Chapitre VI : Evaluation de l'apport de
la fonte des neiges aux débits dans principaux oueds du Haut Atlas de
Marrakech
Dans ce chapitre, on va analyser l'apport des données
de télédétection à la modélisation
hydrologique. La contribution de la fonte des neiges aux débits des
oueds atlasiques sera évaluée à l'aide du modèle
hydrologique de fonte « SRM ». Les différents
traitements relatifs à ce travail sont détaillés dans
l'article (Boudhar et al., 2009) à paraître en décembre au
journal des sciences hydrologiques. Une synthèse de cet article est
présentée au début de ce chapitre.
VI.1
Présentation de l'article (boudhar et al. 2009)
Les eaux de fonte des neiges jouent un rôle important
dans le bilan hydrique des bassins versants du Haut Atlas. Cependant, la
contribution respective des précipitations liquides et solides aux
débits des oueds reste encore mal connue. Les données
hydro-climatiques mesurées in situ dans la région sont rares et
les stations météorologiques sont souvent installées dans
les basses altitudes. Vu le manque de données in-situ
représentatives sur l'ensemble des bassins versants montagneux du Haut
Atlas, la télédétection satellitaire reste une source
d'information attractive et complémentaire aux mesures de terrain et en
particulier la cartographie de l'enneigement.
L'utilisation des observations de superficies neigeuses pour
prévoir les débits a débuté en 1930 par l'usage de
photographies aériennes (Potts, 1937). Depuis 1972, les informations
issues du capteur NOAA-AVHRR (National Oceanic and Atmospheric
Administration-Advanced Very High Resolution Radiometer) ont été
utilisées pour modéliser la fonte de neige (Rango, 1986,1996).
Parmi les modèles de fonte utilisant la couverture neigeuse en
entrée, le modèle conceptuel de fonte de neige
« SRM » (Martinec, 1975) est largement utilisé dans
le monde, soit pour mieux comprendre les estimations du bilan hydrique du
bassin versant pour des chroniques connues (mode
« réanalyse ») , Rango et Fourgon Katwijk,
1990 ; Songweon Lee, 2005, soit pour la prévision des débits
(mode « prédiction ») en quasi temps réels
(Rango et Martinec, 1979 ; Shafer et al., 1982, Martinec, 1985, Martinec
et Rango, 1995 ; Rango et Martinec, 1997 ; Klaus Seidel, 1998, Jesko
et Schaper, 1999 ; Gomez et Landesa, 2002 ; Thomas et al., 2008).
Les données issues de la
télédétection permettent d'accéder à la
variabilité spatio-temporelle de l'enneigement, et ce pour de grandes
superficies. Cependant, l'acquisition de ces données par les satellites
se fait dans des conditions météorologiques diverses. Par
exemple, les images prises en présence de nuage ne sont pas utilisables
pour cartographier la neige. Ce cas est plus fréquent dans les
régions montagneuses où la nébulosité est
généralement élevée. Dans le Haut Atlas marocain,
la chute de neige et sa fonte peuvent avoir lieu en une seule semaine. Dans ces
conditions et pour mieux étudier le couvert nival, il faut avoir des
séries d'images avec une fréquence élevée (en
moyenne, deux images par semaine). Afin de compenser le manque de
continuité dans les observations satellites, des informations
supplémentaires sur les variables d'états de l'extension
neigeuses peuvent être obtenues à partir des modèles
forcés avec des données mesurées à la surface
(températures de l'air, humidité, vitesse du vent, rayonnement
solaire, ...). La méthode qui combine les deux informations,
obtenues à partir de la télédétection et de la
modélisation et qui prend en compte les limites de chaque type de
donnée, reste la plus recommandée. Elle est connue sous le nom
d'assimilation des données (McLaughlin, 1995).
Dans ce chapitre nous avons utilisé le modèle
hydrologique « SRM » pour simuler les débits dans
les exutoires des cinq sous bassins versants atlasiques. Deux méthodes
d'estimation des SCA sont utilisés à l'entrée pour
évaluer la potentialité du modèle SRM : 1) surfaces
issues des images satellite et 2) surfaces simulées à l'aide d'un
modèle de fonte simple degré jour. Dans une première
étape nous avons effectué une analyse de sensibilité des
paramètres du modèle en deux modes : MOD1 avec des surfaces
de neige de télédétection et MOD2 avec des surfaces de
neige simulées. Cette étude de sensibilité permet ainsi
d'identifier les paramètres sur lesquelles la plus grande attention
devra être portée. Dans une deuxième étape, nous
avons procédé à la calibration du modèle en
introduisant le concept d'équifinalité des paramètres. Ce
phénomène peut être engendré lorsque des jeux de
paramètres significativement différents conduisent aux
mêmes résultats de simulation. Pour mettre en évidence le
phénomène de l'équifinilité nous avons produit des
contours de variation de l'efficience pour chaque paire de paramètres.
Cet exercice a été appliqué pour les cinq sous bassins
versants sur l'année 2005. Le choix de cette année est
conditionné par la disponibilité des données plus fiables
que les autres années (débits et pluies). Les jeux de
paramètres donnant 90% de l'efficience maximale ont été
sélectionnés comme « paramètres
acceptables » et utilisés pour la validation du
modèle.
Généralement, les simulations des débits
avec le modèle SRM en utilisant les deux types de surface de neige en
entrée sont satisfaisantes et comparables à l'échelle
saisonnière. Cependant, pour certains événements
localisés, on note une différence significative entre les
débits observés et simulés. Cela se produit lorsque le
réseau des pluviomètres est trop dispersé pour enregistrer
tous les événements pluvieux ou lorsque des erreurs des
estimations de la température influence la partition pluie/neige. Dans
les deux cas, la méthode utilisant les données interpolées
de télédétection (MOD1) améliore la
prévision des débits à court terme. Les observations des
surfaces de neiges peuvent être utilisées pour détecter les
événements pluvieux ou neigeux non enregistrés par les
stations météorologiques. La contribution du manteau neigeux aux
débits des oueds des cinq sous basins versants a été
déterminée. On distingue deux bassins (Rheraya et Ourika)
où le régime nival est très marqué avec un apport
de neige important qui peut atteindre 50% pour les saisons humides et plus de
20% pour les saisons sèches. Dans les exutoires des deux bassins de Nfis
et Zat, cet apport varie de 7 à 38 % et de 6 à 44%,
respectivement. Le bassin versant de R'dat est moins influencé par la
fonte des neige que les autres bassins cités, la neige contribue
à environ 2% à 15%. L'apport moyen de la fonte de la neige dans
ces oueds calculée entre 2002 et 2005 est d'environ 25%.
Evaluation of the snowmelt runoff model in the Moroccan
High Atlas Mountains using two snow-cover estimates
ABDELGHANI BOUDHAR1, LAHOUCINE
HANICH1, GILLES BOULET2, BENOIT DUCHEMIN2,
BRAHIM BERJAMY3 & ABDELGHANI CHEHBOUNI2
1 Faculté des Sciences et Techniques de
Marrakech, Avenue A. Khattabi, BP 549, Marrakech, Morocco
boudhar22@yahoo.fr
2 CESBIO, (Université de Toulouse, CNRS, CNES,
IRD), 18 Avenue Edouard Belin, bpi 2801, F-31401 Toulouse Cedex 9,
France
3 Agence du Bassin Hydraulique de Tensift, Marrakech,
Morocco
Hydrological Sciences-Journal-des Sciences
Hydrologiques, 54(6) December 2009
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RÉSUMÉ
Au centre du Maroc, La chaîne montagneuse du Haut Atlas
constitue un véritable château d'eau pour les plaines arides
avoisinantes, et ce à la fois grâce aux précipitations
liquides et solides. Dans ce contexte, on a évalué la performance
du Snowmelt Runoff Model (SRM) dans les cinq principaux sous bassins versants
du Haut Atlas. En raison de la très faible densité des stations
climatiques dans le Haut Atlas, les processus de chute et de fonte des neiges
sont difficiles à contrôler avec seulement des données
météorologiques. Afin de compenser l'absence des données
in-situ, des cartes d'enneigement sont aussi dérivées à
partir des données issues de la télédétection. Nous
avons comparé la performance de SRM avec les deux types de cartes. Les
surfaces enneigées déduites par ces deux méthodes sont
généralement comparables dans tous les sous bassins versants, et
des simulations satisfaisantes des débits ont été obtenues
à l'échelle saisonnière en utilisant les deux types de
surface de neige. En revanche, des différences significatives peuvent
être observées pour certaines crues, avec une meilleure
prévision des débits lorsque les données de la
télédétection sont utilisées.
Mots clés : Cartographie de
neige ; SPOT-VEGETATION ; Modélisation de la fonte de
neige ; Haut Atlas ; Maroc.
ABSTRACT
In the centre of Morocco, the High-Atlas mountain range
represents the most important water storage for the neighbouring arid plains
through liquid and solid precipitation. In this context, we evaluated the
performance of the Snowmelt Runoff Model (SRM) on the five main tributary
watersheds of the High-Atlas range. Due to the very low density of climate
stations in the High Atlas, snowfall and snowmelt processes are difficult to
monitor with the sole meteorological data. In order to compensate for the lack
of in-situ data, snow maps are also derived from remotely-sensed data. We
compared the streamflow forecasting performance when the model is driven by one
or the other snow cover area estimates. Both estimates are generally comparable
in all watersheds, and satisfactory streamflow simulations are obtained at
seasonal timescales using both snow-cover products. But significant differences
can be observed for selected storms, with more accurate streamflow predictions
when the remotely-sensed data is used.
Keywords: Snow mapping;
SPOT-VEGETATION; Snowmelt runoff modelling; High-Atlas Mountains,
Morocco
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