Partie 2 :
Bâtir une stratégie
numérique
Au moment où sont écrites ces lignes, la question
n'est plus de publier ou non des ouvrages numériques, mais elle est de
savoir quels livres numériques ? Pour quelle rentabilité ?
Toutefois, la révolution numérique peut aussi
bénéficier aux livres papiers grâce à leur promotion
sur le web.
La numérisation modifiant les manières de produire
et de travailler en général, les compétences doivent-elles
aussi évoluer afin de publier des contenus qui rencontreront leur
public.
CHAPITRE 1 : LA COMMERCIALISATION DU LIVRE DANS L'UNIVERS
NUMERIQUE
Section 1. Être présent sur les plates-formes
Le livre, ce n'est pas le support, mais bien le contenu. Qu'il
soit papier ou numérique, l'éditeur doit s'assurer qu'il se vende
au mieux. La question qui se posait encore il y a quelques mois dans les
groupes d'édition, et qui semble avoir été résolue
depuis, tournait autour de l'opportunité d'éditer ou non la
version numérique d'un livre papier. La réponse aujourd'hui, pour
la majeure partie des maisons d'édition, est positive. Virginie
Clayssen, directrice adjointe du développement numérique chez
Editis, déclare que le contenu est systématiquement
édité sur ces deux supports. Cette assertion est d'ailleurs
démontrée par les faits. Ainsi, l'animatrice du blog
Idboox58, a posté le 22 janvier 2011 un billet,
écrivant que le distributeur de livres numériques ePagine a
augmenté son catalogue d'ebooks de 602 nouveautés provenant de 54
éditeurs, ce qui prouve que les éditeurs commencent à se
mobiliser sur ce marché.
Si les gros éditeurs ont choisi d'entrer dans la course,
les petits et les moyens éditeurs peuvent voir là une
manière d'accroître les canaux de distribution et par là
même de faire croître leur chiffre d'affaires. Ainsi, Hatier
propose sous la forme numérique sa collection
« Profil d'une oeuvre » composée de 45 titres.
L'éditeur jeunesse Nantais, Gulf Stream, a quant à lui
numérisé sa collection de romans policiers intitulée
« Courants noirs » destinée aux enfants de 9 ans et plus,
tendant ainsi à prouver que la digitalisation concerne l'ensemble des
secteurs, y compris celui de la jeunesse. De même, les éditions
Champ social, installées à Nîmes, a mis en ligne
l'intégralité de son catalogue en numérique sur son site
internet. En 4 mois, les ventes de livres numériques
représentaient 10 % de son chiffre d'affaires.
Cependant, le marché n'étant pas encore
suffisamment développé, beaucoup d'éditeurs attendent
qu'il bascule ou que, tout au moins, les chiffres deviennent significatifs.
Néanmoins, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce
marché se développe. D'abord, les constructeurs doivent proposer
à la vente des readers connectés (ce qui est le cas aujourd'hui
du Fnacbook). En outre, les lecteurs doivent pouvoir bénéficier
d'une variété de choix grâce à un catalogue de
titres en nombre suffisant. Actuellement, la Fnac ne propose que 80 000 titres
à la vente, alors qu'Amazon détient un fonds de plus de 800 000
références.
58 http://www.idboox.com/
Enfin, le prix des livres numériques est encore ressenti
comme trop élevé par le public. Une étude59
réalisée par l'IPSOS pour le compte du Centre National du livre,
montre que les lecteurs souhaiteraient que le prix du livre numérique
soit inférieur en moyenne de 40% à l'ouvrage papier.
Prix souhaité par le public
|
Prix du livre numérique
|
Baisse par rapport au livre papier
|
Un roman récent qui coûterait 20 € au format
papier
|
12€
|
-40 %
|
Un roman plus ancien qui coûterait 7 € en livre de
poche
|
4,1 €
|
-41 %
|
Un livre scientifique, technique ou professionnel qui
coûterait 20 € au format papier
|
22,9 €
|
-43%
|
Un essai (politique, philosophie, histoire...) qui
coûterait 20 € au format papier
|
11,2 €
|
-44%
|
Un album de bande dessinée qui coûterait 12
€ au format papier
|
6,7 €
|
-44 %
|
Un manga qui coûterait 6 € au format papier
|
3,3 €
|
-45 %
|
IPSOS mars 2010
Les prix pratiqués sont donc encore trop
élevés. Bien que les éditeurs réduisent
actuellement les prix de vente du livre numérique par rapport au papier,
cet effort reste encore bien timide. Ainsi, la version papier d'Antigone de
Jean Anouilh publiée par Hatier est vendue à 4,50 € prix
public (prix Fnac : 4,25 €), tandis que le prix du livre numérique
est fixé à 3,49 €. L'effort est encore moins significatif
pour l'éditeur Gulf Stream, car non seulement son fonds est
proposé dans la version PDF, mais la remise n'est pas susceptible
d'encourager
59 «Les publics du livre numérique»,
IPSOS/CNL, mars 2010
l'acheteur à acquérir la version numérique.
Le prix public du livre papier intitulé « Attaques nocturnes »
est fixé à 12,50 € et est vendu sur ePagine sous sa forme
numérique à 10,63 €. L'augmentation de la part des ventes
dans le chiffre d'affaires des éditions Champs social (voir plus haut)
montre que le facteur prix est déterminant. Alors que le livre papier
est vendu 20 €, celui-ci est proposé a 4,99 € dans sa version
numérique.
Les prix généralement pratiqués paraissent
disproportionnés pour le public qui est en droit de s'interroger sur les
raisons pour lesquelles le prix moyen d'une application sur l'Applestore est de
2,68 € alors que les coûts de développement sont largement
supérieurs aux coûts de production d'un livre
numérisé.
2,8
4,5 11
6,4
15,4
Volume d'ebooks (%) par
fourchettes de prix
20,5
12,8
26,5
Gratuit
0,01- 1,00 € 1,01 - 2,00 € 2,01 - 3,00 € 3,01 -
4,00 € 4,01 - 5,00 € 5,01 - 10 €
10,01 €
Apple Appstore - Mai 2010
Les éditeurs ne doivent pas s'attendre pour le moment
à des ventes faramineuses. Ainsi, la librairie électronique
Immatériel déclarait, lors d'une journée organisée
par Dilicom en février 2011, que son chiffre d'affaires est de 8000
€ par mois. Il faut toutefois remarquer que la progression des revenus de
ce cyberlibraire a en un an largement progressé Il est, en outre,
intéressant de constater que les livres en informatique et dans le
domaine de l'entreprise, sont ceux qui se vendent le mieux
proportionnellement.
Catalogue Immatériel
Secteurs
|
% du catalogue
|
% du CA
|
Littérature générale
|
37 %
|
35 %
|
Sciences humaines
|
28 %
|
9 %
|
Informatique
|
5 %
|
40 %
|
Entreprise
|
5 %
|
12 %
|
Livres pratiques
|
4 %
|
4 %
|
Section 2 : Développer un site internet
Le marché de l'édition étant fortement
concurrentiel, l'éditeur doit trouver le moyen de mieux communiquer et
d'accroître ses ventes. Aujourd'hui, internet étant pour la
plupart d'entre nous, un réflexe, il est indispensable de
posséder un site pour présenter son catalogue. Certains vont
même jusqu'à intégrer une boutique en ligne, afin de vendre
en direct. Il s'agit principalement des éditeurs techniques qui, moins
dépendants de la librairie en raison de la part importante des
abonnements dans leur chiffre d'affaires, peuvent mettre en place un site de
ventes directes. Ainsi certains éditeurs, tels que Dalloz et Elsevier
Masson, par exemple, ont développé des boutiques n'ayant rien
à envier aux cyberlibraires les plus chevronnés. D'ailleurs,
nombre d'entre eux proposent à la fois la vente du livre papier et sa
version numérique.
Ces sites présentent l'avantage de créer un contact
direct avec le lecteur, en permettant de mieux comprendre le lectorat de la
maison d'édition et de créer un lien entre le marché et la
marque. Alors que sur le marché traditionnel les éditeurs ne
connaissent pas leurs lecteurs, il est aisé sur internet de constituer
une base de données clients permettant de mettre en oeuvre une politique
de contacts directs pour adresser des propositions commerciales.
Il peut être joint à ce site, la création
d'une application présentant l'offre de la maison d'édition. Bien
qu'onéreuse à fabriquer, c'est un moyen de créer un
contact plus intime avec le client, en lui envoyant des informations en push
sur les nouveautés et en facilitant l'accès au catalogue
numérique. C'est ainsi que Le Diable Vauvert a proposé dès
janvier 2010 une
application. Celle-ci permet d'accéder au catalogue. En
outre, elle contient une rubrique actualités (signatures, sorties
libraires, rencontres...), ainsi qu'une section multimédia avec des
interviews d'auteurs, des bandes annonces et l'accès gratuit en
streaming à des ouvrages numériques. Toutefois, un an plus tard
l'application semble avoir été supprimée de
l'Applestore.
De même, les éditions Harlequin, chez qui le chiffre
d'affaires du livre numérique représente 8 % du total, propose
une librairie mobile sur l'Applestore. Afin de découvrir le
fonds, le lecteur peut accéder gratuitement à des
extraits des livres du catalogue, ainsi qu'au premier chapitre. Les livres sont
vendus 2,99 €.
Section 3. Mettre en oeuvre une cyberpromotion performante
Avec la généralisation de l'utilisation d'internet
en France, la manière de faire connaître les livres a
foncièrement évolué en permettant la mise en place de
nouvelles techniques de ventes qui requièrent bien souvent des
investissements moins importants que le marketing traditionnel.
Sous-section 1. Créer le buzz et développer la
viralité
Internet ouvre de nouvelles voies de communications permettant de
créer l'évènement en incitant l'internaute à
transmettre le message à son groupe de connaissances.
Aujourd'hui, les buzz orchestrés sont surtout le fait de
groupes d'édition qui mettent en pratique ces techniques quand les
enjeux sont importants, afin d'assurer une mise en place conséquente
d'ouvrages en librairie et permettre la rencontre entre le livre et son
lecteur. Il peut s'agir de campagnes d'emailing, d'interventions sur les
forums, de sites compagnons ou de vidéos, par exemple. Twilight de
Stephenie Meyer est un cas d'école. Cet ouvrage a été
d'abord publié chez un petit éditeur américain. Une
communauté très active s'est développée par la
suite sur intenet, alimentant le buzz.
Il en va de même pour le succès de librairie
français, Oksa Pollock, un livre du secteur jeunesse écrit par
deux bibliothécaires qui, en réaction aux héros de romans
pour enfants qui n'ont ni parents, ni grands-parents, se décident de
surfer sur la vague bit-lit, mais cette fois l'héroïne vit dans une
famille unie, excentrique, mais structurante. Le manuscrit ayant d'abord
été refusé par Gallimard, les auteurs décident
d'avoir recours à l'autopublication. Grâce au bouche à
oreille alimenté par les jeunes internautes, les trois tomes du livre se
vendront à
14 000 exemplaires, avant que Bernard XO ne décide de
publier cet ouvrage.
Sous-section 2. Les blogs pour faire parler
Ils peuvent être utilisés comme support de
communication, en créant une intimité entre la collection,
l'auteur ou le héros. Toutefois, il convient de faire attention, quand
le lien entre les personnages et les lecteurs est noué, il faut le
maintenir et ne pas se contenter d'alimenter le blog uniquement durant le
lancement de l'ouvrage.
Les blogs sont aussi des outils de prescription. Il faut alors
mener un travail d'identification des blogueurs reconnus dans le milieu et dont
l'avis compte. Dans le cas de l'édition littéraire, ce travail
quelque peu fastidieux, a été facilité grâce
à l'apparition des hubs littéraires. Il s'agit en fait
d'agrégateurs d'une communauté qui d'une part répertorie
les articles postés par les blogueurs et qui, d'autre part, les
rassemble autour de points d'intérêts communs. Ces hubs jouent de
plus en plus un rôle d'interface entre les éditeurs et les
blogueurs. Ainsi, l'éditeur contacte le hub et détermine le
nombre d'exemplaires à servir en service de presse, ceux-ci sont alors
répartis par le site entre les blogueurs.
Quatre hubs sont particulièrement efficaces dans
le secteur.
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