Université Paris Diderot - Paris 7
Lettres, langues, sciences humaines et sociales (LLSH)
Langues, Littérature et Civilisation
Etrangères.
Code : 44U8JD42
Master de Recherche
Spécialité Etudes Japonaises
Dossier présenté en vue de l'obtention du
diplôme de master de première année
Sous la direction de Monsieur
KAZUHIKO YATABE,
Maître de conférences de Paris 7
Le Management Interculturel de
BOOKOFF en France
|
Par DAVID VANDEPONTSEELE
Session de juin 2009
|
Remerciements
Je remercie tout particulièrement
mon directeur de recherches, Monsieur Kazuhiko Yatabe, maître de
conférences à Paris Diderot - Paris 7, qui a fait preuve d'une
patience et d'une compréhension sans faille tout au long de mes
recherches, prodiguant ses conseils avec justesse.
Merci à Monsieur Eric Seizelet et Madame Cécile
Sakai pour leurs cours de méthodologie qui m'ont beaucoup aidés
à rédiger ce dossier.
Un grand merci aux employés et responsables de BOOKOFF
qui ont accepté de répondre à mes questions, ainsi
qu'à la société BOOKOFF.
Mes remerciements sincères à Elena Faure,
Pierrick Lust, David Praire, Lysiane Courteille, Takuto Hakuno et ma famille
pour avoir accepté de relire mon dossier et pour le soutien et l'aide
qu'ils m'ont apportés à tout instant et ce malgré les
difficultés.
Je tiens à remercier également Itsuka Sakata,
Gautier Luckemann, Damien Fusillier, Christelle Pucci et toute la section des
études japonaises de l'université Paris Diderot - Paris 7, pour
leur aide précieuse.
Avertissement
La transcription des mots japonais est effectuée ici
selon le système « Hepburn modifié »
- Le «e » se prononce fermé
- Le « u » est proche du
« ou »
- Le « g » est toujours guttural
- Le « ch » est une affriquée
- Le « r » est proche d'une labiale
- Entre deux voyelles, le « s » reste une
sourde.
Toutes les voyelles se prononcent distinctement et sans
diphtongue.
L'accent circonflexe, lorsqu'il est employé dans la
transcription des mots japonais, indique une voyelle longue.
Le patronyme des personnes japonaises précède
le nom personnel, conformément à l'usage. Toutefois nous pouvons
utiliser le seul nom personnel afin de désigner certains auteurs.
Les caractères chinois des mots et noms japonais
apparaissent uniquement lors de leur première occurrence dans le
texte.
« Un peu d'internationalisme éloigne de la
patrie ;
beaucoup d'internationalisme y
ramène.»
Jean Jaurès, L'armée nouvelle,
1911.
Sommaire
Remerciements
2
Avertissement
3
Sommaire
5
Introduction
7
Première Partie : définition du
management interculturel
9
1.1 Origine étymologique du terme
« management »
9
1.2 Evolution dans l'espace-temps
9
1.3 Définition contemporaine de la
discipline
12
1.4 Genèse du management
interculturel
14
1.5 Définition du management
interculturel
15
Deuxième partie : analyse de la culture
d'entreprise avec la méthode d'O. Meier
16
2.0 Explication de la méthode
développée par O. Meier
16
2.1 L'historique
17
2.2 Le métier, le savoir faire
18
2.3 Les valeurs dominantes
19
2.4 Le référentiel en termes
de développement et stratégies
20
2.5 Le positionnement face à
l'environnement économique et social
21
2.6 Les éléments
d'indentification et d'appartenance
22
2.7 Le type de structure d'organisation
23
2.8 Le processus décisionnel
25
2.9 Le style de management et les sources du
pouvoir
26
2.10 La politique des ressources
humaines
27
2.11 Le comportement et les attitudes des
employés
29
2.12 Tableau récapitulatif
30
Troisième partie : Adaptations du
management liées au facteur interculturel chez BOOKOFF.
33
3.1 Adaptations liées à la
planification et à la décision
33
3.1.1 Quelle autonomie est accordée
aux filiales ?
33
3.1.2 Quel degré de polyvalence est
exigé ?
33
3.2 Adaptations liées à la
coordination et au contrôle
35
3.2.1 Quelle formation est accordée
aux employés ?
35
3.2.2 Quel type de leadership est
privilégié ?
35
3.2.3 Se fient-ils aux règles ou au
contexte pour s'implanter ?
37
3.3 Adaptations liées aux techniques
de motivations et de mobilisations
38
3.3.1 Valorisent-ils l'expérience ou
les réalisations ?
38
3.3.2 Accordent-ils l'attention aux
personnes ou aux postes à pourvoir ?
40
3.3.3 Quel degré d'implication est
demandé aux employés et aux responsables ?
42
3.4 Adaptations liées à la
conciliation
45
3.4.1 Quelle attitude interrelationnelle est
valorisée ?
45
3.4.2 Se fient-ils aux règles ou au
contexte pour arbitrer les conflits ?
46
3.4.3 Les acteurs ont-ils une orientation
collectiviste ou individualiste ?
48
Conclusion
50
Bibliographie
52
Articles Internet
53
Annexe 1 : Historique complet de la
compagnie
56
Annexe 2 : Interview de M. Yoshinaga
Toshihiko, responsable de BOOKOFF France.
57
Introduction
À l'heure de la mondialisation et de la crise, de plus
en plus d'entreprises sont amenées à implanter leurs filiales
dans des pays étrangers afin d'assurer leur développement et de
limiter les risques liés à leurs activités. En effet,
même si « la mondialisation est en train de transformer notre
monde en un village global »1(*), l'internationalisation permet, dans une certaine
mesure, de répartir les risques à travers le globe et s'assurer
une certaine stabilité. Ce calcul a poussé certaines entreprises
japonaises à se développer hors du marché
intérieur, aux États-Unis et en France entre autre. C'est le cas
notamment de BOOKOFF, entreprise japonaise qui sera utilisée dans ce
dossier pour illustrer ce processus d'internationalisation et les
problèmes qui peuvent en découler.
BOOKOFF est une société qui a connu un
succès remarquable au Japon avec son concept de rachat et de revente de
livres. BOOKOFF est souvent cité comme une des seules
sociétés ayant pu croître pendant la période de
stagnation qui a suivi l'explosion de la bulle économique des
années quatre-vingt-dix. En 2004, elle entreprit d'ouvrir une boutique
à Paris, après déjà plusieurs succès aux
États-Unis2(*). Cette
entreprise continue de faire parler d'elle au Japon depuis qu'en 2007, Mayumi
Hashimoto, une ancienne femme au foyer sans qualification particulière,
qui y était entrée 17 ans auparavant dans le cadre d'un
arubaito3(*) ait
été placée à la tête de la
société4(*).
Enfin, les pratiques managériales de cette entreprise sont
particulièrement faciles à étudier car elles sont
simples ; cette dernière ne gère pas un circuit de
production, mais elle se limite à offrir un service de rachat et de
vente.
D'un point de vue méthodologique, ces recherches sont
basées d'abord sur quelques ouvrages majeurs sur le management
interculturel (en particulier celui de Olivier Meier5(*), et Fons Trompenaars et Charles
Hampden-Turner6(*)), sur le
management japonais à l'étranger (en particulier celui de
Nishiyama Kazuo7(*)) et
évidemment sur des ouvrages de BOOKOFF (en particulier celui de la
présidente de BOOKOFF, Hashimoto Mayumi8(*)). Pour enrichir ces recherches, nous avons
procédé à l'interview du directeur de BOOKOFF France, M.
Yoshinaga Toshihiko, le 22 Avril 2009 et à l'interview de trois
employés qui ont désiré garder l'anonymat et qui seront
donc appelés Monsieur, Madame et Mademoiselle A.
L'internationalisation des entreprises n'est pas sans
conséquence. Le Japon aux yeux des Occidentaux reste un pays rempli de
contradictions et les Japonais ne comprennent toujours pas pourquoi les
Occidentaux se croient toujours tenus d'être aussi logiques9(*). Forts de leurs positions de
deuxième économie mondiale, les acteurs économiques
japonais doivent adapter à contrecoeur leurs pratiques
managériales pour pouvoir gérer des salariés locaux, en
accord avec leur culture et leur droit du travail. En effet, chaque culture,
pays et région ayant ses particularités, les principes de F.W.
Taylor ou de H. Fayol, père du management occidental il y a deux
siècles sont en réalité le fruit de la culture politique,
voire religieuse, occidentale et par conséquent ne peuvent s'appliquer
uniformément à chaque culture10(*) . En d'autres mots, la France et le Japon, ayant une
culture différente, ont forcément des divergences dans leurs
manières de manager. Depuis les années 80, ces différences
culturelles dans le management ont donné naissance à une nouvelle
discipline appelée le management interculturel. Nous
définirons ce que sont globalement le management et le management
interculturel dans la première partie.
Afin de mieux comprendre comment BOOKOFF tente de s'adapter
à la culture française, nous devons absolument connaître la
culture d'entreprise de BOOKOFF. En effet, il ne serait pas possible de
comprendre la manière de fonctionner des points de vente en France sans
savoir comment leurs homologues japonais s'organisent dans leur contexte
d'origine. Nous explorerons donc la culture que véhicule l'entreprise au
Japon et à l'étranger, dans la deuxième partie.
Ces deux parties auront pour objectif final d'analyser
l'organisation en profondeur afin de répondre à la
problématique suivante : Comment cette entreprise adapte-t-elle ses
techniques managériales à la culture française ?
Comment sont elles perçues par les employés ? Quels genres
d'obstacles rencontre-t-elle ? Quelles leçons en tire-t-elle ?
Est-ce que ces adaptations sont sources d'innovations, et donc positives, ou
sources de conflits ? Est-ce que BOOKOFF a trouvé un système
managérial hybride qui permette de marier les qualités des
pratiques managériales japonaises et françaises pour
améliorer les performances de l'entreprise ? Est-ce que ces innovations
ont des répercussions sur la maison mère au Japon ? Cela
constituera la troisième partie.
Nous tenterons tout au long de cette étude de rester
neutre et de ne pas trancher en faveur de la direction ou des employés.
Nous pensons fermement qu'il n'existe pas qu'une seule bonne méthode
unique de management, mais qu'elle dépend infiniment du contexte. Nous
tenterons plutôt d'observer et de répertorier les problèmes
rencontrés et les adaptations utilisées, en espérant
apporter notre pierre à l'édifice de la recherche en management
interculturel.
Première Partie :
définition du management interculturel
Avant d'analyser les techniques managériales de
BOOKOFF, il nous semble essentiel dans un premier temps de définir ce
qu'est le management interculturel. Pour ce faire, nous allons commencer par
nous intéresser à l'origine étymologique et à
l'évolution du management, afin de comprendre pourquoi la culture joue
un rôle important dans cette discipline, ce qui nous mènera
à une définition du management interculturel.
1.1 Origine
étymologique du terme « management »
Commençons par retracer l'origine du terme
« management ». Le terme que nous utilisons en
français est dérivé du verbe anglais to manage
qui lui tient son origine du mot italien maneggiare, qui signifie
contrôler, manoeuvrer, utilisé principalement pour les
chevaux, ce qui explique pourquoi les premières utilisations du terme
« manager » dans la langue anglaise se retrouvent dans le
domaine hippique11(*).
Enfin le terme français ménager, qui au XVIe
siècle signifiait « conduire son bien, sa fortune avec raison
et ménagement » a influencé le terme
« management » dans sa signification actuelle12(*). On trouve dès lors
dans l'origine étymologique du mot deux facettes qui nous
intéressent : à la fois le contrôle et la gestion des
ressources pour améliorer les performances.
1.2 Evolution dans
l'espace-temps
Depuis qu'il a été question de gérer des
personnes, que ce soit pour mourir au combat (comme le présente Sun Tzu
dans son livre l'Art de la guerre13(*)), construire des pyramides ou travailler dans
des mines, l'humain a fait appel à des techniques de management pour
motiver ses subordonnés.
En Occident, ce n'est que lors de la révolution
industrielle que le management est devenu une science et a pris la forme du
management tel qu'on le connait, avec l'arrivée des théories de
Frederick Winslow Taylor (1856-1915), le père du scientific
management (management scientifique) et du taylorisme que les industriels
commencent à appliquer. Cela consiste en méthodes scientifiques
de calcul, de mesurage, accompagnées de diverses expériences
minutieusement menées et qui vont permettre d'étudier la
manière la plus efficace de réaliser des tâches et de
décupler le potentiel de chaque ouvrier. Ses théories furent
également à l'origine de la division entre les cols blancs
(ingénieurs, chargés de penser dans le but d'améliorer les
performances) et les cols bleus (les ouvriers, chargés d'effectuer les
tâches). Taylor restera célèbre à ce sujet pour sa
citation : « On ne vous demande pas de penser ; il y a
des gens payés pour cela, alors mets-toi au
travail. »14(*). Ces théories mèneront au travail
à la chaîne, à la parcellisation des tâches et aux
dérives que l'on connaît d'aliénation des ouvriers15(*). Le Taylorisme reste
cependant présent dans certaines industries, même s'il a
été influencé par d'autres théories d'autres grands
auteurs du management occidental. (« La hiérarchie des besoins
de Maslow16(*),
théories X et Y de McGregor17(*) ...)
Les Japonais ne partagent pas les mêmes racines en
matière de management. Kunio Odaka, ancien professeur d'économie
à l'Université de Tôkyô, a avancé la
théorie que la genèse du management japonais remonterait à
l'époque d'Edo (1600 à 1868), lorsque les Japonais vivaient en
communauté rizicole très unie18(*). On peut en effet deviner, déjà
à l'époque, les germes d'une forme différente de
management. Premièrement, l'emploi à vie : les membres de
ces communautés naissaient et vivaient toute leur existence dans ces
communautés. Leur destin était alors lié au sort de la
communauté. Deuxièmement, le devoir de dévouement envers
la communauté : le désir de faire passer les
intérêts du groupe avant ses intérêts propres, ce qui
donnera lieu à une orientation collectiviste sur laquelle nous
reviendrons. Troisièmement, la discipline et la promotion à
l'ancienneté : il était enseigné aux jeunes les
règles de savoir vivre (peu d'attention sur le développement
personnel) afin qu'ils deviennent de bons leaders. Quand ils grandissaient, ils
servaient alors d'apprentis, puis gagnaient de l'expérience et on leur
attribuait alors des tâches de plus en plus difficiles qui changeaient
progressivement leur rôle et leur statut. Quatrièmement,
l'harmonie et les efforts concentrés : les chefs des
communautés pensaient fermement que l'harmonie dans le groupe
était un facteur de motivation, bannissaient toute forme de
compétition et considéraient chaque individu sans traitement de
faveur. Seul l'âge pouvait influencer la position dans l'échelle
sociale. Encore aujourd'hui, la notion japonaise de bien suprême consiste
en une relation harmonieuse au sein des structures essentielles et avec elles,
en opposition avec la vision occidentale où cette notion est
incarnée par l'éclatante réalisation de soi-même,
individuelle, au sommet de la hiérarchie19(*). Cinquièmement, on y retrouve le même
paradoxe entre un style de management autoritaire mais participatif : les
chefs demandaient une soumission absolue sans jamais abuser de leur pouvoir. Le
rôle de ces aînés consistait principalement à
émettre le jugement final sur un problème par le système
du ringi20(*),
une forme de consensus qui a pour but de mettre d'accord tous les membres de la
communauté, sans que personne ne perde la face. Enfin,
sixièmement, ce système bénéficiait d'une
excellente légitimité car il apportait un certain bien-être
matériel à ses membres (nourriture, logement,
sécurité, vêtements ...)21(*).
Plus tard, en France, Henry Fayol, ingénieur, publie un
livre « Administration Industrielle et
Générale22(*)» en 1916. Cet ouvrage est aujourd'hui
considéré comme un texte fondateur du management français.
Il lui a été inspiré lors de son expérience en tant
que chef d'exploitation minière. Il y préconise entre autre un
enseignement de l'administration et de la gestion dans les hautes
écoles. Il propose ensuite sa vision des cinq différentes
activités et responsabilités que doivent assumer les leaders pour
assurer une bonne organisation au sein de leurs exploitations. Lesquelles sont
:
· Prévoir : scruter l'avenir et dresser le
programme d'action ;
· Organiser : constituer le double organisme,
matériel et social, de l'organisation ;
· Commander : diriger le personnel ;
· Coordonner : relier, unir, harmoniser tous les
actes et tous les efforts ;
· Contrôler : veiller à ce que tout se
passe conformément aux règles établies et aux ordres
donnés 23(*).
Du côté Japonais, les techniques
managériales développées pendant la période Edo
continuent de s'appliquer à de plus grandes échelles, tel que sur
des grandes maisons de commerce à Osaka, Kyôto et Tokyo24(*). Plus tard, dans la
période préindustrielle et au début de la période
industrielle, le décalage entre la demande d'artisan
spécialisé (forte) et la disponibilité sur le
marché du travail (faible) entraînera une rotation du personnel
assez élevée, ce qui représente une source d'ennuis
considérable pour les patrons. Ceux-ci cherchent alors à garder
une force de travail stable. À cette époque, la direction
recommence à adopter une attitude paternaliste,
onjôshugi25(*) en japonais, et à veiller au bien être
de ses ouvriers. Ils reprendront donc un mode de management proche de celui
utilisé pendant la période Edo dans les communautés
rizicoles26(*). Ils
construiront des logements d'entreprise au loyer insignifiant,
développeront des centrales d'achat, offriront des aides en cas
d'hospitalisation, développeront des groupes de loisirs pour les
employés et leur famille, octroieront des dons en espèce à
l'occasion de naissance, mariage, décès, etc. Ce système
se répandra d'avantage après la première guerre
mondiale27(*). Les
logements des ouvriers étant rassemblés, le clivage entre vie
privée et vie professionnelle s'en retrouve amoindri, amenant les
employés à considérer leur entreprise comme une grande
famille28(*). On peut donc
affirmer que la loyauté des ouvriers envers leur entreprise n'est pas
une caractéristique innée ou génétique chez le
peuple japonais, mais plutôt due au soin paternaliste que les entreprises
donnaient à leurs employés. C'est ce même soin qui a permis
au Taylorisme, lorsqu'il a tenté de s'implanter pendant la
période industrielle, de ne pas tomber dans une dérive
d'aliénation des ouvriers29(*).
Le bref historique qui précède devrait nous
aider à comprendre que le Japon et la France n'ont pas les mêmes
origines en ce qui concerne leur doctrine managériale, et ont subit
l'influence de différentes théories à travers le temps.
Mais aujourd'hui, il ne suffit plus seulement de motiver ses
subordonnés, ni d'améliorer leur rendement, ni d'administrer
l'entreprise, mais de combiner ces trois activités à la fois.
1.3 Définition
contemporaine de la discipline
Des centaines de théories ont été
émises sur les rôles exacts d'un manager. Nous avons
décidé de nous référer à un ouvrage
très récent écrit par Olivier Meier30(*), selon lequel les principales
activités du manager contemporain sont d'atteindre des performances
optimales en exécutant les actions suivantes :
1. Prévoir, planifier et décider : analyser
et prévoir pour un horizon d'un temps donné (planifier),
l'ensemble des orientations et actions à prendre en compte, la
définition des objectifs, d'un programme d'action, l'affectation des
rôles et des responsabilités.
Pour parvenir à effectuer
ces actions, les acteurs doivent effectuer des choix (décider) dans le
but d'avancer des solutions satisfaisantes ;
2. Coordonner et contrôler31(*) : structurer les actions
de façon cohérente et optimisée (coordonner).
Vérifier que le résultat obtenu est conforme aux objectifs de
départ et déterminer si le résultat escompté est
atteint ou non (contrôler) ;
3. Mobiliser et motiver : fédérer
l'ensemble des membres vers un objectif commun, en valorisant au mieux leurs
qualités respectives ;
4. Arbitrer les conflits : gérer les conflits
d'objectifs (les finalités des membres divergent), les conflits
cognitifs (les analyses et réflexions des membres sont incompatibles) et
affectifs (les sentiments exprimés par les membres sont
incompatibles).
Autant d'activités qui peuvent être grandement
influencées par la culture d'origine des acteurs. La culture est en
effet partout dans l'univers de chaque individu. Comme écrit Fons
Trompenaars : « Pouvez-vous me citer quelque chose
d'étranger à la culture ? »32(*). La notion du temps par
exemple, ligne de fond de la planification, peut être vue sous des angles
infiniment différents. Devant un Américain, un manager qui veut
être crédible aura plutôt intérêt à
parler de plan, de gestion de projet, d'avenir. Mais ce même manager,
devant un auditoire japonais, préfèrera ancrer son discours dans
le passé et le présent de l'entreprise et faire
référence à des éléments que l'auditoire a
vécu où qu'il vit actuellement. C'est d'ailleurs ce qu'à
fait Carlos Ghosn lorsqu'il a repris la tête de Nissan, en rappelant
l'histoire de l'organisation dans un premier temps et ensuite en proposant un
plan d'avenir qui entrait dans une logique d'évolution et non pas de
rupture33(*).
Le poids des cultures peut également se faire ressentir
dans le système mis en place pour récompenser les
employés. Des études réalisées en Italie,
démontrent par exemple qu'un système de récompenses par
une rémunération plus élevée peut être source
de jalousie et donc de discorde et de contreperformance34(*). Cette différence de
point de vue nous rappelle l'ancienne théorie de Maslow35(*), pionnier de la psychologie
appliquée au management et également un fondateur du management
occidental, qui a tenté de démontrer que les facteurs de
motivation n'étaient pas seulement l'argent pour satisfaire ses besoins
physiologiques, mais aussi pour acquérir la sécurité, la
considération et l'appui de ses collègues, une appartenance, une
estime de soi et se réaliser.
On a longtemps fait l'erreur de penser que l'accès
à l'éducation, l'augmentation de la mobilité, le
développement de l'économie et la mondialisation allait gommer
les différences culturelles. Or les méthodes pour
décentraliser, les procédures à mettre en oeuvre, les
outils pour atteindre les objectifs, pour évaluer, pour
récompenser et sanctionner les individus sont en réalité
spécifiques à chaque culture36(*).
1.4 Genèse du
management interculturel
Depuis les années quatre-vingt, le management a
commencé à prendre une dimension interculturelle et
internationale. En effet, la plupart des théories managériales
trouvent leur fondement aux États-Unis où les normes culturelles,
en particulier du « politiquement correct », impliquent
noblement le refus de la prise en compte de l'origine, du sexe, de la religion
ou de la culture pour ne retenir que la compétence
professionnelle : la recherche d'équité aboutit par
conséquent à la négation des différences37(*).
Les théories du management contemporain ont
également trouvé une part de leurs origines dans les sciences
économiques qui occultent le concept de culture. On pourra
s'étonner à ce titre que les différentes théories
économiques intègrent « l'international »
comme élément macroéconomique sans se soucier des rapports
interpersonnels38(*).
L'intérêt du management interculturel est de
trouver quels sont facteurs qui influencent les actions entreprises par les
managers, et à quel degré ? Dans la pratique c'est la
culture (nationale, régionale, de l'entreprise, ...) qui donne un
sens aux choses et permet de distinguer le légitime de
l'illégitime, le juste de l'injuste ... Même si ces
différences culturelles semblent déroutantes pour les managers
internationaux39(*).
Si les différences culturelles peuvent être une
source inépuisable de conflits (différente hiérarchie de
valeurs, de conceptualisation du temps et de l'espace, opposition et
compétition culturelles ...), elles peuvent aussi se
révéler un atout considérable en tant que source
d'innovation, d'échange d'expériences, d'attraction de
travailleurs à haut potentiel, etc40(*).
Un premier pas dans la discipline a été
effectué par de très larges enquêtes auprès de
grandes entreprises présentes dans de multiples pays. On peut noter
à ce propos les travaux de Geert Hofstede41(*) qui a réalisé
une enquête auprès d'employés d'IBM dans 71 pays de 1967
à 1973 puis dans 74 pays en 200142(*), ou les travaux de Fons Trompenaars43(*) qui a réalisé
une étude exhaustive auprès de 30 000 travailleurs à
travers le monde et dans différents types d'industries. Ils ont
tenté de comparer plusieurs cultures nationales sous différentes
dimensions qui permettent de classer les cultures sur un index ou dans un
système binaire. Ces recherches ont produit un savoir empirique,
utilisé dans les recherches interculturelles.
Le point faible de ces travaux est qu'ils ne participent pas
efficacement à la collaboration des différentes cultures, mais ne
font que les mettre en opposition les unes par rapport aux autres. Le
rôle du management interculturel est désormais d'aider les acteurs
intéressés à prendre conscience de l'autre et de proposer
des outils pour gérer l'interaction entre culture et management44(*). De ces efforts et de ce
mélange interculturels, peuvent émerger des innovations
appréciables dans les domaines des performances et des conditions de
travail, qui sont indispensables aux entreprises de nos jours pour être
compétitives.
1.5 Définition
du management interculturel
Tout ceci se résume dans la définition du
management interculturel proposée par O. Meier :
|
D'un point de vue pratique, on peut définir le
management interculturel comme un mode de management qui reconnaît et
prend en compte les différences culturelles et tente, par des actions
organisationnelles et relationnelles, à les insérer dans
l'exercice des fonctions de l'organisation, en vue d'améliorer sa
performance économique et sociale.45(*)
|
|
Le management interculturel est donc à
considérer comme une source d'atout compétitif qui prend soin de
concilier les différences entre cultures régionales et culture
d'entreprises.
Deuxième
partie : analyse de la culture d'entreprise avec la méthode d'O.
Meier
2.0 Explication de la
méthode développée par O. Meier
Comme nous pouvons le constater, le management interculturel
est un domaine nouveau mais très étudié. C'est de ce
domaine qu'a émergé la notion d'intégration et de culture
d'entreprise.
La culture d'entreprise correspond à un cadre de
pensées, à un système de valeurs et de règles
relativement organisées qui sont partagées par l'ensemble des
acteurs de l'organisation46(*). Elle englobe les valeurs, croyances, postulats,
attitudes et normes communes à ceux qui travaillent dans une même
organisation, assurant une cohérence interne, comme une culture
nationale les engloberait, la culture d'entreprise étant justement
influencée par la culture nationale du pays d'où elle
émerge47(*).
Avant d'étudier le management interculturel de BOOKOFF,
il nous semble primordial d'étudier la culture qu'ont
développé cette entreprise au Japon et la politique qu'elle a
adoptée lorsqu'elle s'est intégrée dans des circuits
économiques étrangers. Pour ce faire, Olivier Meier nous propose
une série de critères clés qui vont nous guider dans une
analyse approfondie de la culture d'entreprise48(*) de BOOKOFF.
Critère clé
|
Objectif visé
|
Histoire
|
Reconstituer les événements et phases clés
du développement, le parcours des personnalités marquantes et,
brièvement, les mythes fondateurs.
|
Métier et savoir - faire
|
Connaître les compétences spécifiques de
l'organisation en étudiant ses savoir-faire.
|
Valeurs dominantes
|
Rechercher les fondements sur lesquels s'appuie l'organisation
pour légitimer ses actions.
|
Référentiel en termes de développement
|
Analyser les préférences en matière de
stratégie de développement et leurs principales causes.
|
Le positionnement face à l'environnement
|
Analyser la position et l'image de l'organisation dans son
environnement économique et social (implantation géographique,
principaux clients, relation avec les acteurs de l'environnement, valeurs
sociales et sociétaires).
|
Les éléments d'identification et
d'appartenance
|
Repérer les éléments qui revêtent pour
les membres de l'organisation étudiée, une forme d'identification
et d'appartenance à un groupe social.
|
Le type de structure d'organisation
|
Identifier la structure de l'entreprise sur le plan de son
organisation et son fonctionnement. (statut juridique, ligne
hiérarchique, degré de formalisation, relation horizontale et
relation entité-groupe, degré de spécialisation, mode de
fonctionnement, ...)
|
Le processus décisionnel
|
Etudier les mécanismes de prise de décision au sein
de l'organisation.
|
Style de management et sources de pouvoir
|
Identifier la façon dont la direction de l'organisation
encadre et gère ses employés et collaborateurs.
|
La politique des ressources humaines
|
Examiner la façon dont les dirigeants informent, animent
et contrôlent leurs équipes de travail.
|
Le comportement et les attitudes des employés
|
Repérer les principaux comportements et attitudes des
employés à l'égard de l'organisation.
|
2.1 L'historique
Un historique complet sous forme de ligne du temps est
disponible en annexe 1. Nous résumerons ici les points essentiels pour
notre étude.
Après avoir travaillé dans la revente de piano,
Sakamoto Takashi, fondateur de BOOKOF, ouvre la première boutique le 2
mai 1990 à Kanagawa, dans la ville de Sagamihara. De cette
expérience de vendeur, Sakamoto Takashi apprendra que le client,
lorsqu'il achète un bien d'occasion, éprouve le besoin d'avoir
l'impression que le bien est neuf. Avant d'ouvrir la première boutique,
il charge ses employés de faire le tour de la ville afin de racheter des
livres qu'ils nettoient pour faire grossir leur stock de livres d'occasions et
se préparer à être opérationnel.
Le succès du concept est rapide. Le 1er
Janvier 1991, ils ouvrent leur deuxième point de vente, à la
tête de laquelle Sakamoto Takashi place Hashimoto Mayumi en chef de
boutique. Elle travaillait déjà dans la première boutique
et n'était encore à l'époque qu'une employée
à temps partiel, mais depuis 2007 elle est devenue présidente de
la compagnie. Malgré quelques problèmes de gestion dus au manque
de connaissance en management et en marketing (voir intra point 3.1.1), le
succès de BOOKOFF est retentissant et permet à la
société, la même année, de passer au statut de
société à responsabilité limitée (voir intra
point 2.7) et de créer les premières franchises (voir intra point
2.4).
La première filiale exportée s'ouvre
à Hawaï en 1998. A l'époque, la compagnie veut atteindre le
marché des communautés japonaises vivant à
l'étranger qui veulent acheter des livres en japonais à prix
réduits. Celle d'Hawaii étant considérablement importante,
elle se révèle un bon point de départ. D'autres boutiques
de ce type ont vu le jour par la suite aux États-Unis, en Corée
et enfin en Europe, avec l'ouverture en 2004 de BOOKOFF Opéra. Trois ans
plus tard, s'ouvrira la première boutique qui utilisera des biens
d'occasions locaux (non pas des biens japonais mais des biens francophones) ce
qui est une première et la seule boutique de ce type ouverte par BOOKOFF
encore aujourd'hui. Cette boutique portera le nom de BOOKOFF Quatre
Septembre49(*).
Au fil des années, BOOKOFF a également saisi
l'opportunité de se diversifier, en ouvrant des filiales pour la revente
d'équipements de seconde main (voir intra point 2.4). Mais quelle que
soit la filiale qui a été développée, la
société a toujours appliqué le même savoir-faire,
que nous allons décrire dans le point qui suit.
2.2 Le métier,
le savoir faire
Etape 1 : BOOKOFF rachète des biens d'occasion
à un prix fixe aux clients qui souhaitent se débarrasser de leurs
anciens livres, mangas, CD, DVD ... Les biens sont rachetés à la
moitié de ce prix fixe s'ils sont dans un moins bon état ou ont
plus d'un an. Les critères de sélection sont donc limités
à l'état et la date de sortie. Si le client le souhaite, cette
transaction peut se faire dans le parking du magasin, de cette façon, il
n'a même pas besoin de sortir de sa voiture. BOOKOFF propose aussi un
service à domicile, où un employé vient directement chez
le particulier.
Etape 2 : Ces biens sont ensuite nettoyés avec un
savon spécialement élaboré pour nettoyer les couvertures
de livres50(*). Ce
processus gomme toutes les traces de doigts et les éventuelles
tâches.
Etape 3 : Les biens sont alors placés en rayon, en
attendant d'être rachetés par un client. Le but étant de
laisser un minimum de temps entre l'étape 1 et l'étape 3, afin de
ne pas laisser « dormir » les marchandises dans les stocks
et de tous les sortir le plus tôt possible. Cette pratique s'appelle le
dashikiri51(*) ou
méthode du flux tendu52(*).
Etape 4 : Quand un livre ne se vend pas, il est alors
placé dans un rayon spécial, le tokoroten, où il
est vendu 105 Yens53(*).
Ce coin spécial du magasin tient son nom d'un instrument en bois
(image54(*) ci-contre) qui
sert à trancher en fines lamelles des blocs de gélatine,
composée d'agar-agar. L'analogie des livres qui ne se vendent pas qui
sont poussés par les livres qui se vendent, comme l'agar-agar qui est
poussé par le bâton de bois contre la grille pour en sortir des
lamelles, a amené Hashimoto Mayumi à appeler cet endroit le
tokoroten55(*).
Ce modèle d'achat et de vente étant totalement
indépendant de l'édition du livre, de l'auteur, de la
rareté, il exploite un marché où les clients peuvent
trouver à un prix très avantageux n'importe quel livre ou autre
média, indépendamment des critères décrits
ci-dessus.
Il faut cependant préciser que dans les boutiques
BOOKOFF situées hors du Japon, l'étape 1 diverge notablement. Le
responsable de BOOKOFF France nous a divulgué dans son interview que la
moitié des livres qui sont mis en vente dans la boutique BOOKOFF sont
directement importés du Japon. Encore une fois, le choix de ces livres
est plus en relation avec le type de livres (manga, roman, CD, DVD, ...)
qu'avec la valeur réelle des ouvrages.
C'est ainsi que BOOKOFF évolue depuis presque 20 ans,
à répétition de cet exact même procédé
chaque jour. Mais la revente de livre et le profit ne sont pas les seuls
objectifs que l'organisation s'est fixée, comme nous allons le
découvrir dans le point suivant.
2.3 Les valeurs
dominantes
Toute entreprise se doit de légitimer ses
activités par une liste de valeurs, auxquelles chaque employé
doit adhérer. Ce processus sert de ciment à la culture
d'entreprise et permet une véritable unité. Sur le site
officiel de BOOKOFF et dans le livre de la présidente Hashimoto
Mayumi56(*), on peut lire
que l'entreprise a pour credo, premièrement, d'apporter une contribution
à la population locale à travers leurs activités
commerciales de rachats et de revente, deuxièmement, de donner
l'opportunité aux employés de se développer
matériellement et intellectuellement.
Il est à noter également que d'entretenir de
bonnes relations avec la clientèle est, comme dans toutes les
entreprises japonaises, une valeur importante chez BOOKOFF,
particulièrement les clients qui viennent vendre leurs livres car la
société ne peut pas vivre sans ces derniers pour remplir leur
stock57(*). BOOKOFF se
vante d'avoir été la première boutique de seconde main
à avoir adopté une publicité polie qui mettait le
client en valeur en l'invitant par : « venez, s'il vous
plaît, vendre vos livres chez nous » au lieu des
classiques : « Vendez vos livres chez nous »58(*). Cette bonne relation client a
pour but de fidéliser. En effet, différentes études ont
déjà démontré qu'un client fidèle est un
client rentable59(*).
L'écologie est également une
préoccupation de BOOKOFF qui décrit son activité de
revente de livres comme une action écologique, bénéfique
pour l'environnement car les livres ainsi recyclés permettent
d'épargner l'achat de nouveaux, ce qui évite l'abatage de
quelques arbres. La vague écologique de ces dernières
années couplée à la baisse du pouvoir d'achat des Japonais
depuis l'éclatement de la bulle explique en partie le succès de
cette entreprise.
2.4 Le
référentiel en termes de développement et
stratégies
Comme nous pouvons le voir dans l'historique, depuis 1990,
BOOKOFF a opté pour un mode de développement en franchise.
Concrètement, son fonctionnement est proche des grandes chaînes de
distribution telles que Starbucks ou Mac Donald. La franchise est une relation
contractuelle qui doit réunir au moins trois éléments
essentiels. Premièrement, la propriété ou le droit d'usage
d'une marque, de sigles et de symboles, d'une enseigne et des
éléments les concernant. Deuxièmement : la
transmission par le franchiseur (la société mère, donc
BOOKOFF) de son savoir-faire ou de son concept au franchisé.
Troisièmement : la relation continue, la fourniture par le
franchiseur d'une assistance commerciale ou technique pendant toute la
durée de validité du contrat (manuel de travail, uniformes,
livres ...)60(*). C'est un
système de développement relativement stable et qui permet de
tenir une activité commerciale tout en gardant une uniformité et
une cohésion au sein de l'entreprise.
BOOKOFF a également saisi l'opportunité de se
diversifier via la création d'autres filiales pour gérer d'autres
biens, comme nous résume ce tableau :
Nom
|
Année
|
Nombre61(*)
|
Spécialisation
|
BOOKOFF
|
1990
|
917
|
Revente de livres
|
HARDOFF
|
1996
|
13
|
Revente de biens d'équipements audiovisuels
|
B-KIDS
|
1999
|
26
|
Revente de vêtements d'enfants
|
B-SECLECT62(*)
|
2000
|
13
|
Revente de bijoux
|
B-SPORT
|
2000
|
24
|
Revente de matériel sportif et de randonnée
|
B-STYLE
|
2000
|
32
|
Revente de vêtements féminins
|
B-LIFE
|
2001
|
7
|
Revente de magazines
|
B's BASIC
|
2007
|
3
|
Revente de meubles, de vêtements et de décoration
d'intérieur
|
B-HOBBY
|
2008
|
4
|
Revente de matériel de bricolage et d'objets de
modélisme
|
BINGO
|
2008
|
6
|
Revente de vêtements importés des
États-Unis.
|
BOOKOFF possède aussi maintenant d'autres filiales qui
ne font pas dans la revente de matériel, dont la plus connue, Tsutaya,
rachetée en 2007 qui fait dans la location de vidéos, ainsi que
quelques magasins de vente de livres neufs.
2.5 Le positionnement
face à l'environnement économique et social
En moins de 20 ans, BOOKOFF aura réussi à ouvrir
1093 points de ventes à travers tout le Japon, et dix à
l'étranger63(*).
Dans l'ensemble, l'organisation semble privilégier les grandes
agglomérations pour l'implantation de ses librairies. Ceci répond
simplement à la logique que plus il y a d'habitants, plus il y a de
chances qu'ils soient possesseurs de livres à revendre ou demandeurs de
livres d'occasions. L'offre et la demande se retrouvent donc plus hautes dans
les grandes villes. Cette préférence se retrouve également
subtilement à l'étranger, où les boutiques ont
été implantées dans des villes où la
communauté japonaise était importante. En France, selon les
recensements publiés sur le site du ministère des affaires
étrangères, on dénombre 30 863 Japonais en France en
2007, dont 12 720 à Paris 64(*).
La clientèle est donc essentiellement constituée
d'individus issus de la communauté japonaise, ou en lien avec elle,
cherchant des livres à bas coûts et dans un bon état. Cette
règle ne s'applique bien-sûr pas au cas de la boutique BOOKOFF
Quatre Septembre, qui vise une clientèle francophone (rachat et revente
des livres, CD, DVD, ... en français). Par conséquent, la
boutique a tendance à employer des Japonais (ou des personnes qui
maîtrisent parfaitement cette langue) dans la boutique BOOKOFF
Opéra et des Français dans la boutique BOOKOFF Quatre Septembre.
Les postes à plus haute responsabilité sont cependant
gardés par des employés issus de la maison mère, Yoshinaga
Toshihiko et Aida Yuki (voir intra point 3.3.2)
BOOKOFF n'est pas la seule enseigne où l'on peut
effectuer la vente et le rachat des livres, mais c'est la plus connue au Japon.
À Paris, le concurrent le plus sérieux est Gibert Joseph, qui
entretien lui aussi une activité de livres d'occasion ce qui en fait un
concurrent direct pour BOOKOFF Quatre Septembre. Les sites internet qui
proposent un service d'achat de livre par correspondance représentent
également un concurrent sérieux. L'organisation a
déjà développé un réseau de vente par
internet mais seulement pour le marché japonais.
2.6 Les
éléments d'indentification et d'appartenance
L'un des éléments d'identification est la
shaka65(*). La
shaka est un hymne écrit à la gloire de l'organisation,
qui est supposé être chanté tous les matins par tous les
employés de BOOKOFF avant leur réunion. Chez BOOKOFF, cet hymne
porte le nom de BOOKOFF shôwa66(*). Cette habitude n'étant pas du tout dans
la culture française, il fut à l'origine d'un premier conflit
majeur (voir intra point 3.3.3).
Voici ci-dessous l'hymne en japonais et sa traduction en
français.
\u20170\u20170ç«úàúààê«úEé½½\u12399ÍÍ
\u-32278\u-32278é(c)êMM\u12392ÆÆ\u24773èî»MûiðéùðùÁÁ\u12390ÄÄ
\u12362\u12362·qq\u27096ll\u12395ÉÉ\u12399ÍÍ\u26368çÅÅ\u22823åÌåÌ-ú«ú«
\u12362\u12362·«XX\u12395ÉÉ\u21830è\u21697ïii\u12395ÉÉ\u23550ÎÎ\u12375uu\u12390ÄÄ\u12399ÍÍ\u28145ê[[\u12356centscents
\u24859\u24859àèîðúAàÁàÁÄÄ\u22857ïòédòdÌÌ\u31934ê\u31070ê__\u12434ðð
\u24536\u24536-YêéE#177;#177;\u12392ÆÆ\u12394ÈÈ\u12367\u-32278é(c)(c)\u12425çÌçÌó-]ó]'BB\u25104ê#172;#172;\u12398ÌÌ
\u28858\u28858à×ÉÉ\u21162«ww\u12417ßß\u12414ÜÜ\u12377··
|
Aujourd'hui encore, toute la journée,
Avec confiance et ardeur,
Donnons la plus grande satisfaction à nos clients
Accordons aux articles du magasin une profonde
affection
N'oublions pas d'être serviable et travaillons,
nous employés de BOOKOFF,
pour atteindre nos aspirations.
|
\u12356\u12356centsçÁçÁuu\u12419ácentsácentsÜÜ\u12379
\u12399\u12399Ícentscents\u12289AA\u12363(c)(c)\u12375uu\u12371#177;#177;\u12414ÜÜ\u12426èÜèÜuu\u12383½½
\u23569\u23569èXX\u12434ðÒðÒ\u19979%o°°\u12373\u12356centscents\u12414ÜÜ\u12379
\u30003\u30003ê\uu\u-30157-ó²ó²''\u12356centscents\u12414ÜÜ\u12379\u12435ññ
\u12354\u12354 èèÆÆ\u12358\u12372²²\u12374''\u12356centscents\u12414ÜÜ\u12375uu\u12383½½67(*)
|
Bienvenue
Oui, très bien
Veuillez patientez un instant s'il vous plaît
Toutes mes excuses
Merci infiniment
|
Cet hymne est suivi d'un rituel où les employés
s'inspectent mutuellement les mains pour s'assurer de leur propreté. Ils
tournent ensuite sur eux-mêmes pour vérifier que leur uniforme est
bien porté.
Un autre élément d'identification notable, est
que tous les employés japonais sont tenus de porter un uniforme
composé d'un tablier bleu avec le logo de BOOKOFF brodé dessus.
Les employés français ont un polo noir avec également le
nom de l'organisation. Un code vestimentaire va de pair avec l'uniforme :
pas plus d'un piercing à chaque oreille pour les femmes et les boucles
d'oreille qui pendent ne sont pas autorisées. Les hommes doivent
être rasés.
Enfin, le logo est un dernier élément
d'identification. Il est composé d'un visage sortant d'un livre et du
nom de l'entreprise, chapeauté par trois petits points sur
« BOOK » et sur « OFF ». L`imposant
logo « Livres » ou \u26412\u26412-{ (hon) blanc
sur fond rouge ou bleu est aussi reconnu comme un symbole de l'organisation.
C'est d'ailleurs celui qui a été gardé pour les points de
ventes en France (photo de droite).
En voici quelques illustrations :
2.7 Le type de
structure d'organisation
Sur le plan juridique, l'organisation est, depuis 1991,
enregistrée sous le nom de « BOOKOFF Corporation
Limited ». En France, elle est reconnue comme une EURL
(société unipersonnelle à responsabilité
limitée), ce qui signifie que les responsabilités (et les
profits) ne sont pas directement incombées à la direction mais
sont avant tout partagées au sein de l'organisation car la
société dispose d'une personne morale qui lui est propre,
différente de celle de la personne physique incarnée par la
direction. La responsabilité est limitée au montant du capital et
les biens personnels des directeurs sont protégés. À la
différence de la SARL (société à
responsabilités limitées), l'EURL peut être
constituée à partir d'une personne68(*).
Pour mieux comprendre l'organisation de la
société d'un point de vue hiérarchique en France, voici un
organigramme qui représente le type de ligne hiérarchique de
BOOKOFF en France.
Yoshinaga Toshihiko : Responsable de BOOKOFF en
France.
4 employés de la boutique
BOOKOFF Quatre
Septembre
6 employés de la boutique
BOOKOFF
Opéra
Jean-Philippe Meneboo : manager de la boutique
BOOKOFF Quatre Septembre
Aida Yuki: manager de la boutique BOOKOFF
Opéra
XXX : Vice-manager de la boutique BOOKOFF Quatre
Septembre
À la tête de cet organigramme, on retrouve
l'actuel responsable de BOOKOFF France, Yoshinaga Toshihiko, qui nous a
accordé une interview le 22 avril 2009 (retranscription en annexe 2).
Avant de venir en France, il a ouvert 13 boutiques au Japon et occupait un
poste appelé Area Manager, il était chargé de
superviser une région. Il est venu en France parce qu'il voulait tenter
une expérience professionnelle dans un pays autre que le Japon, mais
n'avait aucun intérêt particulier dans la culture française
et n'avait aucune connaissance de la langue. Son poste lui confère la
responsabilité de la communication avec la maison mère au Japon.
Les employés de la boutique BOOKOFF Opéra sont
principalement des étudiant(e)s japonais(e), ou des Japonais(e)s
marié(e)s à des Français(e)s et qui cherchent à
travailler à Paris dans une entreprise qui leur est familière.
Il y a également quelques descendants de Japonais de seconde
génération d'un niveau de japonais excellent. Les travailleurs
qu'il nous a été donnés d'interviewer se sont tous
montrés très ouverts d'esprit et très respectueux de la
culture française et aux questions qu'elle engendrait. Madame A, en
particulier, s'est montrée soucieuse de ce que les Français
pouvaient penser de son entreprise.
Les employés de la boutique BOOKOFF Quatre Septembre
quant à eux sont des Français ou Japonais ayant grandis en
France. On peut noter qu'un employé est d'origine Chilienne mais il
maitrise parfaitement la langue française. Les hauts postes sont
cependant réservés à des Japonais ou à des
employés ayant une maîtrise quasi parfaite de la langue
couplée à une adhésion totale à la culture de
l'entreprise. L'entreprise représente un attrait pour les
Français qui veulent perfectionner leur connaissance du japonais et
s'habituer à travailler dans une entreprise japonaise, tout en restant
à Paris. Monsieur A, par exemple, reconnaît dans son interview que
ses débuts à BOOKOFF Opéra69(*) lui ont permis de s'initier progressivement à
la culture de travail japonaise, tout en continuant ses études sur
Paris.
Au niveau du degré de formalisation des employés
envers leurs employeurs, la lecture du livre de Hashimoto Mayumi nous fait
comprendre qu'il est relativement faible. D'une part parce que l'entreprise
veut appliquer une politique paternaliste, ce qui implique un degré de
formalisation inspiré de celui d'une cellule familiale (voir intra 2.9).
Et d'autre part, parce que les employeurs ne jouissent pas d'un fort
degré de spécialisation ou de différenciation
fonctionnelle par rapport aux employés. Ils sont la plupart du
temps amenés à travailler avec les employés et effectuer
les mêmes tâches que ces derniers plus qu'a s'appliquer à
tenir des rôles que l'on attend réellement d'un manager tel
qu'à améliorer les performances, faire de la publicité ou
du marketing. Monsieur A nous a décrit les responsables comme
« fondus dans la masse ». Malgré cette courte
distance hiérarchique, les employés tendent cependant à
converser avec leurs employeurs en utilisant un langage formel.
Cet organigramme nous permet donc de visualiser l'organisation
hiérarchique de l'entreprise et donc de mieux comprendre le processus
décisionnel chez BOOKOFF, que nous décrirons dans le point
suivant.
2.8 Le processus
décisionnel
Les décisions qui doivent être prises au niveau
local sont théoriquement prises par le directeur de BOOKOFF France. Mais
pratiquement, les boutiques en France n'ont que très peu d'autonomie.
Les entreprises japonaises qui s'expatrient à l'étranger ont une
forte tendance à garder leurs pratiques de management intacte et de les
appliquer aux salariés qu'ils emploient, la plupart étant des
Japonais ou des personnes ayant une relation avec le Japon70(*) (3.3.2). Cette
hypothèse s'applique également à BOOKOFF. Yoshinaga avoue
lui-même dans son interview que lors d'ouvertures de boutiques à
l'étranger, la direction, forte de son succès au niveau national,
avait donné pour consigne de se référer au même
manuel de travail71(*) que
les managers utilisent au Japon.
Ce manuel de travail nous a été décrit
lors des interviews. Il renferme toutes les directives de l'organisation quant
à la gestion des boutiques, les méthodes de management,
l'attitude face au client etc ... En d'autres mots, l'utilisation de ce manuel
garantit à l'organisation l'uniformité de ses techniques à
travers toutes ses boutiques.
Par conséquent, garder le même manuel pour
développer les boutiques en France, correspondait à garder les
mêmes techniques de management et gérer les boutiques de la
même manière que les boutiques japonaises. Ce type de transfert
est totalement typique des entreprises japonaises qui, fières du
succès du Japon (deuxième économie mondiale), se
confortent dans l'idée que leurs techniques managériales sont
plus performantes que celles des pays en-dessous de la deuxième
place72(*),
c'est-à-dire tous sauf les États-Unis. Cependant, contrairement
à ce que semblent penser les personnes aux commandes de ces entreprises,
leurs techniques de management ne sont pas non plus universelles, car il
n'existe pas une seule « bonne voie73(*) » pour faire les choses, mais que la
façon de manager doit s'adapter à l'environnement des
organisations. (Voir intra point 3.2.2)
Ce processus décisionnel offre peu d'autonomie aux
librairies implantées à l'étranger et un pouvoir
très limité, car la source du pouvoir décisionnel est
située à la maison mère, c'est-à-dire au Japon.
2.9 Le style de
management et les sources du pouvoir
D'après les responsables de l'organisation, le style de
management serait de type paternaliste, comme celui développé
dans le point 1.2. Hashimoto Mayumi n'a de cesse que de répéter
que si elle a réussi à atteindre son niveau de
responsabilité dans l'entreprise, c'est avant tout grâce à
ses qualités de mère. Elle prône en effet un degré
de formalisation familiale, où l'on se réjouit tous ensemble des
réussites et où l'on réfléchit tous ensemble pour
régler les problèmes. Elle nous l'explique dans son livre :
« Chez BOOKOFF, lorsqu'un livre est vendu,
chacun peut se réjouir de sa collaboration : « Celui qui a
racheté ce livre, c'est moi », « Celle qui a nettoyé ce
livre, c'est moi » ou encore « celui qui a rangé ce livre sur
le présentoir, c'est moi ». »74(*)
Dans son livre, Hashimoto Mayumi décrit un
système d'interdépendance entre employés ayant
déjà accumulé de l'expérience dans l'entreprise et
les nouveaux employés, l'oyakoseido75(*). Ce système est grandement inspiré
du système paternaliste et est comparable à la cellule familiale
où ceux qui enseignent, les oya (parents), doivent se
réjouir et se féliciter des actions et des progrès de ceux
à qui ils ont enseigné, les ko (enfants), car c'est une
progression pour le groupe et par conséquent pour eux aussi.
D'après les employés de BOOKOFF, ce système est en tout
point semblable aux traditionnelles relations de sempai et de
kôhai76(*),
où les cadets doivent l'obéissance à leurs
aînés, entrés plus tôt dans l'entreprise.
Ce système où l'on prend le plus grand soin des
employés, a également donné naissance aux
kaizen77(*), ou
à ce que les occidentaux appellent l'empowerment78(*), qui a pour but
d'utiliser non seulement les capacités physiques des employés,
mais également la totalité de leur capacité mentale
à travers des réunions, où ils ont l'occasion d'exprimer
leurs opinions et proposer des suggestions en vue d'améliorer les
performances de l'entreprise. Dans les théories d'empowerment,
les décisions sont en principe prises du bas vers le haut79(*). L'initiative d'ouvrir une
boutique en Europe est d'ailleurs née d'une de ces kaizen,
où un employé a émit ce souhait.
Ce principe, qui a déjà fait ses preuves, va
à l'encontre des théories du taylorisme, avec la division des
cols blancs (ingénieurs) et des cols bleus (ouvriers). Dans les
théories tayloristes, les décisions sont en principe prises du
haut ver le bas80(*).
L'idée de donner du pouvoir décisionnel à tous les
employés remporta un résultat tellement important qu'elle fut mit
en pratique par le PDG de Chrysler Robert Eaton, industrie
spécialisée dans la production automobile, qui a réussi
à augmenter son chiffre d'affaire de 246% et qui affirme :
« Lorsqu'une décision est prise, elle est prise par une
personne du bas de la hiérarchie qui en sait bien plus que moi sur la
question ».81(*)
Les deux points précédents nous amènent
à une certaine contradiction. D'un côté, d'un point de vue
décisionnel, nous pouvons voir que les succursales à
l'étranger ont très peu d'autonomie, mais qu'au niveau du style
managérial, BOOKOFF se veut proche de ses employés et veut
montrer qu'il donne la parole à ses employés. On peut d'ores et
déjà penser que BOOKOFF fait preuve d'une certaine
flexibilité sur certains points, mais ne consent pas à remettre
en question sa culture fondatrice.
2.10 La politique des ressources humaines
Au Japon, l'entreprise travaille principalement en employant
la main d'oeuvre sous le statut d'arubaito et de temps
partiel82(*). Hashimoto
Mayumi et Yoshinaga Toshihiko sont eux-mêmes rentrés dans
l'organisation sous ce statut (voir intra point 3.1.1). Ces travailleurs sont
majoritairement des universitaires qui utilisent ces arubaito pour
financer leurs études ou des femmes aux foyers, à temps partiel,
qui cherchent à arrondir les fins de mois. Les employés sont
payés à l'heure et changent plus souvent d'entreprises que les
travailleurs salariés. En contrepartie, ils ne cotisent pas pour leur
retraire. Cette instabilité de l'emploi au Japon entraînera
quelques problèmes d'attachement du personnel à l'organisation ou
aux responsables (voir intra point 2.11).
Ce statut d'arubaito étant trop
précaire pour le système français, tous les
employés français, comme le veut la loi, étaient
engagés pour des contrats à durée
indéterminée. Ce qui permet aux employés de rester plus
longtemps dans l'organisation et finalement d'acquérir un certain poids
au niveau décisionnel dans le but d'obtenir, après de nombreuses
négociations, une situation légale pour un employé en
France (voir intra point 3.5). Mais les derniers employés ont
été embauchés sous un contrat CDD renouvelable, justement
plus proche du statut d'arubaito et qui ne donne pas l'occasion
d'acquérir un poids au niveau décisionnel de par la
précarité de ce statut83(*). Les employés ont en effet tout
intérêt à ne pas se faire remarquer s'ils tiennent à
ce que leur contrat soit renouvelé ou s'ils espèrent obtenir un
contrat à durée indéterminée.
Il y a toujours un certain roulement au sein de la boutique
japonaise, dû à la limite des visas. Mais Madame A, mariée
à un Français, se dit prêt à travailler toute sa vie
à BOOKOFF, en tout cas plus longtemps que les responsables actuels qui
n'ont aucun lien d'attache en France.
Depuis que la société est devenue une franchise,
la politique de BOOKOFF a dû être synthétisée pour
garder l'uniformité dans toutes les boutiques. Le système de
promotion appelé le Carreer Pass Plan, lequel garantit à
tous les employés de gravir les sept échelons
hiérarchiques, d'avoir un salaire en fonction de ces échelons,
ainsi que la possibilité de devenir à leur tour chef de boutique.
Ces sept différents grades sont décrits dans le livre de
Hashimoto Mayumi et sur le site officiel.
Image tirée du site officiel de BOOKOFF.
Grade 1 - Trainee : l'employé est
capable de travailler par lui même, à l'aide de son
manuel.
Grade 2 - Challenger C : l'employé est
capable de travailler par lui même.
Grade 3 - Challenger B
: l'employé peut diriger les autres employés dans les
tâches quotidiennes.
Grade 4 - Challenger A :
l'employé est le modèle à suivre des autres
employés.
Grade 5 - Trainer : l'employé est
capable d'enseigner les tâches à d'autres nouveaux
employés.
Grade 6 - Sub-manager : l'employé
peut remplacer et assister le manager.
Grade 7 - Manager :
l'employé peut remplacer le chef de boutique lorsqu'il est absent.
Ces différents stades sont symbolisés sur les
uniformes des employés par des petites gommettes de couleurs sous le
nom, représentant le nombre d'activités qu'il est capable
d'effectuer.
Tous les employés peuvent grimper à ces
différents postes, quelle que soit leur formation de départ car
aucun savoir faire de base particulier n`est demandé84(*) et que les compétences
requises pour évoluer sont très basiques et s'apprennent
naturellement avec le temps et l'expérience. Cette facilité a
pour but de limiter les contreperformances dues à la concurrence entre
les employés, mais ne manque pas de poser quelques problèmes de
légitimité, une fois ce système transposé en France
(voir intra point 3.4.1). Au Japon, ce système pyramidal a
déjà fait ses preuves et est une caractéristique qui
découle de l'emploi à vie décrit plus haut. En effet, dans
le système traditionnel japonais, plus l'employé reste dans la
même entreprise, plus il monte dans l'échelle sociale
(indépendamment de son mérite, de ses compétences
personnelles ou de son véritable âge, ce système
étant basé sur l'ancienneté dans la compagnie). Ce
système où l'on « décore»
l'équipement comme les uniformes de BOOKOFF n'a rien de nouveau, il a
été développé entre les années 1910 et 1930
où les employés voyaient leur organisation hiérarchique
dans un véritable carcan, comparable au Carreer Pass Plan
décrit plus haut, avec des insignes sur leur boutonnière ou leur
casque pour représenter visuellement leur augmentation, comme les
gommettes sur les uniformes des employés de BOOKOFF. Cette
représentation concrète de leur grade a eu pour
conséquence, à l'époque, une augmentation de leur
motivation car ils entretenaient l'espoir de franchir ces multiples
étapes de la pyramide85(*).
2.11 Le comportement et les attitudes des employés
L'attitude des employés à l'égard de
BOOKOFF est une préoccupation majeure des responsables. En effet, les
employés étant pour la plupart des arubaito ils ne
comptent pas faire carrière dans l'entreprise et considèrent leur
passage comme un emploi en attendant de trouver ce qu'ils veulent vraiment
faire, ou pour citer Suzuki Kousuke, leur yaritai koto86(*). Leur attachement et leur
motivation sont donc relativement faibles, la plupart de ces arubaito
choisissent BOOKOFF parce que le travail demandé est facile,
flexible car adaptable facilement aux horaires des employés et qu'il
leur est possible de lire des mangas ou d'autres livres pendant les heures de
temps libre87(*). On
constate un fort roulement dans le personnel au Japon.
Les responsables, par contre, ont une attitude radicalement
opposée, ils sont très pris par leur vie professionnelle car ils
sont affectivement liés à l'organisation. En effet, au Japon, si
les responsables ne tiennent pas leur autorité par leur savoir, ou par
leur charisme, ils la tiennent par leur expérience. Pour palier à
ce manque de légitimité, les chefs entretiennent un lien affectif
avec leur personnel. Lequel est renforcé par des contacts interhumains
permanents. Même après le travail, les employés continuent
de passer du temps ensemble dans des cafés ou des bars entre
collègues, leurs relations de travail étant bien souvent leur
seul réseau social. Par conséquent, le pouvoir du groupe n'influe
pas seulement sur leurs actions, mais également sur leurs idées
et leur univers mental. Dès lors, le clivage entre vie privée et
vie professionnelle s'en retrouve amoindri voir carrément absent, comme
nous le développerons plus tard (voir intra point 3.3.2). Ils vivent
alors exclusivement dans leur cadre de travail88(*).
2.12 Tableau récapitulatif
Pour faciliter notre compréhension dans notre
progression dans ce dossier, il nous paraît utile de résumer ici
les différents enseignements que la méthode Meier nous a permis
d'acquérir.
Critère clé
|
Enseignement tiré
|
Histoire
|
· La société a été fondée
par un dirigeant qui avait déjà une expérience dans la
revente de matériel d'occasion
· La présidente actuelle, Hashimoto Mayumi, a connu
toute l'évolution de l'entreprise et a participé activement
à son développement (chef de boutique de la première
succursale, redressement de quelques points de vente, ...)
· BOOKOFF Opéra a ouvert en 2004 et BOOKOFF Quatre
Septembre en 2007. La première est consacrée à la revente
de livres japonais, la dernière à la revente de livres
francophones
|
Métier et savoir - faire
|
· Le savoir-faire de BOOKOFF est très
simplifié et tient en 4 mots : acheter, nettoyer, ranger et
vendre
· Ces actions ne demandent aucun pré requis aux
employés
|
Valeurs dominantes
|
· Apporter une contribution à la population locale
à travers leurs activités commerciales de rachat et de revente
· Donner l'opportunité aux employés de se
développer matériellement et intellectuellement
· Entretenir de bonnes relations avec la clientèle
· Epargner l'environnement
|
Référentiel en termes de développement
|
· L'entreprise se développe en franchise, pour des
raisons de stabilité et d'uniformité au sein de l'entreprise
|
Le positionnement face à l'environnement
|
· BOOKOFF installe ses boutiques dans les grandes villes
· La clientèle est majoritairement constituée
d'individus issus de la communauté japonaise ou en lien avec elle, pour
la boutique BOOKOFF Opéra et des clients francophones pour la boutique
BOOKOFF Quatre Septembre
· L'entreprise emploie des travailleurs locaux, mais
préfère ses propres employés pour les postes à
responsabilités
· Les concurrents sont plus nombreux en France qu'au
Japon
|
Les éléments d'identification et
d'appartenance
|
· Le BOOKOFF shôwa (hymne de la compagnie)
· L'uniforme
· Le logo
· L'idéogramme du livre (\u26412\u26412-{)
|
Le type de structure d'organisation
|
· BOOKOFF France est une EURL
· Le directeur est Yoshinaga Toshihiko et n'avait pas la
formation requise pour faire ce travail.
· Les employés de BOOKOFF Opéra sont
majoritairement Japonais.
· Les employés de BOOKOFF Quatre Septembre sont
majoritairement Français
· Le degré de formalisation est faible car
l'entreprise se veut paternaliste et parce que les employeurs ne jouissent pas
d'un fort degré de spécialisation ou de différenciation
fonctionnelle par rapport aux employés
|
Le processus décisionnel
|
· La politique de l'entreprise est uniformisée car
les décisions sont prises en accord avec le manuel de travail fourni par
la maison mère. En d'autres mots : la maison mère a le
pouvoir. BOOKOFF a une approche top-down (de bas en haut) du processus
décisionnel, mais en même temps...
|
Style de management et sources de pouvoir
|
· ... se vante d'un style de management paternaliste,
d'utiliser la puissance cognitive de ses ouvriers à travers les
kaizen, et par conséquent d'avoir une approche
bottom-up du processus décisionnel
|
La politique des ressources humaines
|
· Les employés ont le statut d'arubaito au
Japon et de CDI en France. (Quoique les derniers employés sont
engagés sous CDD renouvelable)
· La promotion est basée sur l'expérience dans
l'entreprise et donc à l'ancienneté
|
Le comportement et les attitudes des employés
|
· Les employés ne sont pas très liés
à l'entreprise
· Les responsables sont liés affectivement à
l'entreprise
|
D'après Olivier Meier, BOOKOFF est une entreprise
internationale. C'est-à-dire, à un stade de
développement hors du territoire national inférieur au stade
d'une entreprise multinationale ou transnationale. En effet, le centre de
décision et une grosse partie du centre de production est dans le pays
d'origine mais l'entreprise entend étendre ses activités à
d'autres pays ; les compétences et connaissances sont
développées dans le pays d'origine et transférées
aux unités à l'étranger ; les connaissances des
responsables de l'interculturel sont limitées.
Pour ce qui est du modèle de management, il semblerait
que BOOKOFF applique le modèle ethnocentrique car,
premièrement, c'est un modèle centré sur la culture
d'origine de l'organisation (siège) qui détient l'autorité
principale et diffuse ses valeurs à l'ensemble des filiales et
gère également les objectifs et intérêts de la
société mère et deuxièmement les filiales cherchent
avant tout à appliquer les mêmes techniques managériales
que celles du pays d'origine.
L'entreprise peut donc s'appuyer sur les ressources de la
maison mère, tout en infiltrant quelques régions clés. Ce
modèle a l'avantage de limiter les coûts de coordination. Elle
est aussi typique des entreprises récentes car elle représente le
premier stade de développement de la firme hors des
frontières.
Troisième
partie : Adaptations du management liées au facteur interculturel
chez BOOKOFF.
Dans la première partie, nous avons parcouru
brièvement les étapes qui ont créé le management
interculturel et nous l'avons défini. Dans la seconde partie, nous avons
décrit la culture de BOOKOFF et donc chercher à approfondir notre
connaissance de son organisation. Il est temps maintenant d'analyser les
adaptations des activités qu'entreprennent les responsables pour pouvoir
manager des employés de culture non-japonaise. Nous nous efforcerons de
garder un regard objectif sur les conflits qui ont émergé entre
les deux parties et nous contenterons de faire une observation sur base des
informations qui nous ont été confiées plutôt que de
porter un jugement.
3.1 Adaptations
liées à la planification et à la décision
3.1.1 Quelle autonomie est
accordée aux filiales ?
Comme décrit plus haut (voir intra 2.8), les
décisions les plus importantes sont prises par la maison mère,
située au Japon. Les responsables de BOOKOFF France n'ont donc qu'une
maigre autonomie. Ce qui ne manque pas de poser des problèmes
importants. En effet, dans un souci d'équilibre entre contrôle de
qualité et de délégation, ils sont tenus de respecter une
ligne de conduite synthétisée dans le manuel de travail que nous
décrivons plus haut auquel se réfèrent tous les
responsables de toutes les boutiques au Japon. Ce manque d'autonomie interdit
aux succursales françaises d'innover ou de s'adapter et sont causes de
conflits que nous décrierons largement dans le point 3.5.
L'entreprise pourrait pourtant tenter d'adopter un
modèle d'entreprise multinationale, où les décisions
stratégiques sont prises au siège mais les activités
courantes sont confiées aux unités locales. L'entreprise entend
adapter l'offre aux besoins des marché locaux, et de les exploiter. Cela
favorise la différenciation et non pas la standardisation89(*).
La rigidité de BOOKOFF implique que les employés
doivent se comporter comme des travailleurs japonais quelle que soit leur
culture d'origine, comme nous allons le découvrir dans le point
suivant.
3.1.2 Quel degré de polyvalence
est exigé ?
Comme nous l'avons vu dans le point 2.2, les boutiques se
basent sur une activité de rachat et de revente laquelle est qualifiable
de relativement aléatoire car elle dépend du nombre de livres que
les clients amèneront pour revendre ce qui n'est donc pas
prévisible. Par conséquent, la planification occupe un rôle
considérablement restreint dans l'activité managériale de
BOOKOFF car planifier quel employé fera quelle tâche à
l'avance est impossible. C'est pourquoi les responsables exigent des
employés d'être polyvalents et d'être capable d'effectuer
toutes les tâches du magasin (y compris l'entretien des sanitaires), ce
qui constitue un point de différenciation avec le management occidental,
taylorien qui met en avant la division des tâches pour une
amélioration des performances. Yoshinaga Toshihiko nous a fait part de
cette impression lui-même dans son interview :
« J'ai l'impression qu'en France si l'on
travaille comme caissière dans un super marché, on ne s'occupera
que de la caisse, si on travaille comme magasinier, on ne s'occupera que de
l'approvisionnement. Mais ici, en pratique, comme les boutiques sont petites,
chacun doit être polyvalent et tout le monde est capable de racheter des
livres aux clients, d'étiqueter les livres, ou de les mettre en rayon.
En plus, ils le font avec beaucoup de conscience, ce qui m'aide
beaucoup. »90(*)
On pourra mettre en doute ici les connaissances de Yoshinaga
Toshihiko sur le management français ou japonais. Est-ce que les
épiciers français ne sont pas également forcés
d'adopter une certaine polyvalence ? Est-ce que les caissières des
grandes surfaces tel que Jusco91(*) au Japon ont d'autres rôles que le rôle
de caissière ? Mais certaines théories rejoignent l'opinion
de Yoshinaga Toshihiko sur la polyvalence des Japonais.
Maruyama Magoro92(*), pense que l'on peut retrouver cette vision de la
polyvalence dans l'agencement de l'intérieur des maisons japonaises. Les
murs intérieurs étant coulissants et en papier, les pièces
sont transformables. Cette polyvalence est en réalité bien plus
due à l'adaptabilité requise des employés des entreprises
japonaises. En effet, si le système de promotion à
l'ancienneté fait démarrer tous les employés au bas de
l'échelle pour leur faire monter les échelons avec le temps, cela
ne veut pas dire que l'employé effectuera le même travail ou
restera au même poste toute sa vie. Les mutations et les transferts de
poste au sein de la même entreprise sont fréquents et vont de pair
avec la promotion et donc avec le temps. Une bonne adaptabilité est
alors primordiale. Ce système satisfait généralement les
deux partis. L'employé peut se réjouir d'avoir un emploi dont les
responsabilités et les rémunérations évolueront en
parallèle avec l'âge, ce qui lui offre une certaine
sécurité. De son côté, l'entreprise
bénéficie d'une main d'oeuvre stable, et loyale.
Lors de nos interviews, nous avons découvert que les
employés de la boutique BOOKOFF Quatre Septembre se plaignaient de la
réduction de personnel. En effet, l'effectif est passé de neuf
employés à seulement quatre, ce qui entrave fortement le
fonctionnement de l'organisation car ils se retrouvent dans
l'impossibilité de sortir dans des délais raisonnables tous les
livres qu'ils rachètent (dashikiri développé en
2.2). Les employés français se plaignent également de
cette politique de polyvalence développée plus haut car cette
cohésion ou cet esprit de famille poussé, met les employés
sous pression et leur donne un sentiment de culpabilité envers leurs
collègues (voir intra 3.3.3).
3.2 Adaptations
liées à la coordination et au contrôle
3.2.1 Quelle formation est
accordée aux employés ?
Comme décrit dans le point précédent,
pour assurer une cohérence entre les boutiques japonaises et
françaises, les responsables installées en France utilisent
exactement la même source qui est le manuel de travail. Ce manuel de
travail décrit également la formation à donner aux
employés. La formation offerte à BOOKOFF semble beaucoup plaire
aux employés français et incarne donc un point positif majeur.
Tous les employés précisent que l'encadrement
lors de la formation offerte par les responsables est de bonne qualité.
Les employés sont encadrés autant que possible lors des
premières tâches, ce qui leur permet de ne pas être nerveux
lors de leurs premiers contacts avec la clientèle. Nous pouvons donc
dire que les débuts pour tous les employés se déroulent
donc très bien et amènent les employés à se sentir
impliqués dans l'entreprise. Le système d'oyakoseido
(voir intra 2.9) semble donc plaire aux employés français,
dans un premier temps, mais dans un deuxième temps, le manque de
distance hiérarchique va se faire sentir par un manque de
légitimité.
3.2.2 Quel type de leadership est
privilégié ?
La notion de « bon chef » est
relative à chaque culture de chaque employé. En France, le
« bon chef » est celui qui impose son autorité
en s'exprimant et faisant valoir son point de vue et la distinction entre chef
et employé est claire (fort degré de formalisation dans les
rapports et fort degré de spécialisation ou de
différenciation fonctionnelle), du moins dans le cadre du travail. Au
Japon, la recherche du compromis étant primordiale, le « bon
chef » est celui qui s'exprime peu et impose son autorité par
sa faculté à concilier et à exprimer le point de vue
global du groupe93(*). La
distinction est plus floue car le chef est souvent amené à
travailler au niveau des employés (fort degré de formalisation
dans les rapports mais faible degré de spécialisation ou de
différenciation fonctionnelle).
Ce sens du consensus qui privilégie une solution
unanime plutôt que l'imposition d'une décision à la
majorité a deux avantages principaux. Premièrement,
l'unanimité permet d'obtenir le support de l'entièreté de
l'organisation94(*).
Deuxièmement, le consensus évite la honte insupportable pour un
Japonais que serait de perdre la face suite à un désaccord. Dans
cette optique, le rôle principal des leaders est de concilier tout les
membres vers une même décision. Le pouvoir est toujours
gardé par les supérieurs, les sempai, qui demandent leur
soumission à leurs subalternes. Le consensus (ringi)
représente donc une décision aboutie entre les supérieurs
qui à leur tour, imposent la décision à leurs subalternes.
Si une minorité s'oppose à la décision, elle risque
d'être victime de mesures qui tendent à la marginaliser95(*).
Une autre caractéristique du patron japonais est sa
capacité à se faire aimer. En effet, comme décrit maintes
fois plus haut, la promotion se fait sur bases de l'ancienneté dans
l'organisation et du niveau de langue ou d'adhésion à la culture,
lorsqu'il s'agit d'étrangers, mais pas sur les compétences
personnelles (voir intra point 3.3.2). D'après Nakane Chie, professeur
d'anthropologie à Tôkyô et actuelle directrice de
l'université Jogakkan, ce système a souvent pour
conséquence de mettre une personne pas spécialement
compétente, ni nécessairement intelligente, mais plus
expérimentée à la tête d'une organisation. Pour
pallier à cette défaillance, les subordonnés sont
appelés à compenser ou excuser ces lacunes. Ce qui nous place
dans la situation paradoxale pour un Occidental, que si le chef est trop
compétent, les employés perdent une partie de leur rôle et
de leur raison d'être. Les faiblesses de l'employeur peuvent être
couvertes par leurs employés et vice versa96(*). La capacité de
l'employeur à se faire aimer est donc primordiale pour assurer sa
légitimité en tant que chef vis-à-vis des employés.
Cette attitude subjective du management japonais est relativement mal
perçue par les occidentaux qui sont plus issus d'une culture objective.
Le Français par exemple, aura plus tendance à voir dans le
travail et la coopération des relations purement limitées au
domaine professionnel et refoulera toute forme de sentiment ou de lien affectif
qui risquerait de compliquer les affaires97(*).
La distance hiérarchique, qui représente la
distance entre les employés et leur leader98(*), est amoindrie car le leader
n'a pas autant un rôle de guide que de père conciliateur. Cette
vision de polyvalence des employés va de pair avec les kaizen
cités plus haut car elle est opposée à la division des
tâches qu'avait préconisée Taylor. La distance entre
employeur et employé est grande sur le plan hiérarchique mais
petite sur le plan affectif, ils ne forment en fait une seule et même
entité qui se partage les rôles et les
responsabilités99(*). Pour se guider, les employés de BOOKOFF sont
alors appelés à se gérer par eux-mêmes. Monsieur A
nous explique que les employés qui ont accumulé le plus
d'expérience (sempai) dans l'entreprise sont appelés
fréquemment à prendre les rennes et diriger les moins
expérimentés (kôhai). Cette caractéristique
est suggérée dans le Carreer Pass Plan (voir intra point
2.10) où les employés à partir du grade 3 (Challenger C)
sont supposés être capables de diriger les autres employés
dans les tâches quotidiennes.
Cette prise en charge semble déplaire aux
employés de BOOKOFF Quatre Septembre pour des questions culturelles et
de responsabilités. Premièrement, parce qu'il a été
reconnu que généralement, les français attendaient que
leur patron, leurs supérieurs, ou les personnes qualifiées
d'experts, devaient être capables d'avoir réponse à
tout100(*). En plus,
Monsieur A nous a confié qu'il lui était difficile pour lui
d'ordonner à d'autres employés plus âgés que lui
mais avec moins d'expérience dans l'entreprise, d'effectuer une
tâche. Les relations interpersonnelles de sempai et de
kôhai que BOOKOFF utilise au Japon semblent donc ne pas
être adaptées aux employés français.
3.2.3 Se fient-ils aux règles ou
au contexte pour s'implanter ?
BOOKOFF persiste cependant à vouloir maintenir les
mêmes structures organisationnelles. Cette tendance à penser
qu'une méthode qui a marché dans un coin du globe (en
l'occurrence l'oyakoseido) est imposable partout et aura les
mêmes résultats n'est pas sans rappeler les travaux de Fons
Trompenaars et son concept d'universalisme et de particularisme.
Les cultures dites universalistes ont pour principe
qu'une décision, un principe, une règle, une loi, ...
s'appliquent à tous les problèmes quelle que soit la situation ou
le contexte. Cela tend aussi à impliquer la notion
d'égalité car tous ceux qui manquent à la règle
doivent être traités de la même façon. En
s'expatriant, les responsables de BOOKOFF continuent de penser que les
techniques qui ont permis au Japon de se hisser à la deuxième
place de l'économie mondiale sont plus performantes que les techniques
françaises et qu'elles doivent par conséquent être
appliquées.
A l'opposé, on parle de cultures dites
particularistes. Les individus issus de cultures particularistes
accordent plus d'attention au contexte, aux contraintes relationnelles. Les
relations interpersonnelles prennent alors plus d'importance que la
vérité. Tous les individus qui composent le groupe ne sont pas
égaux pour des questions d'âge, de sexe, d'origine, ... Les
individus issus de sociétés particularistes auront plus tendance
à couvrir leurs amis, quitte à mentir. Nous touchons en fait
à la limite des études de management comparés car le Japon
ne peut pas être classé comme faisant partie des cultures
universalistes, ni dans les cultures particularistes, même s'il s'en
approche.
Quand les entreprises japonaises s'expatrient, elles mettent
en avant un modèle que l'on appelle ethnocentrique,
c'est-à-dire centré sur la culture du pays d'origine de
l'entreprise. Comme nous l'avons décrit plus haut, les managers sont
tenus de mettre en pratique, au Japon comme en France, le même manuel de
travail. Mais le contexte étant différent, certaines facettes de
la culture japonaise ne s'adaptent pas non plus à la clientèle
française. Les méthodes de vente, de publicités, d'accueil
... sont également différentes en France. BOOKOFF a pourtant fait
l'économie de commander ces études de marché avant de
s'implanter. L'entreprise se refuse également à chercher à
employer des personnes dont une expérience de plusieurs années
dans le milieu littéraire pourrait servir à améliorer les
performances des librairies, mais préfère privilégier
d'autres critères telle que l'adhésion à la culture
d'entreprise. Pour les employés, Monsieur A entre autre, cette
obligation à coller à tout prix aux attentes de l'entreprise est
inadaptée. Pour illustrer ses propos, il nous explique que le manuel
préconise entre autre la pratique du Yamabiko101(*). Selon cette pratique,
même si l'employé est au fond du magasin, et ce dès qu'il
entend « irashaimase102(*) », il faut qu'on réponde : «
irashaimase » pour accueillir le client. À l'ouverture de
la boutique BOOKOFF Quatre Septembre, les employés ont alors
revendiqué une adaptation de la politesse japonaise en tentant
d'expliquer au manager japonais qu'en France, les employés
n'étaient pas tenus de dire « bonjour »
systématiquement, sans regarder le client ou sans qu'il y ait un
échange entre les clients et les vendeurs, dès qu'ils passaient
la porte. Pour les employés français, la culture française
préconisait d'autres manières d'être poli et attentif aux
clients en, par exemple, discutant avec eux, leur dire bonjour quand il y a
échange, les conseiller... Cependant toutes ces pratiques
n'étaient pas synthétisables et automatiques comme au Japon.
Cette tendance universaliste des pratiques managériales
japonaises sera à l'origine de beaucoup de conflits et sera par
conséquent plus développée dans la partie sur l'arbitrage
des conflits (voir intra 3.4.2).
3.3 Adaptations
liées aux techniques de motivations et de mobilisations
3.3.1 Valorisent-ils
l'expérience ou les réalisations ?
Une des manières de récompenser les travailleurs
est de leur accorder un meilleur poste avec plus de responsabilités. Or,
le système de promotion dans la culture française et la culture
japonaise comporte des différences notables que Trompenaars a
analysées. Dance certaine cultures, la position sociale peut être
attribuée en fonction de l`âge, de l`origine, de la profession, de
ses relations ... On appelle ces statuts des statuts attribués
et ils sont conférés par un état de fait.
Dans d`autres cultures, on acquiert un statut par ses
réalisations, actions personnelles ou son niveau d'études. Ce
statut est alors un statut acquis, résultat d`un travail ou
d`une action103(*).
Lors d'un entretien d'embauche, un employeur issu d'une
culture où le statut est attribué demandera à un individu
où il aura fait ses études. Par contre, un employeur issu d'une
culture où le statut est acquis demandera quel était le sujet de
ses études.
Le cas du Japon est particulier car il semble être un
système hybride. Dans le système français comme dans le
système japonais, la formation des élites des grandes entreprises
ou des dirigeants, est assurée par les grandes écoles
(Université de Tôkyô ou ENA, HEC, Paris 7, ...). Mais
l'origine des hauts potentiels au Japon est beaucoup plus diversifiée
qu'en France car le parcours dans l'entreprise a plus d'importance que le
diplôme d`université104(*). Un étudiant en littérature pourra
très bien, à la fin de son cursus être recruté par
une banque car l'organisation préfère former elle-même ses
employés. Le fait que le futur employé sort d'une grande
école prouve qu'il a développé une capacité de
réflexion, de réaction, de rédaction suffisantes et qu'il
peut s'adapter.
Cependant, en tant que nouvelle recrue, quel que soit son
niveau d'éducation, il devra le respect aux employés qui seront
arrivés avant lui dans la banque. La position sociale au Japon est donc
fonction du temps passé dans l'entreprise (statut attribué) et
des études effectuées (statut acquis).
Chez BOOKOFF, cette caractéristique est
également notable. La présidente elle-même ne dispose
d'aucune notion de management et de marketing, ce qui ne l'a pas
empêché, en 1990 d'entrer dans la première boutique en tant
que travailleuse à temps partiel. A l'époque, elle est femme au
foyer, titulaire d'un diplôme d'université de court cycle. Son
goût pour le travail bien fait et sa discipline lui permettront de
devenir chef de boutique du deuxième magasin. L'expérience
qu'elle accumulera l'aidera à redresser plusieurs boutiques en faillite.
Elle est alors désignée comme présidente à la
succession du fondateur en 2007. En France, Yoshinaga Toshihiko avait comme
projet de devenir professeur de chant. Il rentre dans l'organisation sous le
statut d'arubaito et est aujourd'hui directeur de BOOKOFF France.
Nous noterons que ces individus, cités plus haut,
n'avaient pas les connaissances requise exercer le rôle de manager, et
ont été formés sur le terrain, par leurs collègues
plus anciens quand il y en avait. Ce statut partiellement acquis sera
néanmoins la source de plusieurs problèmes. Dans le cas de
Hashimoto Mayumi, son manque de connaissance en marketing lui fera
défaut à plusieurs reprises. Elle explique dans son livre, par
exemple, que lors de l'ouverture de la deuxième boutique elle avait la
conviction que le plus important dans une boutique était l'apparence et
la luminosité qu'elle donnait. Elle a alors décidé de
trier les livres, non pas par auteur, ni par titre, mais par couleur de
couverture, pour augmenter la luminosité et la couleur dans sa boutique.
Cette décision fut une catastrophe car les clients éprouvaient de
grandes difficultés à trouver les livres qu'ils cherchaient. Par
la suite elle est revenue au système traditionnel de classement par
auteur et genre105(*).
Yoshinaga Toshihiko de son côté, comme il l'a avoué dans
son interview, est incapable de maîtriser la langue française et
n'a qu'une très faible connaissance de la culture et du droit
français. Ce n'est pas un cas rare, mais presqu'une
caractéristique des managers japonais à l'étranger, comme
nous allons le voir dans le point suivant.
3.3.2 Accordent-ils l'attention aux
personnes ou aux postes à pourvoir ?
On peut identifier des différences culturelles dans
l'attention accordée à l'efficacité et aux
compétences de la personne ou à la confiance que l'on pense
pouvoir avoir en cette personne. Dans certaines cultures (nord
américaine notamment), la relation interpersonnelle existe dès
que les membres coopèrent pour réaliser un projet en commun. La
recherche de l'efficacité est ce qui réunit ces personnes. Dans
ce cas, on parlera de cultures qui accordent leur attention aux
tâches et qui accorderont donc en premier lieu l'attention aux
objectifs et aux compétences des partenaires. Dans d'autres cultures
(asiatique et du Moyen-Orient), une relation de confiance est nécessaire
avant de commencer le travail pour s'assurer de la loyauté de ses
partenaires. Dans ces cultures qui accordent leur attention aux
personnes, l'attention est accordée en premier lieu à la
qualité des relations avec les autres acteurs (collègues et
clients)106(*) .
Cette dimension d'attention aux personnes joue un grand
rôle dans le recrutement des employés de BOOKOFF France. Pour
preuve, aux débuts de l'entreprise en France, les recrutements se
limitèrent à des employés bilingues
français-japonais ou simplement des employés de
nationalité japonaise. Ce n'est que récemment (mi 2008) que les
premiers employés français, sans lien avec le Japon, ont
été recrutés.
Il est cependant à noter que l'on peut retrouver chez
ces employés les caractéristiques qu'un employeur japonais attend
de ses employés, comme la persévérance,
l'obéissance, la discipline, la loyauté, la flexibilité et
l'esprit d'équipe107(*). Le travail demandé n'exigeant pas
spécialement un savoir-faire très particulier, le recrutement
s'effectue plus au degré d'adhésion à la culture du pays
qu'au poste à pourvoir108(*). Monsieur A nous a d'ailleurs exprimé son
point de vue dans son interview. Pour lui, les responsables, que ce soit
à la maison mère ou en France, n'ont pas une culture
générale très développée, ni une
connaissance particulière du marché du livre ou de
l'édition, mais ils défendent une certaine idée du travail
et vouent une fidélité sans pareille à l'entreprise.
Cette caractéristique semble particulièrement
décevoir les employés français dans le système de
promotion, car il inhibe les possibilités d'innover. Les employés
bénéficiant des promotions n'étant choisis que parmi ceux
qui ont la même manière de penser que les responsables
déjà en place. Le système ne sera donc finalement pas
remis en question, ce qui remet réellement en cause l'approche
bottom-up (bas en haut) du processus décisionnel que BOOKOFF
affirme utiliser.
Afin de juger de la possible adhésion aux valeurs de
l'entreprises, les entretiens avec les postulants de nationalité
française se déroulent avec le directeur de BOOKOFF France
(Yoshinaga Toshihiko, Japonais) et le gérant de la boutique BOOKOFF
Quatre Septembre (Jean-Philippe Meneboo, Français). Pour les postulants
de nationalité japonaise, les entretiens se font avec le directeur de la
boutique française et son subalterne (X, Français). Lors de ces
entretiens, lorsqu'ils n'employaient que des bilingues, il était coutume
de faire passer un test d'aptitude de japonais aux employés
francophones. D'après Mademoiselle A, la raison invoquée
était que les employés devaient être capables de
communiquer avec Yoshinaga Toshihiko, qui, comme précisé plus
haut, ne parle que japonais.
Cette caractéristique est commune à beaucoup de
responsables d'entreprises japonaises expatriés qui se retrouvent
catapultés dans un pays dont ils n'ont qu'une connaissance très
pauvre de la langue et de la culture locale. Ils ont tendance à prendre
comme politique que si les employés ne sont pas capables de comprendre
ce qu'ils disent, ils n'ont qu'à apprendre le japonais109(*). Cette attitude pourra
être cause de manque de légitimité du chef vis-à-vis
des employés.
Les responsables privilégiaient donc des
employés qui ont une connaissance développée de la culture
japonaise et une adhésion à la culture de BOOKOFF, plus qu'une
connaissance du terrain. Cette valorisation des aptitudes sur les
capacités est l'objet de vives critiques de la part des employés
qui remettent en question la légitimité de leurs
supérieurs, comme nous l'a décrit Monsieur A.
Le cas le plus révélateur nous a
été exposé par Madame A, c'est celui de X
(présenté dans le point 2.7), lequel est entré avant Jean
Philipe Meneboo dans l'entreprise, mais qui n'adhérait pas
particulièrement à leur façon de faire. Aujourd'hui
Jean-Philippe Meneboo est responsable de la boutique BOOKOFF Quatre Septembre
et X est son subordonné. Cet exemple décrit bien la tendance de
l'organisation à préférer les employés qui
adhèrent tout à fait à la culture de l'entreprise. Jean
Philipe Meneboo s'est en effet toujours montré gardien des pratiques de
BOOKOFF en, par exemple, s'opposant fermement à l'arrêt du
BOOKOFF shôwa. Il nous a été rapporté lors
d'une interview que son opinion par rapport aux congés payés
était qu'il ne comprenait pas « comment on peut payer des gens
à ne pas travailler ».
Le facteur de la confiance continue de jouer un rôle de
nos jours car les employeurs continuent de recruter des personnes qui ont le
potentiel de s'adapter, pour l'embauche et la promotion. C'est ce qui nous a
été prouvé dans l'interview de Mademoiselle A, qui jouit
de liens très forts avec la culture japonaise, qui nous a confié
qu'elle avait parfois accès à des informations avant les autres
mais qu'elle a ordre de garder pour elle, « parce qu'ils me
font confiance110(*) ».
Comme on peut le penser, ce système peut avoir des
répercussions négatives sur les non-Japonais qui seront
discriminés lors des promotions pour les postes à hautes
responsabilités. Les personnes ne partageant pas la culture japonaise ou
n'adhérant pas totalement à l'ensemble de la culture d'entreprise
de BOOKOFF, ce qui seraient donc source autant de conflits que d'innovations,
n'ont aucune chance d'avoir une quelconque influence à l'avenir.
Avant de promouvoir un employé à un poste
à responsabilités, un stage de 10 jours au Japon,
subventionné par l'entreprise, est requis. Pendant ce stage,
l'employé peut approfondir ses connaissances sur les pratiques de
management et disciplinaires de la maison mère et par la suite les
appliquer dans le pays étranger et ainsi promouvoir la culture de
l'entreprise et ses pratiques. Mademoiselle A a été choisie pour
effectuer ce stage. Elle nous a expliqué qu'elle a commencé par
travailler dans une usine qui centralise les achats de BOOKOFF et puis quelques
jours dans un magasin. Elle n'avait pas le droit pendant ces 10 jours à
prendre contact avec la France car c'était considéré comme
impoli.
Cette méthode est très souvent utilisée
par les entreprises japonaises pour à la fois donner un
entraînement intensif à leurs employés qu'ils comptent
promouvoir, mais aussi immerger l'employé totalement dans la culture de
l'entreprise111(*),
comme nous allons le développer dans le point suivant.
3.3.3 Quel degré d'implication
est demandé aux employés et aux responsables ?
Plus l'employé est promu à des postes à
hautes responsabilités, plus l'employé est supposé mener
une vie au service de l'organisation et y être attaché
affectivement. En effet, la culture de travail japonaise est ce que Fons
Trompenaars a appelé une culture diffuse, c'est-à-dire,
une culture où les individus auront tendance à lier la vie
privée et la vie professionnelle, en opposition aux cultures
limitées où les individus effectueront un clivage entre les
deux. Fons Trompenaars utilise l'exemple suivant : dans une culture
diffuse, si un employé rencontre son supérieur dans un lieu autre
que le lieu de travail (bar, magasin de bricolage, terrain de golf), la
relation hiérarchique sera à peine perceptible, le directeur
pourra même demander l'avis de l'employé sur le meilleur outil de
bricolage ou des conseils pour améliorer son jeu. Dans une culture
limitée par contre la relation que l'employé a avec son
supérieur restera en vigueur et l'avis du supérieur sera, quel
que soit le domaine, le meilleur, incontestablement112(*).
Le Japon est reconnu pour appliquer une culture diffuse. Les
Japonais entretiennent rarement des relations avec d'autres personnes que leurs
collègues de travail, avec qui, parfois, ils vivent dans des logements
communs, fournis par l'entreprise (comme expliqué en 2.9). Les
sphères privée et professionnelle se retrouve donc totalement
confondues, à un tel point que même les épouses des
travailleurs qui vivent dans ces logements tiennent compte de la position
sociale de leur époux dans la société pour tisser leurs
relations interpersonnelles avec les autres femmes. La femme du directeur
bénéficiera ainsi du respect des femmes des subordonnés de
son mari113(*).
Chez BOOKOFF France, les 3 responsables les plus influents
sont très pris par leur vie professionnelle. Jean Philipe Meneboo fait
près du double des heures pour lesquelles il est payé. Yoshinaga
quant à lui a 35 ans et n'est pas marié, n'a pas d'enfant et ne
rentre pas dans sa famille au Japon pour les fêtes de fin d'année.
Les employés de BOOKOFF aussi sont appelés à être
sollicités sous des pressions morales, comme nous a expliqué M.A,
qui lorsqu'il travaillait dans la boutique BOOKOFF Opéra, se sentait
obligé de faire des heures supplémentaires, sinon les autres
collègues ou supérieurs lui en feraient la remarque. De la
même manière, lorsqu'il partait en voyage, il était
supposé rapporter un omiyage pour chacun de ses
collègues114(*).
Si mon analyse est juste, la subjectivité des
employés francophones et l'absence de lien affectif, comme nous l'avons
décrit plus haut dans le point sur l'attitude des employés envers
l'organisation, pourrait être à l'origine de leurs discordes. Le
statut d'arubaito, qui est relativement instable, n'entraîne pas
les employés à développer un lien affectif particulier
pour l'organisation, ou pour leurs chefs. Les employés francophones
n'ont pas pour habitude de ramener des souvenirs à leurs
collègues ou de faire des heures supplémentaires s'ils n'en ont
pas envie. L'absence de lien affectif sur le lieu de travail est la cause de
cette différence dans les deux cultures. Cette différence fait
naître chez les employés un malaise et une pression morale.
Une autre preuve de ce manque de lien affectif, c'est
l'absence de réunion après les heures de travail (comme
confirmé dans l'interview en annexe 2, question 9). En effet, il est
coutume au Japon de continuer d'entretenir les relations interpersonnelles en
dehors du lieu de travail. Fréquemment, les Japonais vont, entre
collègues, boire un verre ou manger ensemble après le travail
pour se détendre115(*). Ce trait est caractéristique des cultures
diffuses. En France aussi, cette coutume a tenté, en vain, de s'imposer
aux employés de BOOKOFF. Monsieur A nous a confié, que lorsqu'un
haut membre de la direction de la compagnie vient en France, il invite et offre
le dîner aux employés français et japonais à
Bizan116(*). Ce genre
d'événement reste cependant rare, les membres de la direction ne
venant qu'une à deux fois par an en France. En dehors de ces
circonstances exceptionnelles, Yoshinaga nous a confié que les
employés n'ont pas tendance à passer du temps ensemble
après les heures de travail (au Japon comme en France). Les responsables
de BOOKOFF France ont tenté de rapprocher les employés de BOOKOFF
Opéra et BOOKOFF Quatre Septembre, en leur faisant prendre leur repas
ensemble dans la mesure du possible. Cependant, cette mesure a
été arrêtée lorsque les employés de la
boutique BOOKOFF Quatre Septembre ont commencé à se plaindre des
conditions de travail et obtenir raison pour leurs revendications. La
communication étant rompue entre les deux équipes, des
inégalités ont commencé à voir le jour (voir intra
point 3.4.2).
Cette absence de lien affectif pourrait être aussi la
source des conflits qui opposent les responsables aux employés pour le
BOOKOFF shôwa, l'hymne pour la compagnie (voir intra
2.6). La société, comme beaucoup d'autres sociétés
japonaises117(*), tient
pour habitude de faire chanter tous les matins un hymne à la gloire de
BOOKOFF avant leur session de réunion du matin pendant laquelle les
employés peuvent échanger des informations sur la journée.
Cette habitude s'est donc poursuivie en France. Mais lorsque BOOKOFF a
commencé à recruter des employés français, le
BOOKOFF shôwa a commencé à poser problème.
En effet, comme expliqué ci-dessus, l'environnement culturel
français est plutôt tourné vers une culture limitée.
Cette pratique relevait, pour eux, du harcèlement moral et était
en opposition avec le code du travail français ce qui aurait pu
être un grave problème en cas d'inspection du travail. Du
côté des responsables, les arguments invoqués
étaient que les magasins au Japon qui ne récitaient pas cet
hymne, généraient souvent des contre performances. Une
employée japonaise nous a confié que l'opposition à
l'abandon de l'hymne était probablement liée au sens du
consensus. Un abandon du BOOKOFF shôwa pourrait être vu
comme une défaite pour la direction, comme s'ils avaient perdu la face.
Une approche consensuelle et avec des arguments plus subjectifs aurait
peut-être fait plus d'impact.
Au contraire, les employés français ont
avancé un raisonnement logique : pourquoi réciter tous les
matins un hymne ? Et en plus dans une langue que certains employés
ne comprennent même pas ? Pour contrer cet argument, les
responsables ont tenté de faire une traduction du BOOKOFF
shôwa. Cependant, le fait de savoir ce que signifiait
réellement l'hymne a provoqué une levée de boucliers
encore plus violente de la part des employés qui qualifiait l'hymne de
« pratique sectaire » ou de « messe
noire ». Madame A nous a expliqué que c'est cette
réaction (subjective) qui les a marqués. L'hymne posait un
problème au niveau de la sensibilité psychologique des
français.
Les arguments des employés français ont
influencé les employés japonais qui, finalement, rejoignaient
également l'avis des employés français. Après
maintes négociations, les responsables ont fini, à contrecoeur,
par abandonner cette pratique dans la boutique BOOKOFF Quatre Septembre, mais
pas dans la boutique BOOKOFF Opéra. La maison mère n'est toujours
pas au courant de cet accord. Cette situation pose donc des problèmes
d'équité entre les employés mais également de
régularité par rapport au droit français.
3.4 Adaptations
liées à la conciliation
3.4.1 Quelle attitude interrelationnelle
est valorisée ?
Dans leurs interrelations, les employés peuvent adopter
3 attitudes différentes, en fonction de leur environnement
culturel118(*) :
ð La soumission : logique de domination, de rapport de
force. Un rapport asymétrique entre un dominant et un dominé qui
n'a pas d'autre choix que de se soumettre.
ð L'interdépendance : logique de
coopération, rapport de réciprocité. Les individus sont
liés par une communauté d'intérêt.
ð La compétition : logique de compétition,
rapport d'émulation. Les individus sont libres et doivent s'assumer
seuls.
Comme décrit dans la partie 1, BOOKOFF semble
privilégier les rapports de réciprocité et un
système paternaliste. Mais la réalité de BOOKOFF France
semble quelque peu différer. Les quelques employés qu'il nous a
été donné d'interviewer se plaignent d'une relation de
domination. En effet, les responsables étant tenus de se plier
coûte que coûte à leur manuel et les décisions
étant prises, pour la plupart, à la maison mère, les
conflits sociaux sont souvent empreins d'une difficulté de
négociation, les responsables ne voulant évidemment pas changer
les habitudes qui leur ont été inculquées par BOOKOFF. Ce
rapport de force n'empêchera pas plusieurs conflits du personnel
français envers les responsables pour le retrait du le BOOKOFF
shôwa, l'obtention de chèques repas, du travail dominical
mieux payé et des jours fériés. En effet, les
employés de BOOKOFF en France ne bénéficiaient pas,
jusqu'il y a encore peu, des jours fériés légaux en France
et leur travail dominical était payé au même tarif que les
autres jours de la semaine. Ce qui est bien-entendu illégal en
France119(*). Ce sujet a
été très légèrement relevé par
Yoshinaga Toshihiko lors de l'interview, qui a déclaré
apprécier le système français pour pouvoir profiter de sa
vie privée et de beaucoup de vacances. Il a ajouté être
impressionné que malgré le nombre de vacance annuelle, il
était impressionnant de voir que la société
française tienne toujours.
Malgré la légitimité de ces droits en
France et l'illégalité des pratiques de BOOKOFF, il a fallu
beaucoup de temps et de négociations pour voir ces mesures
disparaître et pour que les employés bénéficient de
jours de travaux normalisés. Ces situations incitent les employés
français à se sentir dominés et va à l'encontre du
mode de management paternaliste que prône la présidente de
l'organisation. Mademoiselle A nous a confié avoir l'impression que les
employeurs attendaient d'eux qu'ils « arrêtent de
réfléchir, pour un peu plus que le smic. »
Ce déséquilibre de la relation de pouvoir semble
trouver son origine dans la période Edo dans laquelle les relations de
pouvoir sont équilibrées entre les aînés et les
jeunes, comme nous l'avons décrit dans la partie 1. Ce type de structure
a donné naissance à des cellules familiales où les membres
avaient des comportements autoritaires et inégalitaires au Japon et en
France à des cellules familiales où les membres avaient des
comportements individualistes et égalitaires. Cette
caractéristique est probablement issue du culte que les occidentaux
vouent à l'égalité et la liberté, au point d'en
être, avec la fraternité, la devise nationale française. Le
droit d'aînesse subsistant encore de nos jours au Japon, démontre
que ces relations inégalitaires sont encore d'actualité. Mais si
cette structure familiale accentue la dépendance à
l'autorité, de la famille à la nation, la dépendance
à l'autorité et la conformité des comportements, il
amène le groupe à accepter l'inégalité et
l'inéluctabilité de la hiérarchie, il enfante aussi le
collectivisme (voir intra point 3.4.2) et donc un esprit de
cohésion dans le groupe et de protection d'identité
culturelle120(*). C'est
le raisonnement auquel a également aboutit Madame A de la boutique
BOOKOFF Opéra, qui pense que cette différence de vision
vis-à-vis de l'autorité fait qu'on ne peut pas appliquer en
France le système d'oyakoseido, car il ne prend pas en compte
la différence au niveau des cellules familiales, et la différence
dans les relations parents-enfants en France. Parents qui tendent finalement
à identifier comme individus égaux leurs enfants dès
qu'ils atteignent un certain âge.
3.4.2 Se fient-ils aux règles ou
au contexte pour arbitrer les conflits ?
Quand il s'agit de régler un conflit, on pourrait donc
croire que les Japonais, connus pour jouir d'une relativement grande
sécurité (taux de criminalité de 1.91 % contre 6,21% en
France ou 8,55% aux États-Unis), auraient tendance à adopter une
attitude universaliste, et appliquer la loi. Tandis que les Français,
issus d'une culture latine, auraient tendance à adopter une attitude
particulariste. Mais la réalité est radicalement opposée
comme nous l'avons déjà vu plus haut.
En effet, les jugements rationnels que nous, Occidentaux,
pensons règles universelles, se plient devant la loi des relations
interpersonnelles. Si un individu commet une faute professionnelle, ses amis
(donc collègues, supérieurs et subalternes) sont là pour
le protéger, même s'il s'agit d'une faute grave. Ils feront jouer
en sa faveur le pouvoir du groupe et forgeront de toutes pièces des
arguments irrationnels reposant sur l'affectivité. Ils le
défendront, non pas parce qu'il a raison mais parce qu'il appartient au
groupe. On dénombre quelques individus qui ont commis de
sérieuses erreurs et sont parfois rentrés dans
l'illégalité mais ont gardé leur poste malgré les
accusations ou ont simplement été mutés121(*). C'est le cas
notamment du fondateur de BOOKOFF, Sakamoto Takashi, dont la rumeur dit qu'il
aurait été accusé de harcèlement sexuel, mais qui
fait toujours partie du pouvoir décisionnel122(*).
Un nombre impressionnant de paradoxes (à nos yeux) et
de règles non appliquées au Japon nous incite à classer la
culture japonaise du côté des cultures particularistes. L'hymne
national en vigueur depuis la restauration de Meiji (1868 à 1912), par
exemple n'est légiféré que depuis 1999. L'âge
légal de consommation d'alcool est de 21 ans, alors que la plupart des
japonais commencent dès leur arrivée à
l'université, à 19 ans. Il est coutume de régler les rares
conflits sans faire appel aux autorités législatives.
La France, au niveau des grandes instances, semble
plutôt s'articuler autour de principes d'une culture universaliste sans
pour autant ne pas prendre en compte quelques particularités. Elle aime
se considérée fervente protectrice des droits de l'homme et de
l'état de droit et une des principales actrices de leurs
universalisations. Par contre, le modèle français semble
être un système de relation, basé sur la défense des
intérêts particuliers d'un groupe d'individus au détriment
d'un autre123(*), on
pourrait donc affirmer que le système s'articule autour de principes
d'une culture particulariste. Les employés, par exemple mettent un point
d'honneur à faire respecter les lois et le code du travail, au
détriment, parfois, des patrons.
La rencontre entre une culture à tendance universaliste
(France) et une culture à tendance particulariste (Japon) mène
à un nombre considérable de conflits. Surtout si les responsables
japonais n'ont qu'une connaissance très limitée du droit du
travail français. Cette ignorance fut à l'origine des conflits au
sein de l'entreprise pour l'obtention des jours fériés, des
chèques repas, ... Pour décider des aptitudes à adopter
sur les revendications des salariés, comme cela s'est passé
récemment pour obtenir un salaire plus élevé pour le
travail dominical ou pour l'obtention des chèque repas, la direction
fait généralement appel à un avocat
spécialisé dans le droit du travail français et lorsque la
direction se rend compte qu'elle est dans l'illégalité, elle fait
alors signer de nouveaux contrats à ses employés.
C'est une petite victoire pour le droit français, mais
il reste encore beaucoup à faire. Aujourd'hui encore, les
employés de la boutique BOOKOFF Quatre Septembre sont contraints
d'attendre au minimum une semaine que le livre soit en rayon avant de le
racheter pour un usage personnel (ce qui représente une atteinte au
droit du consommateur). La situation est pire pour les employés de la
boutique BOOKOFF Opéra, qui quant à eux n'ont aucune connaissance
de leurs droits et qui par conséquent travaillent dans des conditions en
opposition au droit du travail français (voir intra point 3.4.2).
Cette situation est également remarquable au Japon,
où la législation voudrait que l'employé ne fasse que 8h
par jour et 40h par semaine. Un maximum de 46 heures autorisées, alors
que les employés japonais sont connus pour faire en moyenne 1h30
d'heures supplémentaires par jour124(*) en plus de leurs 8h de travail, sans compter les
heures de repos, et sans augmentation du salaire125(*).
Il est très regrettable que les Japonais ne soient pas
plus attentifs à faire respecter leurs droits chez eux, plus encore le
droit du pays d'accueil lorsqu'ils exercent une activité dans un pays
étranger. Mais depuis quelques années, les Japonais sont devenus
incapables de concentrer leur colère contre les autorités, ou la
direction pour créer des mouvements collectifs positifs126(*). Les conditions de travail
difficiles que connaissent les travailleurs japonais sont pourtant à
l'origine d'une pauvreté grandissante au Japon qui résulte dans
l'augmentation de personnes au statut précaire tel que les
freeter127(*), working
poor128(*) ....
Cette précarité a également
engendré un malaise social important, en grande partie responsable des
problèmes sociaux actuels du Japon comme les meurtres de masses, le fort
taux de suicide (24 pour 100 000 habitants129(*)), la baisse du taux de
natalité (taux de natalité estimé à 7.64 en 2009 et
l'accroissement de la population à -0.191%)130(*) ...
3.4.3 Les acteurs ont-ils une
orientation collectiviste ou individualiste ?
Une caractéristique reconnue unanimement par les
études managériales comparatives, que cela soit par les
enquêtes de Hofstede ou celles de Trompenaars, réside dans
l'orientation vers le groupe plutôt que l'individu. Dans une
société collectiviste, le temps passé en groupe sera
favorisé par rapport au temps réservé à la vie
privée. Les individualistes cherchent constamment à augmenter
leur liberté d'action et à grimper (seuls) les différents
échelons de la réussite de leur carrière. Dans les
sociétés collectivistes, c'est le temps passé en
communauté qui est favorisé. Si le Japon est à classer
sans hésiter dans les pays collectivistes, il n'est pas possible
d'être catégorique pour la France car comme l'explique Oliver
Meier, dans le modèle français, on s'associe à un groupe
afin de défendre des intérêts communs et une fois les
objectifs atteints on tentera de conforter sa place au pouvoir. Même si
le Français pense à s'unir pour peser plus lourd au niveau
décisionnel, il ne fait que défendre ses intérêts
personnels131(*).
Cette facette du collectivisme semble avoir des retours
négatifs quand elle appelle à la négation de soi au profit
du groupe. Ainsi, les employés se plaignent de la charte
affichée derrière le comptoir, sur laquelle on peut lire :
- Tous les employés doivent être prêts
à se remettre en question ;
- Les employés doivent
abandonner tout désir personnel.
L'orientation collectiviste semble être
appréciée quand elle appelle au soutien entre les employés
et à l'entraide. En effet, en conséquence de ce collectivisme et
de la culture diffuse, une véritable unité entre les
employés se développe. Dans cette optique, Monsieur A nous a
expliqué que lors de son embauche, on lui avait décrit la culture
de l'entreprise comme suit : « Après avoir utilisé
un rouleau de scotch, pour que la personne suivante puisse l'utiliser
facilement, vous devez replier le bout. »
Cette image illustre bien la culture collectiviste ou chaque
individu du groupe se doit de penser à l'autre. Mademoiselle A nous a
confié dans son interview avoir été très satisfaite
de cet esprit de groupe qui soudait le personnel à ses débuts.
Cet esprit de groupe semble également être apprécié
lorsqu'il est utilisé dans les conflits qui opposent la direction aux
employés et qu'il aide à améliorer les conditions de
travail.
Lorsque l'entreprise a été contrainte d'accorder
aux employés de la boutique BOOKOFF Quatre Septembre les jours
fériés et un salaire plus élevé le dimanche, les
dirigeants ont cessés d'inciter tous les employés à manger
ensemble pendant leurs pauses repas. Cet arrêt cachait en
réalité que les employés de la boutique BOOKOFF
Opéra ne s'étaient pas vu octroyer ces avantages. Et afin
d'occulter ces différences, la communication avait alors
été limitée. De même pour le BOOKOFF
shôwa, dont la pratique a été abandonnée du
côté de la BOOKOFF Quatre Septembre, mais pas du côté
de la boutique BOOKOFF Opéra. On remarquera donc que BOOKOFF ne tente
pas d'appliquer les innovations des conditions de travail
élaborées dans les boutiques françaises, pour
améliorer les conditions de travail au sein des boutiques japonaises et
ce, même si elles sont séparées par seulement quelques
dizaines de mètres.
Conclusion
Le management japonais ne partageant pas les mêmes
origines et les mêmes valeurs que le management français,
l'adaptation de l'un à l'autre demande des compromis pour être en
accord avec la loi et répondre aux attentes des employés.
Or, BOOKOFF ne s'adapte pas à la population locale. Son
style de management est celui d'une entreprise internationale, avec un centre
de décision éloigné de la réalité du terrain
qui laisse très peu d'autonomie aux filiales, et force à
appliquer des règles ethnocentriques, étrangères à
la culture de la population locale (employés et clientèle).
BOOKOFF aurait peut-être intérêt à adopter le
modèle entreprise multinationale pour donner plus d'autonomie à
ses filiales à l'étranger.
Les employés de BOOKOFF Quatre Septembre sont
réticents aux techniques de management qui les amènent à
s'autogérer, à se former entre eux (oyakoseido) et
à être polyvalents. D'abord parce que ces techniques sont en tous
points opposées au Taylorisme qui a servi de base au management
occidental, mais également car elles défendent une culture
d'entreprise incompatible avec la culture française.
Les responsables ne sont pas en phase avec les employés
car ils manquent de légitimité. Ce manque vient principalement de
la méconnaissance de la culture et du droit du travail français,
mais aussi parce que les employés ne jugent pas que leurs leaders ont
les compétences et le charisme requis pour occuper leur poste. Les
responsables sont de plus coincés entre un marteau qui demande des
conditions de travail réglementaires et une enclume, la toute puissante
maison mère au Japon, qui ne veut rien entendre. Le manque de
compétence des responsables devrait être remplacé par un
lien affectif qui existe entre la société mère et
eux-mêmes mais qui ne se transmet pas aux employés
français. Ils n'ont pas en effet pour habitude de mélanger leur
vie privée et leur vie professionnelle, où d'associer des
sentiments à leurs activités de subsistance. Pourtant, sans une
adhésion à la culture d'entreprise de BOOKOFF couplée
à une bonne une maîtrise du japonais, aucun d'entre eux ne peut
aspirer à atteindre un poste à hautes responsabilités.
BOOKOFF semble toujours favoriser les employés qui soutiennent ses
points de vue aux autres, ce qui contraint à une situation de
blocage.
La solidarité qui unit les employés de BOOKOFF
en France a pourtant permis l'amélioration des conditions de travail.
Cependant, le fait qu'elle n'applique pas les innovations
systématiquement à ses autres boutiques, même quand elles
sont situées dans le même environnement, fait craindre que ces
améliorations de conditions de travail restent uniques (abandon du
BOOKOFF shôwa, octroi des congés payés et salaire
dominical augmenté dans une seule boutique). L'utilisation
récente de CDD renouvelables ne laisse pas aspirer à une
évolution positive pour les conditions de travail. De plus, le fait que
de nouveaux employés ont récemment été
recrutés est le signe que l'entreprise ne devrait pas faire face
prochainement à un manque de main d'oeuvre qui pourrait lui faire
réviser ses perspectives.
Le constat est décevant et amène à penser
que les progressions dues au management interculturel effectuées en
France n'aideront pas à améliorer les conditions de travail au
Japon et la précarité dont il souffre. L'interculturel qui
pourrait se transformer en un avantage compétitif pour l'entreprise et
une source d'innovation, n'est en fait qu'une source interminable de
conflits.
Cependant, nous nous refusons à croire que les
techniques managériales de BOOKOFF sont inadaptables. D'autres
sociétés japonaises (Toyota, Nissan ...) ont réussi
à s'adapter aux lois et à la culture française, ce qui
nous porte à croire qu'un système hybride ou adapté n'est
pas inenvisageable.
Un autre facteur, encore plus porteur d'espoir, est
également à relever. Comme nous avons pu le constater pendant nos
interviews, les conflits qui ont opposé les patrons et leurs
travailleurs depuis la création ont généralement
donné raison à ces derniers. Les employés ont depuis le
début gagné de plus en plus de terrain, tout au moins dans la
libraire BOOKOFF Quatre Septembre et ont eu une influence considérable
sur le personnel de l'autre boutique. Les différents stages offerts aux
employés et les avantages qu'on leur a octroyé nous donnent de
bonnes raisons de croire que les prochaines générations de
responsables ne seront plus issues de la maison mère du Japon mais
auront été choisies parmi ceux qu'elle aura jugés dignes
de confiance. Ces derniers auront été baignés dans tous
ces conflits et, contrairement aux responsables actuels, auront une
connaissance du management interculturel bien plus développée. En
effet, les quelques employés qui nous a été donné
d'interroger ont tous semblé extrêmement ouverts d'esprit,
conscients et soucieux des différents problèmes de
l'entreprise.
Nous pensons (et espérons) donc qu'une convergence vers
un système hybride est en cours, et qu'il prendra place lorsque les
employés actuels de BOOKOFF France auront gagné en pouvoir car
ils ont les capacités de synthétiser un type de management qui
sera enfin un atout compétitif.
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Annexe 1 : Historique
complet de la compagnie
1990
|
Mai
|
Sakamoto Takashi ouvre la première boutique BOOKOFF dans
la préfecture de Kanagawa, dans la ville de Sagamihara.
|
1991
|
Janvier
|
Hashimoto Mayumi est nommée à la tête de la
deuxième boutique, à Sagamihara, en centre ville.
|
Août
|
Fondation de la « BOOKOFF CORPORATION LIMITED132(*) »
|
Octobre
|
BOOKOFF devient une franchise.
|
1994
|
Décembre
|
BOOKOFF ouvre sa 100ème boutique.
|
1996
|
Novembre
|
BOOKOFF ouvre une filiale, HARDOFF, pour les PC et les
équipements audio-visuels.
|
Décembre
|
Ouverture des premiers centres de formations appelés
Seminar House
(\u12475\u12475ÉZÉ~~\u12490Éii\u12540[[\u12495Énn\u12454ÉEE\u12473\u12473ÉX).
|
1998
|
Mai
|
La première boutique BOOKOFF à l'étranger
ouvre à Hawaï.
|
Juillet
|
Les quartiers généraux de l'organisation sont
installés à Sagamihara, à Kanagawa.
|
1999
|
Avril
|
BOOKOFF ouvre une deuxième filiale, B-KIDS, pour les
articles et vêtements pour enfants.
|
2000
|
Janvier
|
BOOKOFF ouvre une troisième filiale : B-SPORTS, pour
le matériel de sport d'occasion.
|
Avril
|
La deuxième boutique ouvre à l'étranger,
à New York, aux États-Unis.
BOOKOFF crée deux nouvelles filiales : B-SELECT
(à l'époque OFFandOFF, pour les bijoux et montres d'occasion) et
B-STYLE : accessoires et vêtements féminins.
|
Mai
|
BOOKOFF ouvre sa 500ème boutique.
|
Septembre
|
BOOKOFF ouvre une sixième filiale : Tsutaya, pour
monter une franchise de magasins de location de vidéos.
|
Décembre
|
BOOKOFF ouvre Chukogekijo, une boutique de revente de
matériels de seconde main variés, à Tamanagayama.
|
2001
|
Août
|
La troisième boutique à l'étranger ouvre
à Los Angeles, aux États-Unis.
|
Septembre
|
BOOKOFF ouvre sa 600ème boutique.
BOOKOFF crée une septième filiale : B-LIFE,
revente de magazines.
|
2003
|
Février
|
BOOKOFF ouvre sa 700ème boutique.
|
Mars
|
La quatrième boutique à l'étranger ouvre
à Costa Mesa, aux États-Unis.
|
2004
|
Mars
|
BOOKOFF est côté sur le deuxième
marché d'échange de Tokyo.
|
Juin
|
La sixième boutique à l'étranger
ouvre à Paris, en France. (BOOKOFF Opéra)
|
2005
|
Mars
|
BOOKOFF est côté sur le premier marché
d'échange de Tokyo. BOOKOFF ouvre sa 800ème
boutique.
|
Juillet
|
La septième boutique à l'étranger ouvre
à Vancouver, au Canada.
|
Octobre
|
La huitième boutique à l'étranger ouvre
à Torrance, aux États-Unis.
|
2006
|
Décembre
|
La neuvième boutique à l'étranger ouvre
à Séoul, en Corée du Sud.
|
2007
|
Mars
|
BOOKOFF crée une huitième filiale : Remix
Edition, revente de vêtements pour dames.
|
Avril
|
BOOKOFF crée une neuvième filiale : B's Basic,
revente de vêtements meubles, décorations d'intérieur.
|
Mai
|
BOOKOFF crée un centre de logistique
intégrée à Tomei, Yokohama.
|
Août
|
Ouverture de BOOKOFF online (site de e-commerce)
|
Septembre
|
Ouverture du premier Global BOOKOFF à Paris. La
première boutique BOOKOFF à utiliser des livres et d'autres biens
d'occasion locaux. Cette boutique est donc un prototype qui pourrait servir
à l'étranger. (BOOKOFF Quatre Septembre)
|
Décembre
|
BOOKOFF ouvre sa 900ème boutique.
|
2008
|
Mars
|
La dixième boutique à l'étranger ouvre
à San Diego, aux États-Unis. BOOKOFF absorbe YCC Limited
(\u26666\u26666»é®®\u20250%oïéÐEÉèÉCèCÉVV\u12540[[\u12471ÉVV\u12540\u12540[)
par fusion.
|
Juillet
|
Ouverture de la dixième et onzième filiale de
BOOKOFF : B-Hobby, revente d'objets de modélisme et autre
matériel à hobby. BINGO : revente de vêtements
importés
|
Novembre
|
Fondation du centre du livre de Aoyama Limited.
|
|
|
|
Annexe 2 : Interview
de M. Yoshinaga Toshihiko, responsable de BOOKOFF France.
Retranscription de l'interview de Mr Toshihiko
Yoshinaga, patron de la boutique BOOKOFF à Paris. (Version
Japonaise)
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(...)
Retranscription de l'interview de Mr Toshihiko Yoshinaga,
patron de la boutique BOOKOFF à Paris. (Version
Française)
Question 1 : Que faisiez-vous avant de venir en
France ?
Avant de venir en France, je travaillais chez BOOKOFF où
je suis entré en 1996, [il y a] 13 ans. Pendant ces 13 ans ... au Japon
il y a les arubaito et les autres salariés, au début je
suis entré sous le statut d'arubaito, j'ai travaillé 5
ans, et puis je suis devenu salarié, cela fait donc 8 ans. Donc, avant
de venir au Japon133(*),
j'ai travaillé en tant que chef de boutique dans 3 boutiques, ensuite je
suis devenu Area Manager, c'est une personne qui supervise des points
de ventes, pendant 2 ans j'ai ouvert 13 boutiques.
Question 2 : Comment vous est venue l'idée de
venir en France ?
Yoshinaga Toshihiko\u-230\u-230FDans la zone dont j'étais
responsable, il y a eu un employé qui voulait aller à
l'étranger, comme il en avait fait le souhait, nous avons eu l'occasion
d'en parler avec le responsable [de BOOKOFF] en outre mer, et j'en ai
profité pour dire que moi aussi j'avais envie de partir à
l'étranger ...
David Vandepontseele : Ah bon ? Mais
pourquoi la France ? Il y a des boutiques aussi aux
États-Unis ...
Yoshinaga Toshihiko: Oui, à
l'époque, c'était que je voulais aller dans une filière
Européenne, pas particulièrement la France. Londres et
l'Allemagne étaient candidates. Au moment où j'ai voulu partir,
c'était justement le moment où mon prédécesseur, il
s'appelle Hino, est rentré au Japon, et c'est comme ça que je me
suis retrouvé ici.
David Vandepontseele : Vous aviez un
quelconque intérêt pour la France au
début ?
Yoshinaga Toshihiko: A vrai dire, pas vraiment. Je
voulais travailler en Europe ... en tout cas ailleurs qu'au Japon. A
l'université j'ai étudié la musique ...
David
Vandepontseele : Ah bon ? Le piano ?
Yoshinaga Toshihiko: Le
chant. Je suis donc venu en France souvent, pour mes études. C'est
pourquoi j'aime l'Europe ...
David Vandepontseele : Vous devez avoir
visité beaucoup d'endroits, n'est ce pas ? Comme
Prague ?
Yoshinaga Toshihiko: Je n'ai jamais été à
Prague, mais j'ai été à Londres, en Italie, et puis en
Autriche, ...
Question 3 : Quels avantages aviez vous à
venir en France ?
Je peux mieux répartir mon temps comme tous les dimanches
sont des jours de congés. Au Japon, on est assez flexible, on peut en
principe gérer notre propre emploi du temps et notre temps de repos,
mais quoi qu'on fasse si le travail vient à s'accumuler, comme on doit
finir le travail avant tout, il est arrivé qu'il soit difficile de
prendre congé. En France, chaque semaine on essaie de terminer le
travail pour le samedi. Dans ce sens, c'est un bon côté, j'ai pu
répartir mon temps.
Question 4 : Avez-vous eu des désavantages
à venir en France ? Au niveau familial ou dans votre
mariage ?
Yoshinaga Toshihiko\u-230\u-230FPas particulièrement parce
que je ne suis pas marié
David Vandepontseele : Vous êtes
une personne indépendante. (rires)
Yoshinaga
Toshihiko\u-230\u-230FOui (rires)
David Vandepontseele : C'est une
question indiscrète mais quel âge avez-vous ?
Yoshinaga
Toshihiko : J'ai 35 ans.
[...]
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Question 5 :\u12288\u12288@Je voudrais maintenant
vous posez des questions sur les différences des techniques de
management entre BOOKOFF au Japon et BOOKOFF en France. Il y en a probablement
beaucoup, c'est pourquoi j'aimerais que nous les traitions point par point, si
cela vous convient.
Planification
Yoshinaga Toshihiko : Vous voulez dire le chiffre
d'affaire ?
David Vandepontseele :\u12288\u12288@Euh ... par
exemple ?
Yoshinaga Toshihiko : Ce n'est pas tellement
différent
Processus décisionnel
Et bien je pense que les fondements ne change pas tellement. Nous
avons une politique, et nous la suivons. Bien-sûr, la loi est
différente, donc dans certains domaines, cela change mais pas
fondamentalement.
Prévision
Yoshinaga Toshihiko : Dans cette boutique, dans les
boutiques à l'étranger, à part la deuxième boutique
de Paris, à la base, ... Parlons un peu de BOOKOFF au Japon,
d'accord ? Au Japon, on rachète les livres directement aux clients,
puis on vend [ces livres]. Dans chaque magasin, le personnel achète des
articles, et les vend. Ils les achètent, les étiquettent, et les
mettent en rayon, et c'est ce que l'on vend, en quelque sorte...
Dans
l'autre boutique134(*),
plus ou moins la moitié des livres que nous vendons sont importés
du Japon. Bien-sûr il y a des clients qui nous apportent des livres, mais
la moitié des articles en magasin sont importés du Japon. C'est
une différence avec le BOOKOFF du Japon. En général, le
travail du chef de boutique c'est de réfléchir à comment
vendre plus de livres, ici on doit penser quels types de livres manquent et
quelle quantité on doit en importer. Cette partie est un peu
différente. Il y a 10 points de ventes en outremer, et à part
cette boutique, c'est comme ça partout.
David Vandepontseele : Comment choisissez vous ces
livres ?
Yoshinaga Toshihiko : En général, chez BOOKOFF,
on a des classifications pour les livres. Prenons par exemple les mangas. Dans
la catégorie des mangas, on a différentes sortes [de mangas] que
l'on classe en fonction des épaisseurs. Par conséquent, on ne
demande pas un livre, mais une sorte de livre. En fait, on a juste à
choisir la quantité [à importer] ...
C'est ce qui se passe
dans les magasins en dehors du Japon. Au Japon, il y a une entreprise,
l'équivalent de FedEx ici, qui vient prendre les livres que les clients
veulent envoyer. On a un centre qui s'occupe de les gérer et d'en
évaluer la qualité. On envoie le prix au client, et si le client
est d'accord, on lui vire l'argent. Malheureusement on ne peut pas encore faire
ça en France, mais ces livres sont exportés en outremer, ou
envoyés dans des grands points de vente au
Japon.
\u12487\u12487ÉfÉBB\u12499Érr\u12483Ébb\u12488Égg\u12539EE\u12532É»É@»@É«Éf«fÉ||\u12531É«Éc«cÉFF\u12523É:\u12288\u12288@tt\u12398ÌÌ\u20107é-à-àÈÈ\u12373\u12387ÁÁ\u12390ÄÄ\u12427éñéñÅÅ\u12377··\u12363(c)(c)\u12290BB
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David Vandepontseele : Vous arrive-t-il de faire
l'inverse ?
Yoshinaga Toshihiko : Un peu, il nous est arrivé
d'exporter des choses achetées en France au Japon. Combien de
fois ?... 5 ou 6 fois.
Mobiliser
Yoshinaga Toshihiko :\u12288\u12288@Vraiment, ça ne change
pas beaucoup par rapport au Japon. Après tout, ceux qui travaillent dans
les boutiques ... J'ai l'impression qu'en France si l'on travaille comme
caissière dans un super marché, on ne s'occupera que de la
caisse, si on travaille comme magasinier, on ne s'occupera que de
l'approvisionnement. Mais ici, en pratique, comme les boutiques sont petites,
chacun doit être polyvalent et tout le monde est capable de racheter des
livres aux clients, d'étiqueter les livres, ou de les mettre en rayon.
En plus ils le font avec beaucoup de conscience, ce qui m'aide beaucoup.
[...]
Evaluation
Yoshinaga Toshihiko\u-230\u-230FNous en faisons ici aussi. Nous
avons un système où le salaire change en fonction des
évaluations, au Japon comme en France, nous l'appliquons de la
même manière.
David Vandepontseele : J'ai lu le
livre Okâsan shachô ga iku « Maman
devient présidente de l'entreprise », où on parle de
[ce plan] à 7 étages ... comment s'appelle-t- il
déjà ?
Yoshinaga Toshihiko : Oui, le Carreer Pass
Plan.
David Vandepontseele : Oui, c'est ça. Excusez-moi.
Et en France ...
Yoshinaga Toshihiko : Nous le faisons aussi.
Techniques de motivation
Yoshinaga Toshihiko : C'est probablement pareil qu'au Japon, je
crois.
David Vandepontseele : Ah, comme on pouvait s'y attendre, les
Français qui travaillent ici connaissent bien la culture
japonaise ?
Yoshinaga Toshihiko : Au début, parler japonais
était une condition [d'embauche], mais récemment, on ne demande
plus aux postulants s'ils peuvent parler japonais. Je pense que nous ne voulons
pas nous afficher comme une entreprise japonaise, nous voulons appliquer notre
système japonais en France. Par conséquent, je pense que nous
voulons l'adapter à la France. Le responsable de cette boutique et de
l'autre sont tous les deux entrés en tant que staff, et sont devenus
chefs de boutiques. Si on fait de son mieux, le nombre de boutique va
augmenter, et les possibilités vont s'élargir.
David
Vandepontseele : Y a-t-il un lien avec les relations de sempai
à kôhai ?
Yoshinaga Toshihiko : Non, je ne pense
pas particulièrement. Mais, les gens qui travaillent bien... c'est
évident, ceux qui sont rentrés avant, ont plus
d'expérience, mais ce n'est pas pour ça qu'une personne
rentrée après a moins de chance de devenir chef de
boutique.
David Vandepontseele : Ah bon ? Mais le fait que vous
motiviez les travailleurs français comme les travailleurs japonais, cela
m'étonne. Ne dit-on pas souvent des Français qu'ils sont, pour
faire ma mauvaise langue, paresseux ?
Yoshinaga Toshihiko :
Après 2 ans passés ici, je pense que quel que soit le pays, les
gens qui veulent travailler, travaillent, ceux qui ne veulent pas travailler ne
travaillent pas. Je ne pense pas du tout que ça soit particulier aux
Français.
Arbitrer les conflits
Yoshinaga Toshihiko : Lorsque nous avons un conflit, comme on
peut s'y attendre je pense, nous en avons, nous écoutons attentivement
ce qu'on a à nous dire, et nous répondons le mieux possible, je
pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire.
David
Vandepontseele : Ah bon ? Peut-être que je devrais travailler
chez vous, si tout le monde est aussi sympathique. (rires)
\u21839\u21839-âZZ :\u12501\u12501ÉtÉ%oÉ«%o«ÉXX\u20154êll\u12434ðOEÙðÙpp\u12377··\u12427é#177;é#177;ÆÆ\u12395ÉÉ\u-27230ÖÖ\u12375uu\u12390ÄÄ\u12393ÇÇ\u12358\u24605évv\u12431íêûIÜÜ\u12377··\u12363(c)(c)\u12290BB
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Question 6 : Que pensez-vous sur le fait d'employer
des salariés français ?
Ce qui est plus difficile par rapport au Japon, c'est que le
coût de la main d'oeuvre est plus élevé. Je pense que la
charge qu'est de payer la sécurité sociale est un peu lourde. Sur
ce point, au Japon, on a le statut de salarié mais on a aussi beaucoup
de ce qu'on appelle les arubaito, le coût de la main d'oeuvre
est beaucoup moins élevé, quelle que soit l'entreprise, je pense
que le coût de la main d'oeuvre est maintenu bas. En France, il n'existe
que le CDD et le CDI, n'est ce pas ? Dans une certaine mesure la somme
à investir est plus élevée aussi, pour une entreprise cela
coûte plus cher de s'installer [ici] qu'au Japon.
Question 7 : Ne trouvez-vous pas les Français
individualistes ?
Peut être que dans l'ensemble c'est probablement vrai. Il y
a des choses assez difficiles. Ils ne sont pas extrêmement
individualistes, bien-sûr il y a beaucoup de gens comme ça au
Japon de nos jours, en réalité je ne pense pas que ce soit la
totalité [des Français]. Simplement, les Français, se
permettent de dire tout ce qu'ils pensent car ils se moquent du
qu'en-dira-t-on, ce que je pense c'est que... vous voyez ? Les Japonais ne
disent pas généralement ce qu'ils pensent ... D'un autre
côté, le fait qu'ils expriment ce qu'ils pensent permet de mieux
les comprendre. C'est une bonne chose. Les Japonais ne s'expriment pas, il
arrive qu'on ne sache pas ce qu'ils pensent. Surtout quand on travaille en tant
que chef de boutique, lorsqu'on se demande ce que pensent les employés,
il y a des fois où ils nous le disent et on comprend, et il y a surtout
des fois où ils ne nous disent rien, et où on ne comprend pas. On
finit par penser certaines choses. Ici, on n'a pas besoin de se faire de
soucis, du coup je me demande si ce n'est pas plus simple. Bien-sûr on
doit répondre à ce qu'il nous est dit, et pour ça il faut
réfléchir mais bon ...
Question 8\u-230\u-230FEst-ce que vous sortez entre
collègues en France ?
Yoshinaga Toshihiko :\u12288\u12288@Oui, parfois.
David
Vandepontseele :\u12288\u12288@Ca vous arrive plus souvent au Japon qu'en
France ?
Yoshinaga Toshihiko :\u12288\u12288@Au Japon, les heures
d'ouvertures sont plus longues, c'est donc difficile [de sortir] tous ensemble.
Nous travaillons jusqu'à minuit. Mais c'est vrai qu'en France, c'est
plus rare.
David Vandepontseele :\u12288\u12288@Ah, c'est dommage.
Yoshinaga Toshihiko :\u12288\u12288@Bof, si on a envie d'aller boire un
verre, on y va.
Question 9\u-230\u-230FOn dit souvent des Français
que lorsqu'ils travaillent, ils travaillent, mais lorsqu'ils ne sont pas au
travail, ils oublient les relations de supérieur à subalterne. En
d'autres mots, ils considèrent leur sphère professionnelle
différente de leur sphère privée. Que pensez-vous de cette
rupture ?
Je pense que les deux sont essentiels. L'équilibre est
extrêmement important. Si on ne communique pas, on ne peut pas effectuer
correctement le travail. Par exemple si je propose d'aller boire un verre
à quelqu'un, s'il ne vient pas je pense que c'est
généralement un problème de relations interpersonnelles.
Si la personne aime sortir, elle viendra sûrement (rires). Je pense qu'il
faudrait peut-être créer [ce lien]. Mais je ne pense pas que cela
ait à voir avec le fait d'être en France ou au Japon. On sort avec
ses amis, non ? On ne peut probablement pas dire que le travail c'est
comme être avec des amis, il y a beaucoup de choses qui sont
discutées. Mais si je propose de sortir à quelqu'un, et qu'il
refuse, je pense que c'est parce que cette personne n'arrive pas à
créer des relations interpersonnelles. Je pense que c'est une
tâche que doit accomplir l'entreprise, à l'intérieur de ses
boutiques. C'est quelque chose qu'on devrait creuser. Si on ne faisait que
ça, même si on devenait tous amis, je pense que ça poserait
problème au niveau du travail. Je pense qu'il faut trouver un juste
milieu. Mais finalement je crois que c'est un problème de
sociabilité. Si on aime ce que l'on fait, même si le salaire est
bas, on continue de travailler. Si on n'aime pas ce que l'on fait, même
si on est bien payé ... peut être que si on est bien payé
on ne peut pas arrêter mais ce n'est pas sur que l'on continuera. C'est
pour ça que je pense que les personnes avec qui on peut apprendre
comment aimer son travail, ce qui est important pour soi, partager ces
choses-là à travers le travail et y réfléchir
ensemble, sont des personnes importantes.
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Question 10\u-230\u-230FQu'est ce qui est le plus
important pour vous : Avoir confiance en un employé ou ses
résultats ?
Les deux (rires).
Je pense que pour pouvoir avoir confiance en quelqu'un il faut
qu'il donne de bons résultats. C'est obligatoire. Et puis je pense que
tenir ses promesses est une marque de confiance. Si vous me demandez sur quoi
je me base pour évaluer ces résultats, si on considère que
c'est le chiffre d'affaire ou les bénéfices, ceux qui arrivent
à faire plus que ce qu'on ne leur avait demandé sont pour moi
dignes de confiance.
Je pense que les deux sont importants. Mais cela ne veut pas dire
qu'on est prêt à tout pour faire des résultats. Par
exemple, on ne veut pas aller en travers de la loi pour faire du chiffre, je ne
pense pas que ça soit une bonne façon de faire. Mais vu qu'on est
une entreprise, je pense qu'il y a des moments où quoi qu'on fasse les
résultats sont importants. Parce que s'il ne reste rien dans les
caisses, alors l'entreprise ne restera pas ...
Question 11\u-230\u-230FY a-t-il quelque chose qui vous
ait surpris depuis que vous travaillez ici\u-225\u-225H
Oui, c'est le fait que les vacances sont longues. C'est
génial que malgré ça, les entreprises ou la
société tout entière tiennent tout de même. Ce n'est
pas parce que tout le monde prend congé que toutes les entreprises sont
en congés, n'est ce pas ? Donc personne n'est embêté
par ça. Je trouve ça bien. Ca n'arriverait pas au Japon.
Question 12\u-230\u-230FAvez-vous quelque chose à
ajouter\u-225\u-225H
La première raison pour laquelle BOOKOFF a voulu ouvrir
des boutiques à l'étranger, c'est tout d'abord pour les Japonais
qui vivaient à l'étranger. Au départ, nous voulions
fournir des livres en japonais à moitié prix par rapport au prix
locaux aux Japonais qui vivaient à l'étranger. C'est pourquoi
nous en avons créé dans plusieurs pays. Nous en avons
implanté aux États-Unis, sur la côte est à New York,
à Los Angeles, à Hawaii, et puis ... en Europe il n'y a
qu'à Paris, et puis au Canada. Cela a commencé parce que nous
voulions fournir à ces clients des livres un peu moins chers.
Ca fait bientôt 10 ans qu'on a ouvert le premier magasin.
Depuis qu'on a ouvert la boutique d'Hawaii ça fait 10 ans. Mais
maintenant, notre politique n'est plus d'ouvrir des boutiques seulement pour
les japonais, mais aussi pour des clients Français, ou des clients
Américains qui ont commencé à venir chez nous, ce qui nous
a amené à utiliser des livres locaux. Par conséquent, ici
par exemple on utilise des livres francophones, aux États-Unis, des
livres en Anglais, en Coréen, ... c'est tout je pense.
Notre prochain
objectif, c'est de développer nos activités avec des livres
locaux, tout en appliquant le même modèle qu'au Japon, dans les
pays concernés. A Paris, nous voulons utiliser des livres
français et développer nos activités.
C'est pour cette
raison que ce magasin est un peu comme un prototype. Ca va faire deux ans qu'il
est ouvert, en tant que prototype, on tente de voir comment se passe la gestion
des biens locaux, réfléchir à la disposition des livres.
Nous aimerions en ouvrir un autre dans 6 mois136(*).
David Vandepontseele : Ah bon ?
Où ça ?
Yoshinaga Toshihiko : Nous ne savons pas
encore
David Vandepontseele : Dans les autres pays, est-ce que vous
traitez des livres locaux ?
Yoshinaga Toshihiko : Le mois prochain,
nous allons ouvrir un point de vente comme celui-ci. A San Diego, aux
États-Unis, il y a très grand magasin aussi, quelle taille
déjà ? ... Un magasin de 1000m². La moitié est
consacrée à des livres en Anglais et l'autre à des livres
en Japonais. La section pour les livres en Anglais est donc un peu plus grande
que ce magasin. Nous allons faire l'expérience aux États-Unis, et
ici en France. Nous pensons prochainement pouvoir ouvrir un autre magasin dans
chacun de ces pays.
* 1 Marshall McLuhan, The
medium is the message, 1967.
* 2 «The history of Bookoff
corporation.» Site officiel.
<http://www.bookoff.co.jp/en/company/enkaku.html>.
* 3 En japonais :
\u12450\u12450ÉAÉÉooÉCC\u12488Égg, mot
d'origine allemande (arbeit) que les Japonais utilisent pour
référer à des intérimaires, des travailleurs
à temps partiels ou des travailleurs au noir.
* 4 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{, Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üü.
Maman devient présidente de l'entreprise - Okâsan
shachô ga
iku\u12362\u12362·ïêEñéÐñÐ'··\u12364\u-30644çss\u12367
». Japon\u12288\u12288@«ú-{ú{:
NikkeiBP\u26085\u26085«úOEooBP, 2007. P1
* 5 Meier, Olivier.
Management Interculturel : Stratégie - Organisation -
Performance. 3e Edition. Paris:, 2008.
* 6 Trompenaars, Fons, et ,
Charles Hampden-Turner. L'entreprise Multiculturelle. 2nd Edition.
Maxima, 2003.
* 7 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼\u23665\u23665éR,
Kazuo\u21644\u21644a\u22827\u22827ïv. Doing Buisness with Japan.
Hawaii, The Maple-Vail Book Manufacturing, 2000.
* 8 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{, Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üü,
Op.Cit.
* 9 Hall , Edward T.. La
dimension cachée. New York: Points, 1966
* 10 Equilbey, Noël.
Le management interculturel. EMS (Editions), 2004.
* 11 Bialès, Charles.
"La Gestion." Espace Internet de Charles Bialès.
Université de Montpellier (France). 20 May 2009
<http://www.christian-biales.net/documents/Gestion.PDF>.
* 12 Migani P., Les
systèmes de management, Editions d'Organisation, 1993.
* 13 Sun, Tzu. L'art de la
guerre. Hach.Pluriel, 2002.
* 14 "Frederick WINSLOW
TAYLOR." Monsieur Bibliographie. 22 May 2009
<http://www.monsieur-biographie.com/celebrite/biographie/frederick_winslow_taylor-6270.php>.
* 15 HOHMANN, Christian.
"TAYLOR." 16 Apr 2009 <http://chohmann.free.fr/taylor.htm>.
* 16 Maslow, Abraham. Vers
une psychologie de l'Être. Fayard , 1972.
* 17 Mcgregor, Douglas M..
La dimension humaine de l'entreprise. Bibliothèque du
Management 1970.
* 18 Dans le texte en
Anglais : Close-knit community.
* 19Trompenaars, Fons et ,
Charles Hampden-Turner. Op.Cit. P112
* 20En Japonais :
\u31263\u31263âgcc
* 21
Odaka\u23614\u23614»öç, Kunio\u-28506\u-28506-MYY.
\u26085\u26085«ú-{{\u30340«II\u32076OEoo\u21942%occ-
Nihon-teki keiei Japanese Management: A Forward-Looking Analysis, Tokyo : Asian
Productivity Organization 1986.
* 22 Fayol, Henri.
Administration industrielle et générale. Hach.Pluriel,
1999.
* 23 CLAUDE REMILA, "Fayol H.
"Administration industrielle et générale." Les fiches de
lectures de la Chaire D.S.O.. 16 Apr 2009
<http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/fayol.html>.
* 24 Capitale actuelle du
Japon, de nos jours appelée Tôkyô
* 25 En japonais :
\u28201\u28201%o·èîéåüD``,
littéralement : doctrine de bienveillance.
* 26
Odaka\u23614\u23614»öç, Kunio\u-28506\u-28506-MYY.
Op.Cit.
* 27
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}. La société Japonaise
- Japanese Society. Paris: U Prisme, 1974.
* 28 Ce terme de grande famille
fut utilisé pour une campagne publicitaire pour les chemins de fer en
1909, « La grande famille des chemins de fers » slogan
inventé par Gôtô Shimpei, homme politique japonais qui fut
entre autre le premier directeur de la compagnie de chemin de fer de la
Manchourie.
* 29
Odaka\u23614\u23614»öç, Kunio\u-28506\u-28506-MYY.
Op.Cit.
* 30 Olivier Meier est
maître de conférences à Paris XII, détenteur d'un
DEA en Marketing et Stratégie de l'Université Paris Dauphine, il
est docteur en science de gestion, ses thèmes de recherches
privilégiés sont la croissance externe, la gestion des relations
inter-organisationnelles et les processus d'innovation.
* 31 D'autres
théoricien, tel que Bob Nelson, avancent qu'un cinquième
rôle du manager est de recruter ses employés. Pour faciliter la
compréhension, nous avons associés le processus de recrutement au
processus de promotion et l'avons placé dans la partie relative à
la mobilisation et la motivation.
* 32 Trompenaars, Fons et ,
Charles Hampden-Turner. Op.cit. P49
* 33 JDN, Journal du
Management. "Travailler avec différentes cultures." 10 Feb 2009
<http://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/dossier/travailler-avec-des-equipes-internationales/prendre-en-compte-le-temps-de-l-autre.shtml?f_id_newsletter=448>.
* 34 Trompenaars, Fons et ,
Charles Hampden-Turner. Op.Cit. pp 93-120
* 35 Maslow, Abraham. "A Theory
of Human Motivation." 10 Jun 2009
<http://www.emotionalliteracyeducation.com/abraham-maslow-theory-human-motivation.shtml>.
* 36 Chevrier, Sylvie. Le
Management des équipes interculturelle. PUF, 2000.
* 37 Equilbey, Noël.
Op.Cit.
* 38 A ce sujet voir travaux de
Mme Chevrier, Sylvie. Le Management des équipes
interculturelle. PUF, 2000.
* 39 Ce point a
été décrit par Iribarne, Philippe dans Cultures et
mondialisation. Seuil, 1998
* 40 Meier, Olivier.
Op.Cit.
* 41 Hofstede, Geert. Culture's
Consequences, Comparing Values, Behaviors, Institutions, and Organizations
Across Nations Thousand Oaks CA: Sage Publications, 2001
* 42 Ces travaux sont
disponible sur le site internet de G. Hoefstede (Geert Hofstede -
Cultural dimension :
http://www.geert-hofstede.com/geert_hofstede_resources.shtml
)
* 43 Trompenaars, Fons et
Charles Hampden-Turner. Op.Cit
* 44 KARJALAINEN, Helena.
"Quels outils et pratiques pour le management du personnel multiculturel ?."
Reims Management School. 21 May 2009
<http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2007karjalainen080.pdf>.
* 45 Meier, Olivier.
Op.Cit.
* 46 Frank Bournois et Sylvie
Roussillon, Préparer les dirigeants de demain - une approche
internationale de la gestion des hauts potentiels. Paris: éditions
d'organisation, 1998.
* 47 Meier, Olivier.
Op.Cit.
* 48 Acquisitions de symbiose :
les inconvénients d'une approche rationaliste (2001). De Koenig G.,
Meier O., M@n@gement, vol. 4, n°1, p. 23-45.
* 49 La boutique BOOKOFF
japonaise à Paris s'appelle « BOOKOFF
\u12497\u12497ÉpÉÉIIÉyy\u12521É%oçÀ%oÀ«XX »
(BOOKOFF pari operazaten) et la boutique BOOKOFF française s'appelle
« BOOKOFF
\u12497\u12497ÉpÉEEÉLL\u12515ÉÉÉgÉg[[\u12475ÉZZ\u12503Évv\u12479É^^\u12531É«Éu«uÉ«XX»
(BOOKOFF pari kyatô seputanburuten)
* 50 En Japonais :
\u29305\u29305«ÁéêÈEêôçÜôÜ,
tokushu na senzai.
* 51 En japonais :
\u20986\u20986èouu\u20999êØØ\u12426èè,
traduit par «sortir l'intégralité de quelque
chose ».
* 52 Cette méthode est
également employée par Toyota. Dans son activité de
production automobile, l'entreprise s'emploie à limiter au maximum les
stocks.
* 53 En France, le prix des
livres de ce rayon spécial est de 2€.
* 54 Image tirée du site
de vente d'ustensiles de cuisine en ligne, « Tokoroten en bois
(\u26408\u26408-Øê»»
\u12392\u12392Æ#177;#177;\u12429ëÄEñ«ËñË««).eyanagiya
( e\u26611\u26611-ö%o®®). Boutique en ligne
(Web\u24215\u24215«X). 22 May 2009
<http://www.e-yanagiya.com/shop_d.shtml?88:277>.
* 55 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{, Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üü.
Op.Cit. p117
* 56 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{, Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üüIbid
p38
* 57 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{, Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üüIbid
p46
* 58 BOOKOFF official
website. 2007 - 2009. 2 Mars 2009
<http://www.bookoff.co.jp/en/ir/message.html >.
* 59
Entre autre l'enquête
Klantloyaliteit 2.0' menée par The Chain Connection en
collaboration avec la Hogeschool Utrecht et la Hogeschool van Amsterdam.
http://www.ezpress.eu/news/5614/The_Chain_Connection_publiceert_onderzoek_naar_klantloyaliteit
* 60 "Définition de la
franchise." Franchiseland.com. 5 Jun 2009
<http://www.franchise-land.com/la-bible-de-la-franchise/definition-de-la-franchise-7.html>.
* 61Chiffres disponible sur la
partie japonaise du site officiel de BOOKOFF, 31 mai 2009
http://www.bookoff.co.jp/company/shop_num.html
* 62 A sa création,
cette filiale s'appelait OFFandOFF.
* 63 Six points de ventes aux
Etats-Unis, un au Canada, un en Corée et deux en France.
* 64 « Recensement
des Japonais en outre mer »
(\u28023\u28023COO\u22312ç\u30041\u-28506-MM\u20154êll\u25968껫ù»ùOEvv).
Ministère des Affaires étrangères
(\u22806\u22806O-#177;#177;\u30465èÈÈ). 22 May
2009 <http://www.mofa.go.jp/Mofaj/toko/tokei/hojin/08/pdfs/1.pdf>.
* 65 En japonais :
\u31038\u31038éÐ%oÌÌ. Terme composé des
idéogrammes de l'organisation, la société
(\u31038\u31038éÐ) et du chant (\u27468\u27468%oÌ).
* 66 En japonais :
\u12502\u12502ÉuÉbb\u12463ÉNN\u12458ÉII\u12501Étt\u21809è\u21644aa,
composé du terme BOOKOFF
(\u12502\u12502ÉuÉbb\u12463ÉNN\u12458ÉII\u12501Étt)
et shôwa qui veut dire « choeur »
* 67 Les 4 dernières
phrases de l'hymne sont des phrases toute faites très utilisées
dans les magasins au Japon.
* 68 « Entreprise
individuelle ou EURL : quel statut choisir
? »L'entreprise.com. L'express. 1 Jun 2009
<http://www.lentreprise.com/1/2/5/entreprise-individuelle-ou-eurl-quel-statut-choisir_16151.html?pga=2>.
* 69 A l'époque
où Monsieur A a commencé travaillé chez BOOKOFF,
(2006-2008), BOOKOFF Quatre Septembre n'existait pas encore.
* 70 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼\u23665\u23665éR,
Kazuo\u21644\u21644a\u22827\u22827ïv. Op.Cit.
* 71 En japonais :
\u12510\u12510É}Éjj\u12517É...ÉAEÉÆÆ-#177;#177;
(Manyuaru Gyoumu). Composé des mots manuel
(\u12510\u12510É}Éjj\u12517É...ÉAEÉManyuaru)
et professionnel (\u26989\u26989Æ-#177;#177;Gyoumu)
* 72 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼\u23665\u23665éR,
Kazuo\u21644\u21644a\u22827\u22827ïvOp.Cit.
* 73 Trompenaars, Fons et
CHARLES HAMPDEN-TURNER. Op.Cit.
* 74 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{, Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üü.
Op.Cit.p47
* 75 En japonais :
\u-30294\u-30294êeéqq\u21046ꧧ\u24230«xx.Composé
des mots « parents » (\u-30294\u-30294êeoya) ,
« enfants » (\u23376\u23376éqko) et du mot
« système »(\u21046\u21046ꧫxx
seido)
* 76 En Japonais :
\u20808\u20808êæ»yy\u12288@@\u24460OEã»yãy,
généralement traduit par aîné et cadet. Voir
à ce sujet les travaux de Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}, Ibid
* 77 En japonais :
\u25913\u25913%oüPP qui veut dire amélioration, perfectionnement.
* 78 Nelson, Bob et Peter
Economy. Le Management pour les Nuls. Nouvelle Edition. Paris: First,
2007. P18
* 79 Terme utilisé en
anglais : «bottom-up» approach of the decision process
* 80 Terme utilisé en
anglais : «top-down» approach of the decision process
* 81 Nelson, Bob et Peter
Economy. Ibid
* 82 En japonais :
\u12497\u12497Ép[[\u12488\u12488Ég, pâto
* 83 En France, un CDD
renouvelable n'est légalement renouvelable que deux fois.
* 84 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{,
Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üüOp.Cit.
* 85
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}Op.Cit.
* 86 En japonais :
\u12420\u12420âè½è½centscents\u12371#177;#177;\u12392ÆÆ\u12288@@peut
être traduit en français en : ce que je veux faire. Concept
développé dans les travaux de Suzuki Kousuke
(\u-28108\u-28108é-ØØ, \u-29927\u-29927OE%oîî)
dans le livre Kaanivaruka suru shakai-
\u12459\u12459ÉJ[[\u12491Éjj\u12532É»É@»@É%o»»··\u12427ééÐéÐ%oïï
(La société qui se carnavalise) .
\u-29925\u-29925çu'kk\u31038éÐÐ Koudansha, 2005
* 87 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{,
Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üüOp.Cit. p29
* 88 Cette analyse a
été développée par
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}Op.Cit. p21
* 89 Meier, Olivier.
Op.Cit.
* 90 Interview de Yoshinaga
Toshihiko le 22 Avril à BOOKOFF Quatre Septembre. Joint en Annexe 2
* 91 Grande surface
japonaise.
* 92 Cité dans le livre
de Noël Equilbey, Op.Cit.
* 93 Equilbey, Noël
Op.Cit.
* 94 Tiré du cours du
Professeur Firkola Peter - Japanese Management Seminar 2008.
* 95A ce sujet, voir les
travaux de Mme Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit.
* 96
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit..p 88
* 97 Trompenaars, Fons et
Charles Hampden-Turner. Op.Cit.
* 98 La distance
hiérarchique est une des dimensions développées dans
l'ouvrage de Hofstede, Geert. Culture's Consequences, Comparing Values,
Behaviors, Institutions, and Organizations Across Nations Thousand Oaks CA:
Sage Publications, 2001
* 99
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit. p 93
* 100 Trompenaars, Fons et ,
Charles Hampden-Turner. Op.Cit. p179
* 101 En japonais :
\u23665\u23665éRïFFque l'on traduit généralement par
écho. Hashimoto \u27211\u27211'-{{,
Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üü. Maman devient
présidente de l'entreprise - Okâsan shachô ga
iku\u12362\u12362·ïêEñéÐñÐ'··\u12364\u-30644çss\u12367
». Japon\u12288\u12288@«ú-{ú{:
NikkeiBP\u26085\u26085«úOEooBP, 2007. P 20
* 102 En japonais :
\u12356\u12356centsçuçuácentsácentsÜÜ\u12379,
pourrait être traduit par « Bienvenue » ou
« bonjour », se dit au Japon par les employés
lorsqu'un client entre dans le magasin, le restaurant, ...
* 103 Trompenaars, Fons, and ,
Charles Hampden-Turner. Op.Cit.
* 104 Equilbey, Noël.
Op.Cit.
* 105 Hashimoto
\u27211\u27211'-{{,
Mayumi\u30495\u30495ê^RR\u32654»üüOp.Cit.pP26
* 106 Kluckholn F., Strodtbeck
F., Variations in value orientations, San Fransisco, CA : Row Peterson 1961
* 107 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼éRR, Kazuo\u21644\u21644aïvv
Op.Cit.
* 108 Equilbey, Noël
Op.Cit.
* 109 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼\u23665\u23665éR,
Kazuo\u21644\u21644a\u22827\u22827ïv. Op.Cit.
* 110 Bien que l'interview de
Monsieur A. se soit déroulé en français, les mots exacts
étaient en japonais :
\u20449\u20449êMpp\u12373\u12428êÄEcentscents\u12427é(c)é(c)çBçB(Shinyô
sareteiru kara)
* 111 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼\u23665\u23665éR,
Kazuo\u21644\u21644a\u22827\u22827ïvOp.Cit.
* 112 Trompenaars, Fons et ,
Charles Hampden-Turner. Op.Cit.
* 113 Tiré du cours du
Professeur Peter Firkola - Japanese Management 2007-2008.
* 114 En Japonais :
\u12362\u12362·«yy\u29987éYY, un souvenir que les japonais
rapportent à leur familleurs, leurs amis et collègues lorsqu'ils
partent en voyage.
* 115
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit.p 162
* 116 Bizan est un restaurant
Japonais de Paris, dans le quartier Saint Anne, réputé pour une
cuisine très fine et onéreuse.
* 117 Nishiyama
\u-30337\u-30337ê¼éRR, Kazuo\u21644\u21644aïvv.
Op.Cit.
* 118 Kluckholn Clyde,
Strodtbeck Fred L., Op.Cit.
* 119 Selon le droit
français, depuis décembre 2008, les employés qui acceptent
de travailler un dimanche bénéficient d'un salaire doublé
et d'un repos compensateur.
* 120 Equilbey, Noël.
Op.Cit.
* 121
Nakane\u20013\u20013'ç,
Chie\u21315\u21315êçé}}Op.Cit. P160
* 122 "Sakamoto Takashi -
\u22338\u22338çâ-{{\u23389çFF."
Fresheye\u12506\u12506ÉyÉff\u12451ÉBB\u12450ÉAA.
10 Jun 2009
<http://wkp.fresheye.com/wikipedia/%E5%9D%82%E6%9C%AC%E5%AD%9D?site=BLK002&furl=http%3A%2F%2Ftalent.yahoo.co.jp%2Fpf%2Fdetail%2Fpp242356&ftitle=%E5%9D%82%E6%9C%AC%E5%AD%9D>.
* 123 Meir, Olivier.
Op.Cit.P55
* 124 Turner, David.
«Japan tries to cut hours for overworked salarymen» 16 Juin 2006.
The Financial Times.
* 125 Issu du "Japan Labor
Standards Act.", Code du travail Japonais.
* 126 Citation tirée
des séminaires de Yatabe Kazuhiko, Sociologie du Japon
contemporain 2ème semestre 2008
* 127 En Japonais :
\u12501\u12501ÉtÉ[[É^^\u12540[[, terme utilisé pour
désigner les travailleurs qui changent de travail très souvent,
ne trouvant satisfaction dans aucun.
* 128 Terme utilisé
pour désigner les travailleurs dont le revenu est trop bas pour assurer
un niveau de vie décent. Traduisible en : travailleur pauvres.
* 129 Source : "Au Japon,
les suicides se multiplient à cause de la crise économique."
Le monde. 28 mai 2009
<http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2009/05/28/au-japon-les-suicides-se-multiplient-a-cause-de-la-crise-economique_1199294_3216.html>.
* 130 Source : "Japan -
People." CIA - The world factbook. 5 Jun 2009
<https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ja.html#People>.
* 131 Meier, Olivier.
Op.Cit. p54
* 132 Equivalent d'une SARL
(Société à Responsabilité Limitée) où
les responsabilité et profits ne vont pas directement au patron mais
sont partagés au sein de l'organisation.
* 133 Il voulait tres
probablement dire
\u12501\u12501ÉtÉ%oÉ«%o«ÉXX
* 134 L'interview
s'étant fait dans le sous sol de BOOKOFF Quatre Septembre, quand il fait
allusion à « l'autre boutique » il
réfère à la boutique de BOOKOFF Opéra, et quand il
fait allusion à « cette boutique », il
réfère à BOOKOFF Quatre Septembre.
* 135
« 1000m² » a été prononcé en
Français.
* 136 Des rumeurs courent
à ce sujet. Apparemment les deux dernières employées de
BOOKOFF seraient destinées à ce prochain magasin qui serait
implanté à Bastille.