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Analyse de déterminants de la mortalité infanto juvénile au Cameroun

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par Valery Martial TANKOU KAMELA
Institut Sous régional de Statistique et d'Economie Appliqué - Ingénieur Statisticien 2009
  

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INTRODUCTION

« Les enfants sont un héritage qui vient du Seigneur » Alphonse Leclaire (1871) 

Phénomène humain et social, la mortalité des enfants, naguère un sujet tabou, ne pouvait être traité sans susciter une véritable tristesse. De nos jours, l'existence du phénomène est tout à fait connue et occupe une place importante dans la conscience publique avec, en prime, l'expression d'une volonté d'y faire face. C'est ainsi que le gouvernement du Cameroun multiplie des actions visant à améliorer la survie des enfants, notamment à travers des journées nationales de vaccination, des journées de la santé de l'enfant, des financements du secteur de la santé et des prises en charge des maladies néonatales et infantiles.

À travers le monde, plusieurs études expliquent le niveau élevé de décès infantiles dans les pays en développement. La mortalité des enfants est au coeur de divers projets de recherche et une multitude d'ouvrages, articles et études sont parus sur le sujet. Bien que cette mortalité soit largement étudiée dans le monde, peu d'études y ont été consacrées au Cameroun.

Plusieurs indicateurs permettent d'apprécier le niveau de développement d'un pays : le quotient de mortalité infantile est aussi un élément important de cette appréciation. Indicateur sensible du développement d'un pays, c'est un indice révélateur de ses priorités et de ses valeurs. D'après les sources des Nations Unies 2007, notamment World Population Prospects, the 2006 Révision, le continent africain est le plus touché par ce phénomène. En effet, le quotient de mortalité infantile en Afrique est de 90 %o, contre 8 %o en Europe et 6 %o en Amérique du Nord. On constate là, une très grande disparité de la mortalité infantile à travers les régions du monde.

S'il est vrai que les pays sous développés se doivent de réduire l'écart avec les pays développés, les dirigeants de ces pays ont l'obligation de mettre en oeuvre des programmes structurels dans le but d'améliorer les conditions de vie des populations. La mortalité infantile demeure toujours un véritable problème, dans la mesure où elle atteint des taux très élevés dans certains pays : 163 %o pour l'Afghanistan, 137 %o pour l'Angola contre seulement 4 %o pour le Japon, et de manière globale 6 %o dans les pays industrialisés en 2006. En 2008 selon les sources de l'UNICEF, un enfant angolais ait 54 fois plus de risques de mourir avant l'âge d'un an qu'un enfant français. L'Afrique subsaharienne est la région du monde où il est le plus difficile pour un enfant de survivre jusqu'à l'âge de 5 ans. Dans cette région du monde en 2006, un enfant sur six meurt avant l'âge de cinq ans. Même si la réduction du taux de mortalité est de 14 % depuis 19903(*), il reste tout de même le plus élevé du monde. Comme l'affirmait en 2003 Carol Bellamy, directrice exécutive du Fonds des Nations-Unies pour l'enfance (UNICEF) « le bien-être des enfants doit devenir le moyen le plus important de mesurer les réalisations individuelles des dirigeants africains (...). Or aucun continent ne peut, avec des indicateurs aussi défavorables sur le bien-être des enfants, réaliser un développement réel et jouir d'une stabilité réelle ».

Depuis le début des années 1980, ce phénomène suscite une nouvelle mobilisation notamment de la part des médias et des institutions internationales. En 1990, lorsque les différents chefs d'États et de gouvernements des différents pays définissaient les Objectifs du Millénaire pour le Développement horizon 2015, un accent était mis sur la mortalité infantile. C'est ainsi que l'objectif 4 stipule une réduction de la mortalité infantile, plus spécifiquement réduire de deux tiers entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. Partant du fait que la santé de la mère peut influencer celle de son enfant, voire même la survie de ce dernier, un objectif très proche du précédent a été défini à savoir, améliorer la santé maternelle c'est-à-dire réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le quotient de mortalité maternelle. En réalité, les décès d'enfants et des femmes pourraient dans de nombreux cas être évités.

Chaque jour, plus de 26 0004(*) enfants de moins de 5 ans meurent dans le monde, de causes qui, pour la plupart, auraient pu être prévenues. Et presque tous vivent dans les pays en développement ou, plus précisément, dans 60 pays en développement. Plus d'un tiers de ces enfants meurent durant le premier mois de leur existence, en général à la maison, sans avoir accès aux services de santé essentiels et aux produits de base qui permettraient de leur sauver la vie. Des enfants meurent encore d'infections respiratoires ou diarrhéiques qui ne représentent plus une menace dans les pays industrialisés, ou encore de maladies infantiles, comme la rougeole que la vaccination permettrait d'éviter. La moitié des décès d'enfants de moins de 5 ans dans le monde a pour cause sous-jacente la malnutrition, qui prive les jeunes enfants des éléments nutritifs nécessaires à leur croissance et à leur développement mental. Une eau insalubre, un assainissement insuffisant et des installations sanitaires inadéquates sont également des facteurs de mortalité et de morbidité.

Au Cameroun d'après les résultats de l'enquête MISC III, 2006, le quotient de mortalité infanto-juvénile est de 149 %o. Autrement dit un enfant sur sept meurt avant son cinquième anniversaire. En clair, cette étude s'inscrit dans un contexte où, pour les pays en voie de développement (PVD), la survie des enfants de la naissance au 5ème anniversaire est déterminée par plusieurs facteurs dont nous aimerions présenter l'impact et l'influence.

S'agissant des causes de décès de moins de 5 ans dans le monde, plus d'un tiers est dû à la sous alimentation. Le VIH et le paludisme en 2006 ont causé 30 % des décès des enfants. Ces causes sont inéluctablement, la manifestation d'un certain nombre de facteurs, liés au ménage et à l'environnement, facteurs que nous tenterons de déceler pour le cas du Cameroun.

Cette étude a pour objectif de proposer des mesures de réduction de la mortalité dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Par ailleurs, les décès des enfants représentent un gâchis, pour des raisons à la fois humanitaires et économiques. Les enfants qui décèdent avant l'âge de 5 ans ne constituerait-elle pas une force importante de main d'oeuvre potentielle à venir ? La naissance d'un enfant constitue sans aucun doute un coût pour ses parents, et lorsqu'il décède, il s'agit du côté de ses parents d'un investissement humain et social non rentable, enregistré en pure perte. Par ailleurs, au plan national, la mortalité dans la petite enfance explique une part non négligeable du niveau général de mortalité dans une population. Une bonne couverture sanitaire des enfants se traduit automatiquement par une amélioration appréciable de l'espérance de vie à la naissance, autre dimension de l'IDH.

L'objectif global de cette étude, que nous rappelons ici, est de contribuer à mieux appréhender les facteurs déterminants de la mortalité infanto juvénile au Cameroun, pour orienter les interventions en matière de réduction du quotient de mortalité infantile. Autrement dit, pourquoi de nombreux enfants meurent-ils au Cameroun ? Nous présenterons ici les déterminants de la mortalité infanto-juvénile. Il s'agira de savoir, en s'inspirant du modèle conceptuel de MOSLEY et CHEN modifié par BARBIERI, si les caractéristiques de la mère, du milieu environnemental ou du ménage peuvent compromettre la survie de l'enfant.

De manière plus spécifique, cette étude vise à :

· identifier les facteurs qui influent la survie des enfants ;

· mesurer l'influence de chacun de ces facteurs sur le niveau de mortalité des enfants ;

· mesurer l'effet combiné de certaines variables sur le niveau de mortalité ;

· proposer des mesures ciblées en vue de la baisse du niveau de mortalité.

Les hypothèses de travail qui sous-tendent cette étude sont les suivantes :

· les facteurs sociaux économiques et culturels tels que (l'instruction des parents, le revenu du ménage, le milieu de résidence) ont un effet significatif sur la mortalité des enfants de moins de cinq ans au Cameroun ;

· les facteurs socio-démographiques (l'âge de la mère à l'accouchement, le statut matrimonial de la mère, le rang des naissances, la parité) influencent la mortalité des enfants de moins de cinq ans ;

· enfin, les facteurs contextuels tels que la vaccination, l'assistance à l'accouchement, ont également un effet sur la mortalité des enfants de moins de cinq ans au Cameroun.

Le mémoire s'articulera sur les différents concepts de  mortalité infanto-juvénile à la lumière des objectifs de l'étude et au regard des sources de données disponibles notamment EDS 2004 (chapitre 1). En second lieu, nous procéderons à une présentation des théories relatives à la mortalité infanto-juvénile (chapitre 2). En troisième lieu sera présenté un panorama de la situation de la mortalité infantile au Cameroun, à partir des données des enquêtes EDS 2004 (chapitre 3). Enfin, le quatrième chapitre portera sur l'analyse empirique de l'effet de quelques variables sur le niveau de mortalité des enfants.

La démarche méthodologique consiste d'abord à une revue des concepts et théories relatifs à la mortalité. Elle permettra de faire ressortir les niveaux et les tendances de la mortalité des enfants de moins 5 ans, suivant les caractéristiques démographiques, culturelles socio-économiques des ménages où ces enfants vivent. Par la suite, nous allons mobiliser l'analyse des correspondances multiples afin de se faire une idée sur les déterminants à haut risque de la mortalité des enfants de moins de 5 ans. Enfin, le modèle de régression logistique nous permettra de mettre en évidence les déterminants de la mortalité des moins de cinq ans au Cameroun. Il permettra aussi d'analyser l'effet de chacun de ces déterminants sur le niveau de mortalité.

L'étude débouchera sur des propositions à l'attention des pouvoirs publics, des partenaires au développement et de la société civile, en vue d'une amélioration de l'état de santé des enfants et, par conséquent de leur durée de vie.

Cette première partie, subdivisée en deux chapitres est consacrée aux concepts et théories relatives à la mortalité des enfants. Dans le premier, nous présentons les concepts et les définitions nécessaires pour appréhender le phénomène de la mortalité des enfants. Dans le deuxième, nous passons en revue les différentes théories traitant de la mortalité des enfants, ainsi que les résultats de quelques études ayant abordées ce sujet.

* 3 _ Rapport annuel 2007 de l'UNICEF sur la situation des enfants dans le monde

* 4 _ Rapport de l'UNICEF sur la situation des enfants dans le monde 2008

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault