CHAPITRE IV : INTERPRETATION DES RESULTATS
IV-1 : L'inégalité sociale et
l'orientation des étudiants dans
les BTS
La volonté des autorités de favoriser
l'accès de tous à l'enseignement supérieur voit ses
limites dans les inégalités qui perdurent. Si les enfants des
pauvres ont plus de chance aujourd'hui que par le passé
d'accéder à l'enseignement supérieur, il n'empêche
que les disparités existent entre les parcours de formations, qui
dépendent du sexe, de l'âge et des origines sociales. D'aucun se
sont alors interrogés sur la démocratisation de l'enseignement.
C'est dans cette optique que l'historien PROST A. (1986) distingue la
démocratisation quantitative de la démocratisation qualitative.
Pour lui la démocratisation quantitative se confond la massification ou
au populisme de l'enseignement utilisés par d'autres auteurs pour
exprimer l'accès de tous à l'enseignement et à la
formation. Et c'est à elle que répondent les programmes et les
dispositifs pris par les autorités togolaises pour favoriser
l'accès tant des filles, que des garçons, des enfants des pauvres
que des enfants des riches, des enfants des instruits que des enfants des
analphabètes, et des enfants de village que des enfants des villes
à l'enseignement et à la formation. Quand à la
démocratisation qualitative, elle consiste à favoriser la
réussite de tous selon les orientations correspondant aux aspirations et
aux compétences des individus. Les inégalités que nous
observons aujourd'hui dans l'orientation (Tableau 2)
et dans la réussite des étudiants sont les expressions de
l'absence de cette démocratisation qualitative de l'enseignement et de
la formation. Dans cette étude, malgré la massification des
nouveaux bacheliers dans les premiers cycles de l'université, les
échecs et les abandons sont notoires (Tableau
6) surtout au niveau des filles. L'échec au cours des
premières années d'université relève aussi du
social. Il met en exergue une certaine incohérence entre une politique
d'éducation qui veut l'accès libre des bacheliers à
l'enseignement supérieur, et le manque d'orientation efficace dans les
différentes filières de cet enseignement. Pour ROMAINVILLE M.
(2000), c'est « l'hiérarchie implicite des
filières, des sections et des établissements qui à permis
à l'école de concilier cet accès massif avec sa fonction
classique de reproduction des hiérarchies sociales ».
Dans les écoles de BTS au Togo, près de 56% des étudiants
sont des filles. Et parmi les étudiants ayant fait l'université
avant de se réorienter, environ 69% des étudiants de notre
échantillon, 57% sont des filles. Cette réorientation sexiste
s'explique par la progression annuelle du nombre de bachelières et les
échecs qu'elles connaissent à l'université. En effet
l'étude des inégalités selon le sexe dans l'enseignement
supérieur au Togo indique que l'indice de parité a
évolué très rapidement depuis les années 2000. Il a
évolué de 0,79 en 2000 à 1,03 en 2005. Ce qui exprime la
supériorité en nombre de filles que connait l'université
au Togo. Cependant la féminisation des effectifs n'a pas effacé
les différences d'orientation entre filles et garçons. Les filles
sont plus représentées dans les filières qui correspondent
à des métiers réputés féminins comme
Secrétariat de direction, Secrétariat commercial bilingue,
Assurance, Action commerciale et force de vente et Communication des
entreprises.
Par ailleurs les abandons et les échecs des
étudiants de l'université qui se réorientent vers les BTS,
sont aussi mis en lumière par leurs origines sociales. Ici,
contrairement aux théories qui expliquent les échecs scolaires
par l'origine sociale défavorable, les étudiants qui se sont
réorientés vers les BTS ont des conditions sociales moyennement
favorables (Tableau 3). Le statut socioprofessionnel
des parents de ces étudiants est favorable à la réussite
à l'université. Ils sont issus des familles intellectuelles
(Tableau 1). Près de 45% de ces
étudiants ont des parents qui ont fait l'enseignement supérieur,
et parmi ces derniers 53% ont des parents fonctionnaires. Pour la plupart de
ces étudiants, la situation professionnelle et sociale des parents sert
de modèle et de référence. Qu'est-ce qui explique alors
l'échec de ces étudiants à l'université ?
L'insatisfaction qu'ils expriment à l'entrée d'université
était très grande et révélatrice de leur
démotivation qui les sépare de la formation de
l'université. Ils ont souvent abandonné très tôt
dès les premiers échecs. Insatisfaits de leurs échecs et
démotivés par les conditions d'étude défavorables
de l'université (Graphique 1-4), tous les
jeunes qui échouent au DEUG ne sortent pas immédiatement du
système de formation supérieure. Les réorientations sont
multiples. Face aux nouvelles filières de formation des BTS et les
écoles de formation professionnelle de l'université, ces
`'ratés'' de l'enseignement général se donnent une
nouvelle chance. D'autres part, l'âge de la majorité des jeunes
(64% des enquêtés) qui sortent de l'université sans DEUG
varie entre 15 et 25 ans (Tableau 4). Ce qui
témoigne de leur durée de séjour très
réduite à l'université. Celle-ci dépend aussi de
l'âge d'obtention du baccalauréat. Mais leur durée de
séjour à l'université varie entre 1 et 3 ans. Ainsi ces
jeunes qui sortent de l'université accusent des variances d'âge et
de durée d'étude très limitées. Pourtant nous
remarquons qu'ils sont pressés d'entrer dans la vie professionnelle,
alors que l'âge et la durée d'étude jouent de
manière déterminante sur les conditions d'insertion
professionnelle.
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