IV) Il est éditeur juridique: que fait-il?
L'éditeur juridique joue un grand rôle dans la
maîtrise, la connaissance et l'éclairement du droit pour les
professionnels, les universitaires et les étudiants.
Il l'épure de tous ses maux, en améliore la
clarté, l'accessibilité et l'intelligibilité, par le jeu
de tris, synthèses, alertes, sélections, commentaires,
explications, discussions... Réalisant par la même, a posteriori,
un travail qui en principe « incombe » au
législateur en amont de la publication des lois.
« Il incombe au législateur d'exercer
pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en
particulier, son article 34.
A cet égard le principe de clarté de
la loi, qui découle du même article de la Constitution,
et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et
d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4,
5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des
dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques
afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation
contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans
reporter sur les autorités administratives ou juridictionnelles le soin
de fixer des règles dont la détermination n'a été
confiée par la Constitution qu'à la loi. »122(*)
Ce qui explique le développement d`une édition
juridique publique gratuite, qui ne se cantonne pas à la diffusion de
données normatives brutes comme le souhaiteraient les
éditeurs.
Ayant pris conscience qu'il élabore et produit mal la
loi qu'il est devenu par sa faute impossible aux citoyens de ne pas ignorer, le
législateur tente ainsi d'assurer en aval cette mission qu'il ne
parvient plus à réaliser en amont.
Ce qui s'est traduit par la mise en place d'un guichet de
diffusion123(*), puis
d'un diffuseur unique124(*) des données publiques, la politique de mise
à disposition gratuite des données dites essentielles125(*) et d'une manière
générale, le glissement du précepte « nul n'est
censé ignorer la loi » d'une simple obligation de
publicité126(*)
à une obligation, érigée en mission de service
public127(*)
(1), de diffusion d'un droit qui s'est, de plus, vu
successivement assigné des objectifs de clarté,
intelligibilité et accessibilité128(*),et aujourd'hui
normativité129(*)...
Le législateur se réappropriant par la même
une mission qu'il avait depuis longtemps abandonnée au secteur
privé, sans pour autant sembler vouloir tracer avec lui une quelconque
ligne de partage130(*).
(1) La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations:
« Les autorités administratives sont tenues
d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles
édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes
juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de
laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller
».
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* 122 Décision
constitutionnelle n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004.
* 123 En 1984 et 1985, un
décret et la circulaire prise pour son application ont sur les
préconisations d'un rapport dit « Leclerc »
organisés et mis en place un service public de diffusion des bases de
données juridiques. Ce service était chargé
« de rassembler et en mettre sous forme de bases ou de banques de
données informatisées [...] le texte et la signalisation
documentaire » ainsi que des « textes
normatifs » et « des circulaires et instructions
publiées » qui étaient ensuite commercialisés
par une filiale de la caisse des dépôts et des consignations.
Tandis, que le secteur privé s'est vu confié le traitement de la
jurisprudence des cours et des tribunaux.
* 124 En 1991, un
décret a confié la diffusion et la distribution commerciale des
données rassemblées par le service public de diffusion des
données juridiques à un concessionnaire unique. En 1993, un
décret a mis en place une concession de service public exclusive qui
impose à toutes les administrations productrices de données
publiques de les déclarer et interdit toute diffusion de ces
données en dehors de l'opérateur exclusif, la Direction des
Journaux Officiels à laquelle il revenait de choisir un prestataire de
service unique (concessionnaire de service public.)
* 125 « La
Circulaire du 17 décembre 1998 relative à la diffusion de
données juridiques sur les sites Internet des
administrations », la « circulaire du 28 janvier 1999
relative à la diffusion gratuite des rapports officiels sur Internet
»,...
* 126 Organisée
par le décret du 5 novembre 1870, puis par l'ordonnance du 20
février 2004.
* 127 En décembre
1997, le Conseil d'État a estimé, que la mise à la
disposition et la diffusion des textes imposées par le décret
répondait aux principes « d'égalité
d'accès, de neutralité et d'objectivité » et
constituait, « par nature, une mission de service public au bon
accomplissement de laquelle il appart[enait] à l'État de
veiller »
* 128
Décision
du Conseil constitutionnel du 16 décembre 1999:
Loi
portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances,
à l'adoption de la partie législative de certains codes.
* 129 Décision du
21 avril 2005 relative à la loi sur l'avenir de l'école, des
dispositions.
* 130 « Le droit
demeure à l'avant poste du débat sur les lignes de partage entre
les missions de service public et le domaine des éditeurs privés.
Avec le lancement de la nouvelle version du site Légifrance en janvier
2008, les pouvoirs publics se sont dotés d'un outil à la pointe
des techniques les plus puissantes de traitement et de diffusion de
l'information. Les seules limites au développement de l'offre publique
résident désormais dans les objectifs qu'on lui assigne. Il
devient donc essentiel de les définir clairement, et d'évaluer le
dispositif actuel au regard de leur degré d'atteinte.»: Renaud
Lefebvre, opus précité.
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