PLACEMENT SOUS ECROUS ET DIGNITE DE LA
PERSONNE
ENCADREUR :MR BOUARE MARI MADY
MAITRE ASSISTANT ASSOCIE,AVOCAT
INTRODUCTION GENERALE
3
TITRE PREMIER : LA
RECONAISSANCE D'UN DROIT A LA PRISON GARANT DE LA DIGNITE INHERENTE A LA
PERSONNE EN MILIEU CARCERAL 4
CHAPITRE PREMIER : LE CADRE
JURIDIQUE DU PRINCIPE DE LA DIGNITE DE LA PERSONNE DANS LA PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS 5
SECTION 1 : LA
REGLEMENTATION INTERNATIONALE RELATIVE A LA DIGNITE DE LA PERSONNE
5
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS
JURIDIQUES INTERNES RELATIFS A LA DETENTION 6
SECTION 2 : L'ENCADREMENT
JURIDIQUE LIE AUX RENFORCEMENTS DE L'EXECUTION ET A L'AMENAGEMENT DES SANCTIONS
PENALES 8
TITRE DEUXIEME : UNE
APPLICATION LIMITEE DU DROIT AU 10
CHAPITRE PREMIER :
L'EXIGENCE DE CONDITIONS MATERIELLES DE DETENTION RESPECTUEUSES DE LA
DIGNITE HUMAINE 11
SECTION 1 : LA PRISON :
UN LIEU DE DESHUMANISATION ATTENTTATOIRE A LA DIGNITE 11
SECTION 2 : L'ARBITRAIRE
CARCERAL 11
CHAPITRE 2 : VERS
L'HUMANISATION ET LA REINSERTION DES DETENUS 13
SECTION 1 : L'HUMANISATION
DES CONDITONS DE DETENTION 13
SECTION 2 : LE DEFI DE LA
REINSERTION 13
CONCLUSION GENERALE :
15ABREVIATIONS
CPP : Code de procédure pénal
CP : Code pénal
CEDH : Cour européenne des droits de l'homme
CE : Conseil d'état
RPE : Règle pénitentiaire
européenne
MAC : Maison d'arrêt et correction
TA : Tribunal administratif
CPT : Convention pour la prévention de la
torture
R.U.D.H : Revue universitaire des droits de l'homme
OUA : Organisation de l'université africaine
UA : Union africaine
DUDH : Déclaration universitaire des droits de
l'homme
CJCE: Cour de justice de la communauté
européenne
D.A.P: Division de l'administration pénitentiaire
RI: Règlement intérieur
Art: Article
MJ : Ministère de la justice
JAP : Juge d'application des peines
INTRODUCTION GENERALE
Lorsqu'on examine la vie en société, on constate
qu'elle est régie par des normes dont la violation est
sanctionnée par le droit objectif. Ainsi, lorsque cette règle
établie est transgressée par un des membres, celui-ci se rend
débiteur de cette société là et il est logique
qu'il s'acquitte de cette dette en acceptant d'être sanctionné.
Cette peine est destinée à atteindre l'individu tant dans son
physique, dans son honneur que dans ses biens, il s'agit de
la peine d'emprisonnement qui porte certes sur la personne
physique du condamné mais peut avoir des conséquences
psychologiques et qui comporte un certain nombre de contraintes tant dans son
mode d'exécution que dans le cadre prévu à cet effet par
la loi. Ce cadre c'est la prison qui comme on le devine est un milieu
différent du cadre de vie normal de l'individu.
La prison est devenue un élément fondamental
du système pénal à partir de la révolution. Ainsi,
en Europe, jusqu'à la fin du 18ème siècle, les prisons
dont l'origine remonte à la plus haute antiquité, étaient
considérées plus comme une mesure de sûreté et
d'intimidation que comme moyen d'amendement .Mais cette conception
archaïque de la prison a évolué au fil des temps, sous
l'influence des idées nouvelles, plus moralistes, voire plus humanistes.
Dès lors, le meilleur moyen de lutter contre la délinquance
croissante ne résidait plus dans l'emprisonnement seulement mais dans la
nécessité de faire sortir de prison des hommes et des femmes
meilleurs qu'ils ne l'étaient en y entrant, autrement dit, plus
armés moralement. Pour autant faut-il la considérer comme une
conquête intangible ? En France les excès d'enfermement de la
terreur de 1792 à 1794 conduiraient à répondre par la
négative. Pourtant, la prison a remplacé des pratiques
répressives encore plus douloureuses et humiliantes.
Au XVIIIe siècle un mouvement d'idée se fait
jour, favorable à la substitution de l'enfermement individuel aux
châtiments corporels. Inspirateur du droit pénal moderne, Cesare
Beccaria s'élève contre la torture pour l'instruction du
procès et contre la barbarie des peines infligées, y compris la
mort. Il définit la peine du point de vue de son utilité social
dans son ouvrage1(*) en
précisant que : « Le châtiment a pour but
d'empêcher le coupable de nuire désormais à la
société et de détourner ses concitoyens de la voie du
crime. » Mais là encore, l'enfermement n'est pas encore la
clé de voute de l'arsenal répressif des crimes et des
délits. Au sommet de l'échelle des peines subsistent la mort, les
travaux forces ou les galères. Mais la prison en constitue
très vite un élément fondamental. En France, ce n'est
qu'en 1970 qu'un droit de la prison émerge, droit régissant les
conditions de détentions ainsi que le statut juridique du
détenu.
Lorsqu'on examine la politique contre la criminalité
en vigueur au Sénégal, on constate que celle-ci repose sur une
philosophie que les pouvoirs publics rappellent souvent et qui se résume
ainsi : " Répression sans cruauté inutile mais aussi sans
faiblesse coupable ".Cela signifie que l'infraction à la norme
établie sera réprimée avec rigueur sans tomber dans la
cruauté mais aussi que l'auteur qui est soumis bénéficiera
d'une compréhension sans pourtant verser dans une faiblesse coupable
C'est en fonction de cette théorie de défense sociale que le
décret 66-1081 du 31 décembre 1966 portant organisation et
régime des établissements pénitentiaires fortement modifie
prévoit un régime (pour condamné) qui aurait pour but de
favoriser l'amendement en vue de le préparer au reclassement
social .
Condition d'efficacité de
la procédure pénale, la peine privative de liberté doit
toujours être fondée sur la nécessité
légitime de protéger la sécurité d'autrui et
n'implique pas que la détention puisse être effectuée dans
n'importe quelles conditions. La peine d'emprisonnement comporte donc
l'imposition d'une contrainte afflictive au condamné, une souffrance
physique qui l'atteint directement et personnellement dans sa liberté,
dans son honneur, dans ses droits fondamentaux .De plus la privation de
liberté ne peut entrainer d'autres restrictions aux droits du
détenu que celles qu'entrainent nécessairement les exigences de
sécurité et de contrôle de celui-ci .Ainsi l'ensemble
des droits juridiquement reconnus ou droits moraux fondamentaux doivent
êtres préservés. Cette étude rejoint celle des
partisans de l'ingérence minimale et de la normalisation au sein de la
prison de la situation du détenu.
C'est pourquoi aussi nul ne peut sérieusement
contester que le principe de la dignité humaine à aujourd'hui
acquis une place tout à fait prépondérante dans le cadre
de la protection des droits fondamentaux. Dans le préambule de la
Déclaration universelle des droits de l'homme, la dignité est
présentée comme « le fondement de la
liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »2(*) A la vérité, les
droits de l'homme, à tout le moins les droits élémentaires
sont substantiels à la personne humaine, ils reposent sur un fondement
extra juridique constitué par le postulat de la dignité de la
personne qui sert à protéger l'individu contre toute atteinte
à ce qui fait de lui un être humain, quelle que soit du reste
l'origine de cette atteinte. Il permet avant tout de préserver les
individus de toute atteinte à leur égale humanité,
fondatrice, dans l'idéologie humaniste dominante, de leurs droits
individuels et collectifs et garante de la singularité de
chacun .Sans entrer dans un débat philosophique sur la question,
l'humanité, nous dit E. Kant, est par elle-même une
dignité ; l'homme ne peut être traité par l'homme
comme un simple moyen ou un objet, mais il doit être traité comme
étant aussi une fin3(*). On peut distinguer, en gros, deux conceptions
dominantes de la dignité : l'une qui en fait l'égal attribut
de toute une vie humaine ; l'autre qui insiste davantage sur l'autonomie
de la volonté en tant que seul élément
véritablement digne. Quoiqu'il en soit l'usage du concept de
« dignité » bénéficie du suffrage
unanime de tous les courants de pensée, les philosophes, les morales
autant que les religions. D'ailleurs on retiendra un exemple fourni par Gandhi
qui déclare : « Nous sommes tous taillés
dans le même patron ; mépriser un seul être humain,
c'est mépriser le divin qui est en nous. »4(*)
Diffusant dans l'ensemble de l'ordre juridique, le principe
de dignité humaine se voit de plus en plus évoqué dans le
cadre des personnes placées sous écrous, tout spécialement
celles privées de leur liberté. Il faut donc faire la distinction
entre trois catégories de droits fondamentaux concernant les
détenus : certains droits que les détenus ont perdu du fait
qu'ils sont légalement privés de liberté ;des droits
relatifs qui peuvent faire l'objet de restrictions pour des raisons valables et
des droits absolus dont les détenus jouissent en pleine
égalité avec les autres êtres humains et parmi lesquels
figure en bonne place la dignité . S'il est incontestable que la prison
comporte inévitablement l'infliction d'une souffrance, il est
désormais acquis que ces privations inhérentes à la
privation de liberté ne doivent pas dépasser un certain seuil,
qui signifierait le non respect de la dignité de la personne
détenue. Dans cet ordre d'idée « toute personne
privée de sa liberté est traitée avec humanité et
avec le respect inhérent à la personne
humaine »5(*).Nier cette part d'humanité transforme
l'individu en un être servile, l'avilit , l'inscrit dans une
catégorie inferieure .La dignité est donc le socle de
plusieurs droits fondamentaux ,elle est un principe matriciel, la raison
d'être de l'ensemble des droits fondamentaux6(*), il constitue un
véritable principe directeur dans le cadre du traitement des personnes
privées de liberté . Il permet de rappeler avec
véhémence que ces personnes font partie intégrante de la
communauté humaine. Bien au contraire, leur situation spécifique
en fait des sujets de droit qui nécessitent des mesures
particulières. . Ainsi la protection du maillon faible répond
à une double préoccupation, celle de placer sous écrous la
personne incriminée car ayant occasionné un préjudice
à autrui et en même temps être tenu par l'administration
pénitentiaire au respect de la dignité du détenu. De
nombreuses questions viennent se greffer à cette problématique de
la détention et de la protection de la dignité inhérente
à la personne. Le principe du respect de la dignité humaine
s'accorde- t-il avec les exigences inhérentes à la
détention ? Comment les textes encadrent-ils la détention ? Les
conditions d'incarcération sont elles conformes aux textes en vigueur ou
mieux encore le cadre juridique répond t-il aux aspirations du moment ?
Bref le droit de la prison est-il toujours appliqué ? Y'a-t-il eu des
avancées importantes allant dans le sillage d'une meilleure protection
de la dignité durant l'emprisonnement ? Ne pas poser ce principe du
respect de la dignité durant l'incarcération, c'est passer
à coté de l'essentiel. Il est le moteur de toute politique
pénitentiaire qui se prétend respectueuse des droits des
détenus car il en est la source fondamentale. Tous les droits des
détenus découlent de ce principe car aussitôt
enfermé le mis sous écrous est systématiquement soumis
à toutes sortes d'agressions physiques et psychologiques. Dans cet ordre
d'idée il importe de se poser la question à savoir quelle est
l'étendue de la protection de la dignité de la personne lors de
l'incarcération ? L'article D349 du code de procédure
pénale français
dispose : « l'incarcération doit être subie
dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité,
tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des
bâtiments, le fonctionnement des services économiques et
l'organisation du travail, que l'application des règles de
propreté individuelle et la pratique des exercice physiques ».
En application de cette disposition, par un jugement en date du 27 mars 2008,
le tribunal administratif de Rouen alloue une indemnité à un
détenu en raison du comportement fautif de l'administration
pénitentiaire du fait du non respect de la dignité
inhérente à la personne humaine et de ses conditions de
détention : exiguïté des lieux, promiscuité avec
les autres détenus, cabinet d'aisance situé à
proximité immédiate du lieu ou sont pris les repas.
Bons nombres d'instruments juridiques ont consacré ce
principe. Au Sénégal il existe en l'état actuel des
dispositions de droit interne reconnaissant de manière indubitable la
garantie de ce droit fondamental dans son code de procédure
pénale de 1965 fortement inspiré du code napoléonien de
1804 et consacre l'inviolabilité de la personne et sa
sacralité7(*) dans sa
constitution. De même l'arrêté ministériel du 21 mai
1987 portant règlement intérieur des établissements
pénitentiaires traduit de fort belle manière le souci des
autorités pour la protection de l'intérêt supérieur
qu'est le respect de la dignité. Il est important de souligner que le
législateur sénégalais a ratifié les conventions
internationales s'inscrivant dans la même logique. Il y'a
également un recours croissant à des normes spécifiques
afin de se mettre en conformité avec les obligations consenties au titre
de la Convention des Nations Unies. Dans cette optique des règles
relatives aux détenus vulnérables ont été
intégré dans le droit interne notamment celles relatives aux
enfants8(*) et aux femmes.
La dignité a également servi à rappeler que la prise en
charge de la santé des personnes privées de liberté
constitue une exigence primordiale pour les services pénitentiaires et
de santé9(*) .
Le contexte politique troublé (Casamance) et la pression internationale
subséquente ont poussé le Sénégal à ratifier
la convention10(*) et
à adopter une loi introduisant l'infraction de torture11(*). En outre l'Ensemble des
règles minima pour le traitement des détenus12(*) trouve également son
champ d'application au Sénégal montrant du coup que la
dignité ne s'arrête pas à la porte de l'univers
carcéral. Mieux encore le continent africain n'y est pas allé de
main morte, plaçant la dignité au sens le plus fort de
l'irréductible humain, tout au sommet de la hiérarchie des
valeurs intangibles avec la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples13(*).
Par ailleurs l'évolution du droit de la prison est
allée dans le sens d'une réelle prise en compte des conditions de
vie des détenus en mettant l'état devant ses
responsabilités. Ainsi Le Pape Clément XI avait ouvert la voie,
lui qui faisait écrire en 1703, sur les murs de la prison Saint-Michel
de ROME, cette phrase devenue célèbre : " Il ne suffit pas
d'effrayer les hommes malhonnêtes par la menace de la peine, il faut les
rendre honnêtes par son régime ".
Ces idées développées par l'école
positiviste italienne animée par LOMBROSO, GARO- FALO et FERRI ont
été systématisées par la doctrine de l'Ecole de la
Défense Sociale Nouvelle avec comme précurseurs GRAMMATICA en
Italie et MARC ANCEL, en France. Pour MARC ANCEL, il s'agit donc de s'attacher
à la personnalité de chaque délinquant car l'infraction
n'est qu'un symptôme d'une nature qu'il faut découvrir, aux fins
de pouvoir le traiter. L'administration pénitentiaire doit assurer
à chaque personne détenu une protection effective de son
intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels et lui
assurer des conditions décentes de détention comme affirmé
par la législation pénale nationale14(*) .
Le Sénégal après avoir ratifié le
18 octobre 2006 le protocole facultatif se rapportant à la convention
des nations unies contre la torture, entend se conformer à ses
obligations internationales. Le sens donné à la peine
détermine le regard du citoyen sur la prison, le regard du détenu
sur son temps de détention, le regard du personnel pénitentiaire
sur les missions qui lui incombent. La peine est un moyen à la fois de
réparation pour les victimes et de protection de la
société. La réflexion sur la prison doit évidemment
prendre en compte ces deux missions et ne jamais oublier l'impératif de
sécurité qui s'y rattache. La dangerosité est une
réalité du monde carcéral et l'excès
d'angélisme serait aussitôt taxé de laxisme. Mais,
au-delà de l'impératif de neutralisation, les réponses
qu'on apporte à la question du sens de la peine traduisent les valeurs
fondamentales d'une société. Ce sens devrait apparaître
clairement à la fois pour l'auteur du délit ou du crime, et pour
ceux chargés d'exécuter la sanction. Il ne saurait être
l'enfermement pour l'enfermement. Celui-ci, quand il est nécessaire,
doit avoir un objectif d'amendement en vue de la réinsertion. Il doit en
être ainsi, que l'enfermement se déroule en prison ou en milieu
ouvert. Ainsi les mécanismes mis en place notamment les lois nos 2000-38
et 2000-39 du 29 décembre 2000 et le décret n° 2001-362 du
04 mai 2001, relatifs aux procédures d'exécution et
d'aménagement des sanctions pénales ont introduit le juge
d'application des peines, de nouvelles sanctions alternatives à
l'incarcération et de nouveaux organes de contrôle. . Le
prononcé d'une peine par un tribunal ne signifie pas que son
exécution doit être figée dans le marbre. Au contraire, la
loi prévoit, dans un but de prévention de la récidive, que
les peines peuvent être aménagées en cours
d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la
personnalité et de la situation du condamné nonobstant
l'existence d'un contrôle effectif. Comment appliquer et faire respecter
le droit dans un espace clos, nécessairement soustrait à la
pluralité des regards et des points de vue qui garantissent les
libertés dans l'espace public ? L'entrée des avocats en prison,
la mise en place d'une juridiction d'application des peines ou la
définition de recours possibles vont dans le sens d'une plus grande
ouverture et d'un plus grand respect. Plus fondamentalement, rappeler
l'existence d'un droit commun, défini par ceux qui édictent les
règles de la vie quotidienne de leurs concitoyens, c'est créer un
pont et faciliter les passages entre la prison, les prisonniers et l'ensemble
de la société.
Aujourd'hui tout le monde s'accorde a dire que la prison
constitue un lieu de deshumanisation attentatoire à la dignité
des placés sous écrous. L'état de surpopulation
carcérale chronique comme c'est le cas à Rebeuss qui accueille
aujourd'hui plus de 1500 détenus pour une capacité d'accueil de
800 , le manque d'entretien et la vétusté des
établissements pénitentiaires sont autant de manquement à
un système juridique qui se veut irréprochable. En France le
Comité de Prévention contre la Torture(CPT) qui est un organe de
visite et de contrôle à toujours estimé
que « la qualité générale de la vie
dans un établissement présente(...) une importance
considérable »15(*). La qualification de traitement inhumain ou
dégradant, de torture à laquelle peut conclure le CPT,
résulte soit d'un élément spécifique, soit, d'une
combinaison de facteurs tels que la surpopulation, l'absence d'installations
sanitaires et l'insuffisance du régime alimentaire.
En plus la définition du sens de la peine et une
claire perception de celui-ci par l'opinion publique doivent circonscrire les
missions de l'administration pénitentiaire. Les états doivent
s'assurer que les modalités d'exécution de toute mesure privative
de liberté ne soumettent pas l'intéressé à une
détresse ou à une épreuve d'une intensité qui
excède le niveau inévitable de souffrances liées à
la détention. Cependant une certaine procédure disciplinaire
inadaptée combinée avec l'impuissance manifeste du personnel
pénitentiaire traduit à juste titre l'arbitraire carcéral
tant décrié au sein les établissements
pénitentiaires, disposant par ailleurs d'un règlement
intérieur qui détaille les fautes disciplinaires (refus de
réintégrer sa cellule, possession d'objet interdit, violence,
etc.). En cas de commission d'une faute, les détenus comparaissent,
éventuellement assisté d'un avocat, devant une commission de
discipline qui peut prononcer des sanctions, dont les plus graves consistent en
un placement à l'isolement ou au quartier disciplinaire. Ainsi
affirmé, en détention, les personnes incarcérées
bénéficient d'un statut, impliquant des droits et des devoirs,
qui encadre leur vie quotidienne et permet la sanction disciplinaire des
comportements répréhensibles. Sanction existant également
chez le personnel pénitentiaire avec la répression coupable.
Dans cette même lancée si les détenus peuvent écrire
librement à leur avocat, le reste de leur correspondance est
contrôlée par l'administration pénitentiaire et ils peuvent
en outre bénéficier de visite au parloir chaque semaine.
Si la délicate mission de garde est remplie par
l'administration pénitentiaire, la mission de réinsertion a plus
de mal à entrer dans les faits. Comment préparer une
réinsertion sociale en un lieu qui désocialise et
déresponsabilise ? L'exigence de réinsertion, et à travers
elle la prévention de la récidive, est au coeur des missions
confiées à l'administration pénitentiaire. Elle dispose
pour ce faire de moyens certes limités mais relativement
diversifiés: elle favorise tout d'abord le travail et la formation
professionnelle rémunérée, afin de ne pas faire
coïncider l'incarcération avec une période
d'inactivité .Cependant travail qui apparaît avant tout
comme un instrument de gestion de la détention. Rares sont les cas
où son contenu prépare à une nouvelle vie professionnelle.
Et les conditions de son exercice, en dehors des règles du droit commun
du travail, laissent un sentiment d'insatisfaction .Enfin,
l'administration pénitentiaire développe de multiples
partenariats afin par exemple de favoriser des actions de prévention sur
le thème de la santé, ou bien de permettre un accès
minimal à la culture (bibliothèque, concert). Des
activités dérivatives à l'ennui ont été
mises sur pied avec des ateliers de confection, de menuiserie métallique
et bois L'administration pénitentiaire a mis en place une division
chargée de la réinsertion des détenus. Un travail qu'elle
faisait auparavant, mais pas dans un cadre formel .Il s'agit d'une
division des oeuvres sociales chargée de la réinsertion des
détenus au Sénégal. En définitive force est de
noter que « les prisons doivent être gérées dans
un cadre éthique soulignant l'obligation de traiter tous les
détenus avec humanité et de respecter la dignité
inhérente à tout être humain »16(*).
Faut-il aller vers la fin de la prison ou de la peine
d'enfermement comme réponse aux délits, voire aux crimes ? Les
rêveurs, les philosophes, ceux qui s'aventurent sur les chemins
inexplorés dans l'espoir de répondre à des questions
angoissantes ne répugnent pas à le penser.
Déjudiciarisation par la médiation, fin du droit pénal et
abolition de la peine comme l'ont prôné le hollandais HULSMAN ou
l'italien BATTISTA ? Mais il faudra sans doute continuer à vivre avec la
prison, car toutes les sociétés ont le droit et le devoir de se
protéger des individus dangereux ou qui violent gravement la loi. Pour
ces derniers, la privation de liberté doit garder sa place. A ce titre
la reconnaissance d'un droit à la prison garant de la dignité
inhérente a la personne en milieu carcéral (Titre premier) doit
être envisagée sans occulter le fait qu'une application
limitée du droit au respect de la dignité exige une analyse
minutieuse (Titre deuxième).
TITRE PREMIER : LA
RECONAISSANCE D'UN DROIT A LA PRISON GARANT DE LA DIGNITE INHERENTE A LA
PERSONNE EN MILIEU CARCERAL
Le principe de dignité de la personne est le moteur de
toute politique pénitentiaire qui se prétend respectueuse des
droits de l'homme, car elle en est la source fondamentale. Elle est une
affirmation sur la personne humaine et est le résultat d'une
pensée historique. Elle réaffirme l'idée de grandeur, de
droit au respect. Elle ne se perd pas, ne se dégrade pas. La
dignité est le fondement même du droit, non un argument juridique.
Il fonde le caractère obligatoire du système juridique. C'est un
principe matriciel, un socle qui assoit la philosophie des droits de l'homme.
La prison demeure un moment transitoire et un espace transitionnel. Autrement
dit, l'emprisonnement nécessaire s'inscrit dans la perspective du retour
au principe fondamental de la liberté individuelle, donc de la
réinsertion dans la société. Et si elle survit encore au
sein de l'arsenal répressif, elle devrait répondre à
l'exigence du respect des conditions respectant indubitablement la
dignité de la personne du détenu. Il s'établit
manifestement entre le respect de la dignité et la non discrimination,
de l'égalité et l'inviolabilité de la personne d'autre
part, un lien de connexité historique toujours présent dans
l'esprit de l'homme17(*)
.Somme toute, on n'aurait rien fait, si on c'était contenté de
proclamer la dignité de la personne. C'est leur réalisation qui
importe et celle-ci suppose la mise en place de mécanisme de garantie
qui soit au service et à la disposition des titulaires de ces droits.
Cet impératif explique que bons nombres d'instruments juridiques l'ont
consacré allant de la législation nationale au droit humanitaire
en passant parle droit international. Au delà de cette reconnaissance
sine qua none, le droit à la prison implique que des actes positifs
soient mis en oeuvre pour relever le défi l'encadrement permanent des
placés sous écrous. S'il apparaît en droit
sénégalais que beaucoup de textes internationaux régissant
le respect de la dignité humaine y est d'application effective (chapitre
Premier), il n'en demeure pas moins que des avancées non moins
importantes restent manifestes allant dans le sens d'une meilleure prise en
charge de l'écroué (chapitre Deuxième).
CHAPITRE PREMIER : LE CADRE
JURIDIQUE DU PRINCIPE DE LA DIGNITE DE LA PERSONNE DANS LA PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS
Le respect de la dignité n'admet ni restriction ou
exception permanente, ni même dérogation temporaire. A la
différence du droit à la vie, pour lequel on n'admet l'exception
de la légitime défense, le droit au respect de la dignité
est à protection absolue18(*) . Etudier le cadre juridique de la
dignité revient à s'interroger d'une part sur la manière
dont le droit international en assure la protection et d'autre part les
stratégies internes tendant à garantir aux individus des droits
que la puissance publique s'interdit de remettre en cause. Ainsi
l'universalisme du concept de dignité n'est pas resté lettre
morte. C'est pourquoi il existe des normes internationales
générales telles que les conventions internationales, les normes
internationales spécifiques et les déclarations de droit que
devront respecter les états qui consentiront à être
liés. Mais il est traditionnellement admis que les états sont
libres de déterminer la manière dont il entend s'acquitter de ses
obligations internationales. Le Sénégal afin de répondre
aux exigences internationales et consolider les acquis a accepté de
mettre en adéquation son droit interne en insérant dans sa
constitution19(*), charte
fondamentale et sa législation pénale 20(*) ,des dispositions garantissant
le respect de la dignité de la personne du détenu. En outre
L'administration pénitentiaire désignant l'ensemble des moyens
matériels et humains constituant un service public destiné
à assurer l'exécution des condamnations pénales, dans un
but d'individualisation de la peine et dans le respect de la
sécurité publique joue un rôle utile tant dans son
organisation que dans son fonctionnement. Elément du noyau dur des
droits de l'homme, droit intangible ne pouvant faire l'objet d'aucune atteinte,
l'inviolabilité de la dignité est au centre de tous les
instruments de protection des droits fondamentaux. Dans cette perspective
d'analyse , il parait donc nécessaire sinon logique de
déterminer l'ensemble des dispositifs juridiques internes relatifs
à la détention au Sénégal (Section
deuxième) .Mais auparavant ,entrevoir la réglementation
internationale relative à la dignité de la personne (Section
première) nous semble des plus indiqué compte tenu du
caractère universel du concept.
SECTION 1 : LA REGLEMENTATION
INTERNATIONALE RELATIVE A LA DIGNITE DE LA PERSONNE
L'un des aspects essentiels de la dignité de la
personne réside dans sa consécration internationale par des
textes déterminés qui ont vocation à s'appliquer en droit
interne et donc incorporé en droit positif sénégalais. Ce
mécanisme de protection peut procéder des systèmes
institutionnels que connait la société internationale au niveau
universel (Organisation des Nations Unies) et au niveau régional (Union
Européenne, organisation de l'union africaine21(*) devenue Union Africaine...).
Mais l'originalité de la protection internationale de la dignité
réside essentiellement dans « la mise en place de
mécanismes spécifiques conventionnels »22(*) Il convient cependant de noter
une nette tendance à l'augmentation du nombre de tels mécanismes
et à un renforcement constant du degré de contrainte qu'ils
comportent. On opposera ainsi les garanties internationales
générales (Paragraphe I) et celles procédant des
conventions spécifiques (Paragraphe II).
PARAGRAPHE 1 : LES NORMES
INTERNATIONALES GENERALES
La dignité inhérente à la personne est la
toile de fond des droits de l'homme. Subséquemment les conventions
internationales relatives aux droits de l'homme et plus particulièrement
à la dignité posent des normes que devra respecter le
Sénégal qui a consenti à être lié .A
contrario, les déclarations universelles sont de très beaux
textes mais hélas les secours qu'ils offrent à l'opprimé
sont purement symboliques. Toujours est-il que la jonction des deux allait
contraindre les Etats à intégrer ces données et à
rompre avec les principes les plus archaïques. Identifier les conventions
internationales devient de facto opportunes (A) sans pour autant celer la
déclaration des droits forts primordiales (A).
A- LES CONVENTIONS INTERNATIONALES
« ... Les obligations souscrites par les Etats
contractants dans la convention ont essentiellement un caractère
objectif, du fait qu'elles visent à protéger la dignité
si fondamentale des particuliers contre les empiétements des Etats
signataires.»23(*)Dans cette perspective nous distinguerons les
conventions universelles (1) de celles régionales (2).
1- Les conventions universelles :
On ne peut parler de protection des droits de l'homme et
partant de la dignité de la personne sans pour autant mettre en
évidence la charte des Nations Unies si fondamentale au genre humain.
Elle réaffirme avec force, la détermination des peuples au
respect de la dignité, substrat des droits humains. D'elle
découle différentes conventions ayant autorité
avérée et touchant du doigt l'obligation au respect de la
dignité de l'incarcéré. Cela étant, il faudrait
articuler notre démarche de par un examen concret de ces multiples
mécanismes de garantie. L'action de l'organisation des Nations Unies en
faveur de la dignité appelle quelques remarques particulières, en
raison du fait que c'est l'inscription de ce droit dans la charte qui a
marqué l'origine de sa protection.
- La charte des nations unies :
Les différents gouvernements, par
l'intermédiaire de leurs représentants, réunis en la ville
de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme,
ont adopté la Charte des Nations Unies et établissent du coup une
organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies. Cette charte
des nations unies du 26 juin 1945 mentionne la foi des
auteurs du texte « dans les droits fondamentaux de l'homme,
dans la dignité et la valeur de la personne humaine ».
Cette première consécration générale de la
dignité de la personne dans un traité international fondamental
inaugure son essor en les plaçant au coeur même des missions
conférées à l'organisation universelle.
- Le pacte international relatif aux droits civils et
politiques :
Adopté et ouvert à la signature, à la
ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16
décembre 1966. Entrée en vigueur: le 23 mars 1976 et
ratifiée par le Sénégal le 24 Février
1978, conformément aux dispositions de l'article 49, revêt un
caractère contraignant plus marqué, ce qu'atteste bien son
article 2. Les Etats s'engagent à prendre « les
arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre
législatif ou autre propres à donner effet aux droits reconnus
dans le présent pacte qui ne serait pas déjà en
vigueur » et à garantir un recours utile au profit de
toute personne qui aura été victime d'une violation d'un droit
reconnu. On est donc en présence de dispositions dont on
considère que la réglementation juridique des Etats parties
devrait déjà y satisfaire et dont la sanction juridictionnelle
peut être immédiate dans l'ordre interne. En outre son article 10
affirme de manière constante la garantie de la dignité de la
personne privée de liberté. Il
énonce : « Toute personne privée de sa
liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la
dignité inhérente à la personne humaine »
Un comité des droits de l'homme est crée, qui peut demander
aux Etats des rapports sur les mesures prises pour rendre effectifs les droits
garantis et présenter toute observation aux Etats.
- L'ensemble des principes pour la protection de toutes les
personnes soumises à une forme quelconque de détention ou
d'emprisonnement :
Il est adopté par l'Assemblée
générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre
1988. Il est fort révélateur et constitue un supplément au
pacte international relatif aux droits civils et politiques. Son principe
premier indique que « Toute personne soumise
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est
traitée avec humanité et avec le respect de la dignité
inhérente à la personne humaine ».Mieux encore
le principe 3 insiste sur la nécessité au respect de ce droit
lorsqu'il énonce que « Si une personne est soumise
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, il ne
peut être admis à son égard aucune restriction ou
dérogation aux droits de l'homme reconnus ou en vigueur dans un Etat en
application de lois, de conventions, de règlements ou de coutumes, sous
prétexte que le présent Ensemble de principes ne les
reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre
degré. » La dignité a donc un caractère absolu
auquel aucune exception ne saurait être excipée et toute personne
qui a lieu de croire qu'une violation du présent Ensemble de principes
s'est produite ou est sur le point de se produire a le droit de signaler le cas
aux supérieurs des fonctionnaires en cause ainsi qu'aux autres
autorités ou instances de contrôle ou de recours
compétentes.24(*)
Sur cette lancée les Principes fondamentaux relatifs au
traitement des détenus qui sont un prolongement ceux
évoqués plus haut indique que « Tous les détenus
sont traités avec le respect dû à la dignité et
à la valeur inhérentes à l'être
humain »25(*)
2- Les conventions régionales :
Beaucoup de texte régionaux ont intégré
la problématique de la dignité de l'écroué.
L'Europe dans sa plus grande diversité a fait des pas de
référence en matière des droits de l'homme notamment avec
la prise en compte effective de la dignité si chère au genre
humain. Mais l'Afrique n'est pas restée muette face à cette
avancée de grande envergure et ce n'est pas pour rien que son insertion
dans l'ordre juridique sénégalais a été
majeure.
- En Europe :
L'article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne adoptée à Nice le 7 décembre 2000
proclame le caractère« inviolable » de la
dignité26(*). Mais
bien auparavant , si la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ne mentionne
pas explicitement le principe de dignité, la Cour européenne des
droits de l'homme a eu depuis longtemps l'occasion de préciser que
« le respect de la dignité et de la liberté humaines est
l'essence même des objectifs fondamentaux de la Convention
»27(*) et que «
les droits de l'homme constituent un système intégré
visant à protéger la dignité de l'être humain
»
En plus la Charte des droits fondamentaux des détenus
réitère le droit à la dignité
inhérente en considérant que l'emprisonnement des
détenus, notamment des personnes pauvres et faisant l'objet d'une
discrimination raciale, doit être traité avec humanité et
avec le respect de la dignité inhérente à la personne
humaine. Les mesures appliquées conformément à la loi et
destinées exclusivement à protéger les droits et la
condition particulière des femmes, surtout des femmes enceintes et des
mères d'enfants en bas âge, des enfants, des adolescents et des
personnes âgées, malades ou handicapées ne sont pas
réputées être des mesures discriminatoires. Un
détenu doit être traité par l'administration
pénitentiaire en stricte conformité avec les conditions
imposées par sa peine d'emprisonnement sans que soient davantage
aggravées encore les souffrances inhérentes à une telle
situation. Selon M. Delmas-Marty la convention européenne place la
dignité de la personne du détenu au sens le plus fort de
l'humanité28(*).
- Charte Africaine des droits de l'homme et des
peuples :
Adoptée le 27 juin 1981 à
Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) et entrée en vigueur le
21 octobre 1986 après ratification de la Charte. Au
regard de l'article 4 : « La personne humaine est
inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à
l'intégrité physique et morale de sa personne: Nul ne peut
être privé arbitrairement de ce droit ». En outre
« Tout individu à droit au respect de la dignité
inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de
sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et
d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la
torture physique ou morale, et les peines les traitements cruels inhumains ou
dégradants sont interdites ». L'oeuvre de
l'organisation de l'unité africaine parait singulièrement
timide.la charte de l'OUA, signée le 25 MAI 1963 à Addis-Abeba,
réaffirme pourtant l'adhésion de ses auteurs aux principes de la
déclaration universelle des droits de l'homme(DUDH), tandis que
l'article II fait figurer parmi les objectifs de l'organisation la
coopération internationale, en tenant dument compte de la charte des
nations unies et de la Déclaration universelle. Mais ce n'est qu'en 1981
que fut adoptée par l'organisation une charte africaine des droits de
l'homme et des peuples. Il est loin de présenter le caractère
contraignant de ceux institués en Europe et en Amérique ; le
protocole portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples adopté en 1998 vient de donner naissance à cette
juridiction qui devrait permettre au système africain de gagner en
efficacité.
B- LA DECLARATION DES DROITS :
Les déclarations de droits n'ont pas force contraignantes
comme précédemment affirmées mais consacrent
incontestablement la dignité de la personne humaine.
- La déclaration universelle des droits de
l'homme :
Le 10 décembre 1948, les 58 Etats Membres qui
constituaient alors l'Assemblée générale ont adopté
la Déclaration universelle des droits de l'homme à Paris au
Palais de Chaillot (résolution 217 A (III)) .Pour commémorer son
adoption, la journée des droits de l'homme est
célébrée chaque année le 10 décembre.
C'est une résolution de l'assemblée
générale de l'organisation des nations unies, une action
dépourvu de caractère obligatoire, a l'inverse d'un traité
qui oblige les Etats qui le ratifient ou y adhérent. La commission des
droits de l'homme, a l'origine du texte, avait souhaité aboutir
rapidement à l'adoption d'un document énonçant les droits
de l'homme. Le texte de la déclaration préfigure cependant de
manière admirable ce futur des droits de l'homme : tant dans sa
formulation que sa logique seront reprises par les traites internationaux
concernant les droits de l'homme quoique dépourvu par lui-même de
valeur contraignante , il constitue une base précieuse permettant
aux divers organes de l'union de développer leur action de protection
des droits de l'homme : c'est dire qu'il fixe de manière
décisive le « droit interne de l'organisation » en
la matière. Son préambule garantit formellement la
dignité en Considérant « que la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres
de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans
le monde ». Il s'y ajoute que les Etats « ont
proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de
l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité des droits des hommes et des femmes »,
- La déclaration des droits de l'homme et du
citoyen
La Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen est décrétée par
l'assemblée Nationale Française dans sa séance du 26 Aout
1789. Elle comporte 17 articles mais son enseignement a dépassé
les frontières européennes. Elle est de ce fait dans le
préambule de diverses constitutions. Le peuple du Sénégal
souverain, affirme son adhésion à la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dans sa constitution du 7 Janvier
2001. Ainsi les représentants du peuple français,
constitués en Assemblée nationale, considérant que
l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules
causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont
résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits
naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette
déclaration, constamment présente à tous les membres du
corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que
les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif,
pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute
institution politique, en soient plus respectés ; afin que les
réclamations des citoyens, fondées désormais sur des
principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la
Constitution et au bonheur de tous 29(*). Son article 6 dispose que tous les
citoyens, étant égaux à ces yeux, sont également
admissibles à toutes dignités.
PARAGRAPHE 2 : LES NORMES
INTERNATIONALES SPECIFIQUES
La société qui prend en charge un
délinquant et l'écroue, se voit désormais imposer un
certain nombre de devoirs, ce qui constitue une nouveauté
considérable. Ce concept de « duty of care », cher
aux anglo-saxons30(*),
permet d'assurer une prise en charge complète de la personne
écrouée. Cette analyse est d'autant plus intéressante
qu'elle s'accompagne d'une nouvelle perception de la personne privée de
liberté, aujourd'hui perçue comme une personne vulnérable.
Comme le relève notamment Diane ROMAN, le droit français
contemporain connaît en effet « l'émergence d'une
catégorie médiane, entre le capable et l'incapable : le
vulnérable »31(*), rassemblant des personnes jouissant d'une
capacité d'exercice, mais dont la situation particulière
atténue cette capacité d'exercice. Avec le très important
arrêt Kudla c/Pologne rendu le 26 octobre 2000, les Etats
européens se voient imposer de nouveaux standards en matière de
traitement des personnes privées de leur liberté. Ils sont
désormais tenus « de s'assurer que tout prisonnier est
détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la
dignité humaine »32(*). Ainsi on peut noter des normes internationales
spécifiques aux détenus vulnérables (A) et des normes
internationales touchant le traitement des détenus (B).
A- LES NORMES INTERNATIONALES SPECIFIQUES AUX DETENUS
VULNERABLES
Le système pénitentiaire a
considérablement diversifié son recrutement depuis quelques
années en s'élargissant à de nouvelles populations qui
posent de redoutables problèmes de gestion et de coexistence à
une administration pénitentiaire prisonnière de ses
traditions La protection du détenu vulnérable revêt
un caractère particulier à tel enseigne que l'organisation des
Nations Unies a prévu une réglementation remarquable le
régissant et est applicable au Sénégal. L'Union
Européenne s'est inscrit dans cette même optique comme le
démontrent aussi certaines décisions de justice récentes.
Elle est relative aux mineurs (1), certes peu nombreux, mais dont les
" incivilités ", la violence, l'absence de repères
déconcertent et déstabilisent les personnels de surveillance les
plus expérimentés et aux femmes (2) dont deux principaux
motifs expliquent leur présence en prison : les infractions
à la législation sur les stupéfiants33(*) et les crimes de sang. Les
personnes âgées, les malades et les malades mentaux font
également parti de ce groupe de personnes vulnérables.
1- les règles spécifiques relatives aux droits
de l'enfant
Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant
l'administration de la justice pour mineur (règles de Beijing)34(*) et les règles des
Nations Unies pour la protection des mineurs privés de
liberté35(*) :
- Les règles de Beijing ont été prises en
compte par le Haut Commissariat des Nations unies aux Droits et adoptées
par l'assemblée générale dans sa résolution 40/33
du 29 Novembre 1985. Etant entendu qu'un mineur est un enfant ou un jeune qui,
au regard du système juridique considéré, peut avoir
à répondre d'un délit selon des modalités
différentes de celles qui sont appliquées dans le cas d'un
adulte. Il faut noter que les limites d'âge dépendent
expressément de chaque système juridique et tiennent pleinement
compte des systèmes économiques, sociaux, politiques et culturels
des Etats Membres. Il s'ensuit que toute une gamme d'âges relève
de la catégorie des jeunes qui va donc de 7 ans à 18 ans ou plus.
Cette disparité est inévitable eu égard à la
diversité des systèmes juridiques nationaux et ne diminue en rien
l'impact du présent Ensemble de règles minima. L'article 5
stipule que : « Le système de la justice pour mineurs
recherche le bien-être du mineur et fait en sorte que les
réactions vis-à-vis des délinquants juvéniles
soient toujours proportionnées aux circonstances propres aux
délinquants et aux délits ».
De la même façon, les décisions visant
à la protection du délinquant juvénile peuvent aller plus
loin qu'il n'est nécessaire et donc porter atteinte à ses droits
fondamentaux, comme on a pu l'observer dans certains systèmes de justice
pour mineurs. Le contacte avec le milieu carcéral doit être fait
de manière à respecter le statut juridique du mineur, à
favoriser son bien-être et à éviter de lui nuire36(*). En plus l'expression
"éviter de [lui] nuire" est assurément vague et recouvre maints
aspects de l'interaction possible (paroles, violence physique, risques dus au
milieu). Avoir affaire à la justice pour mineurs peut en soi être
"nocif" pour les jeunes, il faut donc interpréter l'expression
"éviter de [lui] nuire" comme signifiant tout d'abord qu'il faut faire
le moins de mal possible aux mineurs et éviter tout tort
supplémentaire ou indu. L'article 17.3 prévoit également
« que les mineurs ne sont pas soumis à des
châtiments corporels ». En définitive il est donc
important de restreindre le placement du mineur dans une institution comme
l'indique les dispositions de l'article 19.1 « Le placement
d'un mineur dans une institution est toujours une mesure de dernier ressort et
la durée doit en être aussi brève que
possible ». L'article demande donc que, si un jeune
délinquant doit être placé dans une institution, la
privation de liberté soit limitée le plus possible, que des
arrangements spéciaux soient prévus dans l'institution pour sa
détention et qu'il soit tenu compte des différentes sortes de
délinquants, de délits et d'institutions. En fait, il faudrait
donner la priorité aux institutions "ouvertes" sur les institutions
"fermées". En outre, tous les établissements devraient être
de type correctif ou éducatif plutôt que carcéral.
- Les règles des Nations Unies pour la
protection des mineurs privés de liberté
Adoptées par l'Assemblée
générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre
1990 sont déterminantes dans la prise en compte des
intérêts du mineur. IL vient en compléments de la
Convention internationale relative aux Droits de l'Enfant adopté le 20
Novembre 1989.La justice pour mineurs devrait comme le note les perspectives
fondamentales de la charte « protéger les droits et la
sécurité et promouvoir le bien-être physique et moral des
mineurs. L'incarcération devrait être une mesure de dernier
recours ». Les règles posées servent alors de
référence dans la perspective d'une meilleure administration du
mineur placé sous écrous. La règle 12 illustre bien cette
préoccupation lorsqu'elle l'envisage ainsi : « La
privation de liberté doit avoir lieu dans des conditions et des
circonstances garantissant le respect des droits de l'homme des mineurs. Les
mineurs détenus doivent pouvoir exercer une activité
intéressante et suivre des programmes qui maintiennent et renforcent
leur santé et leur respect de soi, favorisent leur sens des
responsabilités et les encouragent à adopter des attitudes et
à acquérir des connaissances qui les aideront à
s'épanouir comme membres de la société ». Les
mineurs doivent être détenus dans des conditions tenant
dûment compte de leur statut et de leurs besoins particuliers en fonction
de leur âge, de leur personnalité et de leur sexe. Il s'agit donc
de respecter sans restriction sa dignité inhérente à sa
personnalité. De ce fait son environnement physique a été
pris en compte par la règle 31 aux termes duquel les mineurs
détenus doivent être logés dans des locaux répondant
à toutes les exigences de l'hygiène et de la dignité
humaine. Leur placement, leur environnement et leur logement doivent être
conforme avec l'objectif primordial de garantir sa dignité37(*). Les mesures de contrainte
physique ne doivent pas être humiliantes38(*). De même toute mesure disciplinaire doit
assurer, le respect de soi-même et le respect des droits fondamentaux de
chacun et est compatible avec le respect de la dignité inhérente
du mineur. Pour protéger ce droit , les règles
des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de
liberté envisage des inspections, en évaluant le respect des
règles concernant l'environnement physique, l'hygiène, les locaux
de détention, l'alimentation, l'exercice physique et les services
médicaux ainsi que tout autre aspect de la vie en établissement
qui affecte la santé physique et mentale des mineurs39(*). Dans l'exercice de ses
fonctions, le personnel de l'établissement doit respecter et
protéger la dignité humaine et les droits individuels
fondamentaux de tous les mineurs mais aussi de réduire au minimum les
différences entre la vie à l'intérieur et à
l'extérieur de l'établissement qui tendent à être
préjudiciables au respect de la dignité des mineurs en tant
qu'êtres humains.
-Convention internationale relative aux Droits de l'Enfant
Elle est adoptée par l'assemblée
générale le 20 novembre 1989, ratifiée le 31 Juillet 1990
et s'attache à une catégorie de personne jusque le peu
envisagé en tant que telle par les conventions internationales (à
l'exception de l'article 24 du pacte sur les droits civils et politiques)
C'est la raison pour laquelle l'intérêt
supérieur de l'enfant doit être une considération dans
toutes les décisions le concernant. 40(*) Aux termes de
l'article 37 les Etats parties veillent à ce
que : « Nul enfant ne soit soumis à la torture ni
à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni
la peine capitale ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de
libération ne doivent être prononcés pour les infractions
commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ;
Tout enfant privé de liberté soit traité avec
humanité et avec le respect dû à la dignité de
la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des
personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de
liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on
estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt
supérieur de l'enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa
famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances
exceptionnelles ».Cette exigence est accentuée par
l'article suivant .Ainsi les Etats parties reconnaissent à tout enfant
suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi
pénale le droit à un traitement qui soit de nature à
favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui
renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés
fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la
nécessité de faciliter sa réintégration dans la
société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein
de celle-ci . Plus d'un million d'enfants sont privés de
liberté dans les commissariats, en garde à vue, dans les centres
de détention et en prison. Dans de nombreux pays le système
de justice pour les mineurs, au cas où il existe, est extrêmement
rudimentaire. Le système de justice pénal dans beaucoup de
pays est un système en dysfonctionnement Ainsi en Europe pour la chambre
d'instruction de la cour d'Appel de Nancy le 1er mars
2007 « la personne détenue est, du fait de la
privation de sa liberté d'aller et de venir, incontestablement en
situation de vulnérabilité, au point que des droits
spécifiques ont été édictés en sa faveur par
le législateur pour compenser son état
d'infériorité et ne doivent pas portés atteinte a sa
dignité »41(*) .
2 - Convention internationale relative aux droits de la
femme
Le milieu carcéral reste principalement adapté
aux détenus hommes et les problèmes spécifiques des
femmes, qui constituent une part limitée, mais croissante, de leur
population, restent souvent ignorés(Les femmes représentent
environ 4,5 à 5 % de la population carcérale européenne
cette proportion allant de 2,9 % en Pologne à 7,8 % en
Espagne)42(*).Toute
personne incarcérée doit être traitée dans le
respect des droits de l'homme et que les conditions de détention doivent
être conformes aux principes de dignité de la personne humaine.
Aussi les besoins et situations spécifiques des femmes
incarcérées doivent être pris en compte dans les
décisions judiciaires, dans les législations pénales et
par les institutions pénitentiaires des états. Etudier le cadre
de protection de la femme est d'une dimension sans commune mesure car l'on sait
aujourd'hui qu'une forte proportion des femmes détenues ont
été victimes d'actes de violences, d'abus sexuels ou de
maltraitance dans le cadre de leur famille ou de leur couple et que beaucoup
d'entre elles se trouvent en situation de dépendance économique
et psychologique; que tous ces éléments ont un lien direct avec
leur passé délictueux et la présence de séquelles
physiques et psychologiques, comme le stress post-traumatique.). Ce qui les
place dans une situation de vulnérabilité et dans un état
permanent d'incertitude et de stress. Ce qui pousse à prévoir
des conditions spéciales de détention pour les femmes mais aussi
la nécessité pour le système judiciaire de veiller au
respect des droits de l'enfant lorsque l'on envisage les questions liées
à la détention de la mère .C'est aussi la raison
fondamentale qui pousse à recommander que les peines de
substitution à l'emprisonnement soient davantage
privilégiées, telles que des alternatives ancrées dans la
société , en particulier pour les mères, dès lors
que la peine encourue et le risque pour la sécurité publique sont
faibles, dans la mesure où leur incarcération peut
entraîner de graves perturbations dans la vie familiale. Autre
particularité, le code de procédure pénale prévoit
que la garde des femmes est assurée exclusivement par un personnel
féminin. Les personnels de sexe masculin doivent être dûment
autorisés par le directeur ou la directrice de l'établissement,
pour se rendre dans un quartier femmes.
Il faut donc nécessairement concevoir des conditions
de vie adaptées à leurs besoins dans des unités totalement
indépendantes et aussi éloignées que possible du milieu
carcéral ordinaire43(*).Pour le CE (17 décembre 2008, O.I.P.),
« eu égard à la vulnérabilité des
détenus et à leur situation d'entière dépendance
vis-à-vis de l'administration, il (...) appartient (à celle-ci)
de prendre les mesures propres pour protéger leur vie ». Ainsi
l'intégrité physique d'une personne privée de sa
liberté doit bénéficier d'une garantie absolue, en raison
de son état d'infériorité. La femme se trouve donc
être dans cet état. La décision Tomasi est
évocatrice en ce qui concerne les personnes vulnérables44(*).
B- LES NORMES INTERNATIONALES SPECIFIQUES AUX
TRAITEMENTS DES DETENUS
« Toute personne soumise à une forme
quelconque de détention ou d'emprisonnement est traitée avec
humanité et avec le respect de la dignité inhérente
à la personne humaine45(*) ». Pour garantir ce droit, des
règles provenant de sources diverses ont été
édictées afin de protéger au maximum la dignité du
détenu.
- Les conventions contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 Décembre
1984 :
Il s'agit d'un droit essentiel au respect de la
dignité humaine. L'article 3 de la convention européenne,
l'article 7 du pacte et l'article 5 de la convention américaine (sous
l'intitulé « droit à l'intégrité de
la personne ») convergent sur ce point conformément au
désir de l'organisation mondiale qui est d'assurer le
développement des droits de l'homme. La perspective dynamique que
comporte cet objectif a d'abord conduit à l'adoption, d'une convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants. Mais la torture au sens de la convention des Nations Unies
de 1984 a fait son entrée dans le code pénal le 28 Aout 1996 en
vertu de la loi n° 96-15 qui y a inséré un nouvel
article 295-1 qui se trouve dans la section consacrée aux
« blessures et coups volontaires, non qualifiées meurtres, et
autres crimes et délits volontaires ». Pour ce qui est des
traitements cruels, inhumains et dégradants, il faut remarquer que
l'article 295-1 du code pénal n'incrimine que la torture et ne fait
aucune référence aux traitements. Toutefois certaines
dispositions du code peuvent servir de base à l'incrimination et
à la répression de ces traitements46(*). Ainsi constituent des actes
de torture, des blessures, coups, violences physiques ou mentales ou autres
voies de fait volontairement exerces par un agent de la fonction publique ou
par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son
instigation ou avec consentement formulé ou tacite, soit dans le but
d'obtenir des renseignements ou des aveux, de faire subir des
représailles ou de procéder à des actes d'intimidation,
soit dans le but de discrimination quelconque47(*). La convention s'inscrit donc dans une perspective
d'enrichissement de la protection conférée à certains
droits de l'homme par les instruments internationaux. Elle met à la
charge des Etats parties des obligations négatives (empêcher la
perpétration d'actes de torture sur leur territoire et ce, quelles que
soient les circonstances) et des obligations positives (incriminer les actes de
torture, se mettre en mesure d'en juger les auteurs, assure une formation
appropriée des personnels en charge des détenus pour rendre
impossible l'usage de la torture.
-Convention européenne pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
du 26 novembre 1987 :
La prohibition de la torture résultant
déjà de l'article 4 de la convention européenne a
institué un comité européen pour la prévention de
la torture et autorise à visiter tout lieu ou des personnes sont
privées de liberté. Si la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4
novembre 1950 ne mentionne pas explicitement le principe de dignité, la
Cour européenne des droits de l'homme a eu depuis longtemps l'occasion
de préciser que « le respect de la dignité et de la
liberté humaines est l'essence même des objectifs
fondamentaux de la Convention »48(*) et que « les droits de l'homme
constituent un système intégré visant à
protéger la dignité de l'être humain ». A ce
titre, le contentieux de l'article 3 de la Convention, qui prohibe de
manière absolue la torture et les traitements inhumains ou
dégradants constituent un élément essentiel de promotion
du principe de dignité.
A cette convention s'ajoute les Règles
Pénitentiaires Européennes (RPE) adoptées
pour la première fois en 1973, révisées en 1987, puis en
2006, les règles pénitentiaires européennes visent
à harmoniser les politiques pénitentiaires des 46 États
membres du Conseil de l'Europe signataires et à faire adopter des
pratiques et des normes communes. Elles s'inscrivent dans une logique de
réalisme qui est autant le fruit de l'expérience acquise que le
gage de véritables avancées futures49(*). Elles ont été
rédigées par le Comité européen de
coopération pénologique en lien avec les États membres; la
France y a pris une part active. Elles tiennent compte des RPE
antérieures, des normes de traitement des détenus établies
par le Comité européen de la torture et des peines ou traitements
inhumains et dégradants (CPT) et de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH). En effet avec la Recommandation
n° R (87) 3 contenant les Règles pénitentiaires
européennes, on apprend que les conditions de la détention
doivent être respectueuses de la dignité humaine et selon la
Règle n° 72.1 de la version de 2006, on sait que « Les prisons
doivent être gérées dans un cadre éthique soulignant
l'obligation de traiter tous les détenus avec humanité et de
respecter la dignité inhérente à tout être humain
»50(*). De même
l'article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne adoptée à Nice le 7
décembre 2000 proclame le caractère « inviolable
» de la dignité51(*) . Son article 3 pose que «
tout détenu a le droit d'être logé dans des locaux qui
répondent à toutes les exigences sanitaires, compte dûment
tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface
minimale, l'éclairage, le chauffage et la ventilation ».
Le droit à une alimentation décente et le droit aux
soins de santé et aux soins médicaux sont affirmes par les
dispositions 4 et 5.
|
-Ensemble de règles minima pour le traitement des
détenus :
|
Pour assurer la protection des personnes soumises a la
détention ou a l'emprisonnement, les Nations unies ont
élaboré un « ensemble de règles minima pour
le traitement des détenus ». Adopté par le premier
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le
traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et
approuvé par le Conseil économique et social dans ses
résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13
mai 1977 . C'est le document le plus connu, le plus exhaustif et le plus
diffusé à l'échelle internationale qui régit les
conditions de détention et le traitement des détenus dans le
monde. Comme les renseignements qu'il contient sur le traitement des
détenus sont plus détaillés que ce qu'on trouve
généralement dans les conventions et les pactes internationaux,
ces règles types sont devenues une référence de
première importance en ce qui concerne la notion de traitement humain en
milieu carcéral. Bien que l'Ensemble de règles
minima n'ait pas force de loi en matière de protection des
droits humains, les tribunaux nationaux et internationaux ainsi que les
organismes non gouvernementaux de protection des droits de la personne s'y
réfèrent pour éclairer l'interprétation des
critères et des normes ayant force exécutoire dans ce domaine,
comme le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.. Trois principes
fondamentaux propres aux droits de la personne se dégagent clairement de
l'ensemble des 95 articles que comprend l'Ensemble de règles
minima pour le traitement des détenus. Premièrement, il faut
respecter la dignité du détenu et sa valeur en tant qu'être
humain pendant toute la durée de son incarcération.
Deuxièmement, la peine inhérente à la perte de la
liberté du fait de l'incarcération est un châtiment
suffisant. Enfin, les pénitenciers ne doivent pas être des lieux
où l'on punit les détenus, mais plutôt où on les
aide à se réadapter. Ainsi le droit universel et les politiques
correctionnelles tiennent compte de ces règles fondamentales
établies par les Nations Unies : des locaux convenablement
chauffés, aérés et nettoyés, une alimentation
saine, des vêtements et de la literie lavés
régulièrement, de l'exercice régulier, l'accès
à des services médicaux de même qualité que ceux
dont dispose le grand public, l'accès à des livres et du
matériel éducatif, des conditions spéciales pour les
détenues enceintes, leur accouchement et le soin de leur enfant,
l'interdiction des châtiments corporels.
-Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou
d'emprisonnement :
Adopté par l'Assemblée
générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre
1988. Ses principes sont assez expressifs et témoignent
de l'intérêt de l'organisation des nations unies à
élever la dignité au sommet de toute valeur. Le principe 6
réaffirme qu'aucune personne soumise à une forme quelconque
de détention ou d'emprisonnement ne sera soumise à la torture ni
à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Aucune circonstance quelle qu'elle soit ne peut être invoquée pour
justifier la torture ou toute autre peine ou traitement cruel, inhumain ou
dégradant. L'expression "peine ou traitement cruel, inhumain ou
dégradant" doit être interprétée de façon
à assurer une protection aussi large que possible contre tous
sévices, qu'ils aient un caractère physique ou mental, y compris
le fait de soumettre une personne détenue ou emprisonnée à
des conditions qui la privent temporairement ou en permanence de l'usage de
l'un quelconque de ses sens, tels que la vue ou l'ouïe, ou de la
conscience du lieu où elle se trouve et du passage du temps. Le
fait que beaucoup de pays, y compris le Sénégal, ont
intégré ces principes et ces règles au cadre
législatif de leur système correctionnel démontre bien
qu'ils sont aujourd'hui considérés comme un
élément essentiel des droits de la personne à
l'échelle internationale et dans ces pays. Pourtant, bien des
années après leur adoption, certaines de ces règles ne
sont pas encore totalement appliquées et restent un défi pour les
autorités correctionnelles. L'ensemble de ces règles au nombre de
39 sont corrélatifs aux traitements des détenus.
A cela il ne faut également pas occulter les principes
fondamentaux relatifs au traitement des détenus
adoptés par l'Assemblée générale dans sa
résolution 45/111 du 14 décembre 1990
car tous les détenus sont traités avec
le respect dû à la dignité et à la valeur
inhérentes à l'être humain52(*).Ils sont au nombre de 10 mais demeurent la toile de
fond de toute politique qui prêtent respecter la dignité de la
personne. Toutefois le droit interne Sénégalais n'est pas
resté de marbre.
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS
JURIDIQUES INTERNES RELATIFS A LA DETENTION
S'il est vrai que beaucoup de textes sont applicables au
Sénégal par le truchement de l'article 79 de la Constitution
sénégalaise de 1963 qui dispose que « les
traites ou accords régulièrement ratifies ou approuves ont, des
leur publication, une autorité supérieure à celle des
lois », il est un fait vraisemblable qu'aussi bien la
constitution que la législation pénale traitent des conditions de
détention notamment dans le cadre du respect de la dignité
(PARAGRAPHE 1). Le service public pénitentiaire participe à
l'exécution des décisions pénales. Il contribue à
l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont
confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention
de la récidive et à la sécurité publique dans le
respect des intérêts de la société, des droits des
victimes et des droits des personnes détenues. Il est donc opportun
d'appréhender les normes juridiques régissant l'administration
pénitentiaire (PARAGRAPHE 2).
PARAGRAPHE 1 : DES
NORMES CONSTITUTIONNELLES A LA LEGISLATION PENALE
La constitution qui est, il faut le préciser au sommet
de l'architecture pyramidale des normes suivant la théorie de Hans
Kelsen, réaffirme son attachement aux principes des déclarations
et des conventions relativement à la prise en considération de la
dignité mais aussi celles qui sont distinctifs aux détenus(A). Le
législateur sénégalais est aussi passé par
là avec l'adoption d'un code pénal d'un genre nouveau pour se
départir de la loi coloniale applicable au Sénégal mais
aussi pour mieux répondre aux exigences sociales(B).
A- LES NORMES CONSTITUTIONNELLES
Qu'il s'agisse des grandes religions ou des principaux
courants philosophiques, ils ont en commun un effort pour détacher
l'être humain de sa condition première, une lente progression vers
l'hominisation. Et l'apparition très récente de concepts
juridiques comme la dignité de la personne témoigne d'un
processus encore inachevé mais en progrès. André Boissarie
nous enseigne que les « les souverainetés nationales
ont pour limite naturelle la sphère d'application des droits de
l'homme ». Il n'est donc pas permis de porter atteinte à
cette dignité. Les principes fondateurs de la dignité plongent
leurs racines dans un certain nombre de textes dont l'élaboration et
l'd'option ont constitué les moments les plus significatifs dans
l'histoire des conquêtes de l'humanité pour une égale
dignité pour tous les êtres humains sans distinction
aucune53(*) . Le
Sénégal l'a compris, sa Constitution a fait l'objet de plusieurs
révisons successives qui ont un rapport direct avec
l'évolution politique, institutionnelle et judiciaire. La
dernière charte suprême en date a été adoptée
le 7 janvier 2001 par référendum. L `article 7 pose la
sacralité de la personne humaine, son inviolabilité et la
protection de son intégrité corporelle. Le respect de la
dignité du détenu doit faire l'objet d'une vigilance constante de
la part de chaque individu. La détention en réalité
n'efface pas tous les droits des détenus. Ainsi tout individu a droit au
respect de la dignité inhérente a la personne humaine54(*) et toute sortes
d'exploitations et d'avilissement de l'homme notamment la torture physique ou
morale, et les peine ou les traitements cruels , inhumains ou
dégradants sont interdites55(*) .Ainsi le régime pénitentiaire
comporte en effet un traitement des condamnes dont le but essentiel est leur
amendement et leur reclassement social.
B- LA LEGISLATION PENALE
Durant les années écoulées, les
autorités sénégalaises ont pris un certains nombre de
mesures positives pour rendre effectifs le respect des droits de l'homme dans
des domaines ou elles ont essuyées diverses critiques. Cependant
dés le début le Sénégal consacre la
nécessité de promouvoir le respect de la dignité humaine
lors de la détention. La loi n°65-61 du 21 Juillet 1965 portant
code de procédure pénal traduit cette exigence. C'est ainsi que
l'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes
d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne
l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des
services économiques et l'organisation du travail, que l'application des
règles de propreté individuelle et la pratique des exercice
physiques. De telles énonciations permettent de mettre en
exergue un aspect fondamental du droit interne qui est le soucis de sauvegarder
les droits de l'homme et partant de la dignité qui en est le fondement.
Mieux encore l'assemblée nationale saisie par un projet de loi du
gouvernement relative à la pratique de la torture a, en sa séance
du Vendredi 9 Aout 1996, délibéré et adopté la loi
dont la teneur suit : « constituent des tortures, les blessures,
coups, violences physiques ou mentales ou autres voies de fait volontairement
exercés par un agent de la fonction physique ou par toute autre
personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec
consentement exprès ou tacite , soit dans le but d'obtenir des
renseignements ou des aveux, de faire subir des représailles ou de
procéder à des actes d'intimidation , soit dans le but de
discrimination quelconque ...Aucune circonstance exceptionnelle quelle
qu'elle soit ,d'instabilité politique intérieure de tout
acte d'exception ne pourra être invoque pour justifier la
torture». Il s'agit la de l'article 295-1 du code pénal
promulgué le 28 Aout 1996 par le biais de la loi n°96-15 du 28 Aout
1996. En se conformant à la convention contre la torture, par
l'incorporation dans son arsenal législatif de ces dispositions, l'Etat
vient d'effectuer une avancée dans la lutte pour le respect de la
dignité par l'interdit d'actes « odieux56(*) ».
PARAGRAPHE 2 : LES
NORMES JURIDIQUES REGISSANT LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
L'administration pénitentiaire
désigne l'ensemble des moyens matériels et humains
constituant un service public destiné
à assurer l'exécution des condamnations pénales, dans un
but d'individualisation de la peine et dans le respect de la
sécurité publique. L'administration pénitentiaire
possède deux missions principales :
Mettre en oeuvre l'exécution des condamnations
pénales par la prise en charge des personnes placées sous main de
justice, qu'elles soient incarcérées en milieu fermé ou
simplement suivies en milieu ouvert. Dans l'exécution de cette mission,
l'administration pénitentiaire est chargée de garantir la
sécurité publique en assurant la surveillance des personnes
détenues, favoriser l'individualisation des peines et la
réinsertion sociale, dans un but de prévention de
la récidive.
L'administration pénitentiaire organise et participe
à de nombreux dispositifs d'insertion proposés aux
condamnés en partenariat avec d'autres acteurs publics ou associatifs,
afin de préparer ou d'accompagner la fin de la peine. Au
Sénégal les établissements pénitentiaires pour
assurer leur mission se fondent sur une certaine organisation(A) reposant sur
un fonctionnement prédéfini(B)
.
A- L'ORGANISATION DES ETABLISSEMENTS
PENITENTIAIRES
Alors que la population carcérale était et reste
constituée de meurtriers, d'assassins, d'empoisonneurs, d'escrocs,
d'auteurs d'homicides involontaires, de vols simples et qualifiés...
autrefois dominée par l'aristocratie des braqueurs et du grand
banditisme autour d'un caïdat structurant, la prison accueille
désormais une population de détenus, prévenus et
condamnés, constituée pour sa plus grande part de
délinquants sexuels, de malades relevant de la psychiatrie et d'auteurs
d'infractions à la législation sur les stupéfiants :
les malades mentaux et les toxicomanes représentent désormais,
comme à l'étranger, les trois composantes essentielles de la
population des prisons sénégalaises.
Le régime des établissements
pénitentiaires et les conditions de détention sont définis
par le décret n° 66-1081 du 31 Décembre 1966 portant
organisation et régime des établissements pénitentiaires
(modifié et complété par les décrets n° 68-583
du 28 mai 1968 et n° 86-1466 du 28 novembre 1986). Le
Sénégal compte trente huit (38) Etablissements
Pénitentiaires dont un (01) non fonctionnel.
Il existe trois (03) catégories d'Etablissements
Pénitentiaires au Sénégal :
- Maison d'Arrêt : 02
Elle accueille les inculpés, prévenus et
accusés soumis à la détention provisoire, ainsi que les
condamnés à l'emprisonnement de police et les contraignables qui
sont détenus dans des quartiers distincts.
- Maison de Correction : 01
Elle accueille les condamnés à l'emprisonnement
correctionnel d'une durée égale ou inférieure à un
(01) an après le moment où la condamnation est devenue
définitive.
- Camp Pénal : 03 dont un (l'ex- Centre
Pénitentiaire de Kédougou) non fonctionnel pour des raisons
techniques :
Ils reçoivent les condamnés aux travaux
forcés, à la détention criminelle et les condamnés
à l'emprisonnement auxquels il reste à subir une peine d'une
durée supérieure à un an ou plusieurs peines dont le total
est supérieur à un an après condamnation
définitive.
- Maison d'Arrêt et de Correction : 32
Un même établissement peut servir à la
fois de Maison d'Arrêt et de Maison de Correction.
Des annexes aux Maisons d'Arrêt servant de
Maisons de Correction peuvent être créées par
arrêté du Ministre chargé de l'Administration
Pénitentiaire.
Il est prévu des Etablissements Pénitentiaires
susceptibles de dispenser un enseignement scolaire ou professionnel pour les
condamnés dont la peine doit expirer avant qu'ils aient atteint
l'âge de 28 ans (prisons écoles) et des locaux
pénitentiaires appropriés des formations sanitaires du lieu de
détention où sont hospitalisés les séniles ou
inaptes au travail, les malades et les psychopathes (hospices).
Les mineurs, les femmes, les militaires et les détenus
politiques sont affectés dans des quartiers distincts de la Maison
d'Arrêt ou de la Maison de Correction.
Les Inspections Régionales au nombre de 6 ont
été créées en s'inspirant de l'organisation
administrative, de l'organisation judiciaire, des zones militaires, des
légions de Gendarmerie. Ces Inspections Régionales ont conduit
logiquement à une nouvelle classification des Etablissements
Pénitentiaires basée sur la capacité d'accueil, le plafond
budgétaire alloué et à la spécificité des
établissements. Ainsi on distingue les établissements hors
classe : (08) les établissements de première classe :
(16) et les établissements de deuxième classe : (13).
B- LE FONCTIONNEMENT DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
Les détenus ont le droit d'être placés
dans des établissements ou quartiers d'établissement distincts,
en tenant compte de leur sexe, de leur âge, de leurs
antécédents, des motifs de leur détention et des exigences
de leur traitement57(*).
Ainsi les hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure
du possible dans des établissements différents. Dans un
établissement recevant à la fois des hommes et des femmes,
l'ensemble des locaux destinés aux femmes doit être
entièrement séparé; les détenus en
prévention doivent être séparés des
condamnés; les personnes emprisonnées pour dettes ou
condamnées à une autre forme d'emprisonnement civil doivent
être séparées des détenus pour infraction
pénale. Les jeunes détenus doivent être
séparés des adultes. Les cellules ou chambres destinées
à l'isolement nocturne ne doivent être occupées que par un
seul détenu. Si pour des raisons spéciales, telles qu'un
encombrement temporaire, il devient nécessaire pour l'administration
pénitentiaire centrale de faire des exceptions à cette
règle, on devra éviter de loger deux détenus par cellule
ou chambre individuelle. Lorsqu'on a recourt à des dortoirs, ceux-ci
doivent être occupés par des détenus soigneusement
sélectionnés et reconnus aptes à être logés
dans ces conditions. La nuit, ils seront soumis à une surveillance
régulière, adaptée au type d'établissement
considéré. Il faut disposer, dans la mesure du possible,
d'établissements séparés ou de quartiers distincts d'un
établissement pour le traitement des différents groupes de
détenus.
Les condamnés dont la peine doit expirer avant qu'ils
aient atteint l'âge de vingt-huit ans peuvent être détenus
dans des établissements pénitentiaires susceptibles de dispenser
un enseignement scolaire ou professionnel. Les condamnés séniles
ou inaptes au travail, les condamnés malades et les psychopathes sont
hospitalisés dans les locaux pénitentiaires appropriés des
formations sanitaires du lieu de leur détention .L `article 691
précise aussi que les condamnés sont soumis dans les maisons de
correction à l'emprisonnement individuel de jour et de nuit et, dans les
camps pénaux, à l'isolement de nuit seulement, après avoir
subi éventuellement une période d'observation en cellule.
CHAPITRE
DEUXIEME : UNE AMELIORATION LEGISLATIVE CONSTANTE DU
STATUT JURIDIQUE DES DETENUS
En détention, les personnes incarcérées
bénéficient d'un statut, impliquant des droits et des devoirs,
qui encadre leur vie quotidienne et permet la sanction disciplinaire des
comportements répréhensibles. La vie quotidienne en
détention diffère en fonction de
l'établissement et du type de détenu (prévenu
en détention provisoire ou condamné). Les
établissements pénitentiaires disposent
d'un règlement intérieur qui détaille pour ainsi dire
l'encadrement juridique lié aux conditions de vie des détenus
(SECTION 1). Pendant longtemps, le reflexe naturel de la société
a été guidé par la volonté d'enfermement du
délinquant qui doit subir une punition exemplaire et dissuasive58(*) . Mais elle n'avait pas
pris en compte les conséquences liées à l'emprisonnement
qui a rarement réussi la préparation du détenu à la
vie sociale. Le moment était donc venu pur le législateur
sénégalais, d'entreprendre une courageuse et nécessaire
réforme du système carcéral pour l'adapter aux normes
internationales fixées par les conventions internationales auxquelles le
Sénégal est partie. Le décret n°2001-362 du 4 mai
2001 relatif aux procédures d'exécution et d'aménagement
des sanctions pénales a joué un rôle majeur dans
l'encadrement juridique lié au renforcement de l'exigence de la peine
(SECTION 2).
SECTION 1 :
L'ENCADREMENT JURIDIQUE LIE AUX CONDITIONS DE VIE DES DETENUS
Parler de l'encadrement juridique lié aux conditions de
vie des détenus, c'est aller directement à l'essentiel en
étudiant toutes les règles dégagées par les
dispositions de l'arrêté ministériel
n°7117M .INT.D.A.P du 21 mai 1987 portant règlement
intérieur des établissements pénitentiaires, qui
traduisent a la fois les droits et les devoirs des détenus, d'ou la
question de son statu juridique. Et cette réglementation est
effectivement élaborée dans le souci du respect de la
dignité des incarcérés. Il en va ainsi de la gestion de
leur bien et de leur entretien qui doivent être notés (PARAGRAPHE
1) sans omettre le travail et la discipline qui doivent répondre aux
exigences de la dignité (PARAGRAPHE 2).
PARAGRAPHE 1 :
LA GESTION DES BIENS ET L'ENTRETIEN DES DETENUS
L'arrêté ministériel
n°7117M .INT.D.A.P du 21 mai 1987 portant règlement
intérieur des établissements pénitentiaires tout en
déterminant le cadre général des droits et devoirs des
prisonniers donne également aux directeurs des établissements
pénitentiaires la possibilité d'édicter leurs propres
règlements intérieurs pour adapter les prisons aux
utilités du moment. Si le régime alimentaire, l'achat, le
pécule et l'habillement y sont importants(A), l'hygiène et la
santé des détenus ne peuvent être occultées.
A- LE REGIME ALIMENTAIRE, L'ACHAT, LE PECULE ET
L'HABILLEMENT
Aux termes de l'article 147, la composition du régime
alimentaire des détenus est fixée par le Ministre chargé
de l'Administration pénitentiaire. Ce régime comporte trois
distributions journalières59(*) . Le règlement intérieur de la
maison d'arrêt et de correction de Saint louis nous renseigne à
bien des égards. En effet la cuisson des repas est assurée par
les détenus. Le régime alimentaire, le menu et la
quantité d'aliments destinés à l'entretien des
détenus sont déterminés par arrêté du
Ministre chargé de l'administration pénitentiaire. Le menu peut
être amélioré par le Directeur de prison grâce au
produit résultant du jardin potager crée à cet
effet60(*). En outre, le
détenu a la faculté de renoncer au repas de
l'établissement et de faire venir de l'extérieur des aliments
nécessaires à sa nourriture à condition que ces aliments
puissent être consommés sans cuisson nouvelle. Le droit
international va encore plus loin : « Tout détenu a
le droit à une alimentation ayant une valeur nutritive suffisante au
maintien de sa santé et de ses forces, de bonne qualité, bien
préparée et servie aux heures usuelles. Chaque détenu doit
avoir la possibilité de se pourvoir d'eau potable lorsqu'il en a
besoin 61(*)»). De même la règle 20
de l'ensemble de règles minima pour
le traitement des détenus informe que tous les détenus
doivent recevoir de l'administration aux heures usuelles une alimentation de
bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur
nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces.
Concernant l'achat et le pécule, l'article 148
souligne qu'à moins d'en être privés par
mesure disciplinaire, les détenus ont la possibilité d'acheter,
sur leur pécule disponible divers objets ou denrées en
supplément de ceux qui leur sont octroyés, selon les
modalités prévues par le règlement intérieur.
Le détenu conserve la gestion de ses biens patrimoniaux
extérieure dans la limite de sa capacité civile. Toutefois, cette
gestion ne peut s'effectuer que par mandataire, celui-ci devant être
étranger à l'administration pénitentiaire L'article 146
précise que « Si le détenu meurt en prison avant
l'expiration de sa peine, ses héritiers ont droit à son
pécule, sous déduction éventuelle des sommes dues pour
amendes, restitution ou frais de justice »e.
Une fiche de pécule est ouverte pour chaque détenu et
retrace toutes les opérations effectuées pendant la durée
de la détention de son titulaire. Le détenu a la
possibilité d'acheter avec son pécule disponible, divers objets
ou denrées qui sont vendus à la cantine de
l'établissement. Elle est alimentée par les sommes dont le
détenu serait porteur lors de son incarcération, et par toutes
celles qu'il reçoit de l'extérieur ou qu'il perçoit comme
rémunération de son travail62(*). Le détenu est informé de la situation
de son pécule par la communication de ses fiches. Il doit émarger
et présenter ses réclamations éventuellement. Aussi le
détenu condamné peut être employé à des
corvées à l'extérieur de la prison au profit d'autres
services. Ce travail lui donne droit à une rémunération
qui obéit à une certaine règle de
comptabilité :
La moitié (1/2) est versée au pécule
disponible,
Le quart (1/4) est versé au pécule de
garantie,
Et l'autre quart (1/4) au pécule de
réserve.63(*)
L'habillement fait aussi l'objet de mesures
particulières comme le dénote ainsi l'article
149 : « le règlement intérieur
édicté par le Ministre chargé de l'Administration
pénitentiaire fixe notamment l'habillement ...) ». Les
vêtements et sous-vêtements laissés ou fourni au
détenu, doivent être propres et maintenus en bon état par
ces derniers. Ils disposent pour ce faire de temps libre les dimanches et jours
fériés. Le port de vêtement doit être
correct64(*). Mais
l'ensemble de règles minima pour le traitement des détenus
demeure plus expressif dés lors que la règle 17 enseigne que tout
détenu qui n'est pas autorisé à porter ses vêtements
personnels doit recevoir un trousseau qui soit approprié au climat et
suffisant pour le maintenir en bonne santé. Ces vêtements ne
doivent en aucune manière être dégradants ou humiliants.
Tous les vêtements doivent être propres et maintenus en bon
état. Les sous-vêtements doivent être changés et
lavés aussi fréquemment qu'il est nécessaire pour le
maintien de l'hygiène. Dans des circonstances exceptionnelles, quand le
détenu s'éloigne de l'établissement à des fins
autorisées, il doit lui être permis de porter ses vêtements
personnels ou des vêtements n'attirant pas l'attention. Lorsque les
détenus sont autorisés à porter leurs vêtements
personnels, des dispositions doivent être prises au moment de l'admission
à l'établissement pour assurer que ceux-ci soient propres et
utilisables. Chaque détenu doit disposer, en conformité des
usages locaux ou nationaux, d'un lit individuel et d'une literie individuelle
suffisante, entretenue convenablement et renouvelée de façon
à en assurer la propreté.
B- L'HYGIENE ET LA SANTE DES DETENUS
Il s'agit la de droits essentiels qui impliquent le respect de
la dignité des détenus. L'article 149 de l'arrêté y
montre les grandes lignes. Car le respect des droits fondamentaux passe par la
garantie de la dignité du détenu. On doit exiger des
détenus la propreté personnelle; à cet effet, ils doivent
disposer d'eau et des articles de toilette nécessaires à leur
santé et à leur propreté. Afin de permettre aux
détenus de se présenter de façon convenable et de
conserver le respect d'eux-mêmes, des facilités doivent être
prévues pour le bon entretien de la chevelure et de la barbe; les hommes
doivent pouvoir se raser régulièrement. Or l'article 21 du
règlement intérieur de la prison de saint louis
dispose : « La propreté corporelle est
exigée de tous les détenus. Ils doivent faire leur toilette
à chaque réveil et se laver au moins une fois dans la
journée. Des produits de première nécessité sont
distribués périodiquement. L'entretien et la coupe des cheveux
pour les hommes sont obligatoires. Pour les femmes, l'entretien et les tresses
sans mèches des cheveux sont également obligatoires». De
plus « il est alloué aux détenus une ration de savon
par semaine. Des produits d'hygiène et d'entretien leur sont
également distribués ».
Chaque établissement pénitentiaire doit disposer
au moins des services d'un médecin qualifié, qui devrait avoir
des connaissances en psychiatrie. Les services médicaux devraient
être organisés en relation étroite avec l'administration
générale du service de santé de la communauté ou de
la nation. Ils doivent comprendre un service psychiatrique pour le diagnostic
et, s'il y a lieu, le traitement des cas d'anomalie mentale.
A son arrivée dans l'établissement, le
détenu est soumis autant que faire se peut à un examen
médical destiné à déceler toute affection de nature
contagieuse ou évolutive. Les principes fondamentaux
relatifs au traitement des détenus énoncent que «
les détenus ont accès aux services de santé existant dans
le pays, sans discrimination aucune du fait de leur statut
juridique ». Le détenu peut à tout moment demander
assistance auprès du service médical de la prison pour recevoir
des soins médicaux adéquats. L'admission à l'infirmerie de
l'établissement est décidée par l'Infirmier Major.
L'hospitalisation relève du Médecin traitant. Il faut aussi
noter que le détenu malade bénéficie gratuitement des
soins qui lui sont nécessaires ainsi que de la fourniture des produits
pharmaceutiques dûment ordonnés par le médecin traitant. La
gratuité des soins s'étend à tous examens ou traitements
de spécialistes que requiert l'état de santé des
détenus à l'exception des prothèses et des verres de
correction65(*).
Néanmoins a l'exception des expertises ordonnées par
l'autorité judiciaire, les détenus ne peuvent même à
leur frais, être examinés ou hospitalisés dans un
établissement privé). Les règles minima précisent
par ailleurs à propos des malades qui ont besoin de soins
spéciaux, qu'il faut prévoir le transfert vers des
établissements pénitentiaires spécialisés ou vers
des hôpitaux civils. Lorsque le traitement hospitalier est
organisé dans l'établissement, celui-ci doit être pourvu
d'un matériel, d'un outillage et des produits pharmaceutiques permettant
de donner les soins et le traitement convenables aux détenus malades, et
le personnel doit avoir une formation professionnelle suffisante. Tout
détenu doit pouvoir bénéficier des soins d'un dentiste
qualifié. Somme toute, le médecin est chargé de surveiller
la santé physique et mentale des détenus. Il devrait voir chaque
jour tous les détenus malades, tous ceux qui se plaignent d'être
malades, et tous ceux sur lesquels son attention est particulièrement
attirée.
Le médecin doit présenter un rapport au
directeur chaque fois qu'il estime que la santé physique ou mentale d'un
détenu a été ou sera affectée par la prolongation
ou par une modalité quelconque de la détention66(*).
PARAGRAPHE 2 : LE
TRAVAIL ET LA DISCIPLINE EN MILIEU CARCERAL
L'exigence de réinsertion, et à travers elle la
prévention de la récidive, est au coeur des missions
confiées à l'administration pénitentiaire. Elle dispose
pour ce faire de moyens certes limités mais
relativement diversifiés : elle favorise tout d'abord le
travail, afin de ne pas faire coïncider l'incarcération avec une
période d'inactivité(A). Aussi les établissements
pénitentiaires disposent d'un règlement intérieur qui
détaille les fautes disciplinaires (refus de
réintégrer sa cellule, possession d'objet interdit, violence,
etc....). En cas de commission d'une faute, les détenus comparaissent,
devant une commission de discipline qui peut prononcer des sanctions, dont les
plus graves consistent en un placement à l'isolement ou au quartier
disciplinaire(B).
A- L'AMENAGEMENT DU TRAVAIL EN DETENTION
Le travail est obligatoire pour tous les condamnés
à des peines privatives de liberté pour des faits
qualifiés crimes ou délits de droit commun. Il est
réglementé par les articles 30 à 65 de
l'arrêté. Toutefois la concession ou la cession de la
main-d'oeuvre pénale à des particuliers, compagnies ou personnes
morales de droit privé, ne peut se faire sans le consentement des
détenus intéressés67(*) . Les condamnés de police peuvent demander
qu'il leur soit donné du travail. Le travail pénitentiaire ne
doit pas avoir un caractère afflictif. Il faut fournir aux
détenus un travail productif suffisant pour les occuper pendant la
durée normale d'une journée de travail. Ce travail doit
être, dans la mesure du possible, de nature à maintenir ou
à augmenter leur capacité de gagner honnêtement68(*) . L'organisation et les
méthodes de travail pénitentiaire doivent se rapprocher autant
que possible de celles qui régissent un travail analogue hors de
l'établissement, afin de préparer les détenus aux
conditions normales du travail libre. Lorsque les détenus sont
utilisés pour des travaux qui ne sont pas contrôlés par
l'administration, ils doivent toujours être placés sous la
surveillance du personnel pénitentiaire. A moins que le travail soit
accompli pour d'autres départements de l'Etat, les personnes auxquelles
ce travail est fourni doivent payer à l'administration le salaire normal
exigible pour ce travail, en tenant compte toutefois du rendement des
détenus. Les précautions prescrites pour protéger la
sécurité et la santé des travailleurs libres doivent
également être prises dans les établissements
pénitentiaires. Des dispositions doivent être prises pour
indemniser les détenus pour les accidents du travail et les maladies
professionnelles, à des conditions égales à celles que la
loi accorde aux travailleurs libres. Le travail des détenus doit
être rémunéré d'une façon équitable et
le règlement doit permettre d'utiliser au moins une partie de leur
rémunération pour acheter des objets autorisés qui sont
destinés à leur usage personnel et d'en envoyer une autre partie
à leur famille69(*).
B- LE MAINTIEN DE LA DISCIPLINE
Les détenus doivent obéissance aux
fonctionnaires ou agents ayant autorité dans la prison, en tout ce
qu'ils leur prescrivent pour l'exécution des règlements (art
100). L'ordre et la discipline doivent être maintenus avec
fermeté, mais sans apporter plus de restrictions qu'il n'est
nécessaire pour le maintien de la sécurité et d'une vie
communautaire bien organisée. Le règlement détermine aussi
la conduite qui constitue une infraction disciplinaire; le genre et la
durée des sanctions disciplinaires qui peuvent être
infligées; l'autorité compétente pour prononcer ces
sanctions. Aucun détenu ne peut être puni sans être
informé de l'infraction qu'on lui reproche et sans qu'il ait eu
l'occasion de présenter sa défense70(*). L'autorité
compétente doit procéder à un examen complet du cas. Dans
la mesure où cela est nécessaire et réalisable, il faut
permettre au détenu de présenter sa défense par
l'intermédiaire d'un interprète. Les peines corporelles, la mise
au cachot obscur ainsi que toute sanction cruelle, inhumaine ou
dégradante doivent être complètement défendues comme
sanctions disciplinaires. Les peines de l'isolement et de la réduction
de nourriture ne peuvent jamais être infligées sans que le
médecin ait examiné le détenu et certifié par
écrit que celui-ci est capable de les supporter. Il en est de même
pour toutes autres mesures punitives qui risqueraient d'altérer la
santé physique ou mentale des détenus. Il est interdit au
détenu : tout acte individuel ou collectif de nature à
troubler le bon ordre, toute communication clandestine ou en langage
conventionnel, toute introduction d'arme, d'instrument dangereux notamment les
rasoirs et les couteaux, l'introduction de boissons alcoolisées ou des
matières inflammables71(*). Les instruments de contrainte tels que menottes,
chaînes, fers et camisoles de force ne doivent jamais être
appliqués en tant que sanctions. Les chaînes et les fers ne
doivent pas non plus être utilisés en tant que moyens de
contrainte. Les autres instruments de contrainte ne peuvent être
utilisés que par mesure de précaution contre une évasion
pendant un transfèrement, pourvu qu'ils soient enlevés dès
que le détenu comparaît devant une autorité judiciaire ou
administrative; pour des raisons médicales sur indication du
médecin.
SECTION 2 : L'ENCADREMENT JURIDIQUE
LIE AUX RENFORCEMENTS DE L'EXECUTION ET A L'AMENAGEMENT DES SANCTIONS
PENALES
Mr KATUREEBE, Ministre de la justice d'Ouganda disait au sujet
de l'épineux problème de l'incarcération que :
Les systèmes pénitentiaires africains sont en
crises. « Que peut-on faire ? La construction de nouvelles
prisons n'est pas la solution. Il faut plutôt prévoir les peines
alternatives qui réduiraient la surpopulation dans les prisons et
permettraient l'amélioration des conditions de ceux qui resteraient
incarcérés. » Le débat sur la mise en place
de nouvelles modes de contrôles des peines et d'aménagement des
sanctions pénales a occupé une place non négligeable dans
les rencontres internationales. Au Sénégal cette angoisse a
été prise en compte par le décret n°2001-362 du 4 mai
2001 relatif aux procédures d'exécution et d'aménagement
des sanctions pénales. Il est courant de nos jours que l'opinion
souhaite voir les délinquants emprisonnes au moindre délit, ne
connaissant pas les effets de l'emprisonnement. Mais les prisons sont loin
d'être des endroits idéaux pour la réinsertion. L'une des
graves conséquences de cette philosophie est marquée par le fait
que l'individu qui sort de prison emporte avec lui sa prison. Celle ci sera
toujours un écran entre lui et les membres de la société
qui sont portés à lui appliquer des mesures discriminatoires,
d'exclusion et de rejet. Ainsi au nouveau cadre de l'aménagement des
peines (PARAGRAPHE 2), il faudrait prévoir l'institution de nouveaux
organes de contrôle dont l'importance est à
démontrée (PARAGRAPHE 1).
PARAGRAPHE 1 : LE
CONTROLE DE L'EXECUTION DES PEINES
Les prisons coutent chers. La seule réponse
était de reformer notre approche de la punition. Un grand débat a
été promu sur les conditions de détention, en encouragent
l'intérêt public pour les établissements pénaux et
en élaborant des reformes positives des dispositions pénales en
générale. Dans cette optique, la reforme a introduit le juge de
l'application des peines qui a fait son apparition dans le nouveau
système pénal sénégalais(A).De même une
commission de surveillance et un comité de suivi en milieu ouvert ont
intégré l'appareil judiciaire(B). Cette option novatrice va dans
le sens d'une évolution générale favorable à une
conception plus volontariste de la dignité.
A- LA MISE EN PLACE D'UN JUGE D'APPLICATION DES
PEINES
Le juge d'application des peines est le garant de
l'application du droit après le jugement. Toutes les décisions
judiciaires après condamnation prévues par le C.P et qui
impliquent une restriction totale ou partielle de la liberté lui sont
confiées, sous réserve de quelques exceptions prévues par
le code. IL est introduit par le biais de la loi n°2001-39 du 29
décembre 2000. L'article 683 bis stipule qu'il est
désigné au mois un juge de l'application des peines dans chaque
tribunal régional par arrêté du garde des sceaux, Ministre
de la justice. Le juge de l'application des peines contrôle
l'application des décisions prises par le comité de probation et
de surveillance, relative à l'aménagement des peines
prononcées par le tribunal régional. Face à
l'allongement de la durée des peines prononcées par les
tribunaux, notamment en ce qui concerne les affaires de moeurs, à la
part plus importante des jeunes et des délinquants sexuels au sein de la
population pénale, aux revendications sécuritaires des syndicats
des personnels de surveillance, face encore aux abus et violences dont peuvent
être victimes les détenus, il importe de réfléchir
au sens et à la place du droit en prison. Le juge d'application des
peines détient des pouvoirs profusément étendus aussi bien
en milieu fermé qu'en milieu ouvert. De la sorte, il a pour
mission de surveiller l'exécution des peines et il est compétent
pour les modifications de régimes à appliquer au condamné
à savoir, la libération conditionnelle, les permissions de
sortie, les placements à l'extérieur, les
semi-libertés ...Face à l'augmentation des délits, la
montée du sentiment d'insécurité fait craindre le pire.
L'opinion, pessimiste, s'inquiète : elle demande de renforcer les murs
et les grilles, d'allonger les peines et de les rendre incompressibles. En
France en vertu de l'article 712-1 alinéa 1er du Code de
procédure pénale, le juge de l'application des peines et le
tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de
l'application des peines du premier degré qui sont chargées, dans
les conditions prévues par la loi, de « fixer les
principales modalités de l'exécution des peines privatives de
liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en
orientant et en contrôlant les conditions de leur application.
B- LA COMMISSION DE SURVEILLANCE ET LE COMITE DE SUIVI
EN MILIEU OUVERT
Les établissements pénitentiaires font l'objet
de contrôles de la part des autorités judiciaires,
conformément aux dispositions de l'article 697, alinéa 1er, du
CPP et de contrôle de l'autorité administrative. La commission de
surveillance est instituée auprès de chaque établissement
pénitentiaire. Sa mission est essentielle dans la protection du respect
des droits des détenus et est aussi garant de sa dignité. Elle
inspecte la prison, surveille tout ce qui concerne la salubrité,
l'alimentation, la discipline, le travail, assure le service de santé et
la réforme morale des détenus, la tenue des registres
réglementaires, la conduite des agents de la prison. En plus de sa
compétence et ses attributions, un décret fixe les conditions
dans lesquelles certaines personnes peuvent être admises à visiter
les détenus 72(*).Elle assiste le juge d'application des peines dans
l'application des mesures de contrôle et dans la supervision du respect
des obligations imposées aux condamnés à l'emprisonnement
avec sursis probationnaire, à l'ajournement avec probation, au travail
au bénéfice de la société, aux libéré
conditionnels, aux semis libres. Elle assiste aussi le JAP dans la
préparation de la réinsertion professionnelle ou social du
condamné.
La loi n°2000-39 du 29 décembre 2001 a
prévu en son article 683, un comité de suivi en milieu ouvert
institué à-côté de chaque tribunal régional.
Il joue un rôle fortement lié à celui effectué par
les aux autres organes. Le JAP est membre de la commission de surveillance et
est le chef du service du comité.
En France, la loi du 30 octobre 2007 instituant un
contrôleur général des lieux de privation de liberté
permet à la France de répondre aux exigences du protocole
facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants signé
par la France. Le protocole préconise l'instauration d'un
mécanisme national de visites régulières dans tous les
lieux où des personnes sont privées de liberté sur
décision de l'autorité publique. Il prévoit la mise en
place par les pays signataires d'un mécanisme national de
prévention indépendant dans un délai maximum d'un an
après sa ratification. Elle répond également aux
recommandations du Conseil de l'Europe telles que la nécessité
d'un contrôle indépendant mené par une autorité qui
rendra publiquement compte de ses conclusions.
PARAGRAPHE 2 : LE NOUVEAU CADRE DE L'AMENAGEMENT
PENAL
Le prononcé d'une peine par un tribunal ne signifie pas
que son exécution doit être figée dans le marbre. Au
contraire, la loi prévoit, dans un but de prévention de
la récidive, que les peines peuvent être
aménagées en cours d'exécution pour tenir compte de
l'évolution de la personnalité et de la situation du
condamné. Certains aménagements portent sur les modalités
d'exécution des peines d'emprisonnement inférieures à
un an, d'autres aménagements sont relatifs à la
durée de la peine d'emprisonnement (B). La sanction doit retrouver
une vertu positive, sans être réduite à sa fonction
répressive. Elle suppose de mieux faire participer le condamné
à l'exécution de sa peine. L'exécution des peines «
hors les murs » est la perspective proposée pour un
avenir plus serein de notre société. Les peines substitutives
quant à elles s'inscrivent dans une logique selon laquelle
l'apprentissage de la vie en société se réalise mieux en
liberté(A). Le large éventail des mesures existantes permet
d'adapter la sanction aux différents types de délinquance.
A - LES NOUVELLES SANCTIONS
ALTERNATIVES A L'INCARCERATION
Les peines alternatives à l'emprisonnement dites
« peines de substitution » doivent progresser dans
le vécu et l'opinion des uns et des autres. Il faut comprendre qu'il
s'agit de vraies peines, sanctionnant un comportement social
réprouvé, incluant un élément de contrainte de
l'individu tout en affirmant une volonté de ne pas l'exclure de la
communauté. En France les premières datent de 1975, il s'agissait
de la suppression du permis de chasse ou de conduire. Elles prennent toute leur
dimension à partir de 1983 avec le vote de la loi instituant le
« travail d'intérêt
général ». Peines de substitution à
l'incarcération ou aménagement de peines, ces alternatives
forment un ensemble hétérogène mais présentent un
intérêt incontestable. Elles permettent non seulement de limiter
les effets désocialisant de l'incarcération, mais aussi de
soustraire les condamnés aux contacts criminogènes
inhérents à la fréquentation de compagnons de
cellule. Pour l'administration pénitentiaire, les
alternatives à l'incarcération présentent deux avantages
supplémentaires : celui de réduire la surpopulation
carcérale et celui de limiter ses dépenses
budgétaires ; leur coût est en effet très
inférieur à celui de l'incarcération. Il s'agit, par
ailleurs, d'abandonner les solutions traditionnelles utilisées pour
réduire le peineux embarras de l'engorgement à savoir
l'amnistie73(*), la
grâce74(*) ou la
construction de nouvelles prisons. Dans de nombreux pays d'Afrique, le taux de
la surpopulation dans les prisons a atteint des limites inhumaines, il y'a
manque certain d'hygiène, l'alimentation est insuffisante en
qualité et en quantité, l'accès aux soins médicaux
est difficile, les détenus manquent d'activités, ne
reçoivent pas de formation et sont souvent dans l'incapacité de
maintenir les liens familiaux. Et dans cette situation alarmante, la
dignité ne peut être garantie. Ainsi la sanction alternative
à l'incarcération annoncée par la réforme est
spécifiée dans les articles 9,33-1, 35-1 à 35-3 du
code pénal. L'article 35-1 procède par énumération.
Il s'agit de la suppression du permis de conduire pour une durée de
5ans, de l'annulation du permis, du retrait définitif ou temporaire de
la licence d'exploiter un véhicule, de l'interdiction, de l'interdiction
de porter une arme pour une durée de 5ans , du retrait du permis de
chasse... Les alternatives à l'incarcération
peuvent intervenir à tous les stades de la procédure
répressive : elles peuvent être décidées lors
des poursuites (composition pénale) ou pendant l'instruction
(contrôle judiciaire), mais également au moment du jugement (peine
de jours-amendes, comme peine principale ou complémentaire (sursis
simple ou avec mise à l'épreuve) ; enfin, lors de
l'exécution de la peine, les condamnés peuvent
bénéficier de mesures dans le cadre d'une libération
anticipée (libération conditionnelle, semi-liberté,
suspension de peine, chantier extérieur...).
B- LES NOUVEAUX MODES D'AMENAGEMENT DES PEINES
A condition que la gravité des faits commis et que le
comportement de leur auteur ne s'y opposent pas, les modes d'aménagement
peuvent concerner des prévenus ou des condamnés à qui
elles permettent de rester libres sous réserve de se soumettre aux
contrôles prescrits par les juges. Aux personnes
incarcérées, elles offrent la possibilité de sortir plus
vite de prison en exécutant leur peine ailleurs, sans être
privées de leur liberté ou en subissant un régime de
surveillance moins contraignant. Aux termes de l'article 44-2 les modes
d'aménagement des peines fixés par la loi sont le sursis, la
probation, le travail au bénéfice de la société, la
semi liberté75(*),
le fractionnement de la peine, la dispense de peine et l'ajournement. Certains
aménagements portent sur les modalités
d'exécution des peines d'emprisonnement inférieures à
un an, afin d'éviter ou de remédier à l'effet
désocialisant de l'incarcération. En effet, lorsque le
condamné présente des garanties suffisantes en termes de
réinsertion et de prévention de la récidive, le juge
d'application des peines peut décider que la peine d'emprisonnement
s'effectuera sous un régime déterminé. A cela il faudra y
adjoindre la libération conditionnelle76(*) , le placement à
l'extérieur77(*) ou
la permission de sortir78(*). Le bracelet magnétique ou arrêt
domiciliaire sous surveillance électronique, prévu par les lois
du 19 décembre 1997 et du 15 juin 2000, est en place à titre
expérimental depuis septembre 2000 en France. Adoptée à
l'initiative de M. Guy-Pierre Cabanel, elle prévoit le placement
sous surveillance électronique de détenus purgeant une peine de
moins d'un an ou dont le reliquat de peine est inférieur à un an
via un bracelet émetteur signalant au service chargé de la
surveillance tout dépassement d'un rayon d'action fixé par le
JAP. Cependant les modes d'aménagement des peines ne peuvent être
appliques ou prescrits ni en cas de récidive, ni en matière
criminelle et correctionnelle pour les infractions suivantes :
détournements de derniers publics, délits douaniers, attentats
à la pudeur, pédophilie, délits relatifs aux
stupéfiants79(*).
Aux termes de cette revue rapide des principaux instruments
internationaux et nationaux de protection de la dignité, on voit combien
est grande leur diversité, ainsi que
l'hétérogénéité des solutions
institutionnelles adoptées pour assurer la garantie de ce droit
fondamental. Cependant force est de constater que le droit s'arrête
à la porte des prisons malgré des efforts réels.
TITRE DEUXIEME : UNE
APPLICATION LIMITEE DU DROIT AU
RESPECT DE LA DIGNITE EN MILIEU CARCERAL
Le non-respect des dispositions du code de procédure
pénale n'est bien évidemment pas ce qui choque au prime abord
lors de visites dans les prisons. Les conditions difficiles de détention
qui se traduisent par la promiscuité et le manque d'intimité sont
véritablement le quotidien de la vie en prison ; le respect des
dispositions législatives et réglementaires apparaît
dès lors comme un impératif lointain, dépourvu
d'implications concrètes aussi bien pour les détenus que pour le
personnel surveillant ou d'encadrement. Il importe néanmoins d'en dire
quelques mots afin de mesurer l'abîme qui sépare de facto les
textes de la réalité carcérale. On demande aujourd'hui
à la prison de réussir là où tous les autres
intervenants (les familles, l'école,) ont
échoué. Du fait de la surpopulation, mais
aussi d'une conception exagérément sécuritaire, et d'une
religion de l'aveu, les atteintes à la dignité sont les plus
criantes lors de l'incarcération. Constater que les conditions
de détention dans les prisons sont souvent indignes d'un pays qui se
targue de donner des leçons à l'extérieur dans le domaine
des droits de l'homme et qui a été condamné à
plusieurs reprises par la communauté internationale justement
sourcilleuses en ce domaine. En France, le travail mené par la Cour
européenne des droits de l'homme depuis 2001 constitue également
un facteur important de dénonciation, mais également d'invitation
faite aux Etats d'assurer des conditions de détention dignes, au risque
de faire l'objet de condamnations multiples pour violation de l'article 3 de la
Convention européenne des droits de l'homme. La Cour procède,
désormais à un contrôle concret, pour de vérifier si
les conditions matérielles de la détention ne violent pas
l'article 3. Ainsi dans l'affaire Sulejmanovic c. Italie du 16 Juillet 2009 la
CEDH se fonde sur des éléments tels que la privation d'air et
lumière pour conclure à la violation de l'article 3. Des
conditions déplorables de détention, parce que contraires au
principe de dignité humaine, constituent un traitement inhumain ou
dégradant. La montée en puissance du principe de dignité
humaine n'a pas seulement servi à poser de nouvelles exigences en
matière de conditions matérielles de détention. Il est
même allé au-delà, en provoquant l'humanisation et
l'encadrement de certaines pratiques pénitentiaires. De même dans
sa décision du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel
précise que " l'exécution des peines privatives de
liberté en matière correctionnelle et criminelle a
été conçue, non seulement pour protéger la
société et assurer la punition du condamné, mais aussi
pour favoriser l'amendement de celui-ci et permettre son éventuelle
réinsertion ". C'est là un véritable
défi pour l'administration pénitentiaire. Il faudrait donc
interdire les sorties de prison « sèches », sans mesures
d'accompagnement effective, et encadrer leurs conditions. Il est, de plus,
urgent d'axer de manière radicalement novatrice la réinsertion
des détenu en associant leur famille. Nous nous sommes donnés
pour ambition de prouver les atteintes à la dignité à
travers une exigence des conditions matérielles de détention
respectueuses de la dignité (chapitre I) et dans une seconde dynamique
nous poserons les voies vers l'humanisation et la réinsertion des
détenus (chapitre II).
CHAPITRE PREMIER : L'EXIGENCE
DE CONDITIONS MATERIELLES DE DETENTION RESPECTUEUSES DE LA DIGNITE
HUMAINE
Les personnes privées de liberté sont, du fait
de cet état, d'une part en situation de fragilité, d'autre part
entièrement confiées à la puissance publique. Il en
résulte que celle-ci a une responsabilité particulière
à leur égard. Cependant il est de jurisprudence constante que la
dignité est très souvent rangée au panthéon de
l'oubli. En prison, les détenus sont régulièrement
exposés à des situations d'extrême gravité qui
mettent en branlent la protection effective de leur droits fondamentaux.
Plusieurs paramètres peuvent être envisagés pour mettre en
relief cet état. Les locaux de détention et, en particulier, ceux
qui sont destinés au logement des détenus ne satisfont pas aux
exigences de respect de la dignité humaine et, de la vie privée,
et ne répondent pas aux conditions minimales requises en matière
de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques,
notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air,
l'éclairage, l'aération. Les visites prolongées aux
détenus ne se déroulent pas toujours conformément au
respect de la dignité humaine. Mis en condition par la garde
à vue, le présumé innocent est en fait
présumé coupable : les formalités de l'écrou, de la
fouille à corps, de la remise du paquetage, de l'incarcération au
quartier des entrants, de l'affectation dans une cellule le plus souvent
collective, des extractions avec menottes et entraves constituent autant
d'étapes qui le dépouillent un peu plus de sa
dignité80(*) .
Ainsi dans la pratique, la prison est un lieu de deshumanisation attentatoire
à la dignité (section Première) ou règne
manifestement l'arbitraire carcéral (section Deuxième).
SECTION 1 : LA PRISON :
UN LIEU DE DESHUMANISATION ATTENTTATOIRE A LA DIGNITE
Le Comité de prévention de la torture (CPT) en
France depuis maintenant près de vingt ans, un organe de visite et de
contrôle a toujours estimé que la qualité
générale de la vie dans un établissement présente
une importance considérable. A dire vrai, dans un pays qui se vante
d'être un chantre de la démocratie, les prisons sont une honte
pour un pays un tout petit peu respectueux des droits de l'homme. Police,
parquet, prison ces trois P font des dégâts au
Sénégal .Dans notre pays plus qu'ailleurs, la population
carcérale est marginalisée. Les relations entre gardes et
détenus sont presque militaires. Voire de maitre à
esclaves81(*) . La
prison sénégalaise, cet univers pas du tout comme les autres,
foule à maints égards les droits de l'homme les plus
élémentaires avec sans nul doute notre silencieuse
complicité. Il n'est donc pas surprenant que la qualité
générale de vie y soit déplorable (PARAGRAPHE1) plongeant
ce haras dans l'empire de l'arbitraire carcéral (PARAGRAPHE 2).
PARAGRAPHE 1 : UNE QUALITE
GENERALE DE VIE DEPLORABLE
Le milieu carcéral est loin d'être de tout repos.
Cet hôtel zéro étoile renferme une quantité
industrielle d'atteintes à la dignité du détenu. Parmi
celles-ci, la surpopulation pénale impose ainsi aux directeurs
d'établissement et aux surveillants des contraintes de gestion qui
nuisent aux possibilités de réinsertion des détenus. La
surpopulation aboutit au non-respect des textes, rend très difficiles
les conditions de vie en détention et empêche l'administration
pénitentiaire d'assurer correctement son rôle. En outre
Albert Camus a dit qu' "une société se juge à
l'état de ses prisons ». En vérité, la
surpopulation, liée à un état de vétusté et
de délabrement des établissements caractérisent les
entorses à la dignité. Il parait donc opportun de voir
l'état de surpopulation carcérale(A) avant d'analyser la
vétusté et l'inadaptation des prisons (A).
A- LA SURPOPULATION CARCERALE
Elle traduit l'inadéquation
matérielle entre le nombre de détenus et les places disponibles
La surpopulation des maisons d'arrêt, est
une " première violence de la prison", celle qui
consiste à mettre deux détenus, voire trois ou cinq dans
9 m2, a les conséquences les plus graves sur les
conditions de détention. La surpopulation pénale est donc
à l'origine d'un traitement infligé aux détenus qui peut
être considéré, à juste titre, comme inhumain et
dégradant ; elle n'est bien évidemment pas non plus
étrangère à la survenance de plus en plus fréquente
d'actes d'auto-agressions (automutilations, tentatives de suicides ou
suicides), d'agressions entre détenus, d'actes de violence envers les
surveillants etc. Si la surpopulation est déjà un problème
en elle-même, compte tenu du surcroît de travail qu'elle
occasionne, ses effets induits sur la crédibilité et
l'autorité de l'institution sont encore plus destructeurs. En effet,
l'impératif de gestion se fait encore plus prégnant, car, outre
le manque de places en cellule, c'est bien souvent l'ensemble des services qui
dysfonctionne aussi. Cette situation conduit l'administration
pénitentiaire à temporiser, à compenser. Les contacts avec
la population pénale, l'observation, sont réduits, voire
inexistants, laissant le champ libre aux leaders négatifs. On ne sait
plus ce qui se passe, on gère des flux, on " fait tourner " selon
l'expression souvent employée.
Que peut faire le surveillant lorsqu'il entre dans une cellule
où il se retrouve face à cinq détenus ? Cette
situation objective de surpopulation carcérale, couplée à
des conditions matérielles de détention déplorables
(cellules sales et infestées de cafards, de punaises et de poux,
fenêtres obturées par des volets métalliques qui ne
laissaient filtrer qu'une très faible lumière, confinement en
cellule vingt-deux à vingt-trois heures par jour), constitue un
traitement dégradant82(*). Mais c'est probablement l'affaire Kalashnikov c/
Russie du 15 juillet 2002 qui constitue l'illustration parfaite du refus
actuel de la Cour d'accepter de telles conditions de détention. Dans
cette espèce, le requérant était, ainsi que vingt-trois
autres détenus, l'occupant d'une cellule de dix-neuf m²,
conçue pour huit. Cette surpopulation imposait l'utilisation de chaque
lit par trois personnes, par rotation. Pour une application très
récente, l'arrêt Bitchkov c/ Russie, du 5 mars 2009,
où la violation de l'article 3 repose sur l'existence d'un espace de vie
par détenu compris entre 0,65 et 1,3 m2 est constante. En France,
jusqu'en 1996, la population pénale n'a cessé de croître.
Selon une étude de M. Pierre Tournier, ingénieur de recherche au
CNRS, la population carcérale en France a doublé de 1975 à
1995, pour atteindre quelque 54.000 détenus, tandis que, pour la
même période, la population française n'augmentait que de
10 %. Le terme " d'inflation carcérale " a
été utilisé pour caractériser cet accroissement du
nombre de détenus, qui est sans commune mesure avec l'accroissement du
nombre d'habitants. L'année 1996 marque une rupture dans cette
évolution, puisqu'à partir de cette date la population
carcérale diminue : au 1er janvier 2000, elle
s'élevait à près de 51.500 détenus, soit
6,6 % de moins qu'en 1996. Toutefois, cette baisse n'a pas permis
d'enrayer le surpeuplement carcéral en raison d'un allongement sensible
de la durée des peines. Le Groupe de travail des Nations unies sur la
détention arbitraire qui fait partie des mécanismes de promotion
des droits humains a dans son rapport indiqué que la plupart des prisons
sont surpeuplées. C'est le cas à la Maison d'arrêt et de
correction de Reubeuss où il a été dénombré
1 592 détenus. Alors qu'elle a une capacité de 800 personnes. Le
Camp pénal de Liberté 6, la Maison d'arrêt des femmes et la
Maison d'arrêt et de correction de Thiès sont également
dans le lot. Mais ils n'ont pas avancé de chiffres à ce sujet.
Seul éclair dans la grisaille, la Maison d'arrêt et de correction
de Saint-Louis qui n'enregistre que deux détenus de plus sur une
capacité de 25083(*). Il faut rappeler, pour conclure, que ces conditions
de détention rendues particulièrement pénibles et
désocialisantes du fait de la surpopulation sont imposées
à des personnes qui, soit sont prévenues et
bénéficient à ce titre de la présomption
d'innocence, soit condamnées à de très courtes peines et
destinées à retourner très rapidement à
l'extérieur.
B- LA VETUSTE ET L'INADAPTATION DES
PRISONS
L'Etat du Sénégal vient d'engager une
réforme de l'Administration pénitentiaire. Cette réforme
vise la modernisation de l'Administration pénitentiaire parce qu'il n'y
a pas eu, depuis l'indépendance, de nouvelles constructions
d'établissements. Donc, avec la vétusté des
établissements et la surpopulation carcérale, le premier
objectif, ce sont les infrastructures, la création, la modernisation des
établissements pénitenciers. En effet, ces bâtiments ne
répondent pas aux exigences imposées par le code de
procédure pénale en matière de conditions de
détention : encellulement individuel des prévenus, locaux
devant répondre aux exigences de l'hygiène, notamment en ce qui
concerne le cubage d'air, l'éclairage, l'aération, fenêtres
suffisamment grandes pour permettre de lire et de travailler à la
lumière naturelle et de faire entrer l'air frais.
Aujourd'hui, plus de la moitié des établissements au
Sénégal se caractérisent par des structures traduisant des
conceptions pénitentiaires dépassées et inadaptées
aux régimes modernes de détention. Il y'a une
nouvelle population pénale pour une prison inchangée. La
croissance du nombre des condamnés depuis vingt ans s'est
parallèlement accompagnée d'un bouleversement de la structure de
la population carcérale : les délinquants sexuels, les
malades mentaux et les toxicomanes représentent désormais, comme
dans les pays étrangers, les trois principales composantes de la
population des prisons sénégalaises et posent de redoutables
problèmes de gestion aux personnels pénitentiaires.
En France, le docteur Roland Broca a indiqué à
la commission que près de 20 % des détenus étaient
inculpés directement pour infraction à la législation sur
les stupéfiants, tandis que 20 à 30 % des autres
détenus sont incarcérés pour des délits liés
à l'usage ou à l'obtention de drogues. Il s'agit d'une population
fragile psychologiquement et très perturbée par le
phénomène de manque. Elle est donc très exposée au
risque de suicide et très dépendante des autres détenus
dans sa quête de stupéfiants84(*).
Concernant les malades mentaux une véritable
révolution s'est opérée : le credo de la psychiatrie
moderne est désormais " d'ouvrir " les hôpitaux
psychiatriques. Lorsque l'irresponsabilité est prononcée, le juge
d'instruction est amené à se dessaisir en rendant une ordonnance
de non lieu, le tribunal correctionnel prend une décision de relaxe et
la cour d'assises doit évidemment prononcer un acquittement.
L'infraction commise doit donc être oubliée ; elle n'a
été qu'un révélateur de la maladie de son auteur.
Mais ses troubles psychiques graves subsistent. Les psychiatres jouent
aujourd'hui un rôle considérable dans le système judiciaire
et pénitentiaire : ils peuvent établir
l'irresponsabilité de l'accusé. Avec le droit français il
convient cependant de rappeler que de l'article L. 348 de la santé
publique permet (loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la
protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux),
de placer l'auteur de l'infraction en hôpital psychiatrique.
De plus en raison de l'allongement de la durée des
peines et de la modification de la structure de la population carcérale
selon les infractions, les détenus sont de plus en plus vieux. Or, le
vieillissement de la population carcérale n'est pas sans poser des
problèmes à l'administration pénitentiaire. Parmi eux,
certains sont physiquement dépendants, alors même que les
établissements ne sont pas équipés pour accueillir une
telle population. Non seulement les cellules ne sont pas adaptées, mais
l'architecture des prisons n'a pas été conçue pour des
personnes invalides. Ainsi, il n'existe pas d'ascenseur et les distances
à parcourir pour accéder aux cours de promenades, aux parloirs ou
encore aux unités de soins sont parfois importantes85(*) et difficiles.
Aussi l'évolution du nombre des incarcérations
des mineurs ces dernières années révèle un
phénomène préoccupant. Les actes de délinquance
juvénile se caractérisent par une aggravation des infractions,
souvent commises avec violence contre des personnes, notamment des
représentants de l'autorité ou des services publics.
En outre on tend de plus en plus
vers la prison refuge ? En dehors de cas exceptionnels
récents, liés à la délinquance financière,
la prison accueille avant tout une population plutôt
défavorisée. Cette population arrive en situation
d'échec : échec du système scolaire, échec du
milieu familial, échec du système économique et autre. Un
grand nombre de détenus se retrouvent souvent
" isolés ", ayant rompu nolens volens les
liens familiaux, à la suite d'une rupture ou d'un divorce. Pour les
jeunes adultes, la rupture avec le milieu familial les a plongés dans
une " errance " et une misère, ayant pour conséquence
une " délinquance d'appropriation ". La drogue a changé
peu à peu les transgressions, rendant encore plus violente cette
délinquance. Somme toute on trouve en prison des gens qui n'ont rien
à y faire. Les prisons sont utilisées comme variable d'ajustement
du système pénitentiaire. Elles mêlent, en effet, les
prévenus et les condamnés. Elles accueillent par ailleurs depuis
quelques années de nouvelles populations qui posent de redoutables
problèmes de coexistence. C'est le cas des étrangers en situation
irrégulière, des toxicomanes, des malades mentaux, des mineurs et
jeunes adultes délinquants mais aussi des détenus
âgés, et d'autres fragilisés par la maladie (le sida, la
tuberculose, les hépatites), par des handicaps physiques et aussi par le
développement de l'indigence consécutive au chômage et
à l'exclusion. Pour toutes ces catégories de personnes, les
structures pénitentiaires classiques se révèlent tout
à fait inadéquates. Elles signifient l'exclusion dans
l'exclusion, qui conduit souvent au suicide.
PARAGRAPHE 2 : LE
NON-RESPECT DES CONVENTIONS INTERNATIONALES LORS DE L'INCARCERATION :
Le Sénégal, avec la loi n° 2006-13 du
30 juin 2006 a ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, adopté par l'Assemblée
générale des Nations unies, le 18 décembre 2002. Le
Sénégal a été le premier pays à signer ce
texte majeur dans le domaine de la prévention de la Torture et des
mauvais traitements. Le Protocole facultatif requiert vingt ratifications et se
rapporte à la Convention contre la Torture et autres Peines ou
Traitement cruels, inhumains ou dégradants, adopté par
l'Assemblée générale des Nations unies, le 18
décembre 2002.Au delà de la qualification des traitements
inhumains qui doit être envisagée(A), il s'agit d'actes
préjudiciables à la santé et l'existence de vives
souffrances(B).
A- LA QUALIFICATION DES TRAITEMENTS INHUMAINS
Au Sénégal, malgré, la signature et la
ratification de la Convention relative à la torture et des peines et
traitements cruels, inhumains et dégradants et du protocole facultatif
à la convention des Nations Unies contre la torture, des agents des
forces l'ordre continuent à pratiquer la torture sans qu'il ait
l'ouverture d'une enquête judiciaire sérieuse qui suivra son
processus jusqu'à terme. Bons nombre d'instruments relatifs à la
protection de la dignité de la personne du détenu se trouvent
inappliqués entrainant inéluctablement un traitement fort
déplorable lors de l'incarcération. La qualification de
traitement inhumain ou dégradant (voire de torture) à laquelle
peut conclure le CPT en France, résulte soit d'un élément
spécifique, soit, d'une combinaison de facteurs tels que la
surpopulation, l'absence d'installations sanitaires et l'insuffisance du
régime alimentaire. La torture suppose qu'aient été
délibérément causées des souffrances d'une
intensité et d'une cruauté particulière. Le
caractère inhumain est établi par la constatation qu'on
été causées de vives souffrances physiques et morales
ayant entrainé de surcroit des troubles psychiques aigus, tandis que le
caractère dégradant de ce que les techniques employées
étaient de nature à créer en leurs victimes
« des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité
propre à les humilier, à les avilir et à briser
éventuellement leur résistance physique et morale86(*) ». En plus dans
l'arrêt Ribitsch c / Autriche du 4 décembre 1995 la cour souligne
« qu'à l'égard d une personne privée de sa
liberté, tout usage de la force physique qui n'est pas rendu strictement
nécessaire par le propre comportement de ladite personne porte atteinte
à la dignité humaine et constitue en principe une violation du
droit garanti par la convention.
Des détenus, s'appuyant sur la jurisprudence
européenne, n'hésitent plus, en effet, à contester leurs
conditions de détention devant le juge. Certes, à ce titre,
l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 20
janvier 2009 ne laisse guère d'espoir pour l'avenir, en refusant
l'examen par une juridiction judiciaire de la compatibilité avec la
dignité humaine des conditions d'hébergement dans un
établissement pénitentiaire. Le requérant, détenu
dans une maison d'arrêt, se prévalait de l'article 225-14 du Code
pénal qui condamne « Le fait de soumettre une personne, dont la
vulnérabilité ou l'état de dépendance sont
apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail ou
d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine
». Les traitements inhumains au sens de la convention des nations
unies de 1984 ont fait leur entrée dans le code pénal le 28 Aout
1996 en vertu de la loi n°96-15 en son article, 295-1.
On se rappelle de la mort du jeune Dominique Lopy
âgé de 25 ans, le 7 avril 2007, dans les locaux du Commissariat de
Kolda alors qu'il était en garde à vue après qu'il ait
fait l'objet d'accusation du vol d'un poste de téléviseur, sans
oublier le cas d'Alioune Badara Mbengue qui a été torturé
par six (6) gardes pénitenciers le 20 novembre 2002 dans la prison de
Rebeuss, il s'en est sorti avec les deux bras amputés. Dans la plupart
des Etats africains des particuliers sont privés de leurs
libertés pour des motifs politiques, juridiques et autres sans lien avec
les normes et font l'objet de torture ou traitements qui leur font perdre leur
dignité d'être humain sous le « regard complice » des
autorités. Et pourtant au plan national l'art.7 de la constitution
reconnaît le « caractère sacré et inviolable de la
personne humaine et l'obligation pour l'Etat de la respecter et de la
protéger ». A partir de ce principe constitutionnel, le
Sénégal s'est doté de mesures de prévention et de
répression de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains
et dégradants. Ces mesures préventives s'adressent à tous
les agents d'application de la loi pouvant être en situation de porter
atteinte à la sécurité et à
l'intégrité physique de la personne humaine.
B- DES ACTES PREJUDICIABLES A LA SANTE ET L'EXISTENCE
DE VIVES SOUFFRANCES
Dans un article paru le jeudi 17 Avril 2008 intitulé
« Les sous hommes de Rebeuss », l'auteur y décrit
une situation aux antipodes de tout respect à la dignité. La
prison est devenue aujourd'hui, force est de le constater, un facteur
aggravant. "Ala athio" est le cri de guerre de cette jeunesse mal famée,
jeunesse qui se distingue de la société sénégalaise
grâce aux colliers en caoutchouc qui ornent leurs chevilles, colliers
baptisés sous le doux nom de "chaînes de l'esclavage".
« Ala athiou », pour dire que la société les
a vomis, ils continueront dans le mauvais chemin qui mène
inéluctablement à Rebeuss. C'est ainsi que les
multirécidivistes s'y comptent à la pelle. Et pourtant, ils
étaient censés ne plus y mettre les pieds. La promiscuité
des lieux y est pour quelque chose. Dans notre pays plus qu'ailleurs, la
population carcérale est marginalisée .Pire encore, l'usage
de cannabis en prison est monnaie courante. Il semble toléré dans
un grand nombre d'établissements, l'administration fermant les yeux pour
éviter des manifestations des détenus.
Le phénomène nouveau est celui des poly
consommations. Plusieurs interlocuteurs, médecins, ont signalé
que le fléau de l'alcoolisme ne devait pas être
oublié, l'alcoolisme ayant un facteur " désinhibant ",
expliquant le passage à l'acte d'un grand nombre de criminels, sexuels
ou non. Si la consommation d'alcool est interdite en prison, le sevrage, sans
mesures d'accompagnement, n'a aucune conséquence curative : le bar
ainsi situé à proximité de toute maison d'arrêt qui
se respecte fera le meilleur accueil aux sortants. En France, lors de son
déplacement au Royaume-Uni, la commission a pu constater que la prison
londonienne de Belmarsh pratiquait un " sevrage sec " de ses
toxicomanes. L'injection de drogues par voie intraveineuse, les rapports
sexuels non protégés, ainsi que les pratiques de tatouage, font
peser sur les détenus un fort risque de contamination par le virus HIV
et le virus de l'hépatite C. Plus récemment, dans
l'affaire Kehayov c/ Bulgarie du 18 janvier 2005, la Cour juge que le
fait que le requérant ait été contraint de vivre presque
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant près de six mois, dans une
cellule surpeuplée dépourvue de lumière naturelle et sans
pouvoir se livrer à aucun exercice physique ni à d'autres
activités hors cellule « a certainement
été préjudiciable à sa santé et a dû
lui causer de vives souffrances87(*) ». Les victimes de torture, si elles ne
meurent pas, ne s'en remettent que très difficilement de leurs blessures
tant intérieures qu'extérieures et souvent elles ont de
très grandes difficultés de prise en charge médicale,
psychosociale mais aussi pour le droit à la justice.
SECTION 2 : L'ARBITRAIRE
CARCERAL
Fondée à l'exception de quelques rares
références législatives sur les dispositions
réglementaires surabondantes du cpp et sur une multitude de circulaires
et de notes de service, l'application du droit pénitentiaire est
largement arbitraire. La prison est régie par autant de
règlements intérieurs que d'établissements et leurs
dispositions sont appliquées le plus souvent à la
discrétion des personnels de direction et de surveillance : selon
les cas, on sanctionnera plus ou moins l'usage de drogue, on utilisera selon
une fréquence variable le quartier disciplinaire comme outil habituel de
gestion de la population carcérale. Au-delà des conditions
matérielles de détention, les détenus pâtissent
également des dysfonctionnements des différentes administrations,
le " droit de la prison " restait largement illusoire. Le cadre
législatif de la détention, posé par le cpp, est
particulièrement succinct. Le " droit de la prison " est en
effet avant tout de nature réglementaire, Alors que le détenu est
normalement privé de la seule " liberté d'aller et de
venir ", de nombreuses libertés sont supprimées en prison,
ou inapplicables, en dehors même de celles qui deviennent inapplicables
en raison de la surpopulation pénale. Ces différentes
dispositions réglementaires sont naturellement orientées pour
assurer la meilleure sécurité des établissements
pénitentiaires. L `arbitraire se manifeste alors à travers une
procédure disciplinaire montrant qu'il s'agit d'une prison dans la
prison (PARAGRAPHE 1) et l'existence d'un personnel pénitentiaire
impuissant (PARAGRAPHE 2).
PARAGRAPHE 1 : LA PROCEDURE
DISCIPLINAIRE : UNE PRISON DANS LA PRISON
L'administration pénitentiaire ne favorise guère
la réinsertion des détenus lorsqu'elle recourt à des
pratiques comme l'isolement ou les transferts imposés, en tant que
sanction des plus récalcitrants ou du moins présumés
dangereux, le tout sans procès équitable permettant de
démontrer les faits, pour des durées illimitées et sans le
moindre contrôle judiciaire. Les réponses que le droit peut
apporter sur de tels sujets résident dans l'interdiction du maniement de
l'isolement comme outil disciplinaire(A). De même la sanction
étant à la discrétion de l'administration, il s'ensuit que
les punitions deviennent dégradantes et angoissantes(B)
A- L'ISOLEMENT
L'isolement est réglementé par l'article 18 de
l'arrêté ministériel portant règlement
intérieur de l'administration pénitentiaire. Telle sanction
interrompt des formations ou études en cours, rendent leur commencement
impossible, détruisent des familles, et privent les uns et les autres de
revenus. Avec cela non seulement l'individu est privé de la
liberté d'aller et de venir mais parce que, dans sa vie quotidienne,
tout est organisé pour lui rappeler qu'il est puni et qu'il doit
obéir, le refus d'obéissance se paie cher en détention. Il
est évident que la prison déresponsabilise et infantilise,
surtout dans les premiers temps. Les relations dans la prison sont
fondées sur la méfiance, voire le mépris
réciproques, alors que le contrat suppose au contraire la reconnaissance
de l'autre comme un semblable. Le règlement intérieur du Mac de
Saint-Louis prévoit la mise en cellule punitive qui va de 8 à 30
jours en son article 13.La prison constitue une microsociété,
avec des lois, non écrites pour la plupart, mais prégnantes.
L'une d'entre elles énonce qu'il ne faut jamais pactiser avec l'«
ennemi ». Le surveillant se méfie du surveillé
potentiellement dangereux. Le surveillé se méfie lui du
surveillant qui détient le pouvoir de violer son intimité lors
des fouilles ou des rondes et qui dispose, de par la réglementation, de
toute une panoplie de sanctions dont il pourra déclencher le
mécanisme au moindre manquement à la discipline. Si l'arrivant
nourrit à cet égard quelques illusions, ses codétenus le
mettront vite en condition, racontant à l'envi comment les « matons
» peuvent se livrer aux pires excès répressifs. Proclamer
que l'on se fait respecter de l'« ennemi » pose le personnage dans le
milieu carcéral88(*) .
L'isolement en France est une sanction qui
peut être prononcé quelle que soit la faute
disciplinaire. Seul le délai maximal de mise en
cellule disciplinaire varie : il est de quarante-cinq jours pour les
fautes du premier degré, trente jours pour les fautes du deuxième
degré, quinze jours pour une faute du troisième degré, les
mineurs de 16-18 ans disposant d'un régime
" allégé ". En résumé, un détenu
de plus de 18 ans peut faire quinze jours de " mitard " pour une
faute du troisième degré. Par exemple : " jeter des
détritus ou tout autre objet par les fenêtres de
l'établissement ", " communiquer irrégulièrement
avec un codétenu L'article 726 du code de procédure pénale
français est le fondement législatif du quartier
disciplinaire : " Si quelque détenu use de menaces, injures ou
violences ou commet une infraction à la discipline, il peut être
enfermé seul dans une cellule aménagée à cet
effet ".Juridiquement, les sanctions disciplinaires infligées aux
détenus étaient, en tant que mesures d'ordre intérieur,
insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence du
Conseil d'Etat " Marie " du 17 février 1995 a
considéré que le placement en quartier disciplinaire faisait
échec à la théorie traditionnelle des mesures d'ordre
intérieur.
B- LES PUNITIONS DEGRADANTES ET ANGOISSANTES
« Puissent certains professionnels des mondes
judiciaire et pénitentiaire devenir non plus de froides machines
à broyer, mais de réels interlocuteurs qui savent écouter
et se remettre en question, sans utiliser parfois la loi ou le règlement
comme instrument de pouvoir et d'écrasement sur les autres. Puissent ces
professionnels devenir des personnes plus abordables (et non
plus « intouchables »), plus sensibles et ouvertes
à la détresse, plus transparentes, humaines et justes ;
qu'elles puissent sanctionner et relever dans le respect de l'être humain
et de sa dignité. C'est cela la vrai justice89(*) ».La loi est
raisonnablement faite pour la dignité de l'homme, et non l'homme pour
l'unique dignité de la loi. Le système punitif doit montrer
l'exemple et devenir enfin globalement porteur de vie, de reconstruction et
d'espoir pour tout ceux et celles qui subissent car ils ont commis une
faute.
En France les conditions de détention au
" mitard ", jusqu'au début des années soixante-dix,
étaient particulièrement rigoureux. Le détenu n'avait
parfois droit qu'à du pain sec et de l'eau, il vivait dans une
obscurité quasi complète et ne disposait que d'un seau pour
satisfaire ses besoins. Une commission a pu constater que certaines cellules
disposaient encore de toilettes à la turque, d'une saleté souvent
repoussante, avec un robinet. Le détenu dort sur un mince matelas,
posé sur une dalle de béton. L'aération est parfois
déficiente. La température peut y être glaciale en hiver,
et suffocante en été90(*). La " promenade " consiste à se
rendre seul, une heure par jour, dans une petite cour grillagée. A cet
égard, comme le montre l'exemple de la maison d'arrêt de Varces,
le détenu peut très bien ne pas voir le ciel, et déambuler
dans un local à peine plus grand que sa cellule.
Au Sénégal des progrès importants ont
été réalisés. Seul endroit des maisons
d'arrêt où la règle de l'encellulement individuel est
paradoxalement respecté, le quartier disciplinaire présent des
conditions de détention naturellement perfectibles. L'état des
" mitards " est variable et constitue d'ailleurs un bon indicateur du
bon " fonctionnement " d'une prison. La prison brise les
détenus, les dépersonnalise, les déstructure durant des
années au point de transformer certains d'entre et de les rendre
incapables de refaire face à la vie du dehors. Voici le
témoignage d'un détenu français sur les
conséquences de l'état d'angoisse en
prison : « Je dis qu'on pousse les détenus à
se suicider. Le suicide ne peut pas être le fait d'une
désespérance, il est le résultat des pressions subies au
quotidien sans possibilités de s'en défendre. La prison, qui
soustrait au regard et au contrôle démocratique, permet toutes les
formes d'arbitraire. Des femmes, des hommes sont humiliés, interdits,
niés. Cela a pour conséquence le taux important de suicides en
prison. Justice et administration sont coupables par ordonnance. L'Etat et ses
représentants sont coupables de ces négligences assassines. Il
est de notre devoir de combattre et de dénoncer ces morts par
ordonnance, en éclairant notamment l'opinion. C'est l'acte le plus
absolu que les hommes et les femmes du XXIème siècle auront
accompli ; alors à ce moment peut-être croirons-nous à
l'humanité. »
PARAGRAPHE 2 : UN PERSONNEL
PENITENTIARE IMPUISSANT :
Il est important de souligner le rôle nécessaire
et ingrat des personnels de l'administration pénitentiaire ; ces
derniers ont la charge du fonctionnement d'un service public qu'ils assument
avec abnégation et courage en étant condamnés à
passer la totalité de leur vie professionnelle derrière les
barreaux, le plus souvent plus longtemps que les criminels reclus à
perpétuité dont ils assurent la surveillance. Mais faute d'une
évaluation claire de ces objectifs d'insertion, l'administration
pénitentiaire tend à se recentrer sur l'impératif de
sécurité(A).De même l'administration pénitentiaire a
longtemps été le parent pauvre de la fonction publique, alors
même qu'elle était confrontée à une explosion de la
population carcérale. Les établissements pénitentiaires
souffrent aussi d'un sous-effectif chronique(B).
A- UN PERSONNEL ORIENTE VERS LA SECURITE PLUTOT QUE
VERS LA REINSERTION
Le service public pénitentiaire participe à
l'exécution des décisions et sanctions pénales et au
maintien de la sécurité publique. Il favorise la
réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par
l'autorité judiciaire91(*). En réalité, la différenciation
entre la mission de sécurité et celle d'insertion est plus
factice qu'il n'y paraît. Sans l'objectif de le réinsérer,
la garde du détenu se révèle plus difficile et favorise la
révolte et aussi la récidive. Il faudrait aujourd'hui inverser
les priorités, sans négliger la vigilance sécuritaire.
L'administration pénitentiaire n'est souvent pas en mesure d'assurer la
sécurité des personnes placées sous main de justice. A
l'ancien caïdat d'autrefois ont succédé la constitution de
bandes, notamment de jeunes majeurs dans les grandes maisons d'arrêt
proches des cités difficiles, le racket, les trafics en tout genre, les
agressions, physiques et sexuelles entre détenus. En prison, malheur aux
vaincus, aux solitaires, aux faibles personnalités souvent
instrumentalisées par les nouveaux caïds .Le personnel
pénitentiaire est peu et mal connu de l'opinion qui ne prend souvent
conscience de la pénibilité et de la dangerosité du
métier qu'à l'occasion d'événements tragiques. Dans
les établissements pénitentiaires à gestion publique, qui
souffrent d'une insuffisance de crédits chronique, le directeur et le
personnel d'encadrement passent un temps non négligeable à
résoudre des problèmes urgents d'intendance. Quant aux personnels
de surveillance, ils doivent subir au quotidien la vétusté et le
mauvais entretien des locaux dans lesquels ils travaillent. En outre, leurs
relations avec les détenus s'en trouvent modifiées : il est
en effet beaucoup plus difficile de faire respecter la règle lorsque
l'administration que l'on représente n'est pas capable d'assurer des
conditions matérielles décentes aux détenus. La situation
présente est insatisfaisante : le surveillant a l'impression
d'être dépossédé de la plus grande partie de son
autorité. Confiné dans un rôle de « porte-clefs »
sans possibilité d'initiative, il a une autorité au contenu
exclusivement négatif, répressif et surtout disciplinaire. Il a
également l'impression, à juste titre, que tout le
côté gratifiant de la mission pénitentiaire a
été confié aux intervenants extérieurs qui viennent
animer des activités dans l'établissement. Cependant les mots
sont souvent révélateurs du sens que l'on donne aux choses ou aux
personnes. Le nom de « gardien » demeure une survivance dont
l'opinion publique, comme les médias, a du mal à se
défaire. La surveillance a été associée à la
garde. Aujourd'hui, on utilise le terme d'« agents pénitentiaires
» afin de donner l'image d'un métier réel actif et pas
seulement cantonné à la garde. Du terme de surveillance on peut
retenir pourtant l'idée de la veille, d'une attention soutenue et d'un
souci de la personne. Surveiller c'est garder, mais c'est aussi veiller sur.
C'est le sens plein de surveillance qu'il faut impérativement retrouver
et non seulement son sens restrictif. Il y a un grand besoin de reconnaissance
des personnels pénitentiaires.
B- LA FAIBLESSE DES MOYENS ECONOMIQUES ET DES
RESSOURCES HUMAINES
Le manque de personnel et la faiblesse des moyens ne datent
pas d'au jour d'hui face une population carcérale galopante. Par rapport
au manque de personnel, le directeur a annoncé un recrutement de 500
agents chaque année pendant 5 ans. Une façon de doter
l'administration pénitentiaire de personnel en nombre afin de renverser
le ratio actuel d'un agent pénitentiaire pour 6 détenus. Le
Sénégal compte aujourd'hui une population carcérale de
plus 7000 détenus répartis dans 37 établissements
pénitentiaires. En ce qui concerne les conditions de travail des agents
pénitentiaires, on a noté une amélioration
importante de leur statut. Depuis l'indépendance, il n'existait pas de
cadres supérieurs de l'Administration pénitentiaire. Aujourd'hui,
avec la sortie des 22 inspecteurs de cette Administration, la première
promotion de ce corps, une vieille doléance pour avoir des cadres de
la hiérarchie A1 vient d'être résolue. Ils devront
pouvoir procéder à des transferts de détenus dans les
lieux qu'ils commandent, explorer le volet partenariat et entreprendre des
démarches pour mieux soulager les conditions carcérales des
détenu . Avec le décret n°2007-951 du 07 août
2007, le personnel de l'Administration Pénitentiaire est réparti
en trois (03) corps hiérarchisés. A la date du 08 Mai 2009, le
personnel pénitentiaire se chiffre à mille cinq cent vingt (1520)
agents tous grades confondus. La frange des Surveillants de Prison
composée de mille trois cent vingt huit (1328) agents dont cent soixante
treize (173) femmes, constitue une partie essentielle de l'effectif global. La
plupart de ces personnels sont titulaires à part entière dans
leur fonction (1493 dont 191 femmes), tandis que le personnel
commissionné composé de travailleurs sociaux, de travailleurs
sanitaires, de décisionnaires et autres se chiffre à vingt sept
(27) dont dix sept (17) femmes92(*).De plus Tous les agents semblent regretter l'absence
de concertation avec l'administration centrale. L'information circule, mais
à sens unique, en apportant aux établissements les orientations
retenues par la direction de l'administration pénitentiaire. Il n'y a
pas de dialogue et les personnels pénitentiaires ont le sentiment que
leur opinion n'est pas prise en considération.
Tout lieu de parole institué dans un
établissement et rassemblant les différentes catégories et
les différents corps de personnels sera toujours un atout. Il favorise
le sentiment d'appartenance à une collectivité, l'appropriation
des finalités et la reconnaissance des places différentes dans
l'institution, une identité des personnels qui ont des repères et
qui partagent leurs difficultés avec les autres. Il offre aussi une
possibilité d'expression, au lieu de ressasser des frustrations ou des
rancunes, trop facilement exploitées. Comme dans les autres
administrations, il est nécessaire de s'interroger sur l'importance du
temps de parole pour le personnel, pendant lequel les messages peuvent
être passés, le sens des missions clarifié et
précisé, les malentendus dissipés.
CHAPITRE 2 : VERS
L'HUMANISATION ET LA REINSERTION DES DETENUS
Quel est le rôle de la prison aujourd'hui ?
Doit-elle garder sa fonction de "lieu de privation de liberté", ou bien
guider les prisonniers vers leur réinsertion ? La première
technique ne fonctionne pas du tout. Elle fabrique de la récidive, elle
fabrique de la violence. Elle transforme les condamnés en
véritables fauves. Il s'agit en réalité d'un schéma
électoral : les méchants, qui ont fait des choses horribles
doivent bien sur payer. Nous avons tous le même réflexe.
Seulement, si nous prévoyons que ces derniers sortent, il nous faut
repenser la façon dont ils sont détenus. Il faut bien les
traiter. La plupart des délinquants sont fragiles socialement et
psychologiquement. Si en plus, on les détient dans des conditions
inhumaines contraires au respect de la dignité et que l'on ne leur
apprend rien, il est évident que l'on va aggraver le problème.
Nous livrons alors à la société des gens en pire
état qu'ils ne l'étaient en rentrant. Les personnels se sont
installés dans une sorte de rivalité en miroir avec la population
pénale, alimentée par l'idée « qu'on en donne plus
» aux détenus qu'à eux-mêmes, « qu'on fait tout
pour les détenus » et rien pour eux-mêmes. L'image est, en
fait, celle des vases communicants : ce qui est accordé à l'un
est retiré à l'autre, ce qui avantage l'un désavantage
l'autre. Alors que les améliorations de conditions de vie des
détenus ont un effet direct sur l'amélioration des conditions de
travail du personnel et réciproquement. Plus fondamentalement, rappeler
l'existence d'un droit commun, défini par ceux qui édictent les
règles de la vie quotidienne de leurs concitoyens, c'est créer un
pont et faciliter les passages entre la prison, les prisonniers et l'ensemble
de la société. Associer de manière trop univoque
sécurité et droit, d'une part, réinsertion et
éducation des détenus, dispositifs sociaux et mesures
d'accompagnement, d'autre part, contribue à creuser un hiatus
artificiel. Retrouver sa place dans la société, après un
temps de mise à l'écart nécessaire, n'est-ce pas, d'abord,
pour tout homme, redevenir pleinement sujet de droit93(*) ? Ainsi après
l'humanisation des conditions de détention (Section 1) il nous faut
également penser au défi non négligeable qu'est la
réinsertion (Section 2)
SECTION 1 : L'HUMANISATION DES
CONDITONS DE DETENTION
Au sein de l'article 8 de la CEDH, la vie privée est
entendue dans un sens strict (de secret et d'intimité), mais aussi dans
un sens large. Ce dernier comprend, entre autres droits, le droit de nouer et
d'entretenir des contacts avec autrui. Concernant le respect de ce droit
en prison, Commission et Cour ont reconnu que la détention constitue en
soi une ingérence dans la vie privée, entraînée par
la simple mise en détention d'une personne. Dès lors, pour que
ces ingérences soulèvent des questions au regard de l'article 8,
il faut qu'elles dépassent cet effet automatique de la détention.
Ce dépassement peut ainsi être provoqué par l'intervention
mais aussi par l'abstention des autorités pénitentiaires. Car la
détention crée à l'égard de l'administration
pénitentiaire également une obligation positive, celle de prendre
toutes les mesures nécessaires afin d'assurer au détenu
l'exercice effectif du droit au respect de sa vie privée94(*). Pour ce qui est du droit des
détenus de maintenir et de nouer des rapports privés avec autrui,
les détenus ont le droit de nouer de tels contacts avec
l'extérieur mais aussi avec la communauté carcérale.
Il est donc évident que la surpopulation peut aggraver les
difficultés, inhérentes à la détention, d'assurer
aux détenus le respect effectif de cet aspect de la vie privée et
familiale (PARAGRAPHE 1). De même, quand le surveillant ne sait plus
vraiment ce qu'on attend de lui, parce qu'il est soumis à une double
injonction contradictoire (le double band), il est mis dans
l'impossibilité de remplir sa mission. D'un côté, il fait
respecter la discipline et applique le règlement et on lui reproche
amèrement ses lacunes. D'un autre côté, on lui demande de
faire en sorte qu'il « n'y ait pas de problèmes » et de
régler au mieux les situations conflictuelles. Acceptera-t-il
d'affronter l'incident quand la situation l'exige au risque d'être
critiqué pour l'avoir mal négocié, ou consentira-t-il
à quelques entorses au règlement, se montrant plus complaisant
pour que son service se déroule calmement, au risque de se voir
soupçonné d'être trop laxiste et « social » avec
la population pénale ? L'attente de l'administration à son
égard n'est pas toujours claire et lisible et il faut
nécessairement encadrer certaines pratiques carcérales
(PARAGRAPHE 2)
PARAGRAPHE 1 : LE DROIT A LA VIE
PRIVEE ET FAMILLIALE
Les principaux moyens de l'entretien des contacts avec
l'extérieur sont la correspondance et les visites, mais plus
particulièrement ces dernières. Or, si le nombre des
détenus ne constitue plus une raison justifiant des limitations du
nombre des lettres et des correspondants, en revanche, tel est bien le cas
concernant les visites. Ces contacts peuvent être sérieusement
limités par des obstacles forts pratiques ne permettant pas d'effectuer
des visites fréquentes ou d'une qualité assurant que celles-ci
constituent de véritables moments de vie privée. Force est de
constater que le problème le plus évident que pose la
surpopulation carcérale concerne l'intimité des rapports entre
détenus. Sa garantie exigerait d'assurer aux détenus au moins le
droit de vivre seuls dans la cellule, et, à défaut, le droit de
choisir leurs compagnons. Aussi, le droit des détenus au droit au
respect de la vie privée dans leurs rapports avec les codétenus
est limité dans un sens négatif, celui de ne pas être
involontairement mis à l'écart de la communauté
carcérale par les mesures d'isolement. Les visites et les
correspondances étant garanties(A), l'intimité du détenu
doit tant bien que mal être respecté(B)
A- LES VISITES ET LA CORRESPONDANCE
Les instances sénégalaises laissent une grande
marge d'appréciation à l'administration pénitentiaire pour
organiser les visites Elles n'en exercent pas moins un contrôle afin de
s'assurer que toutes les mesures nécessaires aient été
prises afin de permettre aux détenus d'entretenir des contacts effectifs
avec leurs proches comme l'affectation du personnel nécessaire,
l'aménagement des lieux et de l'emploi du temps des détenus. On
doit normalement entendre par « contacts effectifs »
à propos des visites, celles qui ont lieu dans des conditions telles
qu'elles puissent constituer de véritables moments de vie privée
à savoir de moments de vie affective et intime. Les visites ont lieu le
dimanche, mercredi et jours fériés. Les horaires de visites sont
fixés par le régisseur suivant l'emploi du temps établi
dans l'établissement. Ils ne devront pas cependant être
inférieur à trois heures le matin et trois heures
l'après-midi. La durée d'une visite est de 15 minutes au
moins95(*). La
correspondance de tous les détenus doit être lue tant à
l'arrivée qu'au départ à l'exception, cependant, des
lettres adressées par les prévenus et accusés à
leur défenseur ou que ce dernier leur fait parvenir, sous les garanties
que détermine l'Administration pour assurer que la lettre émane
bien du défenseur96(*). Le droit des personnes détenues au maintien
des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites
que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation
pénale l'autorise, par les permissions de sortir des
établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent
être visités par les membres de leur famille ou d'autres
personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins
une fois par semaine. L'autorité administrative ne peut refuser de
délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un
condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés
au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la
prévention des infractions97(*). L'autorité administrative peut
également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les
visites font obstacle à la réinsertion du condamné,
refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que
les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer .Les permis
de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité
judiciaire .Les décisions de refus de délivrer un permis de
visite sont motivées. Enfin, un effort particulier doit être
entrepris pour maintenir les liens familiaux. D'abord, l'accueil des familles
doit être amélioré. Les familles sont aujourd'hui
culpabilisées lorsqu'elles rendent visite à leurs proches.
Certes, le " trafic " au parloir existe, mais dignité et
fermeté doivent être conciliées pour éviter de
stigmatiser les familles et, d'une manière plus générale,
l'ensemble des visiteurs. Il convient aussi d'introduire des
améliorations élémentaires dans les établissements,
en aménageant une salle d'attente avec des chaises en nombre suffisant
et un coin enfants, des toilettes propres à la disposition des
visiteurs, des parloirs suffisamment grands et clairs pour accueillir toute une
famille .En plus le détenu peut à ses frais
téléphoner à partir d'un appareil fixe installé
à cet effet entre 09h et 17h les jours ouvrables98(*)
B- L'INTIMITE DU DETENU
La priorité des priorités c'est de voir
consacrer un droit à l'intimité généralisée
et généralisable et voir enfin émerger une vraie
révolution pénitentiaire. Dans son rapport pour 2008, le
Contrôleur général des personnes privées de leur
liberté pointe également de très mauvaises conditions
matérielles de détention qui, ajoutées à la
promiscuité en cellule, sont « la cause d'une atteinte manifeste
à l'intimité des personnes et même une véritable
atteinte à la dignité99(*) ». On feint de découvrir que le
détenu n'a aucun droit à « l'intégrité
physique », pas de droit à la vie privée (puisque cela
implique qu'il puisse bénéficier d'une intimité en
cellule) ; pas de droit à un parloir intime ni même d'un droit au
travail ; sans parler des fouilles étroites, de l'isolement à
discrétion ; des droits électoraux, de la liberté
d'expression et du téléphone bannis. Mais citoyen libre ou
incarcéré, la garantie des droits est la même. Le
détenu n'étant privé que de sa liberté d'aller et
venir. Or, l'enquête nous montre qu'ici, comme partout ailleurs, les
ruses de la dissimulation s'organisent, les secrets nécessaires
prolifèrent, malgré l'oppression et les sujétions de
chaque instant. Sans elles, l'homme privé n'existe pas. Jouissance et
« disposition de soi » interdites, le détenu ne peut
guère s'engager ou se perdre, s'identifier ou promettre, se ressaisir ou
se rallier à un désir, une idée ou une cause.
Replié ainsi sur chacun de ces instants qu'on lui dérobe, il ne
reste plus à l'homme amputé de soi que quelques occasions
à soustraire des coulisses. La sauvegarde de la société se
gagne lorsque l'homme privé, son fort intérieur, sa grandeur
d'âme ainsi que la mesure et l'ordre de ses actes et de ses paroles sont
libres et protégés100(*). Essentiellement opérationnelles, les
intimités infusent dans l'institution un peu de leurs propres fins, une
réflexivité stratégique ou une rétrospective
personnelle favorable, s'approprient même ponctuellement une marge de
jeu, luttent pour arracher un bref moment secret, sauvegardent un geste du
regard, ou protègent, ne serait-ce qu'un instant, la confidence d'un
échange. Se glissent aussi des changements dans la façon dont les
individus sont amenés à prêter sens à leurs
conduites, à leurs devoirs, à leurs plaisirs et à leur
résistance. La bataille est sur chaque instant, fragile et
menacée, toujours minée et négociée avec le
personnel pénitentiaire. Mais le détenu comprendra vite, devant
l'étalage des morceaux de son intimité, qu'en prison l'usuelle
distinction entre ce qui relève du privé et du public n'a plus
cours101(*) .
PARAGRAPHE 2 : L'ENCADREMENT DE
CERTAINES PRATIQUES CARCERALES
Le meilleur moyen de réinsérer les
détenus est de faire en sorte que le droit, rien que le droit, mais tout
le droit, les concerne, à la fois dans les contraintes qu'il suppose et
dans les facultés qu'il encadre. Rien n'est plus anti-pédagogique
qu'un système qui fonctionne sur du sous-droit. En effet un exemple de
l'irrespect du droit commun réside dans les violences institutionnelles
consistant à réaliser sur la personne des détenus, de
manière répétée, des fouilles corporelles en la
forme intégrale. Ces atteintes évitables à la
dignité des personnes, les praticiens le savent bien, sont d'une
parfaite inutilité. L'encadrement de certaines pratiques
carcérales jugées dégradantes doit être vu (A).Le
régime de détention est aussi sujet à réflexion. Un
pareil système est très immoral ; c'est un grand mal sans
doute que des condamnés inégalement coupables et de
différents âges soient confondus dans la même prison ;
mais ce mal ne devient-il pas affreux, lorsqu'on réunit ensemble les
coupables condamnés, les prévenus qui peut-être sont
innocents, et les débiteurs insolvables auxquels on ne reproche aucun
délit(B).
A- LA PROHIBITION DE PRATIQUES CARCERALES JUGEES
DEGRADANTES
On a dit au personnel pénitentiaire qu'il concourait
à la mission fondamentale de réinsertion mais il ne sait pas
selon quel contenu et par l'intermédiaire de quelles tâches.
Doit-il être un surveillant « gardien » ou un surveillant
« social » ? Si le droit pénitentiaire ne peut
entièrement suivre le droit commun, en revanche, il n'est pas sain qu'il
s'en éloigne par trop. Les fouilles doivent inéluctablement
être justifiées par la présomption d'une infraction ou par
les risques que le comportement des personnes détenues fait courir
à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre
dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont
strictement adaptées à ces nécessités et à
la personnalité des personnes détenues102(*).
Les fouilles intégrales et
répétées constituent un automatisme pénitentiaire
et sont inhumaines et dégradantes103(*). Les détenus ne peuvent être
fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui,
tout en garantissant l'efficacité du contrôle, préservent
le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.
L'efficacité de ces fouilles reste pourtant limitée, comme le
démontre la réalité des trafics de stupéfiants en
prison : le détenu apprend vite les " ruses " pour
échapper à la fouille. Les mêmes règles de fouille
corporelle s'appliquent, quel que soit le degré de dangerosité de
la personne. En France Les fouilles intégrales ne sont possibles
que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de
détection électronique sont insuffisantes .Les
investigations corporelles internes sont proscrites, sauf un impératif
spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être
réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein
de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par
l'autorité judiciaire. Le port des menottes et des entraves est
systématique pour les détenus. Nul ne peut être
soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est
considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour
lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite104(*) . Un
détenu étant, par définition, " susceptible de tenter
de prendre la fuite ", le recours aux menottes pourra être
systématique, l'établissement pénitentiaire se bornant
à appliquer le code de procédure pénale. La hantise est
encore et toujours d'éviter les évasions, les directeurs
étant tenus responsables s'ils n'ont pas respecté à la
lettre les dispositions du code de procédure pénale. Il est vrai
que les détenus hospitalisés arrivent à l'hôpital,
parfois dans un état de faiblesse
très avancé, menottés pour la plupart, entravés
pour certains. Il est vrai qu'un grand nombre d'évasions ont lieu
à l'occasion de ces extractions.
B- LA PRISE EN COMPTE DES REGIMES SPECIFIQUES DE
DETENTION
La France n'a pas progressé depuis le constat
désabusé de Gustave de Beaumont et Alexis de
Tocqueville en 1831 sur le système pénitentiaire
français : " Dans les premiers jours du mois d'août
dernier, l'un de nous, ayant eu l'occasion d'aller visiter la maison
d'arrêt de Versailles, trouva réunis dans la même cour trois
hommes prévenus d'assassinat, d'autres prévenus de vol, plusieurs
condamnés à un emprisonnement d'une année, un
délinquant forestier et un détenu pour dettes. Certes, rien ne
rappelle mieux ce lit de l'Hôtel-Dieu, dans lequel Howard nous peint un
convalescent, un malade, un moribond et un mort couchés côte
à côte sous le même drap ».
Au Sénégal le régime de détention
des détenus est déterminé en prenant en compte leur
personnalité, leur santé, leur dangerosité et leurs
efforts en matière de réinsertion sociale. Il faut une nouvelle
classification des détenus selon le degré de dangerosité.
Au Canada, l'évaluation des capacités du détenu et de sa
dangerosité détermine l'affectation en établissement et
conditionne son parcours d'insertion. Il n'y a plus dans ce système
d'antagonisme entre sécurité et insertion : les deux principes
répondent à une même logique de prévention de la
récidive. Il en est de même en Espagne, où une nouvelle
prison située dans une région isolée regroupe les
détenus les plus dangereux. A Rebeuss la séparation selon les
catégories pénales exigée par le CPP n'est pas encore
à l'ordre du jour dans ce haut lieu de la délinquance. Certains y
apprennent à fumer leur premier joint, d'autres glissent sur le chemin
de l'homosexualité, d'autres encore apprennent les rudiments du
banditisme sous le guide éclairé des grands caïds105(*). Les
maisons d'arrêt sont utilisées comme variable d'ajustement du
système pénitentiaire. Elles mêlent, en effet, les
prévenus et les condamnés. Elles accueillent par ailleurs depuis
quelques années de nouvelles populations qui posent de redoutables
problèmes de coexistence. C'est le cas des étrangers en situation
irrégulière, des toxicomanes, des malades mentaux, des mineurs et
jeunes adultes délinquants mais aussi des détenus
âgés, et d'autres fragilisés par la maladie (le sida, la
tuberculose ou les hépatites), par des handicaps physiques et aussi par
le développement de l'indigence consécutive au chômage et
à l'exclusion.
SECTION 2 : LE DEFI DE LA
REINSERTION
Jadis lieu de passage vers le châtiment réel,
symbole de rupture entre l'Homme et la Cité, la prison nécessite
aujourd'hui le maintien du lien vital qui unit ces hommes à la
Cité. La prison doit donner un autre sens, une autre direction à
la peine, un horizon tourné vers la collectivité. La prison
interroge la société qui se trouve, en elle, confrontée
à sa propre marginalité. Du fait de la transgression des
règles établies par le délit ou le crime, la prison
représente un point de rupture certaine. Rupture entre la
société et les sujets dont elle est composée, rupture du
contrat social, rupture de l'expression d'une citoyenneté réelle.
Il convient alors de s'interroger sur l'appartenance des personnes
détenues à la collectivité. Il y'a un réel
décalage entre les missions qu'on demande à l'administration
pénitentiaire d'accomplir (faire de la réinsertion, assurer aux
détenus les conditions de détention les meilleures possibles) et
les moyens financiers et humains qui leur sont parcimonieusement
accordés. Quelle place peut-elle être faite à la
réinsertion pour ceux qui effectuent la totalité ou la
quasi-totalité de leur peine en détention provisoire ou pour ceux
condamnés à de courtes peines ? Pour les premiers, rien ne peut
être sérieusement envisagé durant cette période
à la durée incertaine. Quant aux courtes peines, elles sont
souvent vécues par une population souvent jeune,
déshéritée et entrée dans un cycle de
délinquance comme la confirmation et l'aboutissement d'un processus
définitif d'exclusion sociale.
Elles brisent le délinquant sans lui donner les
clés de la réinsertion. La peine de prison est encore trop
souvent conçue comme une mise à l'écart, une
manière de préserver la société des
éléments dangereux. La réinsertion sociale des
détenus est un vieux combat que mène l'administration
pénitentiaire. Plusieurs efforts sont ainsi consentis, mais ne se
faisaient pas dans un cadre formel. Chose faite aujourd'hui. Avant de voir la
réforme du système pénitentiaire (PARAGRAPHE 2), nous
explorerons les actions de préparation à la réinsertion
sociale (PARAGRAPHE 1).
PARAGRAPHE 1 : LES ACTIONS
DE PREPARATION A LA REINSERTION SOCIALE DES DETENUS
Chaque individu est lié par son existence même
à la société. Chaque homme naît citoyen. Par
conséquent, si la prison doit être pensée comme une
sanction nécessaire, elle ne doit pas pour autant détacher les
personnes détenues des autres citoyens, puisqu'ils seront amenés
à se retrouver. Selon Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social
«Les citoyens d'un même Etat, les habitants d'une même
ville ne sauraient vivre toujours seuls et séparés.»
Évidemment, il faut aussi que les prisonniers aient du travail. Les
prisons doivent proposer de vraies formations, une vraie scolarité,
à un niveau qui n'a rien à voir avec ce que l'on fait
aujourd'hui. Il faut aussi repenser le temps de l'incarcération et le
programme d'activités journalières, culturelles,
éducatives et sportives. Apres avoir aborder le renforcement des
activités dérivatives a l'ennui(A), nous verrons la favorisation
du travail et de la formation(B)
A- LE RENFORCEMENT DES ACTIVITES CARCERALES
DERIVATIVES A L'ENNUI
Depuis l'abolition de la peine de mort, toute personne
condamnée est destinée un jour à sortir de prison. Toute
personne détenue est donc, comme toute autre, une personne en devenir.
Ainsi il est dans l'intérêt de tous de préparer cette
sortie, et faire en sorte que « chaque détention soit
gérée de manière à faciliter la
réintégration dans la société libre des personnes
privées de liberté. A cet égard, le système
hollandais est un exemple d'équilibre. La réinsertion et
l'organisation du temps de vie en prison sont l'objet d'une concertation entre
personnels, détenus et intervenants extérieurs106(*). La pratique du sport en
maison d'arrêt est étroitement liée à la taille des
locaux et des terrains disponibles, mais également au nombre de
moniteurs affectés à ces activités sportives. Alison
Liebling, un auteur britannique qui a étudié le suicide en
prison, a démontré que le fait de s'ennuyer est un facteur
significatif qui pousse les condamnés à l'acte. La prison
interpelle notre société, lui rappelle ses valeurs fondatrices.
Elle est un reflet altéré mais nécessaire des
différentes évolutions constitutives de nos moeurs et de nos
institutions. Ce sont ces interrogations qu'il nous faut saisir et
révéler, c'est ce lien perdu pourtant évident que nous
devons créer et cultiver. La citoyenneté ne s'arrête pas
aux portes des prisons. La réinsertion réussie des détenus
fait partie des missions dévolues à l'administration
pénitentiaire qui s'acquitte de cette tache en mettant sur pied des
ateliers de confection, de menuiserie métallique et bois .La
lecture est autorisée tous les jours et aux heures de promenade dans une
bibliothèque aménagée, s'il en existe, dans
l'établissement ou dans les dortoirs jusqu'à l'extinction des
lumières. Les ouvrages sont mis gratuitement à la disposition des
détenus. De plus les postes téléviseurs et les lecteurs
vidéo sont autorisés dans les dortoirs, en raison d'un poste par
chambre. Les téléviseurs peuvent être activés
jusqu'à l'extinction des lumières, et les films suivis sur les
lecteurs vidéo sont aussi réglementés107(*).
B- LA FAVORISATION DU TRAVAIL ET DE LA
FORMATION
Des conditions de détention décentes peuvent
s'accommoder d'une nécessaire rigueur carcérale. Il n'est
que temps de donner à l'administration pénitentiaire les moyens
d'un sursaut, celui-ci étant lié à une réflexion
plus large sur le sens de la peine et le rôle de la prison. Le recours
aux détenus volontaires et rémunérés, dans le cadre
de la formation professionnelle, développé dans plusieurs
établissements, est de nature à pallier les carences de
l'administration tout en jouant un rôle de réinsertion pour les
intéressés. Le service socio-éducatif a pour mission de
participer à la prévention des effets désocialisant de
l'emprisonnement sur les détenus, de favoriser le maintien des liens
sociaux et familiaux et de les aider à préparer leur
réadaptation sociale. Il nous faut surtout repenser
l'après-prison. Nous sommes tous un peu comme des naïfs, à
considérer qu'une fois que la peine est finie, le criminel
s'arrête. Ce n'est pas comme un traitement antibiotique. L'arrêt de
la délinquance est un problème forcément plus
compliqué. Certains nécessitent plus que d'autres un
accompagnement de longue durée à la sortie, accompagnement
pourtant indispensable. Il faut ensuite évidemment penser logement,
penser travail, penser famille et poursuite des soins si nécessaires.
Les détenus doivent être autorisés
à travailler par le juge, ce qui représente une lourdeur
administrative supplémentaire. Il existe deux types de travail en
détention, fondamentalement différents : le travail
délégué à un concessionnaire privé. Les
postes sont extensibles à volonté, en fonction de la demande des
entreprises et du nombre de concessionnaires ; les postes de travail
liés au fonctionnement des établissements et appelés
" service général " : les fonctions de maintenance
et d'hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage)
nécessitent un nombre non négligeable de détenus. Les
indigents et les pointeurs constituent l'essentiel des auxiliaires du service
général. Le détenu ne se trouvant en maison d'arrêt
que pour un temps parfaitement indéfini, et parfois très court,
il est difficile de lui proposer des formations, dont certaines s'inscrivent
sur une durée longue, et notamment celle de l'année scolaire. La
priorité de l'éducation nationale est de repérer les
illettrés, afin qu'ils puissent bénéficier d'un
(ré) apprentissage de l'écriture et de la lecture108(*). Mais l'enseignement est
souvent en concurrence avec le travail. Pour envisager de " classer "
un détenu au travail, on prend en compte : sa situation
pénale ; son comportement, ses ressources, sa qualification
professionnelle, les places disponibles. L'éducation nationale ne doit
pas négliger les prisons. Il apparaît indispensable à la
commission que tous les postes d'enseignants prévus soient pourvus, et
d'aller au-delà, en affectant davantage de professeurs dans les prisons,
et notamment dans les quartiers des mineurs afin de respecter l'obligation
scolaire. Leur affectation, qui resterait fondée sur le volontariat,
serait d'une durée limitée afin de tenir compte des
difficultés de la fonction.
PARAGRAPHE 2 : LA REFORME DU
SYSTEME PENITENTIAIRE
En France la récente réforme des services
pénitentiaires d'insertion et de probation a engagé un grand
bouleversement dans la vie des détenus. Auparavant, des travailleurs
sociaux étaient affectés à chaque établissement
tandis qu'à présent, chaque détenu a un travailleur social
de référence qui n'est plus présent en permanence mais qui
se présente une à deux fois par semaine. Au
Sénégal l'administration pénitentiaire a mis en place une
division chargée de la réinsertion des détenus. Un travail
qu'elle faisait auparavant, mais pas dans un cadre formel. Il est prévu
une procédure de plainte, dont un formulaire est à la disposition
du détenu au greffe ou au bureau du chef de cour. La lutte contre
l'impunité doit être entrepris(B) mais la nouvelle division
devrait être étudié(A).
A- LE NOUVEL DISPOSITIF SOCIAL
CHARGE DE LA REINSERTION DES DETENUS
La question de l'insertion-réinsertion des
détenus reste une problématique majeure pour l'Administration
pénitentiaire. Il s'agit en effet de permettre à ceux qui sont
dans les liens de la détention de réussir leur séjour
carcéral socialement parlant, par des activités de socialisation.
Dans cette dynamique, un ensemble de dispositions ont été mises
en oeuvre pour permettre aux détenus de réussir leur
réinsertion dans le tissu socio-économique, au terme de leur
séjour carcéral. Ainsi, le décret 2001-362, relatif aux
procédures d'exécution et d'aménagement des sanctions
pénales, institue un service socio-éducatif au sein de chaque
établissement pénitentiaire. Quatre missions sont dévolues
à ces nouveaux démembrements de l'Administration
pénitentiaire, mis en place depuis le premier trimestre de
l'année 2009. Il s'agit d'abord de rapprocher le détenu de sa
famille et de la société. Ensuite, lutter contre les effets de
désocialisation de la prison. Puis, cerner la personnalité du
détenu. Enfin, préparer le détenu à son retour dans
la société après son séjour carcéral.
Le service socio-éducatif a pour mission de
participer à la prévention des effets désocialisant de
l'emprisonnement sur les détenus, de favoriser le maintien des liens
sociaux et familiaux et de les aider à préparer leur
réadaptation sociale. Les travailleurs sociaux assurent les liaisons
avec les divers services sociaux, éducatifs, médicaux et prennent
tout contact qu'ils jugent nécessaires pour la réinsertion des
détenus. S'y ajoute un nouveau dispositif pour le renforcement de la
réinsertion sociale du détenu. Ainsi, a été
demandé aux régisseurs d'améliorer, certes, les conditions
de détention des prévenus mais également
d'améliorer les conditions d'alimentation et de séjour des
détenus dans les établissements. Il a été dans ce
cadre demandé aux régisseurs d'aménager des potagers aux
abords des établissements pénitenciers, de trouver des terrains
de culture pour aménager des exploitations agricoles, entre autres
activités telles que les ateliers, la formation professionnelle,
l'alphabétisation et les loisirs». Les problématiques
touchant les individus vivant et travaillant dans les établissements
pénitentiaires, détenus, intervenants et travailleurs sociaux, de
même que les politiques sociales, pénitentiaires et
pénales, tendant à humaniser ce côté sombre de la
société, influencèrent fortement les autorités
étatiques dont les réactions hautement stratégiques
constituent des réponses idoines à tous ces questionnements. Les
autorités judiciaires sénégalaises ont opté pour la
généralisation de la création de services
socio-éducatifs dans les 37 établissements pénitentiaires
du pays. La première mission du chef de service socio-éducatif
dans un établissement pénitentiaire c'est de rapprocher le
détenu de sa famille, de la société et de lutter contre
les effets désocialisant de la prison. Parce que si le détenu est
isolé, coupé de la société, il y a
inévitablement des conséquences néfastes sur les plans
sociologique et psychologique. L'année dernière, 14 chefs de
service socio-éducatif avaient été formés. Ils sont
actuellement en service dans 14 établissements
pénitentiaires.
B - LA LUTTE CONTRE L'IMPUNITE
Le droit pénitentiaire, encore affecté de tares
et de signes d'archaïsme profond, est entraîné, dans une lame
de fond qui traverse tout le système juridique et à laquelle il
ne peut échapper. Il y a encore seulement sept ans en France, aucun
recours n'était ouvert aux détenus contestant les
décisions les plus coercitives ou leur faisant grief, et notamment les
décisions disciplinaires et d'application des peines. Ceci rendait
impossible le moindre contrôle des normes qui étaient
elles-mêmes sécrétées pour l'essentiel par
l'administration pénitentiaire sous forme de circulaires, trop souvent
en violation de la loi. La jurisprudence n'était pas plus en mesure de
combler les nombreuses lacunes du droit. Ce sous-droit apparaissait de plus en
plus inique et contraire aux fondements mêmes de notre
société démocratique. Ces dernières années,
notamment en 2000, le facteur médiatique a fait progresser les choses.
En premier lieu, de nombreuses personnalités ont été mises
en cause par le système pénal. Leur notoriété a
permis que l'on accorde quelque crédit aux récits de prison
qu'elles pouvaient faire, là où ceux des détenus plus
modestes étaient tenus pour affabulations de grands voyous. Par
ailleurs, le 14 janvier 2000, Le Monde publiait de larges extraits du livre de
V. Vasseur, médecin-chef de la prison de La Santé, alors à
paraître. Au-delà des rats, cafards ; d'autres
vérités purent être dites : sous-droit ne régissant
rien, inversion de la hiérarchie des normes, violation permanente de la
loi, lacunes juridiques, absence de recours et de respect des principes
fondamentaux. Sans attendre l'attention médiatique de 2000, le
Conseil d'Etat avait, dans un arrêt du 17 février 1995, enfin
ouvert des recours aux détenus objets de sanctions disciplinaires. La
naissance d'une jurisprudence était absolument fondamentale à
l'élaboration d'un droit pénitentiaire. Faute de jurisprudence,
une matière juridique ne peut s'adapter aux changements et laisse libres
les pratiques locales d'en dévier totalement109(*). Et par un arrêt du 15
juillet 2004, le Conseil d'Etat a admis la saisine de la juridiction
administrative aux fins d'obtenir la désignation d'un expert pour faire
constater les conditions de détention. Cet arrêt est important car
il présente un lien direct avec les possibilités d'engager la
responsabilité de l'Etat, comme le démontrent plusieurs affaires
récentes. Dans un jugement du 27 mars 2008, le TA de Rouen estime que eu
égard à la durée particulièrement longue de
l'encellulement du détenu dans des conditions qui constituent un
manquement aux règles d'hygiène et de salubrité, à
la taille des cellules, à la promiscuité et l'absence de respect
de l'intimité qui en est résulté, le requérant est
fondé à soutenir qu'il a été
incarcéré dans des conditions n'assurant pas le respect de la
dignité inhérente à la personne humaine, en
méconnaissance de l'article D. 189 du code de procédure
pénale. Plus récemment, le TA de Nantes a condamné le 8
juillet 2009, l'Etat à payer des indemnités de 5 à 6.000
euros à trois anciens détenus de la maison d'arrêt de
Nantes, pour des conditions de détention non conformes aux textes en
vigueur. Pour le TA, « eu égard à la durée
particulièrement longue de l'encellulement dans de telles conditions,
à la taille des cellules, à la promiscuité et à
l'absence de respect de l'intimité du requérant qui en est
résulté », les requérants étaient
fondés à soutenir qu'ils ont été
incarcérés « dans des conditions n'assurant pas le respect
de la dignité inhérente à la personne humaine » et
donc « soumis à un traitement inhumain et dégradant ; que
ces manquements constituent un comportement fautif de nature à engager
la responsabilité de l'administration pénitentiaire
»110(*). Au
Sénégal alors que la loi 96-15 du 28 août 1996 a repris la
définition de la torture telle qu'elle découle de l'art.1 de la
convention contre la torture en l'art.296 du Code Pénal
sénégalais, plusieurs cas de torture ou de peines, traitements
cruels inhumains et dégradants non encore élucidés
existent au Sénégal, c'est très rarement que des mesures
administratives sont prises à l'endroit des agents de forces de l'ordre
indexés ou responsables, encore moins des procédures judiciaires
engagées jusqu'au bout. On se rappelle de la mort de Aliou Badara Diop
âgé de 38ans, le 13 décembre 2007, dans les locaux du
Commissariat de Ndorong à Kaolack après avoir été
accusé d'abus de confiance par un policier en retraite qui avait
demandé qu'on fasse la pression sur lui afin qu'il paye le reliquat
d'une dette dont il était le garant, et celle d'Eric Manga. Avec ce
constat, il est permis de dire qu'il y a un problème dans les
procédures d'investigations des personnes appréhendées
dans le cadre des enquêtes judiciaires. Mais aussi la
problématique de l'impunité et de la faiblesse des
mécanismes internes de prévention et d'enquêtes quand des
fonctionnaires sont impliqués, est réelle et
préoccupante.
CONCLUSION GENERALE :
C'est dans la dignité de la personne humaine que les
droits de l'homme trouvent leur source immédiate111(*). Et en milieu
carcéral, la dignité si fondamentale et essentielle n'est pas
respectée la plupart du temps, dans les établissements
pénitentiaires du Sénégal. Pourtant comme affirmé
plus haut, le droit ne s'arrête pas aux portes des prisons .Passer d'une
culture de la soumission à une culture de la responsabilité.
Ainsi quelques remarques méritent d'être observés
.L'administration pénitentiaire est au milieu du gué en
réalité. Elle ne partage plus vraiment cette culture de l'ordre
et de la soumission, sans porter encore celle de l'expression. Le dialogue au
sein du personnel et entre les personnels et les détenus reste à
construire certainement. La parole n'a pas acquis définitivement droit
de cité. Le schéma d'une autorité responsable et aussi
responsabilisatrice reste à trouver. L'équilibre ancien de la
prison établi sur la base de l'obéissance est rompu. Un nouvel
équilibre, fondé sur la confiance réciproque et la parole,
est à inventer : confiance des personnels en leurs cadres, confiance des
détenus en l'administration pénitentiaire, confiance du pays dans
son administration112(*).Il faut donc développer les permissions de
sortir, allonger la durée des parloirs, améliorer la
configuration de ceux-ci, rendre impossibles les éloignements
intempestifs, ouvrir largement l'accès au téléphone,
reconnaître le droit à la sexualité, cesser de
séparer des bambins de leur mère, etc. A travers notre
démarche, nous sommes arrivés à la conclusion
suivante : Il est évident que le gouvernement met entre autre en
place de nombreux moyens de réinsertion tels que : l'enseignement,
le travail, la formation professionnelle et les liens familiaux.
Cependant dans la réalité des choses ce n'est
pas aussi arbitraire. En effet, les taux d'échecs de réinsertion
sont très élevés. On voit cela à travers le fort
taux de récidive mais aussi à travers l'observation du
mal-être en prison comme les suicides, la surpopulation...Enfin, nous
réagissons sur le fait que le gouvernement ne modifie pas son
fonctionnement devant une telle situation. En effet, plus le temps passe, plus
il sévit ses méthodes, alors qu'il devrait plutôt chercher
à encourager une diminution du nombre de personnes
incarcérées. Aujourd'hui encore l'État
Sénégalais fonctionne sur une base répressive et non
préventive. L'intégration ou la réintégration des
détenus est de nos jours encore marginalisée au lieu d'être
considérée comme une priorité des priorités du
système carcéral. De même avec un surveillant tuteur qui
aurait pour tâche aussi de responsabiliser un groupe de détenus
par un travail sur la règle et la socialisation. Il encouragerait
l'apprentissage de la civilité, fondement d'une civilisation, du vivre
ensemble, pour ceux qui lui sont confiés. Il aurait en effet un
rôle de facilitateur et de médiateur auprès des
différents partenaires pour tout ce qui concerne les démarches
des détenus. Il favoriserait un retour réflexif sur tous les
incidents qui émaillent leur parcours carcéral, afin d'en faire
l'analyse et d'y remédier. Il présenterait les dossiers en
commission d'application des peines pour l'octroi des mesures
d'individualisation. Enfin, il aiderait et conseillerait le détenu dans
l'élaboration d'un projet d'exécution de peine. Constats certes
de première ordre mais il n'est jamais permis d'avilir ou de contredire
la dignité humaine, même avec une intention bonne, quelles que
soient les difficultés113(*) .La personne humaine compose une sorte
d'absolu, qui exige un respect inconditionné de sa dignité. Elle
ne peut jamais être transformée en un pur moyen, même lors
du placement sous écrous. Les atteintes à la dignité sont
nombreuses et variées. Le détenu doit être
protégé eu égard à son état d'extrême
vulnérabilité. Le laisser à lui même, c'est rompre
ce lien insondable qui lui confère toute son humanité.
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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· -CEDH, Kudla c / Pologne, 26 octobre 2008
· -CE, 30 Juillet 2003, n° 252712
TABLES DES MATIERES :
INTRODUCTION GENERALE
3
TITRE PREMIER : LA
RECONAISSANCE D'UN DROIT A LA PRISON GARANT DE LA DIGNITE INHERENTE A LA
PERSONNE EN MILIEU CARCERAL 4
CHAPITRE PREMIER : LE CADRE
JURIDIQUE DU PRINCIPE DE LA DIGNITE DE LA PERSONNE DANS LA PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS 5
SECTION 1 : LA
REGLEMENTATION INTERNATIONALE RELATIVE A LA DIGNITE DE LA PERSONNE
5
PARAGRAPHE 1 : LES NORMES
INTERNATIONALES GENERALES 5
PARAGRAPHE 2 : LES NORMES
INTERNATIONALES SPECIFIQUES 5
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS
JURIDIQUES INTERNES RELATIFS A LA DETENTION 6
B-L'HYGIENE ET LA SANTE DES
DETENUS 8
SECTION 2 : L'ENCADREMENT
JURIDIQUE LIE AUX RENFORCEMENTS DE L'EXECUTION ET A L'AMENAGEMENT DES SANCTIONS
PENALES 8
PARAGRAPHE 2 : LE NOUVEAU
CADRE DE L'AMENAGEMENT PENAL 9
A - LES NOUVELLES SANCTIONS
ALTERNATIVES A L'INCARCERATION 9
TITRE DEUXIEME : UNE
APPLICATION LIMITEE DU DROIT AU 10
CHAPITRE PREMIER :
L'EXIGENCE DE CONDITIONS MATERIELLES DE DETENTION RESPECTUEUSES DE LA
DIGNITE HUMAINE 11
SECTION 1 : LA PRISON :
UN LIEU DE DESHUMANISATION ATTENTTATOIRE A LA DIGNITE 11
PARAGRAPHE 1 : UNE QUALITE
GENERALE DE VIE DEPLORABLE 11
B-LA VETUSTE ET L'INADAPTATION
DES PRISONS 11
PARAGRAPHE 2 : LE
NON-RESPECT DES CONVENTIONS INTERNATIONALES LORS DE L'INCARCERATION :
11
SECTION 2 : L'ARBITRAIRE
CARCERAL 11
PARAGRAPHE 1 : LA PROCEDURE
DISCIPLINAIRE : UNE PRISON DANS LA PRISON 11
A-L'ISOLEMENT 11
PARAGRAPHE 2 : UN PERSONNEL
PENITENTIARE IMPUISSANT : 12
CHAPITRE 2 : VERS
L'HUMANISATION ET LA REINSERTION DES DETENUS 13
SECTION 1 : L'HUMANISATION
DES CONDITONS DE DETENTION 13
PARAGRAPHE 1 : LE DROIT A LA
VIE PRIVEE ET FAMILLIALE 13
PARAGRAPHE 2 : L'ENCADREMENT
DE CERTAINES PRATIQUES CARCERALES 13
SECTION 2 : LE DEFI DE LA
REINSERTION 13
PARAGRAPHE 1 : LES ACTIONS
DE PREPARATION A LA REINSERTION SOCIALE DES DETENUS 13
B-LA FAVORISATION DU TRAVAIL ET
DE LA FORMATION 13
PARAGRAPHE 2 : LA REFORME DU
SYSTEME PENITENTIAIRE 13
A- LE NOUVEL DISPOSITIF SOCIAL
CHARGE DE LA REINSERTION DES DETENUS 14
B - LA LUTTE CONTRE L'IMPUNITE
14
CONCLUSION GENERALE :
15
* 1 _ Des délits et des
peines, 1784
* 2 _ Ce texte
répétant dans le cinquième considérant la foi des
peuples des Nations Unies « dans la dignité et la valeur
de la personne humaine »10 Décembre 1948
* 3 _ Kant, Fondement de la
métaphysique des moeurs, Traduction de Velbos, Paris 1959, p 162
* 4 _ M.Bedjaoui, La difficile
avancée des droits de l'homme vers l'universalité, in R.U.D.H p
9
* 5 _ Pacte sur les droits
civils et politiques, 10 Décembre 1966, art 10
* 6 _ Bernard Mathieu, Pour une
reconnaissance de « principes matriciels » en
matière de protection constitutionnelle des droits de l'homme, recueil
Dalloz, 1995, p 211
* 7 _ Article 7, Constitution du
7 janvier 2001
* 8 _ Convention internationale
relatif aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989
* 9 _ Voir arrêt Kudla
c / Pologne, 26 octobre 2000
* 10 _ Convention contre la
torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants,
New York, 1984, article 1
* 11 _ 28 Aout 1996, article
295-1 du code de procédure pénale du Sénégal
* 12 _ Ensemble des
règles minima pour le traitement des détenus, Genève,
1955
* 13 _ Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, OUA, 1981
* 14 _ Loi 65-61 du 21 juillet
1965, code de procédure pénale
* 15 _ Rapport
d'activité 2008, p 76
* 16 _ Règle
pénitentiaire européenne n° 72.1
* 17 _ Keba Mbaye, les droits
de l'homme en Afrique, paris 1992
* 18 _ M.Delmas-Marty,
Criminalité économique et atteinte à la dignité de
la personne, Paris, Edition de la Maison des Sciences de l'homme, 1998, p 28
* 19 _ Constitution du
21janvier 2001
* 20 _ Code de procédure
pénale du 21 juillet 1965
* 21 _ 'OUA, 25 MAI 1963
à Addis-Abeba
* 22 _ Patrick Wachsmann, Les
droits de l'homme, 4 Edition Dalloz 2002, Paris
* 23 _ Décision du 11
janvier 1961, affaire Autriche contre Italie, req 788/60
* 24 _ Ensemble de principes
pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d'emprisonnement, Assemblée
générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre
1988, principe 7 in fine
* 25 _
Principes fondamentaux relatifs au traitement des
détenus, Adoptés par l'Assemblée
générale dans sa résolution 45/111 du 14 décembre
1990, principe premier
* 26 _ Et selon son
Préambule, l'Union se fonde sur des valeurs indivisibles et universelles
de dignité humaine, de
Liberté, d'égalité et de solidarité.
On peut par ailleurs ajouter que pour la CJCE, la dignité humaine
constitue un
Principe général du droit communautaire (affaire
Omega, Aff. C-36/02, 14 octobre 2004).
* 27 _ CEDH., 22 novembre
1995, SW. c/ Royaume-Uni et C.R. c/ Royaume-Uni.
* 28 _ M. Delmas-Marty,
Criminalité économique et atteinte à la dignité de
la personne, Paris, Edition de la Maison des Sciences de l'homme, 1998, p 28
* 29 _ Préambule de
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789
* 30 _ Voir, notamment, G.
RICHARDSON, « Des droits aux attentes », in O. DE SCHUTTER, D.
KAMINSKI,
L'institution du droit pénitentiaire, Bruylant
/L.G.D.J., 2002, pp. 193 et s.
* 31 _ D ROMAN, « A corps
défendant », Recueil Dalloz, p. 1284. Vo.
également, X. PIN, La vulnérabilité en matière
pénale, in F. COHET CORDEY (di.), Vulnérabilité et
droit, PUG, 2000, p. 119 s.
* 32 _ § 94. Note F.
SUDRE, Droit de la Convention européenne des droits de l'homme, La
Semaine Juridique,
Chronique I, 291, 2001, pp. 128 s.
* 33 _ Il s'agit de l'achat,
l'usage, de la vente de toutes les formes de drogue prévus par la
législation
* 34 _ Haut Commissariat des
Nations unies aux Droits résolution 40/33 du 29 Novembre 1985
* 35 _ Adoptées par
l'Assemblée générale dans sa résolution 45/113 du
14 décembre 1990
* 36 _ Article 10, Ensemble des
règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la
justice pour mineur (règles de Beijing) résolution 40/33 du 29
Novembre 1985
* 37 _ Les
règles des Nations Unies pour la protection des mineurs
privés de liberté, l'Assemblée
générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre
1990 règle 27, 28, 32
* 38 _ Les
règles des Nations Unies pour la protection des mineurs
privés de liberté, l'Assemblée
générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre
1990 règle 64
* 39 _ Règle 73 des
Nations unies
* 40 _ Patrick Wachsmann, Les
droits de l'homme, 4 Edition Dalloz 2002, Paris
* 41 _ 20 Vo. J. DANET, «
Les conditions de détention et l'article 225-14 du code pénal
», Recueil Dalloz, 20 p. 2218.
* 42 _ Rapport du 5
février 2008 sur la situation particulière des femmes en
prison
* 43 _ Rapport du 5
février 2008 sur la situation particulière des femmes en
prison
* 44 _ C.e.d.h arrêt
Tomasi c/ France du 27 août 1992,
* 45 _ Ensemble des principes
pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d'emprisonnement, résolution
41 /173 du 9 Décembre 1988, principe premier
* 46 _ M. Delmas- Marty,
Criminalité économique et atteinte à la dignité de
la personne, Paris, Edition de la Maison des Sciences de l'homme, 1998, p
221
* 47 _ Article 295-1 Du code
pénal du Sénégal
* 48 _ CEDH, 22 novembre
1995, SW. C/ Royaume-Uni et C.R. c/ Royaume-Uni.
* 49 _ Claude d'Harcourt,
directeur de l'administration pénitentiaire
* 50 _ Recommandation Rec.
(2006) 2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les Règles
pénitentiaires
Européennes, adoptée par le Comité des
Ministres le 11 janvier 2006, lors de la 952e réunion des
Délégués des
Ministres
* 51 _ Selon son
Préambule, l'Union se fonde sur des valeurs indivisibles et universelles
de dignité humaine, de
Liberté, d'égalité et de solidarité.
On peut par ailleurs ajouter que pour la CJCE, la dignité humaine
constitue un
Principe général du droit communautaire (affaire
Omega, Aff. C-36/02, 14 octobre 2004).
* 52 _Principes fondamentaux
relatifs au traitement des détenus résolution 45/111 du 14
décembre 1990, principe 1
* 53 _ S. kaba, les droits de
l'homme au Sénégal, collection XAAM SAA YOON, octobre 1997, p
416
* 54 _ Préambule de la
constitution du 7 Janvier 2001
* 55 _ Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, article 5
* 56 _ S. kaba, les droits de
l'homme au Sénégal, collection XAAM SAA YOON, octobre 1997
* 57 _ Voir le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (résolution 2200 A
(XXI) de
L'Assemblée, annexe, art. 10, par. 2 b)); et l'ensemble
de règles minima pour le traitement des détenus
(Règles 8 et 68).
* 58 _ S. kaba, les droits de
l'homme au Sénégal, collection XAAM SAA YOON, octobre 1997, p
305
* 59 _Arrêté
ministériel n°7117M .INT.D.A.P du 21 mai 1987 portant
règlement intérieur des établissements
pénitentiaires
* 60 _ Article 32
Règlement intérieur mac de saint louis
* 61 _ Charte des droits
fondamentaux des détenus, article 4
* 62 _ Article 41
Règlement intérieur mac de saint louis
* 63 _ Article 43
règlement intérieur mac de saint louis
* 64 _ Article 41
règlement intérieur mac de saint louis
* 65 _
* 66
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* 68
* 69
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