Le travail des enfants au Cameroun: le cas de la ville de Yaoundé (1952-2005)( Télécharger le fichier original )par Allamine Mariam Université de Yaoundé I - Cameroun - Master 2010 |
B- L'IMPACT ECONOMIQUELe coût économique se résume en la compromission des ressources humaines futures et à la perpétration de la pauvreté. 1- La compromission des ressources humaines et la réduction de l'accumulation du capital humain garant de l'avenir Il n'est de pacte plus sacré que celui que le monde a avec ses enfants. Il n'est pas de tâche plus noble que celle de garantir le respect de leurs droits, de protéger leur bien-être, de leur permettre de grandir à l'abri de la peur et de la misère et de s'épanouir dans un climat de paix210(*). Cette déclaration de Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations Unies, traduit de manière claire l'importance qu'on peut accorder à l'enfance en la protégeant par exemple des séquelles introduites par le travail des enfants. L'intensité et la pénibilité des tâches exécutées par les enfants conduisent à une situation dans laquelle les enfants s'usent rapidement et sont incompétents et incapables d'affronter correctement la vie future. La mise au travail de manière précoce expose les enfants à des infirmités morbides, psychiques ou sociales et les rend de ce fait inemployables211(*). Surtout dans le retard de l'équipement productif qu'a suscité leur emploi, mais aussi le retard dans leur éducation et la perspective écrasante et onéreuse d'une prochaine génération d'adultes incultes et sanitairement affaiblis qui pèse et se répercute à travers les décennies. Voici une parfaite illustration de nos propos. Lors de nos investigations, des mamans employant leurs enfants dans le commerce ambulant nous ont avoué qu'elles avaient fait de même dans leur jeunesse pour leurs parents et qu'elles se reposaient maintenant, leurs enfants le feront à leur tour pour elles212(*). Parce qu'elle privilégie le court terme, l'économie de marché concurrentielle, qui atteint son paroxysme dans l'exploitation des enfants, détruit tout ce qui est porteur d'avenir. Décomposition familiale, invalidation physique, intellectuelle et morale de millions d'enfants, croissance de la délinquance juvénile, perspective écrasante et onéreuse d'une prochaine génération d'adultes incultes et à la santé fragile, ont un coût social et économique. Il constitue une lourde dette contractée aujourd'hui et qui pèsera longtemps sur les générations futures. Mais ce coût, cette dette, ne semble pas inquiéter les agences monétaristes et commerciales qui encouragent les politiques de concurrence à outrance que nous connaissons aujourd'hui. La mise au travail des enfants est une garantie claire de sacrifice du capital humain futur, gage d'un développement durable. 2- La perpétration de la pauvreté Le coût que peut avoir le travail des enfants sur la pauvreté est d'origine structurelle. En analysant la donne, on constate que l'adulte d'aujourd'hui, qui a été mis au travail à un âge précoce, est vidé de ses facultés physiques, intellectuelles et morales. Le manque d'éducation ou de scolarisation ne lui permet pas d'affronter le monde actif présent et il se retrouve exclu d'une insertion socioprofessionnelle possible ou même décente à laquelle aspire tout adulte. Il n'a plus de compétence, ni de performance et trouve continuellement son compte dans le secteur informel qui, dans le cadre spatial qui intéresse notre étude, ne dispose d'aucune garantie. Face à cet imbroglio, il est obligé de mettre à contribution les forces productives de sa progéniture pour être capable de couvrir les dépenses familiales. C'est ainsi que le travail des enfants affecte négativement la société à travers sa transmission séculaire de génération en génération. Aussi, la mise au travail précoce ainsi que la pauvreté conséquente se mettent d'accord pour être un `'héritage structurel'' qui se transmet par la force des circonstances de génération et génération. Par ailleurs, la substitution du travail des adultes par celui des enfants, contribue généralement au chômage des parents213(*). En effet, un enfant qui travaille met essentiellement un adulte au chômage. Or, plus le taux de chômage est élevé, plus le pouvoir d'achat baisse et plus augmente le taux de pauvreté. En effet, le travail des enfants procure une main-d'oeuvre docile et moins chère et celle-ci est hyper sollicitée par rapport à la main d'oeuvre ordinaire constituée d'adultes. De plus, l'emploi des enfants a pour effet d'entraîner une baisse de salaire de l'ensemble des travailleurs. Ce fait perpétue la pauvreté, compromet les possibilités d'obtenir à l'âge adulte, un emploi plus rémunérateur en faisant obstacle à l'éducation. Parallèlement, les enfants constituent un relaie des parents dans la chaîne de la mise au travail214(*). Du fait de l'indisponibilité physique, sanitaire, psychologique ou intellectuelle des parents, les enfants remplacent ces derniers dans l'exécution de leurs activités initiales. Il demeure clair que le rendement des enfants est inférieur à celui des adultes et plonge de ce fait cette famille dans l'extrême pauvreté. L'exploitation des enfants par le travail est à la fois l'une des démonstrations et l'une des conséquences les plus criminelles de l'exploitation des travailleurs. Si les travailleurs étaient rémunérés de manière à satisfaire aux besoins fondamentaux de leur famille, si la durée du travail journalier, hebdomadaire et annuel leur permettait d'assurer l'éducation de leurs enfants, si les conditions de travail ne mettaient pas leur santé en péril, si, comme le souligne Johura Begum, des services adaptés étaient mis à leur disposition, alors sans doute, leurs enfants ne seraient pas contraints de travailler.
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