CHAPITRE III : FORCES POLITIQUES DURANT LA
TRANSITION
L'Accord Global et Inclusif signé à Pretoria
le 17 décembre 2002 a mis fin à tous les désaccords
persistants entre les belligérants. Tout au long de cette période
de conflits, plusieurs forces politiques furent au rendez-vous. De tout cela,
les divers acteurs formant les différentes forces politiques,
jugèrent nécessaire de tisser des alliances politiques autour des
enjeux en présence. La configuration de toutes c es forces se
présentait à deux selon qu'elles étaient internes et
externes, comme s'est présenté l'univers politique congolais.
Ce chapitre comprendra deux sections dont l'une sera
consacrée aux forces politiques internes et l'autre aux forces
politiques externes.
SECTION I : FORCES POLITIQUES INTERNES
Après la mise en place de la transition presque
toutes les anciennes forces politico-militaires se sont transformées en
forces politiques. A ce sujet, ont été identifiées forces
politiques, toutes les parties prenant part aux assises du
DIC. Après la fin aux hostilités
sanglantes, toutes ces forces sont devenues dans une large partie des partis
politiques et d'autres se sont créés.
Dans l'analyse des forces politiques internes, nous avions
celles issues de l'Accord Global et Inclusif et
d'autres qui ont vu jour après ledit accord. Il faudra comprendre que la
sphère politique congolaise pendant cette transition a regroupé
d'une part les forces du pouvoir constitué essentiellement des forces
signataires de l'Accord Global et Inclusif selon ses
prescrits et d'autre part celles qui étaient hors des institutions de la
transition. L'Accord Global et Inclusif sur ces
forces en a distingué deux grandes catégories dont les forces
combattantes et les forces non-combattantes. Aussi donc les Composantes et
Entités suivantes ont été retenues forces combattantes car
durant les conflits, elles ont utilisé des armes pour poursuivre leur
but. Il s'agit des Composantes et Entités suivantes :
Ø Le Gouvernement de la
RDC ;
Ø Le MLC ;
Ø Le RCD ;
Ø Le RCD/ML ;
Ø Le RCD/N ;
Ø Les Maï-Maï.
D'autres forces ont été identifiées comme
ayant utilisé leurs idées pour leurs fins et, à ce sujet
parmi les forces non-combattantes nous avions deux Composantes
ci-dessous :
Ø L'Opposition
Politique ;
Ø Les Forces Vives.
Dans cette catégorie des forces politiques internes,
nous ferons dans les lignes qui suivent l'analyse de deux forces dont d'une
part les partis politiques et la société civile d'autre part.
§.1. PARTIS POLITIQUES
1.1. PARTIS POLITIQUES CONGOLAIS
1.1.1. PREMIERES
EXPERIENCES PLURALISTES
En RDC, l'avènement des
partis politiques n'est pas une autre chose que l'aboutissement d'un long
processus de revendications sociales réductibles au rejet pur et simple
de la colonisation comme mode d'occupation du territoire, comme système
organisateur et de gestion politique, et comme l'affirmation de la
volonté du peuple, en particulier de ses élites de créer
un `Etat radicalement africanisé, mieux congolais'. (LUANDA,
P., 2003-2004, p. 23).
Les partis politiques congolais tirent leurs origines des
associations qui prirent naissance au lendemain de la deuxième guerre
mondiale. En tout premier lieu, le Cercle d'Etudes d'Anciens Elèves,
l'Association des Anciens Elèves des Pères de Schuet,
inscrivaient à leur programme la lutte contre toute espèce de
différenciation raciale, et tout particulièrement des
évolués.
En effet, en 1955, la Conférence de Bandoeng a fait
souffler sur l'Asie et l'Afrique un vent d'indépendance et de
nationalisme. La propagande de Moscou déversa en même temps sur
toute l'Afrique, ses excitations à la lutte radicale et à la
lutte contre l'Occident. Elle sera soutenue et encouragée par les
milieux marxistes et progressistes des démocraties occidentales. Le
Congo ne pouvait demeurer longtemps en dehors du mouvement. Pourtant la
situation du Congo différait de celle des autres colonies africaines.
Français et anglais s'étaient très moins souciés de
l'enseignement de la masse ; par contre, ils avaient formé dans
leurs universités une véritable élite, consciente des
problèmes d'un Gouvernement. Au Congo, par contre, l'enseignement
primaire avait été largement diffusé dans l'ensemble de la
population, mais les études secondaires et supérieures
étaient réservées à quelques rares
séminaires en vue de former des prêtres catholiques. A l'exception
de ceux-ci, et d'après DESSART, C.
(1960, p. 4), le Congo ne possédait pas
`d'élites universitaires. Ce n'est que le 12 octobre 1954 que s'ouvrit
à Kimwenza l'Université Lovanium. Cette création, suivie
bientôt en 1956 de celle d'une Université de l'Etat à
Elisabethville, jointe à la formation d'universitaires congolais en
Belgique eut une influence directe sur la naissance et l'évolution des
mouvements politiques au Congo. La classe dite des évolués se
rendait parfaitement compte que si l'autonomie ou l'indépendance du
Congo n'était réalisée qu'après la formation des
jeunes universitaires, ce serait ceux-ci les futurs dirigeants du Congo et non
pas les évolués. Il fallait donc pour eux s'emparer du pouvoir
avant que ne puisse apparaître sur la scène politique une
véritable élite universitaire qui fut à la base de la
revendication de l'indépendance avant 1960.
En effet, l'accession du Congo à
l'indépendance n'était plus à revendiquer ou à
demander. Déjà, à la suite des émeutes urbaines de
Léopoldville le 04 janvier 1959, à l'indépendance fut
promise le 13 janvier de la même année dans la
prospérité et dans la paix.
Ainsi en application de cette déclaration royale, le
Gouvernement belge déclarait que fussent organisées au mois de
décembre les élections communales sur toute l'étendue du
territoire national et que fussent constitués au mois de mars 1960 de
nouveaux Conseils de province. Dans le même ordre d'idées, un
Conseil consultatif auprès du Gouverneur Général ainsi que
des Conseils provinciaux auprès des Gouverneurs des provinces furent
constitués le 1er mars 1959. C'est dans cette optique
que le premier Congrès des partis politiques (unitaristes) fut tenu du
07 au 12 avril 1959 à Luluabourg au cours duquel Patrice
Emery LUMUMBA réclamait l'installation d'un Gouvernement
congolais pour le 1er janvier 1961. Quelque temps plus tard,
soit au mois de mai, l'ABAKO devenue `Alliance des
Bakongo', exigeait la création d'un Congo fédéré
avec six provinces autonomes. Mais Monsieur VAN
HEMELIICK, alors Ministre des Colonies, s'opposait fermement au
centre-moniste qui revendiquait la création d'une `République du
Kongo central' dès le 1er janvier 1960. Et à la
place, il proposait que le chronogramme prévu par la déclaration
gouvernementale du 13 janvier 1959 soit respecté. Ce faisant,
l'ABAKO et le PSA
décidèrent de boycotter les élections
communales de décembre 1959, de refuser tout contact ni avec
l'administration coloniale locale, ni avec des autres partis politiques
congolais et exigeaient une négociation directe avec le seul Parlement
belge. Le MNC s'aligna derrière leur position
du boycott le 13 août 1960.
Au Congrès des partis unitaristes de Stanley-ville
qui déboucha aux incidents de 28 octobre 1959 et lesquels aboutiront,
par ailleurs, à l'arrestation de Patrice Emery
LUMUMBA le 30 octobre de la même année ; les
fédéralistes qui se réunissaient, à la même
période, soit du 23 au 27 novembre 1959 à Kisantu
exigèrent la tenue d'une Table Ronde préalable aux
élections communales, urbaines et rurales en décembre. Cela fut
fait le 20 janvier 1960 lorsque le Ministre du Congo convoqua la Table Ronde de
Bruxelles.
La Table Ronde politique de Bruxelles tint ses assises du 20
janvier au 20 février 1960. La délégation congolaise y
était relativement soudée nonobstant la présence de
quelques clivages latents ou apparents. A ce propos, Joseph
KASA-VUBU déclarait : `Nous exigeons la
présence de Patrice Emery LUMUMBA, sans quoi, il faut s'attendre
à ce que la Conférence prenne une autre tournure'.
(KASHAMURA, A., 1966, p. 18).
Au mois de mars, les villes de Kolwezi, Jadothville et
Elisabethville furent le théâtre de certains incidents alors que
la Table Ronde économique à laquelle les politiciens congolais
n'attachèrent guère assez d'intérêt débuta le
26 avril à Bruxelles. En réalité, l'heure était
plutôt aux préparatifs des élections législatives de
mai 1960 qui firent triompher les unitaristes. Ce Gouvernement obtint le vote
de confiance du Parlement le 24 juin et le 30 juin 1960 l'indépendance
fut officiellement proclamée.
Avant 1960 en effet, les conditions structurelles dans
lesquelles naissent habituellement les partis politiques ne se retrouvaient pas
réunies au Congo. (BOUVIER, P., 1965, p.
126).
La situation congolaise s'écarte de ce schéma.
Le premier scrutin qui fut organisé au Congo datait de 1959, il
était de portée géographique très réduite de
même que les villes et il avait pour objectif l'élection des
Bourgmestres.
La première étape réellement
significative au point de vue des élections fut le scrutin de
décembre 1959. Annoncé dès janvier 1959, il était
la première expérience s'étendant à l'ensemble du
territoire en matière d'élections. Il a été
organisé le suffrage universel direct devant procéder à
l'élection des représentants aux Conseils communaux dans les
villes, aux Conseils de territoires dans les milieux ruraux.
La deuxième étape fut celle de mai 1960. Pour
la première fois, la population était appelée à
désigner ses représentants aux institutions centrales du pays
comme au niveau de la province.
Les formations politiques existantes au Congo à la
fin de l'année 1959 se situaient donc pratiquement en dehors du cadre
électoral et parlementaire. En effet, les partis politiques congolais
sont nés des groupements ethniques ou provinciaux et s'expliquent par
des raisons suivantes. D'abord, seules les associations tribales étaient
autorisées à fonctionner, ce qui a poussé les candidats
à devoir s'appuyer sur leurs associations tribales. En fait la seule
organisation politique réellement efficace lors des élections de
1957 fut l'ABAKO. Cependant, cette dernière
n'était pas encore reconnue officiellement comme parti. L'action
socialiste et dans une moindre mesure, l'union congolaise, ont souffert de
leurs origines européennes.
On sait que les partis politiques belges, surtout les
libéraux et les socialistes, avaient déployé des efforts
pour créer des réseaux au Congo. S'il est vrai que beaucoup de
leaders congolais ont participé à ces organisations
(LUMUMBA-libéral,
ADOULA-socialiste,
ILEO-catholique) où ils pouvaient avoir des
échanges d'idées avec les européens, il faut dire que les
traits paternalistes qui guidaient l'activité politique d'alors
étaient un peu dérangeants. (BOMANDEKE BONYEKA, 1992,
p. 187).
Enfin, suite à la déclaration politique belge
du 13 janvier 1959, des partis politiques sont créés. D'abord
à compte-gouttes, puis massivement au milieu de l'année. On n'en
dénombra une bonne centaine durant les dix-huit derniers mois du
régime colonial. Malheureusement, plusieurs d'entre eux n'avaient du
reste connu qu'une existence éphémère.
Sur le plan formel, la Loi fondamentale n'avait rien
prévu en matière des partis politiques. Cette matière
avait plutôt été réglée par la coutume.
(YOUNG, C., 1965, p. 158).
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