La coopération commerciale entre la Chine populaire et le Tchad: enjeux et perspective( Télécharger le fichier original )par Deli Laika Kalcheckbe Innocent Université Yaoundé II SOA - DESS en Politique et Négociations commerciales, multilaterales 2008 |
INTRODUCTION GENERALE 1 CONTEXTE DE L'ETUDE Le monde connait des changements importants et profonds dans les relations internationales dont les plus marquants sont les relations sino-africaines. En tant que force montante tant sur le plan politique que sur le plan économique, la Chine ne cesse de renforcer et d'élargir ses relations d'amitié et de coopération avec les pays africains. Ceci implique des effets non négligeables dans l'évolution de l'ordre international. Très tôt, la Chine a manifesté un grand intérêt pour l'Afrique lors de la conférence de BANDOENG en 1955. C'est avec l'avènement des indépendances que les Etats africains ont commencé à établir des relations diplomatiques avec ce géant d'Asie. Les dirigeants africains se sentent compris par les Chinois et les prennent comme partenaires économiques attrayants. La Chine est devenue le deuxième plus grand récepteur d'investissements étrangers au monde et le deuxième investisseur sur le continent africain. Depuis les années 90 l'économie chinoise s'est de plus en plus internationalisée avec le commerce extérieur et les investissements comme facteurs significatifs de la croissance rapide de l'économie. Depuis lors le commerce sino-africain a connu une évolution fulgurante. Estimés à 10 milliards de dollars en 2000 les échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique ont atteint en 2008 le chiffre de 106,8 milliards de dollars dépassant ainsi l'objectif fixé avant 2010 (de 100 milliards). L'Afrique constitue une source d'approvisionnement en matières premières pour la Chine (cuivre, chrome, en bois et surtout en pétrole...). Les matières premières que la Chine importés du continent noir sont estimées à 25% de l'ensemble en 2004. En retour, les africains importent des produits manufacturés chinois, notamment des produits textiles, des machines, des biens électroniques etc. Par ailleurs le Tchad, pays enclavé de l'Afrique centrale, est l'un des pays les plus pauvres et les moins stables d'Afrique à cause des troubles politiques récurrents et souvent violents depuis son indépendance en 1960. Bien que doté de nombreuses ressources minières, l'économie du Tchad est basée sur la culture du coton, la gomme arabique et l'élevage jusqu'en 2000. Ce n'est qu'à partir de cette date que la Banque Mondiale a décidé de financer à hauteur de 4,2 milliards de dollars (Américain) l'exploitation du pétrole du bassin de Doba (au sud du pays). Cet investissement a nécessité la construction d'un oléoduc de 1 070 Kilomètres qui débouche au port Camerounais de Kribi sur la côte de l'océan atlantique. Depuis la fin de cette construction en 2003, le Tchad a vu son taux de croissance faire un 3 bond spectaculaire passant de - 0,9% en 2000 à 33,6% en 2004 et 7,9% en 20051. En 2004 la contribution du secteur pétrolier à la croissance du PIB s'élève déjà à 33,4%. Malheureusement, le poids croissant du pétrole dans l'économie tchadienne ne se traduit pas encore dans le quotidien de la population Tchadienne. La majorité des Tchadiens (54%) continuent de vivre en dessous du seuil de la pauvreté2. La Chine quant à elle, est considérée aujourd'hui comme une grande puissance mondiale sur le plan économique. L'un des aspects les plus marquants de l'évolution de l'économie chinoise, est l'ouverture internationale. En réalité, la Chine fonctionnait pratiquement en autarcie jusqu'en 1979. Depuis, elle a connu une large vague de réforme sous la direction de Deng Xiaoping et sous son mot d'ordre : « enrichissez-vous! ». La Chine croit depuis la fin des années 1990 dans les échanges commerciaux. En fait, depuis la fin des années 1970 la Chine a mis la modernisation de son économie au premier rang des priorités et elle a tout fait pour y parvenir : elle a abandonné progressivement le plan pour le marché, elle a mobilisé ses immenses ressources en main d'oeuvre et a ouvertement tiré parti de la mondialisation en devenant l'usine du monde. Les relations diplomatiques entre le Tchad et la Chine qui datent de 1972 ont été marquées par une période de rupture en 1997 à cause de la reconnaissance de Taiwan par N'Djamena. En juillet 2006, les circonstances politiques (les menaces de la rébellion à l'Est) ou économique (exportation du pétrole Tchadien) ont conduit le Tchad à renouer avec la Chine populaire en rompant avec Taiwan. Ce réchauffement s'inscrit dans le cadre de la politique lancée en janvier 2006 par le gouvernement chinois et qui est précisé dans le livre blanc sur la politique africaine de la Chine : « la Chine oeuvre à établir et développer un nouveau type de partenariat stratégique marqué par l'égalité et la confiance mutuelle sur le plan politique, la coopération dans un esprit gagnant -gagnant sur le plan économique ». Cette nouvelle relation lui permettra de diversifier ses partenariats commerciaux. Les flux commerciaux entre la Chine et le Tchad concernent principalement les importations. Selon les services de statistiques du commerce extérieur tchadien, la Chine ne figure pas parmi les pays de destination des exportations du Tchad. Les principaux pays de destination des produits tchadiens hors pétrole en 2005 sont le Nigeria (39%), la France (28%) 1 Rapport 2004 de l'Institut National de la Statistique des Etudes Economiques et Démographique du Tchad 2 Idem et le Soudan (18%), le pétrole étant supposé être exporté exclusivement à destination des Etats-Unis. Selon Chaponnière (2006), 21% des exportations du Tchad ont été faites à destination de la Chine en 2004. Mais cette information issue des données miroirs du Département des Statistiques du Commerce du Fonds Monétaire International (IMF/DOTS) ne peut s'expliquer que par l'existence de réexportations de produits tchadiens. Selon les données disponibles fournies par l'INSEED (2006 et 2007), les importations d'origine chinoise ont doublé en un an passant de 6 045 711 dollars en 2004 à 12 574 333 dollars en 2005. Le 12 janvier 2007est une date importante dans la nouvelle relation économique entre le Tchad et la Chine. Cette dernière a en effet racheté par l'entremise de China National Petroleum Corporation (CNPC) le permis d'exploitation pétrolière détenu par la société Canadienne ENCANA. Ce permis couvre une superficie d'environ 220 000 Km2 et englobe les bassins ci-après : Le bassin des Erdis, une partie du bassin du lac Tchad, le bassin de Madiago, le bassin de Bongor, le bassin à l'ouest de Moundou, le bassin de Pala à la frontière du Cameroun, une partie du bassin à la frontière de la République Centrafricaine et tout le bassin de Salamat. Depuis cette date, la coopération économique entre la Chine et le Tchad s'est intensifié, donnant la possibilité à cette dernière de trouver de nouveaux financements. L'aide chinoise en faveur du Tchad est estimée à plus de 100 millions de dollars depuis cette date. La Chine, cherchant à sécuriser par tous les moyens ses approvisionnements en pétrole pour ne pas freiner une économie en pleine croissance, a accru le montant de ses investissements dans les secteurs stratégiques de l'économie tchadienne tels que les télécommunications; la cimenterie de Baoaré et la raffinerie à 50 km au nord de N'Djamena. A côté de ces apports positifs, on note aussi des risques potentiels de la coopération économique chinoise sur l'économie tchadienne. On peut citer par exemple la structure inégale des échanges (matières premières tchadiennes contre produits manufacturés chinois) le risque de désindustrialisation parce que les industries locales n'ont pas la capacité nécessaire pour faire face à la concurrence chinoise, et le risque de surendettement. Certains pays pauvres très endettés, notamment africains, ayant été désendettés par la communauté internationale, se ré-endettent auprès de la Chine. D'où l'intérêt de faire une étude sur La coopération commerciale entre la Chine populaire et le Tchad : enjeux et perspectives. 5 PROBLEMATIQUE La Chine et le Tchad ont décidé de renouer les relations diplomatiques après une rupture de 9 ans (1997- 2006). Cette reprise s'est accompagnée de retombées économiques, parmi lesquelles la construction d'un des deux plus grands hôpitaux qui existe au Tchad, la construction du palais du peuple (actuel Palais du 15 janvier) et d'un stade Omnisport dans la capitale Ndjamena ainsi que l'encadrement des casiers rizicoles A et B dans le Sud-ouest du pays. La Chine représente 20% de la population mondiale et constitue un marché potentiel de plus d'un milliard d'acheteurs. L'aide Chinoise au Tchad peut donc constituer un atout important qu'il se doit de capitaliser en vue d'en maximiser les effets et de lutter efficacement pour la réduction de la pauvreté. C'est ainsi que dans le cadre de la présente recherche, on se propose d'étudier : l'impact de la coopération renouvelée entre la Chine et le Tchad sur le commerce extérieur du Tchad. Cette problématique suscite en effet cette question principale : la coopération commerciale entre la Chine et le Tchad peut-elle changer le mode d'insertion de ce dernier dans le commerce international ? OBJECTIF DE LA RECHERCHE L'objectif de cette recherche est d'analyser les enjeux et perspectives de la coopération commerciale sino-tchadienne. De manière plus spécifique elle vise à présenter : - le mode d'insertion traditionnel du Tchad dans l'économie internationale ; - évaluer l'impact de la coopération renouvelée avec la chine sur le développement économique du Tchad. REVUE DE LA LITTERATURE Notre étude arrive à la suite de plusieurs recherches menées par des spécialistes, chercheurs et universitaires africains et occidentaux sur les problèmes de coopération commerciale Sino-africaine. Pour le juriste français POTIER (1932)3, la coopération est « la 3POTIER R., in ESPRIT, Revue mensuelle fondée en 1932 par E. MOUNIER situation dans laquelle deux ou plusieurs nations dialoguent, échangent et construisent une oeuvre commune qui leur profite» Plus généralement, les médiocres performances globales de l'Afrique peuvent être attribuées en grande partie à des facteurs bien connus (baisse du prix des matières premières, problèmes macro-économiques, etc.) GROS J-B (et al 2002), ceci n'explique pas pourquoi certains pays arrivent à accroître leurs exportations et d'autres non (le Tchad). Les sources potentielles de croissance du Tchad en dehors du secteur pétrolier sont le coton et le bétail. Après avoir été le pays africain exportateur de coton jusqu' au milieu des années 70, le pays aurait la capacité de produire le coton en plus grande quantité et de meilleure qualité si les conditions locales de production s'amélioraient4. Bien que l'intégration du Tchad dans les marchés régionaux et mondiaux souffre principalement des contraintes pesant sur l'augmentation de la production des biens et services, beaucoup reste à faire pour soutenir le commerce extérieur à travers la diversification des exportations. L'Afrique, la Chine ont une longue tradition de commerce vieille de plusieurs décennies. L'échelle et le rythme de développement des flux d'échange et d'investissement entre le géant asiatique et l'Afrique se sont nettement améliorés. Ainsi certaines études récentes telles que celle de Harry Broadman (2006) ont analysé les flux d'échanges commerciaux entre ces deux partenaires indiquant que les exportations de l'Afrique vers l'Asie ont triplé ces cinq dernières années, faisant de celle-ci le troisième partenaire commercial des pays africains (avec une part de 27 %) derrière l'Union européenne (32 %) et les États-Unis (29 %). Les apports d'investissement direct étranger de l'Inde et de la Chine ont également progressé : ceux en provenance de Chine s'élevaient ainsi à 1,18 milliard de dollars au milieu de 2006, indique l'étude. Une autre étude récente de Sanjev Gupta et Yang Yongzheng (2005) a montré que la part des exportations africaines aux pays en développement a plus que doublé depuis 1990. A mesure que l'Asie s'industrialise, sa demande de ressources naturelles augmente et l'Afrique a saisi cette occasion. L'Asie reçoit aujourd'hui 25% des exportations africaines. La Chine et l'Inde qui procèdent à d'importants investissements sur le continent africain, absorbent à elles deux 10% des importations et exportations des pays subsahariens, soit 25% de plus que la part de ces deux pays dans les échanges mondiaux. 4 Gobind T. Nankani et al : Rapport de l'Etude diagnostique sur l'intégration commerciale du Tchad, DRAFT, 18 Octobre 2006 7 La progression des échanges entre les géants asiatiques et l'Afrique s'accompagne d'une offensive diplomatique. Les visites ministérielles se multiplient : le Président chinois a été accueilli au Nigéria en avril 2006 et les chefs d'Etat africains ont participé à un sommet à Pékin au cours de la même année (Chaponnière, 2006). Au début de l'année 2006, le gouvernement Chinois a publié un document sur sa politique africaine qui met l'accent sur l'égalité, la souveraineté et la non-ingérence. Le « consensus de Pékin » (Ramo, 2004) propose une alternative au « consensus de Washington » : car si les priorités chinoises (stabilité, développement et réforme) sont les mêmes, elles se conjuguent selon un ordre différent, Pékin donnant la priorité à la stabilité et Washington aux réformes. C'est dans ce contexte que les entreprises chinoises opèrent en Afrique. Les plus grandes entretiennent directement ou indirectement des liens avec l'Etat, elles s'engagent dans des pays à risque où elles poursuivent des stratégies à long terme. Ces leaders asiatiques, et plus particulièrement la Chine, en modifiant leur comportement vis-à-vis du continent Africain auront un impact croissant sur la façon d'agir des grandes institutions internationales. En effet, alors que la Banque Mondiale assortit ses prêts de conditions de bonne gouvernance (mise en place de lutte contre la corruption, réglementations...), la Chine n'impose aucune contrainte aux pays qu'elle aide : on parle de « dumping démocratique ». En plus, la Chine est le second partenaire commercial de l'Afrique. En 2002/2003, le commerce entre la Chine et l'Afrique a augmenté de 50%. En 2004, l'augmentation était de 60%. Concernant le Tchad, les exportations vers la Chine sont passées de 0 % en 2000 à 21 % en 2004 et les importations de 0 % en 2000 et 1 % en 2004 (J R Chaponnière, 2006). L'intensification des relations commerciales entre la Chine et l'Afrique subsaharienne a coïncidé avec une accélération de la croissance africaine. En contribuant au redressement des cours des matières premières, l'appétit chinois a été plus efficace que les projets de stabilisation. L'analyse d'Eichengreen (2005) sur les conséquences de la croissance chinoise montre que les pays spécialisés dans la production et l'exportation de composants, de biens d'équipement et de matières premières en bénéficient alors que ceux qui sont engagés dans la production de biens de consommation subissent les effets de la concurrence chinoise. Ces conclusions rejoignent celles de Laal (2004, 2005) qui a analysé l'impact des exportations chinoises sur l'Asie et l'Amérique latine. Ces résultats suggèrent que les pays africains bénéficient de l'émergence chinoise. Selon les statistiques du FMI (DOTS), une dizaine dégage un surplus dans leurs échanges avec la Chine (l'Angola et le Soudan étant les principaux bénéficiaires) alors que pour les 20 autres pays, ces échanges sont déficitaires. L'impact est important pour les pays miniers mais beaucoup moins pour les pays exportateurs de produits agricoles. Les conséquences de l'émergence de la Chine sur l'Afrique peuvent être appréciées du côté de la demande et du côté de l'offre (J R Chaponnière, 2006). La forte demande de matière première peut pousser les prix à la hausse, alors que l'accroissement des exportations peut faire baisser 5 les prix. La forte demande d'énergie et de minerais par la Chine et l'Inde a poussé à la hausse les prix internationaux des matières premières, ainsi que le volume et la valeur des exportations africaines (Andrea Goldstein, Nicolas Pinaud et Helmut Reisen, 2006). La Chine notamment est devenue le partenaire principal de plusieurs pays africains: elle leur fournit des produits manufacturés bon marché et réduit leur dépendance à l'égard de leurs partenaires commerciaux traditionnels. En devenant des importateurs importants des produits primaires, la Chine et l'Inde ont permis d'améliorer les termes de l'échange profitable aux pays d'Afrique sub-saharienne grands exportateurs de matières premières. Par contre, l'exploitation abusive des ressources naturelles de l'Afrique peut à la longue aboutir aux « syndrome hollandais ». En effet, si l'exploitation abusive des ressources naturelles peut permettre d'accroître le revenu national des pays, à l'opposé, elle entraine moins de création d'emploi. Aussi, toute stratégie de développement fondé sur ce principe peut avoir à la longue des effets négatifs sur les économies des pays en développement. L'intervention chinoise réduit à la baisse le coût de l'investissement (transport, agriculture, travaux publics). L'inconvénient est que l'investissement est souvent réalisé avec la main d'oeuvre chinoise. Ce qui annule l'impact de l'investissement sur la création d'emploi. Dans beaucoup de pays africains, la présence chinoise occasionne une concurrence rude qui entraîne la disparition d'entreprises locales (Chaponnière, 2006). On peut relever d'autres effets négatifs de l'émergence de la Chine et de l'Inde. Selon, Gumisai Mutume (2006), la libéralisation de la filière textile après 30 ans de protection au profit des pays africains pauvres a occasionné des pertes d'emploi estimée à 250 000 avec l'avènement de l'entrée de la Chine à l'OMC. Selon la Fédération internationale des travailleurs des industries du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC), la plupart des emplois ont été supprimés au Lesotho, en Afrique du Sud, au Swaziland, au Nigéria, au 5 Comme le constate Lennon (2005), il est plus prudent d'être fournisseur de minerais que la Chine ne produit pas plutôt que d'être engagé dans le traitement de minerais que la Chine produit pour partie 9 Ghana, à Maurice, en Zambie, à Madagascar, en Tanzanie, au Malawi, en Namibie, au Kenya et au Tchad. L'ancien régime des quotas, connu sous le nom d'Arrangement multifibres (AMF), limitait les exportations de textiles et de vêtements vers les plus grands marchés du monde Etats-Unis, Canada et Union européenne (UE) dans le but de protéger les producteurs des pays industrialisés de leurs concurrents plus performants d'Asie. Ce faisant, ce régime a involontairement avantagé les petits exportateurs de textiles des pays en développement, moins gênés par les restrictions ou bénéficiant d'accès préférentiels aux marchés de l'UE ou des Etats-Unis. Leurs exportations vers les principaux pays industriels ont prospéré. L'abandon des quotas risque de chasser des grands marchés ces fabricants, incapables de rivaliser avec la concurrence effrénée de pays comme la Chine ou l'Inde. Ensuite, bien que favorisant à court terme l'accroissement des revenus de gouvernements africains, le renforcement de la présence chinoise en Afrique pourrait contribuer à perpétuer des gouvernances politique et économique ayant constitué un frein majeur à la croissance durable de ce continent (OCDE, 2006). De même, s'il est communément admis que la croissance de la Chine et de linde constitue un défi et une source d'opportunités pour les pays développés, son impact sur les pays en développement et les politiques appropriées qui peuvent être mises en place pour y faire face demeurent beaucoup plus incertains car les conséquences pour les économies africaines de l'intégration des géants asiatiques au sein de l'économie mondiale ont en particulier été très peu explorées. Enfin, selon Broadman (op cit), même si la progression des flux d'échanges et d'investissements de l'Asie incite à l'optimisme, il existe des asymétries majeures au niveau des relations économiques entre les deux régions. Les droits comparativement élevés que la Chine et l'Inde appliquent aux produits d'exportation de pointe de l'Afrique, ceux d'une valeur maximum, empêchent les pays africains d'exploiter totalement leurs marchés. C'est ainsi que les exportations de l'Afrique ne représentent que 1,6 % de celles que l'Asie reçoit du reste du monde. HYPOTHESES DE LA RECHERCHE Pour asseoir notre problématique, les hypothèses ci-dessous sont formulées : - H-1. Le mode d'insertion traditionnelle du Tchad dans le commerce international ne favorise pas l'économie Tchadienne. 10 - H-2. La nouvelle coopération Sino-tchadienne exerce un impact positif sur le commerce international du Tchad. INTERET DE LA RECHERCHE La coopération commerciale est la situation dans laquelle deux ou plusieurs nations dialoguent, échangent et construisent une oeuvre commune qui leur profite. De ce fait, une étude orientée sur ce mécanisme comporte sans doute un intérêt à la fois théorique et pratique. Sur le plan théorique, une telle recherche au Tchad viendra tout d'abord en complément d'autres travaux déjà menés dans le domaine et surtout pourra constituer un point de départ important pour les études avenir, car elle consiste à analyser l'impact de la coopération renouvelée sur le commerce extérieur. Sur le plan pratique, Elle permettra aussi au gouvernement Tchadien de savoir si le commerce avec la Chine est susceptible de lui garantir des avantages en terme économique. Il sera précisé si à travers cette coopération, le Tchad pourrait accumuler les fonds nécessaires pour financer son processus de développement ; de savoir si véritablement la coopération chinoise est une solution de rechange après un demi-siècle de coopération infructueuse avec l'Europe ou si par contre il s'agit d'une autre forme de domination économique qui ne permet pas d'espérer. DEMARCHE METHODOLOGIQUE La méthodologie d'analyse de la présente étude s'est appuyée sur la collecte documentaire, sur internet et la collecte de données sur le commerce entre le Tchad et la Chine auprès des institutions spécialisées, par la suite nous les avons traités en se servant de l'outil statistique descriptible (pour calculer les moyennes et les pourcentages) pour apprécier cette relation commerciale. Il s'agit dans une première étape de déterminer les effets de la coopération commerciale du Tchad avec ses partenaires traditionnels. Dans une deuxième phase, des investigations ont été menées pour récolter toute la documentation sur l'intervention des deux pays. La collecte a pris en compte tant la documentation administrative, les conventions et partenariats publics et privés au niveau des différents secteurs d'intervention. Ces différentes informations ont été collectés dans les différents Ministères et autres structures de coordination. Au niveau des dons et prêts à faible taux, les informations statistiques ont été collectées au Ministère de l'Economie et des Finances. Enfin, les données sur la structure du commerce internationale ont été collectées à la Direction de L' INSEED. PLAN ADOPTE D'une manière générale, pour la rédaction notre travail de recherche nous suivrons un plan qui comporte deux parties : la première partie nous permettra de faire la présentation des effets de la coopération commerciale du Tchad avec ses partenaires traditionnels. Dans cette partie, nous aurons deux chapitres pouvant nous donner les éléments essentiels à la compréhension des spécificités du commerce extérieur du Tchad ; la deuxième partie quant à elle, nous permettra de voir l'impact potentiel de la coopération Sino-tchadienne et ses perspectives. Egalement dans cette partie, nous aurons deux chapitres précisant d'une part les opportunités offertes par la coopération commerciale Sino-tchadienne et d'autre part d'analyser l'impact de la coopération chinoise sur le développement économique Tchadien. LES EFFETS DE LA COOPERATION COMMERCIALE
12 Désavantagé par l'absence de littoral et son enclavement, le Tchad est un pays sahélien pauvre. Il est localisé en Afrique centrale avec un accès insuffisant aux principaux marchés d'exportation ainsi qu'à ses principales sources d'approvisionnement. Son intégration dans les marchés mondiaux doit passer par l'accroissement de la production et la promotion des exportations des produits traditionnels et non traditionnels. Son mode d'insertion traditionnelle dans le commerce internationale souffre de plus en plus du fait de sa structure commerciale. Dans cette première partie du travail, nous allons analyser les effets sur la structure du commerce extérieur du Tchad (chapitre 1). Notamment en identifiant les limites de la coopération commerciale du Tchad avec ses partenaires traditionnels (chapitre 2).
14 Traditionnellement, le Tchad est un pays essentiellement importateur car ses besoins alimentaires et énergétiques, et certains de ses produits manufacturés proviennent de l'extérieur. Le Tchad exporte des matières premières (le coton fibre et le bétail) et certains produits à l'état brut ou semi-finis, en particulier la gomme arabique, l'arachide, le sésame, le poisson etc. En effet, pour étudier l'impact potentiel de la coopération commerciale sinotchadienne, il nous est judicieux d'une part de connaitre la structure du commerce extérieur du Tchad (section I) et d'autre part les effets sur le développement économique du Tchad (section II). SECTION I : STRUCTURE DU COMMERCE EXTERIEUR DU TCHADLe commerce extérieur regroupe l'ensemble des agents économiques résidents à l'étranger ayant des relations avec l'économie nationale (notamment au niveau des importations et des exportations). Afin de mieux cerner la structure du commerce extérieur du Tchad, il est important pour nous de la situer dans le temps et de comprendre ses évolutions récentes. A- Structure du commerce extérieur du Tchad de 1972-2005Malgré son isolement géographique, l'économie tchadienne s'ouvre de plus en plus vers l'extérieur. 1. Nature des produits échangés Depuis l'indépendance, la nature des produits échangés est essentiellement agropastorale avec une consommation dépendant fortement de l'extérieur. 1.3 Nature des produits exportés - Les produits agricoles : Le Tchad dispose de sources potentielles de croissance dans le domaine agro-pastoral (exportations traditionnelles et non traditionnelles). Après avoir été premier pays africain exportateur de coton jusqu'au milieu des années 70, le coton constitue avec la canne à sucre et le tabac les seules cultures industrielles du pays. Il représente en ce moment le produit dont l'achat et le prix sont garantis aux producteurs et dont la culture bénéficie d'un effort d'intensification. Parmi ces trois cultures, seul le coton est exporté vers l'extérieur en cette période. Compte tenu de nombreuses contraintes liées à la filière, la production à l'exportation fluctue. la moyenne était de 120 000 tonnes en mauvaises périodes et 255 000 tonnes en période d'euphorie. La part du coton dans les produits d'exportation était estimée à environ 45% des exportations tchadiennes. - Filière spiruline ou Algue Bleue est connue des populations du lac-Tchad et du Kamen depuis des années 70. Sa production est estimée à 80% soit 100 tonnes par an dont une partie est vendue dans la sous région (1000 à 2000Fcfa/kg) procurant des revenus substantiels, notamment aux femmes rurales de ces zones. - Concernant l'élevage, le Tchad est un pays agro-pastoral caractérisé par un climat évoluant du nord vers le sud en fonction de la pluviométrie. Les espèces exportées sont les bovins, ovins et les porcins. - La gomme arabique : Le marché mondial est principalement approvisionné par les Etats de l'Afrique centrale, orientale et australe. La plupart des exportations mondiales proviennent de trois pays (Soudan, Tchad et Nigeria), en raison des caractéristiques tropicales de la plante à partir de laquelle la gomme arabique est extraite. En 1995, 56% de gomme arabique a été exporté vers le Soudan contre 29% vers le Tchad et du Nigeria 10%. D'autres pays tels que le Burkina Faso, la Mauritanie, le Cameroun et l'Erythrée produisent également de petites quantités (l'INSEED, 2004). On peut aussi citer les arachides décortiquées (plus 5000 tonnes selon le BNF) et le haricot (niébé) qui sont généralement exportés vers les pays voisins. En 2003 l'économie tchadienne bénéficie des effets d'entraînement des investissements pétroliers nécessaires à la mise en exploitation des champs de Komé, Miandoum et Bolobo (les effets « Doba »). Avant que ces travaux ne commencent, beaucoup d'opérateurs camerounais et tchadiens ont cru que ce projet allait stimuler leurs économies respectives, et que beaucoup de marchés seraient à prendre soit directement soit indirectement par des effets d'entraînement (développement de la sous-traitance). 16 Les exportations du Tchad sont restées autour de la moyenne de 132 milliards FCFA jusqu'en 2003. C'est à partir de 2003, et notamment avec la production pétrolière que le niveau des exportations a doublé en 2003 et triplé en 2004 et 2005 Tableau 1 : Exportations des biens et services et du pétrole du Tchad entre 1970 et 2005 (en milliards)
Source : rapport de banque de France pour la zone franc de 1980, 1985, 1990, 2005 et INSEED
Source : INSEED L'évolution des importations et des exportations du Tchad nous permet d'observer que le solde de la balance commerciale passant d'un déficit de 800 milliards de FCFA (1 379,7 millions de dollars) dans les années 70 à un excédent de 260,4 milliards de FCFA (492 millions de dollars) à l'ère pétrolière. Ainsi le pétrole devient le premier poste d'exportation, comptant désormais pour près de 90% des recettes d'exportation. Les exportations pétrolières sont ainsi passées de 8,6 millions de barils en 2003 à 61,3 millions de barils en 2004, correspondant à un bond exceptionnel des ventes, qui décollent de 115 milliards FCFA (224,2 millions de dollars) en 2003 à 588, 5 milliards FCFA en 20056. Le niveau des exportations est vite relevé par l'introduction des exportations pétrolières dans le schéma traditionnel du circuit économique. 6 Source: INSEED. On comprend ainsi l'importance de la faiblesse des exportations tchadiennes influencées par le secteur agro-pastorale avant le pétrole et l'importance des exportations pétrolières dans la nouvelle structuration. Le pétrole a donc permis une augmentation considérable du niveau des exportations du Tchad. Les années 2004 et 2005 sont celles qui ont changé véritablement le comportement des exportations (atteignant 1690 milliards FCFA en 2005)7. C'est pourquoi, les exportations occupent une place très importante dans la structure économique du pays même si elles ne lui permettent pas de sortir de l'auberge de la pauvreté. L'injection de la rente pétrolière a provoqué une très forte croissance du PIB. 1.2- Nature des produits importés Elles comprennent l'ensemble des biens et services fournis par les non résidents à des résidents. Les importations regroupent la valeur de l'ensemble de biens et services destinés à l'étranger. Cette donnée inclut la valeur des marchandises, du fret, des assurances, transports, etc. En effet, la division internationale du travail implique qu'une partie des biens de consommation finale et d'équipement fasse l'objet d'importations et d'exportations. Et il en va naturellement de même pour les consommations intermédiaires. Dès lors, l'accroissement du produit et du revenu total se traduit en général par une croissance des importations. Au Tchad, avec l'implantation des sociétés pétrolières et sous traitantes, une attention mérite bien d'être prêtée aux importations. Dépourvue d'industrie de transformation et enclavé de surcroît, c'est vers les pays voisins que le Tchad va chercher une bonne partie des produits nécessaires à la satisfaction des besoins les plus élémentaires de sa population. En effet, 43% des importations tchadiennes sont constituées de biens de consommations courants contre 17% seulement de biens d'investissement. La mauvaise répartition des importations par rapport aux produits se double d'une répartition très inégale au niveau des sources d'approvisionnement. Depuis les années 70 jusqu'en 2005, les produits pétroliers sont les produits les plus importés en volume tout comme en valeur. Toujours en quantité, en seconde place se trouvent la farine, le ciment, les engrais, les céréales et le sucre. Ensuite viennent les machines et appareils mécaniques, les véhicules, les produits du papier et les produits pharmaceutiques. 7 Idem 18 Parmi les biens de consommation courante des ménages, il faut citer les produits alimentaires divers, qui sont pour la plupart des produits manufacturés, les boissons, le tabac, dont une partie entre dans la fabrication des cigarettes (MCT) et le textile. Les biens d'équipement entrés sur le territoire, en dehors des admissions temporaires, ont également un poids important dans les importations (15%). Le Nigeria fournit à lui seul les 80,22 % du carburant consommé au Tchad8. Il est évident que si le Tchad avait la possibilité d'acheter son carburant à plusieurs autres fournisseurs que le Nigeria, le problème se poserait avec beaucoup moins d'acuité. Un autre exemple concerne les matériaux de construction dont le ciment qui est fourni exclusivement par le voisin camerounais. Le prix pratiqué sur le marché n'est ni plus ni moins qu'un prix de monopole. Tableau 2 : Importation des biens et services 1972 et 2005 du Tchad (en milliards de Fcfa)
Source : INSEED et rapport de banque de France pour la zone franc.
Source : INSEED Les importations ont chuté d'environ 20% en passant de 900 milliards FCFA à 778 milliards FCFA pour 2003. Cette baisse coïncide avec la fin du projet pétrolier et le retrait des investisseurs, (le secteur pétrolier constituant à lui seul 63 % du total des importations) Les données en volume du commerce extérieur, recueillies auprès des entreprises enquêtées et de l'administration, font ressortir une évolution mitigée des exportations et des importations des biens et services en fin décembre 2005, par rapport à la même période de l'année 2006. En ce qui concerne les importations, celles des hydrocarbures, des biens de 8 Idem consommation alimentaires et des matériaux de construction ont baissé respectivement de 4,1%, de 6,6% et de 3%. Parallèlement, celles des équipements industriels et de transport chutent de 47,8%. En revanche les entrées des autres produits ont progressé. Les importations devraient également croître de 3,6%, en termes réels, en liaison avec la hausse des dépenses publiques. 2. Orientation géographique des échanges du Tchad de 1972-2005 Il est question de voir les clients et les fournisseurs du Tchad. 2.1- Clients du Tchad Le Tchad, tout comme une grande partie des pays de la zone franc à des degrés divers, entretient des relations commerciales non négligeables avec la sous région et le reste du monde. Deux types de déterminants se dégagent et peuvent jouer ensemble. Le premier, plus immuable dans le temps, concerne la spatialisation naturelle de zones géographiques, qui constitue d'ailleurs, la base du commerce précolonial de longue distance. Le second type de déterminants repose sur des différentiels de prix induits par l'adoption de politiques économiques différentes de chaque coté des frontières. Par exemple, les restrictions commerciales imposées par le gouvernement nigérian au cours des années 1980 ont eu pour effet de développer le commerce informel avec les pays voisins au lieu de diminuer les importations de biens. Les principaux pays partenaires à l'exportation du Tchad sont d'abord les pays frontaliers que sont le Cameroun, le Nigeria, le Soudan, la Libye et le Niger. Les autres pays sont la France, la Belgique - Luxembourg, les Etats-Unis d'Amérique, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume Uni et la Chine populaire. Pour les hydrocarbures par exemple, le Tchad n'entretient de relations qu'avec ses voisins les plus proches. En somme, les années 1972-2005 n'étaient pas favorables pour le commerce extérieur du Tchad en termes de la balance commerciale, dans la mesure où son importation est plus intéressant que son exportation du fait de la diversification de ses produits (on ne peut citer que le coton et le bétail dans les années 80). 2.2- Fournisseurs du Tchad La part des importations de la CEMAC et du reste des pays de l'Afrique Sub- saharienne est supérieure à celle des exportations du reste monde, soit respectivement 7% et 15%. Les importations formelles de la CEMAC englobent essentiellement les produits alimentaires, notamment les légumes. Plus de la moitié des importations du Tchad viennent de l'Europe. Ce taux est croissant avec le projet de Doba, tout comme les importations en provenance des Etats-Unis. La France est la plus grande source des importations, suivie des pays voisins (Nigeria, Cameroun) et les Etats-Unis. Les autres partenaires commerciaux sont: l'Allemagne, la Belgique, l'Arabie Saoudite, et la Russie.
I Graphique 1 : les principaux fournisseurs du Tchad. 100% 40% 80% 60% 20% 0% 44% ' France CAMEROUN NIGERIA USA INE POPULAIRE JAPON PAYS-BAS Belgique-... Italie ROYAUME UNIS Allemagne DIVERS NDCA )N EUROPENNE TOTAL 17%13% 7% 3% 3% 2% 5% 4% 3% 0% 0% 0% 20 En somme dans les années 1972-1997, la France, le Cameroun et le Nigeria sont des gros fournisseurs du Tchad avec la moyenne respective 44%, 17% et 13%. La tendance est la même jusqu'en 2005. |
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