Analyses des blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel au Sénégal: étude dans la commune de Fatick( Télécharger le fichier original )par pape samba gueye Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 1 2010 |
I-8.Analyse conceptuelleCette partie sera le point de procéder à une définition des concepts de nos hypothèses qui font l'objet de notre etude.ils'agit des concepts suivants : Education formelle, politique linguistique, reproduction, violence symbolique linguistique et représentation. *Education formelle Le mot éducation vient du latin `'e-deucere `' qui signifie conduire à partir de ; c'est-à-dire tirer d'un état pour conduire à un autre. Pris dans son sens le plus large, le terme `'éducation'' recouvre toute activité visant à transmettre à des individus l'héritage collectif de la société où ils s'insèrent .son champ de compréhension inclut tout autant la socialisation du jeune enfant par la famille, la formation reçue dans des institutions ayant une visée éducative explicite (écoles, mouvement de jeunesse) ou dans le cadre de groupements divers (associations sportives, culturelles, des mass-médias etc. Selon DURKHEIM, elle est : « l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, Education et Sociologie (1922). Par ailleurs, lorsqu' elle est suivie du qualificatif `'formel'', elle devient alors un champ plus spécifique et restreint. Ainsi l'éducation formelle concerne plusieurs niveaux et types d'enseignement. Elle est composée de l'éducation préscolaire, de l'enseignement élémentaire, de l'enseignement moyen et secondaire général, de l'enseignement technique et de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur. A chacun de ces niveaux, on retrouve à côté de l'enseignement public, un enseignement privé. De même, l'éducation spéciale occupe une place de plus en plus importante dans le système. Pour sa part, la Classification Internationale Type de l'Education (CITE) définit ainsi l'éducation formelle : « enseignement dispensé dans le système des écoles, des collèges, des universités et d'autres établissements éducatifs formels.ils constituent normalement une `'échelle'' continue d'enseignement à plein temps destinés aux enfants et aux jeunes, commençant en général entre cinq et sept ans et se poursuivant jusqu'à vingt ou vingt cinq ans... »26(*). Appelée également `'scolaire'', l'éducation formelle a pour cadre une organisation nationale relevant du domaine de l'Etat. Elle est dispensée dans les institutions dûment mandatées (écoles), par des professionnels (formés et rémunérés par l'Etat), selon un processus pédagogique déterminé (objectifs, contenus, méthodes et outils) Les principales caractéristiques de l'éducation formelle sont : *l'unité et la normativité : l'éducation formelle est prédéfinies dans un cadre législatif applicable pour tous sur l'ensemble du territoire national ; *la hiérarchisation des enseignants(en programme et cycles) et des entités éducatives suivant une organisation verticale ; *la cohérence et la permanence des enseignants à travers des programmes et des cycles allant du préscolaire à l'enseignement supérieur ; *le paradigme d'une éducation gratuite, égalitaire, globale et universelle : l'éducation formelle s'adresse à tous les citoyens « scolarisables », elle est censée leur offrir des chances égales de réussite et d'intégration sociale à travers un enseignement prenant en compte les besoins essentiels d'éducation et de formation.27(*) Cependant, il semble plausible pour nous, d'évoquer succinctement, pour plus de distinction, les caractéristiques de l'éducation non formelle qui permettent de mieux se rendre compte des deux concepts. Pour sa part, l'éducation non formelle se passe dans le cadre extrascolaire, intègre tous les âges et ne suit pas nécessairement une `'échelle''. Le secteur de l'éducation non formelle comprend l'alphabétisation, les écoles communautaires de base et les « écoles du 3e type ». *Politique linguistique Par politique linguistique, il la comprendre selon HALAOUI comme étant « la conception théorique qui préside à la réalisation des actions entreprises ou à entreprendre sur la langue » (HALAOUI, 2003 :7).Elle désigne alors une orientation qui sous-tend l'ensemble des activités qui caractérisent ou favorisent l'utilisation de la langue. Elle apparaît ainsi comme une dimension de l'aménagement linguistique considérée comme plus large puisqu'il intègre la totalité des actions de l'homme sur une langue. La politique linguistique du Sénégal, à l'instar de celle de beaucoup de pays africains, n'est pas clairement définie. Mais, la nature des débats autour des langues nationales et les activités menées dans le cadre de promotion des langues nationales, permettent de la classer dans le groupe des politique de « facilitation de communication ». (HALAOUI, 1991, 2002,2003 :9).28(*) Sous ce rapport, la politique linguistique apparaît, à notre égard, comme la capacité d'une synergie de la volonté et des moyens mobilisée en vue de développer une langue sur le plan socioéducatif. Par elle, la langue peut se hisser au rang des langues traductrices de sciences et par là de se maintenir face à `'la guerre des langues''. *Violence symbolique linguistique Le concept de symbolique a en anthropologie une acception restreinte et un sens large. Dans son acception restreinte ou spécialisée, il sert à qualifier des oeuvres de cultures qui ont pour caractéristiques d'être pourvues d'une valeur perçue comme immédiatement expressive : mythes, rites, croyances, etc. Dans son acception large le symbolique renvoie donc à ce processus constitutif de l'état de culture qu'est l'attribution de sens au monde. Chaque société sélectionne des significations ; chacune classe, réunit, oppose et hiérarchise les objets de la réalité selon la manière propre qui est à la fois le cadre d'intelligibilité qu'elle se donne de la communication entre ses membres. Au sens sociologique, il importe de mentionner la conception bourdieusienne de la `'violence symbolique'' .BOURDIEU entend souligner que la capacité des agents en position de domination à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle essentiel dans la production des rapports de domination. Ainsi, il définit la violence symbolique comme « la capacité à faire méconnaitre l'arbitraire de ces productions symboliques, et donc de les faire admettre comme légitime »s, est d'une importance majeure dans son analyse sociologique. Par violence symbolique il faut entre aussi comme « mécanisme premier d'imposition des rapports de domination .Elle renvoie à l'intériorisation par des agents de la domination sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ donné et plus généralement à leur position sociale. Cette violence est infra-consciente et ne s'appuie pas sur une domination intersubjective (d'un individu sur un autre) mais sur une domination structurelle (d'une position en fonction d'une autre) ». Cette structure qui est fonction des capitaux possédés pas des agents, fait violence car elle est non perçue par les agents .Elle est source d'un sentiment d'infériorité ou d'insignifiance qui est uniquement subi puisque non objectivé. La violence symbolique trouve son fondement dans la légitimité des schèmes de classement inhérent à la hiérarchisation des groupes sociaux. En effet, dans l'esprit de notre problématique de recherche, nous plagions BOURDIEU dans sa théorie de la violence symbolique en y conjuguant l'adjectif '' linguistique'' dans le but de décrire la manière dont nos langues sont confrontées à une stigmatisation consciente ou inconsciente sur le plan éducatif par les pouvoirs administratifs. Ainsi, par violence symbolique linguistique nous entendons la capacité ou l'attitude des élites d'une part et des acteurs sociaux sénégalais d'autre part, à reléguer symboliquement, c'est-à-dire par pure représentation, nos valeurs linguistiques au plus bas niveau à l'échelle planétaire. Cet imaginaire collectif ; `'nos langues valent moins que les langues extra africaines'', est ancré dans la conscience collective sénégalaise et extra sénégalaise. En effet, ces dires existant depuis la période coloniale ne cessent de se perpétuer tant sur le plan national comme international. Rappelons la sarcastique affirmation de L.V.THOMAS lorsqu'il dixit : « les négres sont des primitifs ...L'africain n'a pas de langue mais tout au plus des idiomes ou des dialectes ,pas d'histoire mais à la rigueur des chronologies ,pas d'art mais seulement un folklore...Il n'est pas capable de science ou de philosophie, son seul savoir était magique ou empirique ;ni de morale puisqu'il obéit, singulièrement à celle du sexe »29(*) Cette sournoise et insultante pensée de L.V.THOMAS a et continue de dominer certaines mentalités africaines qui, sans raisonnement, pensent que nos langues sont loin de pouvoir être vecteurs de développement socioéducatif. *Reproduction Selon BOUDON et BOURRICAUD dans Dictionnaire critique de la sociologie, le concept de reproduction dans son acception sociologique est dû à MARX. Les processus économiques qualifiés par MARX de processus de reproduction simple sont caractérisés par la constance de la reproduction et de stabilité des relations de production : les individus sont remplacé dans le temps mais le système se reproduit à l'identique. Un processus est dit par MARX de reproduction élargie lorsque la production est croissante mais que l'organisation économique ou, pour par comme MARX, les rapports de production demeurent stables : la production augmente, mais les relations entre les classes comme les relations des individus à l'intérieur des clases (par exemple la concurrence entre les capitalistes) demeurent constante30(*). Cependant, rappelons que MARX oriente sa conception de la reproduction sous l'angle de l'économie. Ce qui nous permet de faire recours à la conception bourdieusienne qui semble être plus adéquate à notre problématique. Ainsi, BOURDIEU a opéré une conception plus sociale de la reproduction prenant dans ses analyses le facteur enseignement en compte. Selon lui, la reproduction sociale est « le principe dévoile l'illusion de l'indépendance et de la neutralité des structures sociales ». Elle légitime un arbitraire culturel, reproduit la structure de la distribution du capital culturel et met à nu les contradictions qui affectent le système d'enseignement présentant les agents à la fois comme produits et reproducteurs des structures. La reproduction de la domination s'effectue par le biais de la violence symbolique, c'est à dire la capacité à faire méconnaître l'arbitraire de ces productions symboliques, et donc à les faire reconnaître comme légitimes. En effet, nous entendons par `'reproduction'', dans l'esprit de notre étude, la répétition globale et incalculée du système d'enseignement légué par nos maitres d'hier(les colonisateurs) qui demeure oppressif et anesthésiant pour nos visions du monde, c'est-à-dire nos capacités à véhiculer nos identités intellectuelles. *Représentation L'expression « système de représentation » désigne d'une manière générale les ensembles d'idées et de valeurs propres à une société. Ces données traitées par la sociologie comme des réalités autonomes existant indépendamment de ce les psychologues appellent des « représentations » ou des « images » mentales .Toute société élaborait ainsi plusieurs systèmes de représentations spécialisées : du cosmos, de la totalité sociale, de la magie et de la sorcellerie, etc. Dans l'esprit des individus, de tels systèmes ne sont présents que de façon généralement incomplète et particulièrement conscient : on parlera de représentations collectives, qui témoignent d'attitudes intellectuelles du groupe et non de dispositions mentales individuelles. Cette conception antipsychologique a principalement été défendue par DURKHEIM et par ses continuateurs.31(*) Par ailleurs, « la représentation sociale comme un objet mental,' une forme de savoir pratique'', consistant à une intégration spécifique des informations possédées sur un fait .c'est une base de connaissance `'socialement élaborée'' concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble sociale » (JODELET, 1989, p39.) Ce savoir sert essentiellement `'à l'ajustement pratique du sujet à son environnement (DOISE, 1989, p228). Il s'agit donc d'un concept plus large que celui d'attitude car l'attitude ne permet qu'un positionnement par rapport à un seul objet. La représentation sociale, par ailleurs, fonctionne comme un `'système d'interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les communications sociales''.Elle fonctionne comme un système cognitif (avec ses interprétations affectives et sociales normatives) d'interprétation et d'action sur le monde. Les représentations sociales d'un groupe prennent appui sur la mentalité du groupe, c'est-à-dire reliées à son système de valeurs et à sa vision du monde.'' Une représentation s'inscrit toujours dans un cadre de pensée préexistant'' Une représentation sociale est le résultat de la transformation d'une série d'expérience concrètes vécues en une sorte de `'théorie spontanées'' à propos des expériences. Cette `'théorie spontanée' est le résultat d'une sélection des informations, dune `'neutralisation'' de certaines d'entre elles (c'est-à-dire, de transformation en choses concrètes). Les représentations sociales interviennent ensuite dans la perception de la réalité en proposant des schémas touts faits. Elles sont alors à l'origine de préjugés. Elles exercent sur tous les membres du groupe une influence qui les poussent à adopter la représentation sociale dominante et, plus s'y conformer, orque cette représentation sociale concerne leur identité.32(*) Ainsi, dans le cadre de notre objet d'étude, notre conception de la Représentation peut prendre à la fois le sens durkheimien et celui des psychologues dans la mesure les représentations faites sur les langues nationales sont à caractère collectif et individuel. A ce titre, nous concevons que le terme `'représentation'' désigne tout simplement un ensemble de comportements psychiques et mentaux collectifs et/ou individuels qui orientent la façon de voir les choses dans une société donnée. Elle peut être, selon le comportement du groupe, une bonne ou mauvaise représentation qui peut être sous-tendue par le contexte sociohistorique de ce groupe. C'est pour dire, par exemple comment le sénégalais individuellement ou /et les sénégalais collectivement voient les langues nationales et leur comportements moraux qu'ils entretiennent à l'égard d'elles après un contexte marqué par la colonisation. 1-9.Construction du modèle d'analyse Selon Jean Michel BERTHOLOT : « il ne peut avoir en science sociale de constations fructueuses sans l'élaboration d'un cadre théorique de référence »33(*) Par ailleurs, un fait social doit être « conquis, construit et constaté », voila trois instances que la sociologie en particulier et la science en générale ne peuvent aucunement laisser en rade. En effet après avoir conquis notre fait, il est alors le moment de le construire. C'est ce qui fera l'objet de cette partie. Il nécessite, en substance, de mobiliser nos hypothèses de recherche à travers les schèmes d'intelligibilité du social en vue de mieux les cerner. Pour ce faire, grâce à la nature de notre étude, nous nous referons aux schèmes causal et herméneutique. 1-9-1. le schème causal Comme le précise, en substance, DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique(1895) : la cause déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi les faits sociaux antécédents .En d'autres termes, le fait social s'explique par le fait social c'est-à-dire qu'un fait de société doit être expliqué par un autre fait de société. Donc ce schème causal a pour but de faire ressortir les relations de causalité, les rapports d'indépendance ou d'interdépendance d'un phénomène particulier à un autre. Sa formule mathématique est : :(ApB)=B= (A)). Elle s'explique ainsi : A est la cause de B et l'on ne puisse avoir B sans A qui est chronologiquement et logiquement antérieur à B. Appliqué à notre objet, nous aurons : A= velléité politique linguistique de l'Etat du Sénégal B= blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement formel. Ainsi, la non-introduction des langues sénégalaises dans l'enseignement formel (B) est produite par un fait qui lui est antérieur, à savoir un manque de volonté politique linguistique des décideurs politiques de l'Etat du Sénégal (A). En effet, nous pouvons envisager que la cause déterminante de des blocages de l'introduction des langues nationales est en grande partie liée à l'absence d'une politique linguistique ferme et durable de l'Etat du Sénégal. 1-9-2. Le schème herméneutique Ce schème est utilisé pour visibiliser un fait social complexe qui n'est pas possible à être facilement appréhendé ou compris. Sa formule mathématique est :(ApB)=BS{B /A}).Elle signifie : B renvoie à un A qui est son sens ; B est l'expression, la manifestation de A. Ce rapport a lieu dans un champ sémantique représenté par S. Appliqué à notre objet, nous aurons : A= mauvaise représentation des langues nationales par la société sénégalaise B= un facteur de blocage concernant leur introduction dans l'enseignement formel. S= société des individus concerné par le fait, la société sénégalaise Dans le cadre (S) caractérisé par la société sénégalaise dans son symbolisme, le sens de(B) ou les facteurs de blocages de l'introduction des langues nationales dans l'éducation formelle est (A) c'est-à-dire la considération symbolique des sénégalais eu égard à ces dites langues. * 26 _ CITE, 1997, UNESCO, p41. * 27 _ DIOUF (A) et Alli, Dakar, Mars 2001, L'Education non formelle au Sénégal. Description, évaluation et perspectives, UNESCO * 28 _ Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO et ali, 2008, « l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel .Entre medium de communication et outils d'apprentissages scolaires »p8. * 29 _ L.v.THOMAS, 1974, « acculturation et nouveaux milieux socioculturels en Afrique Noire », Bulletin de l'IFAN, série B, T.XXXI, p172. * 30 _ Boudon et Bourricaud, 1982, Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, pp500-504. * 31 _ Bonté -Izard, 2000, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, QUADRIGE /PUF, pp 626-627. * 32 _ Alex MUCCHIELLI, 2001, La psychologie sociale, Hachette, p92-93. * 33 _ Berthelot, 1990, L'intelligence du social, paris, PUF, p39. |
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