Le christ comme médiateur du salut, essai d'herméneutique africaine du message chrétien à la lumière de la christologie de karl Rahner( Télécharger le fichier original )par Thomas RAINCHOU Grand séminaire notre dame de l'espérance de Bertoua - Attestation de fin d'étude de théologie 2006 |
1.3. UNIVERSALITE DE LA MEDIATION DU CHRISTL'universalité de la médiation du Christ s'appuie sur la réalité même du Christ. Elle s'exprime dans son Incarnation et dans tous les événements de sa vie : sa mort, sa résurrection et sa glorification. 1.3.1. La réalité du Christ, médiateur du salutD'après le témoignage biblique, la médiation absolue du Christ dans l'oeuvre du salut s'enracine aussi bien dans le dynamisme messianique de l'Ancien Testament que dans l'Enseignement même de Jésus. La problématique de la médiation du Christ dans la christologie de Karl Rahner s'inscrit dans l'approche ontologique et ontique de la personne du Christ, une approche qui reconsidère dans toute sa porté la formulation dogmatique de l'union hypostatique61(*) pour en dégager le sens propre et poser ainsi le Christ comme ``Celui qui apporte absolument le salut''. Selon Rahner, la particularité de la définition chalcédonienne de l'union en la personne du Christ, de deux natures (divine et humaine) est de mettre en lumière chacune des natures dans son originalité propre. Mais, pense-t-il, cette définition ne permet pas de saisir au sens le plus fort le rôle médiateur du Christ qui , en réalité, ne peut apparaître que si l'on sauvegarde l'authenticité et l'autonomie de la nature humaine de Jésus62(*). Ceci n'est possible que si l'unité entre les deux natures est exprimée comme étant une unité unissante (par opposition à une unité unie), c'est-à-dire une unité qui fait exister et, par là, a une richesse de contenu faisant de l'humain « un moment intérieur de l'unité dans lequel unité et différence se conditionnent et se renforcent sans se faire concurrence. »63(*) Une telle unité n'est pas postérieure à la différence tel qu'on l'entrevoit dans la formule dogmatique, mais au contraire, elle la constitue. Dès lors, affirmer la médiation du Christ, c'est montrer la crédibilité de son union hypostatique. Pour Karl Rahner, la médiation absolue du Christ vient à expression lorsque l'on a démontré non seulement la possibilité a priori de l'idée d'un Homme-Dieu, mais aussi « la possibilité transcendantale qu'a l'homme de pouvoir simplement entendre quelque chose comme un message qui porterait sur l'Homme-Dieu dans son unité »64(*). Notre auteur pense que loin d'être une mythologie, l'idée d'un Homme-Dieu est une possibilité qu'on découvre dans l'expérience transcendantale, et donc peut et doit être reçue comme telle par l'homme. En effet, il y a une certaine unité de l'esprit et de la matière en nous au point où dans un mouvement d'autotranscendance, nous nous dépassons toujours en nous rapprochant absolument du mystère de Dieu. Ce mouvement d'autotranscendance n'est raisonnable et possible que dans la mesure où il s'enracine dans la réalité de l'Homme-Dieu et cette dernière doit nécessairement être son point de départ. Elle est donc de fait recevable par l'esprit de l'homme et on peut affirmer que « l'homme est l'être qui peut croire au Christ du dogme christologique »65(*). Puisque les conditions de possibilité d'une réalité s'énoncent lorsqu'on l'a rencontrée concrètement, la tâche théologique qui suit est celle qui doit montrer qu'en Jésus de Nazareth, s'applique absolument la réalité d'Homme-Dieu, Celui qui apporte absolument le salut. Dans l'expérience de la transcendance on voit que la nature de l'homme, dotée de la capacité intérieure à se transcender elle-même, ouvre la porte à l'idée d'un Homme-Dieu. Il faudrait maintenant montrer qu'en Jésus de Nazareth, une telle possibilité est devenue réalité. Pour Rahner en effet, nulle part ailleurs dans l'histoire qui s'écrit au grand jour, si ce n'est Jésus, on n'a trouvé un homme qui prétende être le lieu où se réalise une telle idée. Son Incarnation, sa mort et sa Résurrection, donnent non seulement la garantie que peut exiger la réalité de l'Homme-Dieu mais aussi le « courage d'élever une prétention pareille »66(*). La situation de partenariat avec Dieu que nous découvrons dans l'expérience de la transcendance « atteint en Jésus, dès le début de son existence, un degré radical, que la face humaine de son être appartient à Dieu à un titre unique (...). L'humanité de Jésus est en effet l'expression que Dieu se donne de lui-même hors de lui-même »67(*). On peut donc affirmer que Jésus est Celui qui apporte absolument le salut, dans la mesure où il concrétise et rend visible l'autocommunication absolue de Dieu pour tous, l'amène à son but et le montre comme irrévocable. Karl Rahner parle alors de Jésus comme de Celui « qui forme le point culminant de l'autocommunication divine au monde »68(*). Il reconnaît que la démarche qui conduit à cette conclusion doit être classée dans la christologie transcendantale69(*), dans la mesure où elle part d'une Anthropologie où l'homme est compris comme nécessairement orienté vers le mystère incompréhensible qu'est Dieu, mystère qui se communique et fait en sorte que l'homme, fini, participe de l'infini. Il reconnaît aussi cette autocommunication de Dieu comme nécessairement médiatisée historiquement en un homme qui, « d'un côté, renonce dans la mort à tout avenir intramondain, et d'un autre côté, se montre dans cet accueil de la mort comme définitivement accueillit par Dieu »70(*). Une démarche beaucoup plus historique de la christologie devra alors montrer à travers les événements capitaux de l'existence terrestre de Jésus comment cette « causalité sotériologique » est définitivement actualisée. * 61 La formule dogmatique de l'union hypostatique a été définie de façon solennelle au Concile de Chalcédoine en 451. Elle stipule qu'il faut confesser un seul et même Christ, Fils, Seigneur, Monogène, reconnu en deux natures sans confusion ni changement, sans distinction ni séparation, la différence des natures n'étant nullement supprimée par l'union mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures restant sauves, et se rencontrant en une seule personne et en une seule hypostase, non pas partagée ou divisée en deux personnes, mais un seul et même Fils, Monogène, Dieu Verbe, seigneur, Jésus-Christ (Cf. B. SESBOUE, Jésus-Christ dans la Tradition de l'Eglise, pour une actualisation de la théologie de Chalcédoine, Paris, Desclée, 2000, p117). * 62 Cf. J.-L. SOULETIE, Op. cit., p. 128. * 63 K. RAHNER, « Problèmes actuels de christologie », dans ETI, p 159. * 64 TFF, p. 205. * 65 K. RAHNER, « Problèmes actuels de christologie », dans ETI, p. 162. * 66 EPAC, p. 36. * 67 Ibidem, p. 36. * 68 TFF, p. 323. * 69 Cf. Ibidem, pp. 238-239. * 70 Ibidem, p. 240. |
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