le domaine de la finance de marché. C'est pour ces raisons de complexité que la finance de marché comportementale est bien plus développée que la finance et la gouvernance d'entreprise comportementales qui en sont à leurs balbutiements. D'ailleurs Baker et al. (2004) présentent une revue de la littérature sur la finance d'entreprise comportementale illustrant ce lien entre finance de marché et finance d'entreprise. Ils utilisent la même approche que Shefrin (2001). Ces deux articles distinguent, d'une part, une approche interne, et d'autre part, une approche externe. La première se focalise sur le manager qui n'est pas totalement rationnel, ou qui effectue des erreurs, et la seconde s'oriente sur le comportement partiellement rationnel des analystes et des investisseurs, constituant le marché financier, dont le manager doit prendre en compte lors de ses prises de décision. Dans tous les cas, ces deux approches sont étudiées d'une manière exclusive. Dans ces articles, pour des raisons de simplification, le manager et les investisseurs ne sont pas traités comme "irrationnels" simultanément. D'ailleurs, dans la synthèse de Baker et al. (2004), il n'est question pour l'analyse comportementale que de l'étude de l'optimisme et de la "surconfiance" 3(*) des managers, ce qui restreint la vision du comportement. En effet, il existe une multitude de comportements pouvant influencer la prise de décision. De plus, contrairement à ce que présente Baker et al. (2004), l'étude du comportement ne peut se réduire ni à une dimension binaire (rationnelle ou non) ni à une vision actionnariale. Shefrin (2001, p16), quant à lui, introduit un point sur la prise en compte du comportement des employés et donc implicitement une vision partenariale. Charreaux (2005, p2-3), d'ailleurs, présente deux voies possibles d'améliorer les pouvoirs explicatifs des théories de gouvernance : une approche partenariale et le levier cognitif de la création de valeur (qui effectue implicitement des allusions aux comportement des agents par la théorie de l'agence, la prise en compte des compétences des individus et bien d'autres éléments...) ou une introduction des éléments issus de la littérature comportementale et donc de la gouvernance comportementale. Comme le suggère Charreaux (2005, p21) dans cet article, afin de distinguer le levier cognitif de création de valeur des schémas cognitifs différents entre les individus, nous maintiendrons le terme « cognitifs » uniquement pour les schémas mentaux et les systèmes de raisonnement des individus. Par contre, en ce qui concerne ce levier cognitif, nous utiliserons, dès à présent, le terme de levier de « compétences ». De plus, les approches cognitives de la gouvernance, qui traitent principalement de levier de « compétences », seront présentées comme les approches productives de la création de valeur que ce soit un coût ou un gain. Afin de pouvoir appréhender l'ensemble des facettes du comportement dans l'entreprise en tant qu'organisation, nous nous poserons au sein du cadre théorique de l'approche par les ressources. Par ailleurs, l'environnement obligeant une adaptation de prises de décision, nous opérerons donc des emprunts dans divers domaines de recherche en sciences de gestion dont la stratégie, l'architecture organisationnelle... D'un point de vue méthodologique, d'après Glaser et al. (2003, p8 4(*)), qui étudient le comportement de surconfiance des investisseurs sur le marché financier générant des anomalies de cotation, la finance comportementale a deux approches. La première est issue de la psychologie décrivant le comportement humain lors de certaines circonstances économiques. Ces études, par la suite, sont utilisées afin de construire un nouveau modèle pour expliquer les observations de marché. Inversement, la seconde approche étudie les déviations empiriques des prédictions effectuées à partir des théories financières traditionnelles. Par la suite, il s'agit de rechercher les causes de ces dérives, soit au travers de frictions de la rationalité des individus, soit en ayant recours à des études psychologiques du comportement humain. Ces deux approches s'apparentent réciproquement à une approche normative et à une approche descriptive. Dans le cadre de notre étude, nous allons référencer des approches comportementales pouvant améliorer les pouvoirs explicatifs des théories en finance d'entreprise. Dans ce contexte, nous aurons principalement une approche descriptive en s'appuyant sur une démarche hypothético-déductive. Dans ce contexte, cette recherche souhaite constituer et développer le champ de la finance d'entreprise comportementale en adoptant une nature de l'homme plus réaliste que celle généralement usitée en économie (finance de marché et d'entreprise) à l'aide des approches comportementales inspirées de la psychologie. Il s'agit donc d'une étude descriptive s'effectuant principalement à travers une revue de la littérature. Ce développement s'apparente à une complémentarité voire, sur certains points, à une révolution des paradigmes5(*). En effet, certains auteurs - comme Heaton (2002), Hermalin et Isen (2000) - étudient l'approche comportementale dans le cadre de la rationalité (principalement substantive) et d'autres - tels que Shiller (1997) et Camerer (2003) - analysent le comportement en dehors de ce cadre. Voici les paradigmes éprouvés par ces diverses démarches : . Nature de l'homme dont la rationalité de l'individu (Simon, 1955 ; Loewenstein, 2000 ; Rabin 2002 ; Camerer, 2003) . Nature de la firme (Zingales, 2000, p11 ; Charreaux, 2002b, p12) De plus, toute cette démarche a pour objectif de tenter d'améliorer les réponses ou plutôt compléter le « puzzle »6(*) de la finance d'entreprise qui n'a pas pu être fait avec une approche économique standard de la firme et de la rationalité des agents. Dans cette perspective, nous allons dans un premier temps, définir les domaines de recherche, les dimensions du comportement et ses facteurs. Dans un second temps, nous effectuerons donc une revue de la littérature du processus de décisions et des décisions en finance d'entreprise. Et enfin, nous constituerons un projet de recherche dans une troisième partie. En fait, l'objectif de cette recherche est d'expliquer et de déterminer l'importance du pouvoir explicatif des approches comportementales au sein des développements de la recherche en finance d'entreprise. L'objet de cette recherche est d'amorcer une réponse à une multitude de questions dont les suivantes : . Quels sont les facteurs comportementaux qui influencent la prise de décision ? . Dans quelle mesure l'étude du comportement des acteurs permettrait de mieux comprendre les décisions financières de la firme ? . Rendre les hypothèses auxiliaires du comportement de l'individu plus réalistes augmentent-t-elles le pouvoir explicatif des théories financières de la firme ? . Cette prise en compte des facteurs comportementaux entraîne-elle une réforme ou une révolution au sein des paradigmes de la finance d'entreprise ? En fait, il s'agit de résoudre le puzzle des théories financières de la firme par l'analyse du comportement. Dans ces conditions, nous allons dans un premier temps définir les principaux domaines de recherche. Dans un second temps, nous présenterons les différentes dimensions du comportement. Et, dans un troisième et dernier temps, nous développerons les différents facteurs explicatifs de ces dimensions. Au fur et à mesure de ces étapes, et tout au long de cette recherche, nous expliciterons d'autres questions aux moments les plus opportuns. Nous allons présenter tout d'abord le domaine de la finance d'entreprise et ensuite les approches comportementales. La présentation du domaine de la finance d'entreprise nécessite d'abord une présentation de la firme ou plutôt de la nature de la firme. En effet, la nature perçue ou considérée oriente la recherche en finance d'entreprise et détermine les processus d'analyses appropriés. Celle-ci permet d'étudier les conditions générales des enjeux en sciences de gestion concernant la répartition de la rente et la création de valeur à court ou long terme permettant une valorisation et une pérennité de la firme. Il est primordial d'identifier les frontières de la firme et de décliner les diverses typologies de sa structure de propriété qui vont nécessairement influencer la finance d'entreprise. Principalement la délimitation de la firme se décline par trois approches distinctes (Zingales, 2000): ses actifs et ses opportunités de croissance, un noeud de contrats (explicites - Coase (1937), Alchian et Demsetz (1972) - ou/et implicites - Demsetz, 1988 - ), et un noeud de compétences spécifiques (Hodgson, 1998). Ces différentes approches instaurent un certain type de vision des théories et influencent le type de valorisation de la firme. A titre d'exemple, d'après Coase (1937), l'existence de la firme, en tant que noeud de contrats, est conditionnée par la comparaison entre les coûts de marché et les coûts de management par la firme. Afin de pouvoir englober et permettre l'épanouissement totale des différentes approches comportementales, nous nous situerons principalement dans le cadre des noeuds de compétences. Postulat 1 (P1) : La firme est un noeud de compétences spécifiques. La structure de propriété d'entreprise, quant à elle, opère une modification ou plutôt une adaptation des théories utilisées. En effet, chaque type de structure détermine les objectifs et les différents processus à la disposition de l'entreprise (Hansmann, 1988). A titre d'exemple, la théorie de l'agence (Charreaux, 2002a ; Jensen & Meckling, 1976) n'a pas la même signification si cette entreprise est une société entrepreneuriale ou une société managériale voire une coopérative... Nous considérerons que l'entreprise est une firme managériale a priori et nous effectuerons donc des apartés, si c'est utile, pour présenter des cas particuliers pour les autres types de structure de propriété7(*). Postulat 2 (P2) : L'entreprise est une société managériale. A présent que les postulats de la nature de la firme sont établis nous pouvons présenter le domaine de la finance d'entreprise. Maintenant que la nature de la firme est présentée, nous pouvons mieux concevoir la finance d'entreprise. Celle-ci regroupe généralement la valorisation, la structure de capital et la gouvernance financière (Zingales, 2000, p11 ; Charreaux, 2002b, p13). La valorisation de l'entreprise est fonction de la nature de la firme considérée et des méthodes de calculs. D'après le Postulat 1 8(*), les compétences doivent être évaluées correctement. La firme a donc une valeur propre. De plus, d'après le Postulat 2 9(*), l'entreprise est une société dans laquelle le manager ne concentre pas la totalité des titres de propriété de cette dernière. Généralement, dans le cadre d'études, ce type d'entreprise est représenté par les sociétés cotées en bourse. Bien évidemment, dans le cadre du paradigme de l'efficience de marché, la valeur propre de l'entreprise est égale à celle de sa capitalisation boursière. Par contre, au vu des anomalies de marchés, cette hypothèse d'efficience semble compromise. Dans cette seconde perspective, l'étude du comportement prend toute sa valeur. Nous allons donc considérer par défaut que le marché n'est pas efficient, sauf stipulation contraire ponctuelle10(*). Dans ce contexte, il peut y avoir sur ou sous évaluation de la valeur de la firme. En fait, nous devrons envisager ces deux possibilités. Etant donné que la finance de marché n'est pas notre objet d'étude pour cette recherche, nous ne démontrerons pas l'efficience de marché même si l'étude du comportement des agents peut prétendre à cette démarche (Baker et al., 2004 ; Barberis et Thaler, 2002 ; Glaser et al., 2003 ; Shiller, 1997). Par contre, nous utiliserons ces données pour présenter le comportement en finance d'entreprise. C'est pour ces raisons que nous maintenons le terme de postulat et non d'hypothèse pour ces deux possibilités. Postulat 3a (P3a) : le marché n'est pas efficient. Postulat 3b (P3b) : le marché est efficient. Une multitude de décisions peut affecter la structure de capital de la firme : autofinancement et financement par les marchés financiers et par les banques (augmentation de capital, rachat d'actions, endettement, opération publique d'achat ou d'échange...). D'ailleurs, si nous relâchons le postulat 2 11(*), des décisions - telle que l'introduction en bourse - peuvent être rajoutées. De plus, les modifications de structure de capital peuvent avoir un rôle au sein de la théorie du signal afin de palier les asymétries d'information. La gouvernance financière, quant à elle, regroupe tous les éléments de gestion de l'activité de l'entreprise. Elle se décline par les stratégies d'investissement et de désinvestissement concernant les politiques de dividendes, les restructurations financières telles que les fusions et acquisitions, les divers projets de diversification et de concentration d'activités... Par ailleurs, dans le cadre de la finance d'entreprise, il faut considérer les capacités d'adaptation de la firme (Foss, 1996), au vu, par exemple, de la théorie de dépendance de sentier. En outre, les diverses caractéristiques de la firmes, telle que son activité, conditionnent les décisions de cette dernière. En effet, à titre d'exemple, la société a besoin de certaines ressources afin de pouvoir fonctionner ce qui implique la prise en compte de la théorie de dépendance aux ressources (Kreiser et Marino, 2002)... De plus, Charreaux (2002b) présente deux approches très distinctes de la gouvernance (autres que macroéconomie et microéconomie) : la vision disciplinaire et la vision productive qui ont des influences sur la recherche de financement et d'investissement. En fait, la finance d'entreprise se scinde en trois types de décision : décisions de financement, d'investissement et de rétribution. Il est possible d'identifier des relations opposées entre financement et investissement. La première, qui est généralement l'idée la plus répandue, consiste à rechercher un financement lorsque l'on a un projet d'investissement. La seconde suit le principe contraire. L'entreprise a une trésorerie qu'elle cherche à investir dans des projets. Même si cela peut induire des comportements différents aux vues des divergences de pressions suivant la relation spécifique de la situation, nous n'étudierons pas cette relation. De plus, les politiques de rétributions (rachat d'actions, payement de dividendes...) sont des cas particuliers pouvant être classées dans les deux précédentes familles (comme présenté précédemment au sein de la structure de capital et de la gouvernance financière) mais elles peuvent avoir des répercutions importantes dans l'autre catégorie. Nous analyserons donc indépendamment les politiques de financement, d'investissement et de rétribution. Les décisions de financement jouent principalement sur la structure de capital de la firme. Le financement peut s'effectuer, soit en interne, par l'autofinancement, soit en externe, par l'appel à des capitaux d'investisseurs. En fait, nous allons considérer comme financement toutes ressources possibles (inputs) quelles soient financières ou non. A titre d'exemple, les compétences des employés font partie intégrante des ressources de la firme. Toutefois, étant donné que l'ensemble des ressources de l'entreprise est valorisé par la structure de capital, et par soucis de simplification, nous étudierons le financement principalement au travers des fonds propres, de l'endettement et de leurs évolutions. L'autofinancement, issu principalement de la trésorerie d'exploitation, des cessions d'actifs et tous les moyens à disposition de la firme qu'elle alloue à telle ou telle activité, constitue le « slack managérial » ou le « surplus organisationnel » 12(*) du dirigeant. En effet, il dispose, à sa discrétion, de ces fonds. Il n'a donc pas nécessairement de relation directe avec les investisseurs. Il s'agit d'un financement immédiat et sans autorisation particulière, puisqu'il fait partie de la gestion courante des activités de l'entreprise, même si la théorie de l'agence est toujours de mise mais elle est simplement différée jusqu'aux rapports financiers. Par contre, il peut exister une gestion interne à l'entreprise concernant ce slack qui peut nécessiter une étude du comportement au sein même de la firme surtout dans le cadre de cession de branches d'activités. Lorsque le dirigeant fait appel à des investisseurs externes, le dirigeant peut choisir de pourvoir son financement par des dettes auprès des banques et des obligations ou par une augmentation de capital (voire une introduction en bourse pour les entreprises entrepreneuriales 13(*)) sur les marchés financiers. Dans ce cas, le contact avec les investisseurs est immédiat et inévitable. Il faut donc « vendre » le projet pour lequel le financement est recherché. Dans ce contexte, afin de pouvoir expliquer les décisions, nous devons prendre en compte le comportement interne à la firme mais aussi celui des investisseurs et donc le comportement externe constituant le système financier (marché et banque) et son niveau d'efficience (Postulat 3a et 3b 14(*)). La recherche, dans ce domaine, s'intéresse principalement aux questions suivantes : . Quelle est la structure de capital optimale pour une firme ? . Comment gérer les problèmes d'agence ? Dans ce contexte, l'étude du comportement s'organise principalement autour des conflits d'intérêts (Jensen et Meckling, 1976), de la rationalité des agents au sein de la gouvernance (Charreaux, 2002b) et des études sur l'efficience de marché mis à mal par les anomalies boursières (Barberis et Thaler, 2002 ; Glaser et al., 2003) voire des croyances hétérogènes (Bigus, 2003). De plus, les politiques de financement sont généralement liées à des décisions d'investissement que nous allons maintenant aborder. Si l'on considère les décisions d'investissement en tant que projet pour lequel il y a un flux financier, les différents projets peuvent se promouvoir soit en un renouvellement soit en une évolution de l'activité de l'entreprise. Ces différentes familles d'investissement peuvent, en grande partie, s'apparenter à de la gouvernance financière (Zingales, 2000 ; Charreaux 2002b). En effet, les projets d'investissements peuvent se décliner en 3 catégories : les actifs tangibles (achat ou renouvellement), les actifs intangibles (brevets...) et le capital humain (rémunération du dirigeant et des salariés). Par contre, au sein des politiques d'investissement, il existe des politiques de désinvestissement. Dans ce contexte, il s'agit d'un réajustement des investissements, un retrait d'un projet qui ne correspond plus aux attentes, voire une source de financement pour un autre projet. En fait, ces projets ne sont généralement pas étiquetés suivant leurs catégories mais plutôt suivant leurs objectifs (diversification et concentration) ou leur nature (joint-ventures, fusions et acquisitions d'entreprises, création ou cessions d'activités, élaboration de nouveaux produits, (ré)investissement dans les actifs de production...). La recherche, dans ce domaine, s'intéresse principalement aux questions suivantes : . Quel projet choisir ? A qui cela profite ? Au dépens de qui ? . Pourquoi réaliser ce projet d'investissement ? . Quelle est la stratégie d'investissement de la firme ? Dans ce contexte, l'étude du comportement se focalise principalement sur le décisionnaire et sur ses attitudes optimistes (Heaton, 2002) ou d'excès de confiance (Malmendier et Tate, 2002) voire sur ses capacités cognitives (Duhaime et Schwenk, 1983). Nous allons maintenant aborder les décisions de rétribution qui pouvaient faire partie des décisions d'investissement ou de financement. Les décisions de rétribution peuvent être considérées comme des politiques d'investissement qui affectent très largement la structure de capital de la firme. Il s'agit, d'ailleurs, d'un moyen de rémunération des « fournisseurs » de la manne financière de l'entreprise. Pour ces raisons, nous avons souhaité étudier les politiques de rétributions indépendamment des autres décisions de la finance d'entreprise. En fait, la rétribution ou redistribution financière peut s'effectuer par l'intermédiaire de politiques de dividendes et de rachats d'actions pour les actionnaires, par le payement des intérêts et des remboursements pour les banquiers. Dans ce cadre, il s'agit principalement d'une vision actionnariale de la gouvernance qui nécessite une prise en compte du comportement des acteurs internes et externes d'après la structure de Baker et al. (2004) et de Shefrin (2001). La recherche, dans ce domaine, s'intéresse principalement aux questions suivantes : . Pourquoi effectuer des projets de rétributions ? . Quel niveau doivent-elles atteindre ? . Pourquoi choisir le rachat d'actions ou le payement de dividendes ? Dans ce contexte, l'analyse du comportement s'oriente sur l'analyse de l'efficience de marché (Barberis et Thaler, 2002 ; Glaser et al., 2003 ; Shiller 1997) mais aussi sur les interactions comportementales entre le manager et les investisseurs (Baker et al., 2004 ; Baker et Wurgler, 2004 ; Fama et French, 2001). En résumé, nous postulons que la firme est un noeud de compétences spécifiques ou « répertoire de connaissances » (P1). De plus, il s'agit d'une entreprise managériale (P2). Enfin, le marché peut être considéré soit non efficient (P3a) soit efficient (P3b). L'ensemble des éléments de postulats, de facteurs et d'hypothèses, qui est ou va être effectué tout au long de notre recherche, est référencé en note de bas de page et en annexe 1. Maintenant que le domaine de la finance d'entreprise est défini, nous pouvons présenter les approches comportementales qui vont nous permettre d'introduire l'étude du comportement dans la prise de décision en finance d'entreprise.
Afin de présenter les approches comportementales, dans une perspective générale et dans une seconde rapportée à la finance d'entreprise, il nous paraît nécessaire de définir la nature de l'homme. Nous l'approfondirons lors de la présentation des dimensions et des facteurs du comportement. Enfin, nous référencerons les principales approches comportementales dont les neurosciences. En économie et surtout en finance, l'homme, « Homo Economicus »15(*), est considéré en grande majorité comme un être rationnel qui cherche à maximiser son propre intérêt (sa richesse, son utilité...). Dans le cadre de la rationalité substantive, il choisit obligatoirement la meilleure solution existante sans aucune équivoque. Simon en 1955 introduit la rationalité limitée qui induit un fléchissement des précédentes affirmations telle que la recherche de la satisfaction et non plus de la maximisation. Les travaux sur la nature de l'homme en sciences de gestion se développent de plus en plus. A titre d'exemple, diverses autres théories telles que la REMM - Ressourceful, Evaluative Maximizers Model - de Jensen et Meckling (1994), la PAM - Pain Avoidance Model - de Jensen (1998) présentent une modélisation de la nature de l'homme. En fait, tous ces éléments concernant la nature de l'homme composent implicitement, la plupart du temps, avec une étude comportementale. Toutes ces tentatives entendent promouvoir un comportement de plus en plus réaliste de l'individu au sein de la finance tout en maintenant une simplification permettant de prédire le comportement à l'aide de modèles économiques. D'ailleurs, l'évolution de la nature de l'homme au sein de l'économie peut s'effectuer au travers soit d'une vision complémentaire (révision et amélioration du cadre de la rationalité), soit d'une vision alternative (réforme ou révolution16(*) du modèle de rationalité). Dans le cadre de la rationalité, le développement de l'approche comportementale introduit et développe les caractéristiques individuelles a posteriori des théories. Cela regroupe les compétences générales ou spécifiques en tant que connaissance propre de chaque individu (contrairement à l'information qui est commun et accessible). Les perceptions différentes des opportunités ou d'autres éléments permettent une approche différente de l'innovation et de l'adaptation de l'entreprise (Charreaux, 2002b). Les émotions dans cette perspective sont principalement des freins à la réflexion ou un facteur incorporé dans l'utilité, et donc au sein de la rationalité, sans pour autant mettre à mal ce paradigme (Hermalin et Isen, 2000). L'approche par les ressources, la rationalité limitée et la prise en compte des compétences sont diverses manières de prendre en compte, implicitement, le comportement des agents dans le cadre de la rationalité. Par contre, la vision alternative tente de constituer de nouvelles hypothèses comportementales en introduisant les biais comportementaux contraires à la rationalité. En effet, dans le cadre de la rationalité, certains comportements sont considérés comme irrationnels. Si l'on introduit le développement des approches comportementales au sein des hypothèses auxiliaires des théories (donc ex ante), il est possible de constituer un paradigme comportemental comme une alternative à la rationalité puisque certains comportements peuvent à la fois paraître complètement irrationnels dans le cadre de la rationalité et suivre une logique correspondante à un cadre différent (Kahneman, 2003 ; Camerer, 2003 ; Shiller, 1997). Cette alternative tente d'établir un modèle plus général dont les hypothèses de rationalité font images de cas particuliers (voir Tableau 1). Tableau 1: Hypothèses auxiliaires des théories économiques et des alternatives comportementales(d'après Camerer, 2003 17(*))
L'objectif de cette recherche n'étant pas d'affirmer ni l'une ou l'autre des démarches, nous nous bornerons à indiquer l'étude comportementale comme seul moyen d'améliorer les théories actuelles de la finance d'entreprise sans porter de jugement sur un possible changement de paradigme. Dans ce contexte, nous effectuerons des hypothèses sur la nature de l'homme que nous allons approfondir lors de la détermination des facteurs. Sauf spécification contraire, nous supposerons que l'homme est de rationalité substantive. Par la suite, nous spécifierons quels éléments de cette rationalité nous relaxerons aux moments opportuns. Hypothèse A (HA) : L'homme est totalement rationnel (rationalité substantive). Afin de rentrer plus en avant dans la spécification de la nature de l'homme, nous présenterons tout d'abord succinctement les différentes approches comportementales à notre disposition. En fait, une étude comportementale tente de comprendre la manière d'agir ou de réagir de l'individu. Mais suivant les doctrines, les recherches n'ont pas le même centre d'intérêt. Dans un premier temps, nous présenterons donc une synthèse succincte des différentes approches comportementales dans les domaines de l'économie et des sciences de gestion afin d'avoir une vue d'ensemble. Ensuite, nous creuserons certaines de ces approches suivant les besoins de cette recherche voire introduire des approches comportementales provenant d'autres domaines comme en psychologie. Charreaux (2005, p8) référence quatre principaux courants de la littérature comportementale : finance comportementale, économie comportementale, courant comportemental « droite économie » et le courant comportemental en management stratégique. De plus, il fait allusion, sans s'y attarder, à d'autres courants comportementaux en marketing et en comptabilité comportementale. Charreaux (2005, p13) a effectué un tableau synthétisant les quatre principaux courants. Souhaitant mieux cibler notre recherche, nous avons tenté de compléter et de restructurer son tableau afin de mieux faire ressortir la place de la neuroéconomie et de la finance & gouvernance d'entreprise comportementale (voir Tableau 2). Tableau 2:Synthèse de certains courants comportementaux en économie et en sciences de gestion 20(*)
La neuroéconomie est une application des neurosciences dans le cadre de l'économie. En effet, la neuroéconomie étudie les réactions neuronales dans le cadre d'activités économiques à l'aide d'imageries cérébrales. Par exemple, les annexe 2 et 3 présentent des imageries cérébrales illustrant, pour la première, les zones d'activités cérébrales et, pour la seconde, les différences d'activités cérébrales entre une « personne novice et une personne expérimentée ». Nous allons donc parcourir succinctement les évolutions vers les approches des neurosciences cognitives21(*). Delacour (1998) présente une opposition entre l'homme cerveau et l'homme machine ou l'homme moléculaire. De plus, Delacour illustre la diversité des doctrines : 22(*) . Watson (1925) et Skinner (1938) sont les principaux précurseurs du béhaviorisme (courant positiviste) avec un modèle de Stimuli - Réflexe (S-R) qui observe des réponses à un stimuli sans prendre en compte l'activité interne de l'individu (cognitif et affectif). A ce niveau, l'homme est considéré comme une machine. Depuis les années 1960, ce courant s'est essoufflé. . Tolman (1948) avec la carte cognitive . Lycan (1991) avec les états mentaux (Folkspsychology). De plus, il existe des approches psychanalytiques (communément classées dans le courant constructiviste) qui analyse les raisons inconscientes, les attitudes, les valeurs, les schémas mentaux du sujet individu (cognitif et subjectif). D'ailleurs au sein de ces courants, les comportements considérés comme irrationnels dans le cadre de l'Homo Economicus peuvent avoir une explication « rationnelle ». En effet, à titre d'exemple, dans le cadre de la sociologie, l'homme recherche la reconnaissance sociale et non la maximisation de sa richesse. Par contre, en psychanalyse, tout agissement est effectué en vu d'assurer l'identification du sujet (individu). Afin de ne pas rester cloisonné dans le paradigme économique de rationalité et pouvoir plus facilement faire des emprunts dans les autres courants, nous allons éviter de catégoriser les comportements comme rationnels ou non. En effet, nous présenterons les éléments du comportement comme moyen d'expliquer la réalité sans pour autant leur attribuer une valeur de rationalité qui reste subjective ou emprisonnée dans des cadres de référence. Maintenant que les domaines de recherche sont présentés, comment définir le comportement, ses dimensions et ses facteurs ? Quelles sont les dimensions comportementales les plus adéquates à l'analyse du comportement dans le domaine de la finance d'entreprise ? Quelles sont les dimensions les plus prometteuses pour la recherche en finance d'entreprise ? Existe-t-il une typologie du comportement ? Il existe une multitude de dimensions du comportement : . Contrôlé vs23(*) Automatique, . Intentionnel vs Spontané . Acquis vs Inné, . Conscient vs Inconscient, . Actif vs Passif, . Cognitif vs Affectif, . Individuel vs Collectif... D'après Camerer et al. (2004, p14), les catégories « réaction automatique ou contrôlée » seraient trop inégales voire pour certaines presque inexistantes. En effet, ces catégories montreraient seulement une petite différence dans l'aménagement du comportement et donc entraîneraient plus une répétition qu'une avancée dans la recherche. Nous effectuerons donc, lorsque cela sera utile, un aparté présentant la différenciation entre un comportement contrôlé et automatisé. De plus, Charreaux (2002a, p34) distingue deux types de comportement. Une décision peut être « intentionnelle » au sens où les mécanismes sont formalisés, comme le conseil d'administration, ou « spontanée » (mécanismes informels), par exemple la culture d'entreprise. Dans ces conditions, certains agissements peuvent être considérés comme imposés et d'autres comme suggérés. De même, au lieu de présenter les éléments acquis ou innés qui pourraient être redondants pour les mêmes comportements, nous présenterons plutôt en généralité les origines de ceux-ci, si cela a une forte importance. Par contre, nous présenterons le processus d'apprentissage qui joue un rôle important dans le comportement mais surtout en finance d'entreprise pour les acteurs. Les dimensions Conscient/Inconscient ou Actifs/Passifs sont respectivement l'apanage des domaines des théories psychanalytiques et de la sociologie. Nous ferons peut-être allusion à ces dimensions à certains moments mais cela ne semble pas constituer les pièces explicatives maîtresses dans notre domaine de la finance. Les comportements peuvent être dus à un raisonnement cognitif ou à une sensibilité affective. Cette dimension est principale dans tous les domaines de la psychologie et de la sociologie (Camerer et al., 2004 ; Rabin, 2002). Par contre, en finance, déjà cette dimension n'est pas tellement prise en compte explicitement, mais en plus, l'aspect émotionnel est en grande majorité inexistante (Lowenstein, 2000, p426) ou simplement perçu comme un frein à la cognition (Charreaux, 2005, p 13-14 ; Hermalin et Isen, 2000). En effet, Kahneman (1991, p145) présente les émotions comme un nouveau domaine de recherche pour expliquer le jugement et les prises de décisions qui est pourtant un domaine dans lequel la psychologie a déjà beaucoup contribué contrairement à la finance d'entreprise. Depuis, l'étude de l'affectif en finance s'est principalement focalisée sur l'excès de confiance et l'optimisme des investisseurs (Glaser et al., 2003) et des dirigeants (Baker et al., 2004 ; Heaton, 2002) voire sur les stratégies d'interactions entre individu (Hermalin et Isen, 2000). Pourtant, cette dimension semble pouvoir permettre un développement des théories explicatives du comportement lors de prises de décision en finance d'entreprise. Suivant les courants, les dimensions du comportement peuvent évoluer24(*). A titre d'exemple, en psychologie ou psychanalyse, l'étude du comportement se focalise sur l'individu (« le sujet »25(*)). Contrairement en sociologie, seul le comportement du groupe d'individu a son importance. Ils ne s'intéressent pas à l'individu. En finance et gouvernance d'entreprise, la dimension Individuel/Collectif a son intérêt puisque le dirigeant doit agir suivant les règles qui lui sont imposées. Ces règles peuvent être politiques, juridiques...26(*) afin d'assurer le bon fonctionnement des organisations. A présent, nous avons présenté un certain nombre de dimensions. Nous allons établir une typologie du comportement. Camerer et al. (2004, p1027(*)) ont présenté une typologie utilisant les dimensions Cognitif/Affectif et Contrôlé/Automatique dans le cadre individualiste. Mais cela ne semble pas correspondre au mieux au domaine de la finance puisque Camerer et al. (2004), eux-mêmes, ont précisé (p14) que la répartition était inégale voire limitée principalement à deux profils (affectif automatique et cognitif contrôlé) sur les quatre présentés. De plus, il est difficile en finance d'entreprise de déterminer le niveau de contrôle des éléments comportementaux (e.g. pensées magiques...). Par contre, Greenfinch (2005) a présenté une typologie du comportement suivant les dimensions Cognitif/Affectif et Individuel/Collectif qui semble prometteuse pour la finance et la gouvernance d'entreprise. Le vocabulaire n'étant pas normalisé et étant donné que le classement, suivant ces dimensions, peut être contesté dans chacune de ces dimensions et semble, de plus, être déjà discuté par les commentaires de Greenfinch sur son site internet, nous allons donc tenter de concilier tous ces éléments dans le tableau suivant. Tableau 3: Introduction à la variété et à la multitude des biais comportementaux 28(*)
(*) Unités de transmission culturelles Maintenant que nous avons choisi une typologie du comportement, nous allons sommairement référencer les différents éléments de ces dimensions, afin de mieux expliciter les possibles retombés en finance et gouvernance d'entreprise. Cognitif Affectif Raison Coeur Comportement Schéma 001: Dimension Cognitif vs Affectif du comportement « Le coeur a ses raisons, que la raison ne connaît point ; on le sait en mille choses. [...] » Pascal, Pensées (1657-1662), n°277, p134. Comme le présente Pascal, nous allons donc considérer que le comportement est tiraillé entre le coeur, soit l'affectif, et la raison, soit le cognitif. En effet, la vision de l'individu ne peut être réduite à celle d'une machine. C'est un être complexe qui a ses propres schémas cognitifs (Mullainathan et Thaler, 2000) et des compétences, des perceptions différentes - théories cognitives de Charreaux (2002a) - . De plus il ressent des émotions (Hermalin & Isen, 2000) et structure son propre système de préférences (Camerer, 2003). D'ailleurs, la neuroscience, grâce aux imageries cérébrales, permet de mieux savoir quels sont les éléments du cerveau qui ordonnent le comportement. Etant donné que les experts en neuroscience savent déterminer qu'elles sont les parties du cerveau qui représentent un raisonnement cognitif ou un élan émotionnel29(*), il devient possible de pouvoir savoir la proportion ou plutôt l'intensité d'activité des zones cérébrales propres au raisonnement ou au sentiment qui conduit à effectuer tel ou tel comportement. Par le terme cognitif, nous entendons tous les systèmes et mécanismes de raisonnement. Cela regroupe les schémas mentaux - telles que l'analyse séquentielle, la tendance à rechercher des éléments de confirmation et non d'infirmation (Shefrin, 2001) -, les références (Kahneman, 2003), et les compétences propres à chaque individu (Malmendier et Tate, 2002). L'affectif regroupera l'ensemble des perceptions, des sensations, des émotions, des humeurs et des sentiments que l'on évoque communément en parlant de « ressenti ». Les émotions regroupent non seulement des sentiments positifs (joie...) (Hermalin et Isen, 2000) ou négatifs (peur...) mais aussi d'autres sentiments viscéraux issus du besoin naturel ou « animal » - tels que la faim, la soif, le désire - et la douleur (Lowenstein, 2000). Ce système Cognitif et Affectif est intrinsèquement lié à l'environnent de la prise de décision. En effet, un individu réagit différemment s'il est en société. Psychologie Sociologie Individu Groupes Comportement Schéma 002: Dimension Individuel vs Collectif du comportement Le comportement est déterminé aussi bien par le coeur & la raison (psychologie) de l'individu que par des groupes ou réseaux (sociologie) auprès desquels l'individu est en relation. Parmi les diverses contributions, nous allons en présenter certaines. D'après Brunner (1987) avec sa théorie de l'homme socialisé, jouant un rôle et sanctionné30(*), la société détermine la nature de l'homme. En effet, l'influence d'un groupe peut avoir deux natures différentes. La première consiste à être en relation avec d'autres individus ou groupes d'individus. La seconde se crée dans la configuration entre membres du même groupe. D'ailleurs, Charreaux (2003, p6) présente une relation d'intégration ou d'interorganisation. Mais tout d'abord, nous présenterons les éléments génériques de la prise en compte de l'influence des groupes. Les dirigeants sont influencés par les groupes (Shefrin, 2001, p10). En effet, l'individu prend des décisions en interaction avec différents environnements et réseaux sociaux (Charreaux, 2003, p7-8). L'individu remet constamment en jeu sa légitimité, son pouvoir, son intégration et sa réputation... (Charreaux, 2003, p6) L'analyse des influences des groupes s'inspire des théories de la perspective (Kahneman, et Tversky, 1979), des jeux et du mimétisme. Tous ces éléments déterminent le comportement de l'individu envers autrui. Dans le cas de la relation avec autrui, l'individu doit prendre en compte la dépendance aux ressources et le niveau d'incertitude de l'environnement (Kreiser et Marino, 2002). Le dirigeant a besoin d'adapter son comportement lorsqu'il est en relation avec autrui. Il faut, par ailleurs, distinguer le rôle des investisseurs et des managers (Backer et al., 2004, p1-2). D'ailleurs Backer et al. (2004) ont inspiré le tableau suivant dans le cadre de la rationalité substantive : Tableau 4: Cadre théorique de l'Interaction entre Managers et Investisseurs
D'après Baker et al. (2004, p34), le dirigeant, s'il est rationnel, tentera de maximiser son utilité (d'où le terme « Maximisation » dans le tableau 4). Dans le cas où le marché serait inefficient, ce même dirigeant tentera de corriger le cours du marché afin qu'il reflète la valeur de l'entreprise. Par contre, un marché efficient jouera un rôle disciplinaire qui aura encore plus d'intérêt si le manager n'est pas rationnel afin de contenir ce comportement divergent. Le cas particulier de rationalité ou de non rationalité des deux types d'agent n'a pas été étudié dans cette étude. Le premier est le seul très largement traité par les recherches en finance d'entreprise même si celles-ci ne présentent pas explicitement l'attrait de l'étude du comportement. En effet, Baker et al. (2004) et Shefrin (2000) étudient indépendamment la non rationalité des managers et des investisseurs en postulant réciproquement l'efficience de marché (Postulat 3b) et la maximisation (Hypothèse A33(*)). En fait, l'étude du comportement se réduit ni à une dimension binaire (rationnel ou non) ni à une vision actionnariale (Charreaux, 2002b) mais reprendra toutes les dimensions précédemment présentées comme celles de Camerer et al. (2004). L'étude des réseaux sociaux prend toute son importance au sein des approches partenariales de la gouvernance (Charreaux, 2002a, p26). Les systèmes de gouvernance, dont le conseil d'administration (Forbes et Milliken, 1999 ; Charreaux, 2003 ; Morck, 2004)..., sont les principaux réseaux influençant le dirigeant en finance d'entreprise. Chaque membre du même groupe est en interaction avec les autres. En effet, ces groupes incitent et génèrent une décision collective après échange d'opinion et élaboration d'une réflexion collective (Anderson, 1983). Dans ce domaine, le conseil d'administration, suivant sa composition ou d'autres critères, joue un rôle disciplinaire (La Porta et al., 2000) et productif (Charreaux, 2002, p2634(*)). Dans ce cadre, tout élément influençant le rôle, la constitution et les divers critères du fonctionnement des conseils d'administration sont à prendre en compte. De plus, la finance d'entreprise incorpore aussi des perspectives stratégiques (Foss, 1996) comme celle de la réciprocité (Hermalin et Isen, 2000). Nous expliciterons, à mesure de notre progression, différents éléments des interactions du dirigeant avec des groupes35(*). D'ailleurs afin de faciliter les introductions des différents éléments constituant les dimensions du comportement, nous allons formaliser les facteurs explicatifs de l'ensemble de ces dimensions qui vont constituer notre grille de lecture pour cette recherche.
Pour chacune de ces dimensions, il est nécessaire de définir les facteurs représentant les divers comportements. Étant donné que pour certains éléments du comportement il y a souvent une interaction entre le cognitif et l'affectif et entre l'individuel et le collectif pour la prise de décision, nous tenterons de présenter des éléments d'une manière générale puis pour chacun d'entre eux nous déterminerons les facteurs qui sont propres à chaque dimension. Nous pourrons donc avoir certains éléments ayant des facteurs aussi bien en cognitif ou en affectif ou uniquement dans l'une des deux dimensions. Dans ces conditions, il est intéressant de tenter de constituer des familles de comportement. Dans le cadre de la rationalité substantive, les économistes assument que l'individu a une connaissance des aspects pertinents de son environnement au moins de manière claire et abondante si elle n'est pas complète. Il a un système de préférence bien organisé et stable. De plus, il a les compétences nécessaires pour évaluer l'ensemble des alternatives possibles et atteindre le point maximal de son échelle de préférence (traduit de Simon, 1955, p99). Simon (1955, p99), pour son modèle de rationalité limitée, introduit des conditions d'accès aux informations et des capacités de calcul. Afin de pouvoir comparer et faciliter les relations entre le paradigme de la rationalité et nos travaux, nous classerons donc en 4 critères les biais comportementaux : 36(*) . Niveau de connaissance de l'environnement (aF) . Etablissement du système de préférence (bF) . Capacité d'évaluation des alternatives (cF) . Critère de sélection ou de non sélection (dF) En effet, Les biais comportementaux se déclinent, d'une part, par une identification des alternatives d'après l'étude de l'environnement, d'autre part, par une hiérarchisation des préférences, ensuite, par une évaluation des événements, et, enfin, par une prise de décision suivant certains critères de décisions. Par exemple, la rationalité substantive se traduit d'après ces critères par une connaissance pertinente (aF1) et claire (aF2) de l'environnement, par une préférence stable (bF1) et bien organisée (bF2), par une capacité calculatoire illimitée (cF1) et simultanée (cF2), et, enfin, par la recherche de maximiser (dF1) son utilité (dF2). Décision(s) Connaissance de l'Environnement Système de Préférences Capacité d'Evaluation Critères de Sélection Schéma 003: Critères comportementaux du processus de décision Bien évidemment, la hiérarchisation des critères et des facteurs n'a aucune valeur explicative ou de classement important. Cette présentation a pour but de faciliter l'étude du processus de prise de décision. En effet, généralement, la première étape est la collecte d'information de manière active ou passive qui peut être réajustée tout au long du processus de décision suivant les besoins des prochaines étapes. Puis, les trois autres critères sont étudiés en grande partie indépendamment bien qu'il est impossible d'exclure une interaction puisque chaque élément peut influencer les autres. De plus, chaque décision faire évoluer l'environnement et donc la connaissance que l'individu en a. Il faut donc tenir compte de l'évolution perpétuelle de l'environnement et s'y adapter (feedback, apprentissage)37(*). Nous allons définir différents facteurs et poursuivre cette classification étape par étape suivant ces 4 critères (sans pour autant prétendre être totalement exhaustif). De plus, étant donné que cette classification n'est pas normalisée, elle peut être contestée. D'ailleurs, certains facteurs peuvent faire partie de plusieurs critères. Mais, pour ceux-là, nous ne les nommerons que dans la catégorie qui nous semble le plus en adéquation. L'ensemble de ces facteurs permettra d'émettre des hypothèses dans les parties suivantes de cette recherche. Afin d'alléger la rédaction, Il est également évident que nous présenterons les biais comportementaux d'une manière absolue même s'il peut arriver que certains « agents d'exception » contredisent certaines affirmations considérées comme « gratuites ». En fait, nous ambitionnons de constituer une grille de lecture qui permet d'analyser les influences en finance d'entreprise de différents comportements. Comme l'illustre le schéma 3, la connaissance de l'environnement est l'élément de base commun pour l'élaboration des autres critères. La plupart des biais de ce critère sont présents dans chacune de ces étapes. D'après le paradigme de la rationalité substantive, l'homme a une connaissance pertinente (aF1) et claire de l'environnement (aF2). Ces facteurs identifient la qualité des informations (Simon, 1955, p99). Facteur a1 (aF1) : une connaissance pertinente de l'environnement. Facteur a2 (aF2) : une connaissance claire de l'environnement. Mais quels sont les biais comportementaux pouvant altérer cette vision ? Quels sont les éléments constituant la connaissance de l'environnement ? Simon (1955, p106) introduit le niveau d'accès aux informations. D'ailleurs, l'asymétrie d'information est un élément important au sein des théories en finance d'entreprise. En effet, il faut dans un premier temps récolter des informations sur l'environnement, puis sélectionner et traiter les informations pertinentes pour quelles deviennent des connaissances et enfin les incorporer dans sa prise de décision. La récolte et la sélection des informations peuvent être altérées par des habitudes ou routines (Cyert et March, 1963), une dissonance cognitive ou affective (Shiller, 1997), un biais de confirmation (Shefrin, 2001) et une surcharge cognitive (Hallowell, 2005) qui peuvent entraîner une destruction de la création sens - cas du « Mann Gulch Disaster » de Weick (1993) - . Les routines révulsent la recherche d'information. Nous présentons succinctement ces différents biais. La dissonance cognitive ou affective sélectionne uniquement les informations en faveur des préjugés de l'individu ou réfutant les autres alternatives. Tandis que le biais de confirmation recherche en priorité des éléments légitimant la vision de l'individu et ne recherche nullement des infirmations pour cette possibilité ou pour d'autres alternatives, même si cela serait plus simple. La surcharge cognitive bloque toute assimilation de nouvelles informations lorsque le cerveau ou l'esprit de l'individu est en saturation et ne peut donc plus traiter d'informations supplémentaires ce qui peut entraîner un manque d'attention et une baisse de performance (Hallowell, 2005). Facteur a3 (aF3) : habitudes et routines. Facteur a4 (aF4) : dissonance cognitive ou affective. Facteur a5 (aF5) : biais de confirmation. Facteur a6 (aF6) : surcharge cognitive ou affective. D'un autre côté, le traitement de l'information et l'incorporation des connaissances environnementales dans la prise de décision génèrent des référentiels. Les biais de référence se déclinent par l'ancrage, le cadre, la suggestion, les croyances (Camerer, 2003 ; Kahneman, 2003 ; Kahneman et Tversky, 1979 ; Rabin, 2002 ; Shefrin, 2001)... De même nous allons faire une présentation succincte de ces éléments. L'ancrage est le point de départ de toute décision et toute la suite est influencée par ce point.38(*) Le cadre est la manière de présenter l'information qui met en exergue un partie de l'information communiquée pouvant influencer la décision. Bien évidemment, les suggestions ou extrapolations ou prévisions induisent un traitement vers cette perspective. Les croyances peuvent avoir le même rôle que les suggestions même si leurs origines sont différentes. Facteur a7 (aF7) : ancrage. Facteur a8 (aF8) : cadre. Facteur a9 (aF9) : suggestion. Facteur a10 (aF10) : croyance. En résumé, les comportements affectant la connaissance environnementale se scindent en deux groupes : biais de récolte ou de sélection d'informations et biais de traitement ou d'utilisation des connaissances (références). En fait, une prise de décision est une réadaptation des points de référence du décideur. Cette adaptation est d'autant plus difficile suivant la qualité d'accès aux informations présentées durant le précédent paragraphe. L'ensemble des connaissances environnementales de l'individu lui permet d'établir son système de préférence que nous allons traiter maintenant. D'après la rationalité substantive, le système de préférence est stable et bien organisé (Simon, 1955, p99). Il est statique. Facteur b1 (bF1) : un système de préférence stable dans le temps. Facteur b2 (bF2) : un système de préférence bien organisé/hiérarchisé. Qu'en est-il vraiment ? Comment constituons-nous notre système de préférence ? Est-il immuable et structuré ? Quels sont les éléments du comportement qui influencent notre système de préférence ? Il est possible de concevoir un système de préférence évoluant dans le temps (Rabin, 2002, p18). De plus, ce système peut être constitué de différents choix de même niveau d'appréciation (Simon, 1955, p108-109). Le classement n'est pas nécessairement hiérarchisé stricto sensu. D'ailleurs, le système de préférence s'organise principalement autour de la perception de la valeur, et du « danger ». Nous présenterons succinctement ces différents éléments. D'une part, la perception de la valeur oscille en fonction du type de flux, du temps, de la localité et de la propriété. En effet, l'individu évalue non pas une valeur absolue mais une valeur relative qui fait donc appel à une valeur de référence (Rabin, 2002, p9-10). Il est averse aux pertes (Camerer et al., 2004). De plus, lors de choix intertemporels, l'agent a tendance à être sujet à la myopie (Shiller, 1997). En effet, les variations à court terme sont perçues plus importantes que celles à long terme. L'effet de myopie peut aussi affecter les choix ayant une influence sur la localité. En effet, l'individu est plus enclin à choisir ce qui est le plus proche géographiquement. Il s'agit du biais de domicile (Barberis et Thaler, 2002 ; Greenfinch, 2005). De plus, un individu valorise bien plus l'objet dont il est propriétaire. En fait, si l'on considère l'effet de dotation, la théorie de Coase (Coase, 1937) peut être mise à mal (Kahneman, 2003, p164 ; Charreaux, 2005, p5, Rabin, 2002, p9). En effet, l'effet de dotation consiste à prendre en compte l'influence de la propriété, et surtout de la volonté d'être propriétaire, qui peut engendrer un déséquilibre entre les différents coûts de cette comparaison, en particulier en surévaluant ses biens lorsqu'il envisage de vendre. Facteur b3 (bF3) : valeur relative. Facteur b4 (bF4) : aversion aux pertes. Facteur b5 (bF5) : myopie temporelle. Facteur b6 (bF6) : biais de domicile. Facteur b7 (bF7) : effet de dotation. D'autre part, la perception du « danger » s'effectue au travers de la perception du risque (une probabilité) et de l'incertitude (Baker et al., 2004). Le risque est une probabilité connue de la « difficulté ». L'agent peut avoir 3 types d'attitude face au risque : aversion au risque, neutre ou preneur de risque. Toutefois, l'attitude la plus répandue est l'aversion aux risques (Shefrin, 2001 ; Camerer, 2003 ; Camerer et al., 2004). L'incertitude, quant à elle, est due à l'inconnu, au manque d'information. Il s'agit de tout évènement non prévisible influençant le projet. De même, l'individu est généralement averse à l'incertitude quand il s'agit de gain et inversement si cela concerne des pertes (Camerer, 2003 ; Camerer et al., 2004). D'ailleurs, par peur de l'incertitude, l'individu adopte une posture conservatrice et se refuse donc toute décision pouvant modifier leur état actuel (Anderson, 1983). Facteur b8 (bF8) : aversion aux risques. Facteur b9 (bF9) : aversion à l'incertitude pour les gains. Facteur b10 (bF10) : préférence pour l'incertitude en cas de pertes. Facteur b11 (bF11) : conservatisme. En résumé, le système de préférence peut se classer en biais de valeur et de danger. Maintenant que le système de préférences est établi de manière générale, il faut évaluer les alternatives propres à la situation. Dans le cadre de la rationalité substantive, l'individu est considéré avoir les compétences qui lui permettent d'évaluer l'ensemble des alternatives correctement Simon (1955, p99). Par contre, la rationalité limitée de Simon (1955, p101) considère que l'individu a une capacité limitée. Facteur c1 (cF1) : une capacité calculatoire illimitée. Facteur c2 (cF2) : une capacité calculatoire simultanée. Quelle est la réelle capacité/compétence de l'individu ? Quels sont les biais comportementaux qui affectent les capacités de l'agent ? Nous allons regrouper les capacités d'évaluation en éléments de capacité de calcul et les autres au sein de ceux modifiant l'évaluation des alternatives. Parmi les éléments influençant les capacités de calcul, nous pouvons référencer des éléments tels que l'apprentissage ou la connaissance, le compartimentage mental39(*), les erreurs de représentativité (Camerer et al., 2004 ; Lowenstein, 2000 ; Shiller, 1997)... En effet, l'apprentissage et la connaissance permettent de développer les capacités cognitives qui sont utilisées pour effectuer les évaluations. Le compartimentage, quant à lui, réduit voire exclu la possibilité d'évaluer simultanément les alternatives. Mais ce biais effectue une distinction entre les éléments réduisant les interactions entre différents éléments que ce soit pour éviter les amalgames inintéressants que de tirer parti d'expériences qui ne sont pas directement liées à la situation. L'analyse des alternatives est donc, la plupart du temps, séquentielle. En effet, tout biais peut avoir un rôle positif ou/et négatif. De plus, les erreurs de représentativité génèrent des erreurs de calculs lorsque l'on étudie des sous-familles de probabilités par exemple. Facteur c3 (cF3) : apprentissage. Facteur c4 (cF4) : capacité cognitive et affective. Facteur c5 (cF5) : compartimentage mental. Facteur c6 (cF6) : erreurs de représentativité. En plus de ces biais, les évaluations des alternatives peuvent être sujettes à différents biais modifiant l'évaluation tels que l'optimisme, l'excès de confiance, le contrôle des évènements (Camerer et al., 2004 ; Duhaime et Schwenk, 1983). L'optimisme (Parisi et Smith, 2005) augmente la probabilité de succès de l'événement. Tandis que l'excès de confiance ou « surconfiance », contrairement à l'optimisme, diminue les niveaux de risques perçus ou augmente la plus-value puisqu'il surévalue les capacités de l'individu (Baker et al., 2004). De plus, l'individu peut croire avoir un niveau de contrôle de l'événement même si cela n'est pas réel. En effet, la pensée magique consiste à inventer une relation de cause à effet lors des agissements de l'agent. D'ailleurs, la création de sens a posteriori est un processus largement usité afin de légitimer l'action, la décision (Weick, 1993). Facteur c7 (cF7) : optimisme. Facteur c8 (cF8) : excès de confiance ou « surconfiance ». Facteur c9 (cF9) : pensée magique ou création de sens. En résumé, les biais de capacité d'évaluation se déclinent en biais de capacité de calcul et en biais de modification des évaluations. Une fois que l'évaluation est achevée, il est nécessaire d'identifier les critères de sélection du processus de décisions et donc les biais comportementaux les affectant. D'après le paradigme de la rationalité substantive, l'agent cherche à maximiser son utilité (Simon, 1955, p99). En effet, il est totalement égoïste. Facteur d1 (dF1) : L'homme cherche à maximiser. Facteur d2 (dF2) : Le critère de sélection de l'alternative est l'utilité calculée. Que recherche l'agent lors de prises de décisions ? Comment effectue-t-il son choix ? Quels sont les biais comportementaux pouvant expliquer le choix ? Quel est le mécanisme décisionnel usité permettant la sélection d'une alternative ? A la fin du processus de décision, l'individu, s'il n'est pas obligé d'agir peut décider de ne prendre aucune décision (Anderson, 1983). Dans tous les autres cas, différents biais comportementaux influencent explicitement ou implicitement la prise de décision. Un choix se traduit par une stratégie et un critère de sélection. La stratégie peut être une maximisation ou une satisfaction (Simon, 1955) ou tout simplement une obligation soit par manque de choix soit par un besoin de survie (Anderson, 1983) voire par hasard (Cohen et al., 1972). Facteur d3 (dF3) : L'homme cherche une décision satisfaisante. Facteur d4 (dF4) : L'homme est contraint par défaut. Facteur d5 (dF5) : L'homme est contraint par besoin. De plus, l'individu a différents intérêts qui peuvent relever d'une posture égoïste ou altruiste (Jensen, 1998 ; Rabin, 2002, p13). Il peut être égoïste au travers de la recherche de l'amélioration de son utilité, de sa réputation, de sa légitimité... L'altruiste, quant à lui, agit dans l'intérêt d'autrui ou de la société. De plus, il existe différentes stratégies d'interaction avec autrui, telle que la recherche de réciprocité dans une logique d'intérêt commun (Hermalin et Isen, 2000, p12-13) ou de loyauté (Morck, 2004). Facteur d6 (dF6) : égoïsme. Facteur d7 (dF7) : altruisme. Facteur d8 (dF8) : réciprocité. Facteur d9 (dF9) : loyauté. En fait, dans cette catégorie, il existe une multitude de critères que nous ne pouvons pas nous contenter de juxtaposer en les présentant. Sans affirmer que les uns sont moins importants que les autres, nous exposerons ceux qui nous paraissent le mieux correspondre aux comportements que nous explorons. En résumé, les critères de sélections se répartissent entre les biais de stratégie ou de niveau d'acceptation et les biais d'intérêt/d'objectif. L'objectif de cette partie était de structurer les biais comportementaux au sein du processus de prise de décision. La globalité des critères et des facteurs comportementaux sont repris dans l'annexe 1 afin de facilité la réminiscence de tous ces éléments. L'ensemble du contexte et de la grille de lecture des biais comportementaux dans le cadre de la finance d'entreprise étant établi, nous passons à la revue de la littérature qui pourrait constituer le champ de la finance d'entreprise comportementale. Comme lors de toute décision en finance d'entreprise, l'individu suit un schéma de décision. Notre synthèse de la littérature présentera donc, en préambule, le processus de décision. Ensuite nous verrons les contributions à la finance d'entreprise comportementale pour la recherche de financement, pour les projets d'investissement et pour les politiques de rétribution. Bien évidemment, nous ne pourrons pas être exhaustif. Nous allons donc présenter quelques illustrations des biais comportementaux en finance d'entreprise tout au long de cette revue de la littérature. Nous avons déjà présenté la nature de l'homme qui influence les comportements. De plus, ces comportements s'animent au sein d'un processus de décision constitué de différentes étapes. Le processus de décision est un agencement de comportements. Le processus de décision peut donc, lui aussi, à l'aide des approches comportementales, générer un plus grand pouvoir explicatif lors de prises de décision. Hypothèse 1 (H1) : Le processus de décision a un pouvoir explicatif sur les décisions en finance d'entreprise. Quels types d'agencement de comportements les processus de décision génèrent-ils ? Est - ce que les comportements agencés différemment procurent des résultats différents ? Quels sont les comportements pris en compte dans les processus de décision ? En effet, Anderson (1983) analyse la prise de décision durant la crise des missiles de Cuba. Dans ce contexte très particulier, les approches traditionnelles de la prise de décision semblent ne pas convenir. Pour cela, il développe une alternative intermédiaire entre le système de prise de décisions traditionnelles, rationnelles, et le Garbage Can Model 40(*)de Cohen, March et Olsen (1972). Il s'agit de la prise de décision par objection. Nous allons donc, à notre tour, répertorier les interactions entre le processus, les différents biais comportementaux et les influences sur la décision en finance d'entreprise. Au sein des théories s'intéressant au processus de décision, nous pouvons identifier deux dimensions. Il est bien évident que d'autres dimensions pourraient être présentées mais celles-ci semblent le mieux correspondre à notre recherche. La première est le niveau de « structuration » du processus, la seconde est le niveau de « socialisation ». Nous allons simplement illustrer ces dimensions par quelques exemples. Tableau 5: Les dimensions des théories du processus de décision
Dans la première dimension « Structuration », les théories traditionnelles, telle que la théorie décisionnelle de March et Simon (1958), sont très structurées et ne concernent qu'un seul individu. A l'opposé, certaines théories, comme le Garbage Can Model de Cohen et al. (1972), instaurent leur théorie dans un environnement anarchique sans aucune dimension sociale. A partir de ces théories, il y a une socialisation des théories traditionnelles par les théories comportementales comme celles de Cyert et March (1963) et une socialisation du modèle de la poubelle par Masuch et LaPotin (1989) même s'ils introduisent une structure seulement hiérarchique qui ne ressemble pas aux processus structurés des théories traditionnelles. A celles là s'ajoute des théories hybrides, comme le processus de décision par objection d'Anderson (1983), qui relèvent d'un processus social qui se situe entre une itération anarchique et une logique structurée vers laquelle elles tendent. Reprenons succinctement une présentation de ces différentes théories. Dans un premier temps, les approches traditionnelles de la prise de décision correspondent à une étude rationnelle du comportement. Cette vision traditionnelle d'après Anderson (1983, p201) se décompose en cinq étapes successives : identifier les objectifs, chercher les alternatives, prédire les conséquences, évaluer les résultats et finalement sélectionner la meilleure alternative. Par contre, le Garbage Can model de Cohen et al. (1972) répond à cette très forte structuration qui semble utopique par une autre extravagance : l'anarchie dans la prise de décision. En fait dans ce contexte, seul le hasard permet la rencontre fortuite de problèmes et de solutions auprès d'un « décideur » qui n'est considéré que comme un incubateur passif. Il n'a donc aucune influence dans la décision. Dans ce contexte, le comportement de l'individu est neutre. Dans un second temps, Cyert et March (1963) étudient le processus de résolution de conflits au sein d'une organisation considérée comme une coalition interactive d'individus avec des objectifs différents. Masuch et LaPotin (1989, p40), quant à eux, tentent de combiner le choix ambigu avec un processus de décision au sein d'une structure en s'appuyant sur le Garbage Can Model. Ils calquent leur démarche sur le développement de modèle informatique de l'intelligence artificielle (IA). Dans ces conditions, des facteurs, telles que la capacité cognitive, les aspirations, les préférences..., émergent. Enfin, partant des processus traditionnels et en s'inspirant des Garbage Can model, Anderson (1983) présente un processus de prise de décision par objection. Ce dernier prône principalement une argumentation sociale, une découverte successive des objectifs - dont le refus d'aggraver la situation - et une analyse séquentielle des alternatives. Afin de mieux appréhender l'importance du processus de décision et la diversité de ces courants, nous étudierons les impacts des biais comportementaux en commençant par la connaissance de l'environnement. Comment le processus de décision peut-il influencer la connaissance de l'environnement ? Quels sont les biais informationnels et de références qui peuvent affecter le processus ? En fait la première étape d'un processus de décision est une étude de l'environnement. Les processus de récolte et de sélection d'information en sont les premiers éléments. Dans une logique stratégique, l'identification de l'environnement par la perception des besoins et des opportunités est la première étape de toute bonne politique décisionnelle (Kreiser et Marino, 2002). Pour cela il faut avoir un accès à l'information pertinente (aF142(*)) qui est le cas dans le cadre de la rationalité substantive (Hypothèse A). Or, Masuch et LaPotin (1989, p41) introduisent trois niveaux d'accès et la prise en compte de l'énergie dispensée. En effet, l'accès à l'information, dans la réalité, se décline soit par un accès total, soit par un accès par rang soit par un accès spécifique. L'accès total permet l'obtention d'une connaissance de l'ensemble des éléments. L'accès par rang ne procure qu'une partie des informations soit de ses homologues des autres départements ou de son propre département. Enfin, l'accès spécifique réduit la prise d'information strictement aux seuls éléments qui le touche vraiment. De plus, il doit répartir son énergie sur l'ensemble de ses activités puisqu'elles sont consommatrices d'énergie. Cette énergie est donc sujette à différents facteurs (aF de 3 à 643(*)). En effet, tous ces facteurs sont des éléments de résistance à la capacité de récolte des informations. Les habitudes (aF344(*)) permettent d'économiser de l'énergie puisque l'individu effectue les mêmes décisions sans réévaluer à chaque fois la situation. Toutefois, si celui-ci souhaite réadapter son comportement, cela lui coûtera de l'énergie afin d'aller à l'encontre de ses routines et il en est de même pour ces idées préconçues (dissonances cognitives et affectives, aF4) (Shiller, 1997, p7-8). D'ailleurs, le manque d'énergie conduit à une surcharge cognitive ou affective (aF6) ce qui sature les possibilités de récolte et de sélection d'informations (Hallowell, 2005). De plus, parmi les théories présentées, seule la décision par objection n'est pas sujette au biais de confirmation (aF5) puisqu'il s'agit de la seule démarche préconisant la recherche de critique aux éléments apportés et non plus des argumentations en sa faveur (Anderson, 1983). Maintenant que ces informations sont sélectionnées, quel est le processus de traitement de ces informations ?
Ces biais sont les éléments affectant la transformation de l'information en connaissance pour l'individu étudié si nous ne considérons pas le Garbage Can Model de Cohen et al. (1972) qui n'effectue aucun traitement de l'environnement (hasard). En effet, la connaissance claire de l'environnement (aF2) ne semble pas être de vigueur à chaque instant. Pour cette raison, Anderson (1983, p211), avec son principe de décision par objection, prévoit une réévaluation des objectifs durant son processus de décision. De plus, il débute son approche par une évaluation de la situation actuelle en présentant un objectif principal ou plutôt une obligation de ne pas aggraver la situation. Il s'agit bien d'un ancrage (aF7) du processus décisionnel par rapport à un point initial ou d'origine. Ensuite, le processus fonctionne par proposition (aF945(*)) d'un enchaînement d'actions avec argumentation. Bien évidemment, lorsqu'une suggestion (aF8) est faite, la manière de tourner ces phrases influence la perception de cette proposition et tous ces éléments sont issus des croyances (aF10) propres à chacun. Toute cette connaissance permet à l'individu de construire son propre système de préférences. Le système de préférences est présent tout au long du processus de décision. Comment est-il introduit dans ce processus ? Quels sont les éléments pouvant l'influencer ? Nous allons tout d'abord présenter les biais de valeurs puis ensuite ceux de « danger ». Anderson (1983), lorsqu'il illustre le processus de décision réévaluant les objectifs, et donc les éléments de préférences, suivant l'avancement des découvertes des objectifs, ne considère pas le système de préférences comme établi a priori et stable (non bF1) .De plus, March et Simon (1958) réfutent un système bien organisé des préférences (non aF2) par l'introduction d'un ordre de préférence conditionnel pour l'évaluation des alternatives (voir tableau 6). Tableau 6: Probabilité des alternatives 46(*)
D'après March et Simon (1958), la première condition à remplir est d'éviter les pertes (bF447(*)) et la seconde est finalement la recherche de gains. L'ordre de préférence conditionnel, en partant du meilleur choix au moins bon, se décline donc de la manière suivante : Bonne, Neutre, Mixte et Faible. En effet, aux vues des attitudes supposées par March et Simon (1958), il est évident que les meilleures solutions sont celles qui ont une forte probabilité positive et une faible probabilité négative. Les plus mauvaises regroupent les probabilités inverses. Par contre, la distinction de préférence entre les alternatives « neutres » et « mixtes » mérite une petite explication. En effet, March et Simon (1958) et bien d'autres auteurs - tels que Camerer et al. (2004), Shefrin (2001, p4)... - présentent un ordre de préférence. L'individu est prioritairement averse aux pertes et de manière bien plus importante que sa recherche de gains (Kahneman et Tversky, 1979 ; Rabin, 2002, p10). Il préfère donc une solution neutre à une solution mixte qui lui semble, d'ailleurs, plus risquée. En effet, Dans l'approche de March et Simon (1958), l'ordre de préférence conditionnel peut aussi être expliqué par les biais de « Danger ». La perception du danger est aussi présente dans la présentation de l'ordre de préférence conditionnel de March et Simon (1958) au travers de probabilité des alternatives. En effet, le décideur rejette en premier lieu le risque (bF8), illustré par la différence entre les alternatives Neutre et Mixte (tableau 6). De plus, il préfère une plus faible probabilité de perte (bF1048(*)) et par contre une plus forte probabilité pour le gain (bF949(*)) (Kahneman et Tversky, 1979, p265). Dans ce contexte, la probabilité n'est pas uniquement un risque connu mais aussi une répartition des éléments d'incertitude ressentie de ces alternatives (Loewenstein, 2000). D'ailleurs, selon Anderson (1983, p217) par sa théorie de décision par objection, le décideur préfère conserver sa position (bF11) si une solution n'est pas suffisamment satisfaisante pour agir tant qu'il n'est pas contraint à réagir. Une fois que le système de préférence est établi, nous pouvons étudier les critères d'évaluations et ses biais comportementaux. Au sein de toute décision ou processus de décision, l'évaluation des alternatives sont altérées par, d'une part, la capacité de calcul du décideur, et, d'autre part, par d'autres éléments de son attitude pouvant modifier les valeurs attribuées aux éléments nécessaires pour le calcul. Dans le cadre de la rationalité substantive qui est le propre des processus de décision traditionnels, l'individu a une capacité calculatoire illimitée (cF1) et il peut effectuer tous ces calculs de différentes alternatives simultanément (cF2) (Simon, 1955, p99). Par contre, ces mêmes théories traditionnelles peuvent être usitées dans le cadre de la rationalité limitée de Simon (1955, p 101). Dans ce cas, les précédents facteurs sont infléchis. Il introduit divers éléments comme la capacité cognitive (cF4)... En fait, la capacité de calcul d'un individu est corrélée avec ses schémas cognitifs et affectifs. Ces schémas sont issus par exemple de l'apprentissage aussi bien de connaissances cognitives que de l'expérimentation de ses émotions lors de circonstances particulières (cF3)50(*) (Malmendier et Tate, 2003). D'ailleurs, Cyert et March (1963) introduisent un apprentissage organisationnel lors du partage des capacités calculatoires au sein d'une organisation. Dans le cas où ces éléments sont trop sollicités (Hallowell, 2005), l'individu effectue des simplifications afin de pouvoir repérer et effectuer des calculs à sa portée. A titre d'exemple, Duhaime et Schwenk (1983) présentent différentes phases d'un processus de simplification cognitive lors de la prise de décision pour tout objet à forte complexité à savoir des décisions d'acquisition et de désinvestissement que nous verrons de manière plus approfondi ultérieurement51(*). En fait, généralement afin de faciliter les calculs, l'individu effectue des analyses séquentielles des alternatives qui s'apparentent au compartimentage mental (cF5) de l'individu (Shiller, 1997, p11). Ceci peut d'ailleurs aiguiller vers des erreurs de représentativité (cF6) des éléments lors du choix du processus de traitement des séquences de la prise de décision (Shiller, 1997, p13). De plus, lors des analyses séquentielles, d'après Masuch et LaPotin (1989, p42), l'individu doit gérer son énergie afin de pouvoir effectuer toutes les opérations nécessaires ou en déléguer certaines. D'ailleurs, la perception de ces éléments peut être modifiée par des attitudes que nous allons présenter dans la partie suivante. L'attitude de l'individu peut influencer largement les processus de calculs. En effet, d'après Hermalin et Isen (2000), les émotions peuvent altérer les capacités cognitives de l'individu. De plus, Mullainathan et Thaler (2000) prennent en considération non seulement la rationalité limitée, l'égoïsme limité mais aussi la volonté limitée 52(*). Cette dernière peut expliquer l'arrêt des évaluations d'alternatives lorsque l'individu est saturé (Hallowell, 2005). Par ailleurs, au sein du Garbage Can Model, l'individu n'a aucun contrôle sur sa décision (Cohen et al., 1972). Mais d'après Masuch et LaPotin (1989, p 48), il peut simplement choisir parmi six actions : transmettre, attirer, réduire, combiner, démembrer et rester passif. Il ne contrôle que ce choix très simpliste. En revanche, pour Anderson (1983, p220), le décideur doit justifier sa décision et donc créer un sens pour légitimer son comportement et assurer qu'il contrôle ses éléments (cF953(*)). Les autres éléments modifiant l'évaluation sont propres à la situation, nous ne les traiterons donc pas ici dans la généralisation des processus de décision. L'évaluation des alternatives étant achevée, l'individu peut effectuer sa sélection. La sélection ou non sélection peut être déclinée en niveau d'acceptation et en objectif. De plus, les décisions, en général, sont aussi composées de deux éléments : le choix de la décision stratégique mais aussi le mécanisme de mise en application de cette décision. Le décideur effectue sa sélection suivant sa stratégie de sélection. En effet, il peut aussi bien rechercher le choix optimal (dF154(*)) ou, tout simplement, celui qui lui est satisfaisant (dF355(*)), voire celui qu'il est obligé de prendre (dF456(*) et dF557(*)). D'ailleurs, Simon (1955, p104) présente différents éléments de niveau d'acceptation telles que la maximisation (dF1) et la satisfaction (dF3). D'après la théorie traditionnelle du processus de décision, l'individu cherche à maximiser son choix (dF1). Par contre, Cyert et March (1963) prônent une solution satisfaisante (dF3). De plus, le Carbage can Model de Cohen et al. (1972) insiste sur le fait que l'individu n'a aucun contrôle sur la décision. Il est donc contraint d'effectuer une décision avec les éléments à sa disposition (dF4). Par contre, d'après Masuch et LaPotin (1989, p48), le décideur, suivant sa position dans l'organisation, ne pouvant pas déléguer, devra peut-être effectuer son choix par défaut comme dans le cas précédent. Dans le cadre de la prise de décision par objection (Anderson, 1983, p217), le décideur après avoir déterminé les résolutions acceptables (dF3) peut, s'il n'est pas impératif d'agir, étudier des actions indépendantes. Par contre, s'il est contraint à réagir, il recherchera des propositions concurrentes, en déterminant si besoin, de nouveaux objectifs, tant qu'il ne trouvera pas une résolution qui, du moins, n'aggravera pas la situation (dF5). Toutefois ces stratégies ou niveaux d'acceptation n'ont de sens que s'ils sont joints à un critère d'objectif de processus de sélection. Suivant chaque stratégie, le décideur peut avoir différents objectifs. Dans le cadre de la rationalité substantive ou limitée, l'individu recherche sa propre utilité (dF2) ou son propre intérêt (dF6), ce qui est généralement le cas dans les processus de décision traditionnel. Par contre, pour Cyert et March (1963), étant donné qu'il s'agit de gérer les conflits entre individus au sein d'une organisation par un objectif commun, ce processus pourrait avoir comme objectif la réciprocité (dF8) afin que chacun puisse profiter de cette collaboration et entretenir cette dernière. D'autres théories mettent en avant des objectifs différents. A titre d'exemple, Morck (2004) présente la loyauté (dF9) comme un critère de sélection de son comportement. De plus, Jensen (1998) et d'autres auteurs démontrent que certains agents peuvent cumuler des comportements égoïstes et altruistes. En effet, en réalité, certaines décisions peuvent juste rechercher le bien-être d'autrui (dF758(*)).D'ailleurs, dans cette perspective, Anderson (1983) introduit l'aspect social et la recherche de légitimité (Suchman, 1995) dans les prises de décision. Il y a donc une recherche de justifications et donc rétrospectivement une création de sens59(*) de ses décisions envers autrui. En résumé, les processus de décisions ont un pouvoir explicatif sur le comportement des décideurs et donc sur les décisions en finance d'entreprise. L'hypothèse 160(*) semble donc être validée. D'ailleurs, le principe de décision par objection de Anderson (1983) a déjà incorporé une partie non négligeable des biais comportementaux régissant la prise de décision. Le prolongement de recherches descriptives et normatives dans cette perspective pourrait permettre l'élaboration de théories du processus de décision en finance d'entreprise comportementale bien plus réalistes. L'analyse du processus de décision, très largement utilisée en finance d'entreprise, nous permet donc, dès à présent, d'étudier les objets des décisions en finance d'entreprise. Nous commencerons par le financement de son activité. Nous constatons une divergence entre les théories traditionnelles de la structure de capital des entreprises et la répartition de cette structure dans la réalité. Par exemple, au sein des théories traditionnelle, Modigliani et Miller (1963) développent l'intérêt de l'endettement grâce à l'utilisation de « tax shield » (économie d'impôts) en présence d'impôts sur les sociétés. Dans ce contexte, théoriquement, l'entreprise devrait s'endetter à 100 %. La prise en compte du comportement peut permettre de mieux expliquer les situations réelles. Hypothèse 2 (H2) : L'étude du comportement permet de mieux expliquer la structure de capital des entreprises que les théories actuelles. Marché
Marché Entreprise Schéma 004: Acteurs des politiques de financement De plus, lors de décision de financement, les acteurs principaux sont le dirigeant, les actionnaires et les banquiers. Dans ce contexte, il s'agit principalement d'une vision actionnariale et les hypothèses auxiliaires sont principalement l'efficience de marché (Postulat 3b), la rationalité des agents et l'asymétrie d'information. Nous nous inspirerons donc des études comportementales de la finance de marché. Le jeu61(*) de décision en recherche de financement s'articule en binôme : le manager et l'investisseur. Il faut donc considérer toutes les variantes comportementales dans ce jeu d'interaction. D'ailleurs implicitement, certains éléments d'interaction du comportement sont pris en compte dans les théories en finance d'entreprise telle que la théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976)... Dans ce contexte, l'étude du financement est aussi bien interne qu'externe62(*). Hypothèse 3 (H3) : Les agents, dans le cadre de la vision actionnariale, agissent et interagissent entre eux. Cette interaction affecte le comportement de chaque agent. D'autres théories, dites « théories du compromis », introduisent un premier niveau de comportement, même si celui-ci semble plus ou moins explicite. A titre d'exemple, Jensen (1986), avec sa théorie du Free Cash Flow, prône un rôle disciplinaire exercé par l'endettement afin de contrôler le comportement du dirigeant. Or cette modélisation du comportement est très réductrice. En effet, intégrer d'autres approches comportementales dans la modélisation - eg63(*) Charreaux (2005) pour la gouvernance - permettrait de dépasser une logique qui considère les comportements seulement comme des compétences. La modélisation des comportements, dans ce champ, devrait être d'autant plus productive en offrant des pistes d'explications de nombreux éléments, actuellement, inexpliquées. Hypothèse 4 (H4) : Le comportement, lors de décisions de financement, a une dimension disciplinaire et une dimension productive. Qu'est-ce que la structure de capital ? Pourquoi modifier ces structures ? Et comment l'étude du comportement permet-t-il de mieux comprendre la composition de cette structure de capital ? Après avoir défini les diverses possibilités de financement intéressantes, et exclu les autres alternatives figurant dans l'environnement, il s'agit de déterminer quelles proportions affecter à chaque type de financement. Nous présentons donc, tout d'abord, la connaissance de l'environnement avant d'étudier les préférences, les évaluations et les sélections des alternatives. En fait, nous avons principalement explicité les démarches décisionnelles en finance d'entreprises qui sont généralement sous-entendues afin de mieux comprendre l'influence du comportement lors de prise de décision dans ce genre de situation. Donc la première analyse se porte sur la nature, la composition, de la firme. Avant de prendre toute décision concernant la structure de capital, il faut au préalable étudier sa composition. Contrairement au choix d'investissement ou plutôt aux opportunités d'investissement, la recherche de financement semble bornée. En effet, il existe uniquement trois familles de financement : l'autofinancement, l'endettement et enfin le recours aux actionnaires. Bien évidemment nous considérons ces familles dans un sens élargi. Par exemple, lors d'une création de joint-venture, il y a un rapprochement entre au moins deux entreprises qui autofinancent ce projet par l'apport des connaissances, de matériel, des capitaux qui leurs sont propres. Dans ce contexte, l'autofinancement regroupe tout ce qui est à la disposition de l'entreprise, qu'il s'agisse d'actifs pécuniaires ou d'autres bien plus ou moins tangibles tels que les brevets. En sus, cet joint-venture peut faire appel à de l'endettement ou/et à une ouverture de capital sur le marché. Dans ce contexte, le choix d'un financement est considéré comme un ensemble fermé. Le diagnostic financier ne se limite évidemment pas à l'analyse du financement de l'activité de l'entreprise. Il doit aussi reproduire la représentation historique de l'évolution de l'entreprise. Cette évolution historique est issue des précédents comportements accumulés au sein de l'entreprise et de signal envers le marché. Tout ceci reflète la culture d'entreprise ou les effets de mode (Abrahamson, 1996 ; Shiller, 1997, p19, p24, p26). En effet, la situation actuelle de l'entreprise détermine les possibilités de financement envisageables. S'agit-il d'une société déjà cotée en bourse ou de nature familiale ? En résumé, a-t-elle déjà eu recours aux marchés financiers ? À quel niveau s'est-t-elle endettée ? Quel type d'endettement a-t-elle ? A-t-elle encore la possibilité de recourir à de l'endettement ? Enfin, à quelle hauteur peut-elle financer elle-même ses investissements ? En résumé, quelles sont ses capacités de financement ? Nous allons présenter les biais de récolte et de sélection d'information, dans un premier temps, et ensuite, les biais de traitement et d'utilisation des connaissances. La récolte des informations est inégale entre le dirigeant et les investisseurs ce qui affecte la connaissance pertinente de l'environnement (aF1). En effet, les investisseurs, comme les banquiers et les « zinzins » (les investisseurs institutionnels), ont généralement une multitude d'informations sur le marché financier et les secteurs économiques ainsi que sur les concurrents des entreprises. En revanche, le dirigeant a surtout des informations sur son entreprise, plus complètes que celles dont disposent les autres acteurs. Il ne reste que les petits porteurs qui n'ont pas de tel accès à l'information et ne chercheront pas un tel niveau d'information dû au fait de la surcharge cognitive ou affective (aF6) et des efforts nécessaires relatifs à ce qu'ils disposent en temps et en argent. Les acteurs pâtissent donc, plus ou moins, d'une source d'asymétrie d'information qui semble se calquer sur les niveaux d'accès présentés par Masuch et LaPotin (1989, p41) précédemment présentés dans les processus de décisions. Une manière de palier la distance entre les banquiers, les « zinzins » et les entreprises consiste à étudier, élaborer un conseil d'administration adéquate. En effet, d'après les théories de la gouvernance, le conseil d'administration - constitué de membres de l'entreprise mais surtout d'indépendants - permet de récolter des informations de la part des autres partenaires (Forbes et Milliken, 1999). Nous venons d'évoquer la structure de capitaux principalement dans le cadre de l'approche contractuelle. D'autres perspectives peuvent la compléter. Charreaux (2002a) présente une approche cognitive de la structure de capitaux. D'après Charreaux (2002a, p26), les échanges - promus au sein du conseil d'administration, entre les différents partenaires financiers (actionnaires institutionnels et industrielles) et l'entreprise - permettent une meilleure appréhension des opportunités d'investissement et de financement propre à l'entreprise. Ce mécanisme engendre de plus grandes probabilités de création de valeur pour l'entreprise. Dans cette perspective, les échanges au sein du conseil d'administration permettent même de casser les habitudes et les routines (aF3) en apportant de nouvelles idées qui doivent être argumentées, justifiées envers les autres membres du conseil (Anderson, 1983). En effet, chaque membre a ses propres schémas mentaux qui le conduisent à sélectionner les informations en fonction de ses dissonances cognitives et affectives (aF4). Ce mélange de dissonances permet que chaque membre apporte des informations avec son point de vue. La récolte d'informations est accrue tout en limitant le risque d'« oublier » des informations pertinentes. En revanche, cet échange présente autant de chances d'améliorer la sélection des informations qu'un risque de surabondance de données rendant difficile la sélection mais surtout le traitement de l'information.
Les théories de la gouvernance, concernant le conseil d'administration, n'expliquent pas uniquement la récolte d'information mais aussi les traitements des connaissances. En effet, chaque individu du conseil d'administration effectue des suggestions (aF9) au sein d'un cadre (aF8). De plus, il est influencé par ses propres ancrages (aF7) ainsi que par ses croyances (aF10). Tous ces éléments sont implicitement incorporés dans le background de chaque membre du conseil d'administration (Forbes et Milliken, 1999) Dans cette perspective, à titre d'exemple, Bigus (2003) introduit, dans l'approche de la théorie de structure de capitaux, le rôle des « croyances » (aF10) hétérogènes entre les investisseurs et les entrepreneurs sur l'avenir de la firme. Mais Bigus (2003) ne prend pas en compte le conseil d'administration. D'après Bigus (2003, p136), les croyances altèrent le traitement de l'information puisque chacun extrapole des prévisions en adéquation avec ses croyances. Tous ces éléments environnementaux affectent les préférences des agents. En ordre général, étant donné que la recherche de financement s'effectue parmi une famille de possibilités bornées, les préférences s'orientent vers une des 3 catégories suivantes : Autofinancement, Dette, Action. Bien évidemment certains auteurs comme Myers et Majluf (1984) présentent des sous catégories. En effet, pour Myers et Majluf (1984), le dirigeant aura une préférence de financement dans cet ordre : (1) financement interne, puis (2) dette sans risque, puis (3) dette risquée et enfin (4) augmentation de capital. Bien entendu, si l'entreprise ne remplit pas le Postulat 2 (P2)64(*), ce classement peut se présenter d'une manière différente. Pour une entreprise entrepreunariale, le point (4) deviendra l'introduction en bourse. Par contre, s'il s'agit d'une association à but non lucratif, le point (4) cesse d'être une option. Mais les financements pourront se faire par des dons de personnes tierces qui prendront place au sein du financement interne (1). Mais comment sont constitués les systèmes de préférences de financement ? Quels sont les biais de valeurs et ensuite de « danger » qui influencent ces systèmes ? En considérant la catégorisation des possibilités de financement, le système de préférence de ces dernières peut être considérée comme bien organisée (bF2). Or, Bigus (2003) analyse le système de préférence et la structure de capital optimale suivant les croyances entre dirigeants et actionnaires, principalement dans le cadre de saturation de capacité d'endettement. L'auteur établit le même ordre hiérarchique que Myers et Majluf (1984) si les croyances sont hétérogènes. En revanche, si elles sont homogènes, la recherche d'un ordre n'a plus d'intérêt. De plus, étant donné que la nature de l'entreprise peut évoluer et que le dirigeant peut être changé par le conseil d'administration, le système de préférence du dirigeant ne peut pas être considéré comme stable (bF1). En effet, Une entreprise familiale (non Postulat 2), qui n'a jamais eu recours aux marchés, ne tentera une introduction en bourse que si elle n'a pas d'autres possibilités. En effet, par l'effet de dotation (bF7) (Rabin, 2002, p9), l'entrepreneur ressent un besoin de contrôler son entreprise. Il est impliqué aussi bien affectivement que financièrement et rechigne à ouvrir le capital à des étrangers même dans une logique de développement de son activité. A l'inverse, une entreprise déjà cotée en Bourse (Postulat 2) ne suscite pas une telle logique protectionniste puisque le contrôle est déjà partagé à différents niveaux avec des étrangers. L'objectif n'est plus de rester propriétaire mais de développer son activité et donc la perception des opportunités, dans ce contexte, est totalement bouleversé uniquement par la nature de la firme. De plus, Myers et Majluf (1984) présentent leur hiérarchisation dans le cadre de la rationalité. Dans ce contexte, la myopie temporelle (bF5) n'est pas étudiée. Pourtant, cela pourrait aisément expliquer les politiques de financement. En effet, souvent l'individu est concentré sur les perspectives à courts termes (Camerer et al., 2004). Influencé par la vision actionnariale, le dirigeant, comme les actionnaires, se focalise généralement sur le management au jour le jour puisque la communication financière s'intéresse à l'évolution du cours de l'action de son entreprise et le compare avec les cours passés assez récents (bF3)65(*) (Rabin, 2002, p9 et 18 ; Shiller, p6 et 20). Le manager risque ainsi de manquer de discernement, d'anticipation et de capacité d'interprétation de phénomènes habituels telle qu'une diminution de la valeur de l'action suite à une augmentation de capital (bF4)66(*). De même, la souscription à de nouvelles dettes ou actions nécessite une vision à plus long terme contrairement à l'autofinancement qui peut s'effectuer au coup par coup sans avoir à justifier ce type de financement. En revanche, s'il n'est pas « myope » (non bF5)67(*), le dirigeant peut avoir des stratégies à long terme de développement. Il privilégiera alors le recours aux marchés, d'un part, pour garder à terme des possibilités de financement par endettement ou par autofinancement, et, d'autre part, augmenter le pouvoir discrétionnaire et son slack managérial. Bien évidemment, la manne financière est réglementée et limitée. Le manager ne peut donc pas choisir sans contrainte son type de financement (par exemple, dû à la capacité d'endettement). De plus, certains types de financement, tel que l'endettement, peuvent fragiliser la santé de l'entreprise. En effet, afin d'établir un système de préférences, il faut tenir compte de la valeur perçue des alternatives mais aussi du danger encouru. Les valeurs des alternatives sont corrélées à la perception du danger de ces dernières. L'endettement génère obligatoirement des remboursements de capitaux et des payements d'intérêts. De plus, même si Modigliani et Millers (1963) le présentent comme une structure optimale des capitaux, il est bien évident que l'entreprise ne peut pas être endettée à 100 %. Effectivement, celle-ci serait en faillite et aucune banque n'accepterait de financer une entreprise à cette hauteur du fait du risque encouru. En effet, l'entreprise est limitée dans sa capacité d'endettement (Bigus, 2003) puisque ce type de financement peut engendrer un risque de faillite (bF868(*)) de celle-ci, si elle n'a plus la capacité de rembourser. Ceci constitue un risque pour une entreprise en détresse surtout si les gains prévisionnels sont incertains (bF9) ou si les pertes sont certaines (bF10) (Kahneman et Tversky, 1979). De plus, l'endettement est sujet à autorisation de la banque. Le banquier doit donc croire en la capacité de remboursement de l'entreprise afin de lui octroyer un prêt (Bigus, 2003). La décision d'autofinancement est, en revanche, à la discrétion du dirigeant. De plus, l'autofinancement ne génère aucune obligation de remboursement. Il n'y a donc aucun risque en rapport avec l'incertitude (bF9 69(*)ou/et bF10)70(*)) à venir de l'activité (Kahneman et Tversky, 1979). Dès lors, si le dirigeant peut financer ses projets uniquement par l'autofinancement sans aucune restriction, il utilisera ce mécanisme de financement sans chercher d'autres moyens afin de conserver (bF11) les autres possibilités pour une prochaine décision. Enfin, pour une entreprise managériale (Postulat 2), le dirigeant doit prendre en compte le risque et les incertitudes quant à la fluctuation du cours des actions et des prises de contrôle. Après avoir établi les systèmes de préférences, il est nécessaire d'évaluer les alternatives avant d'effectuer sa sélection. L'évaluation du financement étudie le coût mais aussi le montant nécessaire recherché. De plus, d'autre éléments, telles que la théorie du signal ou de protection contre les prises de contrôle, doivent faire partie intégrante de l'évaluation des alternatives. Cette étude est tout d'abord influencée par la capacité de calcul. Contrairement à l'approche traditionnelle de prise de décision, les possibilités de financement ne sont pas étudiées en parallèle (non cF2 71(*)) mais successivement, même si cet ensemble est fermé (Bigus, 2003). D'ailleurs, cette manière de procéder fait partie intégrante du comportement qui peut s'appeler biais de compartimentage (cF5) ou d'analyse séquentielle (Barberis et Thaler, 2002). Par cette analyse séquentielle, une hiérarchisation de l'étude se fait instinctivement en respect aux critères de simplification (cF472(*)) et de souci d'économies d'énergie (non cF173(*)) présenté dans le processus de décision (Masuch et LaPotin, 1989). De plus, l'individu peut se rendre compte, par l'apprentissage (cF3) (Camerer et al., 2004), qu'un certain seuil d'endettement limite les risques d'acquisitions hostiles. En effet, l'endettement peut être considéré, premièrement, comme un risque de faillite si le seuil d'endettement est trop important, deuxièmement, comme un mécanisme de sauvegarde contre les prises de contrôle, et, troisièmement, comme un signal de bonne santé de l'entreprise. Ces éléments sont à prendre en compte lorsque l'entreprise cherche des financements. En effet, c'est un des moyens à sa disposition afin de palier les asymétries d'informations lorsque celle-ci est comparée avec des entreprises concurrentes de son secteur afin d'être évaluée. Par contre, certaines attitudes modifient la perception de l'évaluation et surtout altèrent les comparaisons entre les entreprises concurrentes ou entre sa valeur intrinsèque et sa valeur de marché. L'attitude du dirigeant - tels que l'optimisme, l'excès de confiance... - influence l'évaluation des alternatives. En effet, A titre d'exemple, d'après Baker et al. (2004), un dirigeant optimiste (cF7) ou surconfiant (cF8) considérera toujours que son entreprise est sous-évaluée par le marché. Il évitera donc au maximum de se financer par le marché (introduction en bourse ou augmentation de capital) afin de ne pas brader son entreprise sauf s'il en est contraint. D'ailleurs, afin de garder le plus de bénéfice pour son entreprise, il utilisera au maximum l'autofinancement, ensuite les capacités d'endettement de la firme (Heaton, 2002). Bien évidemment, un dirigeant pessimiste ou sous confiant aura le comportement inverse vu qu'il estimera que le marché superforme l'entreprise. Mais cette attitude « négative » est peu répandue chez les dirigeants. Maintenant que tous ces éléments sont établis, quels sont les critères de sélection de financement ? Les critères de sélection sont multiples. Lors de décision de financement, ceux-ci sont principalement du domaine de la finance ou plutôt de la gestion ou des mathématiques. De plus, il ne s'agit pas de choisir un type de financement mais plutôt une répartition spécifique du financement entre les différentes familles de financement. Généralement en finance d'entreprise, les chercheurs - tels que Modigliani et Millers (1963), Bigus (2003) - tentent de présenter une structure de capital optimal. Il s'agit donc de maximiser la structure de capital (dF1). Dans ces conditions, Bigus (2003, p155) présente comme optimal une structure de capital mixte ou hybride en vue des croyances hétérogènes entre dirigeants et investisseurs. De plus, Bigus (2003) effectue sa première partie de son étude en introduisant la capacité d'endettement et d'autofinancement de l'entreprise. Le dirigeant est donc de temps à autre contraint (dF4 74(*) et/ou dF575(*)) d'effectuer des financements par actions ou par dettes. Dans le contexte de la recherche de financement, il ne semble pas, à l'état actuel, que la perspective d'une structure satisfaisante (dF3) est envisagée. En fait, existe-il des objectifs différents pouvant influencer la décision ? Il semblerait que dans le cadre spécifique de la recherche de financement, les objectifs sont très condensés. En effet, le dirigent peut soit agir pour son propre intérêt (dF6) soit essayer d'agir pour l'intérêt de l'entreprise et donc pour tous partenaires (dF876(*)). En effet, la théorie de l'agence, comme présenté par Jensen et Meckling (1976), fait état d'un conflit d'intérêts entre le dirigeant, les actionnaires et les créanciers. Ce conflit pourrait pousser le dirigeant à tenter de minimiser, autant que possible, l'importance des autres agents afin de pouvoir s'octroyer la rente de la firme (dF2 77(*) et dF678(*)).Dans l'autre cas, il s'agit d'une recherche de réciprocité (dF8) afin que chaque acteur ait intérêt à collaborer (Hermalin et Isen, 2000). Le dirigeant, dans ce contexte, peut être soit poussé par un sentiment altruiste (dF7) (Jensen, 1998) soit par un esprit de loyauté (dF9) (Morck, 2004). De plus, le dirigeant peut avoir des stratégies à long terme de développement au lieu de se focaliser sur le court terme, dans ce contexte l'objectif est d'assurer la pérennité de l'entreprise et la capacité de financement pour d'autres besoins. En résumé, Les études comportementales peuvent permettre une meilleure explication des politiques de financement (H2). Ces politiques s'inscrivent dans une vision principalement actionnariale de la gouvernance (H3). De plus, le comportement peut avoir un rôle disciplinaire ou productif (H4). En dehors des décisions de financement, le domaine de la finance d'entreprise a pour objet les décisions d'investissement que nous allons traiter sans plus tarder. Le processus de décision dans la recherche d'investissement peut, en partie, se calquer sur les logiques exposées dans la partie précédente consacrée au financement. En effet, certains éléments peuvent être commun. Il faut, par ailleurs, préciser que lorsque nous parlons de politique d'investissement, nous sous-entendons aussi la possibilité de désinvestissement. Au sein des théories traditionnelles des politiques d'investissement en finance d'entreprise, le courant le plus important est l'évaluation par la Valeur Actuelle Nette - VAN - qui permet de déterminer si le projet est rentable. Or, il est facile de découvrir des projets effectués par les entreprises qui ne sont pas rentables. Pourquoi ? Bien évidemment, des recherches empruntées à d'autres champs pourraient contribuer à répondre à cette question. Dans une perspective stratégique, par exemple, un projet avec une VAN négative peut toutefois être nécessaire au développement stratégique de l'entreprise. Dans le cadre de cette étude, nous ferons quelques emprunts à la stratégie mais nous allons principalement tenter d'entamer une réponse à cette interrogation à l'aide du développement des approches comportementales en finance d'entreprise. Hypothèse 5 (H5) : L'étude du comportement peut mieux expliquer les politiques d'investissements des entreprises que les théories actuelles. Lors de décision d'investissement, les acteurs principaux sont le dirigeant et les parties prenantes de l'entreprise (salariés, fournisseurs, distributeurs...). Il s'agit donc d'une vision partenariale. En effet, lorsqu' un projet d'investissement est effectué, le dirigeant doit compter sur les différents partenaires intervenant dans ce projet afin de mener à bien ce dernier. D'ailleurs, l'hypothèse auxiliaire la plus importante est la rationalité des agents. Dans ces conditions, les interactions ne sont plus binaires mais multipartites. Si cela est utile pour certaines précisions de notre recherche, nous étudierons certaines interactions, par simplification, deux à deux afin de mieux cerner les interactions à l'étude. De plus, ces acteurs peuvent être soit internes soit externes à l'entreprise selon le vocabulaire de Baker et al. (2004) et Shefrin (2001). Hypothèse 6 (H6) : Les agents, dans le cadre de la vision partenariale, agissent et interagissent entre eux. Cette interaction affecte le comportement de chacun des agents. Bien évidemment, à partir du moment où des interactions entre agents sont prises en compte dans la modélisation, le comportement de chacun acquiert une dimension disciplinaire, afin de réguler les conflits psychologiques ou interpersonnels, et une dimension productive pour créer de la valeur et donc créer une « utilité » de travailler en équipe. Hypothèse 7 (H7) : Le comportement, lors de décisions d'investissement, a une dimension disciplinaire et une dimension productive. Mais comment identifier les opportunités d'investissement rentables ? Comment définir un « bon » projet ? Pourquoi tel ou tel projet est sélectionné ?... Afin d'aborder pleinement les politiques d'investissement, nous allons présenter, dans un premier temps l'environnement, ensuite, les systèmes de préférences, puis, les évaluations des alternatives, et, enfin les critères de sélections. Toute entreprise doit tenir compte de sa dépendance aux ressources et de sentiers (Kreiser et Marino, 2002). En effet, dans le contexte d'investissement, la firme doit tout d'abord étudier son environnement en récoltant et sélectionnant les informations nécessaires, puis les traiter et les utiliser pour adapter sa connaissance de cet environnement. Toutes ces démarches permettent d'établir une stratégie d'investissement. De plus, contrairement aux recherches de financement, les projets d'investissement ne sont pas bornés. En effet, il en existe une multitude voire une infinité. Dans ces conditions, le dirigeant doit découvrir les opportunités d'investissement au sien d'un environnement abondant et illimité. Pour établir une stratégie viable, l'entreprise a besoin de se constituer des informations pertinentes de l'environnement (aF1). Ces informations ne sont pas innées, elles doivent être acquises. Dans un premier temps, la recherche d'information peut être considérée comme une action individuelle. Tout d'abord, les habitudes, les routines (aF3) et les biais de confirmations (aF5) (Barberis et Thaler, 2002, p14 ; Shefrin, 2001, p5) incitent l'individu éternellement à promouvoir les politiques d'investissement déjà établies soit en poursuivant l'activité sans se poser de question pour des raisons de facilités (aF379(*)) soit en recherchant des arguments afin de légitimer la reconduction des précédentes actions d'investissement (aF580(*)). Ensuite, la recherche de nouvelles opportunités est freinée par la dissonance cognitive ou affective (aF4) (Shiller, 1997, p7-8) que l'individu a envers certaines idées ou projets d'investissement (narrow framing de Barberis et Thaler, 2002). Sa recherche est donc conditionnée par son attitude. D'ailleurs, cette recherche est consommatrice d'énergie (Masuch et LaPotin, 1989). Enfin, un individu, face à un environnement d'informations surabondantes, ne peut faire face puisqu'il peut atteindre très rapidement son seuil de surcharge cognitive ou affective (aF6) (Hallowell, 2005). A ce moment, il n'est plus capable de rechercher la moindre information supplémentaire. De plus, cette surcharge peut détériorer sa perception de l'environnement. En effet, il a pu récolter et sélectionner que peu d'informations pertinentes (aF1) ce qui l'empêche de s'adapter correctement à l'environnement. De plus, dans un second temps, cette étape peut être effectuée collectivement entre plusieurs individus comme au sein d'un conseil d'administration (Forbes et Miliken, 1999). Dans cette perspective, tous les éléments présentés dans le paragraphe précédent sont spécifiques à chaque membre. Chacun étant unique, ils n'ont pas la même perception. Donc, en regroupant, toutes leurs informations, le groupe augmente ses chances d'obtenir les informations pertinentes (aF1). A titre d'exemple, Charreaux (2002b) présente l'intérêt d'avoir des partenaires industriels au sein du conseil d'administration afin de profiter de leurs perceptions des opportunités d'investissement. En plus de ces éléments de récoltes et de sélection d'informations, d'autres biais de traitement et d'utilisation de la connaissance influencent les références des décideurs.
Maintenant que les soi-disant informations pertinentes sont sélectionnées, l'individu doit traiter ces informations afin de se les approprier comme connaissances et afin d'adapter ses références à l'environnement en perpétuel mouvement. Pour cela, il nécessite une connaissance claire de l'environnement (aF2). Contrairement à la récolte d'information, le groupe peut générer des suggestions (aF9) influençant le traitement, en plus des cadrages (aF8), par la pression des pairs (Shefrin, 2001, p10). Le dirigeant adaptera donc son ancrage (aF7) en fonction de ses croyances (aF10) et des influences des partenaires (Morck, 2004 ; Greenfinch, 2005). D'ailleurs l'investissement de départ est souvent établi comme référence pour les résultats du projet (aF781(*)) (Barberis et Thaler, 2002, p14).De plus, la connaissance des entreprises concurrentes permet au décideur de rechercher ou d'étudier les opportunités d'investissement en fonction de sa position stratégique et de l'évolution des concurrents (aF7). Tous ces éléments constitueront les références des connaissances à la disposition de l'entreprise. De plus, ceux-ci permettront une certaine adaptation des systèmes de préférence de l'individu. L'analyse des préférences concernant les projets d'investissement se focalise généralement sur la perception du retour sur investissement. D'ailleurs, dans cette partie, il est assez aisé de recourir aux courants d'économie comportementale et de psychologie puisque nous allons étudier l'impact des valeurs sur les préférences et donc le comportement de l'individu face à une évolution de son « épargne ». Nous allons donc, dans un premier temps, étudier les biais de valeurs et, dans un second temps, les biais de « danger ». Il existe différents types de valeur pour établir les systèmes de préférences. La principale est la valeur pécuniaire. En fait, comme l'illustre l'utilisation de la VAN, l'étude des projets s'effectue à travers un écart de valeur. De plus, le dirigeant évalue le rendement en valeur relative (bF3) la rentabilité par rapport à l'investissement (Rabin, 2002, p9). Bien évidemment, l'individu est toujours averse aux pertes (bF4). D'ailleurs, comme présenté lors du processus de décision, le sujet ressent beaucoup plus une perte qu'un gain même s'ils sont de même valeur absolue (Camerer et al., 2004 ; Kahneman et Tversky, 1979). En fait, ces éléments sont stables à travers le temps (bF1). Toutefois, certains autres éléments peuvent devenir plus importants que ceux précédemment présentés. En effet, par exemple, un don n'a aucun retour sur investissement. De plus, si un investissement à un intérêt stratégique, le dirigeant peut envisager une perte pécuniaire si cela est nécessaire, mais dans ces conditions, la valeur globale de l'investissement n'est pas limitée à sa valeur pécuniaire. Par exemple, ils peuvent avoir une valeur idiosyncrasique. En dehors de ces éléments, l'individu a tendance à être myope (bF582(*)). En effet, une valeur est perçue comme plus importante à court terme qu'à long terme, même si les théories actuelles en finance d'entreprise ne prennent pas en compte cette myopie temporelle (Camerer, 2003 ; Rabin, 2002, p18). Par contre, ce biais peut évoluer suivant les époques. De plus, l'effet de dotation (bF7) (Rabin, 2002, p9) incite l'individu à préférer les éléments en sa possession. Dans ces conditions, un bien est évalué plus cher lorsque l'individu est propriétaire que le même bien s'il devait l'acheter. Le dirigeant, même s'il reconnaît qu'un projet d'investissement n'est pas aussi rentable que prévu, poursuivra donc sa politique d'investissement malgré tout puisqu'il n'arrivera pas à se résigner à revendre son investissement au prix du marché ou à accepter de montrer, voire prouver, son erreur de management (critère de visibilité de Shefrin, 2001). D'après tous ces éléments, la valeur est un critère plus ou moins stable de l'élaboration du système de préférence. Par contre, la hiérarchisation des préférences semble fluctuante et non exclusive. Après avoir identifier les biais de valeur, nous présenterons les biais de « danger ». Pour tout projet d'investissement, l'individu est averse aux risques (bF8). Il choisira le projet le moins risqué. La démarche est identique pour son aversion à l'incertitude des gains (bF9). D'ailleurs, inversement, le sujet recherchera l'incertitude quant à la possibilité d'enregistrer une perte (bF10) et non la matérialiser directement (cas de Sony Corporation étudié par Shefrin, 2001, p6). En fait, si un dirigeant effectue un investissement non rentable, il refusera de l'admettre, pour son ego ou son orgueil ou tout simplement en considérant que la perte actuelle est fictive et que, dans un futur, le projet deviendrait rentable. Dans ce cas, il conserve son projet (bF11) même s'il est déficitaire en espérant recouvrir ses pertes avec des profits futurs afin de ne pas devoir admettre son échec dans sa sélection de projet. Lors de la présentation des préférences, nous avons utilisé l'interprétation des évaluations des projets. Mais ces derniers sont aussi sujet à certains biens que nous allons dès maintenant aborder. L'évaluation des projets d'investissement joue une part importante dans les politiques d'investissement. A ce niveau, les biais de capacité et de modification de la perception des évaluations doivent être pris en compte. Parmi les différents biais de capacité de calcul qui sont les plus importants pour l'évaluation des projets d'investissement, la capacité cognitive et affective (cF4) et le compartimentage mental (cF5) sollicitent des simplifications des projets d'investissement afin d'étudier étape par étape les projets. D'ailleurs, Duhaime et Schwenk (1983) présentent une simplification des analyses des décisions de projets d'acquisitions et de désinvestissements. Cette technique est d'ailleurs commune à tous autres projets complexes. D'après ces auteurs, les différentes activités sont influencées par différents biais cognitif. Nous allons présenter un extrait de cette étude sans, pour autant, rentrer dans les détails des biais comportementaux présentés. Certains de ces biais sont traités plus précisément à leur place privilégiée au sein de cette recherche. Tableau 7: Principales Activités d'Acquisition et de Désinvestissement et leurs Processus de simplification cognitive 83(*)
De plus, l'expérimentation des projets et leurs apprentissages (cF3) permettent de mieux percevoir les opportunités d'investissement similaires et faciliter les raisonnements par analogie. D'après Duhaime et Schwenk (1983, p14-15), une fois que l'on a pris en compte la possibilité de céder une activité, les mécanismes de raisonnement restent cloisonnés sur les différentes alternatives de désinvestissement mais n'analysent plus les politiques d'investissement pour cette même activité. Tous ces éléments sont des exemples pouvant mettre à mal la capacité calculatoire illimitée (cF1) et simultanée (cF2) des alternatives qui est l'apanage de la rationalité substantive. En plus de ces éléments, il existe certains biais pouvant influencer l'évaluation. Généralement, l'optimisme (cF7) et l'excès de confiance (cF8) peuvent être traités conjointement comme le présente Baker et al. (2004). En effet, tous ces éléments incitent le dirigeant à surévaluer ses projets. Même lors de l'exclusion des conflits d'intérêt ou plutôt lorsque le dirigeant recherche de lui-même l'intérêt des actionnaires, ces attitudes vont pousser le dirigeant à sélectionner des projets non rentables qu'il aura pourtant considéré comme rentable. De plus, d'après Duhaime et Schwenk (1983, p13), le dirigeant est enclin à croire avoir un contrôle sur les projets d'investissement ou sur d'autres éléments sur lesquels il n'a pourtant aucun impact. Ceci s'apparente à la pensée magique ou à la création de sens (cF9) (Shiller, 1997, p21-22 ; Weick, 1993). Maintenant que l'évaluation des alternatives est effective, il s'agit de comprendre les critères de sélection lors de politiques d'investissement Les grandes familles des critères de sélections sont, en majorité, toujours les mêmes. Elles se répartissent en deux groupes. Quels sont les niveaux d'acceptation ? Quels sont les objectifs des politiques d'investissement ? Généralement, le dirigeant cherche à maximiser (dF1) voire à trouver au moins une situation satisfaisante (dF2) (Simon 1955). D'ailleurs ces éléments ont déjà été présentés dans les précédentes parties. Par contre, lors de politiques d'investissement, le dirigeant est généralement contraint soit par défaut (dF4) soit par besoin (dF5). Par défaut, puisque son temps est compté et qu'il doit tenir compte des compétences à disposition (Kreiser et Marino, 2002). Par besoin, puisqu'il doit renouveler les actifs permettant la remise à jour de son activité (tel que les salariés, les machines, les brevets...). En plus de ces niveaux, le décideur tente, à travers ses décisions, à atteindre un objectif. Bien évidemment, les mêmes éléments que ceux présentés lors des décisions de financement peuvent être traité. En revanche, d'autres sont plus spécifiques aux décisions d'investissement. Par exemple, un dirigeant ayant peur de perdre sa place, pourra inciter l'entreprise à investir dans des projets idiosyncrasiques ou en recherches et développement. Ces éléments font partis d'un domaine opaque pour de potentiels successeurs du dirigeant, ce qui freinerait les envies de concurrences externes. Dans ce contexte, l'égoïsme (dF6) prime même si les stratégies de politiques d'investissement peuvent aussi être bénéfique pour l'entreprise (actionnaires et salariés) (dF8 voire dF9 et dF7)84(*). Par contre, d'autres éléments, comme la surenchère d'investissement en vue de masquer un projet déficitaire, soit en retardant l'échéance, soit en espérant un retour de situation, peuvent engendrer des crises au sein de la firme voire sa déchéance, la faillite (cas de Syntex Corporation de Shefrin, 2001, p8-9 ; Duhaime et Schwenk, 1983, p14). Dans cette perspective, les biais comportementaux pouvant expliquer cette attitude sont la peur, le refus d'accepter de reconnaître ses erreurs, tenter de « préserver » sa réputation... En résumé, les politiques d'investissement s'inscrivent dans une vision partenaire de la gouvernance d'entreprise (H6) et le comportement, ayant aussi bien un rôle disciplinaire que productif (H7), peut générer de nouvelles explications quand la politique d'investissement restait inexpliquée par les théories traditionnelles (H5). Après avoir étudier les décisions de financement et d'investissement, nous allons maintenant analyser les politiques de rétribution qui, en plus d'être des décisions d'investissements, influencent la structure de financement. Avant de commencer cette partie, nous souhaitons expliquer pourquoi nous traitons la politique de dividendes et de rachat d'actions ensembles et séparément des décisions de financement et d'investissement. Ce sont des cas particuliers qui font partie des politiques d'investissement mais affectent largement la structure de capital de l'entreprise puisque ce sont aussi des moyens de rétributions des actionnaires. D'ailleurs un certain nombre d'éléments seront en commun entre ces deux rétributions. De plus, le rachat d'actions de sa propre entreprise peut permettre d'accéder à des projets d'investissement - tel que l'achat d'entreprise, alliance, partenariat... - en échangeant des actions en lieu et place de liquidités (Opération Publique d'Echange - OPE - au lieu d'Opération Publique d'Achat - OPA - ). Bien évidemment, il aurait été possible de présenter ici, les remboursements de capital et les intérêts des emprunts. Mais en fin de compte, il s'agit simplement d'une résolution de contrat qui nécessite une étude de comportement uniquement aux moments précontractuels et pour les non-respects du contrat (eg hasard moral...). Or, ces éléments ont été largement illustrés par les théories telles que la sélection adverse, le risque moral, qui sont des références implicites à l'étude du comportement. Nous n'allons donc pas les présenter directement. Par contre, certains éléments pourront être ajoutés aux politiques que nous allons étudier. La recherche dans ce domaine cherche à expliquer les politiques de dividendes et de rachat d'actions. Pourquoi verser des dividendes ? Pourquoi racheter des actions ? Au sein des théories explicatives de ces politiques, nous allons en répertorier certaines comme celles de la propension à payer des dividendes de Fama et French (2001), la « prime de dividende » de Baker et Wurgler (2004), la théorie du Free Cash Flow de Jensen (1986) et la théorie du signal. Fama et French (2001) tentent d'expliquer la disparition de paiement de dividendes. Ils prennent en compte deux explications : les caractéristiques de l'entreprise et la propension à payer des dividendes. Par contre, leur terme de propension reste implicite. En fait, une approche comportementale permettrait une meilleure explication. De plus, Baker et Wurgler (2004) établissent une corrélation entre la proportion à verser des dividendes et l'existence d'une « prime de dividende » établie par les investisseurs. Dans un premier temps, nous allons essayer d'expliquer le versement des dividendes par l'analyse du comportement même si certains auteurs tel que Miller (1986) considère que dans le cas des politiques de dividende, l'approche comportementale n'a qu'un apport qui se limite à la microéconomie, aux cas spécifiques. En effet, d'après cet auteur, l'étude du comportement est inutile pour établir des théories générales. Nous présenterons d'ailleurs un projet de recherche en réponse à cette critique85(*). Hypothèse 8 (H8) : L'étude du comportement peut mieux expliquer les politiques de rétribution des entreprises que les théories actuelles. Etant donné, que ces politiques sont des rétributions possibles au financement, la vision actionnariale semble de mise comme présentée lors de décisions de financement. Nous allons donc principalement s'inspirer du courant de la finance de marché comportementale. Hypothèse 9 (H9) : Les agents, dans le cadre de la vision actionnariale, agissent et interagissent entre eux. Cette interaction affecte le comportement de chacun des agents. D'ailleurs, d'après Jensen (1986) et sa théorie des Free Cash Flow, ces politiques de rétribution ont comme principal rôle une dimension disciplinaire. Par contre, par exemple, lorsque le rachat d'action est effectué en vue d'échanger des actions dans le cadre d'un projet d'investissement cette politique engendre un rôle productif. Hypothèse 10 (H10) : Le comportement, lors de décisions de distribution de dividendes ou de rachat d'actions, a une dimension disciplinaire prédominante sur celle productive. En fait, dans ce domaine les questions sont multiples : Pourquoi verser des dividendes ? Pourquoi racheter des actions ? Comme précédemment présenté mais aussi : Quel montant accorder à ces politiques ? Afin d'établir une première ébauche de réponses, nous allons présenter l'environnement, puis les préférences, ensuite l'évaluation et enfin la sélection. Le domaine environnemental propice à ces politiques est aussi bien le marché financier et les investisseurs que les entreprises concurrentes, les potentiels partenaires et la firme elle-même. Dans ce contexte, certains biais de récolte d'informations et de traitement de connaissances sont à prendre en compte dans la prise de connaissance de l'environnement. La politique de dividende est un des mécanismes possibles de signal. D'après Fama et French (2001, p11), divers éléments influencent cette politique. Parmi ceux-ci l'étude des caractéristiques de l'entreprise. En fait, il s'agit d'une étude des caractéristiques de l'entreprise pouvant affecter la politique de dividendes. Ces éléments sont le niveau de profit, les opportunités d'investissement et la taille. Il est donc important d'avoir une connaissance pertinente de ces éléments (aF1). Tableau 8: Caractéristiques de la Firme (Vision statique) 86(*)
Comme le présente ce tableau 9, la distribution de dividendes est inversement proportionnelle au nombre des opportunités d'investissement. D'ailleurs, Baker et Wurgler (2004) montrent que les entreprises du secteur de nouvelles ou hautes technologies (par exemple : informatique) ne versent pas de dividendes. Donc, par mimétisme ou nécessité, les dirigeants s'accorderont généralement avec la tendance du marché afin de ne pas aller à l'encontre des idées reçues sur le marché (dissonance cognitive et affective (aF4)) ce qui pourrait les pénaliser lors de recherche de financement. De plus, sans contrainte spécifique, pour des questions de facilité, le dirigeant va généralement poursuivre sa politique de dividendes habituelles (aF3), surtout s'il en a déjà versés (biais de confirmation (aF5)), puisque cela voudrait signaler au marché que l'entreprise n'est plus performante (Fama et French, 2001 ; Jensen, 1986). En revanche, si la firme n'a encore jamais versé de dividendes, elle attendra de voir la réaction du marché au premier versement de dividendes afin de savoir s'il existe une prime de dividendes (Baker et Wurgler, 2004) (aF1)87(*). En fait dans ce contexte, la surcharge cognitive ou affective (aF6) n'est pas trop de mise puisque le dirigeant répond à deux questions fermées - l'une n'excluant pas l'autre (Fama et French, 2001, p35) - dans un premier temps : . Est-ce que je verse des dividendes ? . Est-ce que je rachète des actions de mon entreprise ? Par contre, il doit connaître en grande ligne l'environnement de son entreprise afin de répondre correctement à ces questions. Le rachat d'actions semble similaire à la politique de dividende même si la première est plus ponctuelle et non constante. Le rachat d'action n'a donc pas de relation historique avancée. Une fois que toutes ces informations sont à sa disposition, il faut les traiter.
Le traitement des informations en connaissances peut être freiné ou facilité par différents biais. D'ailleurs, Fama et French (2001, p23) présentent une relation dynamique de la politique de dividendes. En effet, comme présenté précédemment pour d'autres raisons, une entreprise généralement à une tendance, une « propension » à poursuivre la même politique de dividendes. Il s'agit d'un ancrage (aF7) de la politique de dividendes. En effet, si une entreprise a déjà versé des dividendes les années précédentes, les investisseurs s'attendent à que celle-ci continue. Dans ce contexte, il est considéré comme normal la distribution de dividendes. Par contre, s'il s'avère que l'entreprise n'en verse pas, cela donnera un signal (aF9) au marché comme quoi l'entreprise est en difficulté puisque le paiement du dividende fait partie de la théorie du signal et de la théorie du free cash-flow de Jensen (1986) afin de démontrer que l'entreprise n'est pas encore dans une phase de déclin. D'ailleurs, d'après la théorie du free Cash Flow de Jensen (1986), les investisseurs suggéreront (aF9) des versements de dividendes suivant la situation économique de l'entreprise (principalement entreprise à maturité et ayant des profits, voir tableau 9). En fait, le cadrage (aF8) dans une politique de dividende est très important pour les changements de politiques. En effet, cela implique un message de bonne santé ou de difficulté de la firme. En ce qui concerne le rachat d'actions, la perception est différente. En effet, il s'agit d'une politique ponctuelle, hérétique. D'ailleurs, contrairement à une politique de dividendes, lorsque qu'une entreprise vient de racheter ses propres actions, l'investisseur n'a pas tendance à croire que celle-ci va récidiver sa politique l'année suivante (aF1088(*)). Il s'agit d'éléments de rétributions complémentaires à la politique de dividendes (Fama et French, 2001, p35). L'étude de l'environnement étant achevée, nous allons aborder les systèmes de préférences. Les systèmes de préférences pour les politiques de rétribution s'organisent autour de deux catégories d'agents : les actionnaires ou bénéficiaires et le(s) décideur(s) des politiques de rétribution. Nous allons donc présenter au moins ces deux perspectives à travers les biais de valeurs et de « danger ». D'après Baker et Wurgler (2004), le décideur observe le marché afin de savoir si les investisseurs offrent pour cette année ou pour une certaine période une « prime de dividendes ». Cette prime montre l'intérêt que portent les actionnaires au versement de dividendes. Souhaitent-ils recevoir des dividendes ? Dans ces conditions, le système de préférence n'est pas stable (non bF1). En fait, elle fluctue suivant les conditions économiques du marché. Bien évidemment, un dividende est un gain pour l'investisseur. Par contre, il s'agit d'une perte pour l'entreprise. La firme aurait donc tendance à ne pas vouloir payer de dividendes (bF489(*)) (Glaser et al., 2003 ; diminution des propensions présentée par Fama et French, 2001). De plus, l'investisseur accorde plus d'importance à un versement de dividendes assez proche dans le temps qu'un coupon qui sera versé plus tard (bF590(*)) (Baker et al., 2004, p30 ; Barberis et Thaler, 2002). Par ailleurs, la différence de valeur entre les versements de dividendes et les rachats d'actions se matérialise principalement sur les règles d'imposition divergente entre ces deux mécanismes de rétribution. Pour retirer la plus-value des rachats d'actions, il faut vendre les actions. La plus-value se calcule généralement net d'impôt (bF391(*)). La taxation étant propre à chaque pays et n'étant pas l'objet de notre recherche, nous n'allons pas la présenter mise à part une petite présentation franco-française. Le payement de dividende (Div) est sujet à un prélèvement libératoire (PL) tandis que les ventes d'actions (vA) sont imposées par l'impôt sur les revenus (soit la tranche marginale supérieure de l'impôt sur les revenus : tsupIR) et aux frais de ventes de leur intermédiaire bancaire (fvIB). Donc un individu avec un fort revenu (comme les dirigeants, les principaux investisseurs...), étant fortement imposé sur les revenus, préfèrera le versement de dividendes et, les autres, inversement, souhaiterons une augmentation de leurs titres. En fait, la préférence se décline suivant la résolution de cette équation : Tableau 9: Equation de valeur nette des rétributions 92(*)
Du point de vu du dirigeant, en dehors de son comportement d'actionnaire, préfèrera avoir une politique de rachats d'action, s'il perçoit que le marché sous-évalue la valeur de son entreprise (Baker et al., 2004, p23). Dans ce contexte, seulement pour l'investisseur, les systèmes de préférence sont bien organisés / hiérarchisés (bF2). Maintenant que les biais de valeurs des systèmes de préférence sont traités, nous passons aux biais de danger. Dans un premier temps, nous aborderons la vision des investisseurs et, dans un second temps, la vision du dirigeant. Une politique de dividendes est un moyen d'assurer une rétribution régulière sans vendre les actions de l'entreprise. Il s'agit donc d'un moyen de réaliser avec certitude des gains (bF9). En même temps, cela réduit les risques sur les fluctuations de la cotation de la firme (bF893(*)) contrairement au rachat d'actions (Baker et al., 2004 ; Mullainathan et Thaler, 2000). D'un autre côté, le dirigeant, au travers des rachats d'actions sollicite l'incertitude en cas de pertes (bF10) mais prône la protection et le conservatisme (bF11) pour le contrôle de son entreprise en réduisant les prises de contrôle d'une entreprise concurrente dans son capital. Ce type de conservatisme est donc un moyen de contrecarrer un risque de perte de contrôle (bF8) (Barberis et Thaler, 2002, p57). Après les différences de systèmes de préférences, nous abordons, dès à présent, les biais d'évaluations de ces alternatives. L'évaluation des alternatives peut être altérée par différents biais aussi bien de capacité de calcul que de modification des perceptions. Tout ceci influence le comportement lors des politiques de rétributions. En fait, il est important d'avoir à l'esprit que le décideur doit calculer les différentes alternatives mais aussi les valeurs de comparaison comme celle de la valeur de marché de l'entreprise qui n'est pas directement liée aux évaluations des alternatives. Dans le cadre de l'évaluation des alternatives, les individus effectuent successivement les évaluations (non cF2)94(*) puisqu'ils sont sujets au compartimentage mental (cF5) (Barberis et Thaler, 2002, p56). Il peut donc arriver de nouvelles informations entre temps ce qui peut bouleverser les précédentes évaluations, surtout sur le marché financier. D'autre part, il peut arriver, qu'entre deux calculs, il y a des erreurs de représentativité différentes (cF6) qui peuvent être dues à une capacité cognitive et affective (cF4) fluctuante entre les évaluations d'alternatives (Loewenstein, 2000). Bien évidemment, par apprentissage (cF3), certains de ces éléments peuvent être corrigés ou par échange avec le conseil d'administration (Forbes et Milliken, 1999, p495). Il en est de même pour les évaluations de la valeur de l'entreprise. En fait, une politique de dividende est aisément calculable pour évaluer sa valeur pécuniaire. Par contre, l'évaluation de la perception des décideurs est plus difficile, d'où l'étude de la prime de dividende de Baker et Wurgler (2004). De plus, ce calcul nécessite aussi la prise en compte du coût d'arrêt d'une telle politique de dividende ou la réitération de celle-ci durant les prochaines périodes (cF4 et cF5)95(*). D'un autre côté, l'évaluation des politiques de rachat d'actions n'a pas cette nécessité de pérennité ou ce coût d'arrêt. En revanche, l'évaluation est beaucoup plus fluctuante étant donné qu'elle est indexée sur le cours de l'action. De plus, le calcul de la répercussion de cette politique sur le cours des actions est encore plus difficile à établir (non cF1). En plus de ces biais de capacité de calcul, il existe d'autres biais qui modifient les évaluations des alternatives. Pour ce qui concerne les biais modifiant les perceptions d'évaluation, le dirigeant est le principal agent dont le comportement est à étudier dans ce contexte. Un dirigeant optimisme (cF7) ou surconfiant (cF8) perçoit beaucoup plus d'opportunités d'investissement (Baker et al., 2004 ; Heaton, 2002, Malmendier et Tate, 2002). Il n'aura donc pas tendance à réaliser des politiques de dividendes. Par contre, un dirigeant avec ce type d'attitude considérera que le marché sous performe la valeur réelle de son entreprise. Il aura donc intérêt à racheter les actions afin de réaliser une plus-value sur la valorisation de la firme s'il a les fonds. A fortiori, en cas de crise, ce type de dirigeant considérera que ce n'est qu'une petite phase passagère, soit par orgueil puisqu'il ne veut pas admettre l'échec de son entreprise, soit par habitude, soit par la peur de perdre ses investisseurs, voire par une pensée magique (cF9) en considérant que le paiement de dividendes va donner un signal relançant l'activité l'entreprise. Maintenant que l'ensemble de ces critères a été présenté, nous étudions les critères de sélection. Les deux mécanismes de rétribution n'ont pas les mêmes caractéristiques en ce qui concerne les critères de sélection. En effet, la politique de dividende peut être considérée comme une dépense nette du point de vue pécuniaire. En revanche, les politiques de rachat d'actions peuvent être perçues comme un moyen d'échange ou d'investissement qu'il est possible de repositionner sur le marché en les vendant et donc reconstituer des liquidités. En effet, tant que ces actions ne sont pas retirées du marché, cette politique est réversible. Les critères de sélections se déclinent en niveau d'acceptation et de détermination d'objectifs. Nous verrons dans un premier temps la politique de dividendes et ensuite le rachat d'action. Lors de politiques de dividendes, le dirigeant ne décide pas de maximiser (non dF1) sa richesse hormis s'il est actionnaire, surtout s'il est majoritaire. Mais, en fait, il lui serait plus « profitable » d'utiliser d'autres mécanismes pour maximiser sa richesse. En effet, une politique de dividende est de facto contrainte par le conseil d'administration et les actionnaires quand cela est possible. Contrainte par défaut (dF4), s'il n'a pas d'autres opportunités d'investissement. Contrainte par besoin (dF5), si les actionnaires ne votent le budget que s'il affiche une politique de dividende (Free Cash Flow Theory de Jensen, 1986). Par contre, le décideur peut considérer comme satisfaisant (dF3) une politique de dividende. En effet, s'il veut obtenir des financements par le marché ou être mieux valorisé par ce même marché, il peut considérer dérisoire le coût de la politique de dividendes. Dans un second temps, une politique de rachat d'action peut, contrairement à la politique de dividende, être un moyen pour maximiser (dF1) les profits de l'entreprise en achetant les actions de cette dernière lorsqu'elles sont sous-évaluées par le marché et les revendre lorsqu'elles sont surévaluées (Baker et al., 2004, p23). De plus, le dirigeant peut être contraint par besoin (dF5) de racheter des actions en vue de se préserver des prises de contrôle par les concurrents ou par défaut (dF4) en vue d'une politique d'investissement à long terme d'échange d'action qui peut d'ailleurs être une décision satisfaisante (dF3). Maintenant que les biais de stratégies sont présentés, nous allons étudier les biais d'intérêt ou d'objectif des critères de sélection. Pour une politique de dividendes, le principal objectif est de signaler que l'entreprise, même si elle est à maturité, est toujours rentable (Jensen, 1986). Cela peut se faire de facto sans pression du conseil d'administration. Dans ces conditions, le dirigeant peut être considéré comme ayant un objectif de réciprocité (dF8), de réputation, de loyauté (dF9) voire altruiste (dF7). En revanche, le dirigeant, par égoïsme (dF6), rationnel ou non, peut verser des dividendes mêmes si l'entreprise est en déclin afin de cacher la situation. De même, il peut tenter de protéger sa réputation. Lors de rachat d'actions, l'objectif est beaucoup plus difficile à appréhender. Une des principale piste est le maintien du contrôle de l'entreprise par elle-même et donc a fortiori augmenter le pouvoir du dirigeant face aux actionnaires, surtout s'il devient majoritaire (dF6). S'il opère pour une politique à long terme d'investissement par échange d'action, par exemple, ou pour protéger l'entreprise contre des achats hostiles, cette démarche peut avoir des penchants altruistes (dF7), de réciprocité (dF8), de loyauté (dF9)... D'après tous les éléments présentés dans cette partie, nous pouvons considérer que les différentes hypothèses sont validées. Ces politiques s'organisent principalement au sein de la vision actionnariale de la gouvernance (H9). De plus, le comportement, dans ce contexte, est majoritairement disciplinaire même si certains sont productifs (H10).Enfin, l'étude du comportement au sein des politiques de dividendes et de rachat d'actions, apporte un pouvoir explicatif supplémentaire à celles provenant des théories actuelles (H8). Après avoir référencé une multitude, non exhaustive, des influences du comportement sur la finance d'entreprise et avoir présenté le pouvoir explicatif prometteur de la finance d'entreprise comportementale, nous présentons le projet de recherche. Ce projet de recherche se décline par une modélisation, des hypothèses testables et une démarche préconisée pour cette étude. Il est évident que ce projet est une première ébauche qui nécessitera des approfondissements durant la thèse. Comme le suggère le terme de première ébauche, toute cette partie doit être appréciée avec réserve. L'élément essentiel de la recherche en finance d'entreprise comportementale est le processus de prise de décision du dirigeant qui est en relation presque permanente avec le conseil d'administration. Or, d'après Larcker et al. (2004), les études empiriques n'ont pas validé l'importance des systèmes de gouvernance au sein de l'entreprise. De plus, d'après Miller (1986) pour les politiques de dividendes, les approches comportementales peuvent jouer un rôle dans les études cliniques. Mais cet auteur prétend que ces mêmes approches n'ont aucune utilité dans une perspective macroéconomique ou dans les théories normatives, générales. Il serait donc intéressant d'analyser les contributions de la finance d'entreprise comportementale lors des prises de décisions du dirigeant au travers du conseil d'administration96(*). L'objectif serait d'étudier l'influence de la gouvernance dans ce domaine et de déterminer si les approches comportementales puissent apporter de meilleures explications aussi bien pour des études de cas que pour des tests statistiques. Dans la situation actuelle, nous envisageons donc une double modélisation. La première consisterait à développer les processus de décisions en s'appuyant sur les approches comportementales. La seconde porterait sur la constitution d'un système d'équation de comparaison entre les pouvoirs explicatifs des théories traditionnelles et celles des théories avec l'introduction des approches comportementales pour chacun des domaines de la finance d'entreprise.
Nous pourrions extrapoler un processus de décision coïncident avec les différentes démarches afin de représenter le comportement d'un ou d'un groupe d'individus lors de la prise de décision. Il s'agirait de concilier au mieux les différentes approches afin d'être plus représentatif de la réalité. Ce processus serait basé sur la prise de décision par objection d'Anderson (1983). Décision(s) Connaissance de l'Environnement Système de Préférences Capacité d'Evaluation Critères de Sélection Schéma 003: Critères comportementaux du processus de décision A l'aide d'une étude clinique et en approfondissant le schéma 397(*), il s'agira d'étudier le comportement de chaque membre et leur interaction durant les prises de décisions effectuées au sein du conseil d'administration afin de déterminer quels sont les facteurs comportementaux qui influencent les décisions en finance d'entreprise. L'intérêt serait de mieux considérer ces différents critères dans le processus de décision, qu'il soit individuel ou de groupe, et de les intégrer véritablement dans les différents processus de décision. Une fois l'analyse théorique achevée, il sera possible de constituer une étude empirique.
L'étude empirique permettrait d'évaluer si le pouvoir explicatif du comportement est viable aussi bien au niveau micro qu'au niveau macroéconomique en finance d'entreprise comportementale. Il s'agirait d'évaluer les coûts (C) et les profits (P) des critères comportementaux de la prise de décision afin de déterminer lesquels sont les plus rentables (R), importants. Le test pourrait donc se constituer d'un système d'équations afin de savoir quels sont les critères comportementaux qui freinent ou dynamisent la finance d'entreprise : . Niveau de connaissance de l'environnement (aF) RaF = CaF - PaF . Etablissement du système de préférence (bF) RbF = CbF - PbF . Capacité d'évaluation des alternatives (cF) RcF = CcF - PcF . Critère de sélection ou de non sélection (dF) RdF = CdF - PdF D'ailleurs l'ensemble devrait permettre de comprendre pourquoi telle ou telle décision (D) est prise. D = RaF + RbF + RcF + RdF + Nf + Nh 98(*) Cette « équation » devra être comparée avec l'équation similaire qui est propre aux théories traditionnelles afin d'évaluer réellement l'écart du pouvoir prédictif entre ces deux types d'explication des théories en finance d'entreprise. De plus, il est possible de détailler encore plus ces éléments en incorporant les facteurs présentés dans les parties précédentes du mémoire. Le sujet de comportement en finance d'entreprise est tellement vaste et complexe qu'il est difficile à l'heure actuelle d'établir une modélisation du projet de recherche, surtout sans avoir effectuer une mise en situation. Nous allons donc présenter une première vague d'hypothèses testables. Quelles sont les hypothèses que nous pourrions tester ? En fait, il serait théoriquement possible de décliner les « modélisations » précédentes pour chaque type de décisions et pour chaque sujet d'étude tel que le rôle disciplinaire et productif... Voici donc une liste d'hypothèses pouvant être intéressante à tester, en sus, des éléments présentés précédemment durant cette recherche :99(*) . H1 : L'étude du comportement réforme le paradigme de la rationalité. . H2 : L'effet de groupe discipline les comportements des membres. . H3 : Les différences de comportement assurent à l'entreprise une capacité d'innovations plus importante que si les individus étaient identiques . H4 : Les différences de comportements ne sont pas uniquement culturelles (entre les pays). Il existe même au sein des membres d'une même famille. . H5 : La culture d'entreprise est créée par l'accumulation historique des comportements du dirigeant. . ... Ces hypothèses sont à décliner suivant le processus de décision, les décisions de financement, d'investissement et de rétribution. Nous avons identifié des éléments que nous pourrions tester, mais quelle démarche allons-nous suivre afin d'assurer cette étude ? Notre démarche doit tenir compte que durant cette étude nous nous confronterons avec la possibilité de révolutionner le paradigme de l'efficience et principalement le paradigme de la rationalité. Notre méthodologie doit donc envisager et inclure une partie d'épistémologie et une démarche empirico-formelle. Tout changement de paradigme comporte une dimension épistémologique. Il en résulte que la validité des arguments est propre aux affinités de chacun. La plupart des courants recherchent un réalisme dans leurs hypothèses sous-jacentes contrairement au courant Friedmannien qui ne considère que le pouvoir prédictif des théories. À défaut d'être neutre de tout courant épistémologique, nous présenterons chaque argument avancé dans leur cadre épistémologique de prédilection et étudierons leur validité au sein des autres courants. A partir du moment, par principe de précaution, que les quiproquos concernant les courants utilisés sont écartés, nous pouvons aborder la démarche méthodologique envisagée. Revue de littérature Etude qualitative Etude quantitative Hypothèses Variables Validations Cette recherche suivra principalement une démarche méthodologique empirico-formelle. Dans cette perspective, nous approfondirons la revue de la littérature. Par la suite, les hypothèses issues de cette synthèse seront formalisées en variables grâce à une étude qualitative de découverte (étude factorielle ou/et de cas cliniques : entretien, observations, jeux de rôle) afin d'identifier les différents vecteurs comportementaux de la prise de décision au sein de l'entreprise. Dans un second temps, la validité des hypothèses et les mesures des pouvoirs explicatifs de ces variables seront testées à l'aide d'une étude, cette fois-ci, quantitative (test statistique). L'ensemble de cette recherche permettra de clairement préciser l'influence, et donc, l'intérêt de ces variables comportementales en finance d'entreprise. La présentation du projet de recherche touchant à sa fin, nous allons synthétiser notre recherche au sein de la conclusion qui va suivre. * 3 Le terme de « surconfiance » pour présenter l'excès de confiance est usité par une multitude d'auteurs d'articles dont Baker et al. (2004), Charreaux (2005)... * 4 Figure 26.1 page 28 dans l'article de Glaser et al. (2003) * 5 Kuhn (1983, p 92) : « Bref, consciemment ou non, la décision d'employer un appareillage particulier, d'une manière particulière, sous-entend qu'un certain genre de circonstances seulement se présentera. Sur le plan instrumental comme sur le plan théorique on s'attend à certains résultats et cela a souvent joué un rôle décisif dans le développement scientifique. » * 6 L'image du puzzle au sien de la recherche en finance et dans bien d'autres domaines est largement usitée. Par exemple, Myers (1984) utilise ce terme. * 7 Principalement dans la partie 2.2 « Décisions de financement » * 8 Firme comme noeud de compétences spécifiques * 9 Société managériale * 10 Principalement dans la partie 2.4 « décision de rétribution » * 11 Société managériale cotée en bourse * 12 terme usité par Myers * 13 Précision complémentaire au Postulat 2 de l'entreprise managériale. * 14 Marché non efficient (P3a) et marché efficient (P3b) * 15 terme usité par Mullainathan et Thaler (2000) et bien d'autres auteurs * 16 selon Kuhn (1983) * 17 Ce tableau est une traduction approximative de celui de Camerer (2003, p 4) étant donné que le vocabulaire n'est pas encore normalisé. * 18 Théorie présentée par Kahneman et Tversky (1979) « Prospect Theory ». * 19 Traduction « maladroite » du terme anglais « stickiness » * 20 Inspiré du tableau synthétique et de la présentation des principaux courants comportementaux de Charreaux (2005). Ce tableau est surtout introduit afin de montrer la variété des courants comportementaux en économie et en sciences de gestion. Certain classement d'auteurs peuvent être contestés étant donnée que certaines frontières entre les courants peuvent être très friables. De plus, ce tableau n'est pas exhaustif. * 21 Camerer et al. (2004), Delacour (1998) présentent, dans leur article, de plus amples présentations des outils et informations sur les approches des neurosciences cognitives. * 22 La liste ci-dessous présente un condensé historique de Delacour (1998). Les auteurs présentés sont donc des références, issues du domaine de la psychologie, propres à cet ouvrage. * 23 Versus (vs) * 24 Kuhn (1983, p 92) * 25 L'individu en psychanalyse est nommé « sujet ». * 26 LaPorta et al. (2000), Charreaux (2002a), Parisi et Smith (2005), Forbes et Milliken (1999) ... * 27 Camerer et al. (2004) illustrent leur typologie par une matrice présentée dans les annexes de leur article : Table 1 page 85. * 28 Charreaux (2005, p7) achève une synthèse, afin de définir le comportement, avec une traduction approximative du tableau établi en anglais par Greenfinch (2005) sur le site internet qu'il consacre à la finance comportementale. Depuis, Greenfinch (2005) a réalisé ce même tableau en français. * 29 Voir Annexe 2 issu de Camerer et al., 2004 et l'introduction à la neuroscience de Delacour (1998). * 30 SRSM : Sozialized, Role-playing and Sanctioned Man de Brunner (1987, p375). * 31 Efficience du marché si les investisseurs sont rationnels. * 32 Maximisation de la richesse du manager si le manager est rationnel. * 33 Rationalité Substantive * 34 Tableau 1 de l'article de Charreaux (2002a) présentant le rôle productif des actionnaires industriels et institutionnels. * 35 Principalement dans la section 2.3 Décisions d'investissement sur les opportunités. * 36 L'ensemble du classement des facteurs comportementaux est repris dans l'annexe 1. * 37 Pour ne pas alourdir le Schéma 3, nous avons préféré ne pas faire figurer ce feedback reliant la décision à la connaissance de l'environnement. * 38 Ceci correspond aussi à la dépendance de sentier ou path dependency. * 39 Le compartimentage fait allusion aux différentes zones du cerveau qui n'ont pas une activité conjointe. Chaque zone interprète, suivant sa fonction, une partie du message. * 40 Garbage Can Model : Modèle de la poubelle. * 41 IA - Intelligence Artificielle. * 42 Connaissance pertinente de l'environnement * 43 Détail ci-après ou voir liste complète des facteurs dans l'annexe 1 * 44 Habitudes et routines * 45 Suggestion * 46 Tableau inspiré par Anderson (1983, p215) lors de sa restitution de March et Simon (1958). * 47 Aversion aux pertes * 48 Préférence pour l'incertitude en cas de pertes * 49 Aversion à l'incertitude en cas de gains. * 50 Apprentissage * 51 Section 2.3 Décisions d'Investissement. * 52 Traduction des termes de Mullainathan et Thaler (2000) par Charreaux (2005, p5). * 53 Pensée magique ou création de sens. * 54 Maximisation (Maximizing) * 55 Satisfaction (Satisfycing) * 56 Contraint par défaut * 57 Contraint par besoin * 58 Altruisme * 59 Sense-making de Weick (1993) * 60 H1 : Le processus de décision a un pouvoir explicatif sur les décisions en finance d'entreprise. * 61 En référence à l'utilisation de la théorie des jeux. * 62 Au sens de Baker et al. (2004) et de Shefrin (2001). * 63 Eg : Exempli gratia = par exemple, pour exemple. * 64 entreprise managériale * 65 Valeur relative * 66 Aversion aux pertes * 67 bF5 : myopie temporelle * 68 Aversion aux risques * 69 Aversion à l'incertitude en cas de gains * 70 Préférence pour l'incertitude en cas de pertes. * 71 Capacité calculatoire simultanée * 72 Capacité cognitive et affective * 73 Capacité calculatoire illimitée * 74 Contraint par défaut * 75 Contraint par besoin * 76 Réciprocité * 77 Utilité * 78 Egoïsme * 79 Habitudes et routines * 80 Biais de confirmation * 81 Ancrage * 82 Myopie temporelle * 83 Traduction approximative effectuée du tableau présenté dans l'article de Duhaime et Schwenk (1983, p13). * 84 dF7 : altruisme / dF8 : réciprocité / dF9 : loyauté * 85 Section 3. Projet de recherche. * 86 Tableau inspiré des travaux de Fama et French (2000, p21) * 87 Connaissance pertinente de l'environnement * 88 Croyances * 89 Aversion aux pertes * 90 Myopie temporelle * 91 Valeur relative * 92 Il s'agit d'une extrapolation de la juridiction française. Bien évidemment, d'autres auteurs ont dû présenter ces points plus précisément. Mais pour ce qui nous concerne, il ne s'agit qu'une illustration sommaire de cette perspective. * 93 Aversion aux risques * 94 Capacité calculatoire simultanée * 95 cF4 : capacité cognitive et affective / cF5 : compartimentage mental * 96 Amorcé par Charreaux (2005, tableau 3, p26) pour la gouvernance comportementale. * 97 Présenté p 30 pour facilité la réminiscence de ce schéma. * 98 Nf : Nature de la firme / Nh : Nature de l'homme * 99 La numérotation de ces hypothèses est totalement indépendante des hypothèses des parties 1 et 2 de notre recherche. Ces hypothèses ne sont pas référencées dans l'annexe 1 contrairement aux précédentes hypothèses. |
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