Analyse critique de la collaboration entre les organes exécutif et législatif provinciaux du Nord Kivu( Télécharger le fichier original )par Jackson MUSANGA Université libre des pays des grands lacs - 2009 |
CONCLUSION GENERALECHAP.1 : LA REPARTITION DES POUVOIRS ENTRE LE LEGISLATIF ET L'EXECUTIF AU NIVEAU PROVINCIAL L'article 3 de la Constitution de la troisième République en RDC dispose que la RDC est un Etat unitaire décentralisé avec des provinces comme une des subdivisions de l'Etat. Cette disposition constitutionnelle a comme conséquence que les provinces sont désormais dotée de la personnalité juridique qui les permet tout à la fois de posséder et d'avoir la capacité d'ester en justice et d'être par ricochet attrait en justice. La capacité de la province est une capacité d'agir en justice mais également d'agir sur le plan politique mais pas sur le plan administratif car l'Administration reste la même pour tout le pays en dépit de la décentralisation. Cependant, sur le plan politique, on voit être affirmée la personnalité des provinces qui les permet d'avoir leur propre politique, d'être dirigées également des autorités locales désignées par les structures locales. C'est ainsi que l'on voit les Assemblées provinciales à côté des Gouvernements provinciaux. Ces deux organes politiques provinciaux se partagent les compétences que la constitution reconnait aux provinces. Voilà pourquoi nous consacrons une étude à la répartition des compétences entre l'organe législatif et l'organe exécutif provincial en RDC. Section 1. La Province au regard de la Constitution du 18 février 2006La Province est une des subdivisions territoriales composant la République Démocratique du Congo. Paragraphe 1: La forme de l'Etat instaurée par la Constitution du 18 février 2006Dans l'étude de la forme de l'Etat, nous sommes appelés à analyser la manière selon laquelle le pouvoir est divisé verticalement. Cette division verticale du pouvoir nous permet d'identifier le type de relation qui existe entre l'Etat central et les entités territoriales. Ce qui nous permettra d'ores et déjà de comprendre la forme type de l'Etat instituée par la Constitution du 18 février 2006. D'entrée de jeu, remarquons qu'après une lecture intégrale du texte de la Constitution du 18 février 2006, il n'est indiqué nulle part la forme de l'Etat. C'est ce qui nous obligera de voir alors quel type des relations unies le pouvoir central des collectivités territoriales. En effet à l'Etat central, il existe les institutions suivantes : le Président de la République ; le Parlement ; le Gouvernement et les Cours et tribunaux. Le Président de la République est le Chef de l'Etat, il représente la Nation et est le symbole de l'unité national, veille au respect de la Constitution, assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions et des services publics, ainsi que la continuité de l'Etat. Il est en outre le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux. Selon article 69 de la Constitution le Gouvernement quant à lui est composé du 1er Ministre, des ministres, des vices ministres et les cas échéants des vices 1er ministres, de ministres d'état et des ministres délégués .Il est dit à l'article 90 al. 1er que le 1er ministre dirige le gouvernement. Celui ci requiert l'aval de l'Assemblée Nationale avant d'entrer en fonction. Il définit de concert avec le Président de la République la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le pouvoir législatif est composé de deux chambres : la chambre des représentants appelée l'Assemblée Nationale et le Sénat. L'Assemblée Nationale est composée des députés élus au suffrage universel direct dans leurs circonscriptions électorales respectives et ils représentent le peuple. Le Sénat quant à lui est composé des sénateurs élus au suffrage universel indirect au sein des Assemblée Provinciales et ils représentent les Provinces. Le Parlement vote les lois cependant il n'a pas le monopole de la loi car le Gouvernement peut, pour l'exécution urgente de son programme d'action, demander à l'Assemblée Nationale ou au Sénat l'autorisation de prendre, par ordonnance-lois, pendant un délais limité et sur des matières déterminées, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi (art.129, al. 1er). Le pouvoir provincial est composé de l'Assemblée provinciale et du Gouvernement provincial. L'Assemblée provinciale est composée des députes provinciaux élus au suffrage universel direct par le peuple tandis que le Gouvernement provincial est constitué du Gouverneur de province, du Vice Gouverneur et des ministres provinciaux7(*).L'Assemblée provinciale est l'organe délibérant de la Province. Elle légifère par voie d'édit sur les matières réservées uniquement aux provinces et les cas échéant les matières prévues pour le Parlement après que celui-ci ait accordé une dérogation spéciale à l'assemblée provinciale. Le Gouverneur et son Vice-Gouverneur sont élus par l'Assemblée provinciale. Ils sont investis par le Président de la République (art.198, alinéa 2).Le Gouvernement provincial conduit la Politique de la Province qui devra s'inscrire dans la politique générale de la Nation. Il est institué en RDC une conférence des Gouverneurs. Elle a pour mission d'émettre les avis et de suggestion sur la Politique à mener et sur la législation à éditer par la République. La conférence des Gouverneur est composée outre les Gouverneurs de Province, du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'intérieur. Tout autre membre du gouvernement peut y être invité (art 220alinea 1,2 et 3).Signalons que les articles 202,203 et 204 donnent respectivement les compétences exclusives du pouvoir central, les compétences concurrentes du pouvoir central et des provinces. A la lumière de ces différentes caractéristiques de la Constitution du 18 février 2006 que nous venons de relever, les éléments suivants requièrent notre attention : - Il est garanti le principe de la libre administration des provinces, des entités territoriales décentralisées de leurs compétences et de leurs ressources (art 123 alinéa 1). Ce principe est une liberté fondamentale dont les bénéficiaires sont les collectivités territoriales. Par ce principe nous observons que l'élection des Assemblées délibérantes pour les collectivités territoriales est la garantie constitutionnelle de cette libre administration. Cette garantie résulte également dans le fait que les collectivités territoriales sont représentées par le Senat. En dehors de cette garantie institutionnelle dont les collectivités territoriales sont bénéficiaires, elles jouissent de l'autonomie financière qui veut dire tout simplement que les collectivités locales doivent avoir la maîtrise suffisante de leurs dépenses. - Le pouvoir central n'exerce qu'un contrôle a posteriori, il est moins rigoureux et ne se limite qu'à la légalité des actes et non leur opportunité. Ceci se justifie par le fait que la Constitution accorde aux Provinces une compétence exclusive sur certaines matières, une compétence concurrente avec le pouvoir central, que le pouvoir central puisse se mêler des affaires de la province en cherchant à savoir l'opportunité de tel ou tel autre acte. Le rôle que devra jouer le pouvoir central ici, se limite au contrôle de la légalité des actes des autorités locales pour se rassurer que leurs actes sont conformes à la Constitution et à la loi et devra ensuite se charger des actes qui rentrent parmi les matières pour lequel il a compétence concurrente avec les provinces. -Le caractère unitaire de l'Etat est préservé. Ceci se fait sentir dans le principe de l'indivisibilité de la souveraineté, du territoire et du peuple. Aussi ce principe d'indivisibilité, implique trois aspects principaux correspondant aux trois éléments constitutifs de l'Etat qui sont : -L'indivisibilité de la souveraineté8(*) -L'indivisibilité du territoire9(*) ; -L'indivisibilité du peuple10(*). Après ce premier élément d'indivisibilité nous avons aussi la tutelle de l'Etat sur les entités territoriales décentralisées. En effet, dans le cadre de la décentralisation, il est toujours indispensable de prévoir des mécanismes de contrôle et de tutelle. Les mécanismes de tutelle sont un ensemble des pouvoirs limités accordés par la loi ou en vertu de celle-ci à une autorité supérieure afin d'assurer le respect du droit et la sauvegarde de l'intérêt général contre l'inertie, les excès et empiétements des entités décentralisées. La tutelle se définit aussi comme un ensemble des pouvoirs limites accordés, soit par la loi ou en vertu de la loi, à des autorités administratives représentant de l'Etat aux fins d'assurer le respect du droit et la sauvegarde de l'intérêt général contre l'inertie préjudiciable ,les excès et les empiétements des agents décentralisés. En effet, il est à souligner que les pouvoirs des autorités de tutelle sont nécessairement limités, car le recours à la décentralisation serait en effet inutile si le pouvoir central pouvait s'immixer dans la gestion des entités territoriales décentralisées ou substituer ses propres décisions à celles des autorités décentralisées. Les pouvoirs de tutelle et de contrôle n'existent que dans les cas expressément prévus par la loi et les dispositions qui les établissent sont de stricte interprétation. L'autonomie des organes décentralisés constitue donc la règle tandis que les contrôles apparaissent comme l'exception. La tutelle a pour objectif le respect de la légalité ainsi que la protection de l'intérêt général. L'autorité de tutelle ne peut donc intervenir que si l'autorité décentralisée lèse un intérêt public supérieur. C'est l'autorité de tutelle qui apprécie ce qui est conforme à l'intérêt général mais cette appréciation peut être soumise au contrôle des juridictions. Outre l'indivisibilité et la tutelle, l'actuelle Constitution aux articles 183 et 188 prévoit une seule police et une seule armée Républicaine ; Aussi, la Constitution du 18 février n'a pas modifié la tendance fédéraliste contenue dans la Loi Fondamentale du 19 mai 1960. Du point de vue de la forme de l'Etat, la Constitution du 18 février 2006 n'a pas tranché d'une manière claire. Après avoir consacré le découpage, elle se limite à déclarer que les Provinces sont autonomes dans les limites fixées par l'article 3 : chaque province a la personnalité juridique. Toutefois, seule la République a la personnalité juridique internationale, dispose l'article 202.al.1. La décentralisation s'inscrit dans le cadre d'un Etat unitaire. Elle se caractérise par le refus de tout caractère étatique aux collectivités territoriales, qui peuvent bénéficier d'une plus ou moins large autonomie et qui n'ont pas leur propre Constitution, leur propre gouvernement ni leur propre système juridictionnel et qui ne participent pas, en tant que telles à la prise des décisions étatiques11(*) .Sur ces deux points elle se différencie profondément du fédéralisme. Disons que la Constitution du 18fevrier 2006 a fait une symbiose de l'Etat unitaire décentralisé et de l'Etat fédéral pour satisfaire toutes les tendances politiques dans notre pays. Quand nous faisons allusion à l'Etat unitaire décentralisé, nous voulons évoquer l'idée selon laquelle la décentralisation est un mode ou système d'organisation étatique reconnaissant une liberté plus ou moins étendue de décision d'administration, de « Self Gouvernement12(*) »comme disent les britanniques et les américains, à différentes collectivités territoriales. Ne comporte sur son territoire qu'une seule organisation juridique et politique dotée des attributs de la souveraineté. Les collectivités territoriales en ce qui concerne la RDC, la Ville, la Commune, le Secteur et la Chefferie, composantes de l'organisation administrative qui justifie un Etat unitaire décentralisé. Elles n'existent que par l'Etat et elles n'apparaissent pas dans l'ordre politique, elles ne disposent d'aucun pouvoir administratif propre contrairement à ces entités des Etats fédéraux ou régionaux. -Les provinces ne sont pas des ETD par la manière dans laquelle elles sont organisées. Nous sommes portés à dire que les provinces sont des collectivités territoriales déconcentrées mais dont le mode de gestion est très précis de la décentralisation. A la lumière de ce qui précède nous sommes en même de dire que la République Démocratique du Congo est un Etat unitaire décentralisé. Il se rapproche par moment du fédéralisme mais perd les caractères essentiels du fédéralisme (l'autonomie constitutionnel).Le Professeur Joseph WASSO MISONA dit que « la RDC aménage à la fois la décentralisation et la déconcentration ». Il dit également que la décentralisation consiste à transférer les décisions de l'Etat vers d'autres personnes morales de droit public essentiellement. Les collectivités territoriales, lesquelles sont administrées par des autorités élues et soumises à un simple contrôle de légalité signifie en outre que la décentralisation telle que pratiquée en RDC ne conduit pas à une véritable division des pouvoirs normatifs au sein de l'Etat car l'autonomie des collectivités locales est plutôt administrative et non politique. Le Professeur NTUMBA LUABA soutient cette position lorsqu'il dit que dans la décentralisation le pouvoir central n'exerce qu'un contrôle de tutelle sur les provinces lequel contrôle ne se limite qu'à la légalité et non l'opportunité des actes.13(*) * 7 _ Art.195 du Règlement d'ordre intérieur de l'Assemblée Provinciale du Nord Kivu. * 8 _ La souveraineté est indivisible parce qu'elle réside dans la collectivité étatique envisagée globalement, sans tenir compte de la diversité des aspirations locales ou de la variété des multiples collectivités que forment l'Etat * 9 _ Au regard de la jurisprudence constitutionnelle, le principe d'indivisibilité de la République ne signifie pas que le territoire de la République soit intangible. Cela suppose le principe d'intangibilité du territoire national qui exclut toute les possibilités de reconnaissance du droit de cessession. L'indivisibilité du territoire suppose aussi l'uniformité des droits applicables. Les lois doivent donc être uniformes dans leurs applications. * 10 _ Le principe d'indivisibilité de la République en combinaison avec le principe d'égalité posé à l'article 13 de la Constitution commande l'unité du peuple congolais et interdit par la même toute différenciation entre citoyen constituant un même peuple (art.1 et 13).L'indivisibilité du peuple c'est une affirmation de l'unicité du peuple congolais, c'est la non reconnaissance constitutionnelle de droit de minorité ;c'est le refus de toute division entre citoyen(interdiction de toute division par catégorie des électeurs et des éligibles, l'interdiction de discrimination fondée sur les attaches territoriales). Ces explications sont tirées de FAVOREU Louis, Op.cit, p.428-442. * 11 _ B. BIBOMBE MWAMBA et KIHANGI BINDU, Formes de l'Etat Régimes politiques et Systems Electoraux, 2002. Publications de la faculté de Droit de l'ULPGL, 2002, pp.15-16. * 12 _ B. BIBOMBE MWAMBA et KIHANGI BINDU, Op.cit, p.26. * 13 _ NTUMBA LUABA LUMU, Droit constitutionnel général, Kinshasa, Ed. Universitaires africaines, 2005, p.63. |
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