Analyse des déterminants de l'octroi du crédit bancaire aux entreprises: le cas de Afriland First Bank( Télécharger le fichier original )par Césaire AIME TCHUMKAM Université de yaoundé II soa - Diplôme d'études supérieures spécialisés en gestion bancaire et établissements financiers 2003 |
ABSTRACTThe granting of loans by AFRILAND FIRST BANK corresponds to a risk: which is the debtor's inability to pay back. The analysis of mechanisms for the granting of bank loans is through an estimate of various variables, which permit the bank to foresee risks. This endeavour is interested in the importance attached to the treatment of files (a sample of 109 loan applications) trough the use of statistical tools and econometrics (the Chi tests, factorial analysis, discriminatory analysis, logistic regressions) got from the Loans and Control of Engagement Service (LCES) of the bank; that allows loans to be granted to various costumers. This necessarily goes through a study of the bank loan environment, the complete examination of the file's financial information on the loan applicant and tests of appreciation. Key words: Bank, loan, estimates, financial information, financial contract, loan environment Introduction généraleContexte de l'étude Le mot «banque» trouve son origine au Moyen Age. Il dérive de l'italien «banca» qui désigne un banc en bois sur lequel les changeurs de l'époque exerçaient leur activité. Pourtant, dans les temps anciens, existaient déjà certaines activités auxquelles on peut donner le nom de banque. Les activités «bancaires» de l'époque présentaient un caractère religieux. Ainsi, les prêtres recevaient des offrandes de personnes désireuses de bénéficier de la protection divine, rassemblaient des ressources énormes par l'accumulation de petits dons (grains, bétail,...), prêtaient aux commerçants et aux agriculteurs (champs, bétail, esclaves,...) et consignaient ces opérations sur des tables d'argile. Pendant très longtemps, la banque est demeurée la source exclusive de financement1(*). De nos jours, elle est un élément très important du système financier malgré l'avènement et l'émergence des marchés financiers et des établissements de microfinance2(*). Au milieu des années 1980, le Cameroun faisant partie de la zone BEAC et dont le produit intérieur brut représentait la moitié de celui de cette zone, a connu une grave crise financière. Les dépôts à terme ont diminué de 33% entre 1985 et 1987, et les dépôts à vue de 22% 3(*). Cette chute de dépôts était le résultat d'un état de méfiance des épargnants vis-à-vis du système bancaire. Les banques deviennent insolvables du fait de nombreuses créances douteuses chiffrées à 253 milliards de FCFA en 1988 (A. Joseph, 2001). L'Etat, omniprésent dans l'actif des banques, porte une grande part de responsabilité. Il est considéré comme le meilleur emprunteur dans la mesure où il incarne les institutions. Cependant, l'Etat n'effectue pas toujours ses remboursements ou le fait avec retard (A. Joseph, 2001). Ce qui contribue davantage à accentuer la crise bancaire. Il convient également de noter comme autres facteurs de la crise les faits ci-après : · l'insuffisance de l'épargne longue collectée par les banques camerounaises ; · la concurrence des banques avec le secteur informel ; · l'inadaptation du secteur bancaire au contexte socioculturel ; · la pression fiscale et la détermination du taux d'intérêt. Pour éviter un effondrement du secteur bancaire, des restructurations ont été entreprises en 1989 (A. Joseph, 2001). Malheureusement plusieurs banques ont fait faillite. Il s'agit notamment de la BCCC (Bank of Credit and Commerce Cameroon) en 1992 dont une partie des actifs est transférée à la Standard Chartered Bank : c'est la scission-liquididation. D'autres banques sont concernées par le même phénomène comme la BIAO (Banque Internationale pour l'Afrique Occidentale) en 1991; la FIB (First Investment Bank) en 1993. Certaines ont été restructurées4(*) : la BICIC (Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie du Cameroun) en 1997 devenue BICEC ; la CCEI-Bank (Caisse commune d'épargne et d'investissement) devenue Afriland First Bank ; la BCD (Banque Camerounaise de Développement) en 1989 ; la Cameroon Bank en 1989 ; la BPC (Bank Paribas Cameroon) en 1989. Ces trois dernières banques ont disparu. D'autres enfin, ont été restructurées et fusionnées : la SCB devient SCB-CL (née de la fusion entre la Société Camerounaise de Banque et le Crédit Lyonnais) puis CL (Crédit Lyonnais). C'est ainsi qu'en 1992, la Commission Bancaire d'Afrique Centrale (COBAC) restaure la confiance auprès du public en assurant un contrôle prudentiel des structures financières à travers plusieurs ratios parmi lesquels les ratios Cooke et Mac Donough5(*). Or, le 12 janvier 1994 à minuit, les économies africaines de la Zone Franc, dont fait partie le Cameroun, subissent la dévaluation du Franc CFA6(*). Plusieurs épargnants sont incités à placer leurs avoirs à l'extérieur et notamment en France (Anne Joseph, 2001). Ce n'est qu'en 1997 après l'impact de la dévaluation, que la liquidité bancaire s'est améliorée dans son ensemble. Depuis les réformes bancaires et monétaires, les banques sont surliquides (R. WANDA, 2007). Cependant, elles continuent d'accumuler des créances fictives. Ce qui pourrait entraîner une nouvelle crise bancaire. Par ailleurs, il importe de reconnaître que la relance de l'économie et même la croissance économique sont fortement tributaires de la mise à la disposition des emprunteurs des liquidités dont ils ont besoin pour créer et/ou développer des entreprises. Pourtant selon les sources de la BEAC (1991), les crédits ont chuté pratiquement de 50%, avec une prédominance de crédits à court terme qui représentent au moins 80% des crédits accordés. De nombreuses raisons sont invoquées par les banques pour justifier cet état de fait (crise financière, imposture de la part des emprunteurs, faillite de certains projets financés, etc.). Toutes ces raisons concourent d'une étude des facteurs contribuant à un accès plus favorable au crédit bancaire. C'est donc à juste titre que cette étude est intitulée « Analyse des déterminants de l'octroi du crédit bancaire aux entreprises : le cas de la Afriland First Bank ». PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE La banque doit limiter les risques pris auprès des emprunteurs (ratios de contrepartie, de solvabilité) et garantir aux différents épargnants la possibilité de rentrer en possession de leurs fonds dès qu'ils en font la demande (ratio de liquidité). Il convient au préalable de clarifier certains termes clés qui nous permettront de mieux cerner la problématique. Le Système financier7(*) est un ensemble cohérent de structures permettant de transférer des fonds depuis les agents économiques (ménages, entreprises, collectivités publiques) qui épargnent (car leurs dépenses sont inférieures à leurs revenus) vers les agents économiques qui souhaitent emprunter, c'est-à-dire dépenser plus que leurs revenus. On dit qu'il sert d'intermédiaire financier entre les agents à capacité de financement et les agents à besoin de financement.8(*) Les intermédiaires financiers jouent ainsi un rôle important dans l'économie : fournir des services de liquidité, faciliter le partage des risques, réduire les coûts de transaction et les problèmes d'asymétrie d'information. On en distingue trois types : les institutions de dépôt (principalement les banques), les établissements d'épargne contractuelle (compagnies d'assurance vie et fonds de pension) et les entreprises d'investissement (intermédiaires de placement). Selon la loi bancaire française de 1984, les institutions de dépôt ou Banques sont définies comme suit : « Sont considérées comme banques, les entreprises ou établissements qui font profession habituelle de recevoir du public, sous forme de dépôt ou autrement, des fonds qu'ils emploient pour leur propre compte, en opérations d'escompte, en opérations de crédit ou en opérations financières». L'article 2 de la même loi stipule que : « Sont considérés comme fonds reçus du public, les fonds qu'une entreprise ou qu'une personne reçoit sous une forme quelconque, de tiers ou pour le compte de tiers à charge de les restituer ». De façon générale, le métier de la banque est le commerce de l'argent : les clients viennent épargner à travers leurs dépôts, la banque met à la disposition des emprunteurs ces épargnes par l'octroi des crédits, les crédits de la banque font de nouveaux dépôts lorsqu'ils sont remboursés. L'obligation de restituer les prêts impose à la banque de se prémunir contre d'éventuels risques financiers. Il convient de rappeler que le risque peut être perçu comme un phénomène aléatoire correspondant à une situation où le futur n'est prévisible qu'avec des probabilités par rapport à l'incertitude (futur totalement imprévisible, échappant au calcul), d'une part ; et la certitude (prévision affectée d'une probabilité égale à l'unité)9(*), d'autre part. Ainsi, la présente recherche vise à examiner les différents facteurs explicatifs de l'octroi du crédit bancaire. De cette problématique découle notre question fondamentale de recherche à savoir : Quelles sont les variables les plus pertinentes permettant à la banque d'accorder le crédit aux entreprises ? Cette question de recherche peut se décliner en deux sous questions explicatives à savoir : 1) Quelle est l'influence des caractéristiques de l'entreprise sur l'octroi du crédit bancaire ? 2) La pertinence des informations financières produites par l'entreprise explique-t-elle son obtention du crédit bancaire ? OBJECTIF DE RECHERCHE Notre étude s'articule autour de l'objectif principal suivant : Identifier les variables qui influent sur la décision d'octroi du crédit. HYPOTHESE DE RECHERCHE La présente étude est réalisée sous l'hypothèse principale selon laquelle l'accès au crédit est conditionné par les caractéristiques de l'entreprise qui exprime la demande. Cette hypothèse principale peut se décliner en deux hypothèses secondaires qui sont : H1 : La présentation d'une garantie augmente les chances d'accéder au crédit. H2 : La fiabilité des informations financières augmente la probabilité d'octroi de crédit. METHODOLOGIE DE RECHERCHE Cette étude a été réalisée alors que nous étions en stage académique à Afriland First Bank. Pendant notre séjour dans cette institution, nous avons parcouru plusieurs directions et services. Dans la Direction du crédit et du contrôle des engagements, nous avons collecté des données, afin de tester l'hypothèse principale de notre étude. Ces données ont été collectées auprès : · des responsables de la Direction du crédit · des responsables de la Division du contrôle des engagements · des responsables de la Division crédit et marketing. L'étude de ces données fait appel à la méthodologie d'analyse statistique (test de khi deux, analyse de composantes multiples, analyse discriminante et régression logistique). PLAN DE L'ETUDE Cette recherche comporte deux parties de deux chapitres chacune. 1ERE PARTIE : ANALYSE CONCEPTUELLE DE L'OPERATION DE CREDIT DANS L'INTERMEDIATION FINANCIERE DES BANQUES Chapitre 1 : La place des marchés et institutions financières dans la conclusion des contrats financiers : le cas du crédit bancaire Section 1 : Le phénomène d'asymétrie d'information Section 2 : La théorie de l'intermédiation financière Chapitre 2 : Les informations financières nécessaires à l'octroi du crédit bancaire Section 1 : Comment négocier un crédit bancaire ? Section 2 : L'analyse financière du point de vue du banquier 2EME PARTIE : EXAMEN DES DETERMINANTS DE L'ACCES AU CREDIT BANCAIRE Chapitre 3 : Le processus d'octroi de crédit bancaire au Cameroun : le cas de la First Bank Section 1 : Le marché du crédit au Cameroun Section 2 : Le marché du crédit à Afriland First Bank Chapitre 4 : ETUDE STATISTIQUE DES DETERMINANTS DE L'OCTROI DU CREDIT A LA FIRST BANK Section 1 : Justification théorique des outils statistiques utilisés Section 2 : Appréhension des déterminants de l'octroi du crédit bancaire par l'analyse de tests de khi-deux, l'analyse des composantes multiples, l'analyse discriminante et la régression logistique. . 1ère PARTIE : ANALYSE CONCEPTUELLE DE L'OPERATION DE CREDIT DANS L'INTERMEDIATION FINANCIERE DES BANQUES
L'octroi du crédit par une banque correspond à une prise de risque : celui de l'insolvabilité de l'emprunteur. De façon traditionnelle, les banques assurent la fonction d'intermédiaire entre les agents à excédent de financement et ceux à déficit de financement. La fourniture de ce service s'inscrit généralement dans le cadre d'une prestation de longue durée et dans une logique de renouvellement. Elle conduit à une relation de crédit/relation contractuelle entre la banque et son client qui a pour vecteur la confiance sans laquelle, comme le relève H. de la BRUSLERIE (1998), le risque de contrepartie devient une crainte de défaillance. Le risque de contrepartie ou de défaut de l'emprunteur découle des facteurs issus de la situation politique, économique, sociale, professionnelle et morale de la personne morale de l'emprunteur (J.M. BEGNE, 2004)10(*). Le banquier se doit de réunir plusieurs sources d'informations suffisamment fiables pour motiver et justifier sa prise de décision. C'est dans cette optique que nous analyserons successivement dans un premier chapitre la place des marchés et institutions financières dans la conclusion des contrats financiers : le cas du crédit bancaire ; puis dans un second chapitre, les informations financières nécessaires à l'octroi du crédit bancaire. CHAPITRE I : LA PLACE DES MARCHES ET INSTITUTIONS FINANCIERES DANS LA CONCLUSION DES CONTRATS FINANCIERS : LE CAS DU CREDIT BANCAIRE On peut définir le contrat financier comme étant une convention, un accord passé entre deux parties en vue de réaliser des opérations financières et bancaires sur un marché. Le marché financier est considéré comme le marché de l'argent ou des capitaux à long terme. Il peut s'assimiler au marché boursier11(*). Il existe deux procédures de financement externe des agents non financiers (ménages, administration, entreprises) : L'une directe (financement par le marché), l'autre indirecte (financement intermédié ou intermédiation financière). Ce chapitre sera donc consacré à la raison d'être des deux procédures en s'interrogeant en particulier sur la spécificité de l'intermédiation exercée par les banques. Nous présenterons dans un premier temps le modèle théorique qui fonde toute la réflexion contemporaine sur cette intermédiation : les asymétries d'information ; puis dans un second, nous analyserons l'intérêt et les limites des marchés dans l'élaboration des contrats financiers SECTION 1 : LE PHENOMENE D'ASYMETRIE D'INFORMATION Les marchés sont souvent étudiés en microéconomie en passant sous silence les problèmes relatifs aux différences informationnelles. On considère souvent qu'acheteurs et vendeurs sont au même degré ou niveau d'information en ce sens qu'ils sont parfaitement informés sur la qualité des biens sur le marché. Cette hypothèse est défendable seulement si la qualité des biens est vérifiable de manière à permettre au prix de s'ajuster pour refléter les différences de qualité. L'obtention d'informations sur la qualité d'un bien a un coût et le rejet de l'hypothèse d'information disponible pour tous a permis d'étudier les marchés où règnent des asymétries d'information. I- LES PRINCIPES D'ANALYSEIl y a asymétrie d'information sur un marché quand certains opérateurs détiennent des informations particulières qui ne sont pas transmises au prix des actifs sur le marché. L'asymétrie d'information sur un marché peut conduire : · Soit à la sélection adverse ou anti-sélection · Soit à l'aléa de moralité ou hasard moral. La sélection adverse ou l'anti-sélection se rapporte à des situations où un côté du marché, notamment le côté acheteur, est dans l'impossibilité de connaître la qualité des biens devant faire l'objet d'une transaction : on parle dans ces conditions de « type caché ». Ces situations peuvent même conduire à un conflit. Le hasard moral se réfère à des situations où un côté du marché ne peut observer le comportement de l'autre. Exemple : Le marché d'assurance où l'assureur ne connaît toujours pas le comportement de l'assuré, d'où l'introduction des clauses pour contrôler et limiter ou introduire des éléments de redressement des comportements. Les asymétries d'information incitent et conduisent les opérateurs à des réactions visant soit à les exploiter (on parle de comportements opportunistes) soit pour limiter les inconvénients (recherche de l'information, surveillance, incitations diverses à l'exécution des contrats). La théorie de l'agence et celle des signaux ont contribué à l'identification des conflits d'intérêt et à la modélisation des comportements pour en délimiter les inconvénients. Ainsi, la théorie de l'agence vise à expliciter les formes de contrat dans un contexte d'asymétrie d'information. En déléguant une partie des décisions à un mandataire que l'on appelle agent, le mandant (le principal) réduit ce qu'il devait engager en l'absence de cette délégation. Cependant, la relation d'agence n'est pas sans coûts ; ces coûts sont relatifs à la surveillance du mandataire, aux incitations à lui fournir pour qu'il fasse urgence ou à un coût résiduel. La théorie des signaux quant à elle recherche les moyens utilisés par certains agents pour se signaler au marché et leur permettre de se différencier des autres (différencier les mauvais des bons). * 1 F. MISHKIN, (2007), Monnaie, banque et marchés financiers, 8e édition, Nouveaux horizons, Paris, p.203. * 2 A. C. CREUSOT (2006), L'état des lieux de la microfinance au Cameroun, www.la microfinance.org * 3 A. Joseph (2001), Quels moyens mettre en oeuvre pour faciliter l'accès des entreprises au crédit bancaire ? * 4 R. WANDA (2007), Risques, comportements bancaires et déterminants de la surliquidité, Cahiers électroniques du CRECCI, IAE * 5 Le ratio Cooke est le rapport entre les engagements et les fonds propres que les banques internationales doivent respecter. Leur endettement doit être inférieur ou égal à 8 fois le montant de leurs fonds propres. Le ratio Mc Donough est un ratio prudentiel successeur officiel du ratio Cooke ; celui-ci tend à corriger les faiblesses du ratio Cooke. (A. SILEM & J.M ALBERTINI, 2006) * 6 Décision d'un gouvernement en accord avec ses partenaires de baisser la valeur de sa monnaie par rapport aux autres monnaies * 7 F. MISHKIN, op. Cit., p.27. * 8 F. MISHKIN, op. Cit. * 9 A. SILEM et J.M. ALBERTINI (2006), Lexique d'économie, 9e édition Dalloz, Paris, p. 666. * 10 J. M. BEGNE (2004), Confiance et relation de crédit bancaire en Afrique Noire Francophone : l'influence du contexte socioculturel, Communication Colloque du Liban par l'AUF. * 11 A. SILEM et J.M. ALBERTINI (2006), op. Cit. pp. 484-486. |
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