· 1. Question et
méthodologie de la recherche
Le point de départ de notre investigation est un
constat, celui de la contradiction entre la pratique et les principes
fondamentaux concernant l'origine et la signification du pouvoir, tels qu'ils
sont esquissés en Sg 6,1- 7,1-21. L'écart va bien au-delà
de celui qui peut exister entre « ce qui est et ce qui devrait
être ». La discordance est peut-être la
conséquence d'un monde qui a perdu le sens de l'écoute et veut
tracer lui-même la ligne de son devenir au lieu de se laisser instruire
par la Sagesse créatrice de Dieu. De fait, il y a une tentation de
vouloir verser dans l'idolâtrie du pouvoir. Devant la
réalité des abus du pouvoir dans la gestion politique du monde
actuel, en particulier en Afrique, une question se pose avec
acuité : « Comment l'exercice du pouvoir peut-il, de
manière consciente et réfléchie, rendre une juste
espérance au peuple d'Afrique qui fait confiance à ses dirigeants
politiques » ? Autrement dit, comment le pouvoir venant de Dieu
(6,3), exercé par différents chefs temporels, peut-il concourir
à la ré-confection du tissu politique africain qui doit
sauvegarder la primauté de la valeur essentielle qu'est la vie ?
Telle est la question sous-jacente à ce travail, qui se veut avant tout
une herméneutique du sens du « pouvoir »
dont l'intuition « s'origine » dans Sg 6,1 -
7,1-21. La méthode herméneutique est avant tout
« un art d'interpréter », selon Fr.
Schleiermacher4(*). C.
Geffré précise : « des tâches de
l'herméneutique [sera ici] de discerner les éléments
fondamentaux de l'expérience [biblique] et de les dissocier des langages
dans lesquels cette expérience s'est traduite. Ce travail risqué
d'interprétation n'est possible qu'à partir de notre situation
historique et de notre expérience actuelle de l'existence
humaine »5(*). Il
nous semble en effet que l'on ne peut pas lire cette péricope de la
Sagesse de Salomon (6, 1 - 7, 21) et insensible à la situation
existentielle de l'Africain qui est non seulement image divine, mais aussi
« une image politique », appelé à vivre dans
la société.
· 1.1. La Thèse
Les souverains des peuples aiment trônes, sceptres,
richesses, santé, beauté, que seul la Sagesse tient dans ses
mains, dans une mesure incalculable (7, 11-12). L'origine de tout pouvoir est
en Dieu (6,3), et seul le désir de la Sagesse conduit à la
royauté et fait régner à jamais (6,17-21). Une multitude
de sages est le salut du monde, un roi sensé fait la stabilité du
peuple (6,24). Tous les rois sont nés parmi les soucis, aucun roi ne
connut d'autre début d'existence (7,4). Voilà pourquoi, dit le
roi Salomon, j'ai prié et l'intelligence m'a été
donnée (7,7). Au vrai, Dieu est le seul dirigeant de son peuple, qu'il
confie aux différents rois (6,4), auxquels il demandera des comptes
(6,5).
La Sagesse place l'Homme au centre de son interpellation. Au
vu des défaillences dans l'exercice du pouvoir dans l'Afrique actuelle,
une prise de conscience du sens profond (originaire) du pouvoir est
requise. On doit mettre en place une éducation qui restaure à
l'exercice du pouvoir son sens de service et de la promotion de la
dignité humaine. Sg 6,1- 7,21 peut en constituer un texte de base.
Seule l'écoute de la Sagesse (6,1) qui est la mère de tous les
biens (7,12), et le fruit d'une passion peut donner à l'Afrique le
respect de l'homme, en tant qu'image de Dieu, et lui rendre, par le biais de
ses dirigeants, la joie de vivre conformément à ses valeurs
fondamentales.
On peut affirmer que le pouvoir que Dieu donne aux
différents rois répond à une aspiration noble : outre
la bonne gouvernance (priorité à laquelle convoque l'exercice du
pouvoir), l'exercice du pouvoir veut être le chemin qui conduit à
la sanctification des rois temporels oeuvrant au nom du Roi éternel. La
quête de la Sagesse révèle et régénère
des valeurs humaines qui contribuent à la construction d'une
communauté pacifique. Il s'agit pour nous, de retrouver les vrais
repères et la signification du pouvoir, pour rebâtir cette Afrique
et lui donner une attitude et des dispositions
« anthropo-christiques ». Il faut donc repartir de la
Sagesse, pour laisser éclore une Afrique heureuse.
* 4 _ Fr.
Schleiermacher, Herméneutique, trad. et Introd. de Marianna
Simon, avant-propos de Jean Storobinski, Genève, Labor et Fides, 1987,
p. 104.
* 5 _ C. Geffré,
Croire et Interpréter. Le tournant herméneutique de
la théologie, Paris, Cerf, 2001, p. 17.
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