Rapport de stage en master 1 psychologie sociale, du travail et des ressources humaines( Télécharger le fichier original )par Cyril LARRIEU Université Paris 8 - Master 1 Psychologie Sociale, du Travail et RH 2011 |
IV/ CONCLUSION ET SUITES A DONNER AU PROJET:Plus de la moitié des personnes ayant répondu aux questionnaires se trouve dans une situation de tension au travail. Suite à l'analyse de la dispersion des scores, le facteur qui semble le plus expliquer la situation d'Isostrain révélée par l'enquête menée à la préfecture de Haute-Corse est celui de la faible « latitude décisionnelle ». Plusieurs voies s'offrent à présent à nous pour user de ces données comme prolégomènes à une déclinaison plus approfondie, plus fine du plan interministériel de prévention des risques psychosociaux: 1/ Il est légitime d'estimer que ces conclusions devraient être affinées par une analyse factorielle à proprement parler. Mais le temps nous étant compté, et la finesse de la démarche impactée par cet impératif de délai, il est à espérer qu'une telle analyse devrait pouvoir être menée si nécessaire par la suite, par les membres du groupes de veille qui va être sous peu nommé dans le cadre de la mise en oeuvre du plan interministériel de prévention des risques psychosociaux. 2/ Cette éventuelle analyse factorielle à élaborer ne sauraient aller au delà qu'une plus grande certitude dans la significativité des résultats déjà obtenus. Elle ne serait qu'un affinement supplémentaire. Or il apparaît aujourd'hui nécessaire d'orienter la conduite du projet sur la base d'hypothèses de travail soulevées par la présente enquête. Ces hypothèses seraient orientées vers l'explication de la faible latitude décisionnelle apparente, ainsi que de la forte demande psychologique. 3/ Eu égard aux concepts que ces deux variables recoupent, à la logique de dynamique administrative du travail, il peut être utile de se référer au « modèle de la domination légale du travail » dans l'administration élaboré par Max WEBER, pour comprendre comment se manifeste la latitude décisionnelle in concreto. Ce modèle explique comment est hiérarchisée la fonction publique, déterminée la domination ou disons le leadership, au sein d'une administration, notamment la prévalence de la domination légale, c'est à dire basée sur la norme, le règlement. En effet, il m'apparaît pertinent d'en référer à ce modèle d'usage théorique répandu à l'heure actuelle en sociologie des organisations. Faire référence à ce modèle, c'est se baser sur une explication causale des déterminismes d'une faible latitude décisionnelle dans l'administration publique relative au cloisonnement relationnel pouvant être engendré par le normativisme réglementaire, le recours à la procédure, le modèle de la directive et de la verticalité subséquente des rapports sociaux au sein de l'organisation. Si d'un côté le contrôle des actes administratifs, matière concrète de la production non marchande d'une telle administration publique est rassurante pour l'auteur de l'acte qui est couvert par sa légalité vérifiée à priori et a posteriori, le rapport à l'ordonnancement juridique, à la normativisation du comportement de travail peut conduire à un cloisonnement relationnel, un recours à la base légale, plus qu'à la concertation humaine, à la prise de décision consensuelle offerte par le débat, in fine donner lieu à une moindre nécessité de collectivisation du travail, et notamment de la prise de décision. Il s'agit ici de vérifier si la faible latitude décisionnelle ressentie ne serait pas la résultante d'une part d'un recours à la règle systématisant l'organisation du travail vers un moindre recours à l'humain et à la place pour l'interprétation subjective du rapport au travail. Et d'autre part, cadre impératif, inflexible de travail limitant les marges de manoeuvres du fonctionnaire. Cette approche théorique trouverait un intérêt à être évaluée in vivo par des indicateurs de la prise de décision collective, de la collectivisation des rapports socioprofessionnels. La qualité du système organisationnel informel, la vie sociale informelle peut être un révélateur de la répercussion du collectif ou de l'individualisme ambiant sur le travail. Le dialogue social et son contenu objectif/subjectif peuvent éclairer l'analyse sur ces points: ordres du jour des CTP/CHS par exemple. En outre, des indicateurs de la bonne adéquation des compétences aux postes occupés, génératrice ou inhibitrice de la forte demande psychologique vécue peuvent être mis à jour: nombre et nature des formations demandées par exemple, ou indicateurs de mobilité professionnelle révélant la mise en place de routines de travail affûtées, lesquelles permettent une moindre charge cognitive dans l'application et l'appropriation du travail à effectuer, ou a contrario, renseignent sur l'usure professionnelle pouvant être générée par des routines éprouvées, non suffisamment efficaces. Ici il s'agit d'une approche plus ergonomique à envisager en termes d'adéquation entre l'homme et son travail, entre ses modes de résolution de problèmes utilisés, leurs efficacité et rendement. 4/ Par ailleurs, le document cadre généraliste que constitue le plan interministériel de prévention des risques psychosociaux fait référence au modèle d'évaluation et d'explication des risques psychosociaux de KARASEK car celui-ci fait aujourd'hui consensus, et mention est faite à l'enquête SUMER 2003, (aujourd'hui SUMER 2009 est en cours) qui repose sur l'utilisation du questionnaire de KARASEK, mais cette déclinaison du plan sur la base de cette approche théorique n'est pas la seule possible. Il s'agit d'une volonté délibérée d'évaluer telles dimensions du risque psychosocial plutôt que telle(s) autre(s). A cet égard, l'ANACT notamment mais également bon nombre d'ouvrages de référence en la matière mettent en avant le modèle de SIEGRIST par exemple, évaluant d'autres variables explicatives de l'exposition au risque psychosocial: « le modèle de SIEGRIST pose que « l'effort que fournit l'individu va ~tre atténué par le sentiment que cet effort «est payé en retour» ». Cette « récompense » peut -tre aussi bien matérielle (rémunération) que sociale (reconnaissance) ou symbolique (sens donné à l'effort) », in Revue sciences Humaines, Grands Dossiers N° 12 - automne 2008, Malaise au travail. Il s'agit d'un modèle efforts-récompenses, qui vient « compléter le modèle de KARASEK » (SAHLER Benjamin et coll., « Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail », éditions ANACT, mai 2008). A ce titre, il peut constituer un complément utile à la présente enquête dans la mesure où d'autres composantes exlpicatives du risque psychosocial vécu au travail par le personnel de la préfecture peut être évalué sur le même mode de recueil des données, celui d'un questionnaire tel que celui livré en annexe du présent rapport à titre indicatif. Ainsi que l'ouvrage précité de l'ANACT l'indique: « Les efforts sont analysés en référence aux exigences du travail (contraintes de temps, responsabilités, efforts physiques...) et aux attitudes et motivations de l'individu (besoin de se dépasser, surinvestissement...). Il permet donc d'intégrer les caractéristiques de la personnalité ainsi qu'une considération du contexte de sécurité ou d'insécurité d'emploi » (opus cité, p.88). Ce modèle et ses applications telles que les questionnaires construits sur sa base théorique font également consensus quant à leur fiabilité et puissance explicative de l'exposition éventuelle au risque psychosocial: « Ce modèle, également validé par des études épidémiologiques, reste, lui aussi, incontournable pour analyser les risques psychosociaux. » (opus cité, p. 88). La question de la fiabilité du modèle qui semble en liminaire être première au choix de décliner le plan interministériel via le modèle de KARASEK qui fait aujourd'hui référence est ainsi prise en considération. L'ouvrage de l'ANACT fait encore référence à trois typologies-modèles que nous citerons pour tendre vers l'exhaustivité sans entrer dans le détail de leurs fondements théoriques: « le modèle transactionnel évaluation-adaptation de LAZARUS ». « le modèle de satisfaction au travail de HACKMAN et OLDMAN. « Les modèles intégrateurs de COOPER et VEZINA » (opus cité, p.88-89). Une autre méthode intégralement décrite de la prévention à la correction des risques psychosociaux, c'est à dire des 3 degrés d'appréhension du risque psychosocial existe. Il s'agit de la « Méthode ELVIE », développée et utilisée par l'ARACT Martinique (l'ARACT et la déclinaison régional du Réseau ANACT). Celle-ci est entièrement décomposée dans un article de 71 pages intitulé : « ELVIE une méthode de diagnostic et de prévention des risques psychosociaux. Guide d'utilisation.», édition 2009, que j'ai imprimé et inclus au dossier complet remis à M. TROMBETTA recensant mes diverses sources mentionnées dans ce présent rapport, afin de faciliter la poursuite de ce projet par le groupe de veille. Cette méthode est notamment intéressante pour le groupe de veille du fait qu'elle élabore un guide d'entretien complet intitulé « comprendre et prévenir les risques psychosociaux au travail pour améliorer les performances sociale et économique de l'entreprise », ainsi qu'un questionnaire de 80 questions dispatchées dans 7 axes : «1. Reconnaissance du travail , 2. Relations de travail/Soutien social, 3. Marges de manoeuvres/Autonomie au travail, 4. Prescription, 5. Sens du travail, 6. Perspectives, 7. Charge de travail. ». Cette méthode fait appel á plusieurs modèles théoriques ; il s'agit donc d'une approche globale du risque psychosocial. 5/ Enfin, comme mentionné plus haut dans ce rapport, une enquête plus approfondie ne saurait se passer de l'expérience humaine riche de l'individualisation, de la singularisation des réponses que représente l'entretien. Des entretiens individuels semi-directifs menés par un psychologue de préférence ou tout autre gestionnaire RH par exemple formé aux techniques de l'entretien seraient du plus grand intérêt. Ceux-ci viseraient á embrasser au plus près la perception du risque psychosocial vécu par le personnel. Une grille d'entretien composée de questions ouvertes permettrait la constitution d'un corpus théorique à analyser sous forme d'analyse thématique faisant émerger les traits les plus saillants de la représentation que se font les membres du personnels du risque psychosocial auxquels ils disent spontanément être le plus exposé. L'intérêt de l'entretien est ici de permettre à l'action en résultant de cibler au plus près la réalité psychosociale présente au sein de la préfecture de Haute-Corse, et de se défaire ainsi d'une approche trop généraliste de la prévention des risques psychosociaux au travail. Ainsi que des théoriciens du risque psychosocial tels Yves CLOT et Laurent VOGEL l'indiquent, de tels entretiens pourraient cibler notamment les notions de « valeur » et de « qualité » du travail. Notons que Monsieur l'Inspecteur d'Hygiène et Sécurité près la préfecture de Haute-Corse nous a indiqué en toute fin de mon stage qu'il serait éventuellement possible pour le groupe de veille de solliciter le psychologue du commissariat de Police de BASTIA á de telles fins. Ceci nous est apparu á M. TROMBETTA et moi-même une opportunité tout á fait salutaire. BIBLIOGAPHIE: ANZIEU Didier, Dr MARTIN Jacques-Yves, « La dynamique des groupes restreints », PUF, février 2003. BAËZA Guy, « PREFECTURE DE HAUTE-CORSE: Les congés maladie détournés? », 2009. CLOS Yves, « Le travail à coeur. Pour en finir avec les risques psychosociaux », éd. La Découverte, mai 2010. CHEVROLLIER Riwan, « Les congés de maladie dans les services déconcentrés de Haute-Corse: Une gestion problématique. », 2003. Dares, «Les risques psychosociaux au travail: les indicateurs disponibles », Analyses, Publication de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, n°081, Décembre 2010. « Le plan de prévention des risques psychosociaux au ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales, et de l'Immigration » (figure en annexe). LEGERON Patrick (médecin psychiatre), NASSE Patrick (magistrat honoraire), « Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail », remis à Xavier BERTRAND, Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, le 12 mars 2008. MAURY Suzanne, « La GRH dans la fonction publique. Chapitre 6 : Le dialogue social dans la fonction publique », p. 132, La documentation Française, février 2010. Revue Sciences Humaines, « Malaise au travail. », Grands Dossiers N° 12, automne 2008. SAHLER Benjamin et coll., « Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail », éditions ANACT, mai 2008. Secrétariat Général, Direction des Ressources Humaines du Ministère de l'Intérieur, des Collectivités Territoriales de l'Outre-mer et de l'Immigration, « Bilan Social 2009 », p.178, 2009. VOGEL Laurent, « Lecture critique de la stratégie 2007-2012 de santé et sécurité au travail », @Hesa Newsletter, n°3, novembre 2007. WEBER Max, «La domination légale à direction administrative bureaucratique», 1921, cité dans TESSIER Roger et TELLIER Yvan, « Théories de l'organisation. Personnes, groupes, systèmes et environnement », pp. 23-32, et d'abord paru dans « Économie et Société », Paris, Plon, 1971. SITOGRAPHIE : http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Les-orientations-du-deuxieme-plan.html http://www.haute-corse.pref.gouv.fr/sections/l etat haute corse/la prefecture et les6224/le prefet/ |
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