AVANT PROPOS
Le Dossier de Politique Economique (DPE) est un document
élaboré dans le cadre de la formation de l'Auditeur en Gestion de
Politique Economique (GPE). Il a pour objectif d'accroître les aptitudes
de l'Auditeur, à analyser un problème économique et
à proposer des solutions pertinentes.
Ce DPE est conçu suivant la rigueur de la
démarche scientifique à savoir l'identification d'un sujet de
politique économique, la définition des objectifs de
l'étude, la méthodologie d'approche, les principaux
résultats obtenus ainsi que les recommandations pour résoudre les
problèmes mis en évidence par l'étude.
Réalisé par l'Auditeur, sous la conduite d'un encadreur que lui
affecte le Programme GPE, ce dossier comprend deux parties : la
«Note de Synthèse» qui fait le résumé
de l'étude et le « Dossier
Technique » qui est le rapport détaillé de
l'étude.
La présente étude relative à la
«Gestion de la masse salariale dans le budget de l'Etat
ivoirien : état des lieux et politiques de
maîtrise » a été traitée dans
cette optique. Elle a pour objectif de permettre une meilleure
compréhension de la hausse non contenue des dépenses de salaires
dans le budget de l'Etat, et de proposer des mesures pour maîtriser la
pression de la masse salariale sur les recettes fiscales, afin de ramener le
ratio masse salariale/recettes fiscales au niveau de la norme communautaire de
35% de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
REMERCIEMENTS
L'élaboration de cette étude relative
à la « Gestion de la masse salariale dans le budget de
l'Etat ivoirien : état des lieux et politiques de
maîtrise » n'a pas été un exercice
aisé eu égard aux difficultés pour obtenir certaines
informations et données.
Toutefois, grâce à la sollicitude et à
la disponibilité de certaines personnes qui ont bien voulu nous fournir
des informations, nous orienter dans nos recherches, nous encadrer, nous donner
des conseils, le présent travail a été possible.
C'est pourquoi, dans l'impossibilité de citer ici,
tous ceux qui ont apporté des contributions, nous voudrions
témoigner notre profonde gratitude, particulièrement
à :
- Docteur POKOU Koffi, Enseignant Chercheur
à l'UFR-SEG/CIRES d'Abidjan, qui malgré ses
nombreuses charges académiques et administratives, a bien voulu diriger
cette étude ;
- Monsieur BEUGRE D. Casimir, Directeur de
l'Administration du SIGFiP, pour sa disponibilité, ses
conseils et son soutien moral et matériel.
Nos remerciements vont également à l'endroit
du personnel de l'Administration du Programme GPE, avec à sa tête
Docteur SECA Assaba Paul, pour l'appui logistique dont nous
avons bénéficié ainsi que les Auditeurs GPE 11 pour leur
collaboration, dans l'élaboration de ce document.
Je n'oublie pas ma famille (Mlle KOUASSI Rosine et KOUAKOU
Rassou Nora J.) pour sa compréhension et son soutien moral.
Puisse le Tout-Puissant dans son infinie
bonté, vous inonder de ses grâces.
NOTE DE
SYNTHESE
La part du budget consacrée au fonctionnement du
secteur public ivoirien, et en particulier aux charges de personnel,
s'accroît progressivement, au détriment d'une affectation
conséquente de moyens aux dépenses d'investissements publics.
Compte tenu des besoins de plus en plus grandissants de sa population et de la
rareté de ses ressources financières, la Côte d'Ivoire
mène des politiques d'assainissement de ses finances publiques, en
optimisant ses dépenses.
Cette étude a été réalisée
dans le cadre de l'assainissement des finances publiques,
précisément dans la perspective de recherche de solutions pour la
gestion efficiente des dépenses de personnel. Elle a pour objectif de
permettre une meilleure compréhension de la hausse non contenue des
charges salariales dans le budget de l'Etat, et de proposer des mesures pour
maîtriser la pression de la masse salariale sur les recettes fiscales,
afin de ramener le ratio masse salariale/recettes fiscales au niveau de la
norme communautaire de l'UEMOA.
Pour atteindre cet objectif, l'étude a porté,
dans un premier temps, sur l'analyse du système actuel de pilotage des
dépenses de personnel par l'examen des processus de programmation et de
contrôle des effectifs des fonctionnaires, de budgétisation de la
masse salariale, de traitement et de contrôle de la paie des salaires
à travers une revue documentaire. Dans un second temps, les facteurs qui
affectent les charges salariales, notamment l'évolution des effectifs
des agents de l'Etat, les mesures dites générales, les mesures
dites catégorielles et l'évolution du niveau des recettes
fiscales, ont été identifiés, à l'aide d'analyse
statistique descriptive des données collectées.
Les résultats de ces analyses ont montré que la
hausse des dépenses de personnel est essentiellement liée aux
dysfonctionnements des processus de programmation et de contrôle des
effectifs des agents de l'Etat, à l'augmentation des effectifs des
fonctionnaires et au ralentissement du niveau d'accroissement des recettes
fiscales.
Face à cette situation préoccupante,
l'étude a recommandé les mesures suivantes :
Ø L'amélioration du système de
contrôle et de gestion des effectifs des agents déjà en
fonction par le recensement desdits agents, le renforcement des
contrôles, la responsabilisation des Gestionnaires de Ressources Humaines
(GRH) des départements ministériels et la mise en place d'une
base de données unique pour la gestion des fonctionnaires ;
Ø La réduction du nombre de nouveaux
recrutements par l'arrêt d'embauches de certaines catégories
d'agents, l'harmonisation et la réduction du nombre de fonctionnaires
dans certains services ;
Ø L'amélioration de la budgétisation
des dépenses de personnel par l'éclatement des dépenses de
salaire par service ;
Ø L'amélioration du processus de traitement
et de contrôle de la paie par la décentralisation de la
procédure de la paie et la déconcentration des services de la
Solde ;
Ø L'accroissement du niveau des recettes fiscales
par la lutte contre la fraude, la sensibilisation des acteurs au civisme fiscal
et l'informatisation de tous les services chargés de collecter des
recettes fiscales.
DOSSIER TECHNIQUE
SOMMAIRE
Page
SIGLES ET
ABREVIATIONS
AFRODAD: African
Forum and Network
on Debt and
Development
CFA :
Communauté Financière
Africaine
CGRAE : Caisse
Générale de Retraite des
Agents de l'Etat
CIRES : Centre
Ivoirien de Recherches
Economiques et Sociales
DBE : Direction du
Budget de l'Etat
DCB : Direction du
Contrôle Budgétaire
DCPE : Direction de
la Conjoncture et de la Prévision
Economique
DGBF : Direction
Générale du Budget et des
Finances
DGD : Direction
Générale des Douanes
DGI : Direction
Générale des Impôts
DGTCP : Direction
Générale du Trésor et de
la Comptabilité Publique
DPCE : Direction de
la Programmation et du Contrôle des
Effectifs
DPE :
Dossier de Politique
Economique
DPEG : Direction de
Politique Economique
Générale
DSRP : Document de
Stratégie pour la Réduction de
la Pauvreté
EPT : Ecole
Pour Tous
FDS : Forces de
Défense et de
Sécurité
FMI : Fonds
Monétaire International
GHR : Gestion des
Ressources Humaine/Gestionnaire des
Ressources Humaines
PAS : Programme
d'Ajustement Structurel
PIB : Produit
Intérieur Brut
PPTE : Pays
Pauvre Très
Endetté
PVD : Pays en
Voie de Développement
UEMOA : Union
Economique et Monétaire
Ouest Africaine
UFR-SEG : Unité
de Formation et de Recherche en
Sciences Economiques et de
Gestion
SIGFiP :
Système Intégré de
Gestion des Finances
Publiques
TOFE : Tableau des
Opérations Financières de
l'Etat
LISTE DES
TABLEAUX
Page
LISTE DES
GRAPHIQUES
Page
I. INTRODUCTION
1.1. La
justification de l'étude
Défini comme l'acte par lequel sont prévues et
autorisées les recettes et les dépenses de l'Etat, pour une
période donnée (exercice budgétaire), le budget de l'Etat
ou Loi de Finances est caractérisé par le respect de l'orthodoxie
budgétaire. Outre l'observation des principes d'unité,
d'universalité, d'annualité et de spécialité, le
budget doit être présenté équilibré en
recettes et dépenses, selon la tradition budgétaire.
La recherche de cet équilibre est à la base de
la conception des politiques budgétaires qui, de plus en plus, mettent
l'accent sur la maîtrise de la croissance des dépenses publiques
à cause de la rareté des ressources financières, surtout
dans les PVD. Ces politiques se sont traduites par de nombreuses
réformes structurelles et administratives mises en oeuvre, avec l'appui
des partenaires financiers et ce, depuis le début des PAS dans de
nombreux PVD. Ces réformes sont destinées, pour l'essentiel,
à maîtriser les charges financières de l'appareil
administratif sur le budget national. Elles visent également
l'amélioration de l'efficacité de l'administration dans sa
mission de pourvoyeur de services publics et dans son rôle de promoteur
du développement économique. Ces changements ont
été parfois jugés austères par certaines
populations parce qu'ils limitent le plus souvent des actions dans les domaines
de la santé et de l'éducation (AFRODAD, 2006).
Toutefois, ces réformes entreprises s'avèrent
justifiées parce que, l'administration publique est l'objet de toutes
les critiques ouvertes, légitimes ou non, sur non seulement son
efficacité mais surtout sur sa taille et ses dépenses (DPEG,
2006). Zerrouq (2001) montre que la masse salariale influence d'une
façon très importante le creusement du déficit
budgétaire structurel au Maroc. En fait, les dépenses de
personnel ont augmenté de 1,7 point du PIB entre 1997 et 2001 tandis que
le déficit structurel s'est aggravé de 1,5 point du PIB entre
temps, atteignant 4,4% du PIB pour l'exercice 2001. Par conséquent, il
apparait nécessaire de réorienter la structure des
dépenses publiques en compressant le coût de fonctionnement du
secteur public au profit des dépenses d'investissements publics qui
pourraient entraîner la croissance économique.
C'est dans la perspective d'assainissement de ses finances
publiques que la Côte d'Ivoire, à l'instar des autres PVD, tente
d'optimiser ses dépenses compte tenu des besoins croissants de sa
population et de la rareté de ses ressources financières.
La part du budget consacrée au fonctionnement du
secteur public ivoirien, et en particulier aux charges de personnel,
s'accroît de plus en plus au détriment d'une affectation
conséquente de moyens aux autres postes de dépenses, notamment
les dépenses d'investissements publics. En effet, les dépenses
salariales n'ont cessé d'augmenter ces dernières années,
passant de 454,1 milliards en 2000 à 814,1 milliards en 2010, avec un
ratio masse salariale/recettes fiscales qui est passé de 37%, en
moyenne, sur la période 1995-1999 à 43% entre 2000-2010. Ces
ratios excèdent la norme communautaire de 35% de l'UEMOA.
Face à cette situation, il apparaît
nécessaire de s'interroger sur les causes de l'accroissement
effréné de la masse salariale et les solutions pour y
remédier. Autrement dit, qu'est-ce-qui pourrait expliquer cette hausse
des dépenses de salaires dans le budget de l'Etat ? Et comment
faire pour freiner l'accroissement non contenu desdites
dépenses ?
Le présent dossier de politique économique vise
à apporter des réponses à ces préoccupations.
1.2. Les objectifs de
l'étude
L'objectif général de cette étude est de
permettre une meilleure compréhension de l'évolution des
dépenses de salaires dans le budget de l'Etat, et de proposer des
mesures pour maîtriser la pression de la charge salariale sur les
recettes fiscales, afin de ramener le ratio masse salariale/recettes fiscales
au niveau de la norme communautaire de 35% de l'UEMOA. De façon
spécifique, il s'agit :
§ .d'analyser les processus actuels de programmation et
de contrôle des effectifs des fonctionnaires, de budgétisation de
la masse salariale, de traitement et de contrôle de la paie ;
§ de mettre en évidence les facteurs qui
influencent l'évolution de la masse salariale ;
§ de recommander des politiques économiques pour
la gestion efficiente du personnel de l'Etat et pour la maîtrise des
facteurs qui influencent l'évolution de la masse salariale.
1.3. L'intérêt de
l'étude
Cette étude, qui rentre dans le cadre des politiques
d'assainissement des finances publiques, permettra à l'Etat de
maîtriser la masse salariale afin de dégager des ressources
additionnelles qui pourraient être réaffectées à des
dépenses d'investissements publics, en particulier les dépenses
pro-pauvres. Elle ouvre également une perspective pour
l'amélioration de la performance de l'administration publique.
1.4 L'approche
méthodologique de l'étude
La méthodologie de l'étude repose
essentiellement sur la revue documentaire, la collecte et le traitement des
données.
§ La revue documentaire
La revue documentaire a consisté à la
consultation de documents de travail (rapports, des études, etc.) des
services des Ministères de l'Economie et des Finances et de la Fonction
Publique et de l'Emploi qui ont en charge le pilotage des dépenses de
personnels. Elle a été complétée par les entrevues
avec des responsables et agents desdits services pour des éclairages sur
des points précis. Cela a permis de valoriser les données
existantes, d'analyser et de cerner le fonctionnement des différents
processus de programmation et de contrôle des effectifs, de
budgétisation de la masse salariale, du traitement et du contrôle
de la paie des salaires.
§ La collecte et le traitement des données
de l'étude
Les données utilisées sont issues des services
de la Direction Générale du Budget et des Finances (Direction de
la Solde, Direction de l'Administration du SIGFiP), de la Direction
Générale de l'Economie (Direction de la Conjoncture et de la
Prévision Economique) du Ministère de l'Economie et des Finances.
Ces données portent sur les dotations financières au titre des
rémunérations et les effectifs des fonctionnaires et agents de
l'Etat de 2000-2010. Le choix de cette période s'explique par le fait
que ces données ne sont pas exhaustives sur les périodes
antérieures à 2000, particulièrement les effectifs des
fonctionnaires et agents de l'Etat.
Les données collectées ont été
traitées avec le logiciel EXCEL, pour l'élaboration des tableaux
et les illustrations graphiques. Ces tableaux et graphiques ont permis de faire
les différentes analyses statistiques telles que la comparaison des taux
d'évolution des dépenses de personnel avec ceux des effectifs des
fonctionnaires et du niveau des recettes fiscales, l'écart entre le
budgets prévu et réalisé des salaires ou le poids des
charges salariales dans les dépenses courants.
La suite de cette étude est organisée autour de
trois points. D'abord, elle fait une revue de littérature qui consiste
à rappeler les fondements des politiques de réduction des
dépenses de fonctionnement, en particulier les dépenses de
salaires dans le budget de l'Etat, et quelques débats et positions
autour de ces politiques. Ensuite, elle analyse le processus actuel de pilotage
de la masse salariale et les facteurs qui l'affectent. Enfin, elle propose des
mesures pour réduire le ratio masse salariale/recettes fiscales, avant
de conclure.
II. LA REVUE DE LA
LITTERATURE
La gestion des finances publiques a toujours été
au centre des préoccupations des Etats dans leurs différentes
politiques de croissance et de développement économique. Comme
l'affirment Arwright et al. (2006), depuis l'antiquité le
pouvoir politique s'est toujours soucié de l'organisation de ses
finances. Aussi, dira Schumpeter en 1942, « ce sont les besoins
financiers qui ont été à l'origine de l'Etat ».
Ces besoins financiers qui n'ont cessé de
croître, à cause de l'action publique qui couvre de nombreux
secteurs (extension des domaines d'intervention de l'État,
développement des infrastructures publiques et amélioration du
système de protection sociale), ont entraîné une
augmentation continue des dépenses de fonctionnement des administrations
publiques, créant ainsi des déficits budgétaires publics
importants (Paul et Pavot, 2006).
La gestion de ces déficits fait l'objet de controverses
au sein des économistes. Pour les keynésiens, la politique
budgétaire constitue un instrument de régulation
privilégié car selon eux, en période de ralentissement,
l'Etat doit soutenir l'activité économique par des
dépenses supplémentaires destinées à relancer
l'économie ; et, il doit réduire ses dépenses quand
l'activité reprend et que se manifeste un risque inflationniste ou une
tendance au déficit extérieur. Quant aux auteurs libéraux,
ils privilégient la force du marché et préconisent une
faible intervention de l'Etat par une compression des recettes fiscales, des
dépenses et du déficit (Echaudemaison, 2009).
La politique budgétaire consiste donc à utiliser
le budget de l'Etat pour atteindre certains objectifs. Elle peut agir sur les
recettes ou sur les dépenses pour relancer ou stabiliser
l'activité économique. C'est dans cette optique que certains
pays, avec l'appui des partenaires au développement, notamment les
institutions de Bretton Woods, adoptent conjointement des politiques
économiques rigoureuses adéquates, pour leur croissance
économique. Ces mesures qui ont pour objectif principal de veiller
à l'assainissement du cadre macroéconomique, sont prescrites en
fonction des caractéristiques des pays et des objectifs visés,
comme l'attestent les travaux de Baldacci et al. (2003). Ils
démontrent que la politique budgétaire doit être
adaptée au contexte de chaque pays pour stimuler la croissance
économique. En d'autres termes, une approche uniforme, où il est
conseillé à tous les pays de réduire leur déficit
quel que soit le contexte, n'est pas appropriée.
Parmi les différentes mesures
préconisées, figurent celles relatives à la maîtrise
des dépenses de fonctionnement des administrations, en particulier des
dépenses de personnel. Selon les travaux de Paul et Pavot (2006), les
politiques budgétaires actuellement appliquées dans les pays
européens mettent, de plus en plus, l'accent sur la maîtrise
durable de la croissance des dépenses publiques. L'intérêt
d'une telle stratégie est, non seulement la nécessité de
mener des politiques de consolidation budgétaire, mais également
de conserver des finances publiques saines sur le long terme. Toutefois, si ces
mesures de politiques économiques ont été parfois à
la hauteur des résultats escomptées dans certains pays, de
nombreux économistes et praticiens soulignent que l'approche
adoptée par les partenaires au développement et en particulier le
FMI pour aider les gouvernements à atteindre des niveaux de croissance
économique plus élevés ou à réduire la
pauvreté a échoué (AFRODAD, 2006).
Les résultats mitigés de ces mesures ont
suscité et continuent de meubler des débats contradictoires au
sein des spécialistes et experts des politiques économiques,
comme en témoignent les études et analyses faites à ce
sujet.
Parlant des réformes mises en oeuvre en Afrique dans le
domaine de la fonction publique, Dia (1993) relève que huit pays sur un
échantillon de quinze ayant réalisé une réduction
d'effectifs, ont enregistré des augmentations de la masse
salariale : c'est le cas du Sénégal. Et même ceux
parmi ces pays, comme le Ghana, qui ont enregistré une réduction
de la masse salariale, ont vu les coûts liés aux indemnités
de licenciement augmenter et égaler les gains à court terme
réalisés grâce à la réduction des
effectifs.
En outre, la réduction des salaires et le
dégraissage de l'Administration Publique n'ont pas toujours
été bien accueillis tant par les autorités censées
les appliquer que par les travailleurs eux-mêmes, à cause des
nombreuses conséquences sociales. A titre d'illustration, en 1991 en
Côte d'Ivoire, quand le pays était pratiquement en cessation de
paiement, les bailleurs de fonds ont suggéré une réduction
des salaires. Cette mesure préconisée n'a pas pu être
appliquée à cause du refus des syndicats des travailleurs.
Selon le Rapport 2006 d'AFRODAD, il ressort que quand le FMI
introduit une limitation de la masse salariale du secteur public, « les
plafonnements deviennent permanents », et même si les conditions
changent, la limitation demeure. Et « le fait que les limitations de la
masse salariale soient maintenues peut indiquer qu'ils constituent une
solution, mais au bout du compte, ils ne résolvent pas les
problèmes qu'ils tentent de résorber ».
Le même rapport indique qu'une étude
réalisée en 2006 sur quatre pays couverts par le FMI
révèle que les limitations salariales ont eu un impact
négatif sur les ratios enseignant/élèves dans les
écoles primaires : « les conditionnalités
difficiles imposées par le FMI continuent à anéantir les
efforts visant à améliorer la qualité de
l'éducation scolaire comme en atteste les taux d'abandon accrus en
Éthiopie, les ratios accrus élèves/enseignant au Malawi et
en Zambie et l'incapacité de l'État à former et à
recruter des enseignants qualifiés ».
Cependant, les mêmes mesures prescrites par ces
partenaires et mises en oeuvre dans d'autres pays ont permis aux Etats
concernés de réussir leur politique de maîtrise des
dépenses en général, et particulier les dépenses de
personnel dans l'Administration Publique. Baldacci et al. (2003),
montrent que parmi les pays à faible revenu ayant appliqué un
programme d'ajustement pendant les années 90, les Etats qui ont
réduit les déficits budgétaires de moins d'un demi-point
du PIB pendant la période considérée, par la compression
des dépenses courantes (par exemple les traitements et salaires), ont
enregistré une croissance additionnelle du revenu par habitant de 0,5 %
par an, pendant cette période de mise en oeuvre des PAS.
Les travaux de Cannac (1999) révèlent
également qu'il y a une corrélation positive entre
l'évolution du taux de chômage et celle du pourcentage du PIB
consacré à la rémunération des agents publics.
Ainsi, au cours des années 1990, le chômage a augmenté en
France en même temps que la dépense salariale des administrations.
Au contraire, le Royaume-Uni a connu dans le même temps une forte
diminution des dépenses salariales publiques et une réduction
parallèle du chômage. En fait, le financement d'une partie
importante de la dépense par des cotisations sociales qui alourdissent
le coût du travail, conduit les entreprises à réduire les
embauches et à privilégier la substitution du capital au travail.
En outre, une partie de la ressource publique est consacrée à des
dépenses de redistribution, qui peuvent, lorsqu'elles sont mal
conçues, détourner du travail une partie de leurs
bénéficiaires.
Par ailleurs, Zerrouq (2001) indique que la réforme de
l'administration et de l'emploi dans le secteur public a contribué d'une
façon déterminante à l'assainissement de la situation
financière italienne : grâce à un gel des embauches,
le nombre des agents publics a été réduit et les
dépenses pour les salaires publics sont passées de 12,8% du PIB
au début des années 90 à 10,6% du PIB en 2001.
III. L'ANALYSE DE LA GESTION
DE LA MASSE SALARIALE
3.1. Le
processus de pilotage de la masse salariale
L'analyse du processus de pilotage de la masse salariale
consiste à passer en revue la définition et la composition des
éléments constitutifs des dépenses de personnel, à
examiner les systèmes de programmation et de contrôle des
effectifs, de traitement et de contrôle de la paie.
3.1.1. La définition et
la composition de la masse salariale
La masse salariale est principalement composée des
dépenses liées aux rémunérations directes ou
indirectes, perçues par les fonctionnaires et agents de l'Etat telles
que les rémunérations principales, les salaires, les primes et
indemnités, les charges employeurs, les impôts et les taxes assis
sur les rémunérations. Sa structure est
généralement fonction du statut de l'agent recruté, de son
service et de son lieu d'affectation.
Les agents de l'administration peuvent être
regroupés en deux grands groupes à savoir :
· Le personnel civil (les fonctionnaires, les
contractuels et les journaliers, etc.) ;
· Le personnel militaire et paramilitaire (militaires,
gendarmes et policiers, etc.).
Les dépenses relatives aux différentes
rémunérations des agents de l'Etat sont clairement
spécifiées et classées par nature économique dans
le budget, tout comme les autres dépenses publiques, conformément
à la méthodologie de la nomenclature budgétaire, comme
indiqué dans le tableau 1. En effet, la vaste réforme des
finances publiques entreprise par la Côte d'Ivoire, a permis de mettre en
place en 1998 une méthodologie (nomenclature
budgétaire) qui permet d'imputer une dépense
budgétaire en fonction de la fonction administrative
(destination fonctionnelle) et du type
administratif (destination administrative)
du service ainsi que les moyens (natures
économiques) mis à sa disposition.
Tableau
1 : Natures économiques des dépenses de
personnel (budget 2009)
Source : SIGFiP, 2010
3.1.2. La programmation et le
contrôle des effectifs des fonctionnaires et agents de l'Etat
La programmation des effectifs se fait au cours des
conférences de programmation, conformément à la politique
globale de recrutement de l'Etat. Au cours de ces conférences, des
gestionnaires de personnels des ministères techniques viennent
défendre leurs besoins en personnels devant les services
compétents du Ministère de la Fonction Publique. Au terme des
différentes conférences de programmation, un document de
synthèse produit par les services du Ministère de la Fonction
Publique et de l'Emploi est soumis à la DGBF pour une prise en charge
financière de des nouveaux agents à engager.
Le processus de collecte et de traitement des informations
relatives à cette programmation des effectifs n'étant pas
automatisé, les risques d'erreur peuvent être
élevés.
Il est à noter que, seuls les effectifs des
fonctionnaires civiles sont soumis à cet exercice. Les recrutements des
autres agents de l'Etat, tels que les contractuels et les journaliers, qui sont
en général de l'initiative des services qui les emploient,
échappent aux services du Ministère de la Fonction Publique et de
l'Emploi.
L'engagement des agents de la Police Nationale et des
militaires, étant respectivement du ressort des Ministères de la
Sécurité et de la Défense, la programmation et le
contrôle de leurs effectifs échappent aussi au contrôle des
services du Ministère de la Fonction Publique et de l'Emploi. Il en est
de même du suivi de leurs dépenses salariales. Comme l'illustre le
graphique 1, ces dépenses sont une part importante de la masse
salariale : elles représentent un peu plus de 1/5 du total des
salaires, sur la période 2000-2010.
Graphique 1 : Evolution de la
masse salariale par type de personnel (en pourcentage)
Source : L'auteur, à partir des
données de la Direction de la Solde
3.1.3. La budgétisation
de la masse salariale
La budgétisation a pour objectif de déterminer
l'enveloppe de crédits alloués aux dépenses de personnel.
Elle se déroule généralement en année n pour
l'exercice n+1, au cours des conférences budgétaires. Cette
budgétisation se base sur les éléments d'exécution
de la masse salariale de l'année n-1 et les résultats de
l'incidence financière de la programmation des effectifs des
recrutements nouveaux de l'année n. Les acteurs de ce processus sont la
DGBF (la DBE, la Direction de la Solde et la DCB) et les services du
Ministère de la Fonction Publique et de l'Emploi (la DPCE).
A l'issue des conférences budgétaires, les
montants des dépenses salariales arrêtés sont
affectés de façon globale par département
ministériel, et non par service, où elles sont
exécutés. Le graphique 2 montre les résultats de la
budgétisation et de l'exécution de la masse salariale sur la
période 2000-2010. Il fait ressortir des écarts non
négligeables entre les dépenses de salaires
prévisionnelles et réalisées, depuis l'année 2002.
Les déficits constatés (2001, 2002, 2005, 2006,
2007 et 2008) sont liés à la prise en compte, au cours de la
gestion, des dépenses de personnel non prévus dans le budget
initial adopté : il s'agit par exemples, des engagements de
nouveaux agents (surtout les contractuels) et de la revalorisation des
traitements de certaines catégories d'agents au cours de la gestion.
Quant aux excédents enregistrés (2000, 2003, 2004 et 2009), ils
sont dus au non respect de certains engagements pris par l'Etat, souvent
contraint par le manque de trésorerie ou par les prescriptions des
institutions de Bretton Woods. Ce fut le cas de la réduction de la masse
salariale d'environs 4 milliards en 2009, dans le cadre de la mise en oeuvre de
l'initiative PPTE.
Graphique 2 : Ecarts entre les
dépenses de salaires prévisionnelles et réalisées
(en milliards de francs CFA)
Source : L'auteur, à partir des
données du SIGFiP
3.1.4. Le traitement et le
contrôle de la paie
Les contrôles s'effectuent sur pièces par la
Direction de la Solde à partir d'informations provenant d'actes
administratifs générateurs de dépense de personnel,
initiés par les différents services chargés de la gestion
administrative de la carrière des fonctionnaires et agents de l'Etat.
Ces actes émis doivent, au regard de leur incidence financière,
être authentifiés. Cela consiste en la vérification de la
qualité et de la signature de l'autorité compétente,
signataire de l'acte.
Quant au traitement, il s'opère en deux
étapes : l'ordonnancement par la Direction de la Solde et la prise
en charge par les services de la DGTCP, à travers le logiciel SOLDE AN
2000. Des contrôles sont effectués au cours de ces deux phases sur
les montants à payer et éventuellement sur les pièces
justificatives afférentes.
Toutefois, malgré les différents
contrôles, les cas de fraudes ou tentatives de fraudes constatées
sur les actes administratifs sont variées et multiformes. Les cas
récurrents portent sur les éléments suivants:
- les extraits d'actes de naissance, pour
bénéficier d'allocations familiales ;
- le temps effectif de service ;
- les missions hors Côte d'Ivoire.
A ces fraudes, s'ajoutent celles relatives aux
indemnités de responsabilités dont le contrôle
s'avère délicat à cause de la mobilité des
fonctionnaires dans l'exercice de leur fonction.
Par ailleurs, les initiateurs des actes
générateurs des dépenses de personnel ne sont ni
connectés au logiciel SOLDE AN 2000 ni associés de façon
permanente aux contrôles effectués par la Solde. Il y a
également le traitement de la solde des militaires qui échappent
aux services de la Direction de la Solde.
Aussi, le traitement, par la Direction de la Solde, des
transferts de soldes consécutifs aux mouvements des fonctionnaires au
sein des différentes structures de l'Etat, n'est pas automatique. Par
exemple, le traitement de la solde d'un agent qui passe d'un service en central
à un EPN ou vice-versa, peut mettre plusieurs jours. Cette situation
peut également affecter la masse salariale du fait des doubles
paiements.
Quoiqu'il n'y ait pas de données chiffrées
relatives aux résultats des dysfonctionnements du système de
pilotage de la masse salariale, il est évident que cette situation
entraîne la hausse des charges salariales, à cause des fraudes,
des doubles paiements, des paiements indus, etc.
3.2. Les facteurs
influençant l'évolution de la masse salariale
L'analyse de l'évolution de la masse salariale est une
opération complexe en raison de la multiplicité des facteurs qui
l'influencent.
Toutefois, le présent dossier s'intéressera
à l'impact sur la masse salariale, de la variation des facteurs
suivants :
· l'évolution des effectifs des fonctionnaires
et agents de l'Etat
· les mesures dites
générales ;
· les mesures dites
catégorielles ;
· l'évolution du niveau des recettes
fiscales.
3.2.1. L'effet de
l'évolution des effectifs des fonctionnaires et agents de l'Etat
L'effet de l'évolution des effectifs sur les
dépenses de salaires peut s'apprécier par l'effet des
« entrées » et des « sorties »
des agents1(*) sur les
dépenses de personnel par la formule suivante :
IMPACT Entrés &Sorties =
COUTS Recrutements nouveaux fonctionnaires - ECONOMIES
Départs des retraités
L'impact de l'effet des entrées et des
sorties résulte des coûts liés
aux recrutements des nouveaux fonctionnaires déduits des
économies réalisées par le faite des départs
à la retraite des anciens fonctionnaires.
Selon une étude réalisée par la Solde en
2008 (Cf. encadré), maintenir un ancien
fonctionnaire en activité est financièrement plus avantageux pour
l'Etat à court terme, que recruter un nouvel agent. De façon
générale, étant donné que le salaire de l'ancien
fonctionnaire est identique à celui du nouveau fonctionnaire, le
maintien en activité de l'ancien agent évite à l'Etat de
payer au même moment, en plus de la pension au retraité, un
salaire au nouvel agent. Cela a amené l'Etat à prendre certaines
mesures à l'endroit des fonctionnaires. Entre autres mesures, il y a la
suppression de la mise à la retraite d'un fonctionnaire ayant accompli
30 ans de service et la prorogation de l'âge limite de départ
à la retraite à 60 ans. Cette mesure qui évite de payer
des pensions à de nouveaux agents mis à la retraite chaque
année, permet à la CGRAE de résoudre progressivement le
déséquilibre financier auquel elle est actuellement
confrontée. Toutefois, selon la même étude, cette
décision prise par l'Etat induit des coûts supplémentaires
qu'il devra supporter à long terme. Ces coûts sont essentiellement
liés à l'augmentation des pensions des fonctionnaires dont le
temps d'activité a été prolongé parce qu'ils n'ont
pas été mis à la retraite à temps.
Le graphique 3 montre que sur la période 2003-2010, les
taux de croissance des effectifs des agents et de la masse salariale
évoluent avec les mêmes tendances (tendance à la hausse de
2004 à 2008, baisse en 2009 avant une reprise à la hausse en
2010). Cela signifie que la variation des dépenses de salaire est
liée à l'évolution des effectifs des agents de l'Etat.
Graphique 3 : Evolution des
taux de croissance de la masse salariale et de l'Effectif des agents de
l'Etat
Source : L'auteur, à partir des
données de la Direction de la Solde
Encadré : L'impact des
« entrées » et des
« sorties »
(0,1+6×0,05)=0,4=40% si N =30
Source : Direction de la Solde :
« l'impact sur le budget de l'Etat du maintien en activité
des enseignants et assimilés remplissant les conditions de départ
à la retraite en 2007, 2008 et 2009 », 2008
3.2.2. L'effet des mesures
générales
Ce sont des mesures de revalorisation des salaires qui
concernent la totalité ou la quasi-totalité des agents. Depuis
2000, la seule mesure prise qui touche l'ensemble des fonctionnaires a
été celle de 2008 relative à la revalorisation de
l'indemnité de transport des fonctionnaires, à la suite de la
flambée des tarifs des transports, consécutive à la hausse
du prix du pétrole. L'effet financier de cette mesure a
été de 9,8 milliards de francs CFA. Ce montant a accru la masse
salariale de 2008 de 1,4%.
3.2.3. L'effet des mesures
catégorielles
Les mesures catégorielles concernent un groupe
d'agents. Elles sont en général spécifiques à des
catégories de métiers ou d'emplois. On distingue principalement
deux types de mesures catégorielles, à savoir :
ü les mesures catégorielles statutaires :
ce sont des mesures qui entraînent une revalorisation des
carrières fixées dans les statuts particuliers (changement du
pyramidage statutaire des corps, création de nouveaux échelons,
changement de la durée des échelons, fusion des grades, etc.).
Les transformations d'emplois peuvent également être
rattachées à ces mesures catégorielles ;
ü Les mesures catégorielles
indemnitaires : ces mesures ont pour origine soit un texte, soit une
décision de gestion, et ont pour effet de revaloriser globalement les
niveaux des rémunérations accessoires versées à
certaines catégories d'agents (création d'une nouvelle
indemnité, revalorisation des taux moyens budgétaires d'une
indemnité, etc.).
Depuis 2000, ces différentes mesures
catégorielles prises, ont eu une incidence directe sur
l'évolution des dépenses de personnel. Le graphique 4 indique que
les effets financiers de ces mesures connaissent une tendance à la
hausse depuis 2007 : ils sont passés de 20,3 milliards de francs
CFA en 2007 à 45,1 milliards de francs CFA en 2010, entraînant la
hausse de la masse salariale de 640,4 milliards CFA à 814,1 milliards de
francs CFA.
Ces différentes mesures catégorielles ont
été prises à la suite des différentes protestations
sociales de certains corps de métiers tels que les enseignants et les
agents de la santé, pour l'amélioration de leur condition de
travail.
Graphique 4 : Evolution de
l'effet des mesures sectorielles par rapport à la masse salariale (en
milliards de francs CFA)
Source : L'auteur, à partir des
données de la Direction de la Solde
3.2.4. L'effet de
l'évolution du niveau des recettes fiscales
Réduire le ratio masse salariale/recettes fiscale
revient soit à diminuer la masse salariale, soit à augmenter les
recettes fiscales, « toutes choses étant égales par
ailleurs ». Par conséquent, après avoir indiqué
les facteurs qui influencent l'évolution des dépenses de
personnel dans les paragraphes précédents, il est
nécessaire d'apprécier l'évolution du niveau des
ressources fiscales de l'Etat.
Le graphique 5 montre les évolutions du ratio masse
salariale/recettes fiscales et des taux de croissance des recettes fiscales et
de la masse salariale de 1995-2010. Au cours de la période 2000-2010, le
ratio masse salariale/recettes fiscales est resté au dessus de 41,3%
(soit une moyenne de 43,1%). Pendant cette période, la masse salariale
connaît un taux de croissance plus élevé que celui des
recettes fiscales, avec un taux de croissance moyen de 6,1% contre un taux de
4,8% des recettes fiscales. Cependant, quand ce ratio était en dessous
de 38,6% entre 1995 et 1999 (soit une moyenne de 37,2%), le taux de croissance
des recettes fiscales, qui était en moyenne de 11,7%, était
demeuré supérieur à celui des dépenses de personnel
avec une moyenne de 5,4%.
Ce constat montre que le faible taux de croissance des
recettes fiscales a également engendré l'augmentation du poids de
la masse salariale dans les ressources financières de l'Etat.
Graphique 5 : Evolution du
ratio masse salariale/recettes fiscales et des taux de croissance des recettes
fiscales et de la masse salariale
Source : L'auteur, à partir des
données de la DCPE (TOFE)
Les différents facteurs d'évolution de la masse
salariale analysés dans les paragraphes précédents, ont
profondément alourdi la charge de la masse salariale dans le budget de
l'Etat, sur les onze dernières années, comme l'illustre le
graphique 6. Les dépenses de personnel qui représentent environ
la moitié de l'ensemble des dépenses courantes, ont connu un
accroissement rapide. Elles sont passées de 454,10 milliards de francs
en 2000 à 814,1 milliards francs CFA en 2010, soit une augmentation de
79,3%.
Graphique 6 : Evolution de la
masse salariale dans les dépenses de fonctionnement (en milliards de
francs CFA)
Source : L'auteur, à partir des
données du SIGFiP
Le tableau 2 montre également qu'au cours des
années 2007 et 2008, les pays de l'UEMOA, à l'exception de la
Côte d'Ivoire et de la Guinée Bissau, sont parvenus à
maintenir les dépenses de personnel par rapport aux recettes fiscales,
dans une proportion proche de l'objectif de la masse salariale (35 % des
recettes fiscales), fixé dans le cadre du respect du pacte de
convergence de l'union.
Tableau
2 : Salaires et traitements en pourcentage des recettes
fiscales des pays de l'UEMOA
Source: UEMOA, Annexes statistiques de la
Surveillance Multilatérale de 2001à 2008, 2009
Face à cette situation très préoccupante,
la Côte d'Ivoire s'est toujours engagée, en dépit des
difficultés de toutes sortes, dans des réformes en matière
de politiques pour la maîtrise des dépenses de personnel.
Cependant, ces efforts, aussi louables soient-ils, sont encore loin d'atteindre
les objectifs recherchés. C'est pourquoi il apparaît plus
qu'impérieux de proposer des mesures qui pourront permettre de
créer un cadre propice nécessaire à la maîtrise des
dépenses de personnel.
IV. LES MESURES POUR LA
MATRISE DE LA MASSE SALARIALE
Ces différentes mesures qui visent à ramener le
ratio masse salariale/recettes fiscale à la norme communautaire de
l'UEMOA , consisteront à améliorer le système actuel de
pilotage de la masse salariale, à maîtriser les facteurs qui
influencent son évolution, et à accroître le niveau des
recettes fiscales.
4.1. L'amélioration
du système de pilotage de la masse salariale et la maîtrise des
facteurs influençant son évolution
4.1.1. La programmation et le
contrôle efficient des effectifs des fonctionnaires et agents de
l'Etat
Pour une meilleure programmation et un contrôle
efficient des effectifs, il est indispensable de mener des actions
suivantes :
§ En ce qui concerne le contrôle et la
gestion des effectifs des agents déjà en fonction
recenser tous les fonctionnaires et agents de l'Etat pour
constituer un fichier unique des effectifs et y extirper les agents
fictifs ;
procéder de façon périodique (chaque
3 mois) pendant une année, aux paiements des fonctionnaires par bon de
caisse en exigeant des documents administratifs qui attestent de la
présence effective de l'agent à son lieu de travail (par exemple
l' attestation de prise de service, une attestation de présence
effective au poste signé du supérieur hiérarchique,
etc.) ;
renforcer les contrôles inopinés sectoriels
pour vérifier les présences des fonctionnaires et agents de
l'Etat, afin de détecter les agents fictifs ;
mettre en place une base de données unique pour la
gestion des fonctionnaires et agents de l'Etat. Cette base de donnée
prendra en compte tout le système de pilotage de la masse salariale qui
part de la programmation et du contrôle des effectifs des fonctionnaires
et agents de l'Etat jusqu'à la paie des salaires et pensions. Elle devra
intégrer les procédures et les acteurs de la chaîne de
pilotage des dépenses de salaires, à savoir les GRH des
différents ministères, les services de la DPCE, de la DGBF (la
Direction de la Solde et la DBE), de la DGTCP chargés de la paie et de
la CGRAE. Cette base de données sera interconnectée au SIGFiP
afin de permettre un suivi de l'exécution exacte des dépenses de
personnel en temps réel, au même titre que les autres
dépenses de l'Etat ;
renforcer les capacités des GRH dans les tous
ministères sectoriels afin qu'ils soient capables de mieux
définir des tâches, de mener une bonne programmation de
recrutement, d'utiliser des ressources humaines de façon optimale et de
bien gérer le plan de carrière des fonctionnaires et agents de
l'Etat. Cette gestion devra permettre d'éviter le surnombre des
effectifs dans certains services et d'accroître l'efficacité de
l'administration publique ;
associer les services des ministères de la Fonction
Publique et de l'Economie et des Finances aux recrutements des agents des FDS.
§ En matière de politiques de
réduction du nombre de nouveaux recrutements
mettre fin aux recrutements de nouveaux agents
contractuels et journaliers dans les différents services, surtout en
cours de gestion ;
définir des critères de recrutement des
agents dans les différents structures ;
harmoniser le nombre d'agents dans les
collectivités décentralisées ;
réduire le nombre de ministères et
harmoniser le nombre d'agents dans les cabinets
ministériels ;
recadrer le processus de déconcentration et de
décentralisation de l'administration dans la création des
Sous-Préfectures et Départements ;
Réduire les recrutements des fonctionnaires et
agents de l'Etat dans les autres secteurs de l'Administration, à
l'exception des secteurs de la santé et de
l'éducation ;
Ne pas maintenir en activité les fonctionnaires
admis à faire valoir leur droit à la retraite et encourager les
départs volontaires et la retraite anticipée ;
Restructurer la CGRAE pour la rendre viable afin de lui
permettre d'honorer le paiement des pensions aux retraités.
4.1.2. La bonne
budgétisation des dépenses de personnel
La bonne budgétisation des dépenses de personnel
consistera à :
recenser en année n-1 toutes les modifications qui
vont affecter la masse salariale de l'année n ;
ne prendre en compte sur le budget de l'année n que
les mesures à incidence financière arrêtées et
budgétisées en année n-1 ;
simuler les impacts sur la masse salariale des
différentes mesures individuelles et collectives envisagées avant
leur prise en compte effective ;
budgétiser la masse salariale par structure ou
service afin de cerner le nombre d'agents par structure et le montant des
salaires des agents correspondant.
4.1.3. L'amélioration
du traitement et du contrôle de la paie
décentraliser la procédure de la paie en
laissant l'initiative de l'engagement des salaires des fonctionnaires (avant
son mandatement par la Direction de la Solde) aux GRH des différents
ministères techniques ; cela permettra de responsabiliser les GRH
qui gèrent les mouvements des agents de leur ministère, de faire
un premier contrôle afin d'éviter des paiements indus.
poursuivre la déconcentration des services de la
Direction de la Solde afin de rapprocher la Solde des fonctionnaires et agents
de l'Etat, pour un contrôle efficient ;
contrôler et vérifier l'authenticité
des diplômes de tous les fonctionnaires et agents de
l'Etat ;
auditer la base de données qui sert de
référence pour le paiement actuel des salaires ;
sensibiliser les acteurs de l'administration publique qui
initient les actes administratifs générateurs de la
dépense salariale sur les méfaits de la fraude relative aux actes
administratifs.
4.2. L'amélioration du
niveau des recettes fiscales
En plus de ces mesures précitées,
améliorer les recettes fiscales afin de donner une marge de manouvre
à l'Etat dans l'optimisation de ces dépenses de personnel
s'avère nécessaire ; ces mesures consisteront, entre autres
à :
Améliorer l'organisation de la lutte contre la
fraude à travers un renforcement de la coordination entre les
différentes régies financières (DGI, DGD et
DGTCP) ;
Sensibiliser les opérateurs économiques sur
le civisme fiscal ;
Mettre en place des régies dans les
différents ministères techniques pour capter les recettes
engrangées dans ces ministères ;
Informatiser tous les services chargés de collecter
des recettes fiscales.
V. CONCLUSION
La part du budget consacrée au fonctionnement du
secteur public ivoirien, et en particulier les charges de personnel,
s'accroît de plus en plus, au détriment d'une affectation
conséquente de moyens aux autres postes de dépenses, notamment
les dépenses d'investissements publics. Pour inverser cette tendance, la
Côte d'Ivoire entreprend, avec l'appui des partenaires financiers, des
politiques pour assainir ses finances publiques, par l'optimisation de ses
dépenses, dans un contexte de rareté des ressources publiques.
Cette étude a été réalisée
dans la perspective de recherche de solutions pour la maitrise des
dépenses de salaires. Elle a pour objectif de permettre une meilleure
compréhension de l'accroissement non contenu des dépenses de
salaires dans le budget de l'Etat et de proposer des mesures pour contenir la
pression de la masse salariale sur les recettes fiscales, afin de ramener le
ratio masse salariale/recettes fiscales au niveau de la norme communautaire de
l'UEMOA.
Pour atteindre cet objectif, l'étude a porté
dans un premier temps, sur l'analyse du système actuel de pilotage de la
masse salariale par l'examen des processus actuels de programmation et de
contrôle des effectifs des fonctionnaires, de budgétisation de la
masse salariale, de traitement et de contrôle de la paie des salaires
à travers une revue documentaire. Dans un second temps, les facteurs qui
affectent la masse salariale tels que l'évolution des effectifs des
agents de l'Etat, les mesures dites générales, les mesures dites
catégorielles et l'évolution du niveau des recettes fiscales, ont
été identifiés, à l'aide d'analyse statistique
descriptive des données collectées.
Les résultats de ces analyses ont montré que la
hausse des dépenses de personnel est essentiellement liée aux
dysfonctionnements des processus de programmation et de contrôle des
effectifs des agents de l'Etat, à l'effectif de plus en plus croissant
des fonctionnaires et au ralentissement du niveau d'accroissement des recettes
fiscales.
Face à cette situation préoccupante,
l'étude a ensuite recommandé les mesures suivantes :
Ø L'amélioration du système de
contrôle et de gestion des effectifs des agents déjà en
fonction par le recensement desdits agents, le renforcement des
contrôles, la responsabilisation des GRH des départements
ministériels et la mise en place d'une base de données unique
pour la gestion des fonctionnaires ;
Ø La réduction du nombre de nouveaux
recrutements d'agents par l'arrêt de recrutement de certaines
catégories d'agents, l'harmonisation et la réduction du nombre
d'agents dans certains services ;
Ø L'amélioration de la budgétisation
des dépenses de personnel par l'éclatement des dépenses de
salaire par service.
Ø L'amélioration du processus de traitement
et de contrôle de la paie par la décentralisation de la
procédure de la paie et la déconcentration des services de la
Solde ;
Ø L'amélioration du niveau des recettes
fiscales par la lutte contre la fraude, la sensibilisation des acteurs au
civisme fiscal et l'informatisation de tous les services chargés de
collecter des recettes fiscales.
L'application de ces mesures pourraient permettre, non
seulement de maîtriser les dépenses de salaires, afin de
réduire le ratio masse salariale/recettes fiscales, mais aussi
d'améliorer la performance de l'administration publique ivoirienne.
Toutefois, compte tenu de la non exhaustivité des
données sur la période d'avant 2000, les analyses de
l'étude ont porté essentiellement sur celle de 2000 à
2010. Cette situation a sans doute limité les résultats de
l'étude, qui aurait pu, par exemple, apprécier l'impact de la
crise sociopolitique survenue en septembre 2002 en Cote d'Ivoire, sur la hausse
de la masse salariale.
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* 1 _ Cette analyse ne concerne
que l'effectif des agents dont les salaires sont gérés par la
Solde.