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Lire la fin du monde dans le jour de la fin du monde,une femme me cache de Patrick Grainville.

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par Vincent de Paul BISSIEMOU
Université Omar Bongo de Libreville - Maà®trise de lettres 2009
  

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CHAPITRE DEUXIEME

LES SIGNES AVANT-COUREURS DE LA FIN DU MONDE

Abordant ce chapitre deuxième, il y va sans dire que dans presque la quasi totalité des drames, des signes avant-coureurs sont observables.

On entend par signes avant-coureurs, des signes précurseurs, annonciateurs d'un évènement à venir.

Pour ce qui concerne notre récit-objet, Grainville, au début de son roman, le personnage narrateur annonce ce qui va arriver à travers la première phrase.

« C'était avant la fin du monde. »20

Cette expression "fin du monde" qui nous fait froid dans le dos met déjà le lecteur comme d'aucuns le diraient dans le bain. Nous sommes dans une situation où le narrateur-auteur de notre récit-objet prédit un évènement funeste, tragique. Le lecteur a une idée de ce qui pourrait arriver : une catastrophe, un cataclysme etc..

Cela nous conduit à dire qu'il y a eu effectivement la fin du monde et que l'auteur-narrateur l'affirme. Cette manière d'énonciation nous le relate à l'imparfait. C'est pour dire qu'au moment de la narration, la fin du monde s'était déjà produite.

20 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 7.

I. 2.1. Les données temporelles

Dans un texte, le temps du déroulement des actions est une donnée majeure en cela qu'il participe de la dynamique et de la structuration de l'intrigue. Le jour de la fin du monde, une femme me cache de Grainville dont la thématique est constituée par la fin du monde manifeste cela par le fait que la plupart des actions se déroulent à des moments précis.

En effet, Jérôme dans la description de la chronologie des événements rompt d'avec Dolorès un mois avant la catastrophe.

« Un moi avant la catastrophe, j'avais rompu avec ma femme. C'avait été déjà la fin du monde. Je me suis retrouvé vide et nu. Sans doute m'étais-je secrètement initié à l'extinction des choses.»21

Nous voyons ici comment Grainville, à travers Jérôme annonce qu'il s'était déjà préparé à la fin du monde quelque temps avant. Comment une séparation pourrait-elle constituée une fin du monde en soit. Pour l'auteur, une rupture pourrait être considérée Comme une fin du monde en ce sens qu'elle affection le coeur.

C'est comme dirait d'aucun ; elle ou il m'a brisé le coeur. Ce n'est peut-être pas quelque chose de physique d'abord, mais plutôt sentimental.

L'encrage temporel s'avère aussi digne d'intérêt dans la manifestation de la fin du monde dans le texte par la récurrence des unités phrastiques telles que :

21 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 8.

24

« Plus tard, à la télé, j'ai vu des familles, des
survivants, pleurer devant les décombres.22»

Là encore, le lecteur n'est pas surpris par ce qui arrive; c'est-à-dire cette catastrophe qui selon certaines personnes dans l'oeuvre, la voit comme une fin du monde. Jérôme reste stoïque imperturbable face à ce tapage médiatique sur le crash de l'avion de air France.

Ou

« Tout était déjà accompli, irrévocable dans cette soirée de mars, et presque apaisé. L'Orque s'accolait contre l'énorme tour. »23

Une fois de Grainville libre ici le mois du crash et la période de la journée ; cette soirée de mars ; le crash s'est précisément passé au mois de mars et en soirée.

Nous pouvons dire que Grainville essaie de représenter fidèlement les faits dans les moindres détailles.

Ou encore

« Sorte de reste, de relique, d'obélisque graffité de ténèbres mais rosi, irisé, par les tendres rayons de mars et du soir. »24

22 Idem.

23 Idem. Page 11.

24 Ibidem. Page 11.

Le mois de mars revient à nouveau. A bien observer, nous remarquons qu'au mois de mars il y a des tendres rayons au coucher du soleil, le soir.

Puis

« Vers quinze heures, elle me quitte. »25

Ici, il serait aléatoire de vouloir dissocier dans une sorte d'opération théorique la personne de l'auteur de celle du narrateur. Les deux instances se confondent désormais dans l'acte unique et ultime de la narration.

C'est parce que la mémoire de l'auteur physique et concret est encombrée d'une foule de détails diffusés au cours de son existence que le narrateur peut nous décrire ses scènes. Le narrateur ne devient alors qu'une sorte de mémoire seconde chargée de restituer, non pas les réflexions, mais le vécu existentiel de l'écrivain. L'opération de retour en arrière qu'illustre le récit ne saurait ainsi déborder le cadre existentiel de l'auteur lui-même.

Nous assistons à un tassement progressif de la donnée temporelle. Cela est dû à la nature particulière de la mémoire humaine, à son incapacité à restituer fidèlement et entièrement les évènements trop éloignés dans le temps. L'enjeu du récit étant de monnayer un temps dans un autre temps26, la restitution sera désormais fonction de l'éloignement ou du rapprochement de l'évènement narré par rapport au moment de la narration. En d'autres termes, la précision du récit sera

25 Ibidem. Page 61.

26 Christian Metz, Essai sur la signification au cinéma, Paris, Klincksiek, 1968, p. 27, cité par Nicolas MBA ZUE dans sa thèse de docorat.

proportionnelle à la durée qui sépare les évènements de l'acte narratif qui les réactualise.

L'analyse des données temporelles nous a permis ainsi de cerner la fin du monde et ses différents corolaires, à quelle période le crash a eu lieu dans la mesure où elle contribue à l'élucidation de celle-ci dans l'oeuvre. Du moment que les actions se déroulent majoritairement le soir, on voit alors une volonté chez l'auteur-narrateur de captiver le narratairelecteur.

Mais les indications temporelles qui jalonnent notre récit-objet n'ont pas pour seul but de nous indiquer la chronologie évènementielle. Elles se chargent aussi d'une intention rhétorique certaine. Comme tel, leur fonction est de marteler le texte narratif, mais surtout la conscience du narrataire-lecteur pour qui ces jalons mnémotechniques27 servent à la fois de repères taxinomiques et de points de référence.

Toutes ces indications temporelles concourent à donner une base de vérité au message narratif.

Le romancier est ainsi davantage soucieux de la réalité existentielle qu'il doit décrire le plus fidèlement possible. Les indications dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache répondent à ce souci de description exacte.

« Le lendemain, au petit déjeuner, elle s'est détournée de n'avoir revu le chat. Je lui ai avoué que je l'avais donné à Hervé. »

27 Mémorisation.

26

28

« Le lendemain, au petit déjeuner » Grainville nous spécifie avec exactitude le déroulement de la scène. Mais, est-il obligé de le faire ?

L'ambition est finalement claire : transcrire la réalité telle qu'elle a été vécue. Les indications temporelles de notre texte-objet tendent à nous exprimer ce réel historique vécu et fidèlement conservé par la mémoire de notre narrateur-auteur.

I. 2.2 : La pertinence du phénomène affabulatoire

Le phénomène affabulatoire faisant partie des sept péchés capitaux est très récurrent dans notre récit-objet. Patrick Grainville peut être considéré comme un avant-gardiste en ce sens qu'il restitue exactement les faits de la société. Le mensonge, la calomnie, font partie intégrante des signes avant-coureurs de la fin du monde dans la Bible.

La quasi-totalité de ses personnages a, de près ou de loin flirté le mensonge. Partant de Jérôme, Lenny Croft, Aiwala, Bani, ou Romane, le constat demeure le même. Des petits mensonges par ici, des gros mensonges par là, etc.

Grainville peint une société en déclin progressif. De part sa description des faits on a l'impression que cette société est vouée à une destruction totale. Et donc, lui faisant partie de cette société, voudrait qu'un évènement libérateur surgisse afin de mettre fin à toutes les imperfections de l'Homme.

Jérôme, auteur-narrateur de notre roman, est de prime abord celui- là qui utilise le mensonge pour se libérer de son complice et ami Hervé ;

car celui-ci en volant un véhicule a par inadvertance enfreint une des règles très capitale : Ne jamais tuer.

Jérôme ne désire plus rencontrer Hervé son co-équipier voleur et se sert d'un précepte capital, qui consistait à ne jamais tuer lors de leurs opérations le plus souvent nocturnes. Il ne cesse de le lui jeter à la face à chaque fois que ce dernier désire le rencontrer.

« Je ne sais pas. Laisse-moi réfléchir. De toute façon, c'est fini. Le boulot, c'est fini ; Hervé, je te l'ai déjà dit, il y a un mois, après ta faute...On pouvait plus continuer. Il se tait. Sa faute. Il remâche son regret. Il a fichu tout par terre ».28

Nous observons un autre cas de figure plus flagrant, celui de Lenny Croft un affabulateur de haut vol. Il se fait passer pour le frère d'une des passagères de l'avion. Or cette dernière n'était autre qu'une fille de joie, qui lui vendait ses services, à qui il était tombé passionnément amoureux. On a affaire à un véritable mythomane de grande envergure. Il n'hésite pas à passer dans les médias, et est désormais l'avocat des parents des victimes du crash de l'avion.

I.2.3. Le crash de l'avion une tragédie

« Il y avait pour tous les goûts... Deux cent quarante cas différents qu'on pouvait regrouper par catégorie, ventilé sur des listings, selon l'âge, le sexe, l'origine. Des Japonais, des Italiens, des Allemands, des Hollandais, des Chinois,

28 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 38.

des Américains, des Français, des Anglais, des Zaïrois, des Sénégalais... Tous les pays étaient là dedans, des échantillons du monde entier... »29

Comme sus-indiqué tout au début de notre travail, nous avons là une fois de plus des indices qui nous montrent le caractère globalisant de ce crash. Faisant appel à l'histoire, il y a que le 11 septembre 2000 reste une date historique avec la destruction des deux tours jumelles aux Etats-Unis.

Aussi, pouvons -nous établir un parallélisme entre le crash décrit dans notre récit-objet.

Contemporain, Grainville, se fait à coeur joie le transcripteur des évènements de son siècle.

Pour donner plus de force à sa description, Grainville, nous livre le répertoire des victimes du crash.

A bien scruter ce répertoire, nous remarquons une multiplicité de nationalités ; des français, des anglais, des asiatiques, des africains etc.

L'indentification des cadavres se fait désormais à travers des fragments d'os, de peaux, de vêtements, des rapprochements s'opèrent avec les photos des victimes.

29 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 25

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King