CHAPITRE III CONCLUSION
D'un point de vue méthodologique, cette recherche sur le
développement des communautés de prière en milieu
pentecôtiste burkinabé, plus précisément, dans la
Région de Ouagadougou a été faite de manière
théorique et pratique. Sur le plan théorique, j'ai
recherché des données documentaires en utilisant les recherches
antérieures qui expliquent dans une certaine mesure le sujet. Au niveau
pratique, les données empiriques recueillies sur le terrain
auprès des prieurs et des chrétiens qui les fréquentent
ont apporté un éclairage nouveau sur la question,
particulièrement en ce qui concerne ses tendances locales au Burkina
Faso. Les outils d'investigation ont été essentiellement :
l'observation directe, le questionnaire et l'entretien semi - directif.
L'ensemble de ces données m'a permis d'organiser mon travail en fonction
de la thèse selon laquelle le développement des
communautés de prière en milieu pentecôtiste dans la
Région de Ouagadougou peut être mis en relation avec trois
principaux facteurs : l'offre de prière, la demande de prière et
l'affaiblissement de la puissance spirituelle des églises.
Pour me résumer, j'ai identifié dans un premier
temps les racines du phénomène qui, à mon avis,
s'étendent jusque dans le montanisme et les mouvements
pentecôtistes. Les mouvements pentecôtistes en Afrique ont leurs
spécificités et ont connu des dérapages tels que le
recours systématique à la délivrance et la
théologie de la prospérité et de la guérison. J'ai
aussi mis en évidence certains aspects de la théologie
libérale africaine et les tendances du pentecôtisme au Burkina
Faso.
En sus de ces données théoriques, les
données empiriques m'ont permis de relever deux causes principales
liées au développement des communautés de prière
dans la Région de Ouagadougou : d'une part, les causes religieuses et
spirituelles qui se situent au niveau des chrétiens, des églises
et des prieurs ; d'autre part, les causes sociales et économiques, qui
sont en relation avec l'arrière-plan animiste des chrétiens et la
motivation économique des prieurs. Au regard de ces différentes
causes, il m'est paru opportun de tirer les enseignements qui s'imposent. Il y
a, de la part des acteurs en question, une vision déformée de la
prière, d'où la nécessité de retourner à la
Parole de Dieu afin de développer une théologie digne de ce nom,
qui se veut biblique sur la prière et l'exercice du ministère
prophétique et de la délivrance.
J'ai esquissé des réponses aux questions que je
m'étais posées afin de maîtriser le
phénomène. Il s'agit en occurrence du fait que chaque
chrétien né de nouveau et baptisé du Saint-Esprit est
appelé à discerner, à faire la part des choses entre ce
que vient de Dieu et ce qui est du Malin. En plus, il faut aussi cultiver une
relation personnelle avec Dieu par une vie quotidienne de prière et de
méditation de la Parole de Dieu. J'ai aussi souligné pour ce qui
est des prieurs, la nécessité pour ceux-ci d'avoir une vie
spirituelle équilibrée. Dit autrement, l'accent ne doit pas
être mis sur les dons de l'Esprit au détriment du fruit de
l'Esprit. Sans cet équilibre spirituel, leur ministère
souffrirait de bien de manquements. Pour ce qui est des églises, la
reconnaissance des ministères et des dons exercés par des
chrétiens pourrait être un moyen pour mieux contrôler cette
activité de prière et créer de facto un cadre officiel
d'expression de ces ministères et dons dans les églises en lieu
et place du caractère informel de l'activité.
Relativement à ma problématique, les données
recueillies apportent des réponses aux questions que je m'étais
posées. Ainsi, la question des vrais et des faux prophètes
nécessite une définition claire par l'église du
ministère prophétique aujourd'hui. Pour ce qui est du manque
d'encadrement spirituel de l'activité des prieurs, il serait opportun
que l'église se prononce de manière officielle vis-à-vis
de ses membres qui ont des dons et qui les exercent. Les écarts souvent
rencontrés au niveau des prieurs appellent chaque croyant à la
vigilance, au discernement et les responsables spirituels à l'exercice
du discernement (don de discernement). Ils interpellent chaque prieur à
mener une vie chrétienne sanctifiée de peur d'être
rejeté après avoir prêché aux autres ou accompli des
miracles (Mt 7. 21-23). Quant à l'ampleur que prend le
phénomène, j'ai mis en évidence l'importance de retourner
au schéma biblique de la prière où chaque chrétien
a une relation personnelle avec Dieu. Aussi, chaque pasteur est berger du
troupeau de Dieu. Il devrait en principe, accorder un intérêt
particulier aux besoins des chrétiens en matière de relation
d'aide.
En définitive, je pense que dans l'analyse causale du
développement des communautés de prière, il faut
éviter tout sectarisme ou esprit sectaire. En effet, nous ne devons pas
être prompts à empêcher les Eldad et Médad (Nb 11.
26)
d'aujourd'hui de prophétiser et d'accomplir des miracles
ou des prodiges, à la seule raison qu'ils ne sont pas des nôtres.
Au contraire, nous devons dire comme Moïse : « Puisse tout le peuple
de l'Eternel être composé de prophètes ; et veuille
l'Eternel mettre son Esprit sur eux ! » (Nb 11. 29) Dans le même
sens, Jésus disait : « il n'est personne qui, faisant un miracle en
mon nom, puisse aussitôt après parler mal de moi » (Mc 9.
39). Sachons donc raison gardée, pour ne pas se mettre à dos des
personnes que le Seigneur n'a pas rejetées.
Cette recherche m'a permis de me pencher sur un sujet dont
l'actualité n'est plus à démontrer. En effet, dans un
contexte religieux marqué en milieu urbain par la prolifération
des dénominations et des lieux de culte, s'il y a un
phénomène majeur qui y émerge, c'est sans conteste celui
des prieurs. Cette recherche se veut un début d'explication. Le regard
que j'ai porté sur la question est panoramique. Cela est dû
à des contraintes techniques, financières et de temps. De ce
fait, elle mérite d'être approfondie par des études
ultérieures. L'accent pourrait être mis en particulier sur chaque
acteur : les prieurs, les chrétiens, les leaders d'église.
Quelles sont les logiques des acteurs ? Quelles sont les conditions d'exercice
des dons spirituels dans les églises ?
Aussi, il est pertinent qu'au-delà de la perspective
biblique, une perspective sociologique du sujet soit adoptée. En effet
dans cette étude, j'ai adopté essentiellement une perspective
biblique. Or, au regard du fait qu'il s'agit d'un fait aussi bien social que
religieux, la démarche sociologique apporterait un éclairage sur
des logiques qui sont certainement religieuses, mais aussi
socio-anthropologiques. Il ressort que beaucoup d'aspects culturels sont
imbriqués dans ce phénomène. Et un oeil de sociologue ou
d'anthropologue pourrait permettre de saisir certaines données qui ne
sont pas perceptibles à première vue.
|