C. Sommet France -
Afrique
C'est au cours du seizième sommet franco-africain qui
avait eu lieu à La Baule en France du 19 au 21 juin 1989, que
François MITTERAND, alors Président de
la République française confirmait dans son discours ce qui
suit : `L'augmentation de l'aide aux pays africains
dépendra en partie du progrès dans le domaine de la
démocratisation'. Au cours de la conférence de
presse tenue à la fin du sommet, le Président français
avait précisé que : `Désormais, l'aide
française sera plus tiède face aux régimes qui se
comporteraient de façon autoritaire, tandis qu'elle sera plus
enthousiaste vers ceux qui franchiront avec courage le pas vers la
démocratisation.'
En termes clairs, l'aide française devenait une prime
au simple progrès de démocratisation et à l'instauration
du pluralisme politique.
Il convient d'indiquer qu'avant le discours sus
évoqué, le Maréchal MOBUTU avait
déjà entrepris une tournée des consultations populaires.
En effet, convaincu du mécontentement de la population, le Chef de
l'Etat s'était décidé en date du 24 avril 1990, dans un
discours demeuré célèbre d'abandonner le parti unique et
d'ouvrir la porte au multipartisme politique.
Selon THASSINDA, H.
(1992, p. 29), cette ouverture politique
décrétée par le Président de la République
est rapidement passée par l'apparition de plusieurs autres partis
politiques dont certains furent `des pions du MPR
pour faire diversion'.
Aux causes exogènes, il y a lieu de rappeler
l'assassinat du Président roumain CESSESCOU.
Cet assassinat montra comment devrait finir le Président
MOBUTU.
.
§.2. DEBUT
A Kinshasa, toutes ces causes n'étaient pas
restées inaperçues. La quasi-majorité de la population se
demandait quand le Zaïre se déciderait- il à embrasser la
voie de la démocratie. Car elle était présentée par
le Ministre français de la Coopération Alain PLANTEY
en ces termes : `Qu'il n'est pas de
développement sans démocratie et de démocratie sans
développement'. (NTOMBOLO, C.,
1991, p. 91). Donc pour le Zaïre afin de sortir
de son chaos de sous- développement, la démocratie était
la voie de cette sortie.
L'ambition des partis politiques clandestins fut de soulever
la population et devancer le Chef de l'Etat, prouvant aussi à la face du
monde que l'ouverture du Zaïre à la démocratisation
n'était pas la volonté du Maréchal, mais plutôt le
résultat d'une pression de la lutte populaire. Le Chef de l'Etat
était conscient, les services de l'ordre et de renseignements
également. Ainsi le défi consistait pour tous les services
spécialisés à maintenir un calme absolu avant le discours
présidentiel déjà prévu le 24 avril 1990. Le Chef
de l'Etat instruisit à cet effet Monsieur Honoré
N'GBANDA en sa qualité de premier responsable des services
de renseignements.
En fait, le voeu des partis clandestins était
motivé par une rumeur persistante qui circulait dans la capitale
quelques jours avant cette date. Selon cette rumeur, le Chef de l'Etat aurait
accepté un droit de tendance au sein du parti unique, mais limité
à trois partis politiques. Une première tendance serait tout
simplement à caractère conservateur, incarnée par les plus
anciens collaborateurs du Président- Fondateur. Une deuxième
tendance serait néo-lumumbiste, regroupant surtout les cadres
intellectuels, lesquels cadres avaient entouré le Président-
Fondateur en ses premières années de pouvoir et qui ont
poussé aux nationalisations de 1966.
Enfin, la dernière tendance regroupait les militants
clandestins de l'UDPS autour de Monsieur
Frederick KIBASA MALIBA, Co-fondateur de ce parti
mais reconverti avec d'autres Co-fondateurs en membres du Comité Central
du MPR et détenant en même temps un
portefeuille ministériel dans le Gouvernement
KENGO. La même rumeur laissait croire que, en
réalité, deux tendances seulement seraient capables de
s'organiser rapidement : les tendances UDPS et
néo-lumumbiste. L'autre tendance dite conservatrice se présentait
comme un fourre- tout, trop petite pour englober tous les anciens dignitaires
et trop vaste pour ne satisfaire personne. Elle était alors
déjà présentée négativement.
C'est dans cette ambiance que sera annoncée et
confirmée la date du 24 avril 1990 comme le début de la
démocratisation au Zaïre.
Dans le but de parer à toutes les formes de crises
que le régime souffrait, le Président MOBUTU
initia une tournée des consultations populaires pour
mesurer le degré du désastre zaïrois. C'est ainsi que, le 24
avril 1990 lors de son discours, il a déclaré ce qui suit:
`J'ai décidé de tenter de nouveau l'expérience
du multipartisme politique dans notre pays en optant pour un système de
trois partis politiques (...). Nous devons
éviter surtout que le multipartisme ne devienne au Zaïre synonyme
du multi-tribalisme. Le multipartisme doit être considéré
comme la manifestation d'une volonté réelle de dépassement
des tendances tribales, régionales et séparatistes.
(DIANGITUKA, F., 1997, p. 370).
Ce discours de début de démocratisation au
Zaïre marquait la fin des consultations populaires entreprises par le Chef
de l'Etat. Ce discours devrait donc livrer les résultats des
consultations qui ont précédé ce lancement officiel,
jusque là tenus secrets et surtout les conséquences que devrait
tirer le Président de la République. Ces consultations ont
révélé les souhaits du peuple qui étaient la
séparation des trois pouvoirs traditionnels de l'Etat, la lutte contre
la corruption et les inégalités sociales. Bref, il était
question de l'amélioration du niveau de vie du citoyen zaïrois.
Cependant, le choix de cette date historique par le Marechal n'était pas
fortuit. Le Maréchal ne l'a jamais caché tel que le reprend
N'GBANDA, H. (1995, p. 65):
`Le chiffre 4 lui apporte souvent bonheur. Et pour le cas
d'espèce, il y a deux fois le chiffre 4, et, qui pourrait lui apporter
double bonheur'.
Face aux pressions intérieures et extérieures,
le Président amorça ce processus de démocratie en
autorisant le multipartisme à trois et pour sa part, il venait de signer
l'acte de décès du parti- Etat. Et comme à l'occasion de
tout bon décès les larmes du Président
MOBUTU coulèrent ce jour là à
N'Selé.
C'est comme si, par ses larmes, le Maréchal avait
maudit la démocratie zaïroise. Comme le pense AFANA,
D. (1998, p. 12), quand il soutient que
c'est comme s'il avait dit : `Démocratie, tu ne
seras que larmes et chagrin pour ce peuple par ma
volonté'.
Il faut signaler que pendant ce temps, la capitale fut objet
des pillages et chacun allait piller où il veut et qui il veut. C'est
ce débordement qui ramènera le Maréchal à la
raison. Il décida en contradiction avec lui-même, de reprendre les
affaires du pays en mains. Mais l'espoir qu'il avait donné au peuple en
1990 s'était déjà effrité à cause de la
sourde oreille faite à ses revendications principales, qui furent alors
le paiement des salaires et la convocation de la
CNS.
De tout ce qui précède, de ce qui a
été de la démocratisation dans notre pays, et avec les
vouloirs extériorisés par le peuple lors des consultations
populaires, il eût fallu un temps de préparation à une
nouvelle République. Cette période est ce que nous appelons la
transition qui a commencé pour la première fois sous le
règne du Maréchal, la CNS qui a
été un moment fort d'expression démocratique. Elle a
permis la relecture de l'histoire du pays en partageant les
responsabilités du désastre, mais malheureusement ses acquis ne
seront pas respectés. Et, ce qui donnera lieu aux coups de force de
l'AFDL à changer le régime, ainsi une
autre transition commencera pour laisser aux autres dont la plus glorieuse est
celle issue de l'Accord Global et Inclusif car elle a pu investir un nouvel
ordre politique et électoral.
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