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L'ordonnance de la C.I.J. en l'affaire relative à  des questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), demande en indication des mesures conservatoires

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par Etienne KENTSA
Université de Douala - DEA 2010
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE I

Les assurances proprio motu du Sénégal se sont avérées importantes dans cette procédure dans la mesure où elles ont fait ressortir en substance la volonté de cet État de respecter ses engagements conventionnels. Le Sénégal a apporté des précisions quant aux déclarations médiatiques de son président et présenté les mesures prises pour le contrôle et la surveillance de Hissène HABRE. Par ailleurs, le défendeur a affirmé sa volonté de juger l'ex-président tchadien, la preuve de celle-ci étant notamment les réformes normatives opérées et les négociations internationales entreprises en vue de la recherche des ressources financières nécessaires pour l'organisation du procès contre Hissène HABRE.

Le caractère convaincant de ces assurances est mesurable à l'aune tant de leur effet superfétatoire sur les mesures conservatoires sollicitées que de leur effet atténuant sur la portée du différend principal. Elle a remis en cause l'urgence alléguée par la demanderesse et surtout rendu superflues les mesures par elle sollicitées. Cependant, on espère que cette pléthore d'assurances signifie une réelle volonté d'assurer la poursuite et le jugement de Hissène HABRE, et non l'expression de ruse d'un État qui s'obstinerait dans la voie de l'impunité. Nonobstant l'importance de ces assurances, les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD semblent avoir été encore plus déterminantes dans la décision de la Cour.

CHAPITRE II : LA FONCTION MEDIATRICE DE LA C.I.J. A TRAVERS LES QUESTIONS POSEES PAR LE JUGE GREENWOOD

L'examen de la demande belge en indication des mesures conservatoires a mis en exergue la fonction médiatrice de la Cour. Le 6 avril 2009, c'est-à-dire à la fin du premier tour d'observations orales des parties, il s'est passé une chose assez intéressante. En effet, le juge GREENWOOD a posé deux questions aux deux parties ; questions qui allaient s'avérer déterminantes pour la suite de la procédure. D'autant plus que les parties y ont répondu positivement. Il s'agit de la déclaration solennelle sénégalaise et de l'acquiescement belge. Il convient d'examiner tour à tour ces questions (Section préliminaire), les réponses des parties à celles-ci (Section I) et l'impact de ces réponses sur la décision du juge (Section II).

Section préliminaire : Les questions du juge

Ces questions se lisent comme suit :

«First, does Senegal give a solemn assurance to the Court that it will not allow Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending before this Court? And secondly, if so, does Belgium accept that such assurance is a sufficient guarantee of the rights which it claims in the present case ?»205(*)

Il n'est pas incommodant de rappeler que la demande belge en indication des mesures conservatoires était justifiée par la crainte d'un éventuel départ de l'ex-président tchadien du Sénégal. L'on voit bien qu'en posant ces questions aux parties, le juge GREENWOOD a voulu non seulement faciliter l'office de la Cour en l'espèce, mais surtout trouver une solution à laquelle celles-ci s'accommoderaient facilement. En effet, ce juge a certainement cherché à trouver une solution acceptable pour les deux parties. Comme le faisait remarquer Frédérique COULEE, « les juridictions internationales sont confrontées à la nécessité d'obtenir et de conserver la confiance des Etats »206(*).

Cette confiance ne peut être confortée qu'à travers les décisions que rend la Cour au sujet des différends que lui soumettent les Etats. Ceci peut alors amener la Cour à se comporter comme un arbitre et donc à chercher un compromis au lieu d'appliquer strictement le droit international. L'on pourrait dès lors se demander si dans son Ordonnance du 28 mai 2009 la Cour ne s'est pas mise sur la « pente glissante de la justice transactionnelle »207(*).

Il existe des cas où la tendance à la « justice transactionnelle » peut s'avérer plutôt salutaire. Ce fut le cas dans le cadre de l'examen de la demande belge en indication des mesures conservatoires. En effet, il s'agissait pour la Cour d'apprécier les circonstances de l'affaire et de décider s'il y avait urgence à sauvegarder les droits allégués par la Belgique. Etant donné que l'urgence dépendait essentiellement du comportement du Sénégal vis-à-vis de Hissène HABRE, c'est de manière judicieuse que le juge a voulu savoir si cet Etat pouvait s'engager solennellement à ne pas laisser l'ex-président tchadien quitter son territoire avant que la Cour ait rendu une décision définitive. L'on pourrait alors penser que le juge a tout simplement cherché une solution juste à travers ses questions. Ce qui rappelle le célèbre aphorisme dont Louis RENAULT se faisait l'écho : « il ne suffit pas que la justice soit juste, encore faut-il qu'elle le paraisse »208(*).

Les questions du juge sont d'autant plus importantes qu'elles ont permis de mettre en exergue la politique transactionnelle que la Cour peut mettre en oeuvre pour faciliter le règlement des différends portés devant elle. L'Ordonnance du 28 mai 2009 a en effet été facilitée par les réponses des parties à ces questions.

Un membre de la Cour peut donc poser des questions aux parties afin de mieux comprendre leurs arguments et rechercher une solution au litige soumis à la Cour. L'on se souviendra en effet, que dans l'affaire des Essais nucléaires (Australie c. France), le juge GROS avait posé deux questions à l'agent de l'Australie le 25 mai 1973 lors de la phase orale de l'examen de la demande en indication des mesures conservatoires australienne209(*). Ces questions étaient formulées de la manière suivante :

1ère question : "[...]M. l'agent du Gouvernement de l'Australie peut-il indiquer quelle position est ainsi réservée; et s'il s'agit d'une réserve de position juridique qui serait un élément du différend soumis à la Cour par le Gouvernement de l'Australie, le point a-t-il été soulevé et traité comme tel dans les entretiens à Paris, en avril 1973, entre les représentants des deux gouvernements?"

2nde question : "Vis-à-vis de quels Etats, en dehors de la France, le Gouvernement de l'Australie estime-t-il être lié par l'Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux de 1928, pour l'ensemble de l'Acte ou pour partie?"210(*)

L'agent de l'Australie, comme les agents de la Belgique et du Sénégal en l'espèce, a fourni des réponses satisfaisantes aux questions du juge211(*).

* 205 _ Voir CR 2009/9, p. 59 (GREENWOOD).

* 206 _ Frédérique COULEE, « La « justice universelle » : une demande inépuisable, des réponses partielles », Questions internationales, n° 4, novembre-décembre 2003, pp. 6-16 (spéc. p. 13).

* 207 _ Voir Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 293.

* 208 _ Cité par Christian PHILIP (en collaboration avec Jean-Yves DE CARA), « Nature et évolution de la juridiction internationale », S.F.D.I., Colloque de Lyon (1986), La juridiction internationale permanente, Paris, Pedone, 1987, pp. 3-43 (spéc. p. 6).

* 209 _ Demande enregistrée au Greffe de la Cour le 14 mai 1973 ; cf. C.I.J., Essais nucléaires (Australie c. France), mesures conservatoires, Ordonnance du 22 juin 1973, Rec. 1973, pp. 135-147 (spéc. p. 135, § 1).

* 210 _ Voir Correspondance de l'agent de l'Australie du 31 mai 1973 au Greffier, in : Correspondence, Nuclear tests (Australia v. France ; New Zealand v. France), pp. 337-443 (spéc. pp. 372 et 373), http://www.icj-cij.org/docket/files/59/9456.pdf (consulté le 13 octobre 2010).

* 211 _ Ibid.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld